M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs est parvenue à l’adoption d’un texte commun. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Il y a des commissions mixtes paritaires conclusives… (Sourires.)

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Dossier législatif : proposition de loi visant à adapter la défense extérieure contre l'incendie à la réalité des territoires ruraux
Article 1er (nouveau)

Défense extérieure contre l’incendie et territoires ruraux

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à adapter la défense extérieure contre l’incendie à la réalité des territoires ruraux, présentée par M. Hervé Maurey, Mme Françoise Gatel et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 262, texte de la commission n° 377, rapport n° 376).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi.

M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi visant à adapter la défense extérieure contre l’incendie à la réalité des territoires ruraux. Je remercie le groupe Union Centriste d’avoir demandé son inscription dans l’espace qui lui est réservé.

Ce texte est le fruit des travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, engagés à la demande du président du Sénat, qui a considéré qu’il n’était pas normal que la quasi-totalité du budget d’investissement d’une commune soit consacrée à la défense extérieure contre l’incendie, quelle que soit l’importance de celle-ci.

Ces travaux, menés avec mon collègue Franck Montaugé, que je salue, ont abouti à la publication au mois de juillet 2021 du rapport d’information Défense extérieure contre lincendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires.

Le 5 janvier 2022 a eu lieu en séance publique un débat sur les conclusions de ce rapport d’information, organisé à la demande de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, présidée Françoise Gatel, également auteur de cette proposition de loi, que je tiens à remercier de son appui tout au long de nos travaux.

Au cours de ce débat, nous avons malheureusement constaté à quel point le Gouvernement n’était pas conscient de la situation et de ses conséquences sur un grand nombre de territoires ruraux. Ce constat nous a conduits à déposer la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Sur notre initiative, l’article 32 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, a prévu que le Gouvernement remette un rapport d’évaluation de l’impact de la défense extérieure contre l’incendie sur les communes avant le 1er juillet 2022.

Si celui-ci n’a pas été formellement remis par le Gouvernement, comme le prévoit la loi, ce qui est quelque peu surprenant, une copie datée de juin 2022 m’en a été transmise récemment, à la demande du cabinet du ministre de l’intérieur. Nous nous félicitons que ce document confirme une très grande partie des conclusions auxquelles Franck Montaugé et moi-même sommes arrivés, même si, curieusement, il a été élaboré sans aucune consultation des maires, mais uniquement à partir de celle des préfets.

Il est tout d’abord nécessaire de rappeler que la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, dite Warsmann, a substitué à la réglementation nationale en matière de défense extérieure contre l’incendie le principe d’une réglementation départementale établie par le préfet en concertation avec les élus locaux, l’objectif étant de mieux répondre aux spécificités des différents territoires que ne peut le faire une réglementation nationale.

Comme le souligne l’excellent rapport de notre collègue Loïc Hervé, au nom de la commission des lois, que je tiens à remercier de la qualité de nos échanges et de son travail, cette réforme était attendue de longue date par les élus et les parlementaires. Malheureusement, près de douze ans après son adoption, force est de constater que cette loi n’a pas répondu à leurs attentes et à la volonté du législateur quant à l’adaptation des règles à la réalité des territoires.

Au contraire, elle a provoqué dans un certain nombre de départements un fort mécontentement des maires, qui résulte de la mise en application très inégale et, souvent, très insatisfaisante de la concertation prévue par le décret de 2015. Selon l’enquête que nous avons menée, 70 % des maires estiment en effet que la concertation n’a pas été satisfaisante.

Un autre aspect insatisfaisant de la réforme est l’absence d’évaluation de la mise en œuvre à l’échelon local des règles de défense extérieure contre l’incendie. Celles-ci ont pu, en effet, être élaborées sans considération de leurs conséquences, notamment financières, pour les communes chargées de leur application.

Il en résulte que ces règlements ne répondent pas toujours, ou insuffisamment, aux spécificités infradépartementales et ne sont pas proportionnés à la réalité des risques.

