M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, sur l’article.
M. Mickaël Vallet. Au moment d’aborder l’examen de l’article 7, M. le rapporteur a évoqué une équation qui n’aurait que deux facteurs. Rien n’interdisait pourtant d’en introduire d’autres. Tous ceux que nous avons proposés ont été refusés avec si peu d’explications que, faute de mieux, nous sommes contraints d’écouter ceux qui parlent pour vous, monsieur le rapporteur.
C’est le cas d’Alain Minc, penseur organique de la droite et de la Macronie, qui écume ces jours-ci les plateaux de télévision. Lui-même étant un auteur pluricondamné pour contrefaçon, je précise d’emblée, pour ne pas être accusé de plagiat, que je m’apprête à citer ses propos.
Dénué de pudeur, voire de surmoi, celui-ci a ainsi déclaré : « Dans la vie, on a l’obligation de bien parler à son banquier. » Comme si ceux qui triment en fin de mois, notamment ceux qui sacrifient une partie de leur salaire pour faire grève, ne le savaient pas mieux que d’autres !
Je poursuis : « On ne paye que 0,5 % de taux d’intérêt en plus que l’Allemagne, ce qui, finalement, est une bénédiction imméritée pour la France. » Un tel esprit patriotique confine au masochisme !
Enfin – cette citation est à encadrer –, « Le marché est un être primaire : s’il voit qu’on a changé l’âge, il considérera que la France est enfin un pays sérieux ».
Pour être sérieux, il faut donc être injuste. Tout est dit par ce monsieur, sans filtre et sans honte. Le marché est primaire, soyons-le avec lui !
Si tel est le projet, c’est déposer les armes devant la brutalité de la vie et sacrifier l’honneur de la politique à l’appétit insatiable du marché.
Il fut un temps, antémaastrichtien, où vous proclamiez, avec le Général, que « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille ». C’est là-dessus que nous aimerions vous entendre.
Ne laissez pas les autres parler à votre place ! Minc n’est rien. Le peuple qui a défilé aujourd’hui est tout.
Exprimez-vous, comme nous le faisons aujourd’hui pour vous demander le retrait ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Puisque notre collègue Alain Milon a convoqué Spinoza, sachons ensemble continuer de comprendre ce réel qui sous-tend le pacte social.
Je demeure convaincue, messieurs les ministres, que, dans notre pays, la retraite constitue, au travers de son histoire, l’un des piliers, fondamental, du pacte social.
Je veux rendre hommage ce soir à celui qui fut l’un des inspirateurs de la première loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884 relative aux syndicats professionnels, portant notamment sur les caisses de secours mutuel et de retraites.
Je veux parler de Michel Rondet, cet habitant de la commune de La Ricamarie, située au cœur de la vallée de l’Ondaine, dans le département de la Loire, une de ces vallées ouvrières, terres de solidarité et de fraternité.
Je veux aussi rendre hommage à cet homme, Ambroise Croizat, qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a su si bien incarner l’héritage du Conseil national de la Résistance, lorsque gaullistes et communistes se sont dit que, pour reconstruire la France, nous avions besoin, au travers d’un pacte social, de la sécurité sociale et d’une branche vieillesse prenant en compte ce nouveau temps de la vie.
Inévitablement, le pacte social a évolué, parce que, en bientôt quatre-vingts ans, la société elle-même a évolué.
Cependant, année après année, la retraite n’a jamais perdu de son utilité sociale. Je pense à ces femmes et à ces hommes, présents dans nos communes et dans les associations, à ces jeunes retraités qui, aujourd’hui, donnent tout leur sens à ce que doit être la retraite, ce moment du troisième ou du quatrième âge de la vie personnelle, qui est aussi un moment de la vie collective, celui où l’on rend à la société qui nous a tant donné.
Messieurs les ministres, votre projet de loi ne répond plus à ce pacte social. En ce sens, nous ne voterons pas l’article 7. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien ! Bien envoyé !
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.
