M. Fabien Gay. Ainsi, nous pourrons accélérer. (Exclamations et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) En effet, nous voulons aller au bout…
Mme Dominique Estrosi Sassone. Nous aussi !
M. Fabien Gay. … du débat de ce soir ! (Mêmes mouvements.)
Monsieur le ministre, cela fait trois jours qu’avec l’ensemble des groupes de gauche, nous ouvrons des pistes de financement que je crois sincères, honnêtes et utiles.
M. Jean-François Husson. Ah oui ?
M. Fabien Gay. Selon nous, elles sont bien plus efficaces qu’une mesure consistant à priver le plus grand nombre des deux meilleures années de vie à la retraite.
M. Jean-François Husson. Arrêtez ! Cela ne veut rien dire !
M. Fabien Gay. Nous proposons ici d’augmenter la contribution des revenus supérieurs à 3 667 euros pour éviter que l’ensemble des travailleurs et des travailleuses ne payent vos décisions de deux années de leur vie.
En définitive, il faut que vous nous disiez si vous êtes prêt à travailler sérieusement ces pistes avec nous ou si vous vous en tenez à votre idée première, qui revient à dire : « Quoi qu’il arrive, nous ne bougerons pas. »
Vous avez pu le constater tout à l’heure, à propos d’un autre amendement : nous vous avons entendu. Nous ouvrons des pistes ; nous vous proposons de travailler ensemble. Car nous croyons au débat parlementaire.
Bien entendu nous avons tous nos convictions. Mais on peut bouger au cours du débat. En revanche, nous avons l’impression que, quoi qu’il arrive, vous ne bougerez pas. Mais, demain, des millions de travailleurs vont défiler dans les rues : j’espère que cette pression à la fois amicale et populaire va vous faire bouger.
Vous pouvez dire que ce que nous proposons dans nos différents amendements n’est pas la bonne solution. Mais, au moins, répondez-nous ! Nous avons encore beaucoup d’autres propositions. Êtes-vous prêt ce soir à ouvrir de nouvelles pistes pour éviter le report de l’âge légal à 64 ans ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur Gay, je pense que ces débats sont utiles. Nous respectons chacun la position de l’autre.
Pour notre part, notre choix est de ne pas accepter des mesures qui, loin de régler le problème, conduiraient à l’aggraver. (M. Fabien Gay manifeste son incompréhension.) De notre point de vue, les dispositions que vous proposez ici entraînent des destructions d’emploi. Et moins d’emplois, c’est moins de cotisants pour le système de retraite.
Pour M. Laurent, rien ne prouve que l’augmentation de la pression fiscale sur les entreprises ou les cotisations détruise de l’emploi. Pourtant, à l’époque où les cotisations des entreprises étaient beaucoup plus élevées, nous avions du chômage de masse.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Et il se trouve qu’aujourd’hui, plus on allège les cotisations, plus le chômage baisse, pour atteindre le taux de 7,2 % actuellement. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) Si, c’est vrai !
M. Éric Kerrouche. C’est une corrélation ; pas une causalité !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur le sénateur, c’est vous qui le dites. Ce que je sais, c’est qu’à l’époque où il y avait beaucoup plus de cotisations il y avait aussi beaucoup plus de chômage. (Mêmes mouvements.) À présent, il y a moins de cotisations et moins de chômage : vous comprendrez que je n’aie pas envie que l’on augmente de nouveau les cotisations.
Mesdames, messieurs les sénateurs, un certain nombre d’entre vous à gauche, notamment lors de l’examen de l’article liminaire, ont cité le modèle Mésange.
M. Thomas Dossus. C’était il y a trois jours !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ce modèle néokeynésien est notamment utilisé par la direction générale du Trésor. Certains d’entre vous ont regretté que l’on n’y ait pas plus souvent recours. Or, quand je demande à mes collaborateurs de passer dans Mésange les propositions d’augmentation des cotisations de l’ordre de 10 milliards d’euros à 20 milliards d’euros, le résultat est sans appel : c’est 300 000 emplois supprimés. Voilà l’impact de mesures telles que celles vous proposez.
C’est pourquoi j’émets un avis non pas défavorable, mais très défavorable sur ces amendements.
