M. Bruno Sido. Je ne sais pas ce que vous cherchez – ou plutôt, je le devine. Il s’agit peut-être de faire en sorte que nous n’arrivions pas à la fin de l’examen de ce projet de loi.
En tout cas, et je le dis très tranquillement, cela ne rehausse pas l’idée que les Français peuvent se faire du Sénat.
M. Vincent Éblé. Croyez-vous que votre silence la rehausse ? C’est une honte !
M. Bruno Sido. J’espère que vous allez vous ressaisir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote sur l’article.
M. Yan Chantrel. Monsieur Sido, je suis un jeune sénateur, ou plutôt un sénateur récemment élu, mais, je vous le confirme, nous défendrons tous nos amendements. C’est notre droit le plus strict de parlementaires. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.) Nous n’avons aucune leçon à recevoir de qui que ce soit sur ce point !
M. Stéphane Piednoir. C’est vrai que vous n’en donnez jamais !
M. Yan Chantrel. Nous le ferons d’autant plus que, depuis des semaines, des milliers et des milliers de Françaises et de Français manifestent, avec une dignité remarquable. Or vous ne les entendez pas ! Nous allons donc être la chambre d’écho de nos compatriotes qui manifestent depuis plusieurs semaines et que vous ne souhaitez pas écouter. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Au travers de ces amendements, c’est ce que nous défendons et ce que nous continuerons de défendre.
Cette réforme est profondément injuste et brutale. C’est normal que nous soyons au combat, sur toutes les travées de la gauche, pour défendre le peuple français qui souffre et qui va souffrir encore plus si cette réforme est adoptée.
M. Marc-Philippe Daubresse. Et si nous parlions des régimes spéciaux ?
M. Yan Chantrel. C’est l’honneur du Parlement de pouvoir défendre ces gens dans l’hémicycle, dans un délai contraint imposé par ce gouvernement, mais accepté par vous !
Ce serait votre honneur d’intervenir dans ce débat. Nous avons entendu une seule prise de parole. Intervenez, c’est votre réforme ! Défendez-la ! Justifiez-la ! Argumentez ! Le rôle du parlementaire n’est pas de se taire, le « bâillon Retailleau » sur la bouche. Vous devez intervenir, défendre vos arguments. Faites comme M. Pradié ! Lui, au moins, il a défendu ses idées, contrairement à vous. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Il est irradié, Pradié !
M. Yan Chantrel. Où est-elle, l’époque de la droite sociale gaulliste ? Elle a disparu ! En tout cas, elle n’est pas au Sénat. Ayez un peu de courage et défendez vos propositions. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Marc-Philippe Daubresse. On n’est pas des Zébulon !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. Je remercie notre collègue Bruno Sido d’avoir eu l’audace de prendre la parole. (M. René-Paul Savary, rapporteur, s’exclame.) C’est quasiment le premier soutien de la réforme que nous entendons.
Mon cher collègue, vous avez raison : quelle image les Français peuvent-ils avoir du Parlement, mais aussi du Gouvernement et, plus globalement, de ceux qui dirigent ce pays ? En effet, depuis des semaines, ils disent massivement dans des manifestations sereines, pacifiques, dans des enquêtes d’opinion, par des grèves et mouvements sociaux légaux, qu’ils ne veulent pas de cette réforme : sept Français sur dix rejettent cette injustice !
Deux options sont ouvertes dans l’exercice démocratique. Soit, comme le fait le Gouvernement, on n’entend pas. Ou mieux, on répond au peuple qu’il n’a rien compris et qu’on va lui expliquer. D’ailleurs, plus le Gouvernement s’explique, moins les gens comprennent – ou plutôt, mieux ils comprennent qu’on ne leur a pas dit la vérité ! (M. Vincent Éblé s’esclaffe.) Soit on décide de traduire au Parlement ce mouvement pacifique de la population.
