M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Par cet amendement, nous souhaitons préciser la rédaction de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier sur les modalités de recouvrement du montant des astreintes prononcées par le président de la cour d’appel de Paris.
L’impossibilité de recouvrer ces sommes diminue la portée du pouvoir d’injonction de l’AMF. Il est nécessaire d’assurer l’effectivité des décisions du superviseur pour préserver sa crédibilité et assurer la pleine intégrité des marchés.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Avis favorable.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 17.
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous parler non pas du 49.3 ou du 47-1, mais de l’article 45, qui a été utilisé pour déclarer hors sujet un certain nombre de nos amendements.
Plafonner les frais de tenue de compte à 12 euros par an ? Hors sujet !
Supprimer les frais d’incident pour 4,1 millions de clients en situation de fragilité financière, comme les allocataires du revenu de solidarité active, des aides personnalisées au logement, de l’allocation aux adultes handicapés ou les étudiants boursiers ? Hors sujet !
Supprimer les frais bancaires pour les saisies administratives à tiers détenteur pour les personnes qui auraient des dettes fiscales ou des arrêtés de facture de cantine ou d’hôpital ? Hors sujet !
Plafonner les frais d’incidence pour les comptes des professionnels, des autoentrepreneurs, des travailleurs des plateformes numériques, comme Uber, Deliveroo et autres ? Hors sujet !
Il faut le savoir, chez Uber, le salaire mensuel moyen est de 1 617 euros pour 45,3 heures par semaine en moyenne. Avec la ponction de 25 %, ces travailleurs et travailleuses, qui ne roulent pas sur l’or – c’est le cas de le dire –, devraient subir la ponction des banques via des commissions d’intervention.
Tout cela pour vous dire que ce texte protège, certes, en partie les épargnants – nous avons d’ailleurs émis des votes positifs et constructifs –, mais ne cible pas et n’oriente absolument pas l’épargne financiarisée. Il navigue à l’aveugle ! C’est de la valeur pour de la valeur. Ce n’est pas forcément inutile, mais on ne peut pas s’en tenir à cela. Il faut tenir compte de l’économie, de l’emploi, des défis climatiques et sociaux devant nous.
Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, nous voterons contre ce texte.
Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants.
(La proposition de loi est adoptée.)
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Protéger les logements contre l’occupation illicite
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (proposition n° 174, texte de la commission n° 279, rapport n° 278, avis n° 269).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le ministre, cher Olivier, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui, dans l’espace réservé au groupe RDPI, vise à apporter une réponse indispensable à des situations individuelles auxquelles je suis particulièrement sensible. Elles concernent la vie quotidienne de femmes et d’hommes, que nous essayons, chacun à notre niveau, d’améliorer chaque jour.
Je veux ainsi tout d’abord remercier le président Patriat et ses collègues, qui nous permettent de poursuivre les travaux de l’Assemblée nationale au Sénat dans des délais extrêmement brefs.
Au cours des derniers mois, nous avons été nombreux à être saisis par de petits propriétaires, qui, ayant économisé toute leur vie pour acquérir un bien, se retrouvent dans l’impossibilité de récupérer le fruit de leur travail et de leurs économies.
M. François Bonhomme. Eh oui !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je pense en particulier à l’exemple frappant d’une vieille dame vivant dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) qui s’est retrouvée dans l’incapacité de reprendre possession de son appartement, squatté, qu’elle souhaitait vendre pour payer les mensualités de son établissement et assurer ainsi sa fin de vie. Impossible de récupérer son bien, car l’appartement était occupé de façon illégale. Cette situation est évidemment intolérable et porte gravement atteinte à notre pacte social et républicain, en vertu duquel les citoyens s’en remettent aux autorités pour faire respecter la loi.
Il est inacceptable qu’une dame âgée angoisse à l’idée de ne plus pouvoir payer ses traites parce qu’elle ne peut pas récupérer un bien acquis après des années de labeur.