M. Olivier Jacquin. Nous examinons enfin l’article 7, cœur de cette réforme.
Dimanche dernier, je vous ai parlé de mon rêve, ou plutôt de mon cauchemar, dans lequel une cohorte de livreurs à vélo de 65 ans venait vous livrer trop lentement des plats qui arrivaient froids, déclenchant votre courroux.
Un collègue de la majorité m’a concédé dans le couloir que, effectivement, certains métiers ne peuvent être exercés toute une vie durant.
D’ailleurs, monsieur le ministre Dussopt, lors d’une conférence de presse du 10 janvier dernier, vous avez vous-même déclaré : « La reconversion est le meilleur moyen de prévenir l’usure professionnelle pour les salariés les plus exposés. »
Pourtant, le Gouvernement a retiré les critères de pénibilité. Le livreur à vélo qui n’a rien d’autre rigole devant votre propos. L’agriculteur que je suis rigole également.
La reconversion est un luxe qui n’est pas accessible à tous et qui ne peut justifier votre réforme, dorénavant mâtinée d’une perspective de capitalisation.
C’est une réforme injuste, par laquelle vous faites payer les seuls salariés, car vous refusez toutes nos propositions d’alternatives financières. Vous préférez taxer les gens sur leur vie plutôt que d’aller chercher l’argent là où il est en abondance.
Les Français vous l’ont dit massivement aujourd’hui : renoncez à cet article 7 et à cette réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. J’aimerais rappeler ici, dans ce temple de la raison laïque, un peu trop « instrumental », cette phrase, « Tu gagneras ta vie à la sueur de ton front », dont vous n’allez pas récuser l’origine !
Je rappellerai aussi que l’une des racines du mot travail est tripalium, instrument de torture. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous avez beau croire que le progrès est de river l’homme à son établi, le sens de l’histoire est précisément d’émanciper l’homme, soit par la technique, soit par la loi.
Ce n’est pas ce que vous êtes en train de faire. Vous êtes « à contre-histoire ». Vous infligez une méchanceté au peuple des travailleurs.
La France défile dans les rues. Le Président est muré dans le silence de son palais.
Laurence Rossignol a parfaitement raison de dire que nous sommes dans une impasse démocratique. À la limite, on pourrait dire – certains récusent cette position, je la partage – que la représentation légale n’est pas la représentation réelle.
Oui, en étant sourds et aveugles, vous faites un abus de majorité et vous faites preuve de majorité tyrannique. (M. Xavier Iacovelli mime l’incompréhension.)
Le peuple ne l’oubliera pas. Vous faites le lit du Front national et des extrêmes ! (Marques d’indignation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Demain vous en serez comptable. Je le dis sans le souhaiter, parce que je suis un républicain conséquent (Protestations sur les mêmes travées.) : par votre fermeture, vous appelez à la radicalisation et vous appelez aux violences.
Il faut en sortir. La seule façon d’en sortir est de retirer ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, sur l’article.
M. Henri Cabanel. Je comprends tout à fait les arguments qui ont été développés. J’en partage beaucoup, notamment ceux qui avancent qu’un projet de loi Travail aurait dû précéder un projet de loi Retraites.
Je voudrais tout de même apporter mon éclairage.
D’un côté, il est proposé le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans d’ici à 2030. De l’autre, nous avons la loi Touraine – une bonne loi selon moi –, adoptée lorsque François Hollande était aux responsabilités et qui est en vigueur depuis 2020.
Prenons l’exemple d’un jeune de 21 ans qui commence à travailler et qui, s’il veut atteindre le taux plein, devra travailler jusqu’à 64 ans. S’il a un salaire modeste – 2 000 euros brut – et qu’il veut partir à la retraite à 62 ans – je suppose, mes chers collègues, que vous voulez maintenir l’âge de départ à 62 ans –, il subira une décote de 5 %, soit 100 euros de moins par mois.
Ici et là, nous sommes pourtant tous d’accord pour considérer que les futurs retraités doivent bénéficier de pensions les plus hautes possible.
Bien que je considère également que le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale n’est pas le véhicule législatif approprié, ce dernier n’en contient pas moins d’autres articles, notamment les articles 8 et 9 sur la pénibilité, la retraite progressive, le droit des femmes ou les carrières longues, au travers desquels nous devons apporter tous les éléments nécessaires pour rassurer les Français. (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE. – M. Thani Mohamed Soilihi et Mme Annick Jacquemet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.