C’est vrai, nous avons déposé beaucoup d’amendements, mais la Constitution de 1958 met une armurerie exceptionnelle à la disposition des majorités gouvernementales et parlementaires, y compris sénatoriales, pour tordre le bras des oppositions et de la majorité des Français. Par parenthèse, je me demande même s’il n’y a pas eu un problème de majorité à l’Assemblée nationale pour recourir à la méthode choisie. Nous, opposition, avons seulement quelques moyens : notre conviction, notre parole, notre droit d’amendement. Soyez sûrs que nous en userons jusqu’au bout ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote sur l’article.
M. Guillaume Gontard. De la même manière, je veux remercier M. Sido d’avoir pris la parole. C’est le premier à avoir le courage de le faire… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.). Peut-être le deuxième…
M. Pierre Laurent. Il a eu un bon de sortie !
M. Guillaume Gontard. Pour ma part, je n’ai pas trop pris la parole. Je suis dans l’écoute et je pense, au contraire de vous, monsieur Sido, que le Parlement sort particulièrement grandi de cette journée. Effectivement, de nombreux amendements pouvaient se ressembler, mais ils s’appuyaient tous sur de vrais arguments.
En face, je n’ai rien entendu !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ça va venir !
M. Guillaume Gontard. Les ministres sont restés muets. Les seules réponses que nous avons pu obtenir portent sur des amendements à venir. Nous avons demandé des éléments d’information que nous n’avons toujours pas, le Gouvernement nous renvoyant sans cesse à je ne sais quand.
De votre côté, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, cette réforme que vous voulez coconstruire, cette réforme que vous appelez de vos vœux et qui est votre seul projet, cette réforme qui vise à faire travailler les gens plus longtemps, défendez-là ! C’est cela le Parlement !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Attendez que nous entrions dans le cœur du texte !
M. Guillaume Gontard. Nous voulons comprendre vos arguments, et, partant, vous ouvrir les yeux sur les erreurs que vous faites.
À la place, nous avons un Parlement à plat, qui ne débat pas.
Derrière tout cela, il y a le fantasme de l’Assemblée nationale. Nous avons vu hier soir les ministres tenter de faire monter la sauce, mais vous êtes finalement un peu déçus par la qualité de nos débats. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’attends de votre part d’avoir la même qualité argumentaire. Prenez la parole, expliquez-nous votre projet, et le Sénat sera véritablement mis en avant. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Rappel au règlement
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 46 bis du règlement.
J’ai écouté M. Sido et je suis stupéfaite. D’après ce que je comprends, vous estimez que ce débat, important pour les Français, serait d’aussi mauvaise qualité que celui qui s’est tenu à l’Assemblée nationale. Mon cher collègue, si tel est le cas, c’est de votre fait, parce que la majorité de cette assemblée ne participe pas au débat. Elle est totalement passive, et pourtant bruyante.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On ne sait pas très bien pourquoi vous êtes là, puisque, de toute façon, M. Retailleau vote pour l’ensemble de son groupe, au point que, tout à l’heure, certains auteurs d’un amendement de suppression de l’article liminaire n’ont même pas pu le voter. (Mme Laurence Cohen applaudit.)
Je pense que c’est à vous de vous ressaisir, de participer au débat, de dire pourquoi, par exemple, vous voulez maintenir l’article liminaire ; pourquoi, par exemple, vous souhaitez conserver les termes de Maastricht ; pourquoi, depuis le début, vous souhaitez défendre ce texte.
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est le rôle des rapporteurs !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous retiendrons, et nous le répéterons à l’extérieur, qu’ici, au Sénat, la droite, majoritaire, n’a jamais participé au débat et a été totalement passive. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote sur l’article.
M. Gérard Longuet. Vous ne devez pas gagner souvent ! (Sourires.)
M. Fabien Gay. Ce n’est pas faux ! (Mêmes mouvements.)
À la maison, ça fait du bien, mais dans l’hémicycle, c’est moins bien. Je le dis avec une pointe d’humour, mais nous devons, les uns et les autres, faire très attention : ne scions pas la branche sur laquelle nous sommes assis.
J’ai écouté hier attentivement tous les propos sur ce qui s’était passé à l’Assemblée nationale, laquelle aurait donné une image caricaturale du travail parlementaire.
