Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous entrons aujourd’hui dans la dernière ligne droite.
Selon Montesquieu, « les desseins qui ont besoin de beaucoup de temps pour être exécutés ne réussissent presque jamais ». Bien au contraire, à dix-huit mois seulement du début des jeux Olympiques et Paralympiques, nous sommes dans d’excellentes dispositions pour faire de ces Jeux une belle réussite !
Au-delà de la boutade, je salue votre engagement, madame la ministre, car vous ne ménagez pas vos efforts pour préparer ce grand événement.
Ce projet de loi procède à de nombreux ajustements visant notamment à accorder notre droit national au contrat conclu avec le CIO pour accueillir les Jeux en France. Nous attendons collectivement cette échéance avec impatience.
Ce texte contient tout d’abord des mesures concrètes et novatrices en matière de lutte contre le dopage. On ne peut que s’en féliciter. Malheureusement, les auteurs de pratiques dopantes ont bien souvent une longueur d’avance sur le législateur.
Ce texte autorise notamment les tests génétiques. La période qui suivra la fin des Jeux permettra de tirer tous les enseignements de cette pratique nouvelle.
Je salue tout particulièrement l’ajout en commission de dispositions visant à rendre obligatoire la vente de billets d’accès infalsifiables pour les épreuves. Il s’agit précisément de l’une des propositions phares du rapport des présidents de la commission de la culture et de la commission des lois dévoilé en juillet 2022.
Les débordements que l’on a déplorés à la marge de la récente manifestation sportive organisée au Stade de France nous ont démontré toute la pertinence de cette mesure. Madame la ministre, cet ajout permettra – nous l’espérons – de sécuriser l’accès aux Jeux et aux zones de billetterie.
Je souhaite également m’attarder sur les jeux Paralympiques. Ces épreuves vont bien au-delà du sport et de la performance individuelle, tant elles véhiculent des valeurs essentielles d’inclusion et de partage. La pratique du handisport ouvre aux autres, donne confiance en soi et permet aussi de retrouver une certaine autonomie.
Nous devons veiller collectivement à donner à ces jeux Paralympiques la plus grande visibilité possible et à célébrer fièrement les quelque 4 400 athlètes qui concourront à partir du 28 août 2024.
Je salue à ce titre l’implication sans failles de la Fédération française handisport, des clubs et des associations sportives.
Les jeux Olympiques représentent aussi un formidable défi sécuritaire. Les grands rassemblements de personnes sont particulièrement menacés par le terrorisme, et nos services de sécurité sont mobilisés pour faire face à cette menace.
Nous nous félicitons que ce projet de loi renforce leur efficacité, notamment avec la généralisation du criblage, qui resserre les mailles du filet et assure une plus grande sécurité à nos concitoyens.
Il existe, en outre, des risques inhérents à ces grands rassemblements de personnes. Les mouvements de foule peuvent se révéler particulièrement dangereux. Pour prévenir ces risques, le projet de loi autorise la mise en œuvre de technologies novatrices, afin de détecter les signes avant-coureurs de telles catastrophes.
Nous saluons aussi la grande implication de la Cnil dans le développement de ces outils, ce qui augmente encore les garanties apportées par ce texte en matière de données à caractère personnel.
Ce texte et les ajustements apportés par le Parlement permettront d’assurer le bon déroulement de cette manifestation sportive d’ampleur. Nous devons tenir jusqu’au sprint final pour offrir une vaste célébration des valeurs du sport à nos concitoyens et aux 4 milliards de personnes qui suivront avec passion les Jeux aux quatre coins du globe.
Je m’en remets désormais à la célèbre devise olympique, qui a déjà été citée, mais partiellement : citius, altius, fortius – communiter, c’est-à-dire : « plus vite, plus haut, plus fort – ensemble ». Espérons qu’elle guide les athlètes de l’équipe de France dans ces derniers mois d’intense préparation physique et mentale. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour étudier un texte dont le but affiché est d’adapter notre arsenal juridique, du code du sport au code de la sécurité intérieure, afin de garantir une organisation fluide et sereine des jeux Olympiques de l’an prochain. Cependant, ce projet de loi va bien au-delà.
Comme l’a souligné mon collègue Thomas Dossus, notre groupe voit en ce texte une tentative sécuritaire à peine voilée, pérenne et dangereuse. Ainsi, onze des dix-neuf mesures présentes dans sa version initiale créent de nouvelles dispositions ou modifient des dispositions existantes de façon durable : pour une loi officiellement dédiée à un événement temporaire, cela peut nous alerter.
