Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi organique visant à permettre à Saint-Barthélemy de participer à l’exercice de compétences de l’État.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 250 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 343 |
Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires
Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission spéciale, de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, présentée par M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Valérie Létard et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 205, texte de la commission spéciale n° 416, rapport n° 415).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où débute cette discussion générale, je souhaiterais vous lire quelques phrases : « En matière d’artificialisation des sols, le Gouvernement propose des objectifs ambitieux, mais se trompe sur la méthode. Il propose un dispositif extrêmement centralisé, peu en prise avec la réalité du territoire français, qui se caractérise par des dynamiques d’artificialisation très différentes. Il est à craindre que la compétence régionale ne donne davantage de poids aux revendications des métropoles et des zones urbanisées, au détriment des territoires ruraux. En outre, la notion d’artificialisation nette n’est aujourd’hui ni définie ni mesurée par les collectivités ou par l’État. Enfin, la loi fixe des délais absolument irréalistes. »
Ces mots ne m’appartiennent pas : ce sont ceux de la commission des affaires économiques voilà déjà presque deux ans, au moment où notre assemblée avait examiné le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit Climat et résilience. Il est frappant de constater qu’avant même l’adoption de cette loi-fleuve, en l’absence d’étude d’impact fournie par le Gouvernement, nous avions déjà pointé du doigt les problématiques qui nous réunissent aujourd’hui.
Ce n’est un secret pour personne que la mise en œuvre du « zéro artificialisation nette » (ZAN) est aujourd’hui extrêmement compliquée : à la fois par des problèmes d’ordre presque technique, comme en ce qui concerne la nomenclature des sols artificialisés, mais aussi par d’autres problèmes éminemment politiques, comme le degré de contrainte du document régional ou les équilibres entre territoires.
Je pense que ces problèmes proviennent, au moins en partie, d’une concertation insuffisante avec les élus au moment de la loi Climat et résilience, puis d’un certain défaut d’écoute de la part du Gouvernement. Le Sénat avait déjà proposé certaines évolutions dès l’examen de la loi en 2021, comme une territorialisation plus poussée ou un décalage du calendrier de révision des documents d’urbanisme : elles avaient pourtant été rejetées dans la suite de la navette.
Il nous a donc fallu remettre la loi Climat et résilience sur le métier, d’abord dans le cadre de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS) pour prévoir des délais supplémentaires devant l’impossibilité des conférences des schémas de cohérence territoriale (Scot) à tenir le calendrier fixé par la loi. Puis, il a fallu que les décrets d’application soient attaqués devant le Conseil d’État pour que le Gouvernement admette l’inapplicabilité de la nomenclature des sols artificialisés et les carences du décret relatif aux schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).
Le chemin qui nous amène ici, dans l’hémicycle, pour examiner ce texte, a donc été long. Il y a désormais consensus sur le fait qu’il faut modifier la loi, et je pense que nous, sénateurs et sénatrices, avons fait un travail important pour mettre le sujet en haut de l’agenda, comme nous l’enjoignaient les élus locaux.
Je veux à ce titre saluer le travail important de notre rapporteur Jean-Baptiste Blanc, au sein des murs du Palais comme en dehors, sur le terrain, pour expliquer, éclaircir, améliorer la loi sur le ZAN. Je remercie aussi l’ensemble de nos collègues issus de toutes les travées qui ont participé à la mission conjointe de contrôle créée par le Sénat au mois de septembre dernier. Celle-ci a abouti au dépôt de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Dès l’examen de la loi Climat et résilience, nous avions adopté une approche collective, avec le rapport d’information Objectif de zéro artificialisation nette à l’épreuve des territoires de MM. Blanc et Redon-Sarrazy et de Mme Loisier.
Nous nous sommes tous retrouvés au mois de septembre dernier autour de cette mission au format inhabituel, qui témoigne de la manière dont le ZAN envahit aujourd’hui toutes les politiques publiques, tous nos débats de commission, tous nos territoires.