Dans le département de l’Eure, que j’ai l’honneur de représenter, cela a conduit à édicter une règle particulièrement stricte d’une distance de deux cents mètres entre les habitations et l’installation d’un point d’eau incendie sur l’ensemble du territoire, en zone urbaine comme en zone rurale, alors que le risque en matière de propagation n’est évidemment pas le même.

Comme l’indique le rapport du Gouvernement, « il n’est pas concevable de demander à des communes peu peuplées de disposer d’une couverture de défense extérieure contre l’incendie (Deci) identique à celle des communes urbaines ». Pourtant, cela peut être le cas – je sais de quoi je parle !

Le rapport va plus loin, en indiquant que ces règlements devraient même envisager l’absence de couverture plutôt qu’« une Deci coûteuse et pénalisante pour assurer la couverture incendie d’un bâti à risque très faible ».

Ces règles disproportionnées ont des conséquences particulièrement préjudiciables sur les finances des communes. Ce sont en effet parfois des investissements de plusieurs centaines de milliers d’euros qui sont nécessaires pour de toutes petites communes. (M Claude Kern acquiesce.)

M. Hervé Maurey. Je citerai l’exemple de la commune des Bottereaux dans l’Eure, qui compte 380 habitants et dispose d’un budget d’investissement de 210 000 euros. Le coût des travaux de mise aux normes sur son territoire a été estimé à 3,6 millions d’euros.

Le rapport du Gouvernement rejoint ce constat en indiquant que « la récurrence des sinistres en zone rurale est de faible intensité et les investissements demandés aux maires paraissent souvent disproportionnés par rapport aux finances de leurs collectivités ». Je ne saurais mieux dire…

Pour financer ces dépenses de mise en conformité, les maires sont donc contraints de renoncer à des investissements importants pour la population sur lesquels ils s’étaient engagés lors des élections municipales. De surcroît, ces investissements bénéficieraient davantage aux entreprises locales que des bornes ou des bâches incendie.

Cette situation conduit de nombreux maires à devoir refuser toute autorisation d’urbanisme, enclenchant ainsi un cercle vicieux de baisse de population, donc de ressources et de fermeture de classes.

Si certains préfets, conscients des difficultés, ont modifié leur règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie (RDDECI) pour tenir compte des attentes des élus – cela s’est produit deux fois en Seine-Maritime –, ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Une réponse législative pour remédier à cette situation est donc nécessaire.

C’est le sens de la proposition de loi que nous examinons. Elle a été enrichie par le travail du rapporteur et de la commission des lois.

Ainsi, le règlement deviendra un volet du schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (Sdacr) pour renforcer encore la nécessaire articulation entre couverture des risques et moyens de lutte contre les incendies mis à disposition du service départemental d’incendie et de secours (Sdis).

La consultation des élus dans le cadre de l’élaboration du règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie sera renforcée et élargie. Le préfet devra ainsi recueillir l’avis des communes et des intercommunalités compétentes en matière de défense extérieure contre l’incendie et prendre en compte ces avis.

Une évaluation préalable de l’application du règlement dans le département permettant d’objectiver les difficultés devra être faite.

Par ailleurs, ce document n’ayant pas vocation à être « figé », pour reprendre l’expression du rapport du Gouvernement, il me semble nécessaire que ces règlements puissent être modifiés à l’issue du vote de cette proposition de loi, s’ils n’ont pas été révisés au cours des cinq dernières années.

Cette clause de revoyure doit permettre d’intégrer de bonnes pratiques, ainsi que l’évolution des techniques et des risques, notamment sous l’effet des dérèglements climatiques.

Elle devra également permettre l’édiction de règles qui devront respecter plusieurs principes indispensables. Il s’agit, premièrement, de l’adaptation aux spécificités du territoire et je proposerai de préciser que les règles doivent avoir un caractère infradépartemental, deuxièmement, du nécessaire équilibre et de la complémentarité entre les moyens des communes et des Sdis, troisièmement, de la prise en compte de l’impact budgétaire et financier de ces règles sur les finances communales.