Mme Hélène Conway-Mouret. Comme les collègues qui se sont exprimés précédemment, je demande la suppression de cet article, pour trois raisons.
Premièrement, l’allongement du nombre d’années travaillées – 65 puis maintenant 64 – semble finalement être devenu un totem, pour démontrer que vous réussissez là où vos prédécesseurs ont échoué ou, peut-être, n’ont pas osé. Ainsi, cette réforme aurait vocation à figurer, parmi les autres, au tableau d’honneur d’un président qui se veut réformiste.
Deuxièmement, l’ampleur des manifestations de ce jour est la démonstration que vous n’avez pas pris en compte un changement radical dans le rapport au travail dans la société française, qui a été accéléré et certainement amplifié par la crise covid.
Enfin, troisièmement, nous serons dans quelques heures le 8 mars et je ne doute pas qu’un nombre de gestes symboliques, qui ne coûtent pas cher, certes, seront faits pour nous rappeler la grande cause du quinquennat précédent, le droit des femmes.
Avec cette réforme, vous offrez à ces dernières, en ce 8 mars 2023, le droit de travailler plus pour gagner moins et une retraite a minima.
En effet, nombre d’entre elles n’auront pas les 43 annuités en continu ni l’argent nécessaire pour contribuer à une assurance ou à un fonds de pension privé en vue de compléter une retraite minimale. Elles auront abandonné leur carrière en France pour suivre leur conjoint à l’étranger et auront, in fine, des carrières hachées et des cotisations faibles, voire inexistantes.
Et pourtant, vous leur demandez de travailler deux ans de plus en leur promettant une retraite de misère.
Le plus beau geste que vous pourriez faire pour les Françaises, en ce 8 mars 2023, serait de retirer votre réforme. (Mmes Monique de Marco et Raymonde Poncet Monge applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Alain Chatillon, sur l’article.
M. Alain Chatillon. Je m’exprimerai non pas en tant que sénateur, mais en tant qu’ancien chef d’entreprise, que j’ai été pendant trente-huit ans dans l’agroalimentaire.
Je voudrais que, au-delà des discussions que nous avons depuis quelques jours, vous puissiez réfléchir à un problème majeur : nous sommes dans un monde de compétition.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ah bon ?
Mme Éliane Assassi. Nous ne l’avions pas compris…
M. Alain Chatillon. J’ai connu des entreprises en Allemagne ou dans le nord de l’Europe, qui affichaient une bien meilleure compétitivité que la nôtre.
Dans l’agroalimentaire, nous sommes passés de 10 milliards d’euros d’exportations voilà trois ans à moins de 2 milliards d’euros cette année. (M. Rachid Temal s’exclame.)
Mme Céline Brulin. Et pourquoi ?
M. Alain Chatillon. Je vous invite à réfléchir à ceci. La compétitivité du monde d’aujourd’hui, avec la Chine, les États-Unis, l’Inde et bien d’autres pays nous oblige à entrer véritablement en compétition.
Le problème ne tient pas toujours aux rémunérations. Je vous rappelle que le Mouvement des entreprises de France (Medef) a trouvé un accord avec les syndicats pour proposer, dans quelques jours, une réglementation qui permettra l’intéressement, mais en même temps le principe de capitalisation.
C’est un sujet intéressant et important. Sachez que l’avenir appartient à ceux qui sont à même d’apporter aux autres des raisons de vivre et d’espérer. C’est ce que nous souhaitons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing, Mme Patricia Schillinger et M. Xavier Iacovelli applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. Je me souviens parfaitement du mois d’octobre 2010, quand nous siégions sur ces mêmes travées.
Le 12 octobre 2010, une énorme manifestation mobilisait 3 millions de personnes.
Plusieurs sénateurs des groupes CRCE, SER et GEST. Comme aujourd’hui !
M. Bruno Retailleau. À l’époque, je soutenais la réforme et je me souviens des mêmes arguments, souvent caricaturaux, du même ton, imprécatoire.