Je le dis tout net : la lutte contre les squats est nécessaire et reste une priorité de ce gouvernement, en particulier de mon ministère. Dans cette lutte, force doit rester à la loi, qui doit protéger les honnêtes gens.
M. François Bonhomme. À la bonne heure !
Mme Valérie Boyer. Révélation tardive !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je dois d’abord rappeler que la protection du droit de propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par la Déclaration de 1789.
Toutefois, c’est non pas le droit de propriété que protège aujourd’hui le délit de l’article 226-4 du code pénal, mais le domicile, comme cadre du droit au respect de la vie privée, un droit constitutionnellement et conventionnellement garanti. C’est l’objet du délit de violation de domicile. Depuis 2015, l’article 226-4 distingue expressément deux infractions, dont celle de maintien dans le domicile d’autrui, qui présente la particularité d’être une infraction continue, et non une infraction instantanée, comme l’est l’introduction dans le domicile d’autrui.
Cette particularité fait que les forces de l’ordre peuvent, tout au long de l’occupation, intervenir et interpeller les squatteurs, quel que soit le délai écoulé, quarante-huit heures ou plus, depuis leur introduction dans le domicile.
Cette infraction est donc un outil juridique efficace et puissant pour faire cesser les situations de squats caractérisées. J’y insiste, car il est trop souvent fait état dans la presse de cas de Français partis en vacances et qui ne peuvent pas récupérer leur domicile, plus de quarante-huit heures s’étant écoulées.
Concernant spécifiquement ce délit de violation de domicile, la proposition de loi apporte deux améliorations.
En premier lieu, elle tend à aligner les peines sur celles qui sont encourues par le propriétaire expulsant le squatteur occupant son domicile. Un tel alignement dans l’échelle des peines me semble absolument nécessaire et permettrait de répondre à une situation que nous pouvons qualifier de totalement injuste.
En second lieu, elle vise à clarifier la notion de domicile en précisant que celle-ci recouvre tout local d’habitation contenant des biens meubles, qu’une personne y habite ou non, et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non.
Cette clarification est bienvenue, puisqu’elle permettra, je l’espère, de faire cesser les fausses informations sur l’étendue de ce délit.
Ainsi, contrairement à ce qu’affirment certains médias, le squat d’une résidence secondaire est bien constitutif du délit de violation de domicile. Et, comme je l’ai déjà expliqué, s’agissant d’une infraction continue, l’intervention des forces de police pour faire cesser cette situation est possible à tout moment.
M. François Bonhomme. Mais compliquée !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cela va s’arranger, monsieur le sénateur. C’est précisément l’objet de ce texte.
La proposition de loi entend aller au-delà de la protection du domicile, en protégeant également la propriété en tant que telle. Cette évolution est indispensable pour mettre fin aux situations injustes que j’évoquais précédemment. Il nous faut toutefois nous assurer que ces infractions sont suffisamment ciblées et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire.
Il s’agit ainsi non pas de faire primer le droit de propriété sur tout autre droit social, mais de répondre de manière proportionnée et adaptée à des situations individuelles profondément injustes.
À cet égard, je tiens à souligner l’important travail des commissions des lois et des affaires économiques, dont je veux ici saluer les rapporteurs, le sénateur Reichardt et la sénatrice Estrosi Sassone, engagés de longue date sur ces sujets. Leurs travaux ont permis de resserrer le champ du délit d’introduction ou de maintien dans un local autre que le domicile et d’aboutir à un texte qui me semble satisfaisant à plusieurs égards.
Il restreint le champ de la répression aux seuls actes frauduleux en prévoyant, s’agissant des locaux autres que le domicile, que seule l’introduction, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, ou le maintien après une telle introduction sont réprimés. Cette restriction permet de répondre aux inquiétudes exprimées par certains et aux réserves que j’avais émises lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, en excluant de la répression les locataires défaillants qui ne font l’objet d’aucune mesure d’expulsion.
