M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Monsieur le ministre, vous évoquez l’ordonnance du 4 octobre 1945. Mais allez jusqu’au bout : s’il y avait, à l’époque, la volonté d’aller vers un régime général, il y avait également l’idée d’ouvrir ces régimes spécifiques à d’autres catégories de professions et de métiers. Votre lecture est partiale, pour ne pas dire autre chose !
Mme la rapporteure générale affirme que ces gens travaillent de façon formidable : je crois que tout le monde en est d’accord. Mais, juste après, elle nous dit qu’elle tient à les faire tomber dans le régime classique… Je ne pense pas que soit la bonne réponse.
En effet, au-delà du travail des agents, que l’on salue chaque jour, c’est la politique industrielle ou énergétique française qui est en jeu. Nous aurions pu trouver un accord pour la refonder avant même de toucher au statut des agents. C’est dans ce sens-là qu’il fallait faire les choses.
Bien entendu, nous voterons pour les amendements.
Pour terminer, monsieur le ministre, pourrions-nous avoir la note du Conseil d’État, qui éclairerait nos débats et ferait avancer la réflexion ? Vous n’avez toujours pas répondu à cette question… (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Monsieur Dussopt, vous utilisez, dans vos différentes interventions, les termes de « flux » et de « stock » pour parler des travailleurs et travailleuses et de retraite… Mais ce ne sont pas des objets ! Ce sont des hommes et des femmes, autant de vies, d’ailleurs, que vous violentez et brutalisez avec cette réforme.
M. Yan Chantrel. Vous avez parlé, dans une intervention précédente, de « situation de rente ». Quelle blague ! Les vraies situations de rente sont pour celles et ceux qui profitent de la crise et que vous exonérez systématiquement de toute contribution et de toute participation minimale à la solidarité nationale.
Vous êtes constamment – on peut vous reconnaître une constance et une cohérence sur ce point depuis 2017 ! – faible avec les puissants et impitoyable avec les travailleuses et les travailleurs les plus modestes, les fameux « essentiels » de notre pays.
Vous n’aimez pas le travail, ni les travailleurs et les travailleuses. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Ne commencez pas comme à l’Assemblée nationale ! Tout ce qui est excessif est insignifiant…
M. Yan Chantrel. Les Français, d’ailleurs, ne sont pas dupes. Ils ont bien conscience que votre politique ne va toujours que dans un seul sens.
Cette brutalité suscite la colère légitime de nos compatriotes, qui manifestent en masse pacifiquement depuis plusieurs semaines, dans une situation économique pourtant très difficile, où ils doivent la plupart du temps se priver de journées de salaire pour défendre un droit collectif, celui de bénéficier, après une vie de travail, d’une pension de retraite décente à un âge décent. (M. Laurent Duplomb proteste.)
Nous vous demandons donc de retirer cette réforme injuste et brutale. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pendant longtemps, les Français ont été fiers de leurs services publics de l’électricité et du gaz, de la SNCF, de leurs hôpitaux et de leur école publique.
M. Roger Karoutchi. Hélas, c’est fini…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ils étaient fiers du modèle républicain, cette sorte d’armature qui servait aussi au développement économique du pays.
Or ils constatent que vos choix libéraux ont détricoté et affaibli considérablement ces piliers de notre République et de notre pays. Et vous nous donniez des leçons : il fallait ouvrir les marchés, casser les statuts, dynamiser les salariés…
Qu’observe-t-on aujourd’hui ? Jamais l’état énergétique de notre pays n’a été aussi catastrophique. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Grâce à qui ?
M. Arnaud Bazin. Grâce à vos alliances avec les écologistes !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, grâce à vous, les libéraux ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est vous qui avez accepté le marché européen de l’énergie, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), qui tue EDF, ainsi que le prix du marché adossé au gaz – ce n’est pas notre cas ! Telle est la réalité.
