M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Boyer. Mes chers collègues, hier, je vous ai posé une devinette (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.), mais, comme j’ai l’impression que certains d’entre vous n’étaient pas là, je la répète. Elle est intéressante.
Qu’a dit exactement Mme Touraine il y a dix ans ? Il faut l’allongement de la durée de cotisation. Sans réforme, le système de retraite ira droit dans le mur. Il faut demander aux Français de travailler plus longtemps. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-François Husson. Vous aviez suivi ?
M. Vincent Éblé. Touraine est macroniste depuis 2017 !
M. Jean-Marc Boyer. Certains ici ont voté cette réforme. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Pourquoi n’avez-vous pas développé alors tous les arguments énoncés aujourd’hui ? C’est assez incompréhensible ! Je vois que certains sont gênés, ce qui est normal !
Il faut vous rendre à l’évidence : il est nécessaire d’avancer et de trouver des solutions…
M. Vincent Éblé. Qu’en pense Thierry Solère ?
M. Jean-Marc Boyer. … tant que l’on comptera plus de retraités que d’actifs. Voilà la réalité que met régulièrement en avant René-Paul Savary. Il a d’ailleurs beaucoup de mérite de vous le répéter aussi souvent ! Je tenais à le dire moi-même, car cela me paraît important.
Entendez bien ce qu’a dit Mme Touraine : allongement de la durée de cotisation, système de retraite qui irait droit dans le mur sans réforme, demande aux Français de travailler plus longtemps. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Monique Lubin. La situation n’était pas la même ! Je vous expliquerai.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Enfin, nous commençons à débattre et à confronter nos conceptions de la société. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Chers collègues de droite, vous nous interpellez comme si nous étions des irresponsables, comme si nous avions la mémoire courte,…
M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. Oui !
Mme Corinne Féret. … mais, comme mes collègues l’ont rappelé, le contexte de 2013 n’est plus celui d’aujourd’hui. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Pourquoi ne parlez-vous pas tout ce que la gauche a permis aux Français d’obtenir ? (Mêmes mouvements.)
M. Roger Karoutchi. De la dette ?
Mme Corinne Féret. Pourquoi omettre ce que la gauche a apporté au peuple français ? D’un point de vue social, je suis fière d’être de gauche et je suis fière de ce que nous avons apporté ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
Vous assurez que la gauche a augmenté la durée de cotisation. Pourquoi, brutalement, vouloir avec ce texte que les dispositions de la réforme Touraine soient appliquées cette année, alors qu’il était prévu qu’elles le soient en 2035 ? Considérez-vous qu’il y ait urgence absolue à précipiter cette réforme et à placer les Français dans une nouvelle situation injuste ?
En effet, vous demandez aux seuls salariés de fournir encore un effort et rien aux entreprises qui ont engrangé des profits extrêmement importants se comptant en milliards d’euros ! Je n’invente rien, c’est la réalité : cette année encore, une dizaine d’entreprises ont créé des dividendes et des profits de plusieurs milliards d’euros.
M. Gérard Longuet. Tant mieux !
Mme Corinne Féret. Pourquoi ne leur demandez-vous pas de contribuer ? (M. Laurent Duplomb proteste.)
Vous nous parlez des 43 annuités, mais la réforme d’aujourd’hui imposera deux années de plus à tout le monde : 64 ans, c’est bien plus que 62 ans !
Non, votre réforme n’est pas une réforme de gauche ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous voterons ces amendements.
Pour répondre au rapporteur nous demandant de dire la vérité aux Français, je rappelle que, dans cette affaire, le problème ne vient pas de nous…
Ce n’est pas nous qui avons mis les Français dans la rue. Nous ne les avons pas mobilisés pour qu’ils manifestent comme ils le font et qu’ils expriment leur hostilité à cette réforme. Ce sont l’ensemble des organisations syndicales – CGT, CFDT, Force ouvrière, Solidaires, Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), Confédération française de l’encadrement (CGC) –, le front uni. À eux, vous ne pouvez pas tenir le discours que vous nous adressez.
Par ailleurs, on ne manipule pas les Français avec des discours politiciens – nous nous en rendons d’ailleurs compte chaque jour en ce moment. Ils se sont souvenus, par exemple, que vous aviez été très fiers, en 2010, de reculer de deux ans l’âge légal de départ à la retraite. Que vous est-il alors arrivé en 2012 ? Sarkozy a été battu ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. L’avez-vous remis en cause ?
Mme Laurence Rossignol. Les Français se sont souvenus en 2012 de ce que vous aviez fait en 2010.