Le texte qui a émergé des travaux de la mission vise à répondre de manière très concrète aux difficultés d’application du ZAN. Il s’est nourri de nos dizaines d’auditions et d’un travail approfondi sur les données. Je regrette à ce titre que nous n’ayons pas disposé de ces données précises dès l’examen de la loi, car elles auraient pu nous éclairer plus précisément sur les choix que nous opérions.
Cet enjeu de transparence et d’étude de l’impact des textes est fondamental : je tiens à le dire ici devant vous, monsieur le ministre. Cette transparence sera aussi essentielle pour la suite de l’application du ZAN ; je pense notamment au traitement des grands projets ou encore à la collecte des données d’artificialisation.
Je le disais, le chemin qui a mené à cette proposition de loi a été long. Malgré certaines annonces au cours des derniers mois, c’est le Sénat qui a dû prendre l’initiative de déposer un texte pour faire bouger les lignes législatives. Nous avons perdu un temps précieux, même s’il a finalement contribué à faire mûrir les réflexions de part et d’autre.
Je salue néanmoins le ministre Christophe Béchu et la ministre Faure, qui ont accepté le dialogue engagé par le Sénat, autour de ce sujet complexe, dont ils ont hérité du gouvernement précédent. Je remercie aussi le Gouvernement d’avoir demandé le recours à la procédure accélérée sur ce texte, ce qui nous permettra, en cas d’accord, d’apporter plus rapidement les réponses qu’attendent les élus locaux. Ces derniers se retrouvent actuellement dans une situation intermédiaire difficile à vivre.
Je voudrais dire un mot plus général de la philosophie du texte présenté par la mission conjointe de contrôle, que nous examinerons aujourd’hui.
D’abord, c’est un texte qui vise à apporter davantage de pragmatisme et d’efficacité. Les imprécisions et le formalisme de la loi Climat et résilience compliquent énormément la tâche des élus locaux, qui sont finalement les seuls à porter la responsabilité pratique de l’atteinte des objectifs, sans pour autant en avoir les outils. Il faut donc nous assurer que ce que la loi met en place est effectivement applicable et que l’on ne crée pas un monstre administratif ni des situations absurdes.
C’est aussi la raison pour laquelle nous plaidons pour davantage de temps, car toutes les personnes auditionnées nous ont dit clairement que la qualité de la réflexion en amont permettra d’aller plus vite et plus efficacement ensuite. Cela justifie enfin d’offrir de nouveaux outils juridiques pour que les élus aient effectivement la maîtrise concrète de l’artificialisation, comme le sursis à statuer ou le droit de préemption spécifiques au ZAN.
Ensuite, c’est un texte qui vise à éviter la création de nouvelles inégalités. Le dispositif de territorialisation, si absolument nécessaire, peut présenter certains risques, notamment celui que les grandes métropoles, comme les communes urbaines, captent une grande partie des enveloppes futures d’artificialisation. C’est un enjeu fondamental : il faut permettre à chaque territoire, urbain comme rural, de réaliser son potentiel. Si le ZAN est perçu comme une nouvelle inégalité, comme une mise sous cloche des territoires ruraux au profit de la consommation des zones urbaines, comme organisant le sous-développement de certains territoires, il échouera. Il faudra aussi prendre en compte les conséquences sociales du ZAN,…
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
Mme Valérie Létard. … que l’on pressent, mais qui ne sont pas encore tangibles. Le ZAN entraînera une redistribution de la richesse et des patrimoines. Attention à ne pas créer des « gilets jaunes du ZAN » !
Les collectivités seront en première ligne pour gérer les conséquences concrètes. C’est la raison pour laquelle nous proposons les mécanismes de part réservée et de surface minimale de développement communale, conçues comme de vraies garanties au profit des territoires, notamment ruraux.
Il faut aussi que le système que nous mettons en place pour les trente prochaines années soit assez souple pour évoluer, pour prendre en compte l’imprévu et le nécessaire. Logique décennale ne veut pas dire immobilisme. Il faut pouvoir accueillir les grands projets de demain, s’adapter aux évolutions démographiques ou économiques, adapter les approches. L’architecture du ZAN est aujourd’hui rigide ; il nous faut y apporter de la souplesse.