La réforme a été votée. Vous êtes ensuite arrivés au pouvoir. L’avez-vous abolie ? (Non ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. Bruno Retailleau. Non, vous ne l’avez pas abolie ! Vous l’avez durcie, avec les 43 annuités de la réforme Touraine ! Voilà la vérité !
Cela signifie, pour des Français qui arrivent à 22 ans sur le marché du travail, un départ à taux plein à 65 ans. Voilà votre double langage !
Oui, cette réforme, nous l’avons déjà votée ici, nous l’assumons !
M. Rachid Temal. C’est donc votre réforme !
M. Bruno Retailleau. Nous assumons le critère d’âge. Nous l’assumons, parce que c’est un levier efficace, qui nous permettra de sauver le régime des retraites. C’est aussi un filet de sécurité.
M. Rachid Temal. Non !
M. Roger Karoutchi. Si !
M. Bruno Retailleau. Enlevez cette borne d’âge et vous aurez une machine à décote. Or vous savez parfaitement que c’est ce qui crée des retraités pauvres.
Vous savez aussi que la décote des plus modestes est le double de la décote des cadres.
Alors oui, nous l’assumons, parce que cette borne d’âge permettra de sauver la réforme et le régime par répartition.
Même si cette réforme est provisoirement impopulaire (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.), nous en avons connu d’autres ! Quand on fait de la politique, on assume ce qui est bon pour le pays.
Cette réforme, à terme, ne sera pas plus abrogée que vous n’aviez abrogé la précédente ! (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. David Assouline. Votre réforme a été marquée au fer rouge : vous n’êtes plus jamais revenus au pouvoir depuis !
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, sur l’article.
M. Martin Lévrier. Nos prédécesseurs nous ont laissé, avec le système de retraite par répartition, un extraordinaire outil de solidarité intergénérationnelle, qui nous oblige rechercher systématiquement un équilibre entre les actifs et les pensionnés.
Nous savons tous aujourd’hui que ce système est déséquilibré et qu’il est redevenu fragile. Nous en connaissons les raisons, tout comme nous connaissons les solutions possibles.
Il y en avait trois, je ne les répéterai pas. Nous avons choisi la solution du report de l’âge de la retraite et vous savez aussi pourquoi.
Alors, on peut nous dire que c’est une réforme de droite…
M. Rachid Temal. Eh oui ! C’est M. Retailleau qui le dit !
M. Martin Lévrier. Certes, les amendements en ce sens ont été défendus dans cet hémicycle par la droite depuis quatre ans.
Mais on pourrait dire aussi, quand on regarde les articles qui suivent l’article 7, que c’est une réforme de gauche. (Vives exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Monsieur le président, vous comprendrez, dans ces conditions, pourquoi nos prises de parole se font rares en ce moment. (Protestations sur les mêmes travées.)
Mes chers collègues, je vous rappelle que les efforts sociaux que prévoit ce projet de loi sont de l’ordre de 6,5 milliards d’euros…
Mme Raymonde Poncet Monge. De 3 milliards !
M. Martin Lévrier. … contre 1 milliard d’euros pour la réforme Woerth et 4 milliards d’euros pour la réforme Touraine.
Cette réforme nous paraît aussi très importante, parce qu’elle rappelle la relation au travail.
J’entends depuis cinq jours maintenant à ma gauche…
Plusieurs sénateurs sur diverses travées. À votre droite !
M. Martin Lévrier. … pardon à ma droite, vous avez raison (Sourires.), des propos donnant une image assez pitoyable du travail, qui est vu comme une aliénation.
Je crois personnellement au travail comme facteur d’épanouissement.
M. Rachid Temal. Nous aussi !
M. Martin Lévrier. Vous le dites très rarement !
Enfin, je vous rappelle que cette réforme – j’y crois beaucoup – a été faite pour les jeunes.
Quand j’ai commencé à travailler à 25 ans, on m’a dit que je n’aurais pas de retraite. Je refuse de dire aux jeunes de 25 ans d’aujourd’hui qu’ils n’auront pas de retraite !