M. Boyer nous répète en boucle depuis deux jours la même phrase sur la réforme Touraine. Elle valait pour 2014, mais pas pour aujourd’hui : en matière de déficits des comptes de la sécurité sociale, le contexte était totalement différent. La réforme Touraine permet justement de ne pas allonger aujourd’hui la durée de cotisation ni l’âge légal du travail.
Votre texte s’appuie sur des prévisions idéologiques et non fondées. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous avez fait ce choix, parce que votre objectif est de donner des gages. Régulièrement, le Président de la République nous confie tout le mal qu’il pense des 35 heures, du statut social des Français, des acquis sociaux, des congés payés, des Français qui sont des fainéants.
Des gages, voilà votre politique, et ce sont les Français qui payeraient vos gages si cette réforme aboutissait. Nous ferons tout pour que ce ne soit pas le cas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Au fond, nous avons un débat extrêmement intéressant et, disons-le, totalement clivé sur la valeur travail. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. Éric Kerrouche. Ah, la valeur travail !
M. Olivier Henno. Elle fonde la différence entre nous.
Nous « volons » deux ans aux Français, dites-vous. Franchement, ce n’est pas parce que l’on travaille deux ans de plus que l’on vole deux ans de vie ! Cela n’a tout de même rien à voir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Olivier Henno. Combien, chez vous, se réalisent et s’épanouissent par le travail ?
En toute objectivité, vous parlez comme si l’on était encore au XVIIIe siècle ou dans Quand les sirènes se taisent ! Le travail, ce n’est plus cela ; aujourd’hui, c’est l’épanouissement !
Mme Éliane Assassi. Où vivez-vous ?
M. Olivier Henno. Discutons plutôt de qualité du travail, de rémunération et de formation tout au long de la vie !
Comme il faut toujours un peu de poésie, je citerai Jules Renard, d’après qui le travail pense, la paresse ronge (Mme Françoise Gatel rit.), ou Rimbaud, pour qui « la vie fleurit par le travail ». (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Laurent Duplomb. Ça change de Sandrine Rousseau ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. René-Paul Savary essaie régulièrement de nous démontrer que seul compte l’effet Touraine. Pourquoi alors déplacez-vous l’âge légal de départ à la retraite ? Si seules comptent les 43 annuités, placez l’âge de départ à 60 ans, conformément à la revendication des écologistes… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pourquoi faites-vous cette erreur ? Vous soulignez que l’âge moyen de départ à la retraite étant de 63 ans du fait de l’effet Touraine, votre réforme des 64 ans ne changerait rien, puisque cela n’ajoute que quelques mois.
Monsieur le rapporteur, on parle là d’une moyenne : certains partent à la retraite à 62 ans, d’autres à 62,5 ans ou à 63 ans. Un cadre sur deux part à la retraite à 63 ans : vous obligerez les 50 % concernés à rester en activité. Tous ces gens qui partaient à la retraite avant 64 ans, dont le nombre est tout de même important, devront attendre cet âge-là.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ils n’auront pas leurs annuités !
Mme Raymonde Poncet Monge. Mécaniquement, l’âge moyen se déplacera, plus ou moins progressivement sur cinq ans. L’âge moyen ne justifie pas que vous aligniez l’âge légal sur lui. Il s’agit d’une moyenne ! (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
Mme Françoise Dumont. Raisonnement très moyen.
M. Jean-François Husson. Peut mieux faire.
Mme Raymonde Poncet Monge. C’est le bon sens ! Quelquefois, il faut rappeler que la Terre est ronde. L’effet de l’âge devient avec ce texte plus important que l’effet Touraine. Vous empêchez les gens d’arbitrer et, éventuellement, de partir avec une décote, en relevant l’âge légal de départ de 62 à 64 ans.