Soit, mais le droit d’amendement est constitutionnel. Nous sommes là pour parler et pour faire la loi, ce qui exige une confrontation d’idées. Nous sommes prêts pour un débat argumenté, chacun avec nos mots, mais il faut, en face, qu’il y ait une réaction. Sinon, nous allons tous passer douze jours extrêmement difficiles.
Prenez garde : si vous continuez à crier à l’obstruction, viendra une réforme constitutionnelle. Quand j’ai été élu, il n’y a pas si longtemps, nous avions deux minutes et trente secondes pour expliquer nos votes ; aujourd’hui, nous n’avons plus que deux minutes. Avec vos récriminations, vous allez ouvrir la porte à une réduction du droit d’amendement, ce qui nous mettra tous en difficulté. Ensuite, on réduira le nombre de parlementaires, etc.
Encore une fois, ne scions pas la branche sur laquelle nous sommes assis, mais agissons et débattons. Et puisque vous avez beaucoup d’arguments en faveur de la retraite à 64 ans, mes chers collègues, nous vous attendons ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Annie Le Houerou applaudit également.)
M. Michel Canévet. On a dix jours pour le faire !
Mme la présidente. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote sur l’article.
M. Mickaël Vallet. Je souhaite rebondir sur l’intervention de Bruno Sido et revenir sur l’état d’esprit qui a prévalu à l’occasion d’un vote survenu voilà quelques semaines. J’ai alors entendu des arguments que je pouvais parfaitement entendre. Des collègues siégeant du côté opposé de l’hémicycle nous ont expliqué qu’il n’y avait pas, d’un côté, ceux qui pouvaient être fiers de leur vote, de l’autre, ceux qui, par définition, devraient avoir honte du leur.
De la même façon, et puisque nous siégeons dans une assemblée où l’on pratique, tout au moins je l’espère, une forme de confraternité – je le dis aussi à l’attention du Gouvernement –, il n’y a pas ici, d’un côté, des gens bien élevés, de l’autre, des personnes qui ne se comporteraient pas correctement ou auxquelles on devrait par avance faire un procès d’intention, celui de ne pas savoir se tenir lors d’un débat.
L’obstruction par silence ou l’obstruction mutique est aussi une forme d’obstruction, car elle nous empêche d’entendre les arguments des uns et des autres.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est jésuite !
M. Mickaël Vallet. Ce qui m’intéresse, pour ma part, c’est non pas de recevoir des leçons de maintien qui me rappellent celles de Nadine de Rothschild (Mme Monique Lubin rit.), mais d’entendre Bruno Retailleau ! (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Nous sommes polis et bien élevés. Mon collègue de Charente-Maritime qui siège au sein du groupe Les Républicains et qui me connaît bien sait que je ne me mouche pas dans la nappe… Mme Assassi n’a pas le couteau entre les dents quand vous la croisez au restaurant du Sénat ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.) Je vous suggère donc d’éviter ce registre ; cela vous permettra d’en venir d’autant plus vite aux arguments de fond.
Je le dis dans l’intérêt de la Haute Assemblée, pour que l’image que nous souhaitons tous donner du Sénat corresponde exactement à celle qui ressortira de ce débat : vous ne devez pas donner l’impression de nous faire la leçon alors que vous aurez, en réalité, fait en sorte que le débat n’ait pas lieu !
Mettons de côté les leçons de politesse et de maintien. Ce qui nous intéresse, ce sont les analyses de fond. Voilà ce qu’attendent les Français, qui, eux aussi, dans les cortèges, respectent les parcours qu’on leur indique, sont très bien élevés et savent dire « bonjour, madame » et « au revoir, madame ». Ils veulent surtout savoir si, oui ou non, l’âge de départ à la retraite passera à 64 ans ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote sur l’article.
Mme Monique Lubin. Mes chers collègues de droite, tout le monde sait que vous êtes très majoritaires dans cette assemblée et tout à fait d’accord avec la réforme qui nous est proposée par le Gouvernement.
Tout le monde sait que vous avez négocié avec celui-ci pour que la réforme qui sortira de cet hémicycle, si elle est adoptée, soit tout à fait conforme à ce que vous voulez.
