Mme Cécile Cukierman. D’une partie de la gauche !
M. Patrick Kanner. C’était aussi une réforme équilibrée.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. N’est-ce pas, monsieur Attal ?…
M. Patrick Kanner. D’un côté, le financement du système de retraite était assuré par l’augmentation du nombre de trimestres.
De l’autre, elle permettait de reconnaître les carrières longues et de partir, à ce titre, à 60 ans, et elle instaurait des critères de pénibilité pour permettre à celles et à ceux qui ont le plus de mal dans leur vie active de partir en temps et en heure.
Je suis donc quelque peu étonné, monsieur Bas, parce que je connais votre intelligence et je sais que vous respectez l’opposition. Là, manifestement, la fatigue vous a emporté ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je serai plus prosaïque, puisque je vais revenir plus directement sur l’article 6 que nous examinons à présent.
M. Rachid Temal. Nous ne parlons pas d’autre chose !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet article vise à approuver un rapport annexé décrivant, pour les quatre années à venir, c’est-à-dire jusqu’en 2026, un certain nombre de prévisions de recettes et d’objectifs de dépenses. Je crois qu’il est intéressant d’examiner avec attention ce rapport.
Je pense notamment aux hypothèses macroéconomiques. Le Gouvernement a par exemple pris une hypothèse de croissance du PIB qui me paraît quelque peu optimiste. Je l’ai déjà interrogé à plusieurs reprises à ce sujet, et il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous puissiez justifier le choix de ces hypothèses.
Par ailleurs, plusieurs intervenants sont revenus sur la question de l’augmentation des cotisations patronales à la CNRACL. Comme pourrait le dire René-Paul Savary, cette question ne nous avait pas échappé ! (Ah ! sur des travées du groupe SER.)
Nous avons d’ailleurs déposé un amendement à ce sujet. Vous aurez donc tout loisir, mes chers collègues, d’inscrire dans le marbre de la loi le principe d’une compensation intégrale par l’État, dès 2023, des surcoûts pour les employeurs publics entraînés par l’augmentation des cotisations patronales à la CNRACL – ces surcoûts sont estimés entre 700 millions d’euros et 800 millions d’euros pour 2030.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En tout cas, je conseille à chacun de regarder ce rapport annexé, dans lequel on trouve bien des éléments intéressants.
On peut en particulier constater que les tableaux financiers sont assez peu différents de ceux que nous avons votés dans le dernier projet loi de financement de la sécurité sociale. Le projet de loi que nous examinons n’a donc que peu d’impact sur les équilibres de cette période. C’est particulièrement vrai pour 2023, puisque la réforme n’entre en vigueur qu’à la fin de cette année.
En tout cas, cet article est obligatoire aux termes de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. J’émettrai donc un avis défavorable sur l’ensemble des amendements qui en demandent la suppression.
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Cet article est important, parce qu’il a trait aux équilibres de la réforme et, plus généralement, à ceux des comptes sociaux.
Au fond il nous permet de revenir aux éléments fondamentaux qui justifient cette réforme : au début des années 2000, quelque 12 millions de pensions étaient versées chaque mois ; il y en aura 20 millions dans les années à venir du fait de l’allongement de l’espérance de vie, soit un quasi-doublement en une génération.
Aucun pays ne peut affronter un tel choc sans réformer le financement de son système de retraite.
M. François Patriat. Tout à fait !
Plusieurs sénateurs du groupe SER. Le financement, oui !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous avons fait le choix de réformer notre système de retraite sans augmenter les impôts. Nous avons d’ailleurs résisté à de nombreux assauts à ce sujet – ce fut encore le cas la nuit dernière.
Les débats sur cet article nous permettront aussi de débattre d’autres enjeux : les collectivités locales, le scénario central de productivité retenu par le Gouvernement, etc.
