M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l’état
Article 1er
À titre expérimental, pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’État et ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements peuvent conclure des contrats de performance énergétique dérogeant aux articles L. 2191-2 à L. 2191-8 du code de la commande publique, sous la forme d’un marché global de performance mentionné à l’article L. 2171-3 du même code, pour la rénovation énergétique d’un ou de plusieurs de leurs bâtiments. Lorsque le contrat conclu en application du présent article porte sur plusieurs bâtiments, les résultats des actions de performance énergétique sont suivis de manière séparée pour chaque bâtiment.
Les contrats mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent être conclus pour la prise en charge des travaux prévue au dernier alinéa de l’article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales.
Pour le calcul de la rémunération du titulaire, le marché global de performance précise les conditions dans lesquelles sont pris en compte et identifiés :
1° Les coûts d’investissement, notamment les coûts d’étude et de conception, les coûts de construction, les coûts annexes à la construction et les frais financiers intercalaires ;
2° Les coûts de fonctionnement, notamment les coûts d’entretien, de maintenance et de renouvellement des ouvrages et des équipements ;
3° Les coûts de financement ;
4° Le cas échéant, les revenus issus de l’exercice d’activités annexes ou de la valorisation du domaine.
Par dérogation aux articles L. 2193-10 à L. 2193-13 du code de la commande publique, le sous-traitant direct du titulaire du marché global de performance est payé, pour la part du marché dont il assure l’exécution, dans les conditions prévues au titre III de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.
Pour l’application des articles L. 2313-1, L. 3313-1, L. 3661-15, L. 4313-2, L. 4425-18, L. 5217-10-14, L. 71-111-14 et L. 72-101-14 du code général des collectivités territoriales, les documents budgétaires sont accompagnés :
a) D’une annexe retraçant l’ensemble des engagements financiers de la collectivité territoriale ou de l’établissement public résultant des contrats de performance énergétique signés dans les conditions prévues au présent article ;
b) D’une annexe retraçant la dette liée à la part d’investissements de ces contrats.
Article 1er bis
I. – Le présent article est applicable aux marchés globaux de performance conclus en application de l’article 1er.
II. – Un marché global de performance peut être conclu pour la réalisation d’une opération répondant aux besoins d’une autre personne morale de droit public ou de droit privé en vue de l’exercice de ses missions. Dans ce cas, une convention est signée entre l’acheteur et la personne morale pour les besoins de laquelle le marché global de performance est conclu.
III. – Lorsque la réalisation d’un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs acheteurs, ces derniers peuvent désigner par convention celui d’entre eux qui conduira la procédure de passation et, éventuellement, signera le contrat et en suivra l’exécution. Le cas échéant, cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme.
IV. – Avant de décider de recourir à un marché global de performance, l’acheteur procède à une étude préalable ayant pour objet de démontrer l’intérêt du recours à un tel contrat. La procédure de passation de ce marché ne peut être engagée que si cette étude préalable démontre que le recours à un tel contrat est plus favorable que le recours à d’autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique. Le critère du paiement différé ne peut à lui seul constituer un avantage.
Cette étude préalable est soumise pour avis à l’organisme expert mentionné à l’article L. 2212-2 du code de la commande publique.
Les modalités d’application du présent IV sont déterminées par décret en Conseil d’État.
V. – Avant de décider de recourir à un marché global de performance, l’acheteur réalise une étude de soutenabilité budgétaire, qui apprécie notamment les conséquences du contrat sur les finances publiques et la disponibilité des crédits. Cette étude est soumise pour avis au service de l’État compétent.
Lorsque le marché global de performance est conclu pour les besoins de plusieurs personnes morales, l’étude de soutenabilité budgétaire précise les engagements financiers supportés par chacune d’elles.
VI. – Pour les marchés globaux de performance conclus par l’État et ses établissements publics, le lancement de la procédure de passation est soumis à l’autorisation des autorités administratives compétentes, dans des conditions fixées par voie réglementaire.