C’est l’objet des dispositifs comme la part réservée prévue par le texte et l’intention derrière notre proposition d’une gouvernance plus large qui puisse suivre et adapter les trajectoires.
Le chemin a été long, et il n’est pas terminé. Vous savez, monsieur le ministre, que le Gouvernement a du pain sur la planche pour aller au bout du sujet du ZAN, sans hypocrisie et sans idées préconçues. Je suis sûre qu’ensemble, nous y arriverons !
Il faudra – c’est indéniable – rebattre les cartes de la fiscalité de l’aménagement et du logement. Il faudra dégager de nouvelles ressources pour que les collectivités territoriales aient les moyens concrets de piloter leur artificialisation, de renaturer, de traiter les friches. Un fonds vert n’y suffira pas : ce sont des ressources durables d’ingénierie, de fiscalité locale qu’il faut mobiliser. Je n’évoquerai pas les constats très francs de la Cour des comptes concernant les moyens de l’État déconcentré : nous savons tous ici que, malgré les bonnes volontés locales, les collectivités sont bien souvent très seules face à leurs obligations. Nous souhaitons que l’État prenne ses responsabilités pour que la décentralisation n’en ait pas que le nom.
Le chemin est encore long, mais j’espère que nos discussions aujourd’hui permettront de faire aboutir bientôt ce texte, qui sera un grand pas vers une application plus efficace et plus apaisée du ZAN, au cœur de nos territoires. Je remercie encore une fois l’ensemble de nos collègues de la commission spéciale, quelles que soient les travées, de leur confiance et de leur esprit constructif. Je salue le rapporteur Jean-Baptiste Blanc pour son écoute et sa compétence.
Monsieur le ministre, nous ouvrons en cet instant un chemin. Il faut que nous aboutissions, dans l’intérêt des territoires. Je suis certaine que nous y arriverons, une fois de plus ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et CRCE. – Mme Frédérique Espagnac et M. Christian Redon-Sarrazy applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur de la commission spéciale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une nouvelle expression s’est imposée dans le débat public : zéro artificialisation nette.
Sous une apparence assez technique, voire technocratique, ce terme recouvre une réalité qui s’impose d’ores et déjà aux territoires et qui affectera peu à peu les modes de vie de nos concitoyens. Nous avons approuvé cet objectif voilà deux ans dans la loi Climat et résilience, et nous ne le remettons pas en cause aujourd’hui, car l’enjeu du changement climatique est plus que jamais actuel.
Toutefois, nous sommes à l’écoute des habitants et des élus. Or depuis des mois nous alertons sur les difficultés pratiques auxquelles ces derniers font face dans la mise en œuvre des dispositions de la loi Climat et résilience.
C’est la raison pour laquelle la commission spéciale vous présente aujourd’hui un texte issu de dix-huit mois de réflexion collective depuis l’entrée en vigueur de la loi Climat et résilience. Il a été rédigé par une mission qui réunissait quatre commissions permanentes et qui a travaillé au-delà des clivages politiques traditionnels.
Notre commission spéciale a poursuivi le travail dans des délais contraints, et est parvenue au texte que nous examinons aujourd’hui, en rendant ses dispositions plus opérationnelles sans en modifier l’esprit général.
C’est donc un travail de fond qui a été mené, dans la tradition d’écoute qui est la marque de fabrique du Sénat. Je veux en remercier une nouvelle fois l’ensemble des membres de la commission spéciale, sur toutes les travées de cet hémicycle, à commencer par Mme Valérie Létard, dont le travail essentiel a une nouvelle fois grandement favorisé l’atteinte d’un très large consensus.
Pourtant, le texte que nous examinons aujourd’hui a été parfois présenté de manière un peu caricaturale.
Non, il ne tend pas à remettre en cause les dates cibles de 2031 et 2050 fixées par la loi Climat et résilience. Il vise seulement à ajuster les dates intermédiaires d’ici à 2031, afin de rendre plus opérationnel le calendrier de modification des documents d’urbanisme.