Comme l’indique le rapport du Gouvernement, la fixation de ces règles en fonction du matériel et des ressources des Sdis, malheureusement trop souvent observée, ne peut constituer une « règle absolue ».

Le règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie ne doit pas être la variable d’ajustement des moyens des Sdis, mais doit prendre en compte la « nécessité d’éviter de faire peser des investissements hors de proportion sur les budgets des collectivités », pour citer une fois encore le rapport du Gouvernement.

Enfin, ce texte proposera l’institution d’une commission départementale chargée du suivi de l’application de ces règlements. Il s’agira d’inscrire dans la loi la création de cette instance, que le ministre de l’intérieur m’a indiqué appeler de ses vœux, dans un courrier qu’il m’a adressé.

Cette instance sera composée de maires et présidée par l’un d’entre eux. Elle sera chargée de l’évaluation de la mise en œuvre des règles en la matière et de leurs conséquences en matière budgétaire, d’urbanisme et de développement économique. Cette commission pourra notamment proposer au préfet toute modification du règlement qui lui semblera nécessaire.

Tels sont, mes chers collègues, les éléments dont je souhaitais vous faire part en vous présentant cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’enjeu de cette proposition de loi pourrait se résumer à la question de savoir si la défense contre l’incendie est un sujet suffisamment grave pour qu’il ne soit confié qu’à ceux qui ont la maîtrise de l’art. En réalité, la réflexion que nous allons conduire cet après-midi tourne autour de cette seule question.

Cette proposition de loi entend répondre à un problème lancinant, que les communes, notamment rurales, ne connaissent que trop bien : l’exercice particulièrement complexe de leurs missions en matière de défense extérieure contre l’incendie.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Les difficultés en la matière sont connues de longue date et par nous tous. La consultation du répertoire des questions écrites de nos collègues députés et de nous-mêmes, au Sénat, corrobore le sentiment d’un État historiquement velléitaire en la matière : de sollicitations restées lettre morte en promesses de réformes non tenues, le sujet a longtemps constitué un « irritant » pour les maires en zone rurale.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Si aujourd’hui la passivité et l’inertie de l’État en la matière ne semblent plus de mise, nous le devons tout particulièrement à notre collègue Hervé Maurey, très mobilisé et de manière constante pour la défense des intérêts des communes rurales sur ce sujet, auteur avec Franck Montaugé d’un rapport d’information en 2021 et auteur de la proposition de loi qu’il nous revient désormais d’examiner.

Le cadre juridique applicable à ces missions a pourtant été largement révisé par la loi Warsmann de 2011. Pour mémoire, ce cadre prévoit l’équivalent d’une hiérarchie des normes entre plusieurs documents dont le RDDECI constitue le nœud : ces règlements départementaux, établis en concertation avec les maires et arrêtés par le préfet de département après avis du conseil d’administration du Sdis (Casdis), doivent tenir compte d’un référentiel national, le RNDECI, et s’imposent aux communes, dont les arrêtés et les éventuels schémas en matière de Deci doivent être conformes au règlement départemental.

Outre le délai, jugé excessif, de mise en application de cette réforme, les communes n’y ont pas trouvé de solution définitive à leurs difficultés. Comme l’ont relevé Hervé Maurey et Franck Montaugé dans leur rapport d’information de 2021, ces difficultés sont de quatre ordres.

Premièrement, la concertation des élus dans l’élaboration des règlements départements est jugée – pour tout dire – « inégale ».

M. Loïc Hervé, rapporteur. Deuxièmement, la couverture du risque est parfois qualifiée de « défaillante ».

Troisièmement, l’adéquation entre les prescriptions du règlement départemental et les risques réels n’est pas satisfaisante, les premières n’étant pas toujours proportionnées aux seconds, en raison d’une évaluation insuffisante, de la complexité des règles et, surtout, du défaut d’adaptation de celles-ci aux spécificités des territoires, notamment en milieu rural. Combien d’entre nous ont entendu parler de la tristement célèbre règle des deux cents ou quatre cents mètres ? On parle ici de longueur de tuyaux ! Les prochaines élections sénatoriales auront lieu au mois de septembre 2023 et, trois ans après, on continue de débattre sur un sujet qui était déjà d’actualité lors de celles de 2020.

