M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet, pour présenter l’amendement n° 2564 rectifié quater.
Mme Viviane Malet. On trouve dans cet amendement de Mme Dindar la même demande de rapport que dans le précédent. Il est donc défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 2578 rectifié.
Mme Annie Le Houerou. Aux termes de cet amendement de notre collègue Victoire Jasmin, le comité de suivi des retraites, qui est chargé de rendre un avis annuel public, devrait accorder une place spécifique aux problématiques ultramarines en vue de réduire les inégalités par rapport à l’Hexagone.
En effet, si de nombreux paramètres affectent le calcul du montant des pensions de retraite des salariés et travailleurs ultramarins, certaines modalités spécifiques aux outre-mer concourent à de fortes disparités de niveau de pension entre Français, selon qu’ils cotisent en France hexagonale ou dans les territoires ultramarins.
Comme l’a dit M. Lurel, le montant du Smic dans les outre-mer n’a pas toujours été le même que dans l’Hexagone, de même que le niveau et le traitement des cotisations des artisans et commerçants.
Par exemple, à La Réunion, le Smic n’a été aligné sur le montant national qu’en 1996. Par ailleurs, dans les départements d’outre-mer (DOM), le régime de prestations familiales ne fut véritablement appliqué qu’à partir des années 1970, et seulement pour certaines catégories de salariés.
Jusqu’à la suppression définitive du fonds d’action sanitaire et sociale obligatoire (Fasso) en 1993, le versement des allocations familiales dans les DOM ne s’est jamais effectué dans les mêmes conditions qu’en métropole et les barèmes qui y étaient appliqués ont toujours été moins avantageux.
Nous demandons donc d’apporter une attention particulière à ces inégalités afin de ne pas les reproduire dans l’évaluation du montant des retraites des salariés ayant exercé en outre-mer.
Par ailleurs, la situation du régime de cotisation des artisans et commerçants ultramarins a longtemps été spécifique, jusqu’en 2000. Dès lors, un nombre important d’entre eux ne peuvent prétendre qu’à 33 années de cotisations alors même que, dans l’Hexagone, ils pourraient prétendre à 42 ou 43 annuités.
M. le président. L’amendement n° 613, présenté par Mmes Conconne, Lubin et G. Jourda et M. Durain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Analysant la situation comparée en France hexagonale et dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution en tenant compte des différences de montants de pension, de la durée d’assurance respective et de l’impact des spécificités de carrière dans les collectivités visées sur les écarts de pension et d’âge effectif de départ en retraite. » ;
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. J’abonderai dans le sens de mon collègue Lurel. Vous savez qu’il a été ministre des outre-mer (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) et qu’il a porté la loi Égalité réelle outre-mer durant la présidence de François Hollande – ce n’est pas si lointain !
Le décrochage est sévère. La sécurité sociale était censée exister dans nos territoires depuis la départementalisation obtenue en 1946 après un long combat, mais les premiers frétillements ne se sont fait sentir que dans les années 1980, puis sous le gouvernement de Lionel Jospin, et des inégalités d’applications demeurent.
Cela donne des retraités pauvres : la retraite moyenne y est de 541 euros – ce n’est pas moi qui le dis, je pense que le ministre dispose des mêmes chiffres. Ce n’est pas moi non plus qui dis que nous partons en général à la retraite avec seulement 110 trimestres validés. Pourquoi ? L’application des lois sociales a pris tellement de temps, elle a été tellement chaotique, celles-ci ont tellement pris la poussière que beaucoup de gens n’ont, pendant longtemps, pu bénéficier des divers dispositifs. De plus, beaucoup de patrons les contournaient.
Résultat : on part à la retraite cassé, à 65,3 ans en moyenne – pas 62 ans ni même 64 ans. On pourrait presque dire que la retraite à 64 ans serait une aubaine pour nous… Or on va demander à ces personnes de travailler deux années de plus, c’est-à-dire qu’on va les pousser jusqu’à 67 ans. Voilà la réalité.