Monsieur Laurent, monsieur Gay, à la lecture de l’exposé des motifs de vos amendements, seuls les revenus supérieurs à 3 666 euros semblent visés. Mais, compte tenu de la rédaction que vous proposez, l’adoption de vos amendements aurait pour effet d’augmenter la cotisation déplafonnée sur tous les revenus dès le premier euro. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Mais si ! À Bercy, on s’y connaît en taxes. (Sourires sur les travées du groupe RDPI.) Mes équipes comprennent des spécialistes de la fiscalité qui savent parfaitement lire de tels amendements.
Avec les mesures que vous proposez, tous les salariés seraient taxés. Pour un salarié à 2 000 euros net par mois, l’amendement n° 4498 rectifié bis, du fait de la hausse des cotisations salariales, c’est 552 euros de salaire en moins sur l’année. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)
Monsieur Gay, vous ne pouvez pas vous lamenter, comme vous l’avez fait tout à l’heure, que beaucoup de secteurs cherchent vainement à recruter tout en voulant faire perdre plus de 500 euros de pouvoir d’achat annuel aux salariés à 2 000 euros net par mois et en ne voulant pas réformer l’assurance chômage. Les gens finiront par se dire que ne pas travailler rapporte autant que travailler. Nous ne sommes pas d’accord avec cette ligne-là.
C’est pour toutes ces raisons que j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, vous mélangez les sujets : les retraites, l’emploi…
M. Laurent a raison. Je vous renvoie au rapport de France Stratégie : les allégements de cotisations n’ont jamais créé d’emploi, et l’élargissement de l’assiette n’en a jamais détruit !
M. Fabien Gay. C’est faux, monsieur le ministre ! D’ailleurs, même France Stratégie, service relevant du Gouvernement, confirme ce que nous disons !
Le bilan du CICE, c’est les 18 milliards d’euros pour 100 000 emplois, soit 180 000 euros par emploi créé ! J’espère que ce n’est pas votre modèle, vous qui, en tant que ministre des comptes publics, déclarez que chaque euro dépensé doit être un euro utile. (M. le ministre acquiesce.) Avec le CICE, les euros dépensés ne sont en rien des euros utiles.
La dernière fois que l’on a créé massivement de l’emploi, ce n’est pas avec des exonérations de cotisations ; c’est en partageant le temps de travail. C’est grâce aux 35 heures ! (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Pascale Gruny. Ah non !
M. Fabien Gay. Les 35 heures, ce sont 500 000 emplois créés ! Vous pouvez être d’accord ou pas, chers collègues de la majorité sénatoriale ; les chiffres parlent d’eux-mêmes, et ils sont vérifiables. La dernière fois que l’on a créé massivement de l’emploi en France, c’est entre 1997 et 2002, grâce au partage du temps de travail. (Mêmes mouvements.)
M. Fabien Gay. Ça, c’est une piste.
Et puisque vous préparez un texte sur le travail, sachez que nous aurons des propositions, y compris pour aller vers 32 heures.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, si, à chaque fois que nous vous faisons une proposition, vous nous expliquez que les cotisations supplémentaires sont contraires à l’emploi, c’est que vous avez un sérieux problème avec le système par répartition ! (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE et SER.)
M. Éric Bocquet. Eh oui !
M. Pierre Laurent. Car le principe fondamental du système par répartition, auquel vous n’avez de cesse de proclamer votre attachement – vous prétendez même vouloir le défendre, voire le sauver –, c’est précisément le financement par les cotisations sociales !
Comme les besoins de retraite se développent dans la société – la population vieillit (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) –, il faut trouver des recettes supplémentaires.
Il ne faut pas augmenter les impôts, nous dites-vous. C’est donc qu’il faut donc augmenter les cotisations sociales, mais, bien entendu, de manière juste et efficace, pour en faire un élément de compétitivité du système. Sinon, vous continuerez à dire : « Je défends le système par répartition, mais j’appauvris les retraités ou alors je recule l’âge de départ à la retraite. Point final. »
M. Pierre Laurent. Cela veut dire que vous voulez financer le système en dégradant les conditions de retraite pour le plus grand nombre. Et, contrairement à ce que vous dites, ce n’est pas efficace économiquement.
Car un bon système de protection sociale est indispensable à l’efficacité économique. Développer le système par répartition, fondé sur les cotisations, ce n’est pas agir contre l’emploi. C’est œuvrer pour l’efficacité économique de la société et donc pour l’emploi.