Ma question est simple : qu’attendez-vous de nous ? (Rien ! sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI.) Oui, rien, je vous ai entendus…
Attendez-vous que nous ne jouions pas notre rôle d’opposants et d’élus du peuple et que nous restions définitivement bouche close au prétexte que nous sommes minoritaires et que vous avez déjà tout négocié ?
Est-ce cela, votre conception du débat républicain ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote sur l’article.
M. Franck Montaugé. Je partage évidemment les propos qui viennent d’être adressés, avec le respect dû à chacun et le respect des formes, à nos collègues du groupe Les Républicains pour dénoncer leur silence assourdissant au moment de défendre un texte qu’en réalité ils portent.
Je m’étonne également du silence de nos collègues du groupe RDPI, qui sont pourtant, ô combien, partie prenante de ce texte… Pas un parmi eux n’a pris la parole ! (M. Xavier Iacovelli lève la main.)
M. Xavier Iacovelli. Cela va venir ! (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. Franck Montaugé. Ah, si cela vient… (Sourires.)
Tel était l’objectif de mon intervention : qu’on les entende enfin au cours de ce débat important pour notre assemblée et, surtout, pour nos compatriotes, qui nous écoutent !
Je crois en tout cas que les groupes de gauche, dont je fais partie, ont été à la hauteur des enjeux, du respect des institutions et, plus encore, du respect que nous devons aux Français. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote sur l’article. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. Xavier Iacovelli. Puisque vous l’attendiez, chers collègues de gauche, je prends la parole !
Vous reprochez à la majorité sénatoriale et au groupe représentant la majorité présidentielle de ne pas prendre la parole pour défendre leurs amendements, mais nous n’en sommes qu’à l’article liminaire ! Pardonnez-moi de ne pas rebondir sur chaque plaisanterie lourde – le jeu de mots sur l’article « préliminaire », répété plusieurs fois, n’a fait rire que vous…
Assumez-le : vous faites de l’obstruction, même si elle est raisonnable par rapport à celle qui a eu lieu à l’Assemblée nationale, puisque vous avez déposé un peu moins de 5 000 amendements et pas 20 000 !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Quelle obstruction ?
Un sénateur du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Nous assumons tout !
M. Xavier Iacovelli. Ne m’interrompez pas ! Je vous ai écoutés lorsque vous défendiez vos amendements en hurlant…
D’habitude, au sein d’un même groupe, vous défendez un seul amendement de suppression. Pourtant, aujourd’hui, vous avez présenté 62 amendements de suppression de l’article liminaire ! Qu’est-ce, sinon de l’obstruction ? D’autant que vous reprenez les mêmes explications de vote à chaque fois… (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Vincent Éblé. Vous n’avez pas écouté !
M. Xavier Iacovelli. Vous voulez que l’on débatte du report de l’âge de départ à 64 ans et des régimes spéciaux ? Alors, avançons, continuons de travailler sur ce texte ! Voilà ce que les Français attendent de nous. Ils ne veulent ni d’une obstruction semblable à celle qui a été organisée à l’Assemblée nationale ni de l’attitude qui a été la vôtre aujourd’hui. Ils veulent que nous les représentions, que nous votions et que nous améliorions le projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Gérard Longuet applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote sur l’article.
Mme Florence Blatrix Contat. Je suis très surprise de cette accusation d’obstruction. La véritable obstruction, selon moi, c’est l’inscription de la réforme du système de retraite dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale !
Nous avons proposé près de 1 000 amendements qui tendaient à réparer des injustices, parfois anciennes, et qui entraient dans le cadre d’une réforme des retraites : ils ont été rejetés.
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est la Constitution !
Mme Florence Blatrix Contat. Nous ne pouvons pas, à cause de la méthode injuste qui a été choisie, avoir un véritable débat sur ce projet de réforme. L’obstruction n’est donc pas de notre fait !
En réalité, l’objectif de cette réforme, c’est travailler plus et gagner moi, travailler plus longtemps pour financer d’autres choix du Gouvernement… Sur ce « travailler plus », la majorité présidentielle et la droite se retrouvent !