VII. – Pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, l’étude préalable, l’étude de soutenabilité budgétaire et les avis sur celles-ci sont présentés à l’assemblée délibérante ou à l’organe délibérant, qui se prononce sur le principe du recours à un marché global de performance.
VIII. – Pour les autres acheteurs, l’étude préalable, l’étude de soutenabilité budgétaire et les avis sur celles-ci sont présentés à l’organe décisionnel, qui se prononce sur le principe du recours à un marché global de performance.
IX. – L’acheteur peut prévoir que les modalités de financement indiquées dans l’offre finale présentent un caractère ajustable.
Ces ajustements ne peuvent avoir pour effet de remettre en cause les conditions de mise en concurrence en exonérant l’acheteur de l’obligation de respecter le principe du choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ni de permettre au titulaire pressenti de bouleverser l’économie de son offre.
L’ajustement de l’offre ne porte que sur la composante financière du coût global du contrat et est seulement fondé sur la variation des modalités de financement, à l’exclusion de tout autre élément.
X. – Le soumissionnaire auquel il est envisagé d’attribuer le marché global de performance présente le financement définitif dans un délai fixé par l’acheteur. À défaut, le marché global de performance ne peut lui être attribué et le soumissionnaire dont l’offre a été classée immédiatement après la sienne peut être sollicité pour présenter le financement définitif de son offre dans le même délai.
XI. – (Supprimé)
XII. – Les autorités administratives compétentes autorisent la signature des marchés globaux de performance par l’État et ses établissements publics, dans des conditions fixées par voie réglementaire.
XIII. – L’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou l’organe délibérant de l’établissement public local autorise la signature du marché global de performance par l’organe exécutif.
XIV. – L’organe décisionnel des autres acheteurs autorise la signature du marché global de performance.
XIV bis (nouveau). – La durée du marché global de performance est déterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues.
XV. – Une fois signés, les marchés globaux de performance et leurs annexes sont communiqués à l’organisme expert mentionné à l’article L. 2212-2 du code de la commande publique. Les informations et documents communiqués ne sont utilisés qu’à des fins de recensement et d’analyse économique.
XVI. – En cas d’annulation ou de résiliation du marché global de performance par le juge faisant suite au recours d’un tiers, le titulaire peut prétendre à l’indemnisation des dépenses qu’il a engagées conformément au contrat dès lors qu’elles ont été utiles à l’acheteur.
XVII. – Parmi les dépenses mentionnées au XVI du présent article, figurent, s’il y a lieu, les frais liés au financement mis en place dans le cadre de l’exécution du marché, y compris, le cas échéant, les coûts pour le titulaire afférents aux instruments de financement et résultant de la fin anticipée du contrat.
La prise en compte des frais liés au financement est subordonnée à la mention, dans les annexes au marché global de performance, des principales caractéristiques des financements à mettre en place pour les besoins de l’exécution du marché.
XVIII. – Lorsqu’une clause du marché global de performance fixe les modalités d’indemnisation du titulaire en cas d’annulation ou de résiliation du contrat par le juge, elle est réputée divisible des autres stipulations du contrat.
XIX. – La rémunération due par l’acheteur dans le cadre du marché global de performance peut être cédée conformément aux articles L. 313-29-1 et L. 313-29-2 du code monétaire et financier.
Article 2
L’expérimentation prévue à l’article 1er fait l’objet d’un suivi et d’une évaluation par le Gouvernement, qui remet au Parlement, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les contrats conclus en application du même article 1er. Ce rapport est mis à jour et à nouveau transmis au Parlement, au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation.