Plusieurs orateurs, par exemple M. Chantrel, Mme Conway-Mouret ou M. Durain, ont convoqué dans les débats ce qui se joue en dehors de cet hémicycle : les manifestations qui ont lieu aujourd’hui.
Sur ce point, je veux être d’une clarté absolue : nous avons toujours écouté ceux qui s’opposaient à cette réforme dans un cadre démocratique. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Pas l’intersyndicale, en tout cas !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous écoutez, mais vous n’entendez pas !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. L’opposition s’exprime au sein du Parlement et dans la rue, et je respecte absolument le droit constitutionnel de manifester et de faire grève.
En revanche, j’ai dénoncé, et je continuerai de le faire, ceux qui appellent au blocage, partout et tout le temps, et qui appellent – je reprends leurs mots – à « mettre l’économie française à genoux ». (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Rachid Temal. Prenez un peu de hauteur !
M. Vincent Éblé. Le blocage, c’est vous !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Quand on appelle à mettre l’économie française à genoux, on appelle à mettre à genoux des entreprises, des usines, des travailleurs, et je ne crois pas qu’une majorité de Français le souhaite.
Un nombre important de Français défilent contre cette réforme et ces manifestations sont légitimes, mais je souhaite que cet hémicycle soit le lieu du débat démocratique. J’ai perçu, depuis le début de l’examen de ce texte, que nous étions dans cet état d’esprit, et je souhaite que cela continue. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. Vincent Éblé. C’est de l’entêtement !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Puisque plusieurs orateurs ont parlé de ces manifestations, ce qui est légitime, vous me permettrez pour ma part de penser aux dizaines de millions de Français qui, ce matin, se sont levés encore plus tôt que d’habitude pour aller travailler,… (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Mickaël Vallet. À cause de qui ?
M. David Assouline. Sarko, sors de ce corps !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. … aux centaines de milliers d’artisans et de commerçants qui se sont levés pour faire tourner leur entreprise dans ce contexte difficile, à ces dizaines de millions de Français qui sont, pour certains, opposés à la réforme, mais qui n’ont pas d’autre choix que d’aller travailler – je pense notamment aux agents publics, aux soignants, aux enseignants, aux policiers, aux douaniers, qui sont mobilisés aujourd’hui.
Vous ne l’avez pas fait, mais vous me permettrez de penser à ces dizaines de millions de Français qui font tourner notre pays aujourd’hui, comme tous les autres jours, malgré les grèves, les manifestations et les blocages. Il me semble parfaitement légitime de penser à eux ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains. – Protestations sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Amendements identiques de suppression de l’article
Mme le président. Je suis saisie de trente-six amendements identiques.
L’amendement n° 351 est présenté par Mme Briquet.
L’amendement n° 376 est présenté par Mme Féret.
L’amendement n° 459 est présenté par M. Fichet.
L’amendement n° 481 est présenté par Mme Van Heghe.
L’amendement n° 490 est présenté par Mme Harribey.
L’amendement n° 514 est présenté par M. Chantrel.
L’amendement n° 528 est présenté par M. Gillé.
L’amendement n° 577 est présenté par Mme de La Gontrie.
L’amendement n° 676 est présenté par Mme Le Houerou.
L’amendement n° 705 est présenté par Mme Blatrix Contat.
L’amendement n° 736 est présenté par M. M. Vallet.
L’amendement n° 818 est présenté par M. Jacquin.
L’amendement n° 871 est présenté par M. Durain.
L’amendement n° 906 est présenté par M. Lurel.
L’amendement n° 934 est présenté par Mme Artigalas.
L’amendement n° 1024 est présenté par M. Stanzione.
L’amendement n° 1093 est présenté par M. Tissot.
L’amendement n° 1160 rectifié bis est présenté par Mme Lubin.
L’amendement n° 1184 est présenté par Mme S. Robert.
L’amendement n° 1215 est présenté par M. Mérillou.
L’amendement n° 1252 est présenté par Mme Jasmin.
