Mme Chantal Deseyne. Cet amendement vise à encourager le mentorat, au travers de la mise en place d’un nouveau contrat.
Ce dispositif présente plusieurs intérêts : le maintien des seniors dans l’emploi, la transmission des savoir-faire, l’incitation à l’embauche des jeunes via un accompagnement dans l’entreprise.
Nous prévoyons bien évidemment une contrepartie, sous la forme d’une exonération des cotisations sociales destinées à la branche famille,…
Plusieurs sénateurs sur les travées des groupes CRCE et SER. Encore !
Mme Chantal Deseyne. … qui présente le double avantage de représenter un allégement du coût du travail pour les entreprises et un gain de pouvoir d’achat pour les salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je remercie Chantal Deseyne de lancer cette initiative. Le mentorat est un dispositif intéressant, puisqu’il s’agit d’un moyen de développer la relation, qui est essentielle, entre les jeunes et les seniors.
D’une certaine façon, cet amendement peut faire penser au contrat de génération, qui avait été proposé voilà quelques années par un Président de la République dont je ne citerai pas le nom.
Vous m’avez interpellé, madame Vogel, sur le manque de cohérence de mon amendement : j’espère que vous la percevez cette fois-ci, et que vous saisissez le lien entre cette mesure et la promotion de l’emploi des seniors !
Le contrat de génération n’avait pas forcément fonctionné par manque d’une vision et d’une ambition partagée pour changer la représentation que se fait la société des seniors dans le monde du travail.
C’est du reste la raison pour laquelle ce type de contrat n’est pas suffisamment incitatif – et je reconnais bien volontiers qu’il en va de même du CDI senior.
Cela étant, il s’agit d’un outil supplémentaire, et à force de multiplier ce type de mesures, qui permet partager une vision, nous gagnerons en efficacité.
Pour en revenir à l’amendement, Chantal Deseyne a parlé d’une exonération de cotisations. Le contrat de génération prévoyait, lui, une contrepartie sous forme de prime. Si notre collègue n’a pas voulu copier ce dispositif, c’est certainement parce que son amendement aurait été jugé irrecevable. C’est effectivement sur ce motif que l’amendement de M. Babary sur les labels, pourtant très intéressant, comme l’a souligné Mme la rapporteure générale, a été frappé d’irrecevabilité.
Chantal Deseyne, qui fait toujours preuve de beaucoup de finesse dans son analyse, a donc préféré proposer une exonération, mais il va de soi que ce contrat de mentorat pourrait être mis au goût du jour.
Certains partenaires sociaux proposent de rétablir le contrat de génération, ce à quoi je réponds : pourquoi pas ! Simplement, comme nous discutons d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et qu’un tel contrat suppose le versement d’une prime, nous ne pouvons y être favorables.
Je partage le point de vue de plusieurs d’entre vous : ce projet de loi emprunte un véhicule législatif trop étriqué pour engager une réforme à la fois des retraites et du travail. Aussi, je suis d’avis d’inscrire un certain nombre de marqueurs dans ce texte, de sorte que l’on y pense lorsqu’on débattra de la réforme du travail.
La commission a trouvé que cet amendement était intéressant et demande l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Madame la sénatrice, j’ai indiqué voilà quelques instants que nous n’étions pas, à ce stade en tout cas, totalement convaincus de la nécessité d’une nouvelle forme de contrat.
Au-delà de nos doutes sur la nature juridique du dispositif, deux raisons expliquent que nous n’y soyons pas favorables.
La première raison tient au fait – M. le rapporteur vient de le mentionner – que le contrat de génération, qui relevait du même principe, n’a malheureusement pas fonctionné. Nous n’avions enregistré que quelques centaines de signatures par mois – 680 signatures en moyenne – à peine pendant la période la plus favorable. Ce dispositif n’a donc pas eu d’effet incitatif ou d’entraînement.