Non, la définition des « grands projets » retenue par la proposition de loi ne conduit pas à un abandon des ambitions de réduction de l’artificialisation. Au contraire, il s’agit de responsabiliser les acteurs : non seulement les régions, mais aussi l’État lui-même. La proposition de « mutualisation », à l’inverse, dilue la responsabilité en la faisant peser sur des régions qui ne sont pas à l’origine de ces projets et qui ne bénéficient pas de leurs retombées.
Le texte présenté par la commission spéciale n’est pas seulement une mesure de justice pour les régions. En créant une incitation à réduire l’artificialisation des grands projets, je crois qu’il renforce les chances d’atteindre réellement les objectifs de sobriété foncière.
Non, la garantie du « droit à l’hectare » n’ajoute pas 35 000 hectares à l’artificialisation des sols en France ! C’est sans doute le chiffre le plus contestable qui a été avancé. D’abord, ce « droit » reste comptabilisé dans l’enveloppe régionale. Il ne porte donc pas du tout atteinte aux objectifs de 2031 et de 2050. Il s’agit seulement d’une répartition différente des droits à construire.
En outre, la garantie rurale, comme toute garantie, n’est activée qu’en cas de nécessité. C’est seulement pour une minorité de communes, les plus rurales en général, qu’elle aura un effet. Il s’agit de communes qui n’ont pas forcément eu beaucoup de projets depuis 2011, mais qui, précisément pour cette raison, pourraient en avoir quelques-uns dans les années à venir.
Au total, ce sont 9 200 hectares environ qu’il faudra répartir différemment entre les communes, soit 7,5 % du total. Je suis prêt à parier que cette garantie rurale aura en réalité un effet positif sur l’atteinte des objectifs ZAN, car elle ne sera pas consommée par toutes les communes.
Ces mesures ont un point commun : faciliter la mise en œuvre des objectifs ZAN. C’est bien ce qui est inscrit dans l’intitulé de la proposition de loi, où il est par ailleurs précisé qu’il s’agit d’un objectif « au cœur des territoires ».
Car il n’y a rien de plus « territorial » que la mise en œuvre des objectifs de sobriété foncière. Rien ne sera fait sans les élus. Rien non plus ne devrait être fait contre eux, tout simplement parce qu’ils représentent les habitants et sont les mieux à même d’apprécier l’ensemble des besoins d’un territoire.
C’est pourquoi le texte tend à leur apporter des outils indispensables. Je pense à la conférence régionale de gouvernance du ZAN. De nombreuses communes avaient ressenti que leur parole n’avait pas pu être entendue dans le fonctionnement actuel des conférences des Scot. La commission spéciale en a amélioré le fonctionnement, afin de répondre à certaines des objections qui avaient été faites. L’examen en séance permettra d’améliorer encore le dispositif.
Je pense aussi et surtout aux outils juridiques apportés par la proposition de loi : sursis à statuer, droit de préemption et motif de refus d’autorisation d’urbanisme spécifiques aux enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols. La création ou le renforcement de ces outils ont été largement salués lors des auditions que nous avons conduites.
L’accès aux données est également un enjeu essentiel : les élus constatent, dans bien des territoires, que celles qui sont fournies par l’État sont insuffisantes, et il est important qu’ils puissent utiliser celles qui proviennent des observatoires locaux.
Je pense enfin à la prise en compte des spécificités de certains territoires, par exemple ceux soumis au recul du trait de côte, ainsi qu’à la prise en compte des efforts passés de sobriété foncière.
Les débats restent réels sur certains sujets. J’en distinguerai deux.
Sur la nomenclature des espaces artificialisés, nous avons approuvé la souplesse apportée par le texte, qui permet aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de délimiter dans leurs documents d’urbanisme des périmètres au sein desquels l’artificialisation des surfaces herbacées n’est pas décomptée, car les appréciations varient selon les lieux.