Or que demandons-nous au travers de ces amendements ? Nous ne demandons pas la lune ! Nous ne demandons pas l’impossible ! Nous demandons simplement qu’un point soit réalisé par le comité de suivi des retraites et que la situation des travailleurs d’outre-mer soit réellement analysée. Est-ce une montagne à déplacer ? Est-ce la mer à boire ?
M. le président. L’amendement n° 3941 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« 5° Analysant la situation comparée des pensions de retraite perçues dans l’Hexagone et dans les départements et régions d’outre-mer, et examinant la situation du système de retraite appliqué dans lesdits départements et régions d’outre-mer au regard, en particulier, de l’impact de l’économie informelle, des taux de chômage et de la non-intégration de la majoration de traitement perçue par les fonctionnaires en service dans le calcul des retraites. » ;
…) Au cinquième alinéa du II, les mots : « le cas prévu au 1° » sont remplacés par les mots : « les cas prévus aux 1° et 5° » ;
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Créé en 2014, le comité de suivi des retraites est notamment chargé de rendre chaque année un avis public portant sur les objectifs financiers et les objectifs d’équité assignés au système de retraite.
S’il considère que le système s’éloigne de manière sensible de ces objectifs, le CSR adresse des recommandations au Gouvernement, au Parlement et aux régimes de retraite. Sur le fondement de ces recommandations, le Gouvernement consulte les partenaires sociaux, puis présente au Parlement les suites qu’il entend donner à ces propositions.
Chacun, au sein de cet hémicycle, connaît la situation des outre-mer, à savoir des inégalités de revenus nettement plus marquées que dans l’Hexagone. Une étude réalisée par l’Insee en juillet 2022 a même été intitulée, de façon éloquente, « La grande pauvreté bien plus fréquente et beaucoup plus intense dans les DOM ».
Ainsi, 9 % à 15 % des retraités ultramarins sont en situation de grande pauvreté, contre 1 % en moyenne en métropole. La pension des retraités y est en moyenne inférieure de 10 % à 17 %, si l’on se réfère à des données de la Cnav de 2021 et de l’Agirc-Arrco de 2020.
Par exemple, à La Réunion, 50 % des pensions de retraite sont inférieures à 850 euros brut par mois. En Guyane, les pensions mensuelles moyennes s’élèvent à 663 euros. À Mayotte, elles sont de 282 euros en moyenne et atteignent difficilement 617 euros au titre d’une carrière complète.
Par ailleurs, les fonctionnaires bénéficient en outre-mer d’une sur-rémunération justifiée par le différentiel du coût de la vie par rapport à l’Hexagone. Pourtant, cette majoration n’est pas prise en compte dans le calcul des retraites.
Au regard de tous ces éléments, nous proposons par cet amendement d’élargir la palette des indicateurs de suivi du CSR pour prendre en compte à part entière et de manière spécifique les caractéristiques structurelles et conjoncturelles des territoires d’outre-mer.
M. le président. Le sous-amendement n° 4959, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 3941 rectifié
Alinéa 3
après les mots : « des taux de chômage »
Insérer les mots : « de l’impact exceptionnel de la crise sanitaire »
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Peut-être le COR serait-il mieux placé que le CSR pour ce faire, mais il serait bon qu’une étude spécifique soit réalisée sur les effets de la crise sanitaire sur la situation de l’emploi et des retraites en outre-mer.
Compte tenu des nombreux enquêtes et travaux que mène le COR, il ne serait pas anormal de lui demander de s’intéresser spécifiquement aux outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Monique Lubin vient de clarifier le débat. Ce sujet relève plus du COR que du CSR. L’un est chargé du diagnostic ; l’autre, du traitement.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable ; sinon, le Gouvernement aurait intégré ces amendements à la liste de ceux qu’il souhaite soumettre au vote unique de votre assemblée.
J’adresserai toutefois deux remarques aux sénateurs qui m’ont interpellé.