La seconde raison est que nous considérons qu’en matière de mentorat on pourrait certainement réfléchir et travailler à des dispositions plus efficaces que celle-ci.
Je rappelle que nous avons pris un certain nombre de mesures d’accompagnement en matière de mentorat.
Contrairement à notre démarche habituelle, qui consiste à articuler nos actions autour du dispositif « 1 jeune, 1 solution », dont le nom a visiblement inspiré M. le rapporteur, puisque celui-ci a proposé, hier, un dispositif « 1 senior, 1 solution », nous avons mis en place un plan spécifique qui nous permet de passer de 20 000 à 200 000 opérations de mentorat. Nous parvenons à ce résultat sans qu’il soit nécessaire de créer un contrat particulier.
Ensuite, je précise que, dans le cadre de l’examen de ce texte, nous aurons l’occasion de débattre de nos propositions en matière de retraite progressive. Au-delà des quelques différences d’ambition ou de perception entre le Gouvernement et la commission des affaires sociales, je vous indique que nous souhaitons en simplifier l’accès.
Nous considérons que cette démarche contribuerait à diminuer le temps de travail que les employeurs ont à leur charge et donc à faciliter le redéploiement des salariés vers le mentorat et la formation.
Pour toutes ces raisons, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. La prochaine loi Travail nous permettra d’avancer sur ces questions. J’y insiste, la montée en puissance du mentorat est en cours, sans que nous ayons besoin de mettre en œuvre un tel contrat. Travaillons ensemble pour faire en sorte que ce dispositif soit encore plus efficace.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour explication de vote.
Mme Chantal Deseyne. Au vu de vos explications, monsieur le ministre, je retire mon amendement, non sans insister sur le fait que la mesure que je propose favoriserait l’esprit d’entreprise, la transmission des savoir-faire, ce qui me semble particulièrement important.
Je serai attentive, lors des débats sur la future loi Travail, à ce que ce dispositif puisse être repris après avoir été amélioré.
M. le président. L’amendement n° 2598 rectifié est retiré.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 2598 rectifié bis, présenté par Mme Marie-Noëlle Lienemann, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 2598 rectifié.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce sujet mérite un vrai débat.
Vous passez votre temps à nous expliquer que la seule façon de créer du travail et de favoriser une dynamique, qui s’engage pourtant depuis toujours assez naturellement dans les entreprises, à savoir que les plus anciens, ceux qui ont acquis le plus de compétences, les transmettent aux autres, consiste à accorder des allégements de cotisations aux entreprises. Tout le débat est là.
Il existe aujourd’hui une telle pression sur les salariés que ces derniers sont de moins en moins les acteurs de la communauté humaine qu’est l’entreprise. Aujourd’hui, tout le monde est sous tension et plus personne n’a le temps d’encourager la transmission des compétences.
On cherche à nous faire croire qu’un allégement des cotisations nous permettra de régler le problème. Or cela n’aura d’autre effet que de créer des effets d’aubaine et ne contribuera pas à développer le mentorat, qui doit reposer sur un certain volontariat.
Pour ma part, je suis totalement opposée à l’amendement de Mme Deseyne : puisque je l’ai repris, je le retire ! (Sourires sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. Roger Karoutchi. Grotesque !
M. le président. Il faut cesser de jouer avec ces artifices !
L’amendement n° 2598 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 4260 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1142-10 du code du travail, il est inséré un article L. 1142-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-…. – Lorsque les résultats obtenus par l’entreprise au regard des indicateurs mentionnés à l’article L. 1142-8 se situent en deçà d’un niveau défini par décret, l’entreprise dispose d’un délai d’un an pour se mettre en conformité. À l’expiration de ce délai, si les résultats obtenus sont toujours en deçà du niveau défini par décret, l’employeur se voit appliquer une pénalité financière.
« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est une majoration du taux net de cotisations définies à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, applicable aux entreprises dont l’effectif est au moins égal à 50 salariés et soumises à la tarification individuelle ou mixte. Les conditions d’application de cette mesure sont fixées par décret. Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale.