Dernier point, et non des moindres : l’articulation entre les Sraddet et les documents d’urbanisme. Le Sraddet n’est pas un document d’urbanisme. Nous pensons nécessaire d’indiquer explicitement qu’il s’applique dans un rapport de prise en compte et non de compatibilité. L’acceptabilité des objectifs ZAN dans les territoires passe, encore une fois, par la responsabilisation de l’ensemble des acteurs, en particulier ceux à qui la loi attribue la compétence en urbanisme, et non par la verticalité.
Bien que la politique de sobriété foncière soit imposée et pilotée à l’échelon national et à l’échelon régional, les élus locaux sont en première ligne. Ils n’ont pas bénéficié d’un soutien suffisant, malgré la nouveauté et la complexité des enjeux. C’est à nous de leur donner les moyens et les outils pour mettre en œuvre cette politique.
La mise en œuvre de la loi Climat et résilience doit respecter les compétences et l’intelligence de nos collectivités. Elle ne peut nous imposer d’organiser leur sous-développement. L’objectif est bien de concilier la sobriété foncière avec le développement harmonieux.
Le Gouvernement nous a d’ores et déjà écoutés sur plusieurs points. Il a reconnu que l’artificialisation induite par les « grands projets » ne pouvait pas être comptabilisée intégralement sur les droits à construire de la région dans laquelle ils sont implantés. Il a admis une évolution du calendrier et la nécessité de préserver des possibilités de construire minimales dans les communes rurales. Il faut reconnaître et saluer ces avancées, mais – disons-le, monsieur le ministre – ce n’est pas encore assez. Je sais que vous avez identifié les enjeux posés par le ZAN dans les territoires, mais nous essaierons de vous convaincre que les réponses que vous proposez sont encore insuffisantes.
Cette proposition de loi a vocation à poursuivre sa navette jusqu’au bout. Avec ce texte, le Sénat donne l’occasion d’ajuster les conditions de mise en œuvre de la loi Climat et résilience, ce que le Gouvernement a bien compris en déclarant la procédure accélérée. Nous vous encourageons à favoriser à présent l’inscription de ce texte la plus rapide possible à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
En effet, il faut aller vite. Ce texte s’inscrit dans un double calendrier : celui de la révision des Sraddet, qui doit s’achever pour le mois d’avril 2024, et celui de la mise en œuvre de l’objectif de réduction de 50 % de la consommation d’espaces entre 2021 et 2031. Il est essentiel de rendre la loi lisible, opérationnelle et adaptée aux réalités de nos collectivités. Voilà bien l’objet du texte présenté aujourd’hui par la commission spéciale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Joël Bigot applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je salue le travail de Valérie Létard et de Jean-Baptiste Blanc.
Je vous indique d’emblée l’état d’esprit qui est le mien en montant à cette tribune et, plus largement, en discutant avec vous des plus de 210 amendements déposés sur ce texte : je souhaite trouver un chemin d’entente et une solution.
Vous l’avez rappelé, le dispositif du ZAN a été adopté dans le cadre de la loi Climat et résilience, texte de 305 articles. Il a soulevé une forme d’enthousiasme, tout le monde se félicitant de ce que la France prenne à bras-le-corps le sujet de l’étalement urbain. Cependant, sa mise en œuvre a aussi suscité des incompréhensions.
M. François Bonhomme. C’est sûr !
M. Christophe Béchu, ministre. Dès mon arrivée, au mois de juillet, j’ai eu des occasions d’échanger avec vous, et, très tôt, dès le mois de septembre, j’ai donné mon assentiment pour qu’une proposition de loi sénatoriale nous permette d’avancer sur le sujet.
Nous y sommes ! La discussion s’engage. J’ai entendu que l’objectif était de voter un texte non pas pour envoyer un message, mais pour permettre de modifier ou préciser la loi. À ce stade, j’ai identifié les sujets sur lesquels il sera facile d’avancer et ceux sur lesquels je pressens un certain nombre de difficultés, notamment dans la perspective d’une commission mixte paritaire.
