Sommaire
Présidence de M. Alain Richard
Secrétaires :
Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.
Conclusions de la conférence des présidents
incohérence de la mise en œuvre de la politique agricole commune concernant le pastoralisme
Question n° 329 de M. Jean-Jacques Michau. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
préservation de la filière des huiles essentielles à base de lavande
Question n° 103 de Mme Marie-Arlette Carlotti. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
gestion de la compétence en matière d’eau et d’assainissement
Question n° 317 de M. Jean-Jacques Panunzi. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Question n° 309 de M. Jérôme Bascher. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jérôme Bascher.
avenir des communes après le rapport de la cour des comptes du 26 octobre 2022
Question n° 256 de Mme Christine Herzog. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
lutte contre les constructions illégales en zones protégées
Question n° 339 de M. Didier Rambaud. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Question n° 318 de Mme Patricia Schillinger. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
mise en 2x2 voies de la rn2 entre laon et avesnes-sur-helpe
Question n° 365 de M. Antoine Lefèvre. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Antoine Lefèvre.
Question n° 280 de Mme Else Joseph. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Else Joseph.
Question n° 304 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Christian Redon-Sarrazy.
travaux de rénovation de la ligne paris-orléans-limoges-toulouse
Question n° 323 de M. Daniel Chasseing. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
rétablissement de la ligne lille-mulhouse
Question n° 030 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Anne-Catherine Loisier.
Question n° 315 de M. Pierre-Antoine Levi. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Pierre-Antoine Levi.
Question n° 363 de M. Jean-Baptiste Blanc. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
vétusté du réseau d’eau potable dans certaines communes et financement de ces travaux
Question n° 353 de Mme Nathalie Delattre. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
policiers municipaux, sapeurs-pompiers volontaires et dépôt d’arme
Question n° 295 de M. Christian Bilhac. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Christian Bilhac.
état de la flotte aérienne de canadairs
Question n° 167 de Mme Françoise Dumont. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
injustice à l’égard des rapatriés d’algérie pour obtenir le renouvellement de papiers d’identité
Question n° 180 de Mme Valérie Boyer. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Valérie Boyer.
mise en place d’un réel service de contrôle des prix et de la consommation à wallis-et-futuna
Question n° 195 de M. Mikaele Kulimoetoke. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
réseaux d’éducation prioritaire en zones rurales fragiles
Question n° 025 de M. Olivier Rietmann. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Olivier Rietmann.
Question n° 276 de M. Cédric Vial. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Cédric Vial.
carte scolaire 2023-2024 en haute-vienne
Question n° 356 de Mme Isabelle Briquet. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; Mme Isabelle Briquet.
situation des salariés en retraite progressive et arrêts maladie longs
Question n° 239 de M. Michel Savin. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Michel Savin.
calcul des retraites agricoles
Question n° 368 de Mme Monique Lubin. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; Mme Monique Lubin.
recrutement dans la fonction publique territoriale pour des postes à horaires atypiques
Question n° 314 de M. Pierre Médevielle. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Pierre Médevielle.
dysfonctionnements persistants du système de prise de rendez-vous pour les demandes de visas
Question n° 357 de M. Yan Chantrel. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Yan Chantrel.
calcul de la dotation globale de fonctionnement
Question n° 143 de M. Philippe Bonnecarrère. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Philippe Bonnecarrère.
modes de financement du service public d’élimination des déchets
Question n° 207 de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.
conséquences du plan de fermeture du réseau téléphonique en cuivre
Question n° 290 de Mme Laurence Garnier. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; Mme Laurence Garnier.
déploiement de la fibre dans les territoires
Question n° 331 de M. Jean-Raymond Hugonet. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Jean-Raymond Hugonet.
cancer du sein et prothèses capillaires
Question n° 260 de Mme Élisabeth Doineau. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
foyer de cancers pédiatriques en loire-atlantique
Question n° 274 de M. Yannick Vaugrenard. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Yannick Vaugrenard.
Question n° 297 de M. Stéphane Sautarel. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Stéphane Sautarel.
permanence des soins et centres d’appels d’urgence
Question n° 305 de Mme Marie-Pierre Richer. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Marie-Pierre Richer.
Question n° 312 de Mme Laurence Muller-Bronn. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Laurence Muller-Bronn.
Question n° 097 de Mme Jocelyne Guidez. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Jocelyne Guidez.
situation des urgences psychiatriques du centre pierre-janet du havre
Question n° 316 de Mme Céline Brulin. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
accès aux soins hospitaliers dans le jura
Question n° 348 de Mme Sylvie Vermeillet. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Sylvie Vermeillet.
construction par l’état de bâtiments à malakoff
Question n° 367 de M. Pierre Ouzoulias. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Pierre Ouzoulias.
dérive tarifaire sur les bornes de recharge des voitures électriques
Question n° 240 de M. Gilbert Roger. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Gilbert Roger.
surpopulation carcérale et situation au centre pénitentiaire de bordeaux gradignan
Question n° 325 de Mme Laurence Harribey. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Laurence Harribey.
ouverture des aides aux armateurs transmanche exploitant en délégation de service public
Question n° 351 de Mme Agnès Canayer. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Agnès Canayer.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Construction de nouvelles installations nucléaires. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Adoption, par scrutin public solennel n° 110, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
5. Mise au point au sujet d’un vote
6. Opposition à l’examen selon la procédure de législation en commission d’une proposition de loi
7. Candidatures à une commission d’enquête et à une mission d’information
8. Création d’une commission spéciale
9. Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Demande de priorité de plusieurs articles et amendements portant articles additionnels. – Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympique ; Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois. – La priorité est ordonnée.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 52 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 78 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Retrait.
Amendement n° 98 de Mme Florence Lassarade. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 53 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 56 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 58 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 57 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 96 rectifié de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 79 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 80 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 92 rectifié de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Amendement n° 81 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 71 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 95 rectifié de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 94 rectifié de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Amendement n° 93 rectifié de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 20 de M. Jérôme Durain. – Devenu sans objet.
Amendement n° 101 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 4 (précédemment examiné)
Après l’article 4 (précédemment examiné)
Article 5 (précédemment examiné)
Amendement n° 17 rectifié ter de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 18 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 32 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 33 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 35 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 31 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 34 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 68 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° 21 de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 44 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 43 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 60 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° 97 de M. Dominique Théophile. – Adoption.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
10. Mises au point au sujet de votes
11. Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 72 rectifié de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° 23 rectifié de M. Jérôme Durain. – Adoption.
Amendement n° 45 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 24 de M. Jérôme Durain. – Adoption.
Amendement n° 62 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° 25 rectifié de M. Jérôme Durain. – Adoption.
Amendement n° 26 de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 27 de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Adoption, par scrutin public n° 112, de l’article modifié.
Amendement n° 3 de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet.
Amendement n° 90 rectifié de M. Philippe Tabarot. – Retrait.
Article 9 (priorité) – Adoption.
Amendement n° 49 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 65 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 28 de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 50 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 64 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 29 de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Adoption de l’article.
Après l’article 11 (priorité)
Amendement n° 30 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 67 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
Amendement n° 48 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 66 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles 9, 10 et 11 (précédemment examinés)
Après l’article 11 (précédemment examiné)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
M. Clément Beaune, ministre délégué
Amendement n° 59 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Retrait.
Amendement n° 102 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 11 de M. Jean-Jacques Lozach. – Rejet.
Amendement n° 12 de M. Jean-Jacques Lozach. – Rejet.
Amendement n° 13 de M. Yan Chantrel. – Rejet.
Amendement n° 14 de M. Yan Chantrel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 89 de M. Michel Savin. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Renvoi de la suite de la discussion.
12. Mise au point au sujet de votes
13. Communication relative à une commission mixte paritaire
14. Ordre du jour
Nomination de membres d’une commission d’enquête
Nomination de membres d’une mission d’information
compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Richard
vice-président
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du 18 janvier 2023 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie le 18 janvier dernier sont consultables sur le site du Sénat.
En l’absence d’observations, je considère ces conclusions comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 24 janvier 2023
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (procédure accélérée ; texte de la commission n° 237, 2022-2023)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 23 janvier à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 24 janvier à 12 h 30
- Désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française (droit de tirage du groupe CRCE)
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette commission d’enquête : lundi 23 janvier à 15 heures
- Désignation des vingt et un membres de la mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France (droit de tirage du groupe Les Républicains)
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : lundi 23 janvier à 15 heures
- Examen d’une proposition de création d’une commission spéciale en vue de l’examen de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires (texte n° 205, 2022-2023)
- Projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 249, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale avec une saisine pour avis de la commission des affaires sociales et de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 16 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 18 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 23 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 24 janvier matin et mercredi 25 janvier matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 23 janvier à 15 heures
Mercredi 25 janvier 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 25 janvier à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- trois conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure et de son règlement d’application, partie B, par des dispositions concernant le traitement de résidus gazeux de cargaison liquide (vapeurs), issu de la résolution CDNI-2017-I-4, adoptée le 22 juin 2017 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 255, 2022-2023)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à la coopération sur les questions de sûreté maritime et portuaire s’agissant spécifiquement des navires à passagers dans la Manche (texte de la commission n° 257, 2022-2023)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Ouzbékistan relatif aux transports routiers internationaux de voyageurs et de marchandises et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne sur le transport international routier de personnes (texte de la commission n° 253, 2022-2023)
• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : lundi 23 janvier à 15 heures
- Suite du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (procédure accélérée ; texte de la commission, n° 249, 2022-2023)
Éventuellement, jeudi 26 janvier 2023
À 10 h 30 et 14 h 30
- Suite du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 249, 2022-2023)
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 31 janvier 2023
À 14 h 30 et le soir
- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (procédure accélérée ; texte de la commission, n° 249, 2022-2023)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 30 janvier à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 31 janvier à 12 h 30
- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi visant à régulariser le PLUi de la Communauté de communes du Bas Chablais, présentée par M. Cyril Pellevat et Mme Sylviane Noël (texte n° 28, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 30 janvier à 12 heures
• Délai limite de demande de retour à la procédure normale : vendredi 27 janvier à 15 heures
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 30 janvier à 15 heures
- Proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, présentée par MM. Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier (texte n° 586, 2021-2022) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 31 janvier début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 30 janvier à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (texte n° 174, 2022-2023) (demande du groupe RDPI)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 31 janvier début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 30 janvier à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses (texte n° 166, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 31 janvier début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 30 janvier à 15 heures
Mercredi 1er février 2023
À 14 h 30
- Allocution de M. Rouslan Stefantchouk, Président de la Rada d’Ukraine
À 15 h 15
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 1er février à 11 heures
À 16 h 45
- Désignation des vingt et un membres de la mission d’information sur le thème : « Gestion durable de l’eau : l’urgence d’agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement » (droit de tirage du groupe SER)
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : mardi 31 janvier à 15 heures
- Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème : « Le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique » (droit de tirage du groupe RDPI)
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : mardi 31 janvier à 15 heures
- Désignation des trente-sept membres de la commission spéciale sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie (texte n° 206, 2022-2023)
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette commission spéciale : mardi 31 janvier à 15 heures
- Sous réserve de la décision de création d’une commission spéciale, désignation des trente-sept membres de la commission spéciale sur la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires (texte n° 205, 2022-2023)
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette commission spéciale : mardi 31 janvier à 15 heures
De 16 h 45 à 20 h 45
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
- Proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, présenté par M. Bernard Jomier et plusieurs de ses collègues (texte n° 105, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 1er février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 31 janvier à 15 heures
- Proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse (texte n° 143, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 1er février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 31 janvier à 15 heures
Le soir
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses (texte n° 166, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)
Jeudi 2 février 2023
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au GEST)
- Proposition de loi visant à renforcer l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement, présentée par M. Ronan Dantec et plusieurs de ses collègues (texte n° 217, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 1er février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 1er février à 15 heures
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale (texte n° 356, 2021-2022)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 1er février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 1er février à 15 heures
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 7 février 2023
À 14 h 30
- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, exprimant le soutien du Sénat à l’Ukraine, condamnant la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l’aide fournie à l’Ukraine, présentée par M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues (texte n° 201 rectifié, 2022-2023) (demande du président du Sénat)
• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 février à 15 heures
• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.
- Débat sur le thème « Automobile : tout électrique en 2035, est-ce réalisable ? » (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 6 février à 15 heures
- Débat sur les conclusions du rapport : « Commerce extérieur : L’urgence d’une stratégie publique pour nos entreprises » (demande de la délégation aux entreprises)
• Temps attribué à la délégation aux entreprises : 8 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute
• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Conclusion par la délégation aux entreprises : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 6 février à 15 heures
Le soir
- Débat sur les conclusions du rapport « Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme France » (demande de la commission des affaires économiques)
• Temps attribué à la commission des affaires économiques : 8 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute
• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Conclusion par la commission des affaires économiques: 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 6 février à 15 heures
Mercredi 8 février 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 8 février à 11 heures
À 16 h 30
- Débat d’actualité
• Délai limite de transmission par les groupes des propositions de thème et de format : mardi 31 janvier à 15 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 7 février à 15 heures
- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative à la reconnaissance du génocide des Assyro-Chaldéens de 1915-1918, présentée par Mme Valérie Boyer et M. Bruno Retailleau (texte n° 227, 2022-2023)
• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 7 février à 15 heures
• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.
Le soir
- Proposition de résolution européenne, en application de l’article 73 quinquies du règlement, sur l’avenir de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), présentée par MM. Jean-François Rapin et François-Noël Buffet (texte de la commission n° 210, 2022-2023) (demande du groupe SER et du GEST)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 1er février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 6 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 8 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 7 février à 15 heures
Jeudi 9 février 2023
À 10 h 30
- Questions orales
À 14 h 30
- Débat sur le thème « L’État territorial, entre mirage et réalité » (demande de la délégation aux collectivités territoriales)
• Temps attribué à la délégation aux collectivités territoriales : 8 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute
• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Conclusion par la délégation aux collectivités territoriales : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 8 février à 15 heures
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 14 février 2023
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à améliorer l’encadrement des centres de santé (texte n° 162, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 8 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 février à 13 h 30
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 février à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (procédure accélérée ; texte A.N. n° 680)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 8 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 février à 13 h 30
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 février à 15 heures
Mercredi 15 février 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 15 février à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Éventuellement, sous réserve de sa transmission, suite de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (procédure accélérée ; texte A.N. n° 680)
- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi visant à sécuriser l’approvisionnement des Français en produits de grande consommation (procédure accélérée ; A.N. n° 684)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 8 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 15 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 février à 15 heures
Jeudi 16 février 2023
À 10 h 30
- deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et la Cour pénale internationale sur l’exécution des peines prononcées par la Cour (procédure accélérée ; texte n° 196, 2022-2023)
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à l’exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles (texte n° 143, 2021-2022)
• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mardi 14 février à 15 heures
- Éventuellement, sous réserve de sa transmission, suite de la proposition de loi visant à sécuriser l’approvisionnement des Français en produits de grande consommation (procédure accélérée ; texte A.N. n° 684)
- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales (texte n° 244, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 8 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 13 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 15 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 15 février à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, explications de vote puis vote sur la proposition de loi visant à ouvrir le tiers financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique (procédure accélérée ; texte A.N. n° 682)
Ce texte sera envoyé à la commission des lois. Il sera examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 6 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 8 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du Règlement : lundi 13 février à 12 heures
• Délai limite de demande de retour à la procédure normale : vendredi 10 février à 17 heures
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 15 février à 15 heures
Suspension des travaux en séance plénière :
du lundi 20 au dimanche 26 février 2023
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :
mercredi 8 février 2023 à 18 heures 30
La Conférence des Présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du Règlement, de la demande de création de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française (droit de tirage du groupe communiste républicain citoyen et écologiste).
La conférence des présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande de création de missions d’information :
- sur l’avenir de la commune et du maire en France (droit de tirage du groupe Les Républicains) ;
- sur le thème : « Gestion durable de l’eau : l’urgence d’agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement » (droit de tirage du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain) ;
- sur le thème : « Le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique » (droit de tirage du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants).
3
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
incohérence de la mise en œuvre de la politique agricole commune concernant le pastoralisme
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, auteur de la question n° 329, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Jean-Jacques Michau. Monsieur le ministre, permettez-moi d’appeler votre attention sur les orientations du plan stratégique national de la politique agricole commune (PAC) concernant le pastoralisme.
L’importance du pastoralisme de montagne n’est plus à démontrer. Celui-ci contribue de manière essentielle, par son activité, à l’entretien des sols, à la protection des paysages, à la gestion et au développement de la biodiversité, ainsi qu’à l’emploi dans des zones très isolées.
Dans le cadre de la future PAC, de nombreuses organisations, notamment des chambres d’agriculture, s’inquiètent des évolutions à venir. Les précisions qui ont été données à leur sujet ont suscité l’incompréhension.
L’exploitation collective des surfaces d’altitude, dites « d’estive », est en effet une particularité de l’agriculture de montagne. Elle fait intervenir, d’une part, les éleveurs transhumants et, d’autre part, les gestionnaires d’estive.
Le premier pilier de la PAC est destiné à soutenir les revenus des agriculteurs qui produisent de manière vertueuse. Les surfaces d’estive doivent donc être ventilées entre les différents transhumants pour l’activation et le paiement des surfaces des aides surfaciques.
Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir entendu la demande du monde pastoral concernant la répartition du versement de l’écorégime. Reste que le plafonnement des surfaces ligneuses via un critère de chargement plancher qui serait fixé à 0,2 unité de gros bétail (UGB) par hectare est inadapté aux territoires pastoraux.
Appliqué aux estives collectives, ce critère affecterait fortement le pastoralisme. Dans les seules Pyrénées, plus de 26 000 hectares seraient écrêtés, soit une perte d’aides de 7,3 millions d’euros par an.
Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il limiter l’application de ce critère de seuil aux seules surfaces fourragères ligneuses des estives, ôtant du calcul toutes les surfaces fourragères herbeuses, afin de continuer à protéger l’espace pastoral ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Michau, vous m’interrogez sur le sujet important – parfois méconnu, d’ailleurs – des surfaces pastorales dans le cadre de la PAC, en évoquant notamment la déclinaison du plan stratégique national (PSN).
Plusieurs avancées ont eu lieu, en premier lieu sur les critères d’admissibilité de ces surfaces. Alors que le postulat de départ était différent et que plusieurs voix s’élevaient pour faire évoluer ces critères, nous avons finalement maintenu le système inchangé, par souci de justice, dans la version transmise à la Commission européenne.
À cet égard, je partage totalement votre avis sur le caractère multifonctionnel du travail pastoral. Ce dernier est d’ailleurs au centre d’autres enjeux, que vous connaissez aussi bien que moi et dont nous avons déjà parlé.
Par ailleurs, nous avons fait en sorte que l’écorégime puisse s’appliquer sur les surfaces « pastorées », si j’ose dire, par l’exploitant. Il nous paraissait en effet logique de considérer l’ensemble des surfaces.
Reste la question du chargement. En réponse aux griefs de la Commission européenne sur l’actuelle programmation et sur les difficultés rencontrées lors des vérifications portant sur la réalité du pastoralisme, une évolution des critères et des modalités d’évaluation de l’admissibilité a été demandée.
Le taux de chargement proposé de 0,2 UGB par hectare caractérise un type d’élevage extensif et permet aussi d’assurer un entretien minimal de ces surfaces.
Ce critère de taux concernera uniquement les prairies composées majoritairement de ligneux, arbres, arbustes ou buissons dans 38 départements du sud de la France, ainsi que les surfaces en chênaies et châtaigneraies dans la zone Causses-Cévennes et en Corse. Il s’appliquera aux exploitations déclarant ce type de surfaces, qu’il s’agisse d’exploitations individuelles ou de gestionnaires d’estives.
Il me semble que nous avons trouvé là un bon équilibre : les surfaces éligibles restent les mêmes et les surfaces collectives exploitées en pastoralisme sont intégrées dans le mécanisme.
Nous avons besoin d’un chargement qui crédibilise notre démarche vis-à-vis de la Commission européenne.
préservation de la filière des huiles essentielles à base de lavande
M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 103, transmise à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Ma question s’adressait initialement à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, mais je ne suis pas mécontente que la réponse me soit aujourd’hui donnée par M. le ministre de l’agriculture.
En effet, la filière de la lavande a véritablement besoin du soutien de tous les ministres, particulièrement en Provence, où la concurrence est extrêmement forte, dans un contexte de changement climatique. (M. le ministre de l’agriculture acquiesce.)
Pour l’heure, monsieur le ministre, je réaffirme devant vous, comme l’a fait le Sénat en adoptant à l’unanimité une résolution européenne le 5 juillet 2022, que les huiles essentielles à base de lavande sont des produits agricoles qu’il convient de préserver.
Depuis 2006, la filière de production française s’est adaptée, pour se conformer au règlement européen Reach (Registration, Evaluation, Authorization and restriction of Chemicals, soit Enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques). Or la Commission européenne a engagé un processus de révision de ce règlement, qui considérerait, si les premières pistes sont confirmées, les huiles essentielles comme des produits chimiques dangereux.
La révision du règlement Reach imposerait à l’ensemble de la filière des normes tellement strictes que celle-ci ne pourrait s’y conformer. Elle mettrait en péril de nombreuses productions artisanales, qui font pourtant la renommée de la Provence et, au-delà, participent du rayonnement de la France.
Ma question date de plus de six mois. Elle a été rédigée au moment où toute la filière se mobilisait contre le règlement Reach.
Monsieur le ministre, votre réponse est la bienvenue. Elle nous permettra de faire le point sur la situation qui, de mon point de vue, n’évolue pas suffisamment.
Où en sont les discussions relatives au règlement Reach ? Quelles initiatives le Gouvernement a-t-il prises en la matière et pour quels résultats ? Au-delà du règlement Reach, considérez-vous la lavande comme un produit agricole qu’il convient absolument de préserver ?
En tant que ministre de l’agriculture, vous engagez-vous à soutenir une économie qui pourrait s’effondrer si la classification des huiles essentielles de lavande en substance chimique dangereuse était confirmée ?
Cette classification donnerait un coup d’arrêt sans précédent à une activité agricole et artisanale qui, en Provence, est séculaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Carlotti, je vous remercie de votre question, qui témoigne d’abord de votre passion tout à fait légitime pour la filière lavande.
Bien que je sois plutôt du Nord, le sujet est important, je le reconnais. (Sourires.) En outre, il demeure d’actualité même si votre question a été rédigée voilà six mois.
La filière lavande non seulement revêt une importance économique – elle constitue l’activité de nombreux agriculteurs –, mais porte une part de symbolique et d’identité du territoire. Je salue donc votre implication, madame la sénatrice, tout comme celle que le Sénat a démontrée au travers de la résolution que vous avez évoquée.
Permettez-moi d’apporter quelques précisions sur les pistes de travail.
Je connais l’inquiétude que suscite la question de la classification des huiles essentielles. En ce qui concerne le règlement Reach, nous avons fait valoir nos positions. Selon nos dernières informations, la Commission a décidé de reporter ses travaux à la fin de l’année 2023, ce qui nous donne le temps d’étayer notre réponse.
Nous partageons votre disposition d’esprit : il convient de traiter la spécificité de la filière lavande en dehors du règlement Reach, en tout cas dans sa forme actuelle.
J’appelle par ailleurs votre attention sur le règlement dit « CLP », c’est-à-dire relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances chimiques et des mélanges, sur lequel nous avons transmis, le 18 janvier dernier – soit dans les délais prévus –, une proposition aux États membres.
Nous continuons d’analyser les travaux en cours, mais la rédaction actuelle ouvre la voie au dialogue sur d’éventuelles dispositions spécifiques à la lavande, me semble-t-il.
Enfin, la filière lavande souffre, comme vous l’avez rappelé, de problèmes sanitaires et d’accès à l’eau liés au dérèglement climatique. Cela crée une concurrence nouvelle, y compris dans un territoire comme le mien, où l’on voit apparaître des paysages qui ne sont pas tout à fait ceux que nous connaissions, mais qui ressemblent plutôt à ceux que vous connaissez.
Nous travaillons actuellement avec la filière pour que je puisse formuler des propositions visant à la fois à résoudre les problèmes phytosanitaires et à renforcer le volet économique.
Au-delà des règlements européens, je vous rejoins, madame la sénatrice, sur le nécessaire accompagnement de la filière. Nous y travaillons depuis plusieurs mois déjà.
gestion de la compétence en matière d’eau et d’assainissement
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, auteur de la question n° 317, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Jean-Jacques Panunzi. Madame la ministre, l’obligation de transfert aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la compétence eau et assainissement a été introduite par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Elle s’applique aux communautés d’agglomération au 1er janvier 2020 et aux communautés de communes au plus tard au 1er janvier 2026.
Or, quatre ans plus tard, l’article 14 de la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019 a assoupli cette contrainte, en autorisant les communautés de communes et les communautés d’agglomération à déléguer tout ou partie des compétences liées à l’eau, l’assainissement des eaux usées ou la gestion des eaux pluviales aux communes ou aux syndicats infracommunautaires existants au 1er janvier 2019.
Si la loi dite 3DS du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale maintient l’échéance du 1er janvier 2026 pour le transfert, elle impose que les communautés de communes et les communes qui les composent organisent un débat sur la tarification des services publics de l’eau et de l’assainissement, ainsi que sur les investissements liés aux compétences transférées.
Madame la ministre, les élus locaux ne veulent pas, à juste titre, que la compétence eau et assainissement soit gérée à l’échelle intercommunale.
Les conseils municipaux souhaitent conserver ce levier, qui a aussi une dimension sociale. Le coût varie en fonction du mode de gestion : régie, concession, délégation de service public (DSP), etc. Il dépend également des investissements effectués par les collectivités locales en matière de qualité du service apporté à la clientèle, ainsi que des contraintes géographiques.
Il faut tenir compte du fait que, dans les zones rurales, les coûts d’entretien par habitant des réseaux de distribution et de collecte ne sont pas les mêmes que dans les agglomérations.
