Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le temps de parole est épuisé !
M. Pierre Laurent. … mais cette réforme est à contretemps, elle est archaïque, elle sera combattue par les Français et ne sera pas appliquée ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 2047.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues du groupe Les Républicains, vous jouez avec le feu !
J’ai bien entendu l’argumentation du président de votre groupe, M. Retailleau, selon lequel vous avez le courage de faire des réformes impopulaires parce que vous sauriez mieux que le peuple ce qui est bon pour la Nation.
M. Max Brisson. Il n’a pas dit cela !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On peut faire cela une première fois, puis une deuxième, puis on croit que l’on pourra continuer éternellement !
Eh bien, figurez-vous que non, pour une raison simple : la première fois, les Français peuvent y croire – on va « sauver le système de répartition », « répondre aux problèmes du temps », et « les choses iront mieux pour la Nation » –, mais, réforme après réforme, ils se rendent compte que les choses sont pires pour eux et pour le pays ! Donc, ils ne vous croient plus…
M. Max Brisson. Vous non plus !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Jamais le général de Gaulle (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) n’aurait eu ce raisonnement !
M. Max Brisson. Laissez de Gaulle là où il est !
M. Roger Karoutchi. Vous n’avez jamais été gaullistes !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Laissez-moi vous expliquer pourquoi !
M. Roger Karoutchi. Vous avez combattu de Gaulle !
Un sénateur du groupe Les Républicains. Et de Gaulle vous a toujours combattus !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Chaque fois que le général de Gaulle a eu un doute sur le soutien des Français, il s’est présenté devant le peuple et a organisé un référendum. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Mitterrand ne l’a jamais fait !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous, vous avez peur de le faire !
Or la conséquence de ces attitudes, qui s’accumulent dans le temps et par lesquelles vous théorisez que la bonne politique est celle qui doit être faite contre le peuple, est que celui-ci s’abstient, accumule de la colère, se démoralise face à l’avenir de la France…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et se tourne vers l’extrême droite. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 2048.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, j’ai posé plus tôt dans le débat une question qui n’a pas trouvé de réponse. Vous me permettrez donc de la reposer.
Cette question est très simple : lors de la campagne électorale, le Président de la République avait expliqué que le recul de deux ans de l’âge de départ à la retraite permettrait de financer un minimum retraite de 1 200 euros pour tout le monde. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
Mais si, je pourrais vous transmettre les propos de M. Macron. On sait maintenant que seuls 10 000 à 20 000 retraités pourront en bénéficier. Je vous repose donc ma question : quel est le gain budgétaire de cette réforme des retraites ?
Les économistes évaluent à 0,6 % du PIB le surcroît de recettes budgétaires dans dix ans. Nous confirmez-vous cette évaluation ?
Mes chers collègues, il faut prendre conscience, comme l’a très bien dit M. Retailleau, qu’il s’agit aussi d’une réforme budgétaire. Il est très important que les Français sachent que nous sommes en train de discuter d’un nouvel impôt. (Mme Céline Brulin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 2049.
M. Pascal Savoldelli. Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que nous avons eu droit à quelques comparaisons dans ce débat. Eh bien, tenez, je vais vous parler de l’Allemagne, moi aussi, pour faire vibrer votre enthousiasme, messieurs les ministres, chers collègues de la majorité sénatoriale.
Prenons un chiffre : 20 %. C’est le taux de pauvreté des retraités en Allemagne. C’est le même en Irlande ! Pourtant, l’âge de départ à la retraite y est de 66 ans, soit 10 % plus élevé qu’en France.
Un deuxième chiffre : 60 %. C’est le pourcentage de pays ayant fait machine arrière, parfois sur la décision de partis de droite libérale, après avoir privatisé leur régime de retraite, diminué leur taux de couverture, baissé les allocations de retraite et aggravé les inégalités de genre et de revenu.
Donc, les comparaisons européennes, c’est à charge et à décharge !
Nous sommes à un moment de clarification politique.
M. Michel Dagbert. Ah ça oui !
M. Pascal Savoldelli. M. Retailleau a été très clair quand il a dit qu’il s’agissait d’une réforme de droite ; c’est bien d’une réforme de droite que nous sommes en train de discuter.
J’ai pensé tout à l’heure au formidable film Le Salaire de la peur, dans lequel quatre aventuriers vont, par cupidité, défier la nature ; là, on pouvait parler de pénibilité… Ce que nous venons de vivre depuis jeudi dernier, avec le vote de la première partie du projet de loi par la droite sénatoriale et avec la volonté d’ajouter deux années de cotisation, cela revient à proposer aux Français « la retraite de la peur », pour les obliger à entrer dans la capitalisation. Voilà l’enjeu de cette réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 2050.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le ministre, 70 % des Français et plus de 90 % des salariés sont opposés au report de 62 à 64 ans de l’âge de départ à la retraite.