Nos débats, à n’en point douter, permettront d’améliorer le texte en précisant le terme « local à usage économique », qui ne correspond à aucune notion connue dans notre droit. Il me semble également opportun de réserver la protection aux seuls locaux effectivement exploités.
Dans la lutte contre les squats, la commission des lois a également procédé à une gradation dans l’échelle des peines qui me semble tout à fait bienvenue.
Sur l’aspect pénal du texte, il m’apparaît donc que les travaux de vos commissions ont permis d’aboutir à un équilibre entre la défense de la propriété immobilière, qui concerne aussi les petits propriétaires, et le droit au logement, dans le respect de nos principes constitutionnels.
En complément des outils offerts par notre procédure pénale, nous disposons de deux voies pour expulser le squatteur du logement d’autrui : une voie civile et une voie administrative.
La voie civile permet de saisir le juge des référés. Celui-ci, lorsqu’il constate l’existence d’un trouble manifestement illicite, c’est-à-dire l’occupation du bien, peut ordonner les mesures conservatoires qui s’imposent, dont l’expulsion. Le délai moyen de cette procédure est de cinq mois.
Nous disposons également, depuis la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi Dalo, d’une procédure administrative d’évacuation forcée. Son article 38 permet aux préfets, lorsqu’une plainte a été déposée pour violation de domicile, d’ordonner l’évacuation des squatteurs sans attendre qu’une décision judiciaire ait été rendue.
À la suite de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, qui est venue compléter la loi Dalo, nous avons pris l’initiative, avec mes collègues des ministères de l’intérieur et du logement, d’adresser, le 22 janvier 2021, une instruction aux préfets pour détailler la mise en œuvre de cette procédure et leur enjoindre d’assurer la rapidité de son exécution. Plus que jamais, l’exécutif est donc mobilisé pour lutter contre les squats.
Tout en conservant l’esprit de la proposition de loi du président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, M. Kasbarian, votre commission a recentré son application aux squatteurs.
Je m’en félicite, car la procédure de l’article 38 n’est pas adaptée à l’évacuation des autres types d’occupants – les locataires, les concubins… – en raison de son caractère expéditif et non contradictoire.
Je pense notamment à la situation dans laquelle se serait trouvée une femme victime de violences conjugales dont le compagnon violent serait parti sur ordre de la justice, mais aurait quand même pu exiger du préfet une évacuation forcée de sa victime.
La nouvelle rédaction de l’article 2 de la proposition de loi a également clarifié l’extension du périmètre de cette procédure : elle sera mobilisable pour la libération des domiciles, mais également pour celle des logements vacants.
La question des expulsions pour impayés de loyers est, quant à elle, bien distincte de celle du squat. Il faut garder à l’esprit que notre droit civil protège les locataires qui cessent temporairement de payer leur loyer. La difficulté à régler une échéance de loyer, en raison d’un accident de la vie ou de factures imprévues, ne doit pas compromettre définitivement le logement familial.
Le texte adopté en commission rétablit sur ce point le pouvoir du juge d’accorder d’office des délais avant d’en arriver à l’expulsion. Il faut toutefois que le locataire soit en situation de régler ses dettes à l’égard du propriétaire et qu’il ait au minimum repris le paiement du loyer courant.
En cela, la condition ajoutée par la commission des lois à l’octroi de délais par le juge s’inscrit, me semble-t-il, dans l’équilibre que nous recherchons entre droit au logement et droit de propriété. Pour autant, cet équilibre est fragile, car on sait que 40 % de locataires en impayés de loyer ne se présentent pas à l’audience et ignorent leur droit de demander des délais.
Dès lors que l’expulsion est ordonnée, le juge peut encore octroyer de façon exceptionnelle des délais supplémentaires, afin de permettre à des familles en situation de précarité de se reloger dans des conditions dignes.
Le droit civil fait également obstacle aux expulsions durant la trêve hivernale. C’est là un acquis non négligeable – j’insiste sur ce point –, car la loi veille ainsi à répondre à des situations individuelles qui peuvent se révéler dramatiques.