Tout d’abord, madame Conconne, j’entends votre demande, mais le rapporteur a raison : le CSR n’est pas le plus à même de mener une telle étude ; cela relève plutôt des travaux du COR. Aussi, je m’engage devant vous à saisir ce dernier de la situation spécifique des territoires d’outre-mer.
Mme Catherine Conconne. Merci !
M. Olivier Dussopt, ministre. Ensuite, en écho à la fois à votre intervention et à celle de M. Lurel, je répondrai sur le niveau des pensions et sur l’âge de départ à la retraite outre-mer.
Personne ne se félicite que les assurés partent plus tard à la retraite dans les outre-mer. Pourquoi le font-ils alors que l’âge légal est de 62 ans ? Parce que leur carrière est incomplète. Pourquoi l’est-elle ? Parce qu’il y a plus de précarité économique et de difficultés sociales dans ces territoires, mais aussi parce que les systèmes déclaratifs et d’obligation d’affiliation sont plus récents qu’en métropole.
L’exemple le plus frappant est Mayotte, où le système obligatoire, pour le seul régime de base, a été créé en 1987. Les assurés qui bénéficient d’une pension dans ce département affichent en moyenne une carrière cotisée de neuf années, ce qui explique le niveau très faible des pensions.
Ce qui nuit, ce qui pousse à travailler plus longtemps les assurés en outre-mer, ce n’est pas la question de l’âge, mais celle de la durée de cotisation, notamment le passage de 42 à 43 ans. En effet, pour avoir une carrière complète, ils doivent atteindre cette borne de temps. Or ils doivent actuellement aller largement au-delà de l’âge de 62 ans pour ce faire ; ils iront également – sauf amélioration économique exceptionnelle, ce que chacun souhaite – au-delà de l’âge de 64 ans après la mise en œuvre de la réforme.
M. le président. Le vote est réservé. (MM. Ronan Dantec et Thomas Dossus demandent un rappel au règlement.)
Monsieur Dantec, le président Larcher l’a dit et je l’ai répété : la conférence des présidents a clairement fait savoir que la parole ne serait pas systématiquement accordée pour des rappels au règlement. M. Dossus s’en est vu accorder un il y a quelques instants ; je n’en accorderai pas d’autres pour le moment. (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Dans quel article limite-t-on les rappels au règlement ?
M. Thomas Dossus. C’est le règlement du Sénat !
M. Ronan Dantec. Je souhaite réagir à la déclaration du ministre.
M. le président. Vous ne pouvez pas utiliser un rappel au règlement pour répondre à des déclarations du ministre. (Mêmes mouvements.)
M. Thomas Dossus. Par rapport à votre intervention !
M. le président. Merci de respecter la décision de la conférence des présidents. (Les protestations s’intensifient.)
M. Pascal Savoldelli. C’est à quelle heure, le prochain rappel au règlement ?
M. le président. C’est encore moi qui fais la police de cette séance, mes chers collègues, et je vous prie de respecter la décision de la conférence des présidents.
M. Thomas Dossus. Rappel au règlement sur votre intervention, monsieur le président !
M. Ronan Dantec. Je veux répondre à la déclaration de M. le ministre !
M. le président. Vous ne pouvez pas, dans le cadre d’un rappel au règlement, répondre à la déclaration du ministre, ce n’est pas relatif à l’organisation des travaux ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
Mme Laurence Rossignol. Rappel au règlement, concernant l’organisation des travaux !
M. le président. Madame Rossignol, vous n’allez pas vous y mettre vous aussi… (Brouhaha sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Je vous donnerai la parole dans un instant si votre rappel au règlement porte sur l’organisation des travaux.
Mme Laurence Rossignol. Vous allez voir à quel point il porte sur l’organisation des travaux !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La parole doit être donnée sur-le-champ à notre collègue, c’est le règlement !
M. Ronan Dantec. Je veux parler de l’organisation des travaux !
M. Roger Karoutchi. S’il vous plaît chers collègues, nous n’allons pas reproduire le bazar de ce matin !
Je donnerai la parole à Mme Rossignol et à un sénateur du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, à la condition que ces rappels au règlement portent bien sur l’organisation de nos travaux et ne constituent pas une réponse au ministre.