Le Président de la République affirme que les Français doivent travailler plus. Quant à nous, nous proposons qu’ils travaillent tous, ce qui permettrait d’abonder les caisses des assurances sociales avec les nouvelles cotisations.
La dernière réforme paramétrique des retraites, qui a fait reculer l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans, que vient d’évoquer Pierre Laurent, réforme imposée par Nicolas Sarkozy en 2010, a eu pour conséquence, selon l’Unédic, de plonger 100 000 seniors dans le chômage de longue durée entre 2010 et 2022. Il ne s’agit pas, on peut le dire, d’une brillante réussite !
Imagine-t-on un métallurgiste ou un salarié à la chaîne chez Renault, où l’on travaille souvent en « trois huit », continuer d’occuper, à 64 ans, un poste de travail dans une entreprise ? Une infirmière me disait récemment avoir terminé sa carrière professionnelle par un arrêt maladie lié à un burn-out, suivi d’une période de chômage de deux ans. Comment une infirmière ou une aide-soignante pourra-t-elle travailler jusqu’à 64 ans, voire plus ?
Repousser l’âge de départ à la retraite, c’est augmenter la période de non-emploi des seniors. Risquant de ne pas toucher d’indemnités de chômage durant ces années, ces derniers seront poussés vers les minima sociaux, qui ne permettent pas de vivre dignement. Est-ce la description d’une réforme de gauche, monsieur le ministre ? Je ne le crois pas, et ce n’est pas l’indigent index seniors prévu à l’article 2 de votre texte qui incitera les entreprises à garder les plus de 60 ans dans leurs effectifs.
L’allongement des carrières provoquera immanquablement un « sur-chômage » chez les salariés les plus âgés, qui risquent en outre de ne pas avoir une carrière complète, ce qui aura un impact négatif sur leur pension future. Faire basculer les dépenses de retraites sur les indemnités de chômage est une politique qui n’a aucun sens d’un point de vue économique.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE. – M. Mickaël Vallet applaudit également.)
M. le président. Les amendements nos 2080 et 2268 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Après les présentations de ces amendements répétitifs, dont certaines dépeignaient un tableau particulièrement apocalyptique de la valeur travail, je veux dire qu’il y a encore des gens qui voient les choses différemment !
Monsieur Pierre Laurent, vous avez affirmé que certains rêvaient de fixer l’âge de la retraite à 64 ans. Eh bien, pour moi, la retraite à 60 ans, c’est un cauchemar ! Cela implique en effet que l’on n’aime pas le système par répartition, cela veut dire que l’on n’a pas vu évoluer la société ; la société vieillit, monsieur Laurent ! (Protestations sur des travées des groupes CRCE et SER.) Il y a de moins en moins de naissances, l’espérance de vie s’allonge, donc la retraite dure de plus en plus longtemps !
Mme Céline Brulin. Mais nous sommes plus productifs !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Par conséquent, si vous voulez prendre des mesures plombant le système par répartition, c’est que vous ne l’aimez pas.
J’ai également écouté M. Sueur, qui a développé une argumentation tout à fait intéressante : selon lui, en travaillant plutôt sur la durée de cotisation, on pourrait peut-être rendre les gens plus heureux. Eh bien, non ! On le sait, plus on travaille sur la durée de cotisation, sur les annuités, plus cela diminue la pension moyenne, d’environ 300 euros. Lisez l’étude d’impact, mon cher collègue, je n’ai rien inventé !
Cela signifie donc que vous n’aimez pas les retraités, que vous voulez avoir des retraités pauvres ! (Rires et protestations sur les travées du groupe SER. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Kanner. Caricatural !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je me tourne à présent vers le côté droit de l’hémicycle. De ce côté-là, on pense qu’il faut jouer sur le niveau de l’âge légal. Mes chers collègues, vous avez raison !
Vous avez raison, parce que, dans un système par répartition, c’est le seul moyen d’élever le niveau des pensions, de dégager des recettes supplémentaires et de pratiquer plus de solidarité.
J’en déduis donc, mes chers collègues du côté gauche, que vous n’aimez pas la solidarité ! Nous, nous l’aimons ! (Mêmes mouvements.)
Nous l’aimons et nous voudrions la proposer aux Français, non pas dans des discours, mais dans des actes !