Les mesures de sécurité disproportionnées de ce projet de loi cachent de réelles atteintes aux droits des personnes et s’inscrivent bien au-delà du temps des Jeux.
Le déploiement de la vision sécuritaire et le recours massif, presque indifférencié, à la vidéosurveillance, le tout augmenté de mécanismes algorithmiques dangereux et potentiellement mis à disposition d’autres opérateurs ultérieurement, y compris non nationaux, soulèvent de nombreuses questions.
Au-delà de ce point lié à l’ambition d’une surveillance démesurée, plusieurs éléments – dont certains ne sont pas même abordés – du texte nous paraissent problématiques. Malgré la dimension sécuritaire du projet de loi, seul l’aspect technologique de la surveillance de masse semble trouver grâce aux yeux de ce gouvernement, qui ne montre, par exemple, que peu d’ambition en matière de lutte contre les cyberattaques.
Les auditions et les inquiétudes remontées du terrain ont, entre autres, mis en avant les carences liées au recours à des prestataires privés pour les événements olympiques. Les collectivités sont inquiètes et rien dans ce texte ne semble à même de les rassurer.
La vie et les autres activités sportives et culturelles continueront pendant ces Jeux. Pour sécuriser ces divers événements, les organisateurs risquent de souffrir non seulement d’un surcoût malvenu, mais aussi d’une certaine précipitation et de formations insuffisantes.
Se pose aussi la question du report de charge sur de nombreuses polices municipales : les fan zones des villes hôtes autres que Paris seront-elles sécurisées par la police nationale ? Pour les festivals et le monde de la culture, la dépense supplémentaire est particulièrement importante.
L’orientation massive des jeunes vers des formations réduites au minimum en raison des délais pour répondre à un besoin temporaire ne s’inscrit pas dans la durée. Qu’adviendra-t-il une fois les compétitions terminées ? Cette situation est révélatrice d’une vision manifestement très court-termiste de l’héritage en termes d’emploi.
Ces formations retiendront-elles les leçons du fiasco du Stade de France ? Mais je sais, madame la ministre, qu’il est difficile de tirer des leçons d’une situation qui, selon le Gouvernement, a été bien gérée…
Il est bon aussi de rappeler que la Cour des comptes avait, dès 2018, souligné les « manquements déontologiques » liés au Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps).
L’emploi et le droit du travail ne sont clairement pas au cœur de la réflexion qui sous-tend ce projet de loi. Prenons l’exemple de la modification injustifiée des règles d’ouverture dominicale : sous prétexte d’une temporalité courte et de la volonté de bénéficier d’un pic de consommation, le Gouvernement ouvre la porte à de nouvelles dérogations au droit du travail. Le recours au bénévolat est, lui aussi, très problématique, tout autant que le recours au secteur privé ou la concentration des moyens des forces de sécurité nationale, qui posent également la question du respect du droit du travail.
La Cour des comptes estime qu’il faudrait employer 22 000 à 33 000 agents de sécurité privée par jour pour sécuriser l’ensemble des épreuves. Ces chiffres dépassent largement les capacités disponibles dans les entreprises de la région et du pays. La question de la formation et du recrutement de ces agents n’a pas été anticipée.
Le spectre de l’expérience londonienne et de l’explosion des coûts n’est pas si éloigné. Cela nous amène au triste héritage financier et budgétaire que dessine ce texte. Ainsi, le dernier rapport de la Cour des comptes alerte clairement sur un budget qui n’est toujours pas connu et qui, selon elle, n’est pas « précisément établi ».
Les conséquences sont tout aussi inconnues sur les finances publiques locales, particulièrement en cas de perturbation : à ce jour, les villes ne disposent d’aucun chiffre réel ni d’aucune prévision en cas de baisse des recettes de billetterie – pour cause d’épidémie, par exemple.
L’héritage de ces Jeux, au centre des préoccupations affichées du comité d’organisation, n’est pas davantage environnemental, malgré les annonces et les efforts locaux. À Marseille, par exemple, sans le travail de la ville, l’ambition et les actions pour la préservation et la reconstitution de l’écosystème marin en bord de mer n’auraient pas été les mêmes.
Ce texte est à l’image des tentatives de ces dernières années d’ériger la surveillance de masse en clé de sécurité et de justifier les renoncements aux libertés individuelles et collectives par des arguments sécuritaires.