Ce rapport examine notamment :
1° A Le nombre et la destination des bâtiments publics ayant fait l’objet de travaux de rénovation énergétique par le recours à ces contrats ;
1° B Les économies d’énergie réalisées du fait des travaux de rénovation énergétique effectués dans le cadre de ces contrats ;
1 °C L’atteinte des objectifs chiffrés de performance énergétique définis dans ces contrats ;
1° La qualité et la quantité de la sous-traitance dans ces contrats ;
1° bis L’accès à ces contrats par catégorie d’entreprises au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ;
1° ter Le recours à ces contrats par catégorie de collectivités territoriales, notamment par les communes de moins de 3 500 habitants ayant eu recours à la mutualisation de plusieurs opérations entre différentes communes ;
2° La participation des usagers du service public en lien avec les bâtiments publics faisant l’objet des contrats conclus en application de l’article 1er, au stade de leur passation comme de leur exécution ;
3° L’association des agents du service public en lien avec les bâtiments publics faisant l’objet de ces contrats, au stade de leur passation comme de leur exécution ;
4° L’accompagnement des acheteurs publics, en particulier les collectivités territoriales et les établissements publics de santé, notamment pour la passation et l’exécution de ces contrats ;
5° Les conséquences budgétaires desdits contrats sur les finances des acheteurs publics concernés.
Article 2 bis
Le dernier alinéa de l’article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après la première occurrence du mot : « membres, », sont insérés les mots : « des études et » ;
1° bis À la deuxième phrase, après le mot : « ces », sont insérés les mots : « études et de ces » ;
2° La dernière phrase est ainsi rédigée : « À cette fin, des conventions sont conclues avec les membres bénéficiaires. »
Article 2 ter
La présente loi est applicable, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, aux contrats de performance énergétique conclus sous la forme d’un marché global de performance, pour la rénovation énergétique d’un ou de plusieurs de leurs bâtiments, par l’État ou ses établissements publics, sous réserve des compétences dévolues à ces collectivités.
M. le président. Sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a précisé Michelle Gréaume lors de l’explication de vote sur ce texte en première lecture, nous sommes très attachés aux débats autour de la transition écologique, tout comme, je l’imagine, chacun d’entre nous ici.
Aujourd’hui, on le sait, les dépenses en fluides représentent une part importante du budget de nos collectivités, surtout dans un contexte marqué par une crise de l’énergie couplée à une inflation galopante.
Les bâtiments publics qui font la force et l’image de notre service public dans nos territoires doivent répondre aux enjeux du développement durable. Ils représentent près de 400 millions de mètres carrés, dont les trois quarts relèvent de la compétence directe des collectivités territoriales.
Chaque année, l’énergie pour chauffer des équipements ou des bâtiments représente 2,6 % de la consommation finale d’énergie du pays.
Je viens de le dire, ce sont 400 millions de mètres carrés qu’il faut rénover. Encore une fois, nous saluons l’initiative qui est prise, mais nous restons dubitatifs sur l’effet de levier que l’on espère de cette loi : faire reposer les financements sur les économies d’énergie qui résulteront des travaux.
Nous reconnaissons volontiers que cette proposition de loi semble un outil adapté pour accompagner la rénovation énergétique, notamment pour permettre à des communes, surtout dans les secteurs ruraux, de lever les freins à certains investissements.
Lors de la commission mixte paritaire, les sujets sur lesquels nous avions eu des réticences et des interrogations n’ont pas été débattus : je pense notamment aux dépenses nécessaires et indispensables pour la mise aux normes des réseaux électriques, la sécurité, les systèmes anti-incendie, ou encore les normes d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite (PMR).
Je pense aussi à la question de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur du bâtiment et à la nécessité d’envoyer des ouvriers en formation, ainsi qu’à l’impact de cette loi sur les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME). Nous n’avons pas eu d’éclaircissements sur ces sujets lors de la commission mixte paritaire et nous le regrettons.
À l’heure où les collectivités débattent de leur budget et le votent, beaucoup d’élus ont dû faire des choix concernant des projets de rénovation ou de construction, sans réelle visibilité ni horizon clair. Nous ne pouvons donc crier victoire avec cette proposition de loi.
Les collectivités doivent faire ces choix à un moment où la crise sociale et la crise de l’énergie mettent sérieusement en difficulté les finances locales, un sujet qu’il est difficile de ne pas évoquer ! Contrairement à l’État, elles doivent présenter, vous le savez, un budget à l’équilibre.
Madame la rapporteure, vous l’avez rappelé, lors de la commission paritaire mixte, notre abstention était bienveillante. Nous réitérons ce vote : le groupe CRCE s’abstiendra sur cette proposition de loi.