L’amendement n° 1324 est présenté par Mme Préville.
L’amendement n° 1381 est présenté par M. Bourgi.
L’amendement n° 1444 est présenté par M. Kerrouche.
L’amendement n° 1550 est présenté par Mme Monier.
L’amendement n° 1630 est présenté par Mme Poumirol.
L’amendement n° 1660 est présenté par Mme Meunier.
L’amendement n° 1669 est présenté par Mme Bonnefoy.
L’amendement n° 1701 est présenté par M. Leconte.
L’amendement n° 1797 est présenté par M. Jomier.
L’amendement n° 1827 est présenté par M. Kanner.
L’amendement n° 1854 est présenté par M. Assouline.
L’amendement n° 1903 est présenté par M. P. Joly.
L’amendement n° 2000 est présenté par Mme Rossignol.
L’amendement n° 3196 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
L’amendement n° 4385 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli.
Ces trente-six amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l’amendement n° 351.
Mme Isabelle Briquet. Cet amendement tend à supprimer l’article 6, qui vise à approuver, pour les quatre années à venir, les effets sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale de la réforme des retraites.
Pour financer notre système de retraite, plusieurs solutions existent. Nous nous sommes employés ces derniers jours à vous faire de nombreuses propositions permettant d’éviter cette réforme aussi injuste qu’inutile. Mais vous faites le choix, cela a été redit par M. le ministre, de faire peser le déficit sur les salariés et leur santé.
Par ailleurs, pour l’assurance vieillesse – Annie Le Houerou l’a très bien dit tout à l’heure –, les économies espérées de la réforme, soit 10,3 milliards d’euros à l’horizon 2027 et 17,7 milliards d’euros à l’horizon 2030, passent complètement sous silence une multitude d’impacts budgétaires négatifs.
Si l’on fait la somme des dépenses induites – chômage, maladie, etc. – et des effets macroéconomiques, l’économie serait à peine de 2,8 milliards d’euros. Autant dire que le but visé ne sera pas atteint !
Aussi, une seule conclusion s’impose : le retrait pur et simple de cette réforme.
Pour conclure, je tiens à rassurer M. le ministre : il y a aussi des Français – j’en ai rencontré – qui se sont levés très tôt ce matin et qui, pour autant, ne veulent pas travailler deux ans de plus – 62 ans, cela suffit largement ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Rappel au règlement
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je souhaite faire un rappel au règlement, au titre de son article 37.
M. le ministre, dans une sorte d’envolée lyrique, a cru bon de lancer une attaque en règle contre le droit de grève et contre le droit de manifester. Peut-être s’est-il cru dans un meeting de sa formation politique ?
Puis-je lui rappeler que ces droits sont reconnus par notre Constitution et qu’il est absolument indigne, a fortiori de sa part, lorsque l’on a eu son parcours, de tenir ce type de propos ? (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Voilà Madame la morale !
M. Roger Karoutchi. Pitié !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je sens que mes propos vous dérangent, chers collègues de droite…
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Pas du tout !
Mme le président. Vous seule avez la parole, madame de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je veux simplement rappeler au ministre que beaucoup de gens qui se lèvent tôt tous les jours ont décidé aujourd’hui de faire grève, perdant ainsi une partie de leur salaire, alors même que celui-ci est souvent peu élevé.
Il est indigne d’avoir une telle méconnaissance de ces situations, un tel mépris pour ces revendications, de considérer que tout cela va passer, que l’on peut faire avec, finalement d’être indifférent. Je suis extrêmement en colère d’entendre un membre du Gouvernement exprimer un tel mépris ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
Amendements identiques de suppression de l’article (suite)
Mme le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 376.
Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à supprimer l’article 6.
Je veux revenir sur les questions de la pénibilité et de la branche AT-MP.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ça, c’est l’article 9 !