Cette vision, surtout lorsqu’elle tente de s’habiller des habits consensuels du bon déroulement des jeux Olympiques, est une farce, tout comme le titre de ce projet de loi, que nous proposons d’ailleurs de changer.
Nous ne sommes pas dupes et nous proposerons de recentrer le texte sur ce que devrait être son objet, à savoir l’encadrement des Jeux, plutôt qu’une dérive sécuritaire pérenne au détriment des droits des citoyens.
Aussi, faute de modifications significatives, particulièrement sur la temporalité de l’application des mesures qui y figurent, notre groupe votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans quelques mois, la France accueillera, pour la première fois depuis près d’un siècle, les jeux Olympiques et Paralympiques d’été.
Du 24 juillet au 8 septembre prochains, 14 850 athlètes, répartis en 388 délégations et 58 sports, s’affronteront dans le cadre de 878 épreuves.
Plus de 11 millions de spectateurs, venus du monde entier, sont attendus sur les différents sites de la compétition et à leurs abords. Ils seront 4 milliards derrière leur écran. C’est une compétition populaire aux enjeux inédits.
La France doit être au rendez-vous de ces Jeux ; c’est là tout l’objectif de ce texte.
Le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 doit ainsi permettre à notre pays de répondre de la manière la plus adéquate possible aux défis que pose l’organisation d’un tel événement. Il vise ainsi à satisfaire de nombreux besoins en matière de sécurité, de couverture sanitaire, de lutte contre le dopage, de formation aux gestes qui sauvent ou encore de mobilité inclusive.
Ce texte s’inscrit dans le prolongement de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 sur laquelle, tout juste élu sénateur, j’avais eu l’occasion d’intervenir. Il doit être examiné au regard de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, que nous avons adoptée le 14 décembre dernier, et qui prévoit des moyens exceptionnels en matière de sécurité des différents sites.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui parachève ce cadre législatif. Les sources de satisfactions y sont nombreuses.
Ainsi, la mise en œuvre de certaines mesures, à commencer par l’ouverture le dimanche des commerces situés à proximité des sites de compétition, devrait permettre aux acteurs économiques de profiter de retombées considérables et constituer un véritable accélérateur d’investissement.
D’autres contribueront à limiter le financement public. Ce sera notamment le cas, à l’article 14, de l’extension de la dérogation légale aux interdictions de publicité dans l’espace public.
Nous constatons également avec satisfaction que les dispositifs dérogatoires et expérimentaux ont été assortis de nombreuses garanties. Nous nous réjouissons en particulier que la ligne rouge de la reconnaissance faciale n’ait pas été franchie.
Ce projet de loi nous donne par ailleurs l’occasion de mettre notre droit en conformité avec le code mondial antidopage et le droit européen sur la protection des données. Je pense notamment aux tests génétiques aux fins de lutte contre le dopage, à l’article 4, et au cadre légal de la vidéoprotection, à l’article 6.
Autre motif de satisfaction, certaines dispositions contenues dans ce texte ont un caractère permanent. Je pense ainsi à l’introduction de deux nouveaux délits dans le code du sport, ce qui permettra de lutter plus efficacement contre les infractions commises lors de compétitions sportives.
Nous nous félicitons enfin de constater que certaines mesures entreront en vigueur dès le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.
Le laboratoire antidopage français, la SNCF, la RATP et les organisateurs disposeront ainsi du temps nécessaire pour tester et adapter les nouveaux dispositifs que sont les analyses génétiques, les caméras augmentées ou l’application de la procédure de criblage aux fan zones et aux participants aux grands événements.
La commission des lois a adopté une trentaine d’amendements, qui sont de nature à consolider ce texte.
Le renforcement des garanties entourant l’expérimentation des traitements algorithmiques d’analyse automatisée des images de vidéosurveillance est ainsi bienvenu. Il va dans le sens des recommandations formulées par le Conseil d’État et la Cnil.
En ce qui concerne l’encadrement des tests génétiques aux fins de lutte contre le dopage, la rapporteure Canayer propose d’inscrire l’ensemble du dispositif dans le code du sport. Nous n’y voyons pas d’inconvénient : cela permettra une mise en conformité de notre droit avec le code mondial antidopage. Je me réjouis par ailleurs de l’adoption de l’amendement que j’ai défendu visant à prévoir le consentement exprès des personnes contrôlées au moyen d’un scanner corporel.