Nous resterons très attentifs au suivi et à l’évaluation de la mise en œuvre du texte, afin d’ajuster, si nécessaire, notre position sur le sujet.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.
Nous nous félicitons que la CMP soit parvenue à un accord et que sa version soit presque identique à celle qui a été adoptée par le Sénat le 16 février dernier. Nous avions alors voté en faveur de ce texte à l’unanimité, exception faite de l’abstention, tout de même bienveillante, de nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Au travers de ce texte, nous faisons face à l’immense défi de la transition énergétique des bâtiments publics, ainsi qu’à celui de son financement. Nous nous félicitons qu’un tel sujet puisse faire l’objet d’un compromis entre nos deux chambres.
Le respect de nos objectifs ambitieux, inscrits dans la loi en 2009 et en 2018, suppose de dégager pas moins de 400 milliards d’euros d’ici à 2050. Le défi est considérable. Il nous faudra mobiliser des ressources supplémentaires en quantité pour accomplir nos desseins en matière climatique, mais aussi pour améliorer les conditions d’accueil des usagers et des agents du service public, et, ainsi, réduire les factures énergétiques des collectivités, en particulier celles qui sont relatives aux bâtiments scolaires.
Nul besoin de vous rappeler, mes chers collègues, l’ensemble des problèmes de financement auxquels sont confrontées les collectivités. C’est à cet enjeu que la présente proposition de loi entend répondre, grâce à un nouvel outil mis au service de la stratégie de transition énergétique des personnes publiques.
Cet outil n’est évidemment pas une solution miracle, mais il n’en demeure pas moins un dispositif complémentaire. Il permettra de faciliter l’accès aux financements aux collectivités, à l’État et à leurs établissements en faisant partiellement reposer les investissements sur les économies d’énergie qui résulteront des travaux de rénovation, le coût initial étant pris en charge par un tiers-financeur.
Concernant le texte en lui-même, cinq articles restaient en discussion et, comme l’a souligné Mme la rapporteure, outre des modifications rédactionnelles, la version que nous examinons maintenant ne diverge de celle du Sénat que sur des points mineurs.
L’article 1er comprend le dispositif central de cette proposition de loi. Je rappelle qu’il a pour objet l’instauration pour cinq ans d’une expérimentation visant à ce que les contrats de performance énergétique conclus sous la forme d’un marché global de performance énergétique, peu employés par les personnes publiques, puissent déroger à certaines dispositions du code de la commande publique.
Nous soutenons cette idée, car c’est une solution pertinente, d’autant qu’elle consiste en une expérimentation, ce qui nous permettra de procéder à une évaluation rigoureuse, puis, éventuellement, d’en corriger les défauts.
En outre, la commission mixte paritaire a retenu la rédaction de cet article assouplie par le Sénat, notamment l’extension ici défendue, particulièrement par notre rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio, que je tiens à saluer, du bénéfice de cette expérimentation aux travaux de rénovation énergétique menés par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et par les syndicats d’énergie pour le compte de leurs membres.
Mes chers collègues, l’ensemble des associations d’élus locaux soutient ce texte, qui leur offre de nouvelles possibilités de financement. Il nous revient de leur adresser ce signal fort en faveur de la transition énergétique. Vous l’aurez compris, nous voterons en faveur des conclusions de la CMP sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui devrait bientôt être adoptée définitivement, arrive à un moment particulièrement opportun, ce qui peut justifier cette nouvelle dérogation aux règles habituelles de la commande publique. En effet, les crises auxquelles l’État et les collectivités doivent faire face sont multiples.
La première crise est écologique. La nécessité d’agir s’impose à tous, notamment aux pouvoirs publics.
L’immobilier et la construction représentent un tiers de la consommation d’énergie et un quart des émissions de dioxyde de carbone en France. Les bâtiments publics y contribuent en grande partie, puisqu’ils représentent 37 % du parc tertiaire national.