Mme Corinne Féret. Baisser les cotisations des entreprises et acter une diminution de l’excédent de la branche AT-MP dans le cadre de transferts entre branches, c’est déresponsabiliser les entreprises, alors qu’elles financent la branche à hauteur de 97 %.
Cet excédent aurait pu servir à financer les mesures de prévention des risques professionnels que nous réclamons à l’occasion de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Surtout, avec votre réforme qui recule de deux ans l’âge de départ à la retraite pour tous, ce sont des femmes et des hommes déjà usés à 62 ans qui devront travailler deux ans de plus. Ce sont plus de femmes et d’hommes qui seront en invalidité, car confrontés plus longtemps à la pénibilité.
Comme votre gouvernement a retiré en 2017 quatre des dix critères du compte pénibilité, cette situation ne pourra que s’aggraver.
Pourtant, les postures pénibles, les vibrations mécaniques, la manutention manuelle de charges, c’est le quotidien de nombreux salariés. On ne reconnaît plus leur pénibilité, alors qu’eux aussi, monsieur le ministre, se lèvent tôt le matin !
Les Français vous le disent par milliers en ce moment même : 64 ans, c’est non. Retirez votre réforme ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l’amendement n° 459.
M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement vise à supprimer l’article 6 qui entérine les effets sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale de la réforme des retraites.
Cet article approuve la trajectoire financière pluriannuelle des régimes obligatoires de base présentée dans l’annexe A.
Cette trajectoire omet les surcoûts qui sont induits par la réforme et qui pèseront négativement sur les comptes : hausse de 1,3 milliard d’euros des dépenses d’assurance chômage, augmentation attendue des arrêts maladie pour 1 milliard, hausse de 800 millions d’euros des prestations de solidarité, 500 millions d’euros pour l’allocation aux adultes handicapés (AAH), 170 millions d’euros pour l’allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs en fin de droits, 150 millions d’euros pour le RSA, etc. Ces surcoûts viennent en minoration des gains que le Gouvernement attend et estime à 18 milliards d’euros.
Cet article doit donc être supprimé.
Pour conclure, je voudrais avoir une pensée pour ceux qui se lèvent tôt le matin, souvent des gens en situation précaire et avec des revenus très faibles. Nombre d’entre eux espéraient beaucoup du Ségur de la santé ; ils n’ont rien perçu, si bien qu’ils n’ont pas les moyens de faire grève, alors qu’ils aimeraient beaucoup le faire.
Mme le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour présenter l’amendement n° 481.
Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement vise à supprimer l’article 6, qui vise à approuver, pour les quatre années à venir, les effets sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale de la réforme des retraites. Tout a été dit par mes collègues.
M. Roger Karoutchi. Ah !
Mme Sabine Van Heghe. Je voudrais simplement vous dire, monsieur le ministre, que vous parlez des Français qui se lèvent tôt et qui font tourner la machine. Eh bien, la plupart de ces Français étaient aujourd’hui dans la rue !
Mme le président. L’amendement n° 490 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l’amendement n° 514.
M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre, ce n’est pas à vous qu’il revient de décider si le débat démocratique est bon ou non. Je vous rappelle tout de même que, aux termes de la Constitution, c’est le Parlement qui contrôle l’action du Gouvernement et qui vote la loi. Il ne faudrait pas inverser les rôles ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Toutefois, parlons du fond. Nous n’approuvons pas les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses qui nous sont présentés dans ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS). Vos prévisions ne sont pas formulées sur des bases sincères et de nombreux éléments chiffrés sont absents de l’étude d’impact, ce qui renforce le sentiment de méfiance.
Surtout, nous ne partageons pas la philosophie qui préside à cet article d’équilibre. Nous vous avons fait de nombreuses propositions pour trouver des recettes de substitution et ne pas faire payer la note aux Françaises et aux Français.