Comment une intercommunalité peut-elle gérer de façon efficiente ce type de difficultés ? Ne pas comprendre cette situation reviendrait à être hors-sol.
C’est dans cet esprit pragmatique que, sur l’initiative de Bruno Retailleau, un texte d’équilibre a été voté au Sénat le 23 février 2017. Il ne supprime pas le transfert, mais le rend facultatif, selon le principe de compétence optionnelle. Ce texte a, depuis lors, été transmis à trois reprises à l’Assemblée nationale : le 24 février 2017, le 6 juillet 2017 et, plus récemment, le 11 juillet 2022.
Madame la ministre, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur cette proposition de loi et savoir si vous soutiendrez ce texte lors de son examen à l’Assemblée nationale, afin de permettre aux communes de conserver leurs prérogatives dans les domaines de l’eau et de l’assainissement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Panunzi, le Gouvernement est pleinement engagé dans la poursuite du transfert des compétences eau et assainissement.
Comme l’a indiqué le 29 septembre dernier le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires lors du lancement du premier chantier de la planification écologique consacré à la gestion de l’eau, ce transfert à l’échelon intercommunal répond en effet aux enjeux actuels et futurs liés au changement climatique.
Aujourd’hui, en France, près de 11 000 services gèrent l’eau potable et plus de 12 000 l’assainissement collectif. Cet émiettement est un facteur d’inefficacité et de dilution de l’ingénierie, qui fait obstacle à la bonne connaissance du réseau, à son rendement et à sa bonne gestion.
Le passage à l’échelon intercommunal permettra de disposer de services ayant la taille critique pour assurer une bonne maîtrise et la performance des services d’eau et d’assainissement.
Il permettra d’assurer un service durable, à un coût maîtrisé pour les usagers, par la création d’économies d’échelle issues d’une mutualisation efficace des moyens techniques et financiers.
Cette mesure de transfert n’est d’ailleurs pas nouvelle. Elle a déjà fait l’objet de nombreux ajustements, afin, d’une part, d’adapter les textes aux réalités concrètes du terrain et, d’autre part, de favoriser la concertation entre les différents échelons de collectivités.
Permettez-moi de vous communiquer trois éléments importants.
Premièrement, devant les difficultés d’application rencontrées sur le terrain et mises en évidence par les responsables locaux, la date du transfert obligatoire a été reportée, pour les communautés de communes, du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2026.
Deuxièmement, la loi Engagement et proximité a ouvert aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération la possibilité de déléguer, par convention, tout ou partie de ces compétences à l’une de leurs communes membres.
Troisièmement, et enfin, la loi 3DS autorise les EPCI à mobiliser plus facilement leur budget principal, pour financer les compétences eau et assainissement, et prévoit l’organisation, dans l’année qui précède le transfert obligatoire, d’un débat préparatoire avec les communes membres.
C’est pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas revenir en arrière sur les transferts des compétences eau et assainissement.
À l’occasion des travaux de planification écologique, le Comité national de l’eau a d’ailleurs exprimé la nécessité d’une stabilité de la législation à ce sujet, les reports successifs ayant entraîné de la part des collectivités récalcitrantes une posture d’attentisme, qui est préjudiciable à la bonne gestion de l’eau.
conditions du transfert de voies non concédées du réseau routier national aux régions, départements et métropoles
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, auteur de la question n° 309, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Jérôme Bascher. Madame la ministre, ma question porte sur les transferts des routes nationales, notamment aux départements.
Dans les Hauts-de-France, le préfet de région a demandé par écrit aux départements de se prononcer avant la fin de l’année sur l’intérêt de prendre la compétence des routes.
Le problème est que la question se résumait ainsi : « Voulez-vous, oui ou non, prendre la compétence ? » Elle n’était accompagnée d’aucun élément chiffré. Or quand on passe un contrat, on aime en connaître les conditions…
Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ? Pourquoi, d’ailleurs, cela n’a-t-il pas été fait jusqu’à présent ? Le temps n’a en effet pas manqué…
Par ailleurs, la loi 3DS comporte une dimension de différenciation. Le département de l’Oise est le seul des départements de l’Île-de-France à s’être prononcé favorablement, a priori et sous conditions, pour prendre la compétence des routes nationales. Pourra-t-il réellement le faire ?
Ce département gère actuellement 4 080 kilomètres de routes départementales. Sur 151 kilomètres de routes nationales, il est prêt à reprendre environ 120 kilomètres, mais il aimerait disposer des éléments techniques nécessaires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Bascher, l’article 38 de la loi 3DS du 21 février 2022 permet à une collectivité de décider des parties de réseau sur lesquelles elle souhaite se porter candidate, notamment au regard de la complexité technique de gestion de ces ouvrages.
Selon les règles bien établies pour les transferts, le droit à compensation des collectivités territoriales bénéficiaires du transfert sera calculé à partir d’une moyenne des dépenses constatées sur une période de cinq ans précédant le transfert, pour les dépenses d’investissement, et sur une période de trois ans, pour les dépenses de fonctionnement.
Le décret qui doit fixer ces périodes de référence en application de l’article 150 de la loi 3DS est en cours de signature. Le 16 novembre 2022, il a été soumis pour avis à la commission consultative sur l’évaluation des charges (CCEC), composée à parité d’élus et de représentants de l’État, et a fait l’objet d’un avis favorable à l’unanimité.
Concernant la méthode de calcul du droit à compensation, un certain nombre d’informations ont déjà été communiquées, via les préfets, aux collectivités territoriales dès le mois de juillet 2022, par une instruction du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Ainsi, les préfectures ont été en mesure de donner les éléments financiers permettant d’estimer le droit à compensation des collectivités territoriales intéressées par le transfert de compétence.
Enfin, la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) prépare actuellement, en lien avec la direction générale des collectivités locales, un projet de décret fixant les modalités précises du calcul du droit à compensation, sans s’écarter des principes fixés dans la loi.
Les assiettes de dépenses relatives aux différents postes de prestations seront ventilées selon les unités d’œuvre correspondantes. Ainsi, les dépenses de chaussées seront ventilées au prorata des surfaces de chaussées, les dépenses d’ouvrages d’art au prorata des surfaces d’ouvrages d’art, etc.
Une décomposition du réseau routier en trois grandes catégories – routes bidirectionnelles, routes à chaussées séparées, routes à chaussées séparées à fort trafic – et la prise en compte des particularités des routes à hiver rigoureux, ainsi que des itinéraires de montagne, permettront de déterminer un droit à compensation au plus près des besoins réels de l’infrastructure, sans empêcher la mise en œuvre de règles homogènes au niveau national.
Avant sa publication, ce projet de décret devra faire l’objet d’une nouvelle consultation de la CCEC, qui devrait intervenir au cours du premier trimestre de 2023.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.
M. Jérôme Bascher. J’y insiste : le département de l’Oise est aujourd’hui le seul à être preneur de la compétence.
L’État doit pouvoir accorder le transfert aux départements qui le souhaitent, et pas seulement, d’un seul bloc, aux régions. Cela ne doit pas être tout ou rien ! Au demeurant, un tel principe est inscrit dans la loi de différenciation.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Absolument !
avenir des communes après le rapport de la cour des comptes du 26 octobre 2022
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 256, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Christine Herzog. Madame la ministre, à l’occasion de la présentation du rapport de la Cour des comptes du 26 octobre 2022, son président, Pierre Moscovici, a déclaré : « Il ressort d’une façon générale et unanime que le sort de l’avenir des communes semble décidé. La dotation globale de fonctionnement, la célèbre DGF, va devoir aller vers les intercommunalités en sa totalité. On se dirige donc vers une collectivité territoriale à part entière et à fiscalité propre. »
Le rapport de la Cour des comptes ne tarit pas d’éloges sur le bien-fondé de l’intercommunalité et sur ses bénéfices pour la solidarité territoriale, grâce à ses outils de créativité et d’inventivité. Ce serait un véritable couteau suisse, madame la ministre !
Aujourd’hui, les maires sont des assistantes sociales. Ils connaissent des malheurs en tous genres : arrêt des contrats aidés et du reversement de la taxe d’habitation ; suppression en deux ans de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ; fin de la récupération de la TVA sur les aménagements consécutive à l’automatisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ; tarifs de l’énergie incontrôlables ; fermeture d’écoles et de services ; factures de transfert d’enfants résidents vers d’autres communes à plus de 2 400 euros par enfant ; chats et chiens errants ; incivilités, etc.
Pour y faire face, les maires disposent de compétences et de moyens en diminution constante. Ils en sont réduits à rechercher l’implantation de parcs éoliens ou photovoltaïques pour collecter les maigres 20 % de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer), alors qu’ils en subissent toutes les nuisances.
La France compte 34 950 communes et 1 250 EPCI. Ma question est simple, madame la ministre : que prévoyez-vous, rapidement et à terme, pour le devenir des maires et des communes françaises ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Herzog, vous m’interrogez sur l’une des propositions formulées dans le rapport de la Cour des comptes, réalisé à la demande du Sénat, tendant à verser la DGF aux seuls EPCI en leur laissant ensuite la possibilité de procéder à une répartition de droit commun ou dérogatoire entre l’EPCI et ses communes.
Plus globalement, vous vous interrogez sur la place et le rôle des communes et des EPCI dans notre organisation institutionnelle et territoriale.
Sur le premier point, je rappellerai simplement les propos qu’a tenus Christophe Béchu au Sénat lors de son audition devant la commission des lois le 9 novembre 2022 : « J’ai lu le rapport de la Cour des comptes, et je dois vous dire mon hostilité totale à l’idée que l’on pourrait transférer la DGF aux intercommunalités. […] Remonter toute la DGF à l’intercommunalité, ce serait créer un dispositif qui créerait un remède pire que le mal. J’y suis donc totalement opposé. » Je vous le confirme : c’est aussi mon cas.
Cette position s’est également traduite, madame la sénatrice, dans la loi de finances pour 2023 récemment adoptée, qui a abondé la DGF des communes de 320 millions d’euros, dont 200 millions d’euros pour les communes les plus rurales et les plus fragiles.
Je rappelle également que, depuis 2017, l’engagement du président de la République de maintenir la DGF du bloc communal a été tenu, après cinq années de forte baisse.
Par ailleurs, le Gouvernement a mis en place, au moment de la crise de la covid-19, puis de la poussée inflationniste, différents filets de sécurité et dispositifs de soutien, largement discutés et amendés par les parlementaires, afin d’aider les collectivités, notamment celles dont les ressources sont les plus contraintes, à traverser cette période si complexe.
Nous ne mettons absolument pas en opposition frontale les communes et les EPCI. Au contraire, nous avons fait le choix de les accompagner en un même mouvement.
Au-delà de cas particuliers problématiques, l’intercommunalité a fait ses preuves à maintes reprises. Vecteur de solidarité financière et territoriale important, elle favorise le développement et le dynamisme des communes.
L’intercommunalité est un formidable instrument lorsque les élus communaux qui en assurent la gouvernance recherchent le consensus et s’accordent pour mettre en place les outils de solidarité territoriale qui, en vertu du principe de libre administration, sont à leur entière disposition.
lutte contre les constructions illégales en zones protégées
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 339, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Didier Rambaud. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les constructions illégales en zones protégées, qu’elles soient naturelles, agricoles ou soumises aux risques naturels.
Nombre de communes sont confrontées sur ces zones à des installations sauvages, souvent réalisées au vu et au su des autorités. Les auteurs des infractions se savent, la plupart du temps, à l’abri des poursuites et des sanctions du fait des contraintes légales et budgétaires qui pèsent sur les collectivités pour faire constater et cesser ces infractions.
La loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a mis en place un nouveau mécanisme administratif de traitement des infractions aux règles d’urbanisme qui complète fort utilement les poursuites pénales. Je tiens à le souligner.
Toutefois, ce mécanisme se heurte, dans la réalité, à de multiples obstacles de mise en œuvre, qui vont de la difficulté de faire constater l’infraction face à l’hostilité des occupants illégaux jusqu’à l’impossibilité de faire recouvrer le montant des astreintes, ces mêmes occupants ayant bien souvent organisé leur insolvabilité.
Certaines communes pensaient avoir trouvé la parade en préemptant, quand c’était financièrement faisable, des terrains sensibles lorsqu’une vente était annoncée. Mais désormais, ces terrains sont loués avec un bail emphytéotique, qui n’est pas soumis à la publicité foncière. La transaction passe ainsi sous les radars.
À l’heure du « zéro artificialisation nette » (ZAN), la colère des élus locaux face à ces installations sauvages est compréhensible. Ils demandent que des moyens renforcés soient attribués à la justice et à la police de l’environnement, pour que ces dossiers soient traités rapidement, notamment dans les cas de mise en danger des personnes et de destruction de zones naturelles et agricoles.
Les délais de procédure sont tels aujourd’hui qu’un dossier pour déboisement illégal, par exemple, ne sera toujours pas jugé quand le terrain sera totalement remblayé, viabilisé, construit et habité. Les dommages sont souvent irréversibles, et une fois un terrain habité, il sera pratiquement impossible de déloger un foyer installé.
Aussi, madame la ministre, comment entendez-vous venir en appui des collectivités, pour que ce problème majeur soit traité efficacement et pour que la loi soit respectée dans sa plénitude ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Rambaud, les constructions illégales sont effectivement un phénomène préoccupant, que différents outils – vous les avez relevés – permettent néanmoins de traiter.
À ceux que vous citez, il faut encore ajouter les documents d’urbanisme, qui constituent un préalable efficace pour limiter les constructions illégales. En effet, en déterminant les secteurs dans lesquels les constructions sont interdites, ils permettent de mieux identifier les constructions illégales et en facilitent, in fine, la verbalisation.
La surveillance foncière des secteurs, notamment les plus sensibles d’entre eux, qui sont propices à des implantations discrètes et illégales, peut s’opérer dans le cadre des déclarations d’intention d’aliéner (DIA), qui sont transmises aux communes en cas de vente de terrains et qui permettent de repérer les transactions atypiques pouvant donner lieu à des implantations illégales.
Toutefois, comme vous l’avez relevé, la tâche est rendue plus difficile lorsqu’il y a non pas une cession préalable à l’implantation illégale, mais un simple bail emphytéotique.
Dans ce cas, une partie de la solution pourra résider dans la limitation de l’accès, dans ces espaces sensibles rarement urbanisés, aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone, le raccordement étant interdit pour les constructions illégales. Les infractions relevées pourront ensuite être traitées dans le cadre des procédures pénales, un outil qui ne doit pas être négligé.
Certes, leur efficacité dépend de l’intervention effective de l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale, mais des protocoles de travail existent entre les services déconcentrés de l’État et les parquets, afin d’accompagner techniquement les maires.
La loi du 27 décembre 2019 que vous mentionnez a instauré un mécanisme administratif rapide, qui est à la main des élus locaux et qui est parallèle aux poursuites pénales. Il permet la mise en demeure de régulariser, sous astreinte, les constructions, travaux et installations réalisés illégalement, y compris en cas de démolition nécessaire.
Certes, comme vous l’indiquez, l’astreinte perd de son efficacité en cas d’insolvabilité de l’intéressé. Toutefois, elle peut viser non seulement le propriétaire, mais également toutes les autres personnes mentionnées par le procès-verbal d’infraction, comme les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou encore toute personne responsable de l’exécution desdits travaux. Le nombre élevé des personnes pouvant être visées par cette astreinte participe grandement à l’efficacité de l’outil.
Il faut enfin rappeler que les services locaux de l’État peuvent assister les communes dans la lutte contre ces infractions, de manière directe ou au travers des divers guides élaborés à cette fin.
En résumé, si le problème que pose la lutte contre les constructions illégales est prégnant, des solutions qui n’ont cessé d’être améliorées au fil du temps existent, et elles fonctionnent.
moyens d’action des collectivités face au phénomène de désertification médicale et versement d’indemnités d’hébergement et de transport
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 318, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Patricia Schillinger. Difficultés pour trouver un médecin traitant, retards de prise en charge, renoncements à des soins, allongements des délais d’attente : voilà ce qu’observent chaque jour les collectivités locales dont le territoire est frappé par la désertification médicale. Elles sont en première ligne face aux problèmes que rencontrent leurs habitants dans l’accès aux soins.
En dépit des moyens limités dont elles disposent en matière de santé, elles sont nombreuses à prendre des initiatives, afin de répondre à ces difficultés. C’est ce que j’ai pu observer, avec mon collègue Philippe Mouiller, à l’occasion de la rédaction de notre rapport d’information Les Collectivités à l’épreuve des déserts médicaux : l’innovation territoriale en action.
Certains territoires proactifs mènent ainsi des politiques incitatives, afin de favoriser l’installation de médecins généralistes et spécialistes. Certaines collectivités proposent par exemple aux étudiants en médecine venus réaliser un stage sur leur territoire le versement d’indemnités d’hébergement et de transport.
Leur action semble toutefois limitée par les dispositions de l’article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales, qui permet le versement de ce genre d’indemnité seulement aux étudiants de troisième cycle de médecine générale. Or il s’agit pour ces collectivités d’attirer non seulement des généralistes, mais aussi des spécialistes.
Par ailleurs, en ne s’adressant qu’aux étudiants de troisième cycle, le code général des collectivités territoriales ignore la réalité du parcours de ces étudiants qui, bien avant d’entamer leur troisième cycle, doivent déjà réaliser des stages.
Madame la ministre, alors que ces aides constituent un levier efficace pour aider les collectivités à attirer de jeunes médecins, le Gouvernement est-il prêt à renforcer les compétences des collectivités en la matière et, plus précisément, à élargir le bénéfice de ces aides aux étudiants autres que ceux de troisième cycle et appartenant à d’autres spécialités que la médecine générale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice, afin de favoriser l’installation et le maintien des professionnels de santé dans les zones sous-denses en offre de soins, les collectivités territoriales et leurs groupements disposent d’outils d’intervention complémentaires, consistant en l’octroi d’aides à l’investissement ou au fonctionnement à tous les professionnels de santé, et elles peuvent verser une indemnité d’étude et de projet professionnel, ainsi qu’une indemnité de logement et de déplacement, aux stagiaires.
Pour accompagner les étudiants, vous proposez d’étendre le bénéfice des indemnités de logement et de déplacement, actuellement limitées aux étudiants de troisième cycle de médecine générale, à l’ensemble des étudiants de médecine.
Concernant l’extension du bénéfice de ces indemnités aux étudiants inscrits en troisième cycle de médecine spécialisée, le Gouvernement est favorable à cette proposition. En effet, les habitants des zones sous-denses rencontrent également des difficultés d’accès à la médecine spécialisée.
Par ailleurs, une telle proposition est cohérente avec l’économie générale du dispositif prévu à l’article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales, puisque les indemnités d’étude et de projet professionnel peuvent d’ores et déjà être octroyées aux futurs médecins spécialistes.
En revanche, étendre le bénéfice de ces indemnités à tous les étudiants en médecine, quel que soit leur cycle d’études, ne nous paraît pas répondre à votre objectif. En effet, ces indemnités ont vocation à prendre en charge les coûts liés à la réalisation d’un stage long de pratique professionnelle sur le territoire de la collectivité et à les sensibiliser à la pratique en zone sous-dense sans obligation d’installation ultérieure.
Accompagnant la formation académique, les stages de premier et de deuxième cycle sont principalement réalisés dans des centres hospitaliers universitaires, qui sont situés dans des zones urbaines, et très peu dans des cabinets ou maisons de santé situés en zone sous-dense.
La proposition ne nous paraît donc pas de nature à favoriser l’installation de jeunes médecins en zone sous-dense, contrairement aux indemnités d’étude et de projet professionnel, qui financent une formation dans son ensemble en contrepartie d’une obligation d’installation pendant au moins cinq ans, garantie par contrat.
Enfin, je précise que le Gouvernement réfléchit à une extension du bénéfice des indemnités de logement et de déplacement, ainsi que des indemnités d’étude et de projet professionnel, aux étudiants de pharmacie et de maïeutique, pour renforcer le champ d’action des collectivités.
mise en 2x2 voies de la rn2 entre laon et avesnes-sur-helpe
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 365, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, promise par le Président de la République lors de sa visite dans le département de l’Aisne en novembre 2018 dans le cadre de la signature du pacte Sambre-Avesnois-Thiérache, la mise à 2x2 voies de la RN2 met un terme à quarante ans d’atermoiements sur ce dossier que tous les acteurs du territoire croyaient enlisé.
Les objectifs du projet sont nombreux : désenclaver le nord de l’Aisne, réduire l’importante accidentalité de certaines portions de route et faciliter les connexions sur cet axe majeur qui relie le bassin parisien à la Belgique.
Néanmoins, selon la décision ministérielle du 8 novembre 2022, la portion reliant Marle à Avesnes-sur-Helpe bénéficiera non pas du classement en route express à 110 kilomètres par heure, mais plutôt d’un aménagement en 2x2 voies à 90 kilomètres par heure.
Cette décision déconcerte les acteurs économiques, ainsi que les élus du territoire. La patience dont ils ont su faire preuve pendant des décennies dans l’attente de cet équipement structurant ne semble pas être récompensée à sa juste valeur, mais se voit plutôt rétribuée par une proposition au rabais de la part de l’État.
On peut bien évidemment entendre et comprendre les raisons liées au respect du paysage bocager de la Thiérache au nord de Vervins. Mais il apparaît tout à fait justifié de prolonger le classement en route express sur l’axe entre Marle et Vervins, qui traverse une importante zone d’activité économique et qu’il convient donc d’irriguer convenablement.
Il est primordial que la concertation se poursuive sur les dernières modalités du projet.
Madame la ministre, dans quel délai la déclaration d’utilité publique pourra-t-elle être publiée en vue de la poursuite des travaux ? Par ailleurs, quelle réponse entendez-vous apporter aux partisans d’une extension en voie rapide de la portion de RN2 destinée à être maintenue à 90 kilomètres par heure ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, par décision du 8 novembre 2022, le ministre chargé des transports a retenu le principe d’un aménagement de la RN2 homogène à 2x2 voies sur l’ensemble du tronçon entre Laon et Avesnes-sur-Helpe.
Cette décision confirme l’engagement de l’État pour ce territoire, en cohérence avec le pacte Sambre-Avesnois-Thiérache que vous avez mentionné.
Concernant le statut de route express, il convient de rappeler que ce statut implique de nombreuses contraintes, notamment en matière d’artificialisation des sols et d’émissions de CO2.
Afin de concilier au mieux les enjeux de développement du territoire et ceux qui sont relatifs à l’activité agricole et à l’insertion environnementale, et en accord avec les conclusions de la concertation publique tenue en 2022, la décision ministérielle retient, sur cette question, une approche différenciée en fonction des tronçons.
L’aménagement de la RN2 entre Marle et Vervins se fera déjà en grande partie en tracé neuf, avec le contournement de trois communes, et sera consommateur d’emprises agricoles. Le choix d’un statut de route express sur la section entraînerait un impact foncier encore plus important résultant de l’aménagement complémentaire de voies de substitution pour les engins agricoles interdits sur route express.
Les trafics sur cette section sont parmi les plus faibles de l’itinéraire – moins de 5 000 véhicules par jour en 2019. Les contraintes environnementales sont plus fortes qu’au sud de Marle, le tracé longeant notamment deux rivières. Au vu des impacts supplémentaires sur l’environnement et les activités agricoles, le faible gain de temps supplémentaire d’un aménagement à 110 kilomètres par heure avec statut de route express ne paraît pas justifier ce dernier sur une telle section.
Pour l’avenir, les études vont se poursuivre sur l’ensemble de l’itinéraire, dont la section comprise entre Marle et Vervins, pour définir les variantes de tracés et proposer une analyse comparative qui fera l’objet de nouvelles concertations avec le public, avant de pouvoir présenter la variante retenue en enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, qui pourrait se tenir à l’horizon 2025, sous réserve d’un consensus sur la solution retenue.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre, mais je n’ai pas la même analyse que vous.
Ma question portait avant tout sur la portion entre Marle et Vervins, sur laquelle, je le répète, les zones d’activité sont nombreuses. Je souhaite que, en lien avec les acteurs de terrain, les études se poursuivent sur ce sujet.
Je vous rejoins en revanche sur l’importance de prendre en compte la notion de paysage bocager au-delà de Vervins.
Il est vrai que les routes express à 2x2 voies ne sont plus à la mode, mais voilà plus de cinquante ans que le dossier du désenclavement de la Thiérache est évoqué ! Il est temps de répondre à ce problème.
récurrence des accidents ferroviaires dans les ardennes liés aux problèmes d’entretien des infrastructures
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 280, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Mme Else Joseph. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les Ardennes sont affectées par de trop nombreux accidents ferroviaires, dont le dernier a été – hélas ! – mortel.
À Donchery, c’est un père de famille et sa fille qui ont été percutés par un train de marchandises. L’enquête pour homicide involontaire n’a pas encore abouti, mais les faits sont malgré tout troublants, et même inquiétants, pour notre réseau : un système de signalisation défaillant ; une passerelle pour piétons datant des années 1940, vétuste et non utilisée – il n’y a donc pas d’autre choix que de traverser les voies ; un maire qui alerte en vain sur cette situation depuis des années et qui réclame des aménagements.
Cet accident tragique illustre les problèmes que nous connaissons dans l’entretien des structures ferroviaires et de la signalisation.
Dans mon département, la récurrence de ces accidents est troublante : juin 2021, décembre 2021 et juillet 2022 – trois accidents graves nécessitant des moyens lourds de secours et pour la remise en service de la circulation. Cette récurrence interroge sur l’état du réseau et de la signalisation.
En guise de réponse, la SNCF se défausse sur nos communes, qui n’ont ni les moyens ni les compétences pour assurer cette sécurisation. Les maires n’osent même plus demander des moyens par peur de voir une gare supprimée… Voilà où nous en sommes en France en 2023 !
En 2013, à la suite de l’accident de Brétigny-sur-Orge, un plan d’action, Vigirail, avait été mis en place pour assurer la maintenance des voies et un niveau de sécurité renforcé. Où en est-on ?