« En fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance, un délai supplémentaire d’un an peut lui être accordé pour se mettre en conformité. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous souhaitons, par cet amendement, augmenter la pénalité financière des entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle et, notamment, en matière d’écart de rémunération entre les femmes et les hommes.
Comme chacun le sait ici, les inégalités dont sont victimes les femmes au travail se répercutent sur leurs droits à la retraite.
De statistiques en rapports, le constat est sans appel : les inégalités perdurent durant la période d’activité au point que le taux de pauvreté des femmes retraitées est supérieur à celui des hommes retraités : 10,4 % pour les femmes, contre 8,5 % pour les hommes. Le problème est que cet écart a tendance à se creuser et non à se résorber. Actuellement, environ 20 % des femmes doivent attendre l’âge de 67 ans pour partir à la retraite, seul moyen d’annuler la décote et de toucher une pension à taux plein.
Ce qui explique cette situation, c’est le recours banalisé, voire abusif au temps partiel, qui concerne aujourd’hui 3,7 millions de femmes sur 4,6 millions de salariés au total. Là encore, cette tendance tend à s’accroître, puisque les contrats à temps partiel concernent aujourd’hui 19 % des emplois, contre 10 % il y a trente ans.
Nous voulons mettre un terme à des inégalités qui pèsent ensuite sur la retraite, d’autant que les contrats à temps partiel accroissent la pression sur les salariés concernés. Bien souvent, en effet, ils se traduisent dans les faits par un surcroît de travail à réaliser en moins de temps que si l’on travaillait à temps plein. Le temps partiel use davantage.
Ce double effet négatif sur les retraites rend encore plus inacceptable le recul de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Avec cet amendement, vous proposez d’appliquer une pénalité financière aux entreprises qui ne publieraient pas leur index sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, ou à celles dont les résultats seraient insuffisants en la matière, dans le délai de trois ans maximum prévu.
Vous souhaitez à la fois augmenter cette pénalité et réduire à un an le délai dont bénéficie une entreprise pour se mettre en conformité, en l’absence d’action significative de sa part, avec ses obligations en matière de réduction des inégalités entre les femmes et les hommes.
La commission considère qu’il existe déjà un certain nombre de contraintes légales très précises dans ce domaine, contrairement à ce que l’on observe pour l’emploi des seniors.
En conséquence, nous estimons que cette mesure n’est pas nécessaire : appliquons déjà le dispositif en vigueur et, si besoin, les pénalités prévues, et laissons aux entreprises le délai actuel de trois ans pour se mettre en règle.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de vous être emparé du slogan que la commission des affaires sociales a inventé pour nommer un plan, qui est en fait similaire au dispositif « 1 jeune, 1 solution », mais à destination des seniors. Je rappelle que ce dispositif a porté ses fruits et qu’il a significativement changé notre vision de l’emploi des jeunes.
Essayons de décliner ces mesures au niveau des salariés en fin de carrière, de simplifier le passage entre vie active et sédentarité au travers de dispositions – je pense notamment au CDI senior – qui, même si elles peuvent toujours être améliorées, permettraient, madame Lienemann, d’encourager le tutorat.
Si les entreprises s’emparent de ce nouveau dispositif « 1 senior, 1 solution », nous aurons servi à quelque chose !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable, pour des raisons assez similaires à celles que M. le rapporteur vient d’exposer.
Nous considérons que l’index relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a permis d’obtenir de premiers résultats. Il se trouve que la toute dernière période d’observation donnera lieu cette semaine à la publication de nouvelles statistiques, lesquelles sont en cours de consolidation
Selon les premiers éléments dont nous disposons, la note moyenne obtenue par les entreprises augmente, tandis que le taux de déclaration – cette déclaration est obligatoire, sauf à subir des sanctions – est aussi en hausse.