C’est la raison pour laquelle la CGC dit que cette loi est liberticide. Elle pense à ce cadre sur deux qui devra contre son gré rester au travail encore un an, dans des conditions de travail souvent toxiques. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2630 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4284 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 179 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l’adoption | 91 |
Contre | 244 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 4283 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4346 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 180 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 91 |
Contre | 245 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 4344 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2882 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Lurel, Chantrel et Féraud, Mme Monier, MM. Marie, Bourgi et Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Tissot, Leconte, Raynal, Stanzione et Durain, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin et Temal, Mme Blatrix Contat, MM. Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mmes Van Heghe et Conway-Mouret, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 241-3-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 241-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 241-3-…. – Le taux de cotisation d’assurance vieillesse à la charge de l’employeur peut être majoré en fonction :
« 1° Du nombre de fins de contrat de travail à l’exclusion des démissions ;
« 2° De la nature du contrat de travail et de sa durée ;
« 3° De la politique salariale de l’entreprise, notamment au regard de l’objectif d’égalité professionnelle ;
« 4° De la politique de formation de l’entreprise ;
« 5° Du respect par l’entreprise d’engagements écologiques et environnementaux, pris notamment dans le cadre de l’exercice de sa responsabilité sociale ;
« 6° De la taille de l’entreprise ;
« Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le comité social et économique est consulté sur l’application du présent article au titre de ses attributions consultatives mentionnées à l’article L. 2312-15 du code du travail. Son avis est transmis à une commission spécifique de la caisse nationale d’assurance vieillesse.
« Les modalités de calcul de la majoration de cotisations patronales et de contrôle des représentants du personnel sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Cet amendement vise à moduler à la hausse les cotisations patronales d’assurance vieillesse en fonction des politiques salariales d’emploi et de formation des entreprises, ainsi que du respect d’objectifs écologiques et environnementaux.
En réalité, il s’agit de mettre en perspective l’action de l’entreprise en matière de responsabilité sociétale. Ainsi, le taux de cotisation d’assurance vieillesse à la charge de l’employeur pourrait être majoré en fonction du nombre de fins de contrat de travail, à l’exclusion des démissions, de la nature du contrat de travail et de sa durée, de la politique salariale de l’entreprise, notamment au regard de l’objectif d’égalité professionnelle, de la politique de formation de l’entreprise, du respect par l’entreprise d’engagements écologiques et environnementaux dans le cadre de la responsabilité sociale, et de la taille de l’entreprise.
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le comité social et économique serait donc consulté sur l’application du présent article au titre de ses attributions consultatives mentionnées à l’article susvisé du code du travail. Son avis serait transmis à une commission spécifique de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Les modalités de calcul de la majoration des cotisations patronales et de contrôle des représentants du personnel seraient déterminées par décret en Conseil d’État.
Par cet amendement, il s’agit de mettre en avant la responsabilité sociétale de l’entreprise, en introduisant un bonus-malus pour les entreprises, à l’instar des salariés et des retraités.
Une telle équité en termes de présentation serait pertinente. Elle créerait une forme d’agilité dans l’accompagnement des dispositifs de retraite, pour tracer une trajectoire vertueuse et accompagner au mieux les parcours professionnels des salariés.
M. le président. L’amendement n° 3141, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux de contribution de chaque employeur peut être majoré dans des conditions fixées par décret en fonction du nombre de fins de contrat de travail et de contrats de mise à disposition mentionnés au 1° de l’article L. 1251-1 du code du travail, impliquant des salariés de plus de cinquante ans à l’exclusion des démissions, des contrats de travail et contrats de mise à disposition conclus avec une structure d’insertion par l’activité économique mentionnée à l’article L. 5132-4 du code du travail et des contrats de mission mentionnés au 2° de l’article L. 1251-1 du même code. Les données nécessaires à la détermination du nombre de fins de contrats et de contrats de mise à disposition peuvent être communiquées à l’employeur par les organismes chargés du recouvrement des contributions de l’assurance vieillesse et de l’assurance veuvage, dans des conditions prévues par décret. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Par cet amendement, il s’agit de reprendre le dispositif du malus pour les ruptures de contrats courts et de l’appliquer à toute entreprise qui enregistre un nombre de licenciements de salariés ayant au moins 55 ans supérieur à un seuil fixé par décret, pour chaque branche, après consultation des organisations syndicales.
Alors que ce texte vise à reculer l’âge d’ouverture des droits à la retraite, il est grand temps de tirer les enseignements de la loi de 2010, qui a fait passer cet âge de 60 ans à 62 ans ! Comme je l’ai déjà souligné, les effets de ce projet de loi seront encore plus graves.
Selon l’Insee, en 2017, le relèvement de deux ans de l’âge d’ouverture des droits (AOD), lors de la réforme de 2010, s’est traduit par une hausse mécanique de 14 points du taux d’emploi à 60 ans, de 13 points du taux de chômage et de 7 points pour l’invalidité et la maladie. Notons qu’une partie de cette hausse d’emploi est due à un effet générationnel, notamment pour les femmes, et non pas au seul relèvement de l’AOD.
Même les cadres ne sont pas épargnés ! Les « ni en emploi ni en retraite » représentent 13 % des 61 ans et 81 % des 112 000 cadres de plus de 55 ans au chômage ont fait l’objet d’un licenciement.