Nous vous avons proposé d’abroger les exonérations de cotisations les plus inefficaces. Pour la branche vieillesse, ces exonérations augmentent fortement et atteindront 19 milliards d’euros en 2023. Au lieu de cela, vous avez sorti de votre chapeau une nouvelle exonération sur la branche famille pour créer vos CDI seniors.
Nous vous avons proposé de créer une surcotisation sur les hauts salaires ou d’augmenter la taxation des retraites chapeaux.
Nous vous avons proposé d’assujettir aux cotisations sociales certains revenus du capital et des dispositifs non soumis à cotisations sociales comme la prime Macron.
Nous vous avons proposé de créer une contribution exceptionnelle sur les superprofits, dont on estime qu’elle pourrait rapporter entre 10 milliards et 15 milliards d’euros.
Nous vous avons proposé de remettre en place un véritable impôt de solidarité sur la fortune.
Devant toutes ces propositions de bon sens, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous vous êtes enfermés dans l’obstruction, vous avez voté contre tout par pur dogmatisme libéral. C’est aux Françaises et aux Français que vous allez faire payer le coût de votre réforme.
Mme le président. L’amendement n° 528 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 577.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je voudrais évoquer un avis qui a été peu mentionné jusque-là : celui du Haut Conseil des finances publiques rendu le 18 janvier 2023. Par chance, nous avons pu le lire, à la différence de l’avis du Conseil d’État, cher à notre collègue Daniel Breuiller… Je saisis d’ailleurs cette occasion pour demander de nouveau qu’on nous le communique.
Incontestablement, cet avis du Haut Conseil des finances publiques est pour vous, monsieur le ministre en charge des comptes publics, d’une sévérité extrême.
Tout d’abord, les auteurs de cet avis constatent les difficultés dans lesquelles ils ont été mis pour travailler.
Ils regrettent évidemment, tout comme nous, l’absence d’adoption d’un projet de loi de programmation des finances publiques : cela ne permet pas de vérifier la cohérence des prévisions de finances publiques des textes qui sont proposés par le Gouvernement.
Au-delà de cette absence, qui est contraire aux engagements européens de la France, ils notent que cela prive les finances publiques d’une boussole indispensable à leur bonne gestion et à la préservation de la soutenabilité de la dette publique.
Ils constatent ensuite que vos prévisions, tant de croissance ou d’inflation que de masse salariale, ne sont pas étayées.
Par conséquent, ils se disent en grande difficulté pour analyser les conséquences de votre projet de réforme, dont ils constatent – nous y reviendrons plus tard dans le débat – que, pour 2023, elles sont en tout état de cause peu importantes. Je dis cela, car, vous le savez fort bien, vous avez un problème de constitutionnalité en fonction de l’existence ou non d’une incidence financière constatable en 2023.
Le Haut Conseil conclut qu’il n’est pas en mesure d’évaluer l’incidence de moyen terme de la réforme des retraites sur les finances publiques.
Par conséquent, cet article 6 qui vise à approuver un rapport et des tableaux financiers est construit sur du sable ! Les sénatrices et sénateurs de gauche en demandent la suppression, parce que nous sommes hostiles à votre réforme. Au-delà de cet argument, il serait tout de même préférable que cette réforme soit assise sur des réalités objectives. Cela permettrait tout simplement au Parlement de jouer son rôle de contrôle de l’action du Gouvernement.
Mme le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 676.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à supprimer l’article 6, qui consiste à approuver le rapport renseignant, pour les quatre prochaines années, les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.
Cette trajectoire a un défaut principal. Comme je l’ai dit tout à l’heure, vous omettez les surcoûts négatifs : augmentation attendue des arrêts maladie ; hausse de plus de 800 millions d’euros des prestations de solidarité, dont un demi-milliard pour l’AAH, 170 millions d’euros pour l’allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs en fin de droits ou encore 150 millions d’euros pour le RSA ; hausse de 1,3 milliard d’euros des dépenses d’assurance chômage, etc.