Quatrièmement, le coût financier reste important, à la fois en matière budgétaire et pour ce qui est du développement économique, notamment lorsqu’une autorisation d’urbanisme ne peut être accordée en raison du défaut de couverture du risque incendie.

L’examen de cette proposition de loi en commission a permis de retravailler le dispositif imaginé par Hervé Maurey, de le simplifier et d’en renforcer la portée. En définitive, nous sommes allés au bout de la réflexion initiale de notre collègue, en faisant du RDDECI un volet à part entière du Sdacr.

Les personnes que j’ai auditionnées sont pour la plupart convenues de l’incongruité de la coexistence de deux documents distincts – incongruité que plusieurs travaux sénatoriaux ont d’ailleurs démontrée : des représentants de l’Assemblée des départements de France à ceux de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, en passant par le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises lui-même, le préfet Alain Thirion, personne n’a vraiment été en mesure de m’expliquer pourquoi on avait créé le Sdacr, d’un côté, et le RDDECI, de l’autre ! Pis, madame la ministre, tout le monde ignore la raison pour laquelle aucune articulation n’existe entre eux. (Mme la ministre déléguée approuve.)

Tout porte à croire que la défense extérieure contre l’incendie constitue le parent pauvre de l’organisation des moyens de lutte contre l’incendie. Le choix a ainsi été fait d’en faire un document annexe, distinct et sans articulation avec le document stratégique que constitue le Sdacr.

Il me semble que la prise en compte des moyens et des difficultés rencontrées par les communes en matière de défense extérieure contre l’incendie doit justement être l’un des éléments de la stratégie des Sdis, a fortiori – nous en reparlerons probablement lors de l’examen des amendements – compte tenu des changements climatiques que nous connaissons et des graves incendies que subissent de nombreux départements, y compris ceux qui avaient été épargnés jusqu’alors.

Pour ce qui est de la détermination et de l’allocation des moyens des Sdis, les départements ne peuvent pas faire l’économie d’une analyse de leurs forces et de leurs faiblesses en matière de défense extérieure contre l’incendie : le Sdacr doit prévoir un certain nombre d’adaptations permettant de faire évoluer ses prescriptions en fonction de ces forces et de ces faiblesses et des réalités du terrain.

Aussi, le volet « défense extérieure contre l’incendie » du Sdacr continuerait à comporter le règlement départemental et, sans qu’il soit besoin de le préciser dans la loi, les arrêtés communaux et intercommunaux en matière de défense extérieure contre l’incendie, qui devraient être conformes à ce nouveau volet.

Cette mesure constituerait également une simplification des documents organisant les services départementaux d’incendie et de secours, qui n’ont jamais fait l’objet d’une réforme globale, reflet d’une vision d’ensemble et stratégique de ces compétences.

Les modalités d’adoption du volet spécifique à la défense extérieure contre l’incendie au sein du Sdacr s’inspirent très largement de la procédure qui est aujourd’hui applicable pour l’élaboration du règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie.

Deux apports du dispositif initial ont néanmoins été conservés : le projet de document ferait l’objet d’une concertation élargie, le conseil départemental et les conseils municipaux ou organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents étant désormais consultés pour avis, ainsi que d’une évaluation préalable du service public de la défense extérieure contre l’incendie, conformément au souhait de l’auteur de ce texte.

Le principe d’une révision concomitante du Sdacr et de son volet consacré à la défense extérieure contre l’incendie serait également préservé.

Ce dispositif a été harmonieusement complété par un amendement de notre collègue Hervé Maurey, adopté en commission, qui tend à créer une commission départementale de suivi de la défense extérieure contre l’incendie.