Par ailleurs, un certain nombre d’indicateurs vont dans le bon sens. Ainsi, l’année dernière, au titre de l’exercice 2021, une bonne vingtaine d’entreprises, vingt-cinq ou vingt-six de mémoire, ont fait l’objet de sanctions financières. Nous estimons que plusieurs dizaines d’entre elles feront l’objet de sanctions financières cette année, parce que leur note est durablement inférieure à ce qui est attendu.
Cela étant, je le répète, les résultats sont plutôt bons, si bien qu’il ne nous semble pas utile de renforcer les sanctions.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Je tiens à remercier notre collègue Céline Brulin d’avoir déposé cet amendement.
Je rappelle que, parmi les seniors, les femmes sont davantage à temps partiel – 32 % de femmes contre 11 % d’hommes – et en situation de sous-emploi – 7,8 % de femmes, contre 4,3 % d’hommes. De plus, elles restent plus longtemps au chômage : la durée moyenne des femmes âgées de 50 à 59 ans dans cette situation est de cinquante-trois jours supérieure à celle des hommes du même âge.
J’ajoute que le montant qu’elles perçoivent au titre de l’assurance chômage est significativement plus faible que celui des hommes, de l’ordre de 33 % environ. À partir de 60 ans, cet écart atteint même 44 %, puisqu’une femme perçoit 950 euros net par mois en moyenne, contre 1650 euros pour un homme.
Ce constat est le reflet des inégalités de salaire et de carrière. Si nos collègues du groupe Les Républicains veulent vraiment favoriser l’emploi des seniors, il faut qu’ils s’intéressent aux inégalités observées au sein même de la catégorie des salariés seniors.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous voterons cet amendement, parce qu’il tend à renforcer les outils mis en place pour réduire les inégalités, qui sont toutefois insuffisants.
Monsieur le ministre, vous venez d’indiquer que la note moyenne des entreprises augmentait et que ces dernières étaient de plus en plus nombreuses à satisfaire à leurs obligations de publication, mais vous taisez aussi les critiques émanant d’institutions publiques de recherche sur la manière dont cette note est calculée, notamment les quatre critères qui la composent.
On sait qu’une large part de ce qui fonde les inégalités salariales entre les femmes et les hommes est « invisibilisé » par le système de notation qui a été retenu pour l’élaboration de l’index.
Ce dispositif repose sur les écarts de rémunération, les écarts de répartition des promotions, les écarts de répartition des augmentations et la part des salariées augmentées après un congé de maternité.
Mais il passe sous silence un certain nombre de données, qui restent invisibles, comme la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel et les professions à bas salaire. Je note à regret que les professions les plus féminisées sont celles qui sont, de manière persistante, les plus mal rémunérées.
Cela s’explique par mille et une raisons, en particulier le fait que les femmes sont très majoritaires dans les métiers du soin et que l’on a considéré, pendant des décennies, que ces professions relevaient d’une activité bénévole des femmes. Quand celles-ci ont commencé à prodiguer des soins, à l’extérieur du foyer, exerçant alors une activité rémunérée, l’idée s’est en quelque sorte perpétuée que les femmes agissaient à titre bénévole.
Cet amendement vise à ouvrir une porte. Il ne permettra pas de toutes les ouvrir, mais il s’agit d’une avancée pour laquelle nous voterons.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. La majeure partie des inégalités dont sont victimes les femmes en matière de retraite découlent de manquements intervenus durant leur carrière.
Dès lors, il faut mettre en œuvre des moyens contraignants, afin d’encourager les bonnes pratiques et de compenser les différences de parcours entre les femmes et les hommes.
Nous pensons que votre réforme va à rebours de cet objectif, même si l’étude d’impact indique que le montant moyen des pensions des femmes augmentera plus vite que celui des hommes, puisqu’elles travailleront plus longtemps et cotiseront davantage, notamment auprès des caisses complémentaires.