Madame la ministre, je ne cherche pas à surfer sur un drame humain, mais le nombre des récurrences frappantes m’autorise à vous dire que rien ne va plus !
Qu’envisagez-vous pour qu’il soit mis fin à ces défaillances ? À quelle fréquence les visites de contrôle sont-elles effectuées ?
J’attends votre aide, madame la ministre, pour mettre la pression sur la SNCF, afin qu’elle daigne faire les travaux attendus depuis des années. N’attendons pas un drame supplémentaire !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice, la sécurité ferroviaire est un impératif qui est au cœur des préoccupations de tous les acteurs, que ce soit le Gouvernement, les gestionnaires d’infrastructure ou les entreprises ferroviaires, mais aussi l’établissement public de sécurité ferroviaire, dont le rôle est central, puisqu’il assure la cohérence d’ensemble du système de sécurité de ce secteur.
S’agissant plus spécifiquement des passages à niveau, les accidents ou collisions sur ces passages sont rares, mais souvent très graves. L’État s’est engagé en 2019 dans un plan d’action ambitieux pour améliorer leur sécurisation.
Malheureusement, la sécurité aux passages à niveau relève aussi, voire principalement, de la sécurité routière : environ 98 % des accidents aux passages à niveau sont dus à des comportements à risque des usagers de la route.
Les circonstances de chaque accident sont spécifiques. Les enquêtes ouvertes sur les événements que vous évoquez permettront d’en déterminer les causes.
En tout cas, je veux réaffirmer devant vous l’engagement du Gouvernement de ne pas transiger sur l’effort de remise à niveau et de modernisation de notre réseau ferroviaire. Le contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau y consacre un niveau de dépenses historiquement élevé. Nous irons plus loin, en lien avec les préconisations du Conseil d’orientation des infrastructures.
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.
Mme Else Joseph. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais dans les Ardennes ces drames se répètent, et nous en avons assez de la communication – nous voulons aujourd’hui des actes !
Je veux ajouter que, à la suite du drame que j’évoquais dans ma question et qui a tout de même entraîné la mort de deux personnes, la SNCF ne s’est pas rapprochée de la famille…
modifications des horaires et des dessertes de la ligne de train paris-limoges et impact économique sur le département de la haute-vienne
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, auteur de la question n° 304, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la ministre, à la fin du mois de novembre dernier, la SNCF décidait unilatéralement de nouvelles modifications d’horaires sur la ligne Intercités Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite Polt, entraînant une absence totale de liaison entre l’ancienne région Limousin et la capitale une partie de la matinée, avec toutes les conséquences économiques et sociales que cela représente pour les entreprises locales et les usagers.
Ont suivi déraillement de train de marchandises – huit jours d’interruption du trafic –, givre, pluies verglaçantes, le tout entraînant en février une dégradation sans précédent du service.
Depuis trente ans, tel est le quotidien des habitants qui utilisent cette ligne : modifications d’horaires et suppressions de trains sans solutions de substitution fournies par la SNCF ; retards systématiques atteignant parfois plusieurs heures ; accidents à répétition.
La situation est tellement critique que le groupe Legrand – l’une des seules entreprises du CAC 40 ayant son siège en province – a clairement évoqué un risque de départ. Le porcelainier Bernardaud a fait état de sérieuses difficultés dans son développement et de nombreuses entreprises signalent des pertes de chiffre d’affaires du fait de ces difficultés d’accès.
Madame la ministre, vous êtes notamment en charge de la ruralité : êtes-vous prête à assumer une telle catastrophe pour notre territoire ?
À court terme, la SNCF s’est engagée, entre autres, sur l’amélioration significative du fonctionnement des trains durant l’hiver et sur l’arrêt des suppressions d’horaires. Mais les usagers de cette ligne attendent davantage : le rétablissement des quatorze allers-retours qui existaient jusqu’en 2015, avec desserte des gares intermédiaires, ainsi que le développement du fret et des trains de nuit.
Pouvez-vous m’assurer que les délais annoncés pour les travaux de régénération de la ligne et la livraison des nouvelles rames seront tenus et que la modernisation qui mettrait Limoges à deux heures trente de la capitale sera engagée, avec en particulier la commande de rames supplémentaires, seul moyen sérieux d’y parvenir ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, je partage votre constat.
En ce qui concerne le déraillement d’un train de fret en décembre à Issoudun, je souhaite tout d’abord rappeler que l’enquête est toujours en cours pour en déterminer les responsabilités. Je remercie par ailleurs la SNCF du travail effectué pour relever ce train dans des conditions difficiles.
La réduction du plan de transport cet hiver sur la ligne Paris-Limoges-Toulouse est largement due au faible nombre de locomotives racleuses mises à disposition par SNCF Réseau pour traiter le givre, et cela malgré une amélioration partielle de la situation grâce à la mise en service par SNCF Intercités, à ses propres frais, d’une locomotive racleuse supplémentaire.
Le ministre chargé des transports a clairement exprimé son exigence au gestionnaire d’infrastructure, qui devra revoir son parc de locomotives racleuses dès l’hiver prochain, dans l’attente des nouvelles rames Oxygène qui circuleront dès 2025 sur la ligne et qui pourront être équipées de pantographes racleurs.
Au-delà de ces problèmes saisonniers, le Gouvernement a demandé au groupe SNCF des actions concrètes pour améliorer la qualité de service sur cette ligne primordiale pour assurer convenablement la desserte de nos territoires.
À cet effet, un groupe de travail technique réunira trimestriellement l’État, le groupe SNCF et le monde économique et associatif, ainsi que les parlementaires et les élus du territoire, pour rendre compte de la mise en œuvre de ce plan d’action et évaluer l’amélioration de la qualité de service.
Le ministre chargé des transports participera à la première réunion de ce groupe de travail technique à Limoges à la fin du mois de février prochain.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la ministre, je ne trouve pas, dans votre intervention, de réponse précise à mes questions.
Nous attendons des engagements, et j’espère qu’ils auront plus de valeur que ceux que Mme la Première ministre, à l’époque où elle était ministre en charge des transports, avait formulés à Limoges.
En ce qui concerne la modernisation de la ligne, ce que nous vivons en ce moment est le résultat des décisions prises il y a vingt, trente ou quarante ans, mais aussi de l’absence de décisions… Si vous ne voulez pas que l’on dresse les mêmes constats dans vingt ans, c’est aujourd’hui qu’il faut agir, notamment par la commande de nouvelles rames.
Aujourd’hui, nous ne disposons pas du service que nous sommes en droit d’attendre !
travaux de rénovation de la ligne paris-orléans-limoges-toulouse
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, auteur de la question n° 323, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, ma question porte aussi sur la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt), qui, de l’Île-de-France à l’Occitanie, en passant par le Centre-Val de Loire et la Nouvelle-Aquitaine, est la colonne vertébrale de tout un territoire : dix départements traversés, et une vingtaine qui lui sont reliés.
Cette ligne structure directement la vie économique et touristique de ce territoire, en assurant la liaison entre Paris et la province. Mais encore faut-il que les trains roulent !
Le déclassement de cette ligne est très pénalisant économiquement, notamment pour l’ancienne région Limousin. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises d’interroger à ce sujet les gouvernements qui se sont succédé et je salue le travail remarquable que mène l’association Urgence Ligne Polt pour défendre cette ligne.
Au cours des trente dernières années, cette ligne a malheureusement été délaissée pendant qu’un TGV hypothétique – et non financé ! – était envisagé entre Limoges et Poitiers.
De façon bien plus réaliste et moins coûteuse, il faut rétablir les performances passées de la ligne Polt, l’une des plus rapides de France dans les années 1980 : elle reliait Paris à Limoges en deux heures cinquante et Paris à Brive en trois heures cinquante. Actuellement, c’est quarante minutes de plus, quand le train n’est pas supprimé en raison du gel, des feuilles mortes, de la chaleur ou des travaux… Voilà la réalité !
Par ailleurs, nous refusons fermement la perspective d’une ligne Polt qui s’arrêterait à Limoges, en délaissant la Corrèze et le nord du Lot, et nous regrettons le report à 2025 de la livraison des nouvelles rames, pourtant annoncée par Mme la Première ministre lors de sa venue à Limoges lorsqu’elle était ministre en charge des transports.
De plus, il faut absolument que le plan de régénération de 400 millions d’euros destiné à réduire le temps de trajet d’un quart d’heure soit réalisé.
Madame la ministre, vous êtes garante de l’égale répartition des chances entre les territoires de notre République une et indivisible. Comment l’État s’assure-t-il que la SNCF mette bien à disposition de la ligne Polt les ressources humaines et matérielles nécessaires au retour d’un service de qualité en toutes circonstances ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, je vous confirme l’attention particulière que le Gouvernement porte à la ligne ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, qui constitue un axe nord-sud stratégique pour la France.
Cette ligne va bénéficier d’investissements significatifs de la part de l’État : l’arrivée d’un nouveau matériel roulant, dont le financement s’élève à 450 millions d’euros, et un programme de modernisation visant à améliorer les performances de la ligne d’ici à 2026, dont les deux tiers seront financés par l’État, à hauteur de 257 millions d’euros, le tiers restant ayant vocation à être apporté par les régions concernées et intéressées par l’amélioration de la performance de la ligne.
Par ailleurs, des travaux de régénération entièrement financés par SNCF Réseau sont réalisés jusqu’en 2025, afin de remettre à niveau l’infrastructure pour un montant total de 1,6 milliard d’euros. Malgré un contexte sanitaire difficile, la trajectoire de réalisation de ces travaux est aujourd’hui tenue, avec près de la moitié de l’enveloppe dépensée à ce jour.
Chaque année, dès le mois de novembre, SNCF Réseau déploie son plan Grand froid pour prévenir et limiter les impacts de la neige, du givre ou du verglas sur les circulations. Pour l’hiver 2022-2023, SNCF Réseau a augmenté de 50 % le nombre de trains racleurs déployés. Les autres techniques de dégivrage mobilisées sont le réchauffage de la caténaire ou encore le décalage des circulations pour éviter la reformation de givre.
Afin d’assurer un suivi plus régulier associant les parties prenantes, le ministre chargé des transports a demandé à la SNCF la mise en place d’un groupe de travail technique se réunissant à fréquence trimestrielle et se concentrant sur les améliorations de la qualité de service.
Je vous confirme ainsi l’engagement du Gouvernement pour l’amélioration de la robustesse et de la qualité de service de la ligne Polt dans son ensemble. En particulier, il n’est pas envisagé de supprimer les dessertes au sud de Limoges.
rétablissement de la ligne lille-mulhouse
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 030, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, madame la ministre, la ligne Lille-Mulhouse, qui est stratégique, parce qu’elle dessert notamment, dans mon département, la métropole de Dijon et la Metal Valley de Montbard, est suspendue depuis deux ans.
Cette ligne permettait aux entreprises qui exportent d’être en lien direct avec le hub de Roissy-Charles-de-Gaulle et avec l’Europe via Lille. Des installations d’entreprises et des modèles économiques ont été conçus et soutenus par les responsables institutionnels, en se fondant sur l’existence de cette ligne et sur sa pérennité.
Sa fermeture définitive ne peut donc pas être acceptée par les chefs d’entreprise qui ont fait le choix d’implanter leurs activités sur le territoire du fait des facilités économiques qu’elle apportait. Ils sont mobilisés et ont demandé à la région Bourgogne-Franche-Comté qu’elle remplisse son rôle de chef de file et prenne position pour défendre leurs intérêts.
La Fédération nationale des associations d’usagers s’est également mobilisée pour que soit examinée la question du rétablissement de l’offre Mulhouse–Marne-la-Vallée–Roissy-Charles-de-Gaulle–Lille, avec la création d’un aller-retour supplémentaire Belgique-Roissy-Dijon-Besançon-Suisse. Vous le voyez, cette liaison constitue véritablement un axe stratégique.
La SNCF, de son côté, évoque bien sûr le manque à gagner constaté pendant la crise sanitaire, mais le déficit de cette ligne, hors période de crise, n’est pas avéré.
En revanche, le frein au développement international de toutes les entreprises concernées est bien réel et la question de leur pérennité se pose.
Je voudrais donc connaître, madame la ministre, vos intentions pour ce qui concerne le rétablissement de la ligne Lille-Mulhouse.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice, le TGV Lille-Mulhouse, exploité en service librement organisé par SNCF Voyageurs, enregistrait en 2019 un taux d’occupation de moins d’un siège sur trois et accusait chaque année un déficit particulièrement élevé.
Cette liaison a été suspendue en 2020 en raison de la crise sanitaire. Depuis la fin de celle-ci, la tendance structurelle de baisse du trafic professionnel et du trafic en correspondance depuis l’aéroport de Roissy a encore accentué le déséquilibre financier.
SNCF Voyageurs est conscient des difficultés que cela peut poser aux clients qui préféraient une liaison directe, mais l’entreprise doit chercher à concilier les objectifs de gains de performance et de contribution au développement des territoires.
Néanmoins, des échanges ont déjà été engagés par SNCF Voyageurs avec les acteurs locaux sur le sujet. À la suite de cette concertation, l’offre de service du dimanche entre Paris et Montbard s’est enrichie d’un aller-retour depuis le 11 décembre 2022, ce qui a d’ailleurs été salué par les acteurs du territoire.
Il faut aussi rappeler que l’offre entre Paris et Montbard, dont la fréquentation est pourtant en baisse du fait des évolutions liées au télétravail, restera inchangée en semaine en 2023, avec quatre allers-retours quotidiens.
Enfin, la qualité de l’offre de la Bourgogne depuis et vers Paris, en particulier pour Dijon, qui dispose d’une desserte dense, permet de proposer plusieurs possibilités en correspondance.
Les échanges se poursuivent en vue d’identifier une solution qui puisse concilier les attentes de l’ensemble des parties prenantes ; ces discussions sont en bonne voie.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je voudrais simplement rappeler que Dijon est la seule métropole de France à ne pas disposer d’un accès direct à un hub international, ce qui constitue un véritable préjudice pour tout le département.
conséquences de l’inflation sur les projets finançables au titre des dotations aux collectivités locales
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la question n° 315, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le président, madame la ministre, la crise de l’inflation que nous connaissons depuis maintenant plusieurs mois a d’importantes conséquences sur les projets d’investissements locaux finançables au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).
En effet, les très importants surcoûts sur les montants initialement validés par les communes et intercommunalités risquent d’empêcher l’aboutissement de certains projets. Certaines collectivités ne sont plus en mesure de compenser le différentiel entre les montants initiaux et ceux qui sont actualisés.
Vous savez, madame la ministre, que ces projets sont parfois vitaux pour les petites communes et nos territoires ruraux.
C’est par exemple le cas d’un projet de requalification de centre-bourg dans la commune d’Orgueil, dans mon département, le Tarn-et-Garonne. Sur un projet d’environ 820 000 euros, la commune avait obtenu 640 000 euros de financement, avec un reste à charge de 180 000 euros.
Compte tenu de la crise de l’inflation et de la nécessité de relancer le marché initial déclaré infructueux, le surcoût des travaux s’est élevé à 44 % et le reste à charge pour la commune est finalement de 480 000 euros : 300 000 euros de plus que le montant initial, ce n’est pas tenable pour le budget de cette petite commune !
En l’état, la commune d’Orgueil, comme des milliers d’autres qui sont dans le même cas, devra certainement renoncer à ses projets stratégiques.
En parallèle, la préfecture du Tarn-et-Garonne aurait, en 2022, rendu 1 million d’euros de DETR non consommée au titre des années précédentes.
Ne serait-il pas possible de redéployer les crédits annuels non consommés sur l’appel à projets suivant, dans une dotation complémentaire destinée aux dossiers subissant d’importants surcoûts ? Ou ne serait-il pas envisageable de prendre en compte les surcoûts générés par l’inflation, en faisant entrer celle-ci dans la part subventionnable de la DETR et de la DSIL lorsque cette part n’est pas à son maximum ?
De façon plus générale, madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer les moyens que vous comptez mettre en œuvre afin de soutenir l’investissement local dans un contexte de forte inflation ?
Je vous remercie par avance de votre réponse, qui sera scrutée par des milliers de maires et de présidents d’intercommunalités.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, les dotations d’investissement, telles que la dotation d’équipement des territoires ruraux ou la dotation de soutien à l’investissement local, permettent chaque année de soutenir de nombreux projets d’investissement portés par les communes et les groupements éligibles.
En 2023, avec près de 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement – et même 4 milliards d’euros en incluant le fonds vert –, le soutien de l’État à l’investissement local est maintenu à un niveau particulièrement élevé, afin d’accompagner au mieux le dynamisme des territoires.
Vous avez raison, dans un contexte d’inflation, les collectivités peuvent faire face à davantage de difficultés dans le financement des projets d’investissement qu’elles souhaitent porter.
L’État les accompagne dans ces projets, en apportant un soutien financier qui peut aller jusqu’à 80 % des financements publics. Ce soutien comprend le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), qui intervient en moyenne à hauteur de 16 %, et ce sur la base du montant définitif des dépenses éligibles.
En principe, il n’est pas possible d’augmenter le taux de subvention DETR ou DSIL figurant dans l’arrêté attributif. Il s’agit d’une règle de bonne gestion budgétaire, permettant de sécuriser la trajectoire des dépenses. Cela inclut le cas où un projet, déjà subventionné, connaîtrait en cours de réalisation des surcoûts par rapport aux montants initialement prévus par les communes et intercommunalités.
Il est néanmoins envisageable, si les projets peuvent être scindés en plusieurs tranches distinctes, d’octroyer une nouvelle subvention correspondant à une nouvelle tranche ne portant pas sur la même assiette. Il est également possible de solliciter un autre levier de financement pour compenser au mieux cette augmentation du coût à l’aide par exemple de la DSIL pour un projet subventionné par la DETR, et inversement, les deux dotations étant cumulables.
En dernier lieu, le droit de dérogation du préfet, prévu par le décret du 8 avril 2020, permet également, sous certaines conditions, de modifier le taux de la subvention attribuée. Il convient toutefois de l’employer à bon escient pour que cette règle budgétaire ne perde pas sa portée.
Il convient en particulier de s’assurer qu’il existe un risque réel d’abandon du projet, et ce malgré l’absorption par le titulaire du marché d’une part de la hausse du coût. En effet, la puissance publique – collectivités et État – ne doit pas supporter seule l’intégralité de la hausse des prix.
En ce qui concerne le redéploiement des crédits que vous proposez, dans les faits, la quasi-totalité des crédits mis à disposition des préfectures est effectivement consommée chaque année.
Le principe d’annualité budgétaire prévu par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) implique que les crédits soient ouverts uniquement pour l’année en cours. Il impose ce faisant un haut niveau de consommation.
Il a également pour conséquence que les redéploiements entre opérations ne peuvent se faire qu’au sein d’un même exercice annuel. Les montants tout à fait résiduels – quelques dizaines de milliers d’euros sur plus de 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement – qui n’ont pas pu être consommés pour des raisons techniques sont reportés en totalité sur l’exercice suivant.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.
M. Pierre-Antoine Levi. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais les montants de DETR non consommés les années précédentes sont bien rendus, ce qui représentait plus d’un million d’euros pour la seule année 2022 dans mon département.
Or cette somme aurait pu être redéployée sur le territoire en faveur des projets locaux, dont la revitalisation du centre-bourg de la commune d’Orgueil.
entretien des digues
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 363, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la ministre, laissez-moi vous conter l’histoire de cette petite commune vauclusienne en bord de Rhône dénommée Caderousse. Celle-ci est protégée des crues par ses digues d’enceinte qui datent de 1856 et sont classées au titre des monuments historiques.
Cet ouvrage hydraulique constitué de pierres jointées conserve encore aujourd’hui un rôle majeur. Il a résisté aux crues successives, dont celles de 2002 et 2003, qui restent dans toutes les mémoires des Caderoussiens et, plus largement, des Vauclusiens. Il est d’ailleurs classé « ouvrage intéressant la sécurité publique » par arrêté préfectoral en date du 30 janvier 2006.
Aujourd’hui, malgré les travaux ponctuels et l’entretien régulier de ces digues, cette structure se dégrade et se fragilise en raison de la prolifération des herbes et arbustes dans les joints. En effet, depuis le 1er juillet 2022, l’utilisation des produits phytosanitaires pour détruire les végétaux qui se développent entre les pierres est interdite aux personnes publiques, et ce en vertu de la loi du 6 février 2014, dite loi Labbé.
Ces digues risquent ainsi, à terme, de ne plus jouer leur rôle crucial de protection des habitants de Caderousse contre les inondations.
Alertée par M. le maire de Caderousse, la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt a indiqué qu’il appartenait au gestionnaire de l’ouvrage, à savoir la communauté de communes, de « mettre en œuvre des modalités alternatives » pour désherber les talus par des moyens thermiques, mécaniques ou de biocontrôle.
Madame la ministre, le maire de Caderousse et moi-même sommes bien conscients des enjeux écologiques et comprenons que l’utilisation de ces produits phytosanitaires doit être raisonnée et limitée dans le temps et dans l’espace. Cependant, aujourd’hui, les produits de biocontrôle proposés ne permettent pas de contenir efficacement les racines des végétaux.
Il existe des dérogations à l’interdiction des produits proscrits, par exemple lorsqu’un danger sanitaire grave vient à mettre en péril la pérennité du patrimoine historique. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, que le risque d’inondation, avec ses enjeux humains, économiques et environnementaux, constitue un danger grave qui pourrait justifier la mise en place d’une telle dérogation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, vous nous interrogez sur la situation du maire de Caderousse, qui demande à bénéficier d’une dérogation à la loi Labbé de 2014 interdisant l’usage des produits phytosanitaires dans les espaces verts publics.
En effet, il souhaite pouvoir désherber avec des pesticides conventionnels les digues d’enceintes de la ville, qui datent de 1856 et qui sont classées au titre des monuments historiques.
Tout d’abord, je rappelle que l’utilisation des produits phytosanitaires est interdite depuis le 1er janvier 2017 pour l’entretien des espaces verts, des voiries ou des promenades accessibles au public.
Le maire de Caderousse a demandé en 2022 au directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt une dérogation à cette interdiction, afin d’empêcher l’enracinement durable des arbustes, qui pourrait à terme fragiliser les ouvrages et leur faire perdre leur caractère protecteur face aux crues. Cette dérogation a été refusée.
Vous souhaitez donc que soit examinée une des conditions dérogatoires prévues à l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime visant à utiliser des produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire grave menaçant la pérennité du patrimoine historique ou biologique et ne pouvant être maîtrisé par un autre moyen, y compris une méthode non chimique.
Il convient d’examiner la possibilité d’utiliser dans ce cas, comme le font déjà de très nombreux maires, des moyens thermiques ou mécaniques pour éradiquer les mauvaises herbes et les plants d’arbustes. La technique du brûlage se révèle ainsi efficace pour lutter contre le maintien des racines dans les interstices des pierres.
J’ai demandé au directeur de l’eau et de la biodiversité d’examiner les conditions dans lesquelles le plan Écophyto pourrait être mobilisé pour soutenir le traitement de tout ou partie des remparts de la ville. Je vous invite à prendre contact avec les équipes du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires pour déterminer les conditions précises d’un tel soutien.
vétusté du réseau d’eau potable dans certaines communes et financement de ces travaux
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la question n° 353, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
Mme Nathalie Delattre. Madame la ministre, selon l’Office français de la biodiversité, environ 1 milliard de mètres cubes d’eau potable sont perdus chaque année, ce qui représente l’équivalent de 300 000 piscines olympiques. Alors que nous faisons face à des sécheresses de plus en plus importantes, nous devons plus que jamais préserver cette ressource. Sans eau, point de vie !
Il est donc indispensable de donner à nos collectivités locales les moyens de mettre en œuvre les travaux nécessaires pour remédier à la vétusté du réseau. En effet, en certains endroits, il y a de véritables passoires, à cause du vieillissement des canalisations, de la corrosion, des glissements de terrain ou d’autres avaries.
En Gironde, dans la commune de Langoiran, les chiffres révélés par le syndicat des eaux font apparaître un indice linéaire de perte de 7 200 litres d’eau par kilomètre chaque jour – j’y insiste –, soit, pour ce réseau de 105 kilomètres, une perte de 762 000 litres d’eau par jour ! Et cet indice ne cesse d’évoluer défavorablement depuis 2012.
Dans le Blayais, la déperdition en eau potable est également considérable. Le syndicat des eaux a cependant entrepris des travaux pour renouveler les canalisations, notamment celles en fonte, qui sont la cause des eaux rouges, pour un coût de plus de 1,5 million d’euros entre 2022 et 2023.
Bien que le décret n° 2012-97 du 27 janvier 2012 relatif à la définition d’un descriptif détaillé des réseaux des services publics de l’eau et de l’assainissement et d’un plan d’action pour la réduction des pertes d’eau du réseau de distribution d’eau potable impose aux collectivités d’atteindre un certain seuil de rendement pour leur réseau, les travaux nécessaires représentent un coût rédhibitoire. Sans un accompagnement financier de l’État, il sera difficile pour nos communes de les mettre en œuvre. Or ils sont essentiels d’un point de vue environnemental.
Madame la ministre, le Gouvernement entend-il mettre en place des aides financières à destination des collectivités locales pour ces travaux ? Le fonds vert aurait pu être un formidable outil, mais cela ne semble pas être prévu. Je vous remercie de bien vouloir m’apporter des précisions.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Delattre, comme vous le savez, le Gouvernement a lancé, le 29 septembre dernier, le premier chantier de planification de la préservation de la ressource en eau.
La concertation qui s’est ouverte a mobilisé l’ensemble des comités de bassin, le Comité national de l’eau, ainsi que les collectivités. Elle va aboutir rapidement à un plan eau, qui fixera une ambition politique commune, autour, notamment, des enjeux que vous mentionnez.