Derrière ces chiffres, ce sont des gens en précarité : 200 000 seniors sans emploi ni retraite.
En ce qui concerne le montant des allocations touchées par les seniors, l’indemnité mensuelle de chômage pour les hommes est en moyenne de 1 358 euros pour les 55-61 ans. Les sommes sont nettement plus faibles pour les femmes : 900 euros pour les femmes de 55 à 62 ans, 977 euros à 62 ans et plus.
Je rappelle que le seuil de pauvreté est à 1 102 euros par mois en 2022. Ceux qui ont travaillé dans des conditions difficiles, particulièrement les femmes, seront les plus touchés, et vous leur proposez d’être mis à contribution deux années supplémentaires. Vous faites le choix d’une injustice sociale, particulièrement envers les femmes.
Mme le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour présenter l’amendement n° 705.
Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement vise également à supprimer l’article 6.
Contrairement à ce que vous tentez de faire croire depuis quelques semaines, reporter l’âge légal de la retraite n’est pas l’unique solution de financement du système de retraite par répartition.
Les millions de Françaises et de Français qui sont descendus aujourd’hui dans la rue pour la sixième journée de mobilisation contre cette réforme injuste et brutale l’ont bien compris et vous le crient haut et fort. Il serait temps de les écouter !
Pour financer notre système, il y a plusieurs solutions possibles, elles ont été évoquées. Il n’y a pas de nécessité ; il y a des choix politiques !
Emmanuel Macron a choisi de faire peser le déficit sur les salariés et leur santé. C’est un choix d’injustice sociale, qui fragiliserait les travailleurs entrés tôt sur le marché du travail. Des travailleurs qui, on le sait, sont plus vulnérables face aux aléas du marché de l’emploi. C’est un choix de société du tout travail et du productivisme.
La réforme des retraites ne permettra pas de faire 18 milliards d’euros d’économies comme vous le prétendez.
Mes collègues ont évoqué les nombreux coûts cachés, les régimes de retraite faisant partie d’un écosystème social global. Plusieurs données chiffrées ont été évoquées : une hausse, selon l’estimation de la Cour des comptes, de 1,5 milliard d’euros des dépenses d’assurance chômage ; une hausse également de 3,6 milliards d’euros sur les prestations sociales, etc.
Ces coûts cachés viennent réduire les économies que vous envisagez. Et c’est sans compter la précarisation, l’usure, les difficultés rencontrées par nos concitoyens qui ont commencé à travailler le plus tôt.
Mme le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour présenter l’amendement n° 736.
M. Mickaël Vallet. Cet amendement vise également à supprimer l’article 6 qui approuve, pour les quatre années à venir, les effets sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale de la réforme des retraites.
Je profite de cette prise de parole pour passer à M. le ministre le bonjour amical – on m’a demandé de le faire – des plus de 4 000 manifestants qui étaient réunis ce matin à Rochefort-sur-Mer, dans mon département. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.) Ce sont des chiffres que l’on n’a jamais vus, et je regrette de ne pas avoir pu être avec eux.
Mes chers collègues, je cite le chiffre de la police, pas celui des syndicats – je vous laisse imaginer la réalité des choses… (Sourires.)
À Rochefort, à Saintes et ailleurs, beaucoup de gens se sont levés tôt pour aller à cette manifestation ; d’autres l’ont fait pour aller travailler – nous les écoutons tous, sans caricaturer personne.
Parmi les gens qui se sont levés pour aller travailler, il y a probablement ceux qui travaillent dans un cabinet de conseil, y compris celui qui a contribué à préparer cette réforme… Mme Assassi a d’ailleurs demandé que l’on puisse avoir communication des documents que l’on appelle maintenant communément les livrables. Elle n’a pu les obtenir. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour les demander à mon tour. Ils pourraient s’ajouter utilement à « l’avis » du Conseil d’État… (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)