M. Laurent Duplomb. Et les antinucléaires ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous nous avez également expliqué que les salariés étaient des nantis, qu’il fallait casser les statuts et banaliser leur protection sociale…
M. Philippe Pemezec. Mensonges !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Alors que l’on manque de compétences et de personnels motivés,…
M. Laurent Duplomb. C’est sûr !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … alors que nous sommes confrontés à des situations difficiles, comme l’ont rappelé mes collègues, des gens ont – encore heureux ! – la dignité de défendre ce service public au quotidien. Et c’est à eux que vous dites aujourd’hui que vous allez saper leur système de retraite !
M. le président. Il faut penser à conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je crois que, si vous voulez être dignes du sursaut qu’attendent les Français sur les plans économique, énergétique et social, vous devez refuser d’abandonner le régime des IEG.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Supprimer, prétendument au nom de l’équité et de la justice sociale, certains régimes spéciaux bien ciblés, en particulier dans des secteurs pourtant stratégiques pour la Nation – celui de l’IEG en est vraiment la preuve –, qui reposent sur la pleine mobilisation des salariés dans l’exercice de leur mission de service public, s’apparente davantage à de la provocation qu’à une quelconque volonté de justice entre les salariés du régime général et ceux des services publics.
Une telle proposition est totalement incohérente et incompréhensible.
Je m’interroge sur plusieurs points. Pourquoi le Gouvernement veut-il les supprimer ? Combien de personnes seraient concernées ? Surtout, sont-elles véritablement trop avantagées ? Seraient-elles des nantis ?
Monsieur le ministre, permettez-moi une petite incursion dans ma vie privée. Il se trouve que je suis la fille d’un gazier qui est aujourd’hui à la retraite. Or je ne crois pas qu’il ait été un nanti, un privilégié.
Il a exercé ses missions, ses fonctions, son métier dans les conditions qui étaient les siennes, parfois difficiles, et, comme cela a été dit par mes collègues, parfois, aussi, au péril de sa vie. Mais il fallait exercer cette mission de service public ! Alors, non, il n’y a pas de nantis ! Il n’y a pas de privilégiés.
Enfin, à vous écouter, monsieur le ministre, nous aurions tort de nous inquiéter, puisque votre proposition ne porte que sur les nouveaux recrutés, à partir du 1er septembre 2023, donc avec un effet lointain.
Je veux, pour ma part, attirer votre attention sur l’amendement dont nous ne pourrons débattre qu’au moment de l’examen de l’article 7, celui qui a été déposé par notre collègue Bruno Retailleau et qui vise à mettre en application…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Corinne Féret. … cette réforme sur les régimes spéciaux dès le mois de septembre 2023.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Cette suppression du statut des IEG m’interroge à plusieurs égards. Prévue aux alinéas 14 à 16 de l’article 1er, une telle mesure induit plusieurs incertitudes. J’aimerais bien que M. le ministre les éclaircisse.
Tout d’abord, si les nouveaux embauchés des IEG versent, à partir du 1er septembre prochain, leurs cotisations au régime de droit commun, Cnav ou Agirc-Arrco, et non plus à la Cnieg, il est certain que les recettes manqueront. Qui comblera ce manque ? La cotisation employeur du régime spécial ? La contribution tarifaire d’acheminement ?…
Dans l’étude d’impact, il est précisé que la suppression devrait conduire à ce qu’il y ait 4 490 nouveaux affiliés au régime général entre septembre et décembre 2023, et autant de moins pour les régimes concernés, qui accuseront un manque à gagner sur les cotisations de plusieurs dizaines de millions d’euros de recettes.
La fermeture des principaux régimes spéciaux de retraite au profit du régime général affectera directement les recettes, puisque les changements de régime d’affiliation des nouveaux embauchés dans les secteurs concernés entraîneront, dès 2023, une modification des flux de cotisations finançant les régimes. Et ce phénomène ira croissant d’année en année.
En conséquence, le besoin de financement des régimes fermés augmentera, mais leurs modalités de financement permettront de garantir leur soutenabilité financière à court terme. Il ne devrait donc pas y avoir de problème pour payer les retraites à court terme. En revanche, qu’en sera-t-il, monsieur le ministre, à moyen et à long terme ?