Il faudrait travailler plus pour financer les déficits que l’État creuse lui-même…
M. Marc-Philippe Daubresse. François Hollande les a aussi creusés !
Mme Florence Blatrix Contat. Pourtant, il y avait d’autres solutions, comme la taxation des superprofits et la lutte contre l’optimisation fiscale, qui représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros par an.
Il n’est pas besoin de faire travailler plus ceux qui déjà, depuis très longtemps, travaillent bien davantage que les autres.
Cette réforme est vraiment injuste !
Le Gouvernement mise dessus pour améliorer la croissance. Pourtant, les études macroéconomiques montrent qu’elle n’aura pas cet effet, qu’au contraire le nombre de chômeurs et de bénéficiaires du RSA augmentera et qu’il y aura encore davantage de personnes en grande difficulté. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Claude Tissot. Je m’adresse à ceux de nos collègues qui nous reprochent de faire de l’obstruction.
Mes chers collègues, croyez-vous que nous soyons nombreux à être contents de siéger dans cet hémicycle un vendredi à vingt-trois heures vingt-trois ? Si nous sommes présents, c’est parce que nous avons un mandat de nos électeurs, qui nous ont demandé de débattre et de défendre des idées. C’est tout simplement ce que nous faisons !
Pour ma part, je préférais, particulièrement ce soir, être auprès de mes enfants. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat. Moi aussi !
M. Jean-Claude Tissot. J’aimerais, moi aussi, vous entendre, chers collègues de la majorité sénatoriale !
Nous allons bientôt entrer dans une période électorale. Si vous ne vous exprimez pas ici, clairement, individuellement,…
M. Marc-Philippe Daubresse. Ne vous faites pas de souci, on votera clairement pour !
M. Jean-Claude Tissot. … vous pourrez vous cacher derrière les propos suivants : « Je n’ai pas dit que j’étais pour l’allongement de l’âge de départ à la retraite. », « Je ne suis pas favorable à ce report. », « Je n’ai pas parlé d’éloge de la paresse. »…
Durant cette période de campagne électorale, nous côtoierons les mêmes personnes et je vous imagine difficilement dire à celui qui viendra vous interroger : « Tu as certes travaillé dur, mais tu devras tout de même travailler deux ans de plus. » Il sera compliqué de tenir ce discours. Il est donc plus simple pour vous de ne rien dire, ce soir et durant les onze prochains jours, et de vous cacher derrière la parole de votre président ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Rappel au règlement
Mme Corinne Féret. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 44 bis de notre règlement, dont le premier alinéa dispose : « Le Gouvernement et les sénateurs ont le droit de présenter des amendements et des sous-amendements aux textes soumis à discussion devant le Sénat. »
Présenter et soumettre au débat nos amendements revient donc non pas à faire de l’obstruction, monsieur Iacovelli, mais à exercer nos fonctions de parlementaires. L’ennui, il est vrai, c’est que toutes les prises de parole viennent de notre côté de l’hémicycle. Comme mes collègues qui viennent d’intervenir, je regrette qu’il n’y ait pas de « répondant » de l’autre côté de l’hémicycle.
Nous siégeons dans un lieu où la démocratie doit s’exercer, où nos points de vue doivent pouvoir se confronter, où des arguments doivent pouvoir être échangés sur ce projet de loi.
Nos amendements ont tous été défendus par ceux qui les avaient déposés, avec des arguments complémentaires les uns des autres. Il ne s’agissait pas, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Iacovelli, de propos répétés à l’identique. Peut-être n’étiez-vous pas présent à ce moment-là du débat, mon cher collègue…
En tout cas, nous n’avons pas de prise de parole de votre côté pour soutenir cette réforme, en particulier cet article liminaire qui est si important.
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Article liminaire (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. À l’occasion de l’examen de l’article liminaire, qu’il importe de voter, un certain nombre d’enjeux financiers ont été exposés.