Dans le cadre du plan de relance, les agences de l’eau ont engagé en 2021 près de 250 millions d’euros d’aides pour des projets portant sur la modernisation du réseau d’eau potable, la mise aux normes de stations de traitement des eaux usées, la rénovation des réseaux d’assainissement, le déraccordement des rejets d’eaux pluviales et leur infiltration à la source, ainsi que sur l’hygiénisation des boues d’épuration.
Ces crédits sont venus renforcer les moyens mis en œuvre au titre des onzièmes programmes d’intervention des agences, qui prévoient 4,5 milliards d’euros d’aides sur le petit cycle de l’eau, dans la lignée des engagements pris lors des Assises de l’eau, notamment en faveur des collectivités en zone rurale.
Par ailleurs, un premier relèvement du plafond de dépenses des agences de l’eau en 2022, complété par un second en 2023, chacun à hauteur de 100 millions d’euros, a accru les possibilités d’appui aux collectivités sur ces sujets. Le second a plus particulièrement vocation à accompagner les investissements des collectivités qui ont été confrontées à une rupture ou un risque de rupture d’approvisionnement en eau potable l’été dernier.
Les agences de l’eau et l’Office français de la biodiversité vont enfin faire porter leur effort plus spécifiquement sur la lutte contre les fuites d’eau, grâce à une dotation de 50 millions d’euros accordée dans la loi de finances rectificative pour 2022.
Ces aides, ciblées sur les territoires les plus fragiles ou sur les situations les plus critiques, viennent compléter l’offre de prêts de la Banque des territoires, dite Aqua Prêt, dont le taux compétitif et l’échéance, adaptée à la durée d’amortissement des investissements, devraient permettre d’accompagner l’ensemble des services publics d’eau et d’assainissement dans leurs travaux.
Concernant le Syndicat des eaux du Blayais, l’agence de l’eau Adour-Garonne a accordé en 2016 et 2020 des aides pour le renouvellement des réseaux d’eau potable, pour un montant de 615 000 euros. Ce dynamisme du syndicat se traduit par la réalisation de diagnostics de réseau, une sectorisation qui fonctionne bien et la mise en place d’une modulation de pression, le tout permettant d’atteindre un bon rendement de réseau de 82,8 %.
policiers municipaux, sapeurs-pompiers volontaires et dépôt d’arme
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, auteur de la question n° 295, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Christian Bilhac. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l’obligation faite au policier municipal qui serait également sapeur-pompier volontaire de déposer son arme dans le coffre du poste de police dans lequel il exerce. C’est le maire de Cazouls-lès-Béziers, dans l’Hérault, qui m’a interpellé à sujet.
Face à la pénurie de sapeurs-pompiers volontaires, les policiers municipaux ont intégré les centres de secours afin de renforcer les effectifs, surtout en journée, ce qui est une bonne chose.
Cependant, comme toujours, le diable se cache dans les détails, en l’occurrence dans la rédaction de l’article 114-4 du règlement général d’emploi de la police nationale issu de l’arrêté du 6 juin 2006. Celui-ci dispose en effet que « le fonctionnaire de police est responsable, en tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances, de son arme individuelle, pour autant que celle-ci n’ait pas été déposée à l’armurerie ou en un lieu sécurisé de son service ou de son unité ou dans un autre lieu sécurisé où le dépôt de l’arme est autorisé par instructions de son service ou de son unité. »
Selon l’interprétation qui est faite de cet article, le policier municipal, en cas d’alerte venue des sapeurs-pompiers, doit aller déposer son arme dans les locaux de la police municipale, procéder aux obligations administratives, pour ensuite se rendre à la caserne des pompiers et changer d’uniforme, alors que l’urgence est là et que les victimes attendent.
Dans ce contexte, je souhaite savoir si l’installation d’un coffre sécurisé à la caserne, dont le seul utilisateur serait le policier municipal, par ailleurs sapeur-pompier volontaire, serait conforme à cet article 114-4. Dans le cas contraire, madame la ministre, envisagez-vous d’assouplir la réglementation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Bilhac, vous avez interrogé M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérard Darmanin, qui, ne pouvant être présent, m’a chargée de vous répondre.
L’article 114-4 du règlement issu de l’arrêté du 6 juin 2006 que vous mentionnez concerne les policiers nationaux et n’est donc pas applicable aux policiers municipaux. C’est l’article R. 511-32 du code de la sécurité intérieure qui fixe les conditions de dépose des armes des policiers municipaux.
Cet article dispose que, « sauf lorsqu’elles sont portées en service par les agents de police municipale ou transportées pour les séances de formation […], les armes […] et les munitions doivent être déposées, munitions à part, dans un coffre-fort ou une armoire forte scellés au mur et au sol d’une pièce sécurisée du poste de police municipale. »
Le fait que ce policier municipal soit, par ailleurs, sapeur-pompier volontaire, n’est pas une raison suffisante pour le soustraire à cette obligation, qui s’applique à l’ensemble des policiers municipaux et constitue un gage de sécurité important.
De surcroît, les casernes des services d’incendie et de secours ne sont pas conçues pour répondre aux mêmes exigences que les locaux de police municipale. Par conséquent, le Gouvernement n’envisage pas de modifier la réglementation en vigueur.
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.
M. Christian Bilhac. J’entends bien votre réponse, madame la ministre, mais reconnaissez que l’on manque de policiers et de sapeurs-pompiers volontaires, surtout en milieu rural, où, à ma connaissance, les casernes ne font pas l’objet de menaces d’attaques si fréquentes…
Un assouplissement de cette règle serait de nature à améliorer le secours aux victimes.
état de la flotte aérienne de canadairs
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, auteure de la question n° 167, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Françoise Dumont. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’état de la flotte aérienne de Canadairs. Le dérèglement climatique accentue les besoins en moyens visant à endiguer les départs et propagations de feux, notamment de feux de forêt, afin d’éviter la survenue de nouveaux mégafeux.
Dans ce contexte, les Canadairs sont un outil indispensable. À ce titre, le 7 mai 2020, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a transmis une demande à la direction générale de l’armement (DGA) pour le lancement du marché d’acquisition de deux avions bombardiers d’eau amphibies.
Ces deux appareils devaient être financés par le programme européen RescEU à 90 %, mais nous venons d’apprendre que le financement serait finalement de 100 %. Cette demande prévoyait également en option la possibilité de commander deux avions supplémentaires sur fonds propres de la DGSCGC.
La nouveauté de l’année 2022, c’est l’annonce par le Président de la République, le 28 octobre dernier, du renouvellement intégral de la flotte de Canadairs, qui doit en outre être renforcée pour passer de douze à seize appareils, dont les deux du programme RescEU, d’ici à la fin du quinquennat.
Or, au-delà de ces effets d’annonce, nous ne voyons aucun financement inscrit dans le projet de loi de finances pour 2023.
De plus, le calendrier particulièrement ambitieux annoncé par le Président de la République entre en contradiction avec les propos tenus par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, ainsi qu’avec les réponses fournies par la DGSCGC aux derniers questionnaires budgétaires. En effet, il était plutôt prévu un renouvellement des avions actuels dans le courant de la décennie 2030.
Aussi, madame la ministre, j’aimerais que vous puissiez nous faire connaître l’état actuel de la flotte aérienne de Canadairs, le nombre de commandes passées, avec les dates de livraison envisagées, ainsi que le nombre de commandes envisagées et d’avions déjà livrés depuis l’automne 2021.
Enfin, je souhaiterais que vous nous précisiez les mesures que le Gouvernement entend mettre en place pour augmenter de manière substantielle les capacités de la flotte aérienne – groupement « avions » et groupement « hélicoptères » –, dans le cadre de la lutte contre les feux de forêt.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que vos interventions doivent se limiter à deux minutes.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Dumont, face au dérèglement climatique, qui peut en effet aboutir à des scénarios catastrophes, la France a su anticiper et correctement estimer ses besoins pour gérer au mieux les crises telles que celle que nous avons connue à l’été 2022.
Il est vrai que la flotte des douze Canadairs est un outil indispensable et particulièrement efficace. Elle est augmentée par la participation de la France au mécanisme de protection civile de l’Union européenne (MPCU) et au programme visant la création d’une réserve de sécurité civile européenne (RescEU).
À terme, douze avions constitueront cette flotte européenne cofinancée par l’Union et commune à la France, l’Espagne, l’Italie, la Croatie, la Grèce et le Portugal. S’y ajouteront dix appareils acquis en propre par certains de ces États.
Dans cette perspective, la DGSCGC a officiellement fait une demande à la DGA pour acquérir deux avions amphibies bombardiers d’eau le 7 mai 2020, sur la base d’un cofinancement validé par la Commission européenne le 18 novembre 2020. Le marché considéré prévoit la possibilité de commander deux avions supplémentaires sur fonds propres de la DGSCGC, ce qui porterait ainsi à seize le nombre d’avions amphibies bombardiers d’eau.
De plus, le Président de la République a annoncé, le 28 octobre dernier, non seulement la modernisation de notre flotte de Canadairs, mais également l’acquisition de quatre aéronefs supplémentaires pour porter à seize le nombre d’appareils.
Concernant le point très spécifique du retard pris par la société Viking Air, devenue De Havilland Canada, un dialogue a été engagé depuis de nombreux mois entre la société, la Commission européenne et les États membres. Ces échanges ont abouti le 31 mars dernier à un déblocage du projet et à une officialisation du lancement de la chaîne de production des nouveaux avions amphibies bombardiers d’eau, avec cependant un glissement du calendrier de livraison, qui reste encore à déterminer.
En outre, la France dispose de trois Beechcraft pour la phase de reconnaissance et de coordination, ainsi que d’une flotte d’avions Dash en charge des missions de guet aérien armé et de l’attaque des feux naissants, avec la pose de barrières de retardant. Le huitième et denier appareil de la flotte sera livré au premier semestre 2023.
Par ailleurs, des discussions sont engagées avec la Commission européenne pour, à terme, compléter cette flotte par deux hélicoptères dits « lourds », d’une capacité bombardier d’eau de près de 4 000 litres, finançables grâce au programme RescEU.
Dans le cadre du renouvellement de la flotte d’hélicoptères EC145 de la sécurité civile, inscrit dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), la DGSCGC travaille à équiper les nouveaux appareils en capacité de largage d’eau de 800 à 1 000 litres, ce qui permettra de disposer de ce moyen de lutte contre les incendies dans les bases d’hélicoptères réparties sur l’ensemble du territoire.
M. le président. Madame la ministre, je rappelle que 43 questions sont inscrites à l’ordre du jour et que les deniers orateurs devront intervenir à douze heures quarante-cinq !
Si chacun – vous y compris – laisse filer son temps de parole dès le milieu de la matinée, le résultat sera particulièrement discourtois pour les sénateurs, mais aussi pour vos collègues du Gouvernement. Il n’est tout de même pas difficile au sein des cabinets ministériels de répéter au préalable les réponses, qui sont toutes écrites, pour vérifier qu’elles tiennent en deux minutes !
injustice à l’égard des rapatriés d’algérie pour obtenir le renouvellement de papiers d’identité
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 180, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, ma question concerne les difficultés auxquelles se heurtent les rapatriés d’Algérie pour obtenir le renouvellement de leurs papiers d’identité.
Il y a quelques jours, Chrystel, 55 ans, habitante de Loire-Atlantique et déjà détentrice d’une carte d’identité, a dû prouver qu’elle était bien française pour pouvoir renouveler ce document.
Pourquoi ? Parce qu’elle est issue d’une famille de pieds-noirs. Elle doit demander au ministère des affaires étrangères, en plus de son extrait de naissance, un extrait de naissance de ses grands-parents et parents, ainsi que leurs actes de mariage.
Son cas n’est malheureusement pas isolé. Je dois vous dire que cette mésaventure m’est également arrivée, et plusieurs autres personnes se trouveraient dans cette situation, que l’on peut qualifier de troublante, voire d’absurde.
Dans un article paru dans la presse en décembre 2020, le préfet de la Sarthe expliquait que, pour le renouvellement de leurs pièces d’identité, les Français nés en Algérie avant la proclamation de l’indépendance en 1962 pouvaient recevoir des demandes de pièces complémentaires.
En tant que fille et petite-fille de Français d’Algérie et de Tunisie, je partage l’incompréhension, et même la tristesse des personnes concernées.
Permettez-moi de vous lire le témoignage de Sylvie, habitant de l’Eure, qui pourrait être le mien : « J’ai vécu cette situation comme une humiliation, une insulte à ma famille, qui a été obligée de quitter l’Algérie, sa terre natale, en catastrophe, en laissant tout derrière elle. Une insulte à mon père, qui a combattu dans les rangs de l’armée française. »
Madame la ministre, alors que le Président de la République avait exprimé, voilà un an, la reconnaissance de la France envers les pieds-noirs, je me demande pourquoi on leur fait vivre, ainsi qu’à leur descendance sur plusieurs générations, cette nouvelle humiliation.
Ces rapatriés, qui avaient tout perdu, se voient désormais dépouillés du seul élément rapatrié d’Algérie avec eux : leur nationalité, pour laquelle ils se sont tant battus.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Boyer, vous avez interrogé M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, qui, ne pouvant être présent, m’a chargée de vous répondre.
Les rapatriés d’Algérie disposant de la nationalité française se voient en effet parfois demander la production d’un certificat de nationalité française ou se trouvent dans l’obligation de prouver leur nationalité à l’occasion du renouvellement de leur titre.
Vous avez raison de le souligner, il a déjà été rappelé que, lors du renouvellement de leur carte nationale d’identité ou de leur passeport, les rapatriés d’Algérie n’ont pas à produire de certificat de nationalité française. (Mme Valérie Boyer manifeste son agacement.)
En effet, une fois que la nationalité française est prouvée et que les documents d’identité à renouveler sont valides ou périmés depuis moins de cinq ans, les pièces du dossier demeurent dans le système des « titres électroniques sécurisés », et il n’est pas besoin de renouveler ces éléments.
En revanche, lors du renouvellement d’un titre échu depuis plus de cinq ans, il est demandé de prouver sa nationalité. En effet, les éléments ne sont plus conservés dans le traitement de données, compte tenu des délais de conservation des données, et les anciens titres produits sont parfois contrefaits.
Mme Valérie Boyer. N’importe quoi !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Aussi, s’il est constaté des manquements aux consignes de renouvellement simplifié des titres valides ou échus depuis moins de cinq ans, s’agissant des rapatriés d’Algérie disposant de la nationalité française, des instructions très strictes seront données de nouveau dans le réseau pour que cette règle s’applique pleinement.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.
Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, je suis consternée par cette réponse.
Je rappelle que, en 2008, puis en 2020, le ministère de l’intérieur avait précisé que, lors du renouvellement de leur carte nationale d’identité ou de leur passeport, les rapatriés d’Algérie n’avaient pas à produire de certificat de nationalité française. Pourquoi cette situation perdure-t-elle encore ? Comment pouvez-vous la justifier ainsi dans votre réponse ? C’est absurde…
Mme Valérie Boyer. Si, c’est ce que vous avez expliqué pour les titres échus depuis plus de cinq ans.
Il est incroyable qu’un tel sort soit réservé à des personnes nées sur une terre française ou à leurs descendants.
mise en place d’un réel service de contrôle des prix et de la consommation à wallis-et-futuna
M. le président. La parole est à M. Mikaele Kulimoetoke, auteur de la question n° 195, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.
M. Mikaele Kulimoetoke. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le coût de la vie à Wallis-et-Futuna.
Je suis intervenu ici même, en juillet dernier, pour demander une adaptation du dispositif de l’aide au fret à Wallis-et-Futuna, ainsi que la création d’un service de contrôle des prix. J’attends encore des réponses concrètes.
Madame la ministre, seuls 18 % de notre population occupent un emploi salarié. L’indice des prix à la consommation était de 4,6 % à la fin de 2022, et il continue d’augmenter. Le commerçant qui achète un conteneur d’eau minérale en France doit payer cinq fois plus pour le transporter vers notre territoire. Le coût du transport des marchandises conditionne les prix à la consommation, qui sont devenus incontrôlables, car ils dépendent des compagnies maritimes qui ont le monopole de la desserte.
La population est également victime du laxisme des autorités, qui tolèrent, depuis 2017, une taxe non réglementaire de 18 % appliquée par la chefferie coutumière sur toutes les marchandises, dont les produits de première nécessité.
La seule banque de l’île, la BWF, contribue à asphyxier l’économie en bloquant l’activité des entreprises. Elle facture des frais exorbitants, refuse les ouvertures de compte, clôt abusivement les comptes privés et professionnels, et j’en passe… Ce sont autant de freins pour notre développement économique.
Madame la ministre, l’État est-il prêt à agir concrètement pour lutter contre la vie chère à Wallis-et-Futuna, d’une part, en créant un service de contrôle des prix pour garantir une pratique légale et cohérente et, d’autre part, en cofinançant l’achat d’un bateau qui sera exploité pour le territoire ?
Ce navire, commandé selon nos besoins en transport, assurerait ainsi la desserte maritime Nouméa-Fidji-Futuna-Wallis pour le fret et les passagers.
M. le président. Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Kulimoetoke, l’insularité et l’éloignement que connaît votre territoire accroissent des difficultés déjà importantes en matière de continuité territoriale et d’approvisionnement des populations locales. Il en résulte un renchérissement du coût de la vie.
Si l’inflation dans les îles de Wallis et Futuna est légèrement plus faible que dans l’Hexagone, elle s’applique à des prix initialement plus élevés. Pour faire face à cette situation, l’accord de modération des prix signé en 2022 comprend un bouclier qualité-prix regroupant 83 produits de grande consommation, soit 22 produits supplémentaires par rapport à celui de 2021. Il est en vigueur dans 18 points de vente.
Cet accord et ces améliorations ont été rendus possibles par les efforts des opérateurs économiques, notamment du principal importateur grossiste du territoire, qui ont limité leur marge sur des produits de première nécessité. Le renforcement du bouclier qualité-prix constitue aussi un moyen de soutenir la production locale, puisque 14 produits locaux en font aujourd’hui partie.
Nous souhaitons poursuivre ces efforts en nous inspirant de la démarche du « Oudinot du pouvoir d’achat », lancée dans les départements et régions d’outre-mer (Drom), pour étendre le bouclier prix de l’archipel à de nombreux secteurs et obtenir la contribution de nouveaux opérateurs, dont les acteurs du fret, qui ne sont pas aujourd’hui signataires de l’accord.
En ce qui concerne le coût de l’énergie, Wallis-et-Futuna a intégré le dispositif national de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et dispose à ce titre du bénéfice des tarifs réglementés de vente d’électricité.
Le territoire a ainsi bénéficié du bouclier tarifaire à 4 % en 2022 et disposera du bouclier tarifaire à 15 % en 2023.
réseaux d’éducation prioritaire en zones rurales fragiles
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, auteur de la question n° 025, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Olivier Rietmann. Madame la secrétaire d’État, vous le savez, la dimension territoriale des politiques publiques constitue la marque du Sénat. C’est pourquoi je souhaite vous interroger sur la déclinaison territoriale de l’enseignement scolaire en milieu rural.
Les territoires français sont multiples et ils rencontrent des difficultés ou bénéficient d’avantages que nous devons examiner avec lucidité. C’est d’ailleurs grâce à ce constat objectif que les politiques de l’éducation nationale ont été pensées, puis ciblées.
La définition de la carte de l’éducation prioritaire s’appuie ainsi principalement sur l’indice de position sociale (IPS), qui prend en compte les chances de réussite scolaire de l’élève à partir de la catégorie socioprofessionnelle de ses parents, de ses conditions matérielles de vie ou encore des pratiques culturelles dont il bénéficie.
Outre l’IPS, parmi les critères retenus pour qu’un établissement scolaire appartienne au réseau de l’éducation prioritaire (REP) est prise en compte, notamment, la concentration d’élèves issus de familles à faibles revenus résidant dans les quartiers prioritaires.
Or, dans le monde rural, la part de la population pauvre ne se concentre pas dans un quartier prioritaire. La pauvreté est moins densément concentrée, mais elle y est tout aussi présente.
La prise en compte de cette géographie sociale de notre pays est un impératif si l’on souhaite garantir le principe d’égalité entre les citoyens.
Certes, il existe une politique d’allocation progressive des moyens pour les établissements écartés du réseau REP. Vous m’en avez déjà parlé dans cet hémicycle lors d’une précédente séance de questions orales. Cependant, nous sommes bien loin des moyens mis en œuvre grâce au classement en REP : le dédoublement des classes, la prime pour les personnels d’éducation, la formation spécifique, les moyens de coordination, etc.
Madame la secrétaire d’État, je connais votre attachement à la justice sociale. Aussi, quand pensez-vous faire bénéficier ces écoles des secteurs ruraux éloignés et pauvres des mêmes moyens que l’éducation prioritaire des villes ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur, je connais votre attachement à l’égalité sur notre territoire. Vous avez été maire et conseiller départemental et, aujourd’hui, vous êtes sénateur d’un département riche et divers, qui ressemble au mien.
Il y a, c’est vrai, des différences d’un territoire à l’autre. L’excellent rapport du Sénat sur les nouveaux territoires d’éducation, porté par MM. les sénateurs Lafon et Roux, préconisait notamment de reconnaître les spécificités des territoires ruraux en sortant d’une lecture froide de cartes et de classements.
Ce rapport a été complété par un certain nombre d’études. Je pense au travail réalisé par Ariane Azéma et Pierre Mathiot sur les territoires et la réussite.
Je crois que nous devons procéder à une lecture plus souple de la réalité de l’isolement de certains territoires ruraux. Il importe donc de s’appuyer sur les élus locaux.
Les contrats locaux d’accompagnement (CLA) existent dans certaines académies. Trois sont en expérimentation depuis la rentrée 2021. Il existe aussi les territoires éducatifs ruraux (TER), qui permettent d’allouer des moyens supplémentaires.
Dans le cadre des expérimentations des CLA, le volontarisme des élus locaux a été impressionnant, en particulier dans votre territoire. Aussi, l’élargissement de ces mesures a été prévu dès la rentrée 2022 dans dix académies.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, nous complétons des dispositifs, tels que « École ouverte », « Vacances apprenantes » ou « Les Cordées de la réussite ». Mais l’égalité des chances réelle dépend avant tout de l’accès à la formation et de la qualité de cette dernière, du remplacement des enseignants ou de la mobilisation des élus locaux pour maintenir ouverte une école ou une classe, ou encore pour conserver certaines spécificités.
La réforme de la carte scolaire constitue le prochain rendez-vous qu’il ne faudra pas rater : datant de 2014, elle devra être adaptée pour mieux prendre en compte la réalité territoriale et l’engagement des élus. Voilà la condition de sa réussite, dans une perspective de justice.
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour la réplique.
M. Olivier Rietmann. Les choses sont pourtant simples, madame la secrétaire d’État : 70 %, voilà la proportion des élèves qui n’ont pas droit aux avantages de la REP pour la seule raison qu’ils vivent en milieu rural, à cause de ce critère de concentration de la pauvreté dans des territoires prioritaires. Il suffit donc de supprimer ou d’amender ce critère.
soutien des séjours scolaires dans les centres d’hébergement tels que les « classes de neige » ou les « classes de découvertes »
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, auteur de la question n° 276, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Cédric Vial. Madame la secrétaire d’État, ma question s’adressait à M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale.
Les séjours éducatifs dans les centres d’hébergement, tels que les classes de neige ou les classes de découverte, contribuent à donner du sens aux apprentissages par le contact direct avec un nouvel environnement. Ils permettent aux élèves d’agir ensemble dans des situations et des lieux nouveaux. La pertinence de ces voyages scolaires n’est plus à démontrer.
Même si nous constatons une reprise, à la suite de la crise de la covid-19, des réservations dans les stations de montagne, les enseignants rencontrent toujours des difficultés pour organiser ce type de séjours. En effet, la procédure mise en place est longue et fastidieuse. L’enseignant, une fois le dossier de demande d’autorisation finalisé après bien des difficultés, doit attendre au minimum huit semaines et jusqu’à trois mois pour obtenir une autorisation, quand il l’obtient…
De fait, les directions des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) refusent régulièrement de donner cette autorisation, en n’apportant pas de justifications ou en n’en apportant peu.
Cette réalité de terrain affecte le développement de ces classes de découverte, pourtant essentielles à nos enfants, mais aussi au modèle économique de ces établissements et de certaines stations lors des « ailes de saison ».
Avant la crise de la covid-19, une circulaire était en préparation pour simplifier cette procédure d’autorisation. À ce jour, elle n’est toujours pas parue.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a-t-il prévu de simplifier cette procédure d’autorisation pour faciliter la mise en œuvre des séjours éducatifs ? Et comptez-vous rappeler l’importance de ces séjours scolaires dans le cycle d’apprentissage de nos enfants ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Vial, je ne suis pas surprise par votre question, car je connais votre engagement pour permettre à nos jeunes de partir et de découvrir, par exemple, la Savoie, votre magnifique territoire. Je sais d’ailleurs que, lorsqu’ils mettent une seule fois les pieds dans le parc régional de la Chartreuse, ils n’ont plus envie d’en partir, ou tout du moins ils veulent y retourner au plus vite ! (Sourires.) Il faut leur faire découvrir la beauté de notre pays.
Concrètement, monsieur le sénateur, votre question porte sur la difficulté à obtenir des autorisations. Il faut remédier à ce problème pour soulager les enseignants, car, si ceux-ci n’organisent plus ces sorties, c’est parce que c’est trop lourd et trop cher.
Pour aller plus vite et les aider sur les questions de la mobilisation des fonds et de l’obtention des autorisations – car, oui, nous y croyons et, comme vous, je me battrai pour permettre à un maximum de jeunes de partir, à la montagne ou ailleurs –, le ministère s’implique.
Ainsi, un catalogue national des structures d’accueil et d’hébergement a été mis en ligne pour faciliter les démarches et gagner du temps. De plus, nous avons mis en place un outil interne, le site Éduscol. Nous labellisons également des transporteurs, dont nous savons qu’il est important qu’ils parlent français et sachent accompagner des enfants et des jeunes.