Citons enfin l’extension et l’adaptation par ordonnance des dispositions de la loi dans les territoires ultramarins et l’application à la Polynésie française, dans le texte de la commission, de certaines mesures d’enquête relatives à la lutte contre le dopage.
Mes chers collègues, ce projet de loi est un texte nécessaire ; nous avons aussi souhaité en faire un texte équilibré. Je vous invite à l’adopter pour faire des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 une réussite française, un succès pour le monde sportif et pour nos athlètes, et la grande fête populaire qu’ils doivent être. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Jérôme Durain. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce jour pour étudier un projet de loi dont le changement d’intitulé en commission traduit bien la nature hybride. Les sénatrices et sénateurs socialistes commencent cet examen avec un objectif en tête : la réussite des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris.
La victoire de Paris dans le processus d’attribution des Jeux de 2024 a effacé le goût amer de la défaite pour l’organisation des Jeux de 2012. Candidature déposée sous la présidence de François Hollande, victoire décrochée sous la présidence d’Emmanuel Macron : cet événement dépasse les clivages. À droite comme à gauche, on a considéré qu’il ne fallait pas politiser les candidatures visant à accueillir les événements sportifs – si vous me permettez de paraphraser Emmanuel Macron…
Nous sommes donc spontanément favorables à ce texte, car nous souhaitons la réussite des jeux Olympiques et Paralympiques. Le groupe socialiste n’a d’ailleurs pas jugé bon de déposer des amendements sur un certain nombre de dispositions, qui ne posent pas problème.
Toutefois, quelques sujets d’inquiétude demeurent. Ainsi, nombre d’articles de ce texte prévoient des mesures destinées à s’inscrire de manière pérenne dans le droit commun ; d’autres visent à mettre en place des expérimentations et d’autres encore concernent bien exclusivement les jeux Olympiques et Paralympiques. Cela nous incite à nous interroger sur l’application de l’article 45 de la Constitution : en pareil cas, il nous semble bien délicat de définir précisément le périmètre du texte. À cet égard, je remercie la commission des lois de nous avoir octroyé une victoire symbolique en rebaptisant ce texte comme portant « diverses autres dispositions ».
Je regrette cependant que ne figurent, parmi ces diverses autres dispositions, ni le montant de la taxe de séjour pendant les jeux Olympiques ni la privatisation du réseau de bus parisien.
La situation catastrophique des transports en commun franciliens peut perdurer jusqu’en 2024. La privatisation va-t-elle empirer les choses ? « Je ne vous ferai pas croire que nous n’y pensons pas », pour reprendre les termes du ministre des transports, Clément Beaune. Hélas, nous ne pourrons nous prononcer sur cette situation dans cet hémicycle, puisque les amendements du groupe socialiste sur ce sujet, qui a pourtant tout à voir avec l’objet de ce projet de loi, ont été déclarés irrecevables.
Ensuite, ce projet de loi, qui ne parle pas que des Jeux, tout en en parlant, mais sans ne parler que de cela, autorise nombre d’expérimentations. Notre premier souci est de faire en sorte que des garanties suffisantes soient apportées pour maîtriser les dérogations dans leur périmètre, dans leur durée et dans leur objet, et qu’elles soient ainsi parfaitement cadrées.
Le Conseil d’État avait proposé au Gouvernement un vade-mecum de l’expérimentation tant il est rare qu’une expérimentation ne soit pas généralisée. Est-ce à dire qu’elles sont toutes extrêmement efficaces et convaincantes ? Il est permis d’en douter…
Le Conseil d’État a donc recommandé au Gouvernement de définir, en amont des expérimentations, des critères de réussite et des objectifs clairs tout en associant le plus largement possible le public concerné. Après avoir lu l’étude d’impact de ce projet de loi, nous doutons de la définition de ces quelques critères. Mme la ministre serait-elle, par exemple, en capacité de me dire ce qui pourrait conclure à la non-généralisation de l’utilisation de la vidéoprotection automatisée ?
Certains défenseurs des libertés publiques craignent que ne se produise, à la faveur des jeux Olympiques et Paralympiques, par crainte du terrorisme, une accélération de cette évolution dont les conséquences affecteront le champ de l’ordre public et l’exercice des libertés ordinaires. Il est bien difficile de leur rétorquer qu’ils se trompent et que les mesures proposées ne sont que temporaires.