M. le président. Il faut conclure !
M. Martin Lévrier. C’est le manque de courage qui fait le lit des extrêmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Daphné Ract-Madoux et M. Yves Détraigne applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, sur l’article.
M. Yannick Vaugrenard. Je commencerai par dire à notre collègue Retailleau qu’il est exact que nous n’avons pas remis en cause la réforme des retraites que vous avez vous-mêmes mise en œuvre.
De la même manière, vous n’avez pas non plus remis en cause les 35 heures ni le mariage pour tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Nous traversons une période particulière dans laquelle notre démocratie est en danger.
Au travers de cette loi, nous jouons avec le feu. Sur la forme d’abord, car les organisations syndicales, pour la première fois depuis très longtemps, sont unies. Leurs propositions n’ont pas été prises en compte et elles ont été, en quelque sorte, laissées sur le bord du chemin.
Sur le fond, ensuite, car, depuis 2010, voire au-delà, notre société a considérablement changé. Le covid-19 est passé par là, à tel point que, dans les enquêtes d’opinion, nous voyons désormais des personnes proches de la retraite disposées à travailler deux années de moins, tout en envisageant une diminution sensible de leur pouvoir d’achat. C’est l’inverse de ce qu’elles déclaraient voilà seulement deux ou trois ans.
Depuis 2010, des élections présidentielles, également, sont passées par là. Les résultats obtenus l’année dernière par la candidate de droite, par la candidate de gauche ou encore par Emmanuel Macron, qui a réuni moins de 20 % du total des voix d’extrême droite, montrent bien que notre démocratie est en danger.
Aussi l’assemblée des territoires et le bicamérisme qui la soutient ont-ils une très grande importance. Faisons preuve de responsabilité, d’écoute et d’attention.
M. le président. Il faut conclure !
M. Yannick Vaugrenard. Ne nous obstinons pas à mettre en place ce qui a été prévu voilà quatre ans quand, depuis quatre ans, bien des choses ont changé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. La vie doit toujours porter en elle une lueur d’espoir, car « la fin de l’espoir est le commencement de la mort ». Beaucoup d’entre vous auront reconnu ces mots du général de Gaulle.
Reculer l’âge de départ à la retraite à 64 ans donne comme perspective aux Françaises et aux Français qu’ils n’auront peut-être pas d’autre choix que de cesser leur vie au travail au moment où ils ne seront plus capables de la vivre en bonne santé.
On pense bien sûr aux plus vulnérables, aux plus précaires, aux femmes, à celles et ceux qui ont commencé tôt à travailler et qui considèrent tout simplement que cette réforme est brutale.
Pourquoi n’écoutez-vous pas celles et ceux qui crient cette injustice ? Pourquoi n’entendez-vous pas ces millions de Françaises et de Français qui, aujourd’hui, vous ont dit qu’ils n’en voulaient pas ?
C’est une affaire de légitimité et cela devient une question démocratique.
Alors, monsieur le ministre, ayez du courage, abandonnez cette réforme et nous pourrons peut-être faire résonner en nous cette citation de Voltaire : « La retraite est le port où il faut se réfugier après les orages de la vie. » (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, sur l’article.
M. Olivier Henno. Vous nous avez dit plusieurs fois que nous étions silencieux, que nous avions peur de parler.
Nous avons simplement une obsession, celle d’aller au bout du texte. Aller au bout du texte, voilà qui est faire preuve de responsabilité.
Je suis sorti de mes gonds quand j’ai entendu précédemment le sénateur Kerrouche interpeller M. le ministre sur ses origines sociales.
Cela ne vous grandit pas, c’est le marxisme le plus terrible ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDPI. – Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas ça, le marxisme !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous n’avez pas lu Marx !
M. Olivier Henno. Monsieur Kerrouche, figurez-vous que j’ai eu une enfance heureuse. J’ai peu souffert dans ma vie et, pourtant, je sais être généreux avec les plus modestes d’entre nous. Je revendique cette qualité.
Vous avez appelé Marx, j’appelle Max Weber, l’éthique de conviction, mais surtout l’éthique de responsabilité.