Il ne paraît pas souhaitable que la légitime lutte contre les abus de locataires de mauvaise foi conduise à modifier ces équilibres.
La proposition de loi tend à réduire certains délais de procédure, afin d’accélérer le traitement de ces affaires. Si j’étais favorable à la réduction des délais à deux mois, je considère comme trop court, et difficile à calculer, celui de six semaines adopté en commission.
Enfin, s’agissant des propriétaires, il est important de sécuriser leur situation face aux occupations illicites de leur bien, et donc de les décharger, dans certaines circonstances, de leur responsabilité. C’est l’objet de l’article 2 bis de la proposition de loi.
Néanmoins, les décharger totalement de l’obligation d’entretenir leur bien nuirait de manière injustifiée aux tiers subissant un dommage. Ces tiers doivent pouvoir être indemnisés sans supporter les conséquences d’une occupation illicite. Une nécessaire adaptation de ce texte devra être envisagée. C’est le sens de certains amendements, dont un sur l’initiative du Gouvernement, qui seront proposés à votre vote.
Dans la lutte contre les squats et la préservation du droit de la propriété, ce texte est une nouvelle étape intéressante. Faisons en sorte, tous ensemble, qu’il apporte des solutions efficaces, concrètes, dans le respect de nos grands principes constitutionnels. (M. Ludovic Haye applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez aujourd’hui à examiner un texte relatif à des situations humaines souvent complexes, situations qu’en tant qu’élus nous connaissons.
De cette expérience d’élu, vous savez la différence entre les situations inacceptables de squat et les situations relatives à des impayés de loyers. Forts de ces expériences, vous examinez ce soir un texte équilibré (Mme Nathalie Goulet acquiesce.), qui ne confond pas ces deux cas dissemblables.
M. Olivier Klein, ministre délégué. Vous examinez un texte équilibré, et même amélioré.
À ce titre, je salue tout particulièrement, à mon tour, le travail des rapporteurs, qui ont été attentifs aux inquiétudes que pouvait susciter ce texte, sans renoncer à l’ambition initiale d’apporter des réponses à certains cas insupportables.
J’espère que notre discussion permettra de continuer à mieux distinguer la situation du squatteur, qui doit être sanctionné à la mesure de sa faute, de celle du locataire défaillant, qui doit pouvoir être accompagné lorsqu’il est de bonne foi.
En effet, s’il est nécessaire de rééquilibrer et de sécuriser les rapports locatifs ainsi que d’entendre les problématiques des propriétaires, il faut aussi répondre aux locataires qui rencontrent des difficultés, en les accompagnant le plus en amont possible.
Il est donc primordial de bien distinguer le squatteur, qui entre illégalement dans un domicile, du locataire, qui rencontre des difficultés pour payer son loyer.
Par exemple, grâce à un amendement de M. Patriat – je le remercie et, à travers lui, l’ensemble du groupe RDPI pour nos échanges fructueux –, une gradation est introduite entre la peine encourue pour le squat de domicile et celle prévue pour le squat de locaux économiques.
Comme cela vient d’être rappelé, j’espère que l’examen de la proposition de loi permettra de préciser la notion de locaux économiques, de sorte que, demain, un squatteur soit sanctionné s’il occupe un local exploité, et que toutes les entreprises dont les bureaux sont vacants utilisent le beau dispositif d’occupation temporaire que nous avons pérennisé à l’Assemblée nationale, et que vous avez sécurisé en commission.
En utilisant un dispositif légèrement différent de la version initiale, je suis très heureux, connaissant bien le problème dans ma ville, que le texte maintienne et renforce les sanctions contre les marchands de sommeil, contre ceux qui, indûment, organisent des squats en faisant croire qu’ils sont propriétaires des logements, en toute illégalité et au détriment des plus faibles.