À travers les auditions de la commission, nous avons eu la confirmation que beaucoup d’acteurs se projettent déjà dans une pérennisation. Je ne dis pas que cela est incompréhensible, mais ne serait-il pas plus transparent d’indiquer, dès le départ, que la plupart des mesures proposées sont en réalité destinées à durer ?
C’est aussi l’une des raisons qui nous ont poussés à rejeter la reconnaissance faciale. Nous considérons que le sujet n’est pas anodin et qu’il mérite un débat et une expérimentation assortie de garanties élevées d’encadrement pour rendre le dispositif acceptable.
On ne peut introduire dans le droit positif des dispositions aussi lourdes par le biais d’amendements à un texte qui concerne les jeux Olympiques et Paralympiques. L’intelligence artificielle et la reconnaissance faciale sont déjà présentes dans nos vies, la plupart de nos concitoyens en sont conscients. Faut-il donc leur faire croire que ce sont les Jeux de Paris qui rendent l’expérimentation technologique nécessaire ?
Nous devons veiller à ce que le combat contre le terrorisme, bien légitime, ne conduise pas à des restrictions de libertés en matière d’ordre public.
Il convient aussi de ne pas favoriser l’extension des nouveaux standards de sécurité qui s’imposent pour les jeux Olympiques et Paralympiques à toutes les manifestations sur le territoire national.
Enfin, et ce n’est pas anodin, notamment pour nos collectivités territoriales, nous devons tenir compte des coûts pour que les mesures que nous voterons ne pèsent pas trop lourdement sur les finances locales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ces jeux Olympiques auraient pu, auraient dû donner lieu à un élan exceptionnel en faveur d’une politique sportive ambitieuse et populaire.
La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France n’y a malheureusement pas répondu et ce nouveau texte n’apportera rien en la matière. Pis, celui-ci semble servir de soupape au Gouvernement pour prendre un certain nombre de dispositions restreignant les libertés individuelles et collectives et appelées à s’appliquer de façon pérenne.
Ce projet de loi aurait pu être l’occasion d’un débat positif sur la méthode à adopter pour que la prochaine Coupe du monde de rugby ou les jeux Olympiques de Paris constituent un héritage économique et social vertueux pour la population.
Au-delà de la performance de nos athlètes et de la bonne tenue de l’événement en matière de sécurité et de transport, ces Jeux ne seront une réussite que s’ils permettent de casser les barrières sociales, territoriales et liées aux handicaps entre les usagers et la pratique sportive.
Et comment concevoir un héritage économique pour nos collectivités en matière d’équipements alors même qu’elles peinent à soutenir leur vie associative ou à maintenir ouverts leurs équipements existants du fait de la hausse des coûts de l’énergie ?
Que l’on se comprenne bien : je suis résolument pour la tenue de ces jeux Olympiques dans notre pays. La promotion faite au sport d’élite ne me gêne pas et les bonnes performances de nos athlètes nous honoreront.
Ainsi, à défaut d’un héritage social, nous devrons nous satisfaire d’un héritage sécuritaire des Jeux. Loin de nous l’idée de négliger la sécurité de millions de femmes et d’hommes venus assister aux festivités, mais les dérogations apportées au droit commun en matière de droit des justiciables risquent de saper l’élan populaire que doit amener cet événement mondial.
L’un des objectifs de ce texte est de légaliser la vidéosurveillance algorithmique. Or celle-ci a tout autant recours que la reconnaissance faciale à l’analyse biométrique, autrement dit à la détection de corps pour repérer ou identifier une personne.
Étape par étape, la population est préparée à devoir accepter ces nouvelles technologies, sous couvert de leur caractère exceptionnel et limité dans le temps, alors même que ce gouvernement a la fâcheuse tendance d’inscrire de manière pérenne dans le droit commun des dispositions relevant de l’état d’exception.
La Cnil, la Ligue des droits de l’homme ou encore le Conseil d’État se sont aussi fait l’écho de cette préoccupation, exprimée par l’ensemble des membres de mon groupe. Je pense, madame la ministre, que ces réserves méritent que l’on s’y penche de plus près.
Ce texte de loi, en sus de n’apporter aucune garantie supplémentaire de bonne gestion de l’événement pour les supporters dans les stades, s’inscrit dans une ligne du tout sécuritaire qui nous semble contre-productive. Nos amendements tendent à corriger cette orientation, notamment en matière de pointage. En effet, nous estimons nécessaire de proportionner cette mesure au regard du comportement de la personne.