Leur rénovation énergétique doit donc faire figure de priorité si le pays veut atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Elle doit aussi permettre aux Français de mieux vivre, dans un pays soumis, comme jamais auparavant, aux aléas climatiques, notamment à des canicules répétées. Cet objectif ambitieux doit être soutenu par des actions concrètes, dès aujourd’hui, et la rénovation thermique en est l’un des piliers.
La deuxième crise est géopolitique. La guerre en Ukraine a fait grimper à des niveaux vertigineux le coût des énergies. Elle remet en question notre modèle d’approvisionnement, et rend plus impérative encore la nécessité de réduire cette dépendance énergétique que nous payons si cher.
La troisième crise, qui découle de la précédente, est économique. Elle a plongé, du fait de l’inflation record, bon nombre de collectivités territoriales dans la difficulté en multipliant leurs factures par deux ou par trois. Elle rend plus que jamais nécessaire la réduction de nombreux postes de dépenses, au premier rang desquels l’énergie.
Pourtant, alors que le bâtiment est responsable de 76 % de la consommation énergétique des communes, les travaux de rénovation sont trop peu mis en œuvre dans le secteur public, probablement parce que le coût d’investissement est trop élevé. En effet, il faudrait dépenser la somme colossale de 500 milliards d’euros d’ici à 2050 pour respecter les obligations de la loi en matière de rénovation énergétique. Cette somme est évidemment impossible à mobiliser pour l’État et pour les collectivités.
Il s’agit donc, au travers de ce texte, de lever l’obstacle financier lié à l’investissement à consentir pour financer la rénovation des bâtiments publics. L’accord trouvé en CMP ne diffère presque pas du texte voté au Sénat, qui avait semblé satisfaisant, au point qu’aucun groupe n’avait voté contre.
La proposition de loi vise donc à autoriser l’État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements au recours au tiers-financement pour des travaux de rénovation énergétique. Ainsi, ils pourraient faire financer par un tiers un programme de changement d’équipement ou une rénovation de bâtiment.
L’opération était jusqu’à présent impossible du fait des règles de la commande publique, qui interdisent tout paiement différé.
Avec le tiers-financement, une fois les travaux terminés, la collectivité reverse au tiers-financeur une forme de loyer dont le montant équivaut aux économies d’énergie consécutives aux équipements installés, sur une période déterminée. Ce mode de financement pourrait permettre aux administrations de réaliser des travaux d’envergure, dont le coût serait lissé dans le temps.
Si nous accueillons toujours favorablement les mesures de simplicité et d’efficacité, nous sommes également vigilants quand il s’agit d’assouplir les règles d’utilisation de l’argent public. Il ne faudrait pas, notamment pour des collectivités dont les finances sont déjà exsangues, contribuer à l’émergence de mauvaises pratiques ou de mauvaises dettes.
La proposition de loi semble répondre à cette inquiétude. D’une part, il est prévu que l’expérimentation se limite à cinq ans ; correctement évaluée, elle nous permettra de voir si ce nouvel outil a été pris en main et s’il n’a pas entraîné de difficultés inattendues. D’autre part, un contrôle accru, notamment avec l’étude de soutenabilité, permettra d’identifier clairement les incidences budgétaires pour chacune des parties prenantes.
Pour conclure, l’accord trouvé en CMP nous offre un compromis satisfaisant et retient l’essentiel des apports du Sénat.
Le texte qui ressortira de notre examen répondra à un devoir d’exemplarité de l’État et des collectivités, à l’heure où l’on en demande beaucoup aux Français pour s’adapter, voire survivre aux différentes crises que j’ai mentionnées plus tôt. Il contribuera à l’atteinte des objectifs ambitieux que la France s’est fixés, tout en améliorant les conditions d’accueil des usagers et les conditions de travail des agents. Enfin, il permettra de réduire les factures d’énergie de l’État et des collectivités tout en réduisant la charge financière des rénovations d’envergure au moment des travaux.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, mes chers collègues, les membres du groupe RDSE apporteront leur voix à cet accord. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Di Folco. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi qui a fait l’objet d’un accord quasi unanime lors de son examen au sein de notre assemblée, il y a quelques semaines.
Je rappelle que le législateur, dès la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite loi Grenelle 1, avait choisi d’assigner des objectifs de réduction de la consommation d’énergie.