M. Éric Kerrouche. Vous ne savez pas de quoi vous parlez !
M. Olivier Henno. Monsieur Kanner, vous avez dit que nous étions en train de revivre le clivage droite-gauche. Je vois bien que c’est votre souhait, mais nous ne sommes plus en 1981 ! Les Français ne vous croient plus !
M. Rachid Temal. Ils ne vous croient plus non plus !
M. Olivier Henno. Cela a été dit : quand vous êtes au pouvoir, vous choisissez la responsabilité – la réforme Touraine – et, quand vous êtes dans l’opposition, vous choisissez l’indignation ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Françoise Gatel. Bravo !
M. Olivier Henno. Vous choisissez une forme d’irresponsabilité, une forme de démagogie, mais méfiez-vous, électoralement cela ne vous grandit pas. Les populistes sont à la porte !
M. Rachid Temal. Cela va vous coûter cher !
M. Olivier Henno. Ce sont eux qui encaissent les fruits de votre comportement et de votre irresponsabilité.
M. Rachid Temal. C’est la courte échelle !
M. Olivier Henno. Pour notre part, nous choisissons la responsabilité, car elle est le meilleur antidote au populisme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, sur l’article.
M. Lucien Stanzione. Tout ou presque a été dit par mes collègues. (Exclamations amusées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est exact !
M. Max Brisson. C’est une blague !
M. Lucien Stanzione. Je peux le répéter si vous le souhaitez : cette réforme est mauvaise, c’est un coup bas donné aux Français.
Elle est mauvaise, messieurs les ministres, en raison de la mesure d’âge que vous prenez. Qu’est-ce qui vous a pris ? Pourquoi donc vous êtes-vous engagés dans cette aventure ?
Vous êtes aveuglés par les mesures que vous prenez vous-mêmes et par l’engagement du Président de la République dans cette démarche funeste. (M. Emmanuel Capus s’exclame.) Peut-être même avez-vous peur de ce président, qui veut imposer ce triste sort à nos compatriotes ?
Vous n’êtes pas les seuls ici, d’ailleurs, à être aveuglés par ce Président de la République qui ne s’occupe pas des Français, lui qui a obtenu moins de 30 % des voix des Français au premier tour et qui a été élu parce que personne ne voulait de la candidate du Rassemblement national.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Et Anne Hidalgo ? (M. Emmanuel Capus s’esclaffe.)
M. Lucien Stanzione. Nous allons vous aider, messieurs les ministres. N’ayez pas peur !
Aujourd’hui, 3 millions de Français ont manifesté. Plusieurs millions sont en grève, c’est un signal.
Courage ! Ayez du courage ! (Mme Frédérique Espagnac et M. Yan Chantrel applaudissent.) Retirez cet article 7, retirez cette mauvaise loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Thomas Dossus applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, sur l’article.
Mme Monique de Marco. Je relierai retraites et climat, deux questions majeures qui sont en effet liées.
Cette réforme des retraites repose sur un postulat productiviste : travailler plus, encore plus longtemps, qu’importe la pénibilité ou les conditions de travail.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Pour gagner moins !
Mme Monique de Marco. Pourtant, soigner le présent, c’est préparer l’avenir, c’est assurer à toutes et tous une retraite digne et garantir justement ce droit à la retraite aux prochaines générations.
Côté climat, nous subissons déjà les conséquences de l’inaction climatique, qui frappe précisément les plus vulnérables.
Soigner le présent, c’est préparer l’avenir, c’est agir aujourd’hui pour préserver notre planète, pour protéger les hommes et les femmes qui y vivent.
Cette réforme de la retraite ne prévoit pas l’avenir. Elle n’est ni sérieuse ni à la hauteur des enjeux.
Je conclurai par une citation de Pablo Neruda, poète chilien, mais aussi sénateur : « Il meurt lentement celui qui ne change pas de cap. »
Je vous le dis aujourd’hui : il est encore temps de changer de cap ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Je dirai quelques mots en réponse à vos interventions… (Murmures accentués sur plusieurs travées.)
M. Pascal Savoldelli. Il va la retirer !
M. le président. Veuillez écouter le ministre !