Or ce sont les articles suivants qui comportent des mesures en faveur des mères de famille – vous en parlez beaucoup, nous agissons ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.) –, des mesures de prise en compte de l’usure professionnelle, des mesures pour la retraite progressive.
Un sénateur du groupe SER. Ce n’est pas vrai !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Il serait donc temps de progresser dans l’examen du texte, monsieur le président. Les Français attendent de nous que nous insufflions un peu plus de justice sociale à ce texte – il en manque un peu, messieurs les ministres –, au travers de diverses dispositions que nous souhaiterions vivement examiner.
Vous l’aurez donc compris, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mmes Véronique Guillotin et Patricia Schillinger, ainsi que MM. Emmanuel Capus et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Je ne reprendrai pas, à l’appui de l’avis du Gouvernement sur ces quelque soixante-dix amendements de suppression de l’article 7, les arguments très synthétiques avancés par Olivier Dussopt. J’exposerai plutôt quelques principes relatifs à la fonction publique, qui est également visée par cet article.
Au préalable, je veux exprimer ma satisfaction que, dans cette chambre, on puisse débattre de la situation des agents de la fonction publique.
M. Rachid Temal. C’est le charme du Sénat.
M. Stanislas Guerini, ministre. Cela n’avait pas été possible à l’Assemblée nationale ; il était dommage de ne pas pouvoir évoquer au fond les principes s’appliquant à ces agents, qui figurent majoritairement à cet article.
J’évoquerai cette question de façon très synthétique, avant d’exprimer rapidement notre avis sur ces amendements identiques.
Il y a d’abord un principe d’équité. Les Français n’auraient pas compris que les mesures d’effort concernant les salariés du privé ne soient pas demandées de façon absolument symétrique aux agents de la fonction publique.
M. Rachid Temal. Et les entreprises ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Ce sera le cas pour l’âge d’ouverture des droits et pour l’accélération de la durée de cotisation.
Il y a ensuite un principe de cohérence. Nous avons préservé les caractéristiques fondamentales du système de retraite pour les agents de la fonction publique, avec un calcul fondé sur les six derniers mois et sur la rémunération indiciaire des fonctionnaires.
Nous conservons également le système des catégories actives, non seulement dans son principe, mais également dans la durée de service requise.
Par ailleurs, Olivier Dussopt l’a rappelé, tant pour les catégories actives que pour les agents sédentaires – donc pour tous les agents de la fonction publique –, nous ne modifions pas l’âge d’annulation de la décote.
Il y a enfin un principe de progrès. En supprimant l’article 7, vous voteriez contre des améliorations du système et des progrès pour les fonctionnaires. Je veux en mentionner rapidement trois.
Je pense d’abord à la portabilité des droits pour les agents publics qui sont dans les catégories actives. Actuellement, si un fonctionnaire change de métier – par exemple, si un policier devient douanier ou agent de la pénitentiaire –, il perd tout le bénéfice de ses années passées. Grâce à l’article 7, nous mettons fin à cette situation injuste.
Plus injuste encore, voter contre l’article 7, ce serait voter contre la suppression de la clause d’achèvement. Cela peut paraître technique, mais ce principe, qui existe dans le système actuel de retraite, exige de terminer sa carrière dans une catégorie active, c’est-à-dire dans un métier pénible, pour pouvoir bénéficier des mesures y afférentes. C’est tout l’inverse de ce que nous devons faire pour aménager les fins de carrière ! En votant pour cet article 7, vous supprimerez la clause d’achèvement.
Enfin, la troisième amélioration concerne les contractuels de la fonction publique, qui représentent 20 % des agents publics aujourd’hui. Les contractuels font parfois le même métier que les agents publics relevant d’une catégorie active,…
M. Pierre Laurent. Il faut les titulariser !
M. Stanislas Guerini, ministre. … mais ils ne bénéficient pas des mêmes mesures de protection. En adoptant cet article, vous permettrez aux contractuels,…
M. Rachid Temal. De travailler deux ans de plus !
M. Stanislas Guerini, ministre. … dès lors qu’ils seront titularisés dans la fonction publique, de valider leurs années – parfois cinq ou six – de contractuels en tant que service en catégorie active ; je pense par exemple aux quelque 100 000 agents contractuels qui exercent comme aides-soignants à l’hôpital.
Mme Laurence Rossignol. Titularisez-les !
M. Stanislas Guerini, ministre. Voilà certaines des avancées incluses dans l’article 7, qui sont autant de bonnes raisons pour le Gouvernement d’émettre un avis défavorable sur ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Monsieur le rapporteur, vous n’étiez pas avec nous tout au long de la nuit dernière, mais sachez que des amendements de solidarité, nous en avons alors défendu un certain nombre ; ils ont été tous balayés ! Oui, nous aimons la solidarité, mais la vraie, celle qui fait payer ceux qui profitent le plus.