Dans le cadre de la neutralité du régime des IEG, il ne sera pas question de recevoir des subventions publiques ni de financement de la part des autres organismes de sécurité sociale. Comment comptez-vous faire ? Comment éviterez-vous la faillite du régime ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Tout d’abord, je veux dire que l’on peut être un défenseur résolu du régime des IEG sans pour autant être partisan de la fuite en avant nucléaire…
Vous avez raison, monsieur le ministre, le recours aux sous-traitants existe dans le secteur nucléaire. C’est d’ailleurs une manière de ne pas faire face à son coût et à sa dangerosité.
Pour ma part, je ne pense pas qu’il s’agisse là d’une rupture de contrat. J’ai bien compris la clause du grand-père, dont le problème est non pas que vous la mainteniez, mais qu’elle posera un problème de cohésion, comme cela a d’ailleurs été dit par le président de la Cnieg : les nouveaux entrants qui travailleront sur les mêmes pylônes électriques n’auront pas le même régime que leurs collègues qui seront protégés par la clause du grand-père.
Aussi, les responsables des ressources humaines vous remercieront pour cette contribution à la cohésion des équipes au sein de l’entreprise…
Ce que j’ai dit pour la RATP vaut également dans le cas donc nous discutons. Ils devront gérer plusieurs collectifs, qui exerceront pourtant les mêmes activités : ceux qui auront le statut et qui bénéficieront de l’ancien régime de retraite leur permettant de partir à la retraite avant d’être cassés – c’est la clause du grand-père ; ceux qui auront le statut, mais sans bénéficier du régime de retraite – ce sont les nouveaux entrants ; enfin, ceux qui n’auront ni le statut ni le régime – ce sont les sous-traitants.
Un problème de cohésion des équipes se posera donc dans ces entreprises, qui ont pourtant bien besoin d’homogénéité. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure !
Mme Raymonde Poncet Monge. Enfin, l’attractivité reste largement considérée comme un élément essentiel de couverture sociale du secteur.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, comme nous parlons devant les Français, pour reprendre votre expression, je ne puis vous laisser tenir de tels propos sur les ordonnances de 1945. En effet, vous vous êtes livré à une imposture en prétendant que votre action se situerait dans leur filiation !
En 1945, le Gouvernement mis en place par le général de Gaulle compte deux ministres communistes, tous deux ouvriers syndicalistes, chargés de mettre en œuvre ces ordonnances : Ambroise Croizat, qui amorce la création de la sécurité sociale, avec l’ambition de la généraliser, et Marcel Paul, qui travaille à la création d’EDF.
Au sein d’EDF, Marcel Paul et les syndicalistes construisent un régime de sécurité sociale ayant vocation, dans leur esprit, à s’étendre à l’ensemble du monde du travail. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.) Or vous faites exactement le contraire ! Vous ne pouvez donc pas vous réclamer d’eux ; c’est une imposture.
Les héritiers de Marcel Paul et d’Ambroise Croizat se trouvent sur ces travées, pas au banc du Gouvernement ! Ils sont dans la rue, pas aux côtés de ceux qui mettent en pièces le régime de sécurité sociale des agents d’EDF ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Je profite de cette prise de parole pour rendre hommage aux centaines de milliers d’agents, hommes et femmes, gaziers et électriciens qui, depuis 1946, sont l’honneur industriel de la France.
Il se trouve que je suis issu d’une famille de gaziers et d’électriciens. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Et moi de paysans !
M. Franck Montaugé. Je l’assume pleinement, d’ailleurs.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n’est pas dégradant !
M. Franck Montaugé. J’en suis même plutôt fier ! (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE.)
C’était mon entreprise, aussi vais-je en parler avec un peu d’émotion et beaucoup de respect.
Nous assistons, par la volonté du Gouvernement, à l’affaiblissement du pacte social de cette entreprise. Or il faut s’interroger sur ses causes.
Je partage les arguments de certains collègues : affaiblir le pacte social des électriciens et de gaziers n’est pas une bonne manière d’aborder les grands projets que la France doit mener en matière énergétique. Cela semble évident, et pourtant, le Gouvernement y va ! Pourquoi le fait-il ? Parce qu’il existe un projet de vente à la découpe d’EDF et de ce qui reste de Gaz de France. (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Émilienne Poumirol applaudissent.) Cette idée n’a jamais quitté l’esprit des gouvernants actuels. C’est un élément fondamental.