Ces objectifs, bien qu’ils n’aient pas été atteints, ont été confirmés et même amplifiés plus récemment, au moment de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan. Les nouvelles cibles imposent désormais une réduction de 60 % de la consommation d’énergie finale des bâtiments publics d’ici au milieu du siècle. Le défi est donc de taille.
Cette politique de réduction de l’empreinte carbone nationale concerne tout particulièrement les collectivités, qui possèdent une bonne partie des 400 millions de mètres carrés du bâti public. Dans de nombreuses communes, notamment rurales, ce foncier est aussi abondant que vieillissant. Pis, dans un contexte de hausse rapide des prix de l’énergie et de tensions budgétaires, effectuer des rénovations d’une telle ampleur est devenu à la fois plus nécessaire et plus délicat.
Les auditions menées par la commission ont d’ailleurs révélé l’ampleur de la problématique, la direction de l’immobilier de l’État (DIE) allant jusqu’à estimer que, sans mobiliser des ressources supplémentaires dédiées, il ne sera pas possible d’atteindre les cibles de réduction pour le secteur public.
En parallèle, les limites des outils juridiques disponibles sont rapidement devenues manifestes.
Les signatures de contrats de performance énergétique (CPE) demeurent rares, sous la forme tant d’un marché global de performance que d’un marché de partenariat de performance énergétique : seuls 380 contrats de ce type ont été conclus entre 2007 et 2021. De manière révélatrice, l’État lui-même n’a eu que très peu recours au CPE : seulement vingt-quatre fois, selon les chiffres dont nous disposons.
Il était donc indispensable d’apporter une réponse. Par conséquent, le Sénat a accueilli favorablement la proposition de loi de nos collègues députés et l’a utilement enrichie suivant les préconisations de notre rapporteure, Mme Eustache-Brinio, dont je salue la qualité du travail.
Toutefois, comme elle l’a souligné à plusieurs reprises, les possibilités offertes par le recours au tiers-financement résultant de la proposition de loi doivent conserver une dimension strictement complémentaire. La politique de rénovation énergétique ne doit pas se limiter à une recherche de fonds privés, sans quoi elle risquerait de contribuer à fragiliser les finances publiques locales.
Ce n’est clairement pas ce que nous souhaitons en assouplissant certaines limites imposées à ces mécanismes de financement.
Pour cette raison, l’évaluation préalable du recours aux marchés globaux de performance énergétique et l’anticipation de leur soutenabilité budgétaire ont particulièrement retenu notre attention. Loin de dénaturer le texte initial, ces préoccupations nous ont permis de construire un texte plus solide.
Face à la convergence d’intentions des députés et des sénateurs autour de ces objectifs, la commission mixte paritaire est parvenue sans difficulté à un accord sur un texte commun. Celui-ci reprend les apports du Sénat, comme l’extension du bénéfice du dispositif aux EPCI et aux syndicats d’énergie, ou encore la transparence renforcée sur les conséquences financières du recours au marché global de performance.
Le compromis obtenu avec le rapporteur de l’Assemblée nationale sur les dispositions relatives à l’analyse de l’intérêt économique effectuée dans l’étude préalable nous semble satisfaisant.
De même, l’ajout en CMP d’un alinéa prévoyant la prise en compte de la « durée d’amortissement des investissements » dans la durée du marché global de performance constitue un apport opportun, qui va dans le sens des remarques formulées au Sénat.
Avant de conclure, je tiens à souligner que, cette proposition de loi créant un dispositif expérimental, il conviendra de mener une évaluation soigneuse, aussi bien après trois ans, par le biais du rapport prévu à l’article 2, qu’au terme de l’expérimentation, dans cinq ans.
Ces évaluations seront essentielles, non seulement pour juger de l’efficacité de la future loi et de ses conséquences potentielles sur la situation financière des acheteurs publics, mais aussi pour observer les progrès effectués dans le sens de la réalisation des objectifs nationaux en matière de performance énergétique.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de la proposition de loi, dans sa rédaction résultant des travaux de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)