J’ai déjà expliqué la situation de blocage démocratique dans laquelle nous étions ce soir. Vous avez commencé ce débat en refusant tout autre mode de financement que votre logique du « travailler plus ».
Avec cette réforme décalant l’âge de départ à la retraite, vous éloignez une fois de plus, pour les Français, pour les travailleurs, l’horizon du répit, l’horizon de la vie quand on est enfin sorti de la course à la production.
Pour nous, écologistes, cette réforme va à rebours de tous les enjeux du moment, de tous les enjeux du siècle. Pour reprendre les propos d’Olivier Véran, vous avez « d’autres urgences à gérer » ; de fait, nous avons tous d’autres urgences à gérer et le défi climatique devrait être la priorité absolue sur laquelle nous mobiliser, ici, soirs et week-ends s’il le faut, beaucoup plus en tout cas que cette réforme visant à faire travailler toujours plus.
Travailler plus, c’est produire plus, c’est extraire plus, c’est polluer plus. Faite pour servir un modèle économique insatiable, destructeur du climat, cette réforme des retraites va à rebours de l’urgence, la vraie : les rapports du Conseil d’orientation des retraites sont beaucoup moins inquiétants que ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), beaucoup moins précis sur l’avenir, beaucoup moins implacables sur notre destin commun.
Si la retraite par répartition doit être renforcée, c’est parce que c’est un système de solidarité entre les générations ; si nous devons repenser nos modes de production et notre rapport au travail, c’est aussi dans une logique intergénérationnelle de protection des générations futures.
Votre réforme participe à une logique qui épuise l’humain et la planète, en visant des objectifs insoutenables de croissance infinie dans un monde fini. C’est pourquoi nous sommes écologistes et refusons votre logique obsolète, en appelant à la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Lucien Stanzione applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. J’ai bien écouté notre rapporteur et le Gouvernement ; je confonds d’ailleurs parfois les deux, tant les propos se ressemblent et se rapprochent…
Ce serait donc une réforme pour les femmes, pour les fonctionnaires, pour les jeunes, pour les ouvriers, pour les infirmières, pour les aides-soignants, pour tous les métiers pénibles. Pourtant, ni les femmes, ni les fonctionnaires, ni les jeunes, ni les infirmières, ni les aides-soignants, ni tous ceux qui ont un métier pénible ne la soutiennent ! Quelle ingratitude… Quelle ingratitude de ce peuple qui refuse la réforme de progrès que vous nous présentez ! Et ils ne se contentent pas de dire, comme M. le rapporteur : « Avis défavorable », ils disent : « Retrait ! » (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Demande de clôture
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, sur le fondement de l’article 38 du règlement, je demande la clôture de la discussion (Ah ! sur les travées des groupes SER et CRCE.) de ces 77 amendements – identiques ! – de suppression de l’article 7.
M. le président. Je suis saisi par M. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, d’une demande de clôture de la discussion sur les amendements identiques nos 3 et suivants.
En application de l’article 38 de notre règlement, la clôture de la discussion peut en effet être proposée lorsqu’au moins deux orateurs d’avis contraire sont intervenus, ce qui est le cas.
Aux termes du même article, la parole est donnée à un orateur par groupe qui le demande et à un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Après avoir entendu la litanie des orateurs qui se sont succédé en faveur de la suppression de cet article… (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Il y a eu beaucoup d’arguments similaires, mes chers collègues !
Après avoir entendu cette litanie, disais-je, je me suis dit que j’aimerais bien être une petite souris lors de la prochaine réunion du parti socialiste européen. En effet, j’ai entendu décrire une apocalypse, parler d’exploitation de l’homme par l’homme, mais par de tels propos, mes chers collègues, vous disqualifiez des gens comme le premier ministre Costa ou le président Sanchez, qui ont conduit ce type de réforme !
Eux gouvernent, eux ont été réélus ! Eux ont assumé : c’est là une grande différence avec votre positionnement.
Lionel Jospin est-il revenu sur la réforme Balladur ? Non ! François Hollande est-il revenu sur la réforme Woerth ? Non ! Il n’a procédé qu’à quelques petits aménagements.
Reviendrez-vous sur l’article 7 s’il est voté ? La réponse est non ! Vous avez qualifié le report de l’âge de départ à la retraite d’« impôt sur la vie ». Or on sait bien que les impôts, vous ne les baissez jamais ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous ne reviendrez donc jamais, naturellement, sur ce report.