M. Éric Kerrouche. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, j’apprécierais que vous cessiez de nous servir des discours idéologiques ! (Exclamations et rires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Vous venez encore de nous sortir – alors que cela n’a aucun rapport avec les amendements en discussion – qu’il faut un écart entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas…
M. Guillaume Gontard. Les rentiers !
Mme Raymonde Poncet Monge. … pour éviter tout effet dissuasif.
J’espère que vous serez au banc du Gouvernement quand nous parlerons du minimum contributif et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Nous vous proposerons de maintenir un écart. C’est que, voyez-vous, il ne faudrait pas dissuader les gens de travailler, puisque, selon vous, la réticence au travail est dans la nature humaine… Nous proposerons de porter l’Aspa au niveau du seuil de pauvreté, c’est-à-dire 60 % du revenu médian, et le minimum contributif (Mico) au niveau du Smic. Je le répète, cet écart entre l’Aspa et le Mico préviendra tout effet dissuasif.
Quoi qu’il en soit, arrêtez avec ces petites phrases, qui, sans vous offenser, font un peu « café du commerce » et qui traduisent en fait une pensée idéologique ! En l’occurrence, ce que nous vous demandons, c’est de traiter des amendements et de nous répondre techniquement.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Parce que, vous, vous parlez toujours du sujet ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4498 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4497 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4496 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4495 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4494 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4493 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4492 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4491 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4487 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 4263 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – A. – Il est institué une contribution exceptionnelle, assise sur la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France, ainsi qu’à leurs enfants mineurs lorsqu’elles ont l’administration légale des biens de ceux-ci.
B. – La contribution exceptionnelle est calculée en appliquant à l’assiette définie au A un taux de 1,7 % sur la fraction comprise entre 3 et 5 millions d’euros, 2,1 % à la fraction comprise entre 5 et 10 millions d’euros, 3,5 % à la fraction excédant 10 millions d’euros.
C. – La contribution exceptionnelle est reversée aux caisses de retraite du régime de base obligatoire. Les dispositions relatives à la répartition entre caisses de retraite sont déterminées par décret en Conseil d’État.
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Les inégalités de patrimoine deviennent de plus en plus insupportables pour nos concitoyens, et pour cause : les 10 % les plus fortunés détiennent près de la moitié du patrimoine ; les 10 % les moins fortunés possèdent 0,1 % du total ; et la moitié des ménages les moins bien dotés ne disposent que de 8 % de l’ensemble.
Monsieur le ministre, vous faites partie d’un gouvernement qui se plaît à défendre la « valeur travail ». Or vous savez que ces inégalités sont d’abord fondées sur la naissance, et non sur les revenus du travail.
Votre réforme, si elle avait été juste, aurait pris en compte de tels écarts. En effet, le départ à la retraite ne se vit pas de la même manière selon le niveau de salaire, puis de pension, et surtout selon le patrimoine.
À situation exceptionnelle, contribution exceptionnelle : nous vous proposons un prélèvement proportionné au patrimoine. Son taux, de 1,7 % sur la fraction comprise entre 3 millions d’euros et 5 millions d’euros – c’est déjà pas mal, comme niveau de patrimoine ! –, atteindrait 3,5 % pour la fraction excédant 10 millions d’euros.
Dans tous les arguments que vous voudrez bien avancer pour vous opposer à notre mesure, merci de ne pas faire une nouvelle fois appel aux comparaisons avec nos voisins européens. Chacun a son histoire sociale ; chacun a sa réalité. (M. Gérard Longuet s’exclame.) Et si votre gouvernement reste arc-bouté sur son dogme du ruissellement, dont on attend toujours la première goutte, d’autres pays inversent la pression.
Ainsi, le gouvernement espagnol attend plus de 3 milliards d’euros de recettes en ne sollicitant que les 0,1 % les plus riches du pays. Je vous propose de vous inspirer de cet exemple et même de faire mieux en la matière en adoptant cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 2459, présenté par M. Dossus, Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – A. – Il est institué une contribution exceptionnelle, assise sur la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France, ainsi qu’à leurs enfants mineurs lorsqu’elles ont l’administration légale des biens de ceux-ci.
B. – La contribution exceptionnelle est calculée en appliquant à l’assiette définie au A un taux de 2 % sur la fraction excédant 1 milliard d’euros.