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Rossignol. Vous allez voir combien mon rappel au règlement porte sur l’organisation des travaux. Comme vous le savez, nous ne sommes pas coutumiers de l’application pratique de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, que nous découvrons donc heure par heure.
Ma question porte sur le nombre d’amendements qu’il nous reste à examiner. Le chiffre qui est indiqué sur les écrans de cet hémicycle n’est pas le même que celui qui figure sur le site du Sénat. Je sais à quel point il est difficile de gérer tout cela pour la direction de la séance ; ce n’est ni une critique ni une quelconque suspicion !
Peut-on simplement nous dire, nonobstant les amendements qui seront retirés et rendront des sous-amendements sans objet, combien il nous reste, à cet instant précis, d’amendements à présenter ?
M. le président. Il nous en reste 861.
M. Fabien Gay. À présenter ?
M. Ronan Dantec. J’interviens au titre de l’article 42, alinéa 9 de notre règlement.
Monsieur le ministre, vous venez de dire que, si vous aviez trouvé les amendements proposés intéressants, vous les auriez mis dans votre liste. Pourquoi croyez-vous que nous présentons l’ensemble de ces amendements ? Dans l’esprit de la Constitution, la présentation d’un amendement doit permettre au Gouvernement de changer d’avis s’il a jugé celle-ci pertinente.
Sinon, nous le faisons strictement pour rien ! Ce n’est pas l’esprit de la Constitution. Si le constituant a permis de présenter l’ensemble des amendements, c’est précisément pour laisser une marge de manœuvre au Gouvernement, pour qu’il puisse se dire que, finalement, ce n’était pas si con ! On peut changer d’avis. Le Gouvernement peut intégrer à sa liste des amendements supplémentaires qu’il aura trouvés pertinents.
Les propos de M. le ministre sont en contradiction avec l’esprit même de la Constitution.
M. François Patriat. Le ministre a raison !
M. Ronan Dantec. Je formule donc un rappel au règlement par rapport à l’essence même de l’esprit de la Constitution, que M. le ministre ne semble pas avoir bien compris ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. le ministre lève les yeux au ciel.)
Article 10 (suite)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements et de onze sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux amendements sont identiques.
L’amendement n° 3949 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli.
L’amendement n° 4595 est présenté par M. Labbé, Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Analysant le temps passé à la retraite et le temps passé à la retraite en bonne santé, tenant compte de l’évolution de l’espérance de vie et de l’espérance de vie en bonne santé des retraités, en tenant compte des différences liées au genre et aux catégories socio-professionnelles. » ;
La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 3949 rectifié.
M. Gérard Lahellec. Cet amendement m’a été inspiré par une situation concrète : celle d’un non-salarié agricole. Celui-ci s’est trouvé en situation d’invalidité dans les trois mois qui ont précédé son soixantième anniversaire. Par conséquent, il est parti à la retraite à l’âge de 60 ans, mais sans bénéficier de la plénitude des droits garantis par les lois Chassaigne.
Or l’article 10 prévoit notamment d’assouplir les dispositions différentielles, comme vous vous y étiez engagé devant moi, monsieur le ministre, lors de l’examen, dans cet hémicycle, de la loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses.
La rédaction ici retenue me convient assez bien, dans la mesure où la revalorisation des pensions de retraite bénéficiant du taux plein sera désormais mieux assurée.
Toutefois, dans le même temps, la personne dont je parle, qui a dû prendre sa retraite dans des conditions particulières, à 60 ans, devrait actuellement attendre 62 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Par conséquent, nous demandons que ces situations particulières soient prises en considération pour des catégories sociales qui – passez-moi l’expression – ne roulent pas sur l’or.
Monsieur le ministre, quelles suites envisagez-vous de donner à ma question, qui porte sur une situation qui affecte des personnes en situation de nécessité ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 4595.