Comme le dit notre collègue Lucien Stanzione, ayez du courage ! Retirez ces amendements de suppression puisque vous ne reviendrez pas sur cet article.
En tout état de cause, le groupe RDPI votera contre ces amendements, car non seulement ces grands écarts permanents font mal aux adducteurs, mais ils sont de nature à entamer la confiance dans la politique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. Je rappelle que nous discutons de la clôture. Je déduis de vos propos que vous y êtes favorable, monsieur Lemoyne ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Oui, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Éliane Assassi. À vrai dire, nous ne sommes pas surpris par cette demande de clôture de notre discussion.
Mme Éliane Assassi. La rumeur, comme d’autres d’ailleurs, bruissait dans les couloirs du Sénat depuis quelques heures ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sincèrement, le recours à cette procédure est un acte de faiblesse de la part de la droite sénatoriale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est une marque de la fébrilité qui parcourt vos travées et le banc du Gouvernement.
Au motif que nous ferions de l’obstruction (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.) – nous entendons cette petite musique depuis le début de l’examen de ce projet de loi ! –, vous avez recours à une procédure, monsieur le président, peu usitée ici au Sénat, et ce quelques heures après une magnifique journée de manifestations dans le pays et l’annonce d’une autre grande mobilisation samedi prochain.
Monsieur Lemoyne, nous avons du courage, mais vous, vous perdez votre sang-froid ! Nous dénonçons ce coup de force !
Je le dis aussi crûment que je le pense : cette procédure est une attaque contre la démocratie et les droits du Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Ce n’est pas digne du Sénat !
M. Max Brisson. C’est le règlement du Sénat !
Mme Éliane Assassi. Alors, parce que nous avons besoin d’y voir clair sur l’organisation des débats au cours des prochaines heures, les présidents de nos trois groupes de gauche, Patrick Kanner, Guillaume Gontard et moi, demandons la réunion immédiate d’une conférence des présidents ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains.
Mme Laurence Cohen. Mais il a encore le droit de parler ?
M. Bruno Retailleau. J’indique que notre groupe votera, bien entendu, pour la clôture, car cela fait cinq jours et cinq nuits que nous faisons face à une obstruction. (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’obstruction, c’est la négation du rôle du Parlement. Il est certes dans le rôle du Parlement de débattre, mais on débat toujours pour voter. Nous avons été élus non pas pour constituer des groupes de parole, mais pour voter !
L’obstruction est une sorte d’auto-effacement, d’auto-dessaisissement du Parlement.
M. David Assouline. Et ce que vous avez fait lors du mariage pour tous, vous vous en souvenez ?
M. Bruno Retailleau. Vous allez refuser – nous avançons à un train d’escargots ! – que se tienne un vote sur l’ensemble du texte. Contrairement à vous, nous voulons voter les dispositions sur les petites retraites, l’usure professionnelle, ou encore le handicap au travail. Choisir de ne pas voter, c’est choisir de ne pas peser !
Veillez bien à ce que l’obstruction n’alimente pas l’antiparlementarisme ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) Les Français vont constater que, à force de discuter, le Parlement ne sert à rien !
Je l’affirme, l’obstruction est au Parlement ce que la désertion est à un soldat : la négation même de sa mission ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Patrick Kanner. J’ose le dire : honte à vous ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Ce n’est pas glorieux !
M. Patrick Kanner. Après vous être laissé bâillonner par l’article 47-1 de la Constitution et par le Gouvernement, vous voulez à présent bâillonner l’opposition. C’est un scandale ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Sauf erreur de ma part, l’article 38 n’a jamais été utilisé dans cet hémicycle.
M. Max Brisson. Il est dans le règlement !
M. Patrick Kanner. Si vous y avez recours, c’est parce que vous avez été incapables de défendre vos arguments tout au long de ces cinq jours ! (Mêmes mouvements.)
Pour notre part, nous nous sommes exprimés devant les Français, nous avons exposé nos arguments et notre projet de société ; vous, vous êtes couchés ! (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Allez, c’est fini !
M. Patrick Kanner. Oui, monsieur le président, vous allez appliquer l’article 38, le règlement vous en donne la possibilité (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), mais nous serons consultés au préalable.
Permettez-moi de rappeler que, dans sa décision du 11 juillet 2019, le Conseil constitutionnel a confirmé la réserve d’interprétation qu’il avait déjà formulée en 2015, selon laquelle « il appartiendra au président de séance d’appliquer ces limitations de temps de parole » – la clôture du débat, ce bâillonnage – « en veillant au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. » (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Eh bien, nous déposerons un recours devant le Conseil constitutionnel pour savoir si la sincérité de nos débats a été préservée dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)