Ainsi, je soutiens les électriciens et les gaziers qui se mobilisent : ils ont raison, et nous serons avec eux jusqu’au bout ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Vous persistez dans votre volonté de destruction malgré les chiffres que nous vous livrons et les démonstrations que nous vous faisons depuis le début de nos débats.
Cela vaut pour le Gouvernement, mais aussi pour nos collègues siégeant à la droite de cet hémicycle : contrairement aux gaziers et aux électriciens, vous n’affrontez pas la tempête, chers collègues. Vous courbez le dos, sans mesurer les conséquences de votre attitude !
Comment renforcerez-vous l’attractivité des métiers ? Comment répondre aux besoins de recrutement de ces entreprises pour faire face aux défis du XXIe siècle ? Comment lutterez-vous contre la sous-traitance en cascade qui casse le service public et exige que les IEG réparent les erreurs dues au manque de formation de ces salariés ?
Nous voyons bien qu’une autre logique doit être adoptée. Ce régime devrait tirer vers le haut l’ensemble des protections de tous les salariés.
Vous affirmez, monsieur le ministre, que c’est à cause du régime spécial des IEG que les factures énergétiques explosent et que les Français paient ce régime spécial. C’est faux ! Ces régimes ont toujours contribué à la solidarité nationale, en reversant leurs excédents aux caisses déficitaires.
Par ailleurs, je rappelle que ces salariés que vous pointez du doigt cotisent à hauteur de 13 %, tandis que les salariés dans le privé le font en moyenne à hauteur de 10 %. Comment réglerez-vous cette situation ?
Enfin, ces salariés travaillent en trois-huit ; ils sont présents à toute heure dans les installations. Pourtant, vous les pointez du doigt. Vous avez déclaré que ce régime pesait 1,7 milliard d’euros. Or vous avez fait cadeau de centaines de milliards d’euros aux grands patrons sans aucune contrepartie – cherchez l’erreur ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Comme le rappellent les premiers concernés, c’est-à-dire les électriciens et les gaziers des près de 157 entreprises de la branche des IEG, il est impensable de faire cohabiter deux régimes.
Outre l’injustice pour les nouveaux embauchés, qui devront accomplir les mêmes tâches que leurs collègues, mais en relevant d’un régime différent, ces travailleurs et travailleuses savent bien qu’il s’agit de la disparition assurée et assumée de leur statut.
Comment pouvez-vous nier la dégradation rapide de l’équilibre entre cotisants actifs et retraités, qui constituera un énième prétexte pour remettre en cause les dispositifs statutaires ?
Or ce statut et ces régimes spéciaux de retraite et de sécurité sociale – la Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières (Camieg) – sont la juste contribution sociale due aux agents qui assurent le service public de l’énergie 365 jours par an et 24 heures sur 24, et par tous les temps, pour la Nation et les usagers.
Pourtant, sous couvert, encore une fois, d’une prétendue équité, vous entendez supprimer ce régime pionnier, qui prend en compte la pénibilité par des anticipations de départ. Ce faisant, vous tirez tout le monde vers le bas. Votre véritable crainte, c’est justement que ce régime ne serve de modèle à d’autres.
Il y a peu, les salariés de mon département ont été mobilisés jour et nuit à la suite d’une tornade dans les villages autour de Bihucourt. Je vois encore le ministre Darmanin féliciter, le cœur sur la main, les pompiers, mais aussi les agents EDF ! Et la seule récompense que vous leur proposez, avec nos collègues de droite, c’est de supprimer leur régime… Je trouve cela scandaleux.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. Je dois vous faire part de mon étonnement de voir le Gouvernement proposer la suppression du régime de retraite des agents des IEG.
Au-delà de ce qui a déjà été dit sur l’engagement de ces derniers et sur la qualité de leur action, est-ce le bon moment de les déstabiliser en suscitant, par cette proposition, des craintes et des aigreurs ?