C’est inacceptable, et le Gouvernement est pleinement mobilisé contre ce phénomène. Cela s’inscrit d’ailleurs dans la lutte du Gouvernement contre l’habitat indigne, dont les procédures ont été renforcées et simplifiées par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, adoptée lors de la précédente législature.
Concernant le traitement des locataires en impayés de loyer, je me satisfais vraiment que la commission ait maintenu les pouvoirs d’office du juge pour définir un plan d’apurement de la dette locative et pour vérifier les éléments constitutifs de cette dette. Le Gouvernement avait déjà soutenu à l’Assemblée nationale ce maintien, dans une version un peu plus large, pour tous les locataires de bonne foi.
La navette permettra d’évoquer cette disposition, mais je tiens à rappeler que le Gouvernement soutient cette évolution positive pour les locataires et pour les bailleurs, l’intérêt de ces derniers étant que leur locataire paye rapidement son loyer et rembourse ses dettes, dès après l’audience.
La proposition de loi vise aussi à accélérer les procédures. À propos du délai légal entre le commandement de payer et l’assignation en justice, le Gouvernement salue le travail de la commission des lois faisant passer ce délai d’un mois à six semaines. Toutefois, comme vient de le rappeler M. le garde des sceaux, nous souhaitons maintenir ce délai à deux mois, à la fois pour éviter l’engorgement des tribunaux et pour plus de lisibilité, car les paiements des loyers sont la plupart du temps mensuels.
Enfin, je tiens à souligner le travail de la commission des affaires économiques. Elle a permis d’instituer des dispositions nouvelles afin d’accorder un meilleur accompagnement social aux locataires défaillants, en renforçant les pouvoirs et l’information des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex).
C’est un vrai renforcement qu’apporte désormais le texte : institutionnalisation de la gouvernance des Ccapex, intervention de ces dernières plus en amont, délai de trois mois, au lieu de deux actuellement, pour le diagnostic social et financier, ou encore renforcement des pouvoirs du juge pour maintenir les aides personnelles au logement (APL) ou pour demander le versement des aides directement au bailleur.
En parallèle de ce texte, je veux rappeler dans cet hémicycle que le Gouvernement continue à être pleinement mobilisé pour prévenir les expulsions locatives.
Je souhaite d’ailleurs que la prévention constitue un axe du deuxième plan quinquennal Logement d’abord. Des outils de prévention sont déjà déployés dans le cadre du plan d’actions interministériel de prévention des expulsions locatives, par exemple le déploiement d’équipes mobiles financées par l’État, représentant plus de 70 équivalents temps plein (ETP). Les fonds de solidarité pour le logement (FSL) accompagnent également les locataires, en particulier dans la période actuelle de hausse des charges, au-delà des boucliers tarifaires et de l’accompagnement mis en place par le Gouvernement – je pense notamment au chèque énergie.
C’est aussi pour cela que je crois très important de maintenir tous les efforts faits dans la prévention des expulsions locatives. Il faut laisser le temps au travail social, il faut laisser au juge le pouvoir d’analyser chaque situation, d’être au plus proche des réalités difficiles d’une expulsion, laquelle est toujours un échec.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est toujours une injustice !
M. Olivier Klein, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que vous avez à examiner est globalement équilibré. L’équilibre apaise le marché, évite des cautions toujours plus importantes, des assurances toujours plus chères, des cautions locatives apportées par des garants qui sont discriminantes et inégalitaires. Toutefois, cet équilibre ne doit pas être trouvé en ignorant les situations humaines des locataires, les ruptures, les heurts.
J’ai confiance dans l’esprit de discernement du Sénat pour préserver l’équilibre de ce texte, sur lequel le Gouvernement émettra un avis favorable. (MM. François Patriat et Ludovic Haye applaudissent.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite nous donne l’occasion de revenir sur deux sujets auxquels le Sénat est depuis longtemps attentif : la lutte contre le squat et la sécurisation des rapports locatifs.