Ces mesures visent à gagner du temps et à simplifier l’organisation, autant pour les chefs d’établissement que pour les enseignants.
Il est aussi important de promouvoir les vacances scolaires auprès des familles, pour créer de la confiance : plus les familles accompagnent un projet, plus il est viable, car les enseignants sont mieux accompagnés – en toute sécurité, bien sûr.
Monsieur le sénateur, les structures qui accueillent nos enfants doivent être valorisées et soutenues, et pas seulement dans les territoires dont la qualité du patrimoine fait naturellement des territoires d’accueil, comme c’est le cas du vôtre – c’est aussi une question de modèle économique. C’est absolument essentiel.
Le catalogue national des structures d’accueil a donc vocation à recenser des structures labellisées. Notre objectif est de diminuer les délais d’autorisation de sorties scolaires, qui sont actuellement de quinze jours au minimum pour un déplacement dans le département même et de trois semaines dans un autre département ou pour un voyage à l’étranger.
Le plus important est de donner aux enseignants et aux familles les moyens de faire voir notre beau pays et ses territoires à nos enfants.
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour la réplique.
M. Olivier Rietmann. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Je ne doute pas de votre implication sur ce sujet, mais nous avons dorénavant besoin d’aides concrètes.
J’ai pu consulter le catalogue dont vous parlez. Il va effectivement dans le bon sens, de même que les discours et les incitations du ministère. Néanmoins, nous avons besoin de directives claires dans les départements, car c’est rarement le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) du département d’accueil qui refuse : c’est celui du département de départ des classes.
En l’état, les collectivités peuvent aider pour ce qui concerne les coûts, mais nous avons besoin d’une aide administrative. En l’occurrence, celle-ci passe par une circulaire du ministère, que nous attendons donc.
carte scolaire 2023-2024 en haute-vienne
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, auteure de la question n° 356, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Isabelle Briquet. Madame la secrétaire d’État, la carte scolaire 2023-2024, actuellement en préparation, augure une rentrée difficile dans beaucoup de départements, particulièrement dans le mien.
En l’état, l’académie de Limoges devrait rendre 23 postes dans le premier degré et 18 dans le second degré. La Haute-Vienne est particulièrement touchée par ces suppressions de postes et fermetures de classes.
Dans le premier degré, les chiffres sont évocateurs : 11 suppressions de postes, 25 fermetures de classes, zéro création de postes en brigade de remplacement…
Alors que la situation est déjà fortement dégradée – faute de moyens, nous avons pu recenser jusqu’à 100 classes privées d’enseignant en fin d’année 2022 –, nous nous interrogeons sur l’avenir. Comment faire face au dédoublement des grandes sections ? Comment aller plus loin dans l’inclusion scolaire en supprimant des postes et en fermant des classes ?
Compte tenu de l’impossibilité de satisfaire sur le terrain les demandes ministérielles récurrentes et du constat que je viens d’évoquer, ne pensez-vous pas, madame la secrétaire d’État, qu’un moratoire sur la fermeture de classes s’impose ?
Enfin, pourriez-vous m’expliquer comment la baisse des moyens humains pourrait permettre d’améliorer la qualité et la continuité du service public de l’éducation nationale, déjà fortement sous-doté en Haute-Vienne ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice, l’éducation nationale prend acte de la tendance démographique, qui est malheureusement à la baisse. Sur la durée du quinquennat, nous allons perdre plus de 500 000 élèves… C’est un demi-million d’enfants scolarisés en moins !
Or en raison de la priorité donnée à l’école, le Gouvernement fait le choix de préserver l’emploi enseignant malgré cette baisse démographique, qui ne se répercute pas de manière mathématique sur les pertes d’emplois : celles-ci sont limitées à 2 000 emplois, soit 0,19 % de l’ensemble des postes du ministère.
Madame la sénatrice, vous me parlez spécifiquement de votre territoire, la Haute-Vienne.
Dans ce département, malgré la baisse démographique de 2 378 élèves, quelque 54 emplois ont été attribués entre 2017 et 2022. Le nombre moyen d’élèves par classe est de 21,71 à la rentrée 2022. Il s’agit bien sûr d’une moyenne, qui masque, comme c’est le cas dans mon département, des écarts réels d’un établissement à l’autre. Pour autant, ce chiffre dénote une amélioration par rapport à l’année 2017, où il était de 23,41 élèves par classe. De même, le nombre de professeurs augmente.
La préparation de la carte scolaire sera l’occasion, avec les élus locaux et la représentation nationale, d’apporter, in fine, un regard spécifique et plus juste sur le territoire.
Dans la Haute-Vienne, chaque année, la situation de chaque école est examinée au travers d’une pluralité de critères, car c’est cela qui fonde l’intelligence territoriale : élèves à besoins particuliers, présence d’une unité localisée pour l’inclusion scolaire, existence d’une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants, école en milieu rural, organisation pédagogique, ressources humaines…
Plus largement, nous devons évaluer l’attractivité de l’école dans nos départements. Toutefois, madame la sénatrice, vous pouvez compter sur la mobilisation du ministre de l’éducation nationale pour porter un regard individuel sur chaque territoire.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.
Mme Isabelle Briquet. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de l’attention que vous souhaitez porter à chaque territoire, mais votre réponse dénote une contradiction.
Vous nous donnez des chiffres : la Haute-Vienne comptera en effet 63 élèves de moins à la rentrée prochaine, mais ceux-ci se répartissent dans 247 écoles, qui perdront donc en moyenne 1,4 enfant. Ce chiffre ne me semble pas considérable… Or, dans le même temps, au dédoublement des classes de CP et de CE1 s’ajoute celui des grandes sections de maternelle, alors que les moyens dont nous disposons sont déjà insuffisants.
La seule réponse que vous apportez relève d’une logique comptable, mais vous ne précisez pas que le taux d’encadrement en Haute-Vienne est, de l’aveu même de vos services, inférieur à la moyenne nationale. Il nous faut absolument répondre à la détresse des enseignants et au désarroi des parents, qui se battent au quotidien pour l’école républicaine.
situation des salariés en retraite progressive et arrêts maladie longs
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 239, transmise à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Michel Savin. Madame la secrétaire d’État, en décembre 2019, le Parlement a voté une nouvelle version de l’article L. 323-2 du code de la sécurité sociale, avec l’objectif de limiter le nombre d’indemnités journalières pouvant être touchées par une personne en situation de cumul emploi-retraite.
Depuis lors, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) interprète de manière extensive ce dispositif, en l’appliquant aux personnes en situation de retraite progressive ne touchant qu’une fraction de pension.
Depuis maintenant deux ans, nombre de ces retraités progressifs se sont retrouvés dans une situation intenable en cas d’arrêt maladie prolongé ou à répétition, touchant seulement une fraction de pension, mais plus de salaire, ni d’indemnité maladie.
Dans certains cas, la CPAM a réclamé tardivement les indemnités indues à ces retraités progressifs, qui doivent ainsi rembourser des sommes considérables.
La plupart de ces personnes ont dû prendre leur retraite de façon précipitée, y compris lorsqu’elles n’avaient pas tous leurs trimestres de cotisation, menaçant ainsi l’intérêt même du dispositif des retraites progressives, prévu pour faciliter l’emploi des seniors.
Ma question est donc double : alors que le projet du Gouvernement est désormais de repousser l’âge de départ à la retraite, est-il prévu de modifier l’article L. 323-2 du code de la sécurité sociale pour en exclure les retraités progressifs ?
Le cas échéant, cette modification pourrait-elle avoir un effet rétroactif, afin d’aider les personnes qui sont actuellement confrontées à cette interprétation injuste de la loi par la CPAM ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Savin, votre question est très claire et objective. Permettez-moi de vous lire une réponse technique que m’a transmise le ministre du travail.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a en effet limité le versement des indemnités journalières pour maladie à soixante jours pour les assurés bénéficiant d’un avantage vieillesse.
Or je vous annonce, monsieur le sénateur, que le projet de loi présenté hier lundi prévoit de limiter la durée de versement des indemnités journalières aux seuls assurés en cumul emploi-retraite et non plus aux assurés en retraite progressive, afin de ne pas pénaliser ces derniers, tout en favorisant les situations de maintien en activité des assurés en cumul emploi-retraite.
Cette mesure s’inscrit dans l’objectif d’amélioration et de généralisation des dispositifs de transition entre l’activité et la retraite, afin de mieux préparer les fins de carrières, de favoriser des transitions douces et de permettre à ceux qui le souhaitent de travailler plus longtemps. Les améliorations du cumul emploi-retraite et de la retraite progressive portées par le projet de loi sont au cœur de notre stratégie en faveur de l’emploi des seniors.
Monsieur le sénateur, je me tiens, ainsi que le ministre du travail, à votre disposition pour vous apporter un complément d’information si nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.
M. Michel Savin. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Nous resterons bien sûr vigilants, pour faire en sorte que cette modification figure bien dans le texte présenté au Parlement.
En revanche, vous ne m’avez pas répondu sur l’aspect rétroactif de cette modification. Nous aborderons ce sujet lors du débat parlementaire sur la question des retraites, qui viendra dans quelques jours, car plusieurs milliers de personnes se retrouvent aujourd’hui dans une situation financière très difficile.
calcul des retraites agricoles
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, auteure de la question n° 368, adressée à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Mme Monique Lubin. J’attire l’attention du Gouvernement sur l’application de la loi du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer. En effet, cette loi a pour objet de rehausser à 85 % du Smic, soit 1 150 euros net par mois au 1er janvier 2023, la retraite minimum des anciens chefs d’exploitation agricole ayant eu une carrière complète.
Cette revalorisation est entrée en application le 1er novembre 2021, mais de nombreux agriculteurs appellent mon attention sur la façon dont elle est calculée par les caisses de la mutualité sociale agricole (MSA).
En effet, des retraités agricoles m’ont fait savoir qu’ils ont perçu une augmentation dérisoire, car la MSA avait pris en compte la bonification pour enfants dans le calcul des pensions à verser, ce qui réduit d’autant et de manière significative la portée de la loi, dont l’application devient de ce fait assez lacunaire.
De toute évidence, les bonifications pour enfants n’ont pas vocation à être prises en compte dans le calcul des pensions concernées. Que compte donc faire le Gouvernement pour faire prévaloir la norme dans cette situation ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice, vous posez la question des conditions d’écrêtement du complément différentiel de retraite complémentaire obligatoire versé, sous conditions, aux anciens chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole.
Je tiens tout d’abord à rappeler à quel point nous sommes attachés aux conditions de vie et à l’accompagnement de nos agriculteurs. Nous savons que les revenus tirés de cette activité, si noble et nécessaire, sont, de fait, bien faibles et instables. Le Gouvernement a ainsi défendu, notamment en 2020 et en 2021, les mesures de la revalorisation des retraites agricoles que cette assemblée a adoptées.
Le complément auquel vous faites référence a vocation à porter les droits personnels de base et complémentaires servis par le régime de retraite des non-salariés agricoles à un montant minimal, tout en tenant compte des autres pensions personnelles de retraite perçues par l’assuré.
Pour tenir compte de ces pensions, le complément différentiel fait l’objet d’un écrêtement. Autrement dit, si la somme de l’ensemble des pensions personnelles perçues par l’assuré et du complément différentiel calculé selon les dispositions de l’article D. 732-166-4 du code rural et de la pêche maritime dépasse 85 % du Smic net agricole, le complément est réduit à due concurrence du dépassement.
C’est un peu technique, mais cet article répond à votre question, madame la sénatrice, en particulier son deuxième alinéa, qui prévoit que les bonifications pour enfant afférentes aux pensions personnelles de l’assuré sont prises en compte pour l’écrêtement du complément.
Le mouvement de revalorisation des petites pensions se poursuivra dans la réforme des retraites qui sera examinée au Parlement en ce début d’année 2023.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Madame la secrétaire d’État, tout d’abord, laissez-moi formuler un rappel historique. La loi dont nous parlons est la loi Chassaigne ; elle est donc d’origine parlementaire et ne découle en aucun cas de la volonté du Gouvernement, qui s’y était dans un premier temps opposé !
En effet, il n’y a pas de cumul possible lorsque, pour des polypensionnés, ces 85 % du Smic ne concernent que ceux qui ont une retraite agricole à taux plein.
Toutefois, je ne vois vraiment pas pourquoi nous pénaliserions ceux qui ont eu des enfants. Si nous prenons le problème de manière technique, un agriculteur qui n’a pas eu d’enfant verra sa retraite majorée jusqu’à 85 % du Smic, mais pas un agriculteur qui a eu des enfants, celui-ci étant de fait pénalisé… C’est le monde à l’envers !
J’espère que, dans ce projet de loi auquel vous prêtez énormément de vertus nous corrigerons le tir. En tout cas, je m’y emploierai !
recrutement dans la fonction publique territoriale pour des postes à horaires atypiques
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, auteur de la question n° 314, adressée à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
M. Pierre Médevielle. Ma question s’adressait à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques et concerne le cas des collectivités territoriales qui, faute de candidats à certains postes, ne peuvent pas satisfaire à leurs obligations légales.
Il s’agit d’un problème récurrent. Les fonctionnaires territoriaux à la retraite souhaitant exercer une activité professionnelle dans le secteur public ne doivent pas avoir atteint la limite d’âge de droit commun applicable aux agents contractuels de droit public et aux fonctionnaires dits « sédentaires ». Celle-ci est fixée à 67 ans pour les générations nées à compter du 1er janvier 1955, sauf dispositions spécifiques prévues dans les statuts particuliers.
Or de nombreuses collectivités territoriales peinent à recruter des agents pour des missions à horaires atypiques tels que les postes d’accompagnateurs de bus, qui ont pour rôle d’assister les enfants âgés de 3 ans à 6 ans utilisant les transports scolaires – une heure le matin et une heure l’après-midi, quatre jours par semaine.
Madame la secrétaire d’État, serait-il envisageable, dans le cas où la collectivité territoriale ne dispose pas d’autres candidats, de recruter de manière dérogatoire des fonctionnaires retraités âgés de plus de 67 ans ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur, vous avez été, en tant que maire, confronté aux difficultés de recrutement qui persistent dans nombre de nos territoires.
M. Pierre Médevielle. Pendant cinq mandats !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Il est sûr que, en cinq mandats, vous avez pu constater les évolutions et parfois les difficultés croissantes de recrutement, notamment pour les emplois aux horaires les plus atypiques.
Vous le savez, monsieur le sénateur, les territoires les plus ruraux sont autant concernés que les plus urbains. Même chez moi, à Nantes, nous rencontrons des difficultés pour certains emplois. Cela nous interroge, plus largement, sur les contraintes qui pèsent actuellement sur l’organisation du travail, donc, de fait, sur le recrutement dans certains métiers.
Il est important, pour la continuité du service public, de disposer de marges d’adaptation, qui prennent en compte l’intérêt partagé des employeurs et des agents tout en respectant les garanties statutaires.
Il se trouve que les ministres Stanislas Guerini et Dominique Faure travaillent à cet effet à une meilleure coordination avec les employeurs territoriaux. Nous menons, en 2023, un chantier pour répondre au défi de l’attractivité de la fonction publique, en trouvant des voies et moyens apportant des solutions concrètes. Ce travail porte notamment sur l’évolution de l’accès, des parcours et des rémunérations dans la fonction publique.
Monsieur le sénateur, en réponse à votre question très spécifique, la réforme des retraites prévoit le recul à 70 ans, au lieu de 67 ans, de l’âge limite pour travailler, pour un agent relevant de la fonction publique, comme c’est le cas dans le privé. Nous donnons donc de nouveaux moyens aux collectivités, ce que vous appelez, me semble-t-il, de vos vœux.
La possibilité ainsi laissée aux agents publics désireux de prolonger à titre personnel leur activité professionnelle pourra répondre aux besoins que vous exprimez.
Vous le voyez, le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation de nos agents publics, comme, plus largement, aux enjeux d’attractivité de la fonction publique, car c’est une nécessité pour nos territoires et pour le service public.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. Pierre Médevielle. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre compassion et de cet espoir de voir l’âge limite reporté à 70 ans. C’est en effet nécessaire.
Nous parlons beaucoup aujourd’hui du travail des seniors. Or, pour notre part, nous avons des volontaires, qui sont en parfaite santé physique. Il serait dommage de se passer de leurs services et de conseiller au maire de continuer à faire du bricolage, au mépris de toutes les règles de légalité.
dysfonctionnements persistants du système de prise de rendez-vous pour les demandes de visas
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, auteur de la question n° 357, adressée à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Yan Chantrel. Madame la secrétaire d’État, ma question s’adressait à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
À la suite de plusieurs déplacements sur le terrain, je souhaiterais vous interpeller sur les dysfonctionnements persistants du système de prise de rendez-vous pour les demandes de visas.
Depuis quelques années, les prises de rendez-vous pour une demande de visa sont externalisées à des prestataires privés, au lieu d’être effectuées par les postes consulaires dont les effectifs ne cessent de se réduire.
Cette externalisation a eu des effets pervers, qui créent des inégalités de traitement inacceptables et nuisent fortement à l’image et à la réputation de notre pays.
Tout d’abord, les demandes de visas des conjoints de ressortissants français, qui étaient auparavant gratuites, sont désormais soumises à des frais de prises en charge par le prestataire privé. Or les sommes sont parfois très importantes en rapport au niveau de vie local, notamment en Asie ou en Afrique.
Pis encore, ces prestataires privés proposent des services additionnels facultatifs aux demandeurs de visa qu’ils vendent sous les dénominations trompeuses d’« offre premium » ou d’« offre VIP », à des prix exorbitants. Ces pratiques commerciales sont intolérables dans le cadre de la prise en charge d’un service public, d’autant qu’elles peuvent laisser faussement croire à un traitement prioritaire ou plus rapide de la demande de visa.
Enfin, l’externalisation de ces prises de rendez-vous a entraîné le développement d’officines, qui préemptent les créneaux de prise de rendez-vous auprès du prestataire pour les revendre à des prix abusifs. La pénurie de rendez-vous que ces officines provoquent à dessein laisse à penser aux demandeurs de visas qu’elles sont le seul recours pour obtenir un rendez-vous de dépôt d’un dossier de demande de visa.
Aussi, quelles sont les mesures que le gouvernement compte mettre en œuvre pour mettre fin à ces dérives, voire à ces escroqueries, et pour rétablir l’égalité de traitement et de dignité des demandeurs de visa, dans le respect des valeurs de la République et du service public ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Chantrel, je vous prie d’excuser l’absence de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui m’a chargée de vous répondre.
Pour avoir longtemps vécu au Maroc, cette problématique m’est familière, y compris à titre personnel.
Les visas pour les conjoints de Français sont délivrés gratuitement et de plein droit. En cas d’externalisation, seuls les frais de service sont à régler au prestataire de services. Cependant, les conjoints de Français sont prioritaires ; partout où cela est possible, des dispositions sont prises pour faciliter leur accès aux services du prestataire, pour déposer une demande de visa.
Dans une majorité de pays, des créneaux de rendez-vous sont clairement identifiés pour les demandeurs. Les conjoints de Français peuvent également déposer leur demande sans rendez-vous, sur simple présentation chez le prestataire d’un justificatif récent prouvant le lien matrimonial avec le ressortissant français.
Enfin, si la règle veut que les demandeurs ne peuvent être accompagnés lorsqu’ils déposent leur demande de visa, les postes consulaires et les prestataires peuvent l’autoriser au cas par cas, en fonction du besoin exprimé et de la nécessité de l’accompagnement. Des consignes ont été passées, et même rappelées, pour qu’ils fassent preuve de souplesse s’agissant des conjoints de Français.
Pour ce qui est des officines, et au-delà des rappels adressés à nos postes sur la gratuité de la prise de rendez-vous, plusieurs mesures de lutte contre la revente des rendez-vous ont été mises en place, pour faire obstacle à la préemption de rendez-vous par des officines, par exemple par le prépaiement des frais de service ou le blocage des adresses IP. Nous y allons franchement, si je puis dire, car ce qui se passe est honteux.
Ces mesures ont malheureusement parfois des effets limités, dans la mesure où le recours à une intermédiation pour les démarches administratives est très répandu dans certains pays, où il est souvent légal.
Notre réseau diplomatique et consulaire veille à ce que les demandeurs soient accueillis dans les meilleures conditions et à ce que, lorsque la collecte est externalisée, l’action des prestataires soit très étroitement encadrée et contrôlée par les services de l’État.
La situation est-elle perfectible ? Sans aucun doute, monsieur le sénateur, comme dans toute organisation. Nous y travaillons.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.
M. Yan Chantrel. Madame la secrétaire d’État, je note et apprécie votre volonté d’agir sur ce dossier.
Peut-être serait-il judicieux de mettre en place un groupe de travail pour réfléchir à cette question. J’effectuerai pour ma part d’autres visites sur le terrain pour identifier de potentielles améliorations. Je ne manquerai pas de revenir vers vous pour vous en faire part.
calcul de la dotation globale de fonctionnement
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 143, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. Philippe Bonnecarrère. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur le caractère que j’ai qualifié, par pudeur, de « difficilement explicable et justifiable » de la dotation globale de fonctionnement perçue par la commune de Labastide-de-Lévis. Cette commune particulièrement honorable du département du Tarn compte près de 1 000 habitants et perçoit une DGF de 58 euros par habitant en 2022.
Je me suis permis de transmettre, à l’intention du ministère du budget, un tableau faisant apparaître deux éléments. Tout d’abord, il existe un écart d’un à six en matière de DGF au sein de l’intercommunalité entre la commune de Labastide-de-Lévis et la commune qui perçoit le plus haut niveau de DGF. Ensuite, la commune la moins dotée après Labastide-de-Lévis perçoit tout de même le double de ce que celle-ci perçoit.
Nous avons eu beaucoup de difficultés à obtenir des réponses. Une réponse récente, qui ne convainc pas du tout la commune, met en avant le niveau des revenus, dont nous ne pouvons obtenir de justificatif de la part de l’administration, et les valeurs locatives, dont le Gouvernement sait bien qu’elles sont obsolètes.
En résumé, nous avons l’impression de nous trouver dans une situation de profonde injustice. Madame la secrétaire d’État, êtes-vous en mesure d’apporter une réponse constructive à cette commune, afin de corriger une situation que je qualifierai d’« anormalement défavorable » ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur, il ne faut pas laisser s’installer des sentiments d’injustice : notre pacte social est en jeu quand surgissent de telles incompréhensions ou lorsque l’on ne parvient pas à obtenir de réponse à ses interrogations. Au-delà même de la question technique se pose celle de la relation entre l’État et les élus locaux.
En 2022, le potentiel financier par habitant de la commune de Labastide-de-Lévis est passé de 753 euros à 809 euros. Cette progression est pour une grande partie attribuable à la modification de la répartition et de l’enveloppe dédiée aux attributions de compensation de l’intercommunalité.
Jusqu’à l’année 2020 incluse, la communauté d’agglomération prélevait 7,4 millions d’euros sur ses communes membres. À partir de 2022, la communauté d’agglomération leur a reversé 5,8 millions d’euros. Le niveau de la DGF alloué en 2022 à la commune de Labastide-de-Lévis a ainsi été orienté à la baisse, diminuant de 66 591 euros à 56 195 euros.
Cela s’explique par deux mécanismes de répartition distincts, qui s’appuient sur des indicateurs parfaitement objectifs. La commune dispose depuis 2022 d’un niveau de ressources fiscales réelles et potentielles qui est globalement supérieur à la moyenne – les fameux 809 euros par habitant, contre 757 euros en moyenne dans les communes comptant entre 500 et 1 000 habitants. Elle a donc subi un écrêtement de sa dotation forfaitaire conduisant à sa diminution d’environ 1 885 euros.
Ce mécanisme est suspendu par la loi de finances pour 2023 et n’affectera donc pas la DGF de la commune en 2023. Si la population de la commune augmente, cette dotation forfaire en fera de même.
S’agissant des dotations de péréquation, l’augmentation du potentiel financier de la commune en 2021 et 2022 a fait perdre à cette dernière son éligibilité à la dotation nationale de péréquation, qui représentait 9 318 euros en 2021.
Monsieur le sénateur, la suite de la réponse est technique. Je me tiens à votre disposition pour vous la communiquer ultérieurement, de même que l’ensemble des réponses attendues par les élus locaux, afin de ne pas laisser s’installer un sentiment d’injustice.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.
M. Philippe Bonnecarrère. Je vous remercie de ces éléments, madame la secrétaire d’État. Je ne suis pas tout à fait convaincu par l’argument de la dotation de compensation par l’agglomération, puisque nous aurions, le cas échéant, des effets homogènes sur l’ensemble des communes de cette intercommunalité.
Tout en prenant acte de vos indications, nous avons vraiment le sentiment qu’il y a une injustice.
Si je devais résumer la situation, lorsqu’une équation aboutit à un résultat absurde, on la refait. Et si l’on obtient toujours un résultat absurde, il y a deux solutions : soit la formule n’est pas bonne, soit les données que l’on intègre ne sont pas bonnes.
Notre sentiment est que les données intégrées ne sont pas bonnes. Aussi, nous vous demandons, madame la secrétaire d’État, de les vérifier de nouveau.
modes de financement du service public d’élimination des déchets
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la question n° 207, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Actuellement, les communes et leurs groupements ont le choix entre trois modes de financement du service public d’élimination des déchets : le budget général, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom), la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (Reom).
Nous le savons, tous ces modes ne se valent pas pour les collectivités, qui, pour sécuriser le recouvrement, sont de plus en plus nombreuses à opter pour la Teom ou à y revenir.
Impôt local assis sur le foncier bâti, la Teom est perçue avec la taxe foncière ; la somme varie en fonction de la valeur locative cadastrale du bien. Elle a pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères non couvertes par des recettes non fiscales. En ce sens, elle diffère de la Reom, dont le montant est calculé en fonction de l’importance du service rendu et de la quantité de déchets produite.