C. – La contribution exceptionnelle est reversée au fonds de réserve pour les retraites défini au chapitre 5 bis du titre III du livre I du code de la sécurité sociale.
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Cet amendement vise à instaurer une contribution exceptionnelle sur le patrimoine des milliardaires, que nous proposons d’affecter au financement du FRR.
Comme le dénonce l’association Oxfam, depuis 2020, la fortune des milliardaires français a augmenté de plus de 200 milliards d’euros, soit une hausse de 58 %.
Les dix milliardaires français les plus fortunés détiennent d’ailleurs à eux seuls 189 milliards d’euros ; c’est l’équivalent des factures de gaz, d’électricité et de carburant de l’ensemble des Françaises et des Français pendant deux ans.
Avec ses 179 milliards d’euros, Bernard Arnault est désormais l’homme le plus riche de la planète.
M. Philippe Bas. C’est une fierté !
M. Thomas Dossus. Sa fortune représente celle de près de 20 millions de Françaises et de Français.
Ces chiffres sont d’autant plus ahurissants qu’au cours des dix dernières années, en moyenne, sur 100 euros de richesses créées en France, 35 euros ont été captés par les 1 % des Français les plus riches ; seuls 8 euros sont revenus aux 50 % les plus précaires.
Il n’est pas acceptable de faire une fois de plus payer l’addition aux franges les plus fragiles de la population. Une taxe de 2 % sur le patrimoine des milliardaires français rapporterait 12 milliards d’euros en 2023 : c’est quatre fois plus que les économies attendues de la réforme proposée par le Gouvernement d’ici dix ans, d’après les prévisions de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui désavouent celles du Gouvernement.
Loin d’assécher le patrimoine des milliardaires français, la taxe proposée ne concernerait que quarante-deux milliardaires et ne représenterait pour eux qu’une somme dérisoire. À l’inverse, la réforme du Gouvernement pénaliserait des dizaines de millions de Françaises et de Français. (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. L’amendement n° 4265 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – A. – Il est institué une contribution exceptionnelle, assise sur la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France, ainsi qu’à leurs enfants mineurs lorsqu’elles ont l’administration légale des biens de ceux-ci.
B. – La contribution exceptionnelle est calculée en appliquant à l’assiette définie au A un taux de 2 % sur la fraction excédant 1 milliard d’euros.
C. – La contribution exceptionnelle est reversée aux caisses de retraite du régime de base obligatoire. Les dispositions relatives à la répartition entre caisses de retraite sont déterminées par décret en Conseil d’État.
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2024.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Dans le même esprit que notre collègue Dossus, nous proposons encore une nouvelle piste : pour abonder les caisses de retraite, cet amendement tend à créer une taxe de 2 % sur les plus grandes fortunes.
L’été dernier, le magazine Challenges a dévoilé son classement annuel des 500 plus grandes fortunes professionnelles de France, dont le total, en hausse de 5 % par rapport à l’année dernière, dépasse désormais les 1 000 milliards d’euros. On apprend que le ticket d’entrée au classement des 500 plus grandes fortunes professionnelles est, lui aussi, en hausse. Alors qu’il fallait l’équivalent de 19 millions d’euros en 1996 pour avoir une chance d’y accéder, il faut aujourd’hui 200 millions d’euros pour obtenir sa place.
De quoi avez-vous peur en refusant des amendements de ce type ? D’appauvrir les milliardaires ? Visiblement, il n’y a pas trop de quoi s’inquiéter pour eux.
M. Pierre Laurent. De limiter le ruissellement ? Le risque est faible : comme vient de le dire mon collègue Éric Bocquet, on en attend toujours les effets.
Je signale que cinq milliardaires français sur six sont plus riches aujourd’hui qu’avant la pandémie. Selon l’organisation non gouvernementale (ONG) Oxfam, la réponse publique à la crise du coronavirus a provoqué la plus forte hausse des fortunes de milliardaires jamais enregistrée.
Voilà les résultats de votre politique inégalitaire, qui, d’ailleurs, provoque la colère des Français. Cette dernière s’exprimera encore demain. Pendant que les plus riches continuent de jouir d’une totale impunité, vous demandez à l’immense majorité des Français de sacrifier deux années de retraite.