Il y a deux ans, à quelques jours près, le Sénat débattait, sur le rapport d’Henri Leroy, de la proposition de loi de notre collègue Dominique Estrosi Sassone tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat. Plusieurs dispositions que le Sénat avait alors adoptées sont reprises dans le texte qui nous est transmis, et c’est tant mieux.
Nous sommes nombreux à regretter, monsieur le garde des sceaux, que le Gouvernement n’ait pas été plus tôt à l’écoute des propositions du Sénat, ce qui nous aurait permis de gagner un temps précieux pour lutter contre le phénomène du squat. Ce dernier affecte régulièrement de petits propriétaires, lesquels – je reprends un exemple que vous avez vous-même mentionné – découvrent en rentrant de vacances que leur résidence principale est occupée.
La première partie du texte qui nous est soumis vise à prévenir et à réprimer plus efficacement le squat. La commission des lois ainsi que la commission des affaires économiques saisie pour avis ont veillé à mieux distinguer la situation du squatteur de celle du locataire défaillant, dont le bail a été résilié, mais qui s’était introduit régulièrement dans les locaux.
Le texte contient d’abord une série de dispositions en matière pénale. Certaines, d’ailleurs, avaient déjà été adoptées par le Sénat en janvier 2021, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques ; je pense, notamment, à l’alourdissement de la peine encourue en cas de squat d’un domicile, ainsi qu’à la création d’une infraction pour punir d’une amende la propagande ou la publicité en faveur de méthodes tendant à inciter ou à faciliter le squat.
Vous savez comme moi que l’on peut trouver sur internet de véritables guides du squat, visant à donner des conseils sur la manière de s’introduire illégalement dans un logement et d’échapper à l’expulsion. Ce type de pratiques serait désormais pénalisé.
Actuellement, vous le savez également, le code pénal sanctionne seulement le squat du domicile, sur le fondement du droit à la protection de la vie privée. Afin de mieux garantir le droit de propriété, qui est aussi un principe fondamental de notre République, le texte résultant des travaux de la commission crée une nouvelle infraction pour sanctionner le squat de locaux qui ne constituent pas un domicile.
Le texte tend également à rendre passibles d’une peine les locataires du parc privé qui se maintiennent sans droit ni titre dans leur logement, alors qu’ils sont sous le coup d’une décision définitive d’expulsion et qu’ils ont épuisé tous les délais accordés par le juge.
Je sais que cette dernière mesure est contestée, mais je pense qu’elle peut envoyer un signal à l’encontre de certains locataires d’une particulière mauvaise foi. Je sais pouvoir faire confiance à la justice pour l’appliquer avec discernement.
Le texte revient ensuite sur la procédure d’évacuation forcée des squatteurs, sous l’égide du préfet, prévue à l’article 38 de la loi Dalo. Cette procédure permet à celui dont le domicile est squatté de saisir le préfet afin que ce dernier mette en demeure, dans un délai de quarante-huit heures, le squatteur de quitter les lieux. Cette procédure dérogatoire, qui ne fait pas intervenir une décision de justice, a été utilisée, nous dit-on, environ 170 fois au cours de l’année écoulée.
Sur ce point, la commission a décidé de réintroduire des dispositions que nous avions adoptées il y a deux ans et qui n’avaient pas été reprises.
L’objectif est d’abord d’élargir le champ d’application de cette procédure à l’hypothèse du squat de logements qui ne constituent pas un domicile, ce qui est cohérent avec les mesures envisagées en matière pénale. Ainsi, un logement qui est squatté alors qu’il est vide entre deux locations pourra être libéré rapidement.
Il s’agit ensuite de permettre à la préfecture de solliciter l’administration fiscale afin d’établir les droits du propriétaire dont le bien est squatté lorsque l’occupation illicite empêche ce dernier d’accéder aux documents lui permettant de prouver que le bien lui appartient.
Enfin, le texte ramène de quarante-huit heures à vingt-quatre heures le délai prévu pour procéder à la mise en demeure.