Par conséquent, pour les garages, les emplacements de parking et les piscines, locaux par essence non habités et dont l’utilisation ne produit généralement pas d’ordures ménagères, les propriétaires doivent acquitter une contribution si la collectivité chargée de la gestion des déchets fait le choix de la voie fiscale, alors que cette contribution sera nulle dans l’hypothèse d’un financement au service rendu.
Par ailleurs, et toujours dans le cadre du choix par la commune de la voie fiscale, des bacs et collectes de déchets sont prévus même pour les locaux par essence non habités, ce qui entraîne un coût non négligeable, notamment pour les syndicats.
Aussi, et dans le souci d’une plus grande équité et d’une rationalisation des coûts, je souhaite savoir si, pour les contribuables dont la propriété n’est pas source de déchets, un ajustement du système Teom pourrait être envisagé.
Par exemple, sur le feu modèle de la contribution à l’audiovisuel public lors de la déclaration d’impôt sur les revenus, ne pourrait-on envisager d’indiquer expressément une propriété non-source de déchets afin de bénéficier d’une exonération ou d’un abattement de la Teom ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Louis-Jean de Nicolaÿ, je vous remercie de votre question relative à la région des Pays de la Loire – avant de répondre à celle que va me poser dans un instant Laurence Garnier –, région qui nous est chère à tous deux. (Sourires.) Dans la mesure où elle est technique, je vous apporterai une réponse complémentaire écrite, car il me semble nécessaire d’examiner de manière approfondie les modalités que vous proposez, ce qui m’est impossible dans les deux minutes qui me sont imparties.
Comme vous le rappelez, pour financer le service public de collecte et de traitement des déchets, les collectivités ont le choix entre le recours au budget général, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ou la redevance d’enlèvement des ordures ménagères.
Sont assujettis à la Teom tous les redevables de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), indépendamment de l’utilisation du service de collecte et de traitement des déchets ménagers. L’exemple des garages que vous avez pris est en ce sens très pertinent.
Cette situation découle de la nature même d’imposition de la Teom, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une redevance. Au-delà de cette réalité juridique, elle est la contrepartie de la simplicité qu’offre la Teom pour les collectivités.
Monsieur le sénateur, afin d’encourager la réduction et le tri des déchets, une tarification incitative peut être instaurée dans le calcul de la Reom ou de la Teom, par l’introduction d’une part variable qui dépend de la quantité et, éventuellement, de la nature des déchets produits par chaque ménage.
Aussi, pour les locaux ne produisant pas de déchets, la part incitative est susceptible d’être nulle, ce qui répond en grande partie – mais pas totalement – à vos préoccupations.
À cet égard, plusieurs mesures ont été adoptées ces dernières années pour favoriser le recours à la part incitative de la Teom par les EPCI.
En outre, pour accompagner les collectivités dans la mise en place d’une tarification incitative, tant pour la Teom que pour la Reom, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) met ses capacités d’expertise et de conseil à disposition des collectivités locales, tout en leur apportant une aide financière.
conséquences du plan de fermeture du réseau téléphonique en cuivre
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, auteure de la question n° 290, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.
Mme Laurence Garnier. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur le plan de fermeture du réseau téléphonique en cuivre, qui fait suite à l’arrivée de la fibre optique. Il s’agit d’un plan en deux temps : un temps de transition jusqu’en 2025, un temps de fermeture entre 2026 et 2030.
Si l’on comprend bien la nécessité de s’adapter aux technologies actuelles, ce plan de fermeture pose un certain nombre de questions aux élus des communes, notamment à ceux de la Loire-Atlantique, département que vous connaissez bien, madame la secrétaire d’État. (Sourires.)
Je me fais ici même le relais des interrogations du syndicat d’énergie de Loire-Atlantique, le Sydela, sur deux points en particulier.
Le premier point concerne tous les services d’urgence et les lignes téléphoniques qui utilisent aujourd’hui le réseau cuivre. Je pense à des infrastructures comme les gymnases, au service de téléalarme pour les personnes âgées, aux ascenseurs ou au centre de traitement des appels d’urgence dans notre pays.
Le second point concerne les modalités d’organisation et de financement du démantèlement du réseau cuivre.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que, même si les communes peuvent être propriétaire d’infrastructures passives telles que des fourreaux, c’est bien Orange qui procédera au retrait des câbles et que ces opérations n’auront pas d’impact financier pour les communes ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice Laurence Garnier, en effet, nous portons toutes les deux un regard particulier sur la Loire-Atlantique…
Orange a présenté son plan d’extinction du réseau cuivre, plan qui a fait l’objet d’une consultation publique – vous l’avez suivie, à l’instar des syndicats. L’arrêt du réseau cuivre est largement souhaitable pour l’ensemble de la filière à de nombreux égards, notamment pour des raisons écologiques, la fibre étant trois fois moins énergivore que le cuivre, ce qui, dans le contexte que nous connaissons, est un enjeu important qu’il faut prendre en compte.
Toutefois, madame la sénatrice, comme vous l’avez souligné, la transition du cuivre vers la fibre doit s’accompagner des garanties nécessaires de disponibilité, de qualité et d’abordabilité des services à l’égard de nos concitoyens et des collectivités.
Vous avez évoqué des cas très particuliers, comme la téléassistance pour les personnes âgées, qui sont parmi les publics les plus vulnérables et les plus susceptibles d’être en difficulté ; à ce titre, il nous faut préserver ce dispositif essentiel pour nos aînés. Si le numérique peut être une aide au quotidien pour nos concitoyens, tous ces services sont dépendants du réseau. Certains d’entre eux sont déjà compatibles avec la voix sur IP, donc via le réseau internet.
L’ensemble des fédérations ont été informées dès 2015 du programme de fin du réseau téléphonique commuté, le RTC. Les solutions sont donc clairement identifiées aujourd’hui : il s’agit soit de les faire migrer sur la fibre, soit de privilégier l’usage de la technologie GPRS/GSM (General Packet Radio Service/Global System for Mobile Communications).
Une circulaire a été transmise à l’ensemble des préfets pour les inciter à la vigilance que vous appelez de vos vœux : il leur incombe, car c’est une nécessité, de prévoir une information beaucoup plus large et transparente auprès des élus locaux et de rassurer nos concitoyens, nombre d’entre eux étant inquiets de l’arrêt du réseau cuivre.
Madame la sénatrice, je vous adresserai un état des lieux spécifique de la situation Loire-Atlantique, puisque vous y tenez.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour la réplique.
Mme Laurence Garnier. Madame la secrétaire d’État, vous avez répondu sur le premier volet de la question et m’avez rassurée sur un certain nombre de points, même si tout reste à construire.
En revanche, vous n’avez pas répondu sur le financement du démantèlement du réseau et la charge financière éventuelle pour les communes, qui s’en inquiètent. Je serai donc preneuse d’éléments supplémentaires sur cette problématique particulière.
déploiement de la fibre dans les territoires
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 331, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la secrétaire d’État, lancé en 2013, le plan France Très haut débit, créé pour que l’ensemble des Français aient une connexion internet ultrarapide, fête cette année ses dix ans. Si le déploiement du réseau fibré a incontestablement progressé, les dysfonctionnements sont légion – et c’est peu dire !
Dans mon département, en Essonne, nous sommes raccordés à 93 %, mais ce chiffre n’est qu’un trompe-l’œil. Dans la pratique, les interventions sont bâclées, les armoires de connexions dégradées, les déchets de chantiers laissés sur place après travaux, etc. La liste est longue, et non exhaustive.
Sont en cause la multiplicité des réseaux et des acteurs ainsi qu’un recours excessif à plusieurs niveaux de sous-traitance. Résultat : en cas de problème, personne n’est responsable de rien et chacun se renvoie la balle !
Dernièrement encore, mon collègue Grégoire de Lasteyrie, maire de Palaiseau et président de la communauté d’agglomération Paris-Saclay, a été contraint de saisir à deux reprises le gendarme des télécoms, l’Arcep, ou Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, sur les dysfonctionnements du réseau très haut débit (THD). Il lui a transmis tous les éléments tendant à caractériser les délits, notamment les dégradations volontaires commises par les sous-traitants opérant sur les infrastructures de réseau.
L’Arcep, qui aurait dû dénoncer ces faits au procureur, s’est contentée de répondre que le taux de raccordement du territoire était conforme à la moyenne nationale. Fermez le ban !
C’est donc l’agglomération qui a dû adresser une plainte au procureur de la République d’Évry, conduisant celui-ci à diligenter une enquête judiciaire, laquelle est en cours depuis près de deux ans. C’est tout à fait inacceptable !
Le déploiement de la fibre doit être mieux encadré. Les règles et procédures doivent être revues en profondeur. Si l’Arcep ne souhaite pas agir concrètement, donnons aux collectivités les moyens de le faire, mais aussi d’obtenir des réparations !
Madame la secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour soutenir les élus de la République et les populations qui les ont élus ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Hugonet, nous cherchons à vous soutenir toujours, chaque fois que nécessaire sur votre territoire, notamment sur les sujets qui nous réunissent dans le cadre des travaux de la commission de la culture, l’éducation et de la communication. Votre question porte sur la souffrance de certains territoires face aux dysfonctionnements particulièrement forts en matière de qualité d’exploitation des réseaux fibre.
Ces difficultés, qui pénalisent les usagers dans leur vie de tous les jours, sont le fruit de plusieurs facteurs.
D’abord, le rythme annuel de raccordements est extrêmement élevé.
Ensuite, certains réseaux FttH (Fiber to the Home) sont historiquement mal dimensionnés, ce qui est particulièrement vrai dans votre département de l’Essonne, monsieur le sénateur.
Enfin, il est recouru à un nombre trop important de niveaux de sous-traitance peu formée.
Face à l’accroissement des difficultés et des signalements sur les réseaux fibre, le Gouvernement et l’Arcep ont saisi la filière, afin qu’elle formule rapidement des propositions d’amélioration de l’exploitation de ces réseaux. Celles-ci s’articulent autour de trois axes.
Le premier axe porte sur le renforcement de la qualité des interventions.
Le deuxième axe porte sur le renforcement des contrôles à la fois par la transmission des opérateurs commerciaux de leurs plannings d’intervention et par la mise en œuvre de comptes rendus d’intervention permettant le contrôle mutuel entre opérateurs.
Le troisième axe porte sur la reprise des infrastructures dégradées, que ce soit au niveau des points de mutualisation ou des réseaux vieillissants ou mal dimensionnés qui nécessitent une reprise globale de l’infrastructure.
Plusieurs opérateurs ont déjà notifié un plan de reprise de 1 000 points de mutualisation à l’Arcep, correspondant à 450 000 locaux. Dans l’Essonne, ce sont environ 200 points de mutualisation que les deux opérateurs d’infrastructures, XpFibre et Altitude, se sont engagés à reprendre.
Le Gouvernement veille et veillera à la mise en œuvre effective de ces trois axes par les opérateurs et en a confié le contrôle à l’Arcep. Des points de suivi réguliers sont prévus en présence des associations d’élus, ce qui fait toute la différence.
L’annonce récente d’un droit au très haut débit permettra de garantir à l’ensemble de nos concitoyens une connexion de qualité nécessaire aux usages que vous mentionnez, personnels autant que professionnels.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la secrétaire d’État, je connais votre dynamisme, mais le plateau de Paris-Saclay est un cluster d’excellence internationale ; or nous assistons à du bricolage. Il y a urgence à agir !
cancer du sein et prothèses capillaires
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, auteure de la question n° 260, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Élisabeth Doineau. Chaque année, l’opération Octobre rose nous réunit toutes et tous. Cette manifestation montre que la lutte contre le cancer du sein nous mobilise et qu’il s’agit d’une priorité. C’est le cancer le plus fréquent en France et il représente la première cause de décès par cancer chez la femme. Il fait l’objet d’un programme national de dépistage afin d’être détecté précocement et d’en réduire la mortalité, ce dont nous nous félicitons collectivement.
Il n’en reste pas moins que les traitements sont lourds. En matière de cancer du sein, les protocoles de chimiothérapie s’accompagnent immanquablement d’une alopécie dont on peut mesurer l’impact très négatif sur le quotidien des patientes.
La prise en charge par l’assurance maladie des prothèses capillaires fait apparaître d’importantes lacunes.
J’ai été interpellée sur ce sujet par Pascal Beau, directeur d’Espace social européen, qui partage l’analyse dressée à l’unanimité par les élus de l’assurance maladie, les associations de patients, la Ligue contre le cancer et la Fédération nationale de la mutualité française.
Malgré une amélioration de la réglementation depuis 2019, un défaut d’information à destination des patientes subsiste et il conviendrait d’aller davantage vers elles. Par ailleurs, la difficulté d’accès aux prothèses composées de cheveux naturels et leur coût contraignent les patientes à un renouvellement régulier des produits prothétiques, contrainte qui accroît le reste à charge.
Dans les faits, seulement 40 % des 60 000 personnes éligibles à une prise en charge en bénéficient. La Caisse nationale d’assurance maladie évalue le coût d’une prise en charge totale entre 15 millions et 20 millions d’euros, montant à partager entre le régime obligatoire et les acteurs complémentaires.
Aussi, madame la ministre, quand comptez-vous prendre un acte réglementaire pour inclure les prothèses capillaires dans le panier de soins prothétiques pris en charge à 100 % ? Bien plus, avez-vous prévu de faire évoluer la nomenclature des prises en charge ? C’est ce qui est demandé par l’ensemble des professionnels.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Élisabeth Doineau, le ministre François Braun regrette de ne pouvoir être présent ce matin et m’a priée de vous fournir les éléments suivants en réponse à votre question.
Tout comme vous, je partage le bel élan que représente la campagne Octobre rose, mais c’est bien douze mois par an que le ministère de la santé et de la prévention est mobilisé pour soutenir la lutte contre le cancer du sein.
La prise en charge des prothèses capillaires a été revue en 2019, afin de prévoir deux catégories : une première sans reste à charge avec un tarif de remboursement de 350 euros ; une seconde avec une prise en charge de 250 euros par l’assurance maladie obligatoire (AMO) et un prix limite de vente à 700 euros. L’ancienne nomenclature présentait un tarif de remboursement de 76,22 euros TTC, sans prix limite.
Aujourd’hui, 60 % des patientes s’orientent toujours vers des prothèses avec un reste à charge important. Par ailleurs, le taux de recours global à ces produits reste faible.
L’adoption d’un amendement d’origine parlementaire lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 conduira à une amélioration de la prise en charge des prothèses capillaires. Il s’agira d’abord de mieux connaître la situation des femmes et de comprendre le phénomène de non-recours.
Ensuite, un travail sur les caractéristiques techniques des prothèses sera mené, en lien avec les associations, industriels et distributeurs, pour mieux définir les besoins. Les tarifs et prix limites pourraient alors être revus, afin de mieux calibrer la manière dont l’AMO et, le cas échéant, les complémentaires pourraient prendre en charge ces dispositifs.
Cette évaluation permettra ainsi de prévoir de nouvelles modalités de prise en charge des prothèses capillaires pour en améliorer le recours, ce qui constitue un véritable objectif. Des textes réglementaires devraient être publiés d’ici au deuxième semestre 2023 afin de mettre celles-ci en œuvre.
foyer de cancers pédiatriques en loire-atlantique
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 274, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Yannick Vaugrenard. Dans un rayon de quinze kilomètres autour de Sainte-Pazanne, en Loire-Atlantique, le constat est terrible : vingt-cinq enfants ont été atteints d’un cancer en six ans, sept en sont morts.
Alertée, l’agence régionale de santé (ARS), en partenariat avec Santé publique France, réalisait alors des études pour comprendre ce phénomène. Ses conclusions, au mois de novembre 2019, confirmaient un nombre de cancers pédiatriques élevé.
Cependant, au mois de septembre 2020, après des enquêtes supplémentaires, ces deux agences ont estimé, à la consternation générale, qu’il n’existait pas de foyer de cancers pédiatriques dans ce secteur !
Plusieurs éléments très concrets nous amènent à douter sérieusement de la qualité et de l’objectivité des recherches menées.
En effet, seuls treize cas sur vingt-deux recensés à l’époque ont été retenus, les jeunes de plus de 15 ans en ayant été écartés. Des dossiers ont été inversés. Le périmètre géographique retenu était également incompréhensible.
Ces constats alimentent un climat de doute et de défiance vis-à-vis des institutions sanitaires.
Madame la ministre, vous comprendrez en conséquence que la réponse du 3 janvier de François Braun à mon courrier de septembre 2022, laquelle s’appuie uniquement sur les discours de l’ARS, n’est pas acceptable.
Lorsque Alban, l’un des enfants victimes de ce fléau, en arrive à demander à sa maman : « Qui doit vivre ? Qui doit mourir ? », il est urgent d’agir pour faire toute la lumière sur ce phénomène inquiétant, en ordonnant une nouvelle étude beaucoup plus rigoureuse, beaucoup plus cohérente et, surtout, beaucoup plus crédible.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, je comprends votre inquiétude et celle des concitoyens de votre département, tout particulièrement les familles touchées par la maladie. Les cancers pédiatriques, qui affectent chaque année environ 2 500 jeunes patients, suscitent légitimement un sentiment d’injustice. Le ministère de la santé et de la prévention est mobilisé et engagé pour mieux prévenir, soigner et accompagner les malades et leurs proches dans ce combat.
Si des facteurs liés au mode de vie favorisant le développement des cancers ont été clairement identifiés chez l’adulte, les causes sont rarement identifiées chez l’enfant.
La situation du Pays de Retz a été suivie avec grande attention par l’ARS Pays de Loire et Santé publique France, qui ont mené les investigations approfondies et déployé des moyens importants pour déterminer la cause de ces cancers pédiatriques.
L’analyse statistique spatiotemporelle n’a pas montré d’anomalie épidémiologique locale, malgré la perception d’un excès de cas par la population.
Aussi, une surveillance renforcée des cancers pédiatriques d’une durée de trois ans, soit entre 2020 et 2023, a été engagée dès le mois de septembre 2020 par Santé publique France en lien avec les centres hospitaliers universitaires d’Angers et de Nantes ainsi que le registre national des cancers de l’enfant (RNCE).
Le point d’étape intermédiaire du mois de novembre 2022 suggère une situation épidémiologique globalement stable, avec une absence de nouveau cas de cancer pédiatrique diagnostiqué depuis le mois de juillet 2021. Les résultats de cette surveillance renforcée ne conduisent donc pas à reconsidérer la décision prise en 2020 de mettre fin aux investigations.
La poursuite de cette surveillance renforcée sera évaluée en fin d’année 2023. Nous ne manquerons pas de vous tenir informé des suites de cette décision, monsieur le sénateur.
Cette suspicion de cas groupés a mis en exergue les préoccupations de la population en matière de santé environnementale. Ces dernières trouvent leur traduction concrète dans le contrat local de santé (CLS) de Pornic agglo Pays de Retz, dont le premier axe stratégique vise la promotion d’un environnement favorable à la santé, dans une approche préventive de la lutte contre les cancers.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour la réplique.
M. Yannick Vaugrenard. Ce changement de pied de l’ARS et de Santé publique France ne peut être entendu et n’est pas compréhensible par les parents qui souffrent de voir leurs enfants atteints de cette maladie.
C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, je souhaite vraiment que vous demandiez au ministère de la santé et de la prévention que Laurence Huc, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Marie Thibaud, porte-parole du collectif Stop aux cancers de nos enfants, et moi-même soyons reçus, de façon à mettre toutes les choses à plat et à éviter les incompréhensions qui peuvent être redoutables.
déserts dentaires
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, auteur de la question n° 297, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, par cette question, je souhaite appeler votre attention sur les déserts médicaux dentaires.
En effet, la difficulté et les inégalités d’accès aux soins bucco-dentaires constituent une réalité sur l’ensemble du territoire français, mais plus encore pour notre ruralité, aujourd’hui bien mise à mal.
Bien qu’il existe des mesures incitant notamment les jeunes professionnels de santé à s’installer dans les zones sous-dotées, ces mesures sont insuffisantes, voire inopérantes.
L’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) recommandait déjà en 2021 la formation de 7 265 étudiants en odontologie sur la période 2021-2025. On en est loin ! Vous avez annoncé la création de huit nouvelles facs, mais elles n’ont pas de professeurs.
Il y a quelques semaines, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale, afin de lutter contre les déserts médicaux. Ce texte prévoit de faire passer de trois à quatre années la durée du troisième cycle des études de médecine générale. Ainsi, cette quatrième année aurait pu amener les internes à exercer en priorité dans les zones sous-dotées, mais vous avez dévitalisé et rendu cette mesure inopérante dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ce dispositif aurait aussi pu être mis en place pour les étudiants en odontologie afin de lutter contre les déserts dentaires. J’imagine que ce n’est pas votre intention, là non plus !
Pourtant il y a urgence, les derniers travaux de la fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL) le montrent cruellement. La situation est très grave et continuera de se dégrader. Tous les territoires ne sont pas égaux. Plusieurs départements, notamment le Cantal, sont déjà sinistrés et la démographie, là comme ailleurs, est têtue.
Nous ne pouvons attendre que de nouveaux professionnels soient formés en nombre et seulement espérer qu’ils viennent s’installer là où près de 6 millions de Français n’ont plus accès aux soins !
J’élargis donc ma question. Madame la ministre, que comptez-vous enfin faire pour nos déserts médicaux et pour nos déserts médicaux dentaires en particulier ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, la suppression du numerus clausus traduit la volonté forte du gouvernement d’agir dans une perspective de long terme. Des efforts importants ont été produits afin que les capacités de formation soient portées à la hauteur des objectifs démographiques.
Pour la filière d’odontologie, entre 7 000 et 8 000 chirurgiens-dentistes seront formés pour la période 2021-2025, soit une augmentation de 14 % par rapport à la période quinquennale précédente.
En outre, le Gouvernement a soutenu, en collaboration avec les collectivités territoriales, la création de huit nouveaux sites universitaires de formation en odontologie.
Ces formations ont été installées pour la plupart dès la rentrée universitaire de 2022, à Amiens, Caen, Rouen, Dijon, Besançon, Grenoble, Poitiers et Tours. Ces sites ont été choisis en vue d’orienter les professionnels vers les territoires les plus fragiles du point de vue de la démographie en chirurgiens-dentistes.
La création de ces sites de formations s’accompagne d’un renforcement de l’offre de soins dentaires des établissements de santé de ces territoires. De nombreux dispositifs complémentaires ont été mis en place ; je pense au contrat d’engagement de service public (Cesp), dont le nombre de signataires est passé de 76 à 815 entre 2014 et 2021.
La quatrième année d’internat en médecine générale, créée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, répond à plusieurs préoccupations : aligner la durée de formation sur celle des autres spécialités, favoriser l’installation rapide des médecins en sortie d’études, corriger la lacune que représentait l’absence de phase de consolidation.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Je regrette que la réponse de Mme la ministre ne fasse que rappeler un certain nombre de mesures que nous connaissons, mais qui s’inscrivent dans le long terme sans répondre à l’urgence du besoin.
permanence des soins et centres d’appels d’urgence
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, auteure de la question n° 305, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Marie-Pierre Richer. Madame la ministre, tenant compte des conseils du ministre de la prévention et de la santé pour désengorger les services d’urgence, les Français ont évité de s’y rendre en première intention.
La conséquence directe est que le Samu (service d’aide médicale urgente) peine à absorber le nombre d’appels au 15 et ne peut répondre comme il le devrait en moins d’une minute. Ne pouvant être orientés dans les délais requis, les patients composent alors le 18, qui, lui-même, est saturé.
Ainsi, récemment dans le Cher, un nombre incalculable d’appels non urgents au Samu, durant un quart d’heure, a saturé les lignes du service départemental d’incendie et de secours (Sdis), qui, de ce fait, n’a pu réceptionner les appels du 18.
Cette situation est le fruit de plusieurs facteurs.
D’abord, les samedis et dimanches, le Samu est devenu une plateforme de prise de rendez-vous médicaux alors que les médecins ne sont pas présents.
Ensuite, on constate une diminution inquiétante du nombre de médecins de permanence. Lorsque la permanence des soins ambulatoires était obligatoire, après vingt heures en semaine et les fins de semaine, le Cher comptait dix médecins de garde ; il n’y en a plus que deux aujourd’hui dans l’ensemble du département.
Le constat est alarmant et la situation, déjà inquiétante, risque de devenir gravissime à cause du manque d’opérateurs dans les centres d’appels, du manque de médecins de garde, du manque de médecins généralistes et, aussi, de la saturation de nos services d’urgence.
Comment les Français peuvent-ils avoir accès aux soins au quotidien et, plus dramatique encore, peuvent-ils être sauvés en cas d’urgence vitale si les numéros dédiés ne répondent pas dans les délais ?
Madame la ministre, quelles sont les mesures d’urgence envisagées ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, les tensions que connaissent actuellement les centres d’appels d’urgence proviennent à la fois d’un accroissement structurel de l’activité des Samu, mais également de la situation épidémique hivernale.
Plusieurs mesures ont été prises pour aider les centres 15 à y faire face.
Les mesures de soutien de la mission flash prévoient un renforcement des équipes de régulation des Samu par le recrutement d’assistants de régulation médicale (ARM) et la revalorisation de la mobilisation des médecins participant à la régulation.
Par ailleurs, la mise en place du service d’accès aux soins (SAS) permet de renforcer les centres 15 à travers une régulation médicale commune des appels. La création des SAS ne fait par ailleurs pas obstacle à la mise en place ou au maintien de solutions d’appui par un centre de réception et de traitement des appels d’un autre département.
Afin de permettre le déploiement des ARM, un accompagnement financier aux établissements a été mis en œuvre pour chaque place agréée, la formation des ARM ne relevant pas des formations décentralisées financées par les régions.
Il convient de souligner que le ministère a soutenu la démarche de déploiement des centres de formation des ARM, dont le nombre est passé de dix à la fin de 2019 à seize aujourd’hui, soit 641 places contre 400 auparavant.
Le ministère est d’ailleurs actuellement engagé dans une phase de concertation pour faciliter le recrutement d’ARM et adapter leur formation.