S’agissant de la pyrotechnie, les supporters, partout dans le monde, utilisent des torches et des fumigènes pour animer les tribunes. Bien qu’elle soit interdite, cette pratique perdure. Or la répression a des effets opposés à ceux qui sont attendus, puisqu’elle conduit les supporters à une utilisation encore plus dangereuse.
Par ailleurs, cette gestion sécuritaire s’illustre aussi par le recours de 25 000 à 30 000 agents de sécurité privée dont les prérogatives seront étendues en vue des Jeux. Sachant qu’il faudrait recruter et former 25 000 agents en dix-huit mois, la « probable insuffisance de la sécurité privée », soulignée récemment par la Cour des comptes, est un doux euphémisme.
Dans ce contexte d’un manque criant de ressources humaines dans la filière de sécurité privée, nous serons particulièrement vigilants à ce qu’il n’y ait aucune complaisance à l’égard du travail dissimulé ou du recours aux travailleurs sans-papiers.
Faute d’une préparation sérieuse, nous en sommes amenés à devoir faire appel aux réserves de la police, de la gendarmerie et des armées. Entre les festivals de musique annulés, faute d’agents de sécurité publique et de membres des forces armées assurant le maintien de l’ordre public, je peine à distinguer l’horizon d’une quelconque communion populaire lors de ces Jeux.
S’agissant d’impréparation, je pourrais aussi rappeler les promesses de cet exécutif, qui s’est engagé à répondre de manière décarbonée aux besoins de mobilité induits par les Jeux. Elles auront du mal à être tenues, sachant que seul le prolongement de la ligne 14 du métro sera prêt à temps. Là encore, l’acceptabilité des Jeux devrait en sortir malmenée.
En raison tant des restrictions aux libertés individuelles et collectives qu’il emporte que de ses manques criants en matière de politique sportive et de l’absence de mesures concrètes sur l’héritage des Jeux, nous ne pourrons voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Arnaud de Belenet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, votre projet de loi, qui s’inscrit dans la dernière ligne droite avant les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, ambitionne d’améliorer l’organisation de cet événement et de parfaire la loi de 2018.
Il s’inscrit aussi dans la dernière ligne droite du troisième événement le plus médiatisé au monde, la Coupe du monde de rugby, qui aura lieu à l’automne.
Ce texte présente des adaptations nécessaires en matière d’offre de soins et de formation aux premiers secours, alloue des moyens pour renforcer le dispositif de lutte contre le dopage et prévoit diverses autres mesures, dont la possibilité pour la Solideo de recourir à l’intervention d’établissements publics administratifs (EPA).
Surtout, il renforce la sécurité des Jeux et des grands événements que la France accueille. Le chapitre III, au gré des mesures importantes de sécurité qu’il implique et du traitement des questions, parfois épineuses, qu’il soulève, mérite une attention particulière, comme cela a été souligné dans le rapport d’information que nous avons coécrit avec Marc-Philippe Daubresse et Jérôme Durain en mai 2022, La reconnaissance biométrique dans l’espace public : 30 propositions pour écarter le risque d’une société de surveillance. J’y reviendrai.
Quelques imprécisions ou imperfections ont été relevées dans le texte du projet de loi, notamment le fait que l’installation de systèmes de vidéoprotection n’aurait été réalisable que « dans les moyens de transport et les voies les desservant ». Je me félicite que Mme la rapporteure ait repris en commission notre amendement tendant à éclaircir le sens de ces termes, afin de préciser que l’installation de systèmes de vidéoprotection ne sera concevable que dans les gares et les seuls moyens publics de transport.
Nous aurions toutefois pu éviter de rejeter l’amendement à l’article 6 visant à maintenir le caractère obligatoire de la transmission à la Cnil d’un rapport annuel du Gouvernement sur l’activité des commissions départementales de vidéoprotection. Il est vrai que ces rapports ne sont plus rendus à la Cnil depuis 2013, ce qui emporte assez peu de conséquences pratiques. Toutefois, je suis chagriné de supprimer une obligation légale au seul motif que le Gouvernement s’y soustrait depuis des années. (M. Loïc Hervé opine.)
Je me souviens d’avoir appris et réappris, en première année de droit, que le respect de la Constitution et du droit fondait la démocratie. Même quand cela n’arrange pas, la règle doit être respectée.
Il est possible d’anticiper des nominations, il est possible d’anticiper des limites d’âge, il pourrait même être organisé des tuilages avec des adjoints…