Dans un autre registre, mes chers collègues, la commission a approuvé le régime dérogatoire de responsabilité civile applicable au propriétaire d’un logement occupé sans droit ni titre en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien, en prévoyant néanmoins une exception pour les marchands de sommeil. Il ne nous paraît pas normal, en effet, qu’un propriétaire qui ne peut plus accéder à son bien soit condamné en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien.
La commission s’est également prononcée en faveur de la pérennisation du dispositif expérimental, créé en 2009, de mise à disposition temporaire de locaux vacants, même si nous regrettons, messieurs les ministres, que l’évaluation que le Gouvernement devait produire n’ait jamais été réalisée.
Les auditions auxquelles Mme Dominique Estrosi Sassone et moi-même avons procédé montrent que ce dispositif joue un rôle utile : quelque 10 000 personnes – ce n’est pas rien ! – en ont bénéficié jusqu’à présent. Les auditions ont également montré que ce dispositif contribue, indirectement, à la lutte contre le squat en favorisant l’utilisation de locaux provisoirement inoccupés.
La seconde partie du texte vise à sécuriser les rapports locatifs en améliorant la procédure contentieuse.
À l’heure actuelle, le contentieux locatif est soumis à une procédure complexe, qui dure parfois des années, dont les objectifs premiers sont, dans l’intérêt du propriétaire comme du locataire, le maintien des rapports locatifs et l’apurement de la dette. L’expulsion reste, à nos yeux, la solution de dernier recours, a fortiori si le locataire en difficulté est de bonne foi.
Il s’agit d’un contentieux de masse, qui entraîne chaque année la délivrance – tenez-vous bien – de 500 000 commandements de payer et de 150 000 assignations en justice, pour 70 000 décisions d’expulsion ferme, dont 16 000 nécessitent le concours de la force publique.
La réforme contribuera, nous l’espérons, à redonner confiance aux propriétaires, qui hésitent parfois à mettre leur bien en location de peur de ne pas pouvoir le récupérer en cas d’impayés de loyers. Ce rétablissement de la confiance est indispensable, alors que des millions de nos concitoyens sont mal logés. Les locataires n’ont pas non plus intérêt à ce que les procédures judiciaires s’éternisent s’ils veulent éviter d’accumuler une dette locative qu’ils ne parviendront certainement plus à rembourser.
Dans un souci de sécurité juridique, il est d’abord proposé de généraliser les clauses résolutoires de plein droit dans les baux locatifs. En cas d’inexécution du contrat, la présence d’une clause résolutoire permettra au propriétaire de saisir rapidement le juge pour qu’il en constate la résiliation.
L’Assemblée nationale avait, par ailleurs, souhaité réduire certains délais. Elle avait subordonné certaines facultés reconnues au juge à une demande expresse du locataire, dans le but affiché de le responsabiliser.
La commission des lois a retouché ces dispositions : beaucoup de locataires connaissent mal leurs droits et ne sont pas familiers de la procédure, comme cela nous a été régulièrement répété au cours de nos auditions. Il nous a donc paru important que le juge puisse, de sa propre initiative, leur accorder un délai avant la résiliation du bail, pour qu’il puisse, d’une part, vérifier les éléments constitutifs de la dette locative, d’autre part, s’assurer de la décence du logement.
Nous avons également décidé de relever d’un mois à six semaines le délai entre le commandement de payer et l’assignation devant le tribunal, car ce délai est mis à profit pour régler à l’amiable les litiges locatifs dans plus des deux tiers des cas. Lors de l’examen d’amendements tendant à aller en sens inverse, j’expliquerai les raisons motivant ce délai de six semaines.
Sur proposition de la commission des affaires économiques, nous avons enfin introduit dans le texte un nouveau chapitre destiné, là encore, à améliorer l’accompagnement social des locataires en difficulté, notamment en renforçant les prérogatives des Ccapex, lesquelles existent dans chaque département. Il est important que ces commissions puissent travailler plus en amont si l’on veut que leurs efforts de prévention des expulsions produisent vraiment leurs effets.