L’Assemblée nationale a voté la semaine dernière, lors de l’examen de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé déposée par Stéphanie Rist, la reconnaissance des ARM comme professionnels de santé, notamment à la faveur d’un amendement gouvernemental, preuve du soutien que nous apportons à ces professionnels.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Richer. Je précise que, depuis la publication de ma question, au début du mois de décembre, la situation ne s’est, hélas ! pas améliorée.
Dans le Cher, on a depuis lors déploré aux urgences de l’hôpital de Bourges une journée de vingt-sept heures d’attente et la fermeture une nuit complète du service mobile d’urgence et de réanimation (Smur). À cela s’ajoute la difficulté pour les Sdis de transporter des patients au plus près du lieu d’intervention dans des établissements hospitaliers situés hors du département.
Même si la plateforme commune 15-18-112 existe dans le Cher depuis 2005 et démontre toute sa pertinence dans de telles circonstances, les Sdis ne peuvent pas à moyen et à long termes être les supplétifs dans la crise sanitaire.
Je rappelle, mais vous le savez, madame la ministre, que nombre de sapeurs-pompiers sont des volontaires et que leurs forces s’épuisent. (Mme la ministre acquiesce.)
Pour conclure, mes pensées vont aux patients et à tous ces intervenants épuisés, mais toujours volontaires.
accès aux statistiques des décès toutes causes appariées avec le statut vaccinal au regard de la covid
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, auteure de la question n° 312, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la ministre, depuis plus d’un an, des chercheurs, notamment des épidémiologistes et des membres d’institutions publiques reconnues comme l’Insee ou l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), ainsi que des universitaires doivent travailler sur les statistiques des décès et des hospitalisations liés au covid-19 selon le statut vaccinal des personnes, toutes causes confondues.
Alors qu’ils ont demandé au ministère d’accéder à ces statistiques, ils n’ont pas obtenu de réponse. Ils ont alors sollicité la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), qui leur a indiqué ceci : « Le ministère ne dispose pas de ces données. » On croit rêver ! Comment est-ce possible dans un pays comme la France, qui est capable de fournir des données statistiques et médicales très pointues ?
À titre de comparaison, le même organisme fournit aux assureurs des fichiers complets comprenant les noms de famille et les prénoms des personnes décédées ; leur sexe ; leur date de naissance ; le code de leur localité de naissance ; le pays de naissance pour les personnes nées à l’étranger, etc. En outre, on sait très bien que l’assurance maladie possède toutes ces informations jusqu’au décès des personnes.
Aujourd’hui, madame la ministre, la recherche française n’a accès qu’à des informations partielles, ce qui est totalement insuffisant pour assurer le suivi de l’efficacité de notre politique et de la sécurité sanitaire dans notre pays.
Face aux controverses de plus en plus nombreuses, face aux questionnements légitimes, il est urgent que les scientifiques des organismes publics puissent investiguer en toute neutralité, afin de ne pas se limiter aux seules études des laboratoires et des entreprises pharmaceutiques.
Pardonnez-moi, madame la ministre, de ne pas comprendre la rétention de ces données, qui sont indispensables pour protéger la santé des Français.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, l’avis que vous mentionnez fait suite à une saisine de la Cada relative aux statistiques des décès toutes causes appariées avec le statut vaccinal au regard de la covid-19 ou aux statistiques des hospitalisations appariées avec ce statut.
Le ministère de la santé ne dispose pas des statistiques demandées sous la forme réclamée. Il en est de même concernant d’autres statuts vaccinaux, comme la grippe. Conformément aux dispositions du code des relations entre le public et l’administration, dans la mesure où la demande ne portait pas sur des documents existants ni susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, le ministère a demandé à la Cada de déclarer la demande sans objet.
Des informations sur le statut vaccinal de toutes les personnes bénéficiaires de soins remboursés par l’assurance maladie, ainsi que leur éventuel décès ou leur hospitalisation, sont disponibles dans le système national des données de santé (SNDS). Les chercheurs peuvent y accéder après avis favorable du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (Cesrees) et sur autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), ces démarches garantissant la protection des données personnelles, l’intérêt public et la qualité scientifique des projets, conformément à la volonté du Parlement exprimée lors du vote de la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé.
Rien ne s’oppose donc à ce que des chercheurs accèdent à ces données pour travailler sur le suivi de l’épidémie, l’efficacité et la sécurité des vaccins et rendent publics leurs résultats, en complément de ce qui existe déjà. Il convient de préciser que les chercheurs de l’Inserm disposent d’un accès permanent et élargi au CNDS les exonérant de ces démarches.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour la réplique.
Mme Laurence Muller-Bronn. On peut s’interroger, madame la ministre, sur les bases sur lesquelles les décisions de politique sanitaire sont prises puisque le ministère ne possède pas les données des scientifiques !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Ce n’est pas vrai !
adaptation de la formation des manipulateurs d’électroradiologie médicale pour faciliter leur libre circulation au sein de l’union européenne
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 097, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Jocelyne Guidez. Madame la ministre, j’attire votre attention sur la nécessaire adaptation de la formation des manipulateurs d’électroradiologie médicale (MEM) afin de faciliter leur libre circulation au sein de l’Union européenne. Il s’agit de trouver une solution pour limiter l’impact des fortes tensions que connaît actuellement cette profession en France.
En raison d’une offre de travail insuffisante au regard des besoins de l’offre de soins, les services et les cabinets de radiologie rencontrent des difficultés, parfois aiguës, de recrutements de MEM. Cette situation induit un allongement des délais de rendez-vous pour les patients et complique la réalisation d’examens d’imagerie pour l’ensemble des professionnels.
Le nombre d’étudiants français n’a cessé de diminuer en raison à la fois de la baisse du nombre de candidats admis en formation et d’une proportion croissante d’étudiants qui ne terminent pas leurs études. En plus de la pénurie d’étudiants formés, on note également une politique salariale peu attirante dans la spécialité : la profession reste assez méconnue. En Île-de-France, 6 % des postes sont vacants, mais aucune région n’est épargnée.
Si l’une des pistes avancées est l’augmentation des effectifs d’étudiants, faciliter la circulation des MEM diplômés de l’Union européenne vers la France permettrait une amélioration immédiate de la situation dans notre pays. Par ailleurs, les enjeux actuels justifient l’ouverture d’une réflexion sur la création de pratiques avancées pour cette profession paramédicale.
Quelle est donc votre position, madame la ministre, sur une telle évolution de la formation des MEM ? En favorisant la libre circulation de ces professionnels de santé au sein de l’Union européenne, il serait peut-être possible de réduire les tensions dans le secteur de la radiologie en France.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, au 1er janvier 2022, on dénombrait 31 298 manipulateurs d’électroradiologie médicale en exercice, âgés de moins de 62 ans. Les effectifs ont augmenté de 12,8 % entre 2012 et 2022.
Le passage des instituts de formation sur la plateforme APB en 2017, puis sur Parcoursup, a contribué à une augmentation du nombre d’étudiants. Les concertations menées dans le cadre du Ségur de la santé avec les étudiants des filières paramédicales ont par ailleurs abouti à une revalorisation des indemnités de stage pour certaines formations, dont le diplôme d’État de MEM fait partie. Il convient de rappeler que ce diplôme confère le grade de licence.
Pour la circulation à l’échelle de l’Union européenne, la France, comme les autres États membres, reconnaît déjà pour l’accès et l’exercice d’une profession réglementée, comme la profession de MEM, les qualifications acquises dans un autre État membre. Ces qualifications permettent aux titulaires d’exercer cette profession en France.
Pour les MEM, comme pour toutes les autres professions ayant des implications en matière de santé publique, l’État membre d’accueil peut toutefois procéder à une vérification des qualifications professionnelles. En cas de différence substantielle entre ces qualifications et la formation exigée par la France de nature à nuire à la santé ou à la sécurité publique, notre pays peut imposer des mesures de compensation sous la forme d’un stage.
Quoi qu’il en soit, qu’il y ait ou non application de mesures de compensation, la reconnaissance des qualifications obtenues dans un autre État membre de l’Union européenne pour la profession de MEM est systématique, conformément au principe de reconnaissance mutuelle.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.
Mme Jocelyne Guidez. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Vous dites que le nombre d’étudiants en formation est en augmentation. Or, dans un rapport de 2020 intitulé Manipulateur en électroradiologie médicale, un métier en tension et une attractivité à renforcer, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) a mis en lumière les principales causes de la pénurie de manipulateurs en électroradiologie.
Votre réponse me satisfait moyennement, madame la ministre, car elle ne va pas dans le sens de ce rapport.
situation des urgences psychiatriques du centre pierre-janet du havre
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 316, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, il a fallu que des agents se perchent sur le toit de l’hôpital Pierre-Janet au Havre et que leurs collègues du centre hospitalier du Rouvray fassent une grève de la faim pour se faire entendre il y a maintenant quatre ans. Faites en sorte, madame la ministre, que nous n’en arrivions pas de nouveau à de telles extrémités !
Les services psychiatriques tentent en effet de tenir le coup face à un véritable raz-de-marée de mal-être, mais cela devient très difficile, tout particulièrement aux urgences.
Au Havre, il est ainsi demandé au personnel de gérer la pénurie. L’hôpital manque de médecins, d’infirmiers, de soignants paramédicaux. En outre, seules six chambres individuelles et une chambre de soins intensifs sont disponibles, alors que le nombre d’admissions ne cesse d’augmenter.
Alors que ce centre hospitalier a perçu 25 millions d’euros, rien ne semble prévu pour les urgences psychiatriques. De quels moyens humains disposeront l’unité d’accueil et de crise, qui doit ouvrir au mois d’avril, et les lieux spécialisés dans la pédopsychiatrie, dont l’ouverture est prévue au mois de septembre ?
Comment ne pas imaginer le pire alors qu’un décret relatif à la psychiatrie paru en septembre 2022 acte des conditions de travail dégradées à partir du mois de juin 2023 : il prévoit par exemple un seul infirmier par quart !
La pratique avancée ouverte aux infirmiers risque de ne pas suffire pour compenser la disparition de la spécialisation d’infirmier psychiatrique et pour attirer des personnels, dont nous avons pourtant grand besoin.
J’évoquerai également la situation de l’unité d’accueil et d’orientation (Unacor) du centre hospitalier du Rouvray, qui compte quinze lits disponibles, mais où l’engorgement est constant. Des mineurs sont hospitalisés en chambre d’isolement pour les protéger de patients adultes. L’hôpital dispose d’une unité régionale d’hospitalisation pour enfants et adolescents, mais pas de nouveaux moyens, seuls des redéploiements de postes ayant été effectués.
Madame la ministre, quelles solutions comptez-vous mettre en œuvre afin de pallier ce manque de personnels indispensables et de sortir les services du marasme auxquels ils sont confrontés au quotidien ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Brulin, je ne peux pas vous laisser dire qu’il a fallu que les agents se perchent sur le toit de l’hôpital pour que l’État réponde à la problématique de la psychiatrie en France !
Avec le soutien du Gouvernement et de l’agence régionale de santé, le groupement hospitalier du Havre (GHH) a engagé un travail de fond pour améliorer les conditions de travail des personnels et les conditions d’accueil des patients en psychiatrie.
Aux 750 équivalents temps plein (ETP) que comptait le centre Pierre-Janet à la fin de l’année 2018, il faut ajouter la trentaine de postes de soignants qui ont été créés au début de l’année 2019 au sein des pavillons d’hospitalisation et des urgences psychiatriques. Un pool de nuit a ainsi été constitué.
En 2020, 10,7 ETP ont été créés pour renforcer la psychiatrie périnatale. Ils ont aussi permis la mise en service d’une unité thérapeutique pour les auteurs de violences conjugales.
Au cours des années 2021 et 2022, une vingtaine de médecins ont également rejoint les rangs du pôle de psychiatrie.
En 2021, le contrat territorial de santé mentale a financé, de manière pérenne, à hauteur de plus de 1 million d’euros, la création de 19,8 nouveaux postes médicaux et paramédicaux afin d’améliorer le suivi des patients durant leur parcours de soins. Cela a permis d’éviter certaines hospitalisations aux urgences psychiatriques.
Au total, depuis le début de l’année 2019, les effectifs en psychiatrie ont augmenté de près de 8 %. Le GHH a également bénéficié du volet relatif aux ressources humaines du Ségur de la santé : il disposera d’une enveloppe supplémentaire de 7,3 millions d’euros d’ici à la fin de l’année 2024. Ce financement permettra notamment la création de 18 postes supplémentaires, dont 6 en psychiatrie.
Les moyens matériels de ce groupement hospitalier seront également considérablement renforcés d’ici à 2030. Ainsi, le GHH prévoit d’investir plus de 36 millions d’euros dans l’infrastructure immobilière de la psychiatrie, d’adapter l’hôtellerie dans les lieux d’accueil et de soins et de mettre en œuvre un plan de rénovation.
L’unité d’accueil et de crise est d’ores et déjà en travaux. Sa rénovation et son adaptation permettront d’améliorer les conditions d’accueil des patients et le travail des professionnels. Au total, le coût de ces travaux s’élève à 2,5 millions d’euros, l’ouverture de cette unité, vous l’avez dit, étant prévue en avril prochain.
Sont également programmées les restructurations immobilières de trois pavillons, pour un coût de 4,5 millions d’euros.
Enfin, à la fin de l’année 2023, le bâtiment de psychiatrie devrait être achevé à l’hôpital Flaubert, au sein duquel seront intégrées les unités de pédopsychiatrie universitaire du centre-ville, certaines équipes mobiles pour adultes et deux unités d’hospitalisation pour adultes, pour un montant de 25 millions d’euros.
Enfin, en 2022, le GHH a perçu 63 millions d’euros de dotation psychiatrie, dont 57,3 millions d’euros de crédits pérennes, soit une augmentation de 5,7 % par rapport à l’année 2021.
accès aux soins hospitaliers dans le jura
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, auteure de la question n° 348, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la ministre, j’attire votre attention sur les difficultés croissantes d’accès aux soins hospitaliers dans le Jura. Je vous remercie d’avoir prévu un prochain déplacement dans notre département, tant les hôpitaux de proximité y sont en souffrance.
À Saint-Claude, après la fermeture de la maternité et du service de chirurgie hors ambulatoire voilà quatre ans, c’est au tour de l’hôpital de jour pour enfants de fermer ses portes. Service extrahospitalier de pédopsychiatrie construit en 2005 dans un territoire de montagne, il accueillait 195 enfants en 2001, dont 48 s’y rendaient plusieurs fois par semaine pour le suivi de troubles et de pathologies lourdes, comme l’autisme et la dépression.
À la suite du départ de l’unique pédopsychiatre, tout le service s’arrête. Alors que les délais d’attente atteignaient parfois dix-huit mois, il est illusoire d’imaginer que la prise en charge pourra désormais être satisfaisante. Les familles du Haut-Jura doivent désormais effectuer une heure et demie de route pour se rendre à une consultation. Cette situation n’est pas propre au Jura, mais l’agence régionale de santé doit pouvoir procéder à des expérimentations et compter sur des moyens exceptionnels.
À Champagnole, la ligne du service mobile d’urgence et de réanimation (Smur) est fermée, faute de médecins jugés aptes. L’urgentiste à plein temps a été mis à pied pour une question de spécialisation qui ne se posait pas jusqu’à présent. Dans le même temps, à trente-cinq kilomètres, la ligne du Smur de l’hôpital de Morez est au bord de la rupture, notamment parce qu’un médecin de ville, urgentiste depuis plusieurs années, a été jugé inapte, car non spécialisé, puis remercié. Pourtant, et heureusement, ce médecin pompier continue d’intervenir avec le Sdis, à qui il convient.
Madame la ministre, pouvez-vous nous octroyer des moyens transitoires pour pérenniser les soins indispensables dans le Jura ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, le centre hospitalier spécialisé Saint-Ylie a en effet été contraint de suspendre temporairement l’accueil de son hôpital de jour de pédopsychiatrie à compter de janvier 2023, le temps de faire face à ses difficultés et de remplacer le praticien référent de cette unité.
Je le rappelle, il ne s’agit pas d’une décision de fermeture définitive. Une solution de prise en charge a été proposée par l’établissement à chaque usager, les moyens soignants et les locaux dédiés restant, quant à eux, inchangés.
Les autres situations que vous évoquez sont le résultat d’un manque de médecins, ou plus spécifiquement de médecins bénéficiant des diplômes nécessaires pour l’exercice de certaines spécialités, sur votre territoire du Jura.
Si le Gouvernement a agi pour augmenter les effectifs de médecins en supprimant le numerus clausus et en faisant un effort substantiel en termes d’offre de formation universitaire, les premiers effets de cette importante réforme structurelle ne se feront sentir que dans quelques années.
Ainsi, l’agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté travaille en étroite collaboration avec les différents partenaires locaux afin de trouver des solutions permettant de répondre localement et à court terme aux besoins de la population.
Je pense, par exemple, à la mise en place, par l’établissement Jura Sud, d’une équipe paramédicale de médecine d’urgence (EPMU), qui sera déployée afin de garantir un temps d’intervention rapide, ainsi qu’une prise en charge par une infirmière diplômée d’État spécifiquement formée à l’urgence et encadrée par des protocoles, en complément et dans l’attente de l’arrivée du Smur. D’autres EPMU seront mises en œuvre dans les territoires de la région Bourgogne-Franche-Comté.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique.
Mme Sylvie Vermeillet. Merci, madame la ministre. Il est vrai que l’ARS fonctionne bien dans notre territoire, je l’en remercie.
Notre population, nos soignants attendent beaucoup de votre visite et nous vous accueillerons avec plaisir.
construction par l’état de bâtiments à malakoff
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 367, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, l’Insee occupait à Malakoff une tour, qu’elle a depuis libérée. Le projet initial de l’État était de la vendre. La ville de Malakoff, quant à elle, voyait dans le réaménagement de cet îlot l’occasion de remédier à la coupure très forte entre son territoire et Paris.
Depuis lors, le projet du Gouvernement a changé. Ce dernier souhaite aujourd’hui détruire la tour et construire un nouvel ensemble architectural très imposant. En matière de transition énergétique, madame la ministre, vous ne donnez pas l’exemple ! Cette destruction-reconstruction n’est pas conforme à vos engagements ; une rénovation aurait été plus respectueuse à cet égard.
Par ailleurs, il est très regrettable que la maire de Malakoff ait été tenue à l’écart de l’aménagement de cette parcelle. À plusieurs reprises, elle a demandé au Gouvernement de rencontrer les promoteurs du projet pour discuter de son intégration dans la ville ; or elle n’a pour l’instant reçu aucune réponse à ses demandes de rendez-vous.
Madame la ministre, le Gouvernement ne peut pas décider d’une construction dans une commune, fût-elle de banlieue, en contradiction avec les projets urbanistiques de la mairie.
Ma question est très simple : quand le Gouvernement va-t-il recevoir la maire de Malakoff pour discuter avec elle de son projet ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, les ministères chargés des affaires sociales sont engagés dans la démarche de renouvellement du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) de leur administration centrale, qui vise désormais à regrouper les agents sur trois sites domaniaux en libérant les deux locations privées utilisées actuellement.
L’objectif est de rationaliser les occupations, de maîtriser les coûts d’exploitation et de s’inscrire dans une démarche écoresponsable, en réduisant de manière significative la consommation énergétique. Cette démarche de regroupement se traduit par une opération de déconstruction et de reconstruction, qui sera réalisée sur le terrain de l’État anciennement occupé par l’Institut national de la statistique et des études économiques à Malakoff.
Attentif aux préoccupations exprimées par les collectivités territoriales, l’État a fait évoluer son projet initial, sans toutefois occulter les besoins fonctionnels et de sécurité des services des ministères qui seront installés sur le site.
La concertation menée à la fin de l’année 2021 avec les habitants et les collectivités voisines touchées par le projet, sous l’égide de la Commission nationale du débat public, a également permis de faire des propositions pour répondre aux attentes des riverains.
L’État s’est engagé à poursuivre le dialogue tout au long de la mise en œuvre du projet, en constituant un comité de riverains, en poursuivant les réunions publiques et en échangeant, bien sûr, avec les représentants des collectivités.
La livraison du bâtiment, dont le chantier respectera une charte environnementale et un taux de réemploi des matériaux fixé à 80 %, est envisagée pour le début de l’année 2027, ce qui permettra une installation des services à l’automne 2027.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, il est très curieux d’engager une concertation avec la population et de refuser de voir la maire !
Celle-ci a envoyé plusieurs courriers au Gouvernement, mais elle n’a pas eu la moindre réponse ! Mais j’ai compris, et j’en suis très heureux, que vous prenez pour le Gouvernement l’engagement ferme de recevoir dans les plus brefs délais la maire de Malakoff. Je vous en remercie.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit !
dérive tarifaire sur les bornes de recharge des voitures électriques
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 240, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.
M. Gilbert Roger. Madame la ministre, j’attire l’attention du Gouvernement sur les prix opaques des bornes de recharge pour les voitures électriques, que l’on peut trouver en particulier dans les stations-service et sur les autoroutes.
Lors du salon mondial de l’automobile en France, qui s’est déroulé en octobre dernier, le Président de la République a annoncé un bouclier tarifaire sur toutes les bornes électriques réparties sur notre territoire. Cette idée va dans le sens de la transition énergétique et de l’aide aux familles et aux ménages.
Cependant, les prix actuels proposés par les sociétés privées ne sont pas du tout transparents, tant s’en faut. Ils peuvent inclure les coûts des loyers, de la construction des bornes ou d’autres frais, qui contribuent à l’enrichissement de l’entreprise : le tout est très loin du prix réel du kilowattheure. On constate que le prix d’une charge en kilowattheures est désormais équivalent à celui d’un plein de gazole !
Quand et comment le Gouvernement va-t-il prendre les mesures nécessaires à la transparence et à la réglementation des prix de l’électricité sur les bornes de recharge ? À défaut, je crains fort que la conversion à l’énergie électrique dans les transports ne soit un échec.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, regrette de ne pouvoir être présente ce matin. Elle m’a priée de vous fournir les éléments suivants en réponse à votre question.
La recharge ouverte au public des véhicules électriques relève du secteur concurrentiel, dont les tarifs sont librement définis par les opérateurs. Ces tarifs peuvent dépendre des kilowattheures distribués, mais également d’autres facteurs, notamment la rapidité de la recharge. Ainsi, certains opérateurs appliquent des tarifs progressifs au-delà d’un certain temps ou lorsque la recharge est terminée afin d’éviter les « véhicules ventouses » qui bloquent l’accès à la borne et de faciliter l’accès à la recharge d’autres véhicules.
Ces tarifs sont transparents et communiqués par les opérateurs de bornes pour chaque station de recharge, mais également par les opérateurs de mobilité dans leur contrat d’abonnement.
La tarification réalisée par les opérateurs privés, mais également par les aménageurs publics, inclut naturellement une partie d’amortissement des investissements importants réalisés. Elle prend également en compte les coûts d’exploitation, comme les coûts de supervision ou de maintenance. Elle inclut également les coûts de l’énergie. C’est pourquoi les aménageurs et opérateurs de recharge peuvent, dès lors qu’ils sont éligibles, bénéficier de l’amortisseur électricité mis en place à la fin de l’année 2022.
Enfin, des discussions sont en cours à l’échelon européen sur le projet de règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs. Ce texte a notamment pour ambition de fixer des prix raisonnables, facilement et clairement comparables, transparents et non discriminatoires.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour la réplique.
M. Gilbert Roger. Je suis satisfait de voir que l’Union européenne va peut-être inciter le gouvernement français à imposer une réelle transparence et une réglementation sur les prix proposés. Nous allons peut-être avancer…
surpopulation carcérale et situation au centre pénitentiaire de bordeaux gradignan
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 325, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Laurence Harribey. Madame la ministre, 72 836 prisonniers en France : c’est le nouveau nombre record dépassé au mois de décembre. Cette mécanique d’incarcération de masse se poursuivra tant que l’on ne se penchera pas sur l’extension du champ pénal et qu’on ne réfléchira pas à une nouvelle ingénierie de la sanction.
Les 15 000 nouvelles places promises dans les établissements pénitentiaires ne permettront pas d’améliorer la situation. Elles vont servir à enfermer des gens, mais n’assureront pas le respect du principe de l’encellulement individuel, on le sait.
À Gradignan, en Gironde, le centre pénitentiaire est actuellement surpeuplé à 200 %. Les incidents et les accidents s’y multiplient. Quand les nouveaux locaux seront disponibles, le taux d’occupation s’élèvera à 120 %, ce qui reste considérable. Il y a là matière à réflexion.
Quelle est votre analyse, madame la ministre ? Que peut-on dire de la situation à Gradignan ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti regrette de ne pouvoir être présent ce matin et m’a priée de vous fournir les éléments suivants en réponse à votre question.
Il vous en remercie, car elle lui donne l’occasion de réaffirmer le projet porté par le Gouvernement de mettre en œuvre des conditions de détention plus dignes, mais aussi de meilleures conditions de travail pour nos agents pénitentiaires. Ce sont les objectifs du plan immobilier pénitentiaire, qui prévoit la construction de 15 000 places de prison. La moitié des établissements seront sortis de terre en 2024.
Dans votre département, c’est un établissement tout neuf de 600 places qui est en cours de construction à Bordeaux-Gradignan. Il permettra de réduire le taux de surpopulation carcérale de l’établissement actuel. Les travaux ont débuté au mois d’avril 2021 par la construction d’un premier bâtiment, qui sera mis en service au premier trimestre 2024. Un second bâtiment sera mis en service en 2026.
Au-delà des nouvelles constructions, le budget alloué aux établissements pénitentiaires s’élève à plus de 130 millions d’euros par an depuis cinq ans, soit le double de ce qui leur était alloué précédemment.