Nous devons pourtant répondre à des questions beaucoup plus essentielles pour notre pays sur les sujets énergétiques, pour assurer notre souveraineté et faire face aux risques qui pèsent sur l’humanité.
Je pense bien sûr aux conséquences de la guerre en Ukraine et aux évolutions du paysage géopolitique, mais aussi aux sujets environnementaux, notamment la décarbonation de notre économie. Pour relever ces défis, notre pays a besoin de paix sociale, afin que les Français, là où ils sont, puissent agir le plus utilement possible.
En conséquence, je voterai pour tout amendement qui tendra au maintien de ce régime spécial.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Ces amendements sont importants, et je m’étonne qu’ils ne fassent pas plus débat et que l’on n’entende pas davantage d’interventions du côté droit de l’hémicycle… Nous touchons pourtant le cœur d’un enjeu fondamental : les questions énergétiques et climatiques, sur lesquels vous n’avez d’ailleurs aucune visibilité.
Pourtant, vous décidez de revenir sur le régime des IEG. Nous savons évidemment que derrière la suppression de ce régime se cache la suppression d’un statut qui a été créé en 1946. Or il ne l’a pas été pour rien ! Il l’a été parce que la question énergétique est fondamentale pour notre pays. Nous avons besoin que nos fonctionnaires et ceux qui travaillent dans ce domaine soient indépendants.
Les avantages de ce statut permettent d’attirer et de fidéliser des travailleurs dans une profession à la fois difficile et usante. Pourquoi nous en priverions-nous ?
Nous sommes dans un jeu de domino : après avoir fait tomber le régime spécial, le statut suivra à l’évidence. Vous l’avez d’ailleurs suggéré, monsieur le ministre, en prenant l’exemple de la SNCF, pour laquelle on commence à voir les résultats de vos réformes : de la même manière, une vente à la découpe sera organisée, comme cela a été expliqué par mes collègues.
Je me pose la question : quel est le but de la destruction, un par un, de nos services publics ? Qu’est-ce qui vous gêne dans ce régime ? Que des salariés aient une bonne protection ? Qu’ils puissent faire leur métier correctement ? Est-ce une petite politique comptable ? Ou peut-être êtes-vous simplement entraînés par votre dogmatisme libéral ? (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Jacques Fernique applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je m’étonne moi aussi du silence de l’autre côté de l’hémicycle. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Cela vous énerve ?
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Nous faisons ce que nous voulons !
M. Jean-Yves Leconte. Je suis toujours étonné que, au nom de l’égalité, on construise un système dans lequel les équipes compteront, d’un côté, des personnes bénéficiant encore d’un système qui prend en compte la pénibilité, et, de l’autre, des personnes rattachées au régime général.
Toutefois, ce qui me stupéfait, c’est que, malgré les ambitions que nous affichons pour la politique énergétique de la France et pour notre indépendance énergétique, malgré les erreurs que nous avons tous commises en la matière…
M. Laurent Duplomb. Pas tous !
M. Jean-Yves Leconte. … et que nous ne devons pas reproduire, nous faisons fi du fait que, pour mener cette politique, nous avons besoin d’engager des femmes et des hommes et de les protéger comme ils le sont actuellement.
Je ne comprends pas comment, vu les effets de la politique menée depuis vingt ou trente ans en matière de libéralisation et de déstructuration des services publics de l’énergie, vous pouvez ne pas vouloir y mettre un coup d’arrêt.
Nous devons assurer l’égalité dans les équipes et protéger les agents, afin qu’ils soient mobilisés pour appliquer une politique essentielle pour le pays.
Il est inacceptable de fragiliser la base de notre ambition pour la politique énergétique de la France, c’est-à-dire les femmes et les hommes qui la construisent, qui la maintiennent, et qui, lorsque notre pays rencontre des problèmes, sont d’astreinte, jour après jour, pour les corriger.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. J’écoute avec attention les quelques interventions prononcées au banc des commissions ou de l’autre côté de l’hémicycle. Elles sont rares,…
M. Fabien Genet. Mais de qualité !
Mme Laurence Rossignol. … donc nous pouvons les écouter avec beaucoup de concentration.