Il n’en demeure pas moins que l’écart de pensions entre les femmes et les hommes, qui s’élève à près de 40 % aujourd’hui, n’est et ne sera à l’évidence pas comblé. En repoussant l’âge légal de départ à la retraite, ce rattrapage est d’autant moins possible que les employeurs ne mettent pas en place les mesures qui permettraient de réduire les inégalités salariales et professionnelles entre les femmes et les hommes en activité.
Il nous faut rendre l’égalité salariale et professionnelle effective : ainsi, nous mettrions fin à une injustice flagrante. Ce que l’on appelle le name and shame, le « nommer et blâmer », est loin d’avoir l’efficacité requise pour ce genre de situation.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Si je partage le constat dressé par un certain nombre de nos collègues à l’instant, je ne partage pas leur position sur cet amendement.
Oui, il existe aujourd’hui des inégalités salariales et, oui, il persiste aussi des inégalités de carrière. Mais il faut aussi noter que nous avons tenté de réduire ces inégalités au travers de différents textes, notamment la proposition de loi qui est devenue loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle.
Un certain nombre d’outils existent, mais on ne parviendra pas à corriger toutes les inégalités dont sont victimes les femmes dans le cadre d’un projet de loi sur les retraites. Finalement, mes chers collègues, vous utilisez ce texte pour tenter de corriger les carrières. Or cette question relève évidemment d’une loi Travail : je pense aux mesures sur la réglementation, l’accompagnement des femmes dans leurs parcours.
Alors, oui sur le constat, mais non au vote de l’amendement !
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je pense précisément que pour qu’elle soit juste, une réforme des retraites doit se donner pour priorité de corriger les inégalités – elles sont aujourd’hui extrêmement importantes – en matière de retraite entre les hommes et les femmes.
Je le redis, ces différences découlent des carrières et des emplois occupés par les uns et les autres.
Prenons les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) – je sais, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, que vous connaissez bien le sujet : il s’agit à environ 90 % de femmes, souvent embauchées moins de vingt-quatre heures par semaine pour des salaires qui n’atteignent même pas les 900 euros !
Prenons maintenant les caissières de supermarché : elles travaillent souvent, elles aussi, à temps extrêmement partiel.
Prenons, enfin, les personnes travaillant dans le secteur de l’entretien : ce sont là encore souvent des femmes, soumises à des amplitudes horaires phénoménales.
Nous devons être plus volontaristes et mettre en place des outils beaucoup plus contraignants si l’on veut corriger ces écarts.
Parmi les multiples raisons qui mettent les gens dans la rue en ce moment, l’une des principales est l’absence de volonté de réduire ces inégalités. On voit énormément de femmes dans les cortèges et je pense que chacun serait bien avisé de les écouter.
Il n’y a pas de recette miracle. Effectivement, les dispositifs mettront du temps à produire leurs effets, mais si l’on se contente de dire que les choses avancent et que le moment viendra où, enfin, nous parviendrons à cette égalité, je crains que l’on demeure vraiment très éloigné des aspirations des femmes.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je m’étonne toujours d’entendre, dans cet hémicycle, certains de nos collègues ou certains ministres dire que les actions dans ce domaine commencent à porter leurs fruits. Nous sommes en 2023 !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Laurence Cohen. L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes n’est toujours pas une réalité dans notre pays malgré les nombreuses lois votées. On ne note aucune amélioration réelle ni en termes de conditions de travail ni en matière de retraite.
Messieurs les ministres, avec cette réforme, vous allez encore aggraver les choses, à tel point d’ailleurs que toutes les associations féministes et les syndicats sont vent debout contre votre projet, particulièrement contre le sort qui est réservé aux femmes.
Vous refusez de prendre en compte le fait que ce sont elles qui ont des carrières hachées, qui sont le plus fréquemment soumises à la pénibilité des métiers – une pénibilité maximum ! On a beaucoup parlé des travailleuses et des travailleurs « premiers de corvée » lors de l’épidémie de la covid-19. Nous tous, le Gouvernement, nous les avons applaudis. Mais quelles conséquences en a-t-on tirées pour améliorer les choses ? Aucune !