Je veux enfin rendre hommage aux surveillants pénitentiaires, troisième force de sécurité intérieure de notre pays, qui font un travail formidable, dans des conditions difficiles. Au-delà des paroles, il y a les actes. C’est pourquoi des mesures sont mises en œuvre afin de renforcer l’attractivité du métier de surveillant pénitentiaire.
La fusion des grades de surveillant et de brigadier entrée en vigueur en 2022 offre aux surveillants un déroulement de carrière plus linéaire, avec une revalorisation indiciaire à la clé. Des revalorisations de l’indemnité pour charges pénitentiaires (ICP) ont également été mises en œuvre en 2021, en 2022 et en 2023.
Enfin, et surtout, le Gouvernement a annoncé une réforme statutaire d’envergure du statut de surveillant dans le cadre de la nouvelle mandature. Elle constituera une réponse efficace au problème d’attractivité des métiers pénitentiaires.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.
Mme Laurence Harribey. Merci, madame la ministre.
J’avais déjà alerté le garde des sceaux dans une question orale il y a quelques mois. Depuis lors, au quotidien, pour les surveillants de cet établissement, rien n’a changé !
Certes, une nouvelle construction est en cours, mais elle permettra seulement, je l’ai dit, de réduire le taux d’occupation à 120 %, contre 200 % aujourd’hui. Construire des murs n’est donc pas suffisant. Nous demandons depuis un certain temps – et, avec ma collègue Marie Mercier, nous le demanderons une nouvelle fois dans le rapport sur les services pénitentiaires d’insertion et de probation que nous présenterons prochainement – une refonte totale de la profession. Les annonces faites par le garde des sceaux récemment comportaient un « trou dans la raquette » à cet égard.
Vous évoquez une révision du statut de surveillant, elle est la bienvenue. J’espère que nous pourrons travailler ensemble sur cette question.
ouverture des aides aux armateurs transmanche exploitant en délégation de service public
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 351, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer.
Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, Brexit, crise sanitaire et crise énergétique n’ont pas épargné les lignes transmanche. Pour limiter leur impact, l’État a financé du chômage partiel pour les compagnies de ferries battant pavillon français à l’international et il leur a remboursé l’intégralité des cotisations salariales.
Ces mesures de soutien de la filière transmanche ont cependant généré une différence de traitement. Sont notamment concernées les lignes de ferries gérées en délégation de service public (DSP). C’est le cas de la ligne Dieppe-Newhaven, dont l’exploitation a été déléguée à DFDS Seaways par le syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche et le département de la Seine-Maritime.
Le président du conseil départemental, Bertrand Bellanger, a demandé à deux reprises au Premier ministre que la ligne Dieppe-Newhaven puisse bénéficier du remboursement des cotisations. Sans succès à ce jour…
Dans le cadre du Fontenoy du maritime, l’État a prorogé pour trois années supplémentaires ce remboursement, dit net wage, pour les navires battant pavillon français, à l’exclusion, de nouveau, des armateurs exploitant des lignes sous DSP.
Le maintien de cette exclusion pourrait être de plus en plus préjudiciable à la ligne Dieppe-Newhaven. Et l’absence de soutien de l’État dégrade fortement l’attractivité du modèle d’exploitation en DSP. Si le cumul d’aides par exonération et de compensation est contraire aux règles européennes, il semble possible de lever les risques de surcompensation ou de cumul d’aides qui motivent l’exclusion des DSP.
Quelle est la position du Gouvernement sur l’ouverture du dispositif des net wages aux lignes exploitées en DSP, comme celle de Dieppe-Newhaven ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Agnès Canayer, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Hervé Berville, qui ne pouvait être présent ce matin. En tant qu’ancienne députée, je connais bien la question du net wage, sur laquelle les parlementaires bretons et normands avaient déjà attiré l’attention du Gouvernement.
Comme vous l’expliquez très justement, les compagnies de ferries ont été touchées de plein fouet par la crise sanitaire. Elles ont subi une baisse du trafic et de leur chiffre d’affaires. En 2021, le Gouvernement a répondu présent avec cette aide exceptionnelle, qui a été reconduite pour trois ans et élargie au transport de marchandises, aux services et à la croisière, exposés aussi la concurrence internationale.
Les lignes exploitées sous DSP ont été exclues du net wage, car elles reçoivent déjà des compensations annuelles, versées par la collectivité publique délégante. Si elles avaient profité de l’aide net wage, cela aurait pu entraîner une baisse de ces compensations.
Quant à l’entreprise DFDS Seaways, elle a bénéficié du soutien de l’État pour les autres lignes qu’elle opère, à hauteur de 2,8 millions d’euros en 2021 et de 1,5 million d’euros au premier semestre 2022.
Hors DSP, les entreprises ne bénéficiaient d’aucun soutien. Leur viabilité économique aurait donc pu être très fortement compromise sans cette aide de l’État.
Mais le Gouvernement sait à quel point le dumping social fragilise les entreprises. Le secrétaire d’État chargé de la mer travaille sur un panel de solutions pour renforcer les contrôles dans les transmanche, inciter les armateurs à respecter un socle minimal de conditions sociales et réduire la concurrence déloyale.
En 2024, le Gouvernement pourra réévaluer l’exclusion des DSP en fonction de la situation.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.
Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, l’exclusion des lignes en DSP du dispositif de net wage fragilise non seulement la compagnie, mais aussi le département, qui est le principal financeur. C’est donc un vrai sujet pour la collectivité territoriale qui porte la DSP et qui souhaite le maintien de cette ligne, essentielle pour notre territoire.
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
L’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Construction de nouvelles installations nucléaires
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (projet n° 100, texte de la commission n° 237, rapport n° 236, avis n° 233).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s’effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l’insérant dans votre terminal de vote. En cas de difficulté, vous pouvez demander de l’aide aux huissiers.
Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote. Le temps de parole imparti est de sept minutes pour chaque groupe et de trois minutes pour un sénateur n’appartenant à aucun groupe.
Vote sur l’ensemble
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France a attendu que les effets du réchauffement climatique se fassent ressentir avec plus de force et, surtout, que la sécurité d’approvisionnement en énergie se fragilise pour relancer enfin le nucléaire et les énergies renouvelables. Que de temps perdu ! Cela nous impose désormais de légiférer dans l’urgence pour nous mettre au pas et rattraper plus de vingt ans d’inertie afin de préserver notre souveraineté électrique.
Comme le disait si bien John Fitzgerald Kennedy : « La victoire a cent pères, mais la défaite est orpheline. » Ne faisons pas davantage le procès du passé, car les débats ont révélé un oubli des responsabilités collectives et un rabâchage des mêmes excuses et de postures idéologiques. Mais les revirements ne constituent pas une spécificité nationale : l’Allemagne et la Belgique ont repoussé la sortie du nucléaire, la Suède et les Pays-Bas procèdent à sa relance, quand d’autres pays, comme la Pologne, se lancent dans la construction de réacteurs.
Mes chers collèges, le mix énergétique doit être diversifié. Je regrette que le Sénat ait remplacé cet objectif par celui de décarbonation. Les études prospectives réalisées ces dernières années le démontrent : plus la diversification est poussée, plus on maîtrise les incertitudes dans l’accès aux matières critiques, les technologies ou les coûts. Toutes les énergies décarbonées ont leurs avantages et leurs inconvénients. C’est un pari que nous faisons, car l’équation est complexe.
Atteindre un mix 100 % renouvelable d’ici à 2050 ne serait pas réaliste. Ce serait non seulement coûteux, mais irréalisable, puisque nous ne disposons pas des moyens de stockage d’électricité nécessaires pour pallier les intermittences – même si les investissements dans l’hydrogène connaissent un coup d’accélérateur en raison du nouveau contexte géopolitique.
Il nous faut préserver une certaine souplesse pour adapter nos objectifs de politique énergétique à ce contexte, aux freins sociaux, économiques et financiers, ainsi qu’au rythme des avancées en matière d’innovation, qui ne peuvent se décréter.
Les choix du passé s’imposent pour l’avenir. On ne peut faire table rase d’une réalité qui, elle aussi, s’impose à nous : le mix électrique français repose à 70 % sur l’énergie nucléaire.
Par ailleurs, les efforts de sobriété doivent également être poursuivis en parallèle si nous ne voulons pas sombrer dans la décroissance. En effet, les premiers réacteurs EPR 2 ne seront pas disponibles avant 2035, voire 2037, au mieux.
Pour revenir au cœur du débat, ce projet de loi contribuera à accélérer la procédure administrative en matière de construction de nouveaux réacteurs et à prévenir les contentieux en limitant les occasions de former des recours dilatoires, sans pour autant modifier les règles de fond des autorisations environnementales et des autorisations de création.
Le choix d’implanter des projets sur les sites existants, ou à leur proximité immédiate, renforcera leur acceptabilité, mais aussi leur réussite, les territoires étant déjà prédisposés pour les accueillir. C’est le cas de la centrale du Blayais, chère à notre collègue Nathalie Delattre.
À l’issue de nos travaux, le texte a été complété, notamment par l’intégration de petits réacteurs modulaires, l’extension de la durée d’application des mesures de quinze à vingt-sept ans et la prise en compte des observations des collectivités. Les améliorations portées à la consultation du public sont bienvenues.
En revanche, la question de la fermeture du cycle du combustible est loin d’être réglée. Je regrette l’abandon du projet Astrid, réacteur de quatrième génération, qui remet en cause la stratégie de la France en la matière.
Enfin, si nous saluons une meilleure prise en compte du dérèglement climatique et des cyberattaques, nous regrettons que le périmètre des plans particuliers d’intervention n’ait pas été élargi, comme le proposait notre collègue Véronique Guillotin.
Restons lucides : ce projet de loi ne règle en rien les retards accumulés par notre pays, qui n’a plus construit un seul réacteur depuis vingt ans. Les déboires du chantier de Flamanville doivent servir d’épouvantail. Ce texte demeure symbolique dans son contenu. Des obstacles, qui ne relèvent pas des procédures, persisteront.
Outre les difficultés de recrutement à résoudre, il faudra préciser rapidement le volet relatif au montage financier.
Par ailleurs, quelle régulation du marché de l’électricité sera appliquée en France et en Europe ? Le mécanisme d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), qui doit prendre fin en 2025, ne protège ni les consommateurs français ni EDF, lourdement endettée à la veille de sa nationalisation.
Le marché de l’énergie doit être réformé. On ne peut continuer à subventionner les fournisseurs alternatifs et à favoriser la concurrence pour la concurrence, sans aucune incitation à l’investissement. Oui à la souveraineté, mais oui aussi à la solidarité au niveau européen et à plus d’équité !
En ce qui concerne le calendrier, la concertation publique arrive soit trop tôt, soit trop tard : trop tard, car elle aurait dû avoir lieu il y a quelques années ; trop tôt, car nous ne disposons pas des études de faisabilité et de la liste des sites d’implantation non plus que du coût total du programme de relance du nucléaire et de ses modalités de financement. S’il est facile d’acter des objectifs dans la loi, ceux-ci doivent être réalistes.
Le débat public se poursuit actuellement et la représentation nationale aura l’occasion de s’en saisir. Que l’on y soit favorable ou non, les amendements du rapporteur visant à supprimer le plafonnement de la part du nucléaire à 50 % en 2035 ont quelque peu préempté ce débat.
Cela étant, cet ajout ne constitue pas une ligne rouge pour notre groupe. Gageons que l’architecture générale des choix énergétiques de la France disposera de ses murs porteurs d’ici à la fin de cette année. Ainsi, le groupe RDSE votera en faveur du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie, pour commencer, la conférence des présidents du Sénat d’avoir prévu pour l’adoption de ce projet de loi – que je souhaite profondément – la procédure du scrutin public solennel. Cela permet, sur un texte majeur comme celui-ci, de focaliser l’attention de l’immense majorité de notre assemblée.
Je remercie par ailleurs le groupe Les Républicains de m’avoir confié la responsabilité de défendre ce texte.
Il est pourtant technique en apparence, madame la ministre, avec trois types de mesures différentes pour accélérer les procédures, toujours trop longues dans notre pays. Son adoption, nous dit-on, ferait gagner cinquante-six mois sur la construction d’un réacteur nucléaire.
Notre excellent rapporteur Daniel Gremillet a parfaitement souligné son objectif : accroître la sécurité, en matière juridique, mais aussi en ce qui concerne les attaques informatiques ou les risques climatiques. Représentants des élus, nous nous sommes efforcés de mieux associer les collectivités locales et de faire en sorte que des dispositions d’urbanisme comme le zéro artificialisation nette ne soient pas prises sans que celles-ci en soient parties prenantes. C’est donc un véritable enrichissement de ce texte que notre rapporteur a défendu, et que nous avons adopté.
Par un ensemble d’amendements, nous avons également apporté une sécurité juridique indispensable aux projets en évitant qu’ils ne soient paralysés par des procédures administratives contradictoires, en étendant la durée d’application des mesures de quinze à vingt-sept ans, comme l’a souligné notre collègue Jean-Claude Requier.
En somme, le texte du Gouvernement, enrichi par la commission et adopté par notre assemblée, consolidera les projets, y associera les élus et les populations, ce qui permettra l’adaptation de nos anciens réacteurs.
J’en viens au point qui pourrait non pas nous opposer, mais nous distinguer.
Notre excellente ancienne collègue Mme Jouanno, aujourd’hui présidente de la Commission nationale du débat public, déclare dans la presse que le Sénat n’est pas dans son rôle, qu’il préempte la discussion nationale sur la stratégie nucléaire : elle aurait souhaité que nous nous taisions ! Mme Jouanno est en dehors des réalités… (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)
Dès novembre 2017, le Président de la République a remis en cause la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, sous l’empire de laquelle nous vivons encore aujourd’hui – ce qui est profondément absurde. Il a décidé, avec raison, de reporter à 2035 le délai fixé par ce texte pour réduire à 50 % la proportion d’électricité d’origine nucléaire.
Le débat était ouvert, donc. Pour être honnête, il est fort lent. La déclaration faite à Belfort en novembre 2021 n’était pas mauvaise, et m’avait fait espérer que le nucléaire serait enfin à l’ordre du jour. Le 10 février 2022, le Président de la République nous présente un programme complet, avec cet art oratoire si particulier qui consiste à parler interminablement sur des sujets qu’il est censé connaître parfaitement.
Or cela n’est pas vrai, parce qu’il aurait dû poser la question principale en matière d’énergie à ce jour : s’agit-il de décarboner ou bien de verdir ? S’il s’agit de verdir, la majorité sénatoriale considère que ce n’est plus la priorité.
L’urgence climatique exige de décarboner notre société grâce aux mesures prises dans les secteurs du logement, de la mobilité, de l’industrie. En outre, pour décarboner, il faut électrifier. La proposition du Président de la République de diminuer de 40 % la consommation énergétique est alors simplement irréaliste.
En revanche, son idée d’augmenter de 60 % la production d’électricité est pertinente, bien qu’il ne s’en donne pas les moyens. En effet, pour cela, ce ne sont pas six réacteurs de nouvelle génération EPR 2, plus éventuellement huit autres, et la certitude de maintenir 100 % des capacités existantes jusqu’en 2050 – excusez-moi du peu ! –, ce qui n’apparaît pas vraisemblable à ce jour, qui seront nécessaires.
Comme ministre de l’industrie, j’ai signé le lancement du dernier réacteur, celui de Civaux, en 1994. Ces réacteurs, qui sont de « bonnes bêtes » et qui travaillent bien, fatigueront tout de même. Si nous voulions remplacer ne serait-ce que la moitié des réacteurs existants d’ici à 2050, il faudrait sans doute, non pas six plus huit réacteurs, comme c’est prévu, soit quatorze réacteurs, mais entre vingt et vingt-cinq réacteurs de type EPR 1 650 mégawatts pour parvenir à ce résultat.
Par conséquent, le Sénat a eu raison d’ouvrir ce débat et je remercie notre collègue Daniel Gremillet, ainsi que Sophie Primas, d’avoir amorcé cette ouverture.
Puisque nous allons quitter le domaine du réglementaire pour examiner une sorte de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) législative, nous attendons donc avec impatience ce projet de loi afin de connaître la stratégie en la matière.
Je rappellerai une vieille histoire. En 1975, alors que je n’étais pas encore sénateur, mais commissaire du gouvernement, un débat identique à celui-ci se déroulait au Sénat.
Le 14 mai 1975, le ministre, Michel d’Ornano,…
M. Bruno Sido. Cela ne nous rajeunit pas ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. … qui mettait en œuvre, sous l’autorité du président Giscard d’Estaing, la politique de Pierre Messmer – ce qui souligne la continuité de la politique française dans ce domaine –, expliquait que la stratégie appartenait au Parlement et que sa mise en œuvre revenait au gouvernement. Nous revendiquons la stratégie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, INDEP et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. - M. Alain Cazabonne et Mme Denise Saint-Pé applaudissent également.)
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1963, le général de Gaulle qualifiait déjà l’énergie atomique comme « le fond de l’activité de demain ». Que de chemin parcouru depuis le prix Nobel attribué à Pierre et Marie Curie, associés à Henri Becquerel, pour la découverte de la radioactivité naturelle !
Le nucléaire, c’est l’histoire de la France, de ses physiciens visionnaires et innovants. C’est une aventure industrielle, une aventure d’excellence et d’indépendance énergétique.
Énergie respectueuse du climat, le nucléaire fournit en outre de l’électricité de façon continue et est capable de s’adapter aux variations de la demande électrique. En raison de la stabilité de son réseau et de son caractère pilotable, il contribue largement à sécuriser l’acheminement de l’électricité à destination des hôpitaux, des entreprises et de chaque foyer.
De notre force historique, il ne reste – hélas ! – que l’absolue nécessité de reconstruire une filière largement malmenée ces dernières années.
Entre hésitations coupables et accidents spectaculaires, nous avons considérablement revu à la baisse nos ambitions dans ce secteur.
Si Ségolène Royal et ses « acolytes » ont manqué de réalisme et de vision (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.), si, collectivement, nous n’avons pas suffisamment soutenu cette filière, l’heure doit être aux choix politiques clairs et forts.
N’oublions pas que nos centrales nucléaires sont la principale source d’électricité décarbonée.
Malgré nos 87 % d’électricité d’origine nucléaire en 2010, nous nous sommes reposés sur nos lauriers en négligeant coupablement les autres modes de production.
Nous discutons abondamment de bouquet, de mix, mais les leçons des deux chocs pétroliers de 1973 et de 1979 n’ont pas été retenues et nous sommes toujours dépendants – à 70 % – des énergies fossiles. Le déclenchement de la guerre en Ukraine nous l’a cruellement rappelé.
L’équation à résoudre est limpide : si nous voulons décarboner nos transports et nos habitudes de vie au quotidien, il nous faut davantage de nucléaire et d’énergies renouvelables.
Je profite de cette intervention pour souligner l’important travail réalisé par Mme la ministre et son cabinet, ainsi que par les sénateurs impliqués, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
À cette occasion, nous avons entendu la principale critique derrière laquelle un certain nombre de parlementaires de tous bords se sont abrités pour ne pas voter ce texte, notamment à l’Assemblée nationale.
Leur argument est purement chronologique : ils auraient préféré que la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie ait été discutée en amont.
Nous sommes tous d’accord, mais l’invasion de l’Ukraine nous a conduits à une situation d’urgence énergétique absolue, qui a exigé des réponses efficaces et rapides.
Oui, ces projets de loi dits « d’accélération » ne sont peut-être pas complètement suffisants, mais ils sont essentiels pour redéfinir un cap pertinent.
En ce qui concerne le nucléaire, ce texte, en l’état, comporte des avancées notoires en matière de simplification des procédures et de réduction des délais. Gagner du temps, ou en perdre moins, voilà l’enjeu !
Tout d’abord, nous sommes très nombreux, sur les travées de cet hémicycle, à nous réjouir de la suppression, au sein du code de l’énergie, de l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans notre bouquet énergétique à l’horizon 2035.
Cet objectif relève du fantasme, comme le précédent qui était fixé à 2025 sous le mandat de François Hollande. Notre groupe a démontré son attachement à cette abrogation, dès l’examen du projet de loi en commission.
En outre, la recherche et l’innovation dans le domaine de l’hydrogène bas-carbone font partie de nos objectifs à long terme.
Enfin, plusieurs garanties sont ajoutées concernant la sûreté et la sécurité des installations face aux aléas du dérèglement climatique. Être toujours plus transparents et prévoyants doit rester notre préoccupation essentielle.
Si l’opinion publique a très favorablement évolué dans ce domaine, la pleine acceptation des Français n’est pas au rendez-vous ; c’est la raison pour laquelle la sécurité et la sûreté nucléaire doivent rester, plus que jamais, notre priorité.
En matière de prévention, la France a placé la barre beaucoup plus haut que les autres pays.
Grâce aux nouvelles évolutions technologiques, comme les réacteurs moyen-module ou le projet International Thermonuclear Experimental Reactor (Iter) ayant trait à la fusion, toutes les conditions sont réunies pour donner un véritable second souffle à cette filière qui, associée à l’énergie solaire, doit nous permettre d’atteindre, dans quelques dizaines d’années, ce graal qu’est l’indépendance énergétique.
Toutefois, ce défi ne pourra être relevé que si nous faisons de la question de l’enseignement et de la formation des personnels ingénieurs une priorité absolue.
Le Gouvernement s’est engagé en la matière, grâce à l’investissement de 200 millions d’euros dans la formation depuis 2019. Poursuivons dans ce sens !
Le manque flagrant d’équipes compétentes dans le domaine de la maintenance a considérablement ralenti la remise en service de nombreux réacteurs depuis le début de la crise énergétique.
Dans ce secteur, le meilleur de l’innovation reste encore à inventer et les récents succès des Américains dans le domaine de la fusion nous autorisent tous les espoirs.
Enfin, le redressement de notre économie et de nos comptes publics sera directement lié à nos ambitions en matière d’indépendance énergétique. Le nucléaire est l’une des sources d’électricité décarbonée peu coûteuse à produire, permettant à la France d’avoir un prix de l’électricité parmi les plus bas d’Europe.
N’écoutons pas les « Khmers verts » et les « prédicateurs de la lampe à huile », dont le discours irréaliste ne peut que nous conduire dans des impasses mortifères pour les générations futures.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires sera sans ambiguïté et votera ce texte, symbole fort d’un cap à tracer et à poursuivre. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte a changé de nature. Il traduit maintenant le programme politique des Républicains, avec le consentement du Gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Un programme qu’ils auraient dû lancer lorsqu’ils étaient au pouvoir pour disposer de nouveaux réacteurs opérationnels aujourd’hui ! Si tant est que l’EPR démarre un jour…
« Ce projet de loi n’est pas une loi de programmation », avez-vous insisté madame la ministre, tout au long du parcours de ce texte au Sénat. Il n’était pas censé préempter les décisions qui seraient prises sur l’avenir du mix énergétique français.
Pourtant, au détour d’un amendement, dont l’objet très vague tendait à la diversification du mix électrique en visant un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables (EnR), vous avez acté, in fine, le renoncement à l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité.
Nous regrettons profondément ce recul conséquent et grave pour l’avenir énergétique de notre pays.
Le nucléaire demande une stabilité à toute épreuve, alors que le monde vit, et vivra, des décennies de grandes turbulences, climatiques et géopolitiques.
Ce choix dogmatique nous engage de manière irréversible pour le siècle à venir, au mépris du processus démocratique et des concertations en cours, alors qu’il est crucial que les citoyens décident eux-mêmes de leur avenir s’agissant de cet enjeu majeur.
D’ailleurs, le président de la commission particulière en charge de l’animation du débat public sur le projet de construction de deux réacteurs nucléaires EPR 2 sur le site de Penly, Michel Badré, et la présidente de la Commission nationale du débat public, Chantal Jouanno – une démocrate –, se désolent également de ce procédé complètement antidémocratique, qui revient à « considérer comme sans intérêt […] les interrogations, les remarques et les propositions faites » par nos concitoyens. Cela a l’air de contenter certains…
La suppression de l’objectif de 50 %, remplacé par la définition d’une part de nucléaire dans la production électrique fixée à plus de 50 % à l’horizon 2050, a modifié le code de l’énergie. Nous passons ainsi du principe d’un plafond à celui d’un plancher, ce qui change tout !
Ce changement de paradigme nous engage dans un avenir particulièrement incertain.
Cette mesure s’accompagne d’une palette de dispositifs en faveur d’une relance maximaliste du nucléaire, sans la moindre nuance : suppression du plafond de 63,2 gigawatts de capacité nucléaire installée ; révision du décret prévoyant la fermeture de douze réacteurs, en plus de celui de Fessenheim ; prolongation de la durée d’application du texte, initialement prévue jusqu’à 2038, jusqu’à 2050 ; qualification de projets d’intérêt général, par un décret en Conseil d’État, des projets d’installations d’entreposage de combustibles nucléaires ; ou encore, durcissement des peines sanctionnant les intrusions au sein de centrales nucléaires.
Plutôt que de renforcer la sécurité des centrales, on préfère s’en prendre aux lanceurs d’alerte ! Les militants de Greenpeace, à travers ces actions, dénoncent justement les problèmes de sécurité des sites nucléaires.
M. Stéphane Piednoir. Ben voyons…
M. Daniel Salmon. Casser le thermomètre n’a jamais fait tomber la fièvre du malade !
En résumé, des mesures situées strictement à l’opposé de nos recommandations. Rappelons les objectifs de ce texte : un projet de loi visant à gagner du temps en simplifiant les procédures administratives – jusqu’à cinquante-six mois, dites-vous –, même si le Conseil d’État, lui-même, n’est pas véritablement d’accord.
Or, encore une fois, ce ne sont pas les procédures environnementales qui ont fait prendre du retard à la filière. Le problème du nucléaire est bien plus profond et relève notamment d’un problème de compétences, mis en évidence par le fiasco de l’EPR de Flamanville.
Clairement, nous ne cernons toujours pas l’intérêt de ce texte face à l’urgence climatique. En effet, avec de premiers réacteurs opérationnels en 2040, il sera déjà bien trop tard ! Prendre des mesures pour gagner quelques