Je salue les propos, à la fois écrits et oraux, qui montrent que personne ne discute la nécessité de lutter contre l’artificialisation. Je n’ai pas besoin de revenir devant vous sur le dérèglement climatique ou sur l’urgence d’atténuer notre empreinte environnementale.
Je rappelle juste qu’un sol artificialisé ne stocke plus de CO2, qu’il est un espace stérile pour la biodiversité et qu’il participe massivement au dérèglement du cycle de l’eau en empêchant la recharge des nappes phréatiques et en accélérant les écoulements.
L’artificialisation s’est débridée au cours du dernier demi-siècle et elle s’est totalement décorrélée de la progression de la population. Elle a ainsi été trois fois plus rapide dans cette période qu’au cours des siècles précédents.
Dans ces conditions, la perspective de diviser par deux la consommation d’espaces naturels sur la décennie en cours revient d’abord à prolonger une baisse déjà observée, après le pic atteint dans les années 1980. Nous sommes ainsi passés de 60 000 hectares par année à 30 000 hectares au début de la décennie précédente. Si l’on prend une moyenne annuelle de 25 000 hectares sur les dix dernières années, l’objectif est donc d’arriver à 12 500 hectares par an jusqu’en 2031.
Ensuite, il nous restera du temps pour atteindre la marche d’après, à savoir le ZAN. Je signale au passage que l’on passe parfois plus de temps à discuter de l’après-2050 que de ce qui se passera dans l’intervalle, entre 2031 et 2050. Pourtant, les enjeux me semblent autrement plus importants à court terme ou moyen terme.
Au moment où nous entamons ce débat, je veux aussi vous rappeler qu’il y a en Europe une demi-douzaine de pays qui sont engagés dans des procédures de ce type. C’est ainsi le cas de l’Allemagne, de la Suisse, de l’Espagne, de l’Italie, du Royaume-Uni ou encore des Pays-Bas. Globalement, ces États ont la même philosophie : diminuer d’abord l’artificialisation puis tendre vers un zéro artificialisation nette, dans un contexte où la souveraineté alimentaire de l’Europe et sa réindustrialisation imposent malgré tout de continuer à accueillir des projets qui restent nécessaires, y compris dans une perspective de transition écologique.
L’esprit de responsabilité et le souci de dialogue sont constants au Sénat, et ce texte en porte la marque. Aussi, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à son élaboration. Il témoigne de la convergence de nos objectifs.
Certaines des dispositions de cette proposition de loi ont notre assentiment total.
C’est le cas de la prise en compte de la renaturation avant 2031 et de la mise en place de nouveaux outils pour les communes pour mieux maîtriser les projets avant 2031. Je pense à l’extension du droit de préemption ou à la mise en place de périmètres de sursis à statuer.
C’est aussi le cas de la communication aux communes des données dont elles ont besoin pour mesurer l’artificialisation.
C’est enfin le cas de la possibilité offerte aux communes littorales d’anticiper le recul du trait de côte dans la recomposition urbaine qu’il induit.
Ces ajustements de bon sens nous semblent indispensables, d’autant qu’ils préservent l’esprit du dispositif et qu’ils garantissent la possibilité de tenir nos objectifs.
Comme vous le savez, les principales attentes exprimées par les collectivités portent sur deux sujets particuliers : la prise en compte des grands projets nationaux et la création d’un mécanisme de garantie de développement pour les communes rurales.
Ce sont deux objectifs partagés : reste à trouver le chemin pour les atteindre.
Nous sommes convaincus qu’il y a matière à compter à part les grands projets d’infrastructures d’État, mais nous devons déterminer s’ils doivent seulement faire l’objet d’un décompte à part à l’échelon national ou si nous devons considérer qu’il ne s’agit pas d’artificialisation.
Il va de soi que si nous les sortons de la trajectoire, il devient compliqué d’être crédible sur notre objectif, alors que nous n’avons pas d’étude d’impact sur ce que serait l’ouverture de la porte à ces grands projets d’envergure nationale.