Mme la rapporteure générale a défendu tout à l’heure la fin du régime de sécurité sociale des IEG, en arguant qu’il était injuste que les 80 % de sous-traitants qui travaillent dans le secteur n’en bénéficient pas. Quelle incroyable démonstration !
Souvenons-nous de ce qui s’est passé : avant la libéralisation des industries de réseaux, réalisée sur l’initiative de directives européennes, il n’y avait pas de sous-traitance. Il n’y avait que des travailleurs sous statut. Il y avait un service public de l’électricité, un service public du gaz, un service public du ferroviaire, un service public de la poste… (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Frustration socialiste !
Mme Laurence Rossignol. C’est précisément à cause de l’ouverture à la concurrence et pour soumettre ces services au marché qu’il a fallu baisser les cotisations salariales, s’en prendre au statut des salariés et transférer des activités à la sous-traitance.
C’était pour détruire le statut que la sous-traitance a été instaurée. Et vous venez maintenant nous expliquer que, pour ne pas être injuste avec les sous-traitants, il faudrait achever le statut ? Quelle belle démonstration de ce que le libéralisme inflige depuis trente ans, à la fois à nos services publics et à nos consommateurs !
En effet, la belle fable selon laquelle les consommateurs allaient être les bénéficiaires de la dérégulation des réseaux en Europe a été battue en brèche. Cela n’a fait qu’affaiblir l’ensemble de nos services publics de réseaux : cela va mal pour EDF comme pour la SNCF ! Tout va mal, et vous faites en sorte que ça aille encore plus mal ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Nous en sommes encore à discuter de l’article 1er, car il s’agit d’un article fourre-tout. Nous sommes passés de régime en régime, chacun ayant ses propres spécificités, son propre financement et sa propre histoire. Celui des IEG est très important. Vous avez décidé de mettre fin, de manière globale, à plusieurs régimes. Mais sur celui-ci, vous vous trompez lourdement.
Il s’agit d’un régime qui est certes protecteur, mais aussi extrêmement stratégique, et même critique ! Il existe des scénarios plus précis et plus inquiétants pour l’avenir que ceux du COR : ce sont ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).
Nous avons examiné plusieurs textes portant sur les questions énergétiques. Et quels que soient les choix que nous ferons et les directions que nous prendrons, nous aurons besoin de l’expertise et de l’expérience des IEG.
Or vous décidez de fragiliser ce secteur. Au lieu de renforcer l’attractivité, vous affaiblissez nos métiers d’avenir. Votre réforme est à rebours non seulement du progrès social, mais aussi des enjeux climatiques, qui sont ceux du siècle.
En désarmant la France sur ces questions, vous tirez, une nouvelle fois, notre pays vers le bas. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. Je me permettrai de prolonger le propos de mon collègue Franck Montaugé, car il me semble qu’il avait encore bien des choses à dire à l’issue du temps de parole qui lui était imparti.
Le projet récurrent de démembrement de notre système énergétique est toujours dans les tiroirs. Et j’ai l’impression que la remise en question du statut des salariés des IEG marque le début du processus.
Permettez-moi de tracer un parallèle avec le secteur des télécoms et du numérique. Nous avons vu ce qu’a donné la mise en marché du haut débit et du très haut débit. Le ministère a mis en place des modes « sous-traitance opérateur commercial (Stoc) ». Il y a eu le mode Stoc I, puis il a fallu passer au mode Stoc II, car le résultat du premier était catastrophique…
Il a fallu organiser des systèmes de contrôle et parfois infliger des pénalités aux opérateurs qui intervenaient en cascade, là où auraient pu le faire des personnes compétentes. C’est une question de choix !
Je ne parle même pas de l’inégalité territoriale induite par ce modèle. Demain, avec votre réforme, l’accès ne sera pas garanti de la même façon partout, comme il peut l’être actuellement grâce aux personnes qui ont le statut.
Mes chers collègues, il faut donc voter contre la suppression de ce régime spécial, qui remettra en question des acquis fondamentaux pour nos territoires.