Composée d’élus, cette instance aurait pour mission, d’une part, de procéder à l’évaluation régulière de l’état de la couverture des risques au regard des points d’eau situés sur le territoire, dont elle ferait état dans un rapport annuel, d’autre part, de formuler toute proposition d’évolution qu’elle jugerait pertinente.

Cette piste d’évolution, évoquée par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises dans un rapport du mois de juin 2022, me semble consensuelle et permettrait aux élus de disposer d’un espace d’écoute et de dialogue entre eux et le service départemental d’incendie et de secours.

Nous nous sommes montrés tellement attentifs à cette initiative d’Hervé Maurey que nous avons décidé, en commission, de mettre en place une incompatibilité : l’interdiction pour tout élu siégeant au sein de la commission départementale de suivi de la défense extérieure contre l’incendie de siéger également au sein du conseil d’administration du Sdis, de manière à préserver un dialogue éclairé entre les maires des communes, notamment rurales, et ceux qui, dans le département, sont chargés de la lutte contre l’incendie.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous avons enfin prévu que le rapport annuel de cette commission de suivi puisse faire fonction, sur décision du conseil d’administration du Sdis, d’évaluation préalable du service public de la défense extérieure contre l’incendie l’année précédant la révision du Sdacr.

Cette modification me paraît de nature à renforcer la place de cette commission de suivi, qui pourrait se voir attribuer un rôle majeur dans l’élaboration du volet « défense extérieure contre l’incendie » du Sdacr. Il s’agit aussi d’une mesure de simplification, des évaluations aux objectifs similaires n’ayant pas nécessairement vocation à se multiplier.

Le texte qui vous est soumis cet après-midi, mes chers collègues, est donc équilibré, pragmatique et consensuel.

Pour terminer, je veux profiter de l’occasion qui m’est donnée de remercier l’ensemble des sénateurs qui, sur toutes les travées, nous ont permis de progresser ensemble et significativement sur la voie de l’adaptation de la défense extérieure contre l’incendie à la réalité des communes rurales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP et SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui, dans le cadre de l’espace réservé au groupe Union Centriste, pour étudier la proposition de loi du sénateur Hervé Maurey, visant à adapter la défense extérieure contre l’incendie à la réalité des territoires ruraux.

Ce texte résulte notamment d’un important rapport d’information réalisé au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur le sujet. Je tiens au passage à en saluer les auteurs.

Vous l’avez rappelé, la Deci, qui est une responsabilité ancienne des maires, puisqu’elle date de la fin du XIXe siècle, a pour objet d’assurer l’alimentation en eau des moyens des services d’incendie et de secours (SIS). Elle concourt ainsi directement à la sécurité et à la protection des populations. C’est son premier objet.

La Deci contribue aux bonnes conditions d’intervention des services d’incendie et de secours en garantissant la sécurité des sapeurs-pompiers engagés. C’est son second objet.

Nos travaux doivent donc concilier ces impératifs absolus avec une organisation et un mode de financement de la Deci réalistes, efficaces et adaptés aux réalités de terrain.

Le déploiement de la Deci s’inscrit aussi dans un contexte particulier, celui d’une évolution climatique défavorable, qui entraîne une succession de périodes de sécheresse et de forte chaleur propices au développement des feux d’espaces naturels.

Ces feux peuvent menacer des habitations, désormais partout en France, et pas seulement dans les régions méridionales ou dans le Sud-Ouest. À titre d’exemple, un feu a brûlé quatre-vingt-dix hectares de chaume et de bosquets l’été dernier dans l’Essonne, pendant une vague de chaleur, détruisant des maisons d’habitation dans la commune des Molières.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le régime juridique applicable en matière de Deci résulte d’une réforme engagée par voie législative et réglementaire. Elle s’est achevée en 2015 – vous l’avez dit – et remplace de simples circulaires datant des années 1950.

Désormais, et cela constitue un indéniable progrès, la Deci ne répond plus à une norme nationale, mais relève d’une approche décentralisée fondée sur l’analyse des risques et des objectifs de sécurité.