J’ai entendu dire sur certaines travées que les dépenses de retraite resteraient stables. Toutefois, selon le rapport du COR que j’ai entre les mains, ces dépenses augmenteront dans un premier temps, pendant quelques années, puis se stabiliseront – mais à quel prix ?
Il est écrit noir sur blanc dans ce document que cette stabilisation sera principalement imputable à la baisse de la pension moyenne relative.
M. Gérard Longuet. De 20 % à 30 % !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cela signifie que les pensions de retraite progresseront moins vite que les revenus d’activité. Veut-on s’y résoudre ? Non, nous devons agir ! C’est la raison d’être de cette réforme, qui doit être débattue.
Il ne s’agit pas de se soumettre à Bruxelles ou à quiconque ! (M. Pierre Laurent proteste.) Au contraire, lorsque l’on est souverain, on prend souverainement la décision de ne pas dépendre de tel ou tel marché, de telle ou telle instance. C’est justement un choix souverain que nous faisons, pour ne pas avoir à financer le système de retraite à coups de milliards d’euros.
Il est très important que ce débat se tienne dans des conditions de respect mutuel, afin de permettre l’examen au fond des amendements. Pour autant, je ne suis pas certain que déposer de multiples fois le même amendement y contribue. On sait très bien qu’il est possible de croiser les points de vue et de confronter les arguments sans défendre forcément le même amendement… (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Peut-être avez-vous pris connaissance, cet après-midi, d’une étude de l’Institut français d’opinion publique (Ifop) analysant l’opinion des Français sur Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Voyez le résultat de la stratégie de M. Mélenchon : il se fait ratatiner par Mme Le Pen sur tous les sujets ! (Il n’est pas ici ! sur des travées des groupes SER et CRCE.)
Mme Laurence Rossignol. Il n’est plus au Sénat depuis une dizaine d’années !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il n’est peut-être pas ici, mais il mène la danse… (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Cohen. J’ai entendu dire que la gauche faisait de l’obstruction cordiale. Je suis très choquée, mes chers collègues !
Ce que vous appelez « obstruction » est simplement le droit d’amendement des parlementaires, un droit dont vous devriez être fiers et que vous devriez défendre.
L’obstruction pour vous, c’est la défense de nos amendements, donc vous dites d’un air méprisant qu’ils sont tous identiques. Il faut croire que vous n’écoutez pas ou que vous suivez un autre programme…
Nous avons défendu nos amendements de suppression en présentant des arguments et en donnant des exemples concrets. L’obstruction est le fait du Gouvernement, au travers de cette réforme inique !
Cette réforme, vous la soutenez. Nous assistons là au rassemblement des droites – macronistes, LR, centristes –, ensemble pour s’en prendre toujours aux mêmes : ceux qui souffrent, ceux qui ont des carrières pénibles, les femmes, les chômeurs. Ce sont eux que vous attaquez ! Si le Gouvernement fait des cadeaux, c’est toujours aux mêmes.
Quand nous vous proposons d’autres solutions, des financements différents, cela ne vous va jamais ! En finir avec les exonérations de cotisations sociales permettrait de dégager 75 milliards d’euros, mais cela ne vous intéresse pas.
La suppression de la CVAE coûte près de 5 milliards d’euros, celle de l’ISF 5 milliards d’euros, le CICE 20 milliards d’euros – sans parler de la fraude fiscale…
Ces cadeaux, mes chers collègues, représentent entre 80 et 100 milliards d’euros, soit cinq à neuf fois le montant prévisionnel du déficit annuel de l’assurance vieillesse.
Quand on veut, on peut, et ce sans s’en prendre aux gens qui travaillent, qui nous regardent et qui sont heureux de voir des parlementaires dignes de ce nom les défendre ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote sur l’article.
Mme Viviane Artigalas. Je répondrai à mon tour aux attaques qui nous ont visés.
Monsieur Iacovelli, on ne peut pas nous reprocher de prendre du temps pour exposer nos arguments contre cet article liminaire, prétendument au détriment d’articles plus importants : il est le cœur du projet de loi et porte sur des éléments financiers.
Nous disposons de deux minutes pour défendre chaque amendement.