L’adoption de cet amendement suffirait à couvrir l’intégralité du déficit annuel que vous cherchez à combler.
M. Éric Bocquet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Madame Poncet Monge, je ne sais pas si c’est « café du commerce » de dire que beaucoup de Français des classes moyennes ont le sentiment de travailler dur pour financer un modèle permettant à d’autres de ne pas travailler. (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. Éric Kerrouche. Ça faisait longtemps !
M. Pierre Laurent. Ce sont les classes moyennes qui seront dans la rue demain !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. En tout cas, je me déplace beaucoup sur le terrain, et c’est ce que me disent beaucoup de nos concitoyens.
En revanche, faire croire aux Français que l’on pourrait combler à long terme le déficit de notre système de retraite par une contribution exceptionnelle et temporaire sur les milliardaires me semble, pour le coup, assez « café du commerce ».
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Si !
Dans l’exposé des motifs, vous citez votre source, le rapport d’Oxfam (M. Thomas Dossus acquiesce.), que j’ai pris la peine de le lire. Il y est écrit qu’il faut « abolir les milliardaires ».
M. Thomas Dossus. Ils sont taxés à 2 % !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il s’agit non pas de régler les problèmes de notre système de retraite, mais d’« abolir les milliardaires ». C’est peut-être un projet pour certains, mais ce n’est pas l’objet du présent texte.
Encore une fois, la France n’est un paradis fiscal pour personne, qu’il s’agisse des entreprises, des plus fortunés ou des moins fortunés.
Parmi les trente-huit États de l’OCDE, nous sommes le deuxième pays qui taxe le plus. Nous sommes le dernier pays européen à avoir un impôt national sur la fortune. En France, 10 % des contribuables payent 70 % de l’impôt sur le revenu.
La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui a été mise en place en 2010 devait être exceptionnelle et temporaire ; elle n’était prévue que pour deux ans. Voilà treize ans qu’elle existe !
Ce n’est donc pas vrai que la France est un paradis fiscal pour les plus fortunés.
Monsieur Bocquet, vous avez cité l’Espagne, qui a effectivement instauré une contribution temporaire sur les plus aisés. Mais, précisément, l’Espagne n’a plus d’impôt sur la fortune. Voilà quelques années, elle a décentralisé cet impôt à l’échelle régionale, et toutes les régions se sont empressées de le supprimer pour attirer les plus aisés.
Cessons de faire croire que l’on part de zéro et que la France souffre d’un défaut de fiscalité, y compris sur les plus fortunés. Au contraire, nous sommes ceux qui les taxons le plus. Mon propos n’est pas de dénoncer cet état de fait. Simplement, ce n’est pas la peine d’en rajouter ; ce n’est pas ainsi que nous résoudrons les problèmes de notre système de retraite. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Très bien !
M. Emmanuel Capus. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, à vous entendre, la France n’est pas un paradis fiscal, tout va bien et les plus riches sont les plus taxés.
Je voudrais simplement vous interroger à partir d’une donnée. Sur l’ensemble de leurs revenus, les 370 ménages les plus riches de notre pays affichent un taux effectif global d’imposition de 2 %. Et ça, c’est juste ? Et ça, c’est normal ? Et ça, c’est compréhensible ?
Les Français devraient faire des sacrifices, alors qu’eu égard aux fortunes considérées, un taux de 2 % est manifestement dérisoire ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Thomas Dossus applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On va bientôt plaindre les millionnaires et les milliardaires : les pauvres ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.) Toujours est-il que nous sommes l’un des pays d’Europe qui en comptent le plus. Ce n’est pas vrai qu’en France, ils se carapatent tous… L’enrichissement des plus riches reste supérieur à l’enrichissement moyen de la société et des salariés.
Comme l’a très bien dit M. Kerrouche, il faut distinguer l’impôt facial et l’impôt réel. En impôt facial, on peut avoir l’impression que certains sont très fortement taxés en France. Mais, compte tenu des dérogations, des plafonnements, des effets de cumul, des niches diverses et variées, leur imposition réelle est très loin de leur imposition faciale.
Beaucoup de PME s’en trouvent d’ailleurs pénalisées. Je vous rappelle qu’en France, les très grandes entreprises ont un taux de fiscalité réel très inférieur à celui des PME.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, le report de l’âge légal de départ à la retraite va toucher la masse des salariés de ce pays,…