M. Jacques Fernique. Mon collègue Joël Labbé est à l’initiative de cet amendement ; il espère convaincre le Gouvernement de l’ajouter à la liste des amendements acceptés, comme l’article 42, alinéa 9, de notre règlement et l’article 44, alinéa 3, de la Constitution le permettent.
L’espérance de vie en bonne santé stagne depuis dix ans. Alors que la France occupe l’une des meilleures places en matière d’espérance de vie à la naissance, elle est proche de la moyenne européenne pour l’espérance de vie en bonne santé. De plus, celle-ci est marquée par de fortes inégalités, comme cela a été reconnu lors des débats sur l’article 8.
Votre projet est injuste, monsieur le ministre, car ce sont les personnes dont l’espérance de vie et, a fortiori, l’espérance de vie en bonne santé sont les plus faibles qui subiront le plus votre réforme, c’est à eux que ce texte retirera des années de retraite.
Rappelons-le, l’espérance de vie à la naissance des hommes est de 84,4 ans pour les 5 % les plus riches, contre seulement 71,7 ans pour les 5 % les plus pauvres, soit un écart de treize ans.
Au travers de cet amendement, nous souhaitons, une nouvelle fois, dénoncer le caractère injuste et brutal de cette réforme et proposer que l’évolution de l’espérance de vie en bonne santé soit incluse dans le rapport annuel du comité de suivi des retraites, avec une attention particulière pour les inégalités liées au genre et aux catégories socioprofessionnelles.
M. le président. Les onze sous-amendements déposés sur cet amendement sont identiques.
Le sous-amendement n° 5725 est présenté par M. Kerrouche.
Le sous-amendement n° 5729 est présenté par Mme Meunier.
Le sous-amendement n° 5738 est présenté par M. Fichet.
Le sous-amendement n° 5739 est présenté par M. Féraud.
Le sous-amendement n° 5740 est présenté par Mme Le Houerou.
Le sous-amendement n° 5742 est présenté par M. Éblé.
Le sous-amendement n° 5743 est présenté par Mme Rossignol.
Le sous-amendement n° 5744 est présenté par M. Mérillou.
Le sous-amendement n° 5745 est présenté par Mme Van Heghe.
Le sous-amendement n° 5746 est présenté par M. Tissot.
Le sous-amendement n° 5747 est présenté par M. Cardon.
Ces sous-amendements sont ainsi libellés :
Amendement n° 4595, alinéa 3
1° Après le mot :
santé
insérer les mots :
et les incidences sur la vie et les activités quotidiennes
2° Après les mots :
au genre
insérer les mots :
au niveau de vie
Le sous-amendement n° 5725 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter le sous-amendement n° 5729.
Mme Michelle Meunier. Voilà un beau sujet, dont nous aurions pu débattre si nous discutions encore dans un cadre ordinaire, dans un Sénat normal, lors de l’examen d’un projet de loi classique ; mais tel n’est pas le cas…
Nous proposons un sous-amendement à l’amendement que vient de présenter notre collègue, qui tend à compléter l’analyse du CSR en y incluant l’espérance de vie en bonne santé. Cet indicateur de santé publique mesure le nombre d’années que peut espérer vivre une personne sans être limitée dans ses activités quotidiennes par un problème de santé. L’espérance de vie à la naissance s’allonge régulièrement, mais ces années supplémentaires de vie ne sont pas toutes nécessairement passées en bonne santé.
En 2021, les hommes âgés de 65 ans peuvent espérer vivre encore 11,3 ans ; les femmes du même âge, 12,6 ans. Derrière ces moyennes se cachent toutefois d’énormes disparités : si l’espérance de vie en bonne santé a augmenté dans tous les groupes socioprofessionnels, l’écart entre ouvriers et cadres reste le même. Une étude a montré que les ouvriers vivent moins longtemps que les cadres et qu’ils passent plus de temps avec des incapacités et des handicaps.
Une analyse fine et précise de l’espérance de vie sans incapacité des différentes catégories socioprofessionnelles est donc primordiale pour traiter de la question des retraites avec plus de justice et d’égalité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter le sous-amendement n° 5738.