Ainsi, le volume ou le débit des points d’eau incendie et la distance entre ces points d’eau sont précisés dans un règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie, arrêté par le préfet après avoir été élaboré par le SIS, en concertation obligatoire avec les maires et l’ensemble des acteurs concourant à la Deci.

Ce règlement départemental doit s’inscrire en cohérence avec le règlement opérationnel du SIS et le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques.

Le cadre a certes évolué, puisqu’il est davantage décentralisé et prend mieux en compte les spécificités locales, mais je ne peux que partager les avis exprimés par les précédents intervenants : il reste très largement perfectible…

La Deci souffre du manque d’approfondissement et de régularité de son suivi. Les élus peuvent ainsi rester sans réponse et sans appui face à de légitimes interrogations sur ce sujet techniquement complexe. Cette situation n’est pas satisfaisante.

La proposition de loi issue des travaux de la commission des lois comporte deux dispositions visant à améliorer l’articulation entre le RDDECI et le Sdacr, ainsi qu’à créer une instance de concertation de l’ensemble des acteurs concernés, notamment les maires, avant l’édiction des règlements départementaux.

Nous adhérons à la philosophie de ces mesures, mais nous proposons de les mettre en œuvre en introduisant certaines modifications par voie réglementaire.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. À l’article 1er, la rédaction retenue aboutit à transformer la nature même du Sdacr en créant un volet dédié à la Deci, prescriptif et directement intégré en son sein.

Pour le Gouvernement, le Sdacr n’a pas vocation à devenir un document opposable : il doit rester un document stratégique tendant à dresser l’inventaire des risques de toute nature auxquels doivent faire face les SIS et à définir les objectifs de couverture de ces risques.

La distinction entre le Sdacr, document d’analyse et d’orientation, et le RDDECI, texte réglementaire spécifique à la défense extérieure contre l’incendie, est pertinente.

À l’article 2, le Gouvernement a également fait le constat, qui rejoint celui de la commission, d’une insuffisante concertation de l’ensemble des acteurs concernés, notamment des maires, avant l’édiction des règlements départementaux. Ce défaut ne concerne que certains territoires.

Toutefois, il ne paraît pas indispensable que la loi institue une nouvelle commission pour favoriser la concertation, alors que le constat de l’existence d’un trop grand nombre d’instances de ce type est unanimement partagé.

Concrètement, le Gouvernement propose de faire évoluer le dispositif, tout en restant dans l’esprit de ce qui est prévu par le texte, en suivant quatre axes de travail, et ce avant l’été 2023. Le plan d’action qu’il entend lancer comprend deux mesures directement inspirées de la proposition de loi, que nous pourrions affiner en étroite concertation avec l’auteur de ce texte, Hervé Maurey, et le rapporteur, Loïc Hervé.

Pour ce qui est du premier axe, je propose que toute question relative à la Deci soit discutée au sein d’une instance départementale qui existe déjà, plutôt que dans le cadre d’une nouvelle structure, en l’occurrence la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, la CCDSA, dont je suggère que nous élargissions les compétences par voie réglementaire.

Je m’engage à ce que cette nouvelle prérogative de la CCDSA entre en vigueur très rapidement par décret simple et à ce que la commission tienne pleinement compte de la nécessaire association de l’ensemble des acteurs concernés.

Le deuxième axe porte sur l’établissement, par voie réglementaire, d’un lien entre le RDDECI et le Sdacr, comme vous le demandez, sans pour autant donner de portée opposable au Sdacr.

Le troisième axe de ce plan d’action est la production d’un guide méthodologique à destination des SIS, qui reposera sur les bonnes pratiques. Ce guide détaillera la stratégie de déploiement de la Deci : il précisera les modalités de soutien que les SIS doivent apporter aux collectivités en la matière, notamment pour favoriser le développement des schémas communaux ou intercommunaux de Deci.

Le quatrième et dernier axe vise à améliorer les synergies entre réglementation de l’urbanisme et Deci, afin d’en clarifier les effets sur le droit à construire, en créant un référentiel technique.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette proposition de loi.