Hier, vous avez osé prendre l’index sur l’égalité entre les femmes et les hommes comme référence pour essayer de nous faire passer la pilule sur l’index seniors. Reconnaissez que c’est de l’enfumage ! Vous savez bien que cet index sur l’égalité entre les femmes et les hommes est totalement insuffisant !
Vous ne nous écoutez pas. Vous refusez de nous entendre, ici, dans l’hémicycle, mais vous refusez aussi d’écouter la rue. C’est d’ailleurs pourquoi la mobilisation sera extrêmement forte demain, ce qui est une bonne nouvelle pour tout le monde, parce que cela permettra peut-être enfin de faire bouger les choses.
En somme, vous préférez discuter entre vous plutôt que d’entendre la représentation parlementaire.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Outre la situation des femmes qui, en tant que telle, mériterait un débat, concentrons-nous sur la question des retraites.
Pourquoi cette discussion est-elle particulièrement importante ?
Vous nous expliquez que, grâce à l’index seniors, qui s’avère n’être pas du tout contraignant, la situation s’améliorera spontanément.
Or la preuve est faite avec l’index sur l’égalité entre les femmes et les hommes qu’au vu des chiffres – Mme Rossignol a dit des choses très justes sur la nécessaire évolution de cet index, qui contribue à sous-estimer les problèmes –, on enregistre certes un maigre progrès dans ce domaine, mais que le problème de fond n’est pas réglé.
En effet, le salaire moyen net des femmes reste inférieur de 16,8 % à celui des hommes, quand leur salaire médian est 18,5 % moins élevé. Les progrès observés, qui correspondent souvent à une réduction de l’ordre de 0,1 % ou de 0,2 % des écarts, sont marginaux. Il nous faudra je ne sais combien de siècles pour régler le problème !
Madame Billon, vous avez raison de dire que cette réforme s’explique par un manque de recettes et que, compte tenu des déficits, on sera obligé de travailler jusqu’à 64 ans.
Mme Annick Billon. Je n’ai pas dit ça !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais il n’y aurait pas de déficit si le niveau des salaires était plus élevé ou si le niveau des salaires des femmes était égal à celui des hommes. Il n’y aurait pas non plus de déficit si les travailleurs étaient correctement payés.
La simulation sur laquelle repose la réforme ne prévoit aucune embauche dans la fonction publique et le gel du point d’indice. Vous n’allez donc pas augmenter les salaires ni revaloriser les métiers des nombreuses femmes qui travaillent comme infirmières, professeurs ou dans les collectivités locales.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Qui plus est, vous allez creuser davantage les déficits des caisses de retraite et nous faire travailler au-delà de 64 ans !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Chacun sait que la retraite est le reflet de la vie,…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Sylvie Robert. … à la fois des inégalités subies et des promesses qui ne se sont pas réalisées.
Le débat autour de l’amendement de Mme Brulin, que je salue, est intéressant. Il y a celles et ceux qui nous disent de ne pas nous inquiéter, car les choses avancent et que l’on devrait y arriver. Mais, aujourd’hui, en 2023, les écarts de rémunération atteignent encore 40 % : c’est absolument énorme, j’y insiste ! On ne peut s’en satisfaire.
Dès lors, pourquoi refuser des dispositifs qui permettraient de contraindre un peu plus ou, en tout cas, de repousser un peu ces inégalités ?
Mme Brulin l’a dit, le taux de pauvreté des femmes est plus élevé que celui des hommes – 10,4 %, contre 8,5 %. Je vous donne un dernier chiffre, qui fera office d’argument imparable : l’écart moyen entre le taux de pauvreté des femmes retraitées et celui des hommes retraités a tendance – oui, mes chers collègues ! – à se creuser : celui-ci était de 1,9 point en 2019, contre 0,6 point en 2012.
Pour toutes ces raisons, et parce que cela me semble important, je voterai cet amendement.