Actuellement, 1,4 million de seniors sont au chômage, 865 000 d’entre eux le sont depuis plus d’un an. Le nombre des demandeurs d’emploi en catégorie A de plus de 50 ans a nettement augmenté. De surcroît, il s’agit beaucoup plus fréquemment de chômeurs de longue durée : la durée moyenne de chômage des plus de 50 ans, qui était de 370 jours au début de 2008, a atteint 665 jours fin 2022.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements visent à augmenter les cotisations vieillesse. Je le répète, il s’agit là de charges supplémentaires pour les entreprises.
Lors du débat sur l’index seniors et le CDI senior, nous avons évoqué les incitations destinées à encourager les entreprises à garder ou à accueillir les seniors dans l’entreprise. Ces outils ne sont sans doute pas suffisants, mais nous préférons les incitations et le dialogue social aux mesures coercitives.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Un système de bonus-malus existe déjà dans les secteurs ayant recours à de nombreux contrats courts. Par ailleurs, les cotisations AT-MP (accidents du travail et maladies professionnelles) sont d’ores et déjà modulées en fonction de la sinistralité.
Vous proposez non pas un système de bonus-malus, mais un simple malus, c’est-à-dire une augmentation des cotisations patronales, qui renchérirait le coût du travail.
Selon moi, il convient d’en rester aux dispositifs existants.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Pourquoi ne s’agit-il pas d’un bonus-malus ? Au moment de l’instauration du bonus-malus, j’ai alerté sur le fait qu’il suffisait à une entreprise, pour bénéficier d’un bonus, de faire mieux que la médiane de son secteur, même si celui-ci était très dégradé et connaissait un taux massif de ruptures de contrats courts. Ainsi certaines entreprises pouvaient-elles bénéficier d’un bonus, alors même que leur situation n’était pas comparable à celle d’entreprises relevant de branches vertueuses.
Par cet amendement, il s’agit non pas d’inciter à réembaucher ceux qui auront été débauchés – c’est le dispositif CDI senior –, mais tout simplement à pénaliser ceux qui licencient. Il convient en effet d’arrêter le flux du licenciement des seniors, qui coûteraient trop cher ou qui ne réussiraient plus à faire face au rythme ou à l’intensité du travail.
M. le président. L’amendement n° 4347 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le taux net des cotisations définies à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, applicable aux entreprises dont l’effectif est au moins égal à 50 salariés et soumises à la tarification individuelle ou mixte, fait l’objet de majorations spécifiques, lorsque ces entreprises n’ont pas conclu d’accord ou de plan relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-1 et L. 2242-3 du code du travail.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Il s’agit de majorer les cotisations vieillesse des entreprises qui n’ont pas conclu de plan d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Chacun le sait, les inégalités salariales persistent. Selon l’Observatoire des inégalités, les femmes perçoivent un salaire inférieur de 28,5 % à celui des hommes. Une part de ce phénomène s’explique par la précarité des femmes en emploi, avec un niveau de temps partiel subi culminant à 28,1 %, contre 7,6 % pour les hommes.
À emploi et à temps de travail strictement équivalent, l’écart est toujours de 5,3 %. C’est la proportion de la discrimination la plus basse des femmes au travail.
Pourtant, le principe d’égalité salariale a été maintes fois énoncé. Il figure à l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 ; il a été promu par l’Organisation internationale du travail dans une convention ratifiée par la France en 1952 ; il est inscrit à l’article 119 du traité de Rome du 25 mars 1957. Le principe « à travail égal, salaire égal » a été introduit dans notre corpus législatif par la loi du 22 décembre 1972.
Nous devrions donc attendre encore ? Monsieur le ministre Olivier Dussopt, vous avez annoncé, à l’occasion de l’examen de l’article 2 sur l’index seniors, des résultats positifs en matière d’égalité professionnelle, qui seraient présentés la semaine prochaine. Il serait souhaitable que vous puissiez nous apporter des précisions en la matière, car une telle annonce ne correspond pas aux données dont nous disposons.
Le principe « à travail égal, salaire égal » est une revendication primaire, fondamentale, qui engendrerait pas moins de 11 milliards d’euros de cotisations supplémentaires et, à terme, 5,5 milliards d’euros net !
Nous ne devons jamais l’oublier, les salaires sont des cotisations. Votons cet amendement de justice pour les femmes, qui permettra d’accroître les recettes de notre régime par répartition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.