M. Jean-Luc Fichet. Est-il nécessaire de l’expliquer longuement ? Les ouvriers et les salariés exposés, en raison de leur métier, au port de charges lourdes, au chaud et au froid, ou à des produits chimiques sont soumis à des risques de maladie, à une pénibilité, qui raccourcissent l’espérance de vie.
Ainsi, si la moyenne de l’espérance de vie est de 11,3 ans pour les hommes âgés de 65 ans et de 12,6 ans pour les femmes du même âge, on sait bien qu’il y a des écarts très importants selon les individus. C’est d’ailleurs pourquoi l’instauration de la retraite à 60 ans au début des années 1980 a engendré une explosion de joie chez les ouvriers et les salariés.
Je peux ainsi porter témoignage de personnes que je connaissais qui étaient dans ce cas. Je pense en particulier à un homme qui, trente ans durant, avait porté des caisses de douze bouteilles de vin. Il m’avait dit son bonheur lors de cette décision, parce que, en partant à la retraite à 60 ans, il pouvait espérer être encore en bonne santé pendant cinq ou six années et faire les choses qui lui plaisaient. C’est d’ailleurs ainsi que cela s’est passé, puisque, ensuite, il a été condamné à rester au lit.
Ce sous-amendement se justifie donc par son texte même.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter le sous-amendement n° 5739.
M. Rémi Féraud. Ce sous-amendement est identique. Je souhaite toutefois utiliser ces quelques minutes pour évoquer un sujet essentiel : les inégalités que cette réforme des retraites creusera, et ce à un moment crucial de la vie de la plupart des hommes et des femmes, les premières années de la retraite, qui sont souvent parmi les plus belles années de la vie, celles pendant lesquelles on peut mener les projets auxquels on n’a pas pu se consacrer quand on travaillait.
Avec cette réforme, ce sont les deux premières de ces années que vous prenez aux Français, mais ces deux années n’ont pas la même valeur selon que l’on est riche ou pauvre, selon la profession que l’on a exercée et selon l’état de santé dans lequel on se trouve à la fin de sa vie professionnelle et au début de sa retraite.
Ces modestes sous-amendements tendent donc à prévoir que soient établies objectivement les inégalités que cette réforme creuse entre les Français, en fonction de leur catégorie socioprofessionnelle et de leurs revenus.
Une réforme des retraites qui ne lutte pas contre les inégalités ne sera jamais une réforme de gauche, monsieur le ministre ! (Mme Émilienne Poumirol et MM. Thomas Dossus et Jacques Fernique applaudissent.)
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter le sous-amendement n° 5740.
Mme Annie Le Houerou. Ce sous-amendement identique repose sur la même préoccupation que ceux de mes camarades.
L’espérance de vie à la naissance s’allonge régulièrement, mais ces années supplémentaires de vie ne sont pas toutes nécessairement vécues en bonne santé. Derrière les moyennes citées se cachent d’énormes disparités. Si l’espérance de vie en bonne santé a augmenté dans tous les groupes socioprofessionnels, l’écart entre ouvriers et cadres reste important, puisqu’il est de treize années.
Je veux vous citer l’exemple concret de Christelle, une aide-soignante de 48 ans diplômée depuis 1998. Elle souffre de douleurs cervicales et dorsales, d’arthrose et d’arthrite. Ses douleurs étaient telles qu’elle a dû avoir recours à un arrêt de travail de longue durée, à un traitement à base de corticoïdes et à un repos strict pour se refaire un semblant de santé. Elle doit se maintenir dans des postures pénibles, la manutention des patients est très difficile ; les corps sont mis à rude épreuve. Il lui reste encore quinze ans à travailler, mais son corps n’en peut plus. Pour cette personne, la notion d’espérance de vie en bonne santé a une portée réelle.
C’est pourquoi nous demandons que cet élément particulier, l’espérance de vie en bonne santé, et, plus largement, les incidences du travail sur la vie et les activités quotidiennes en fonction du niveau de vie comptent parmi les éléments d’appréciation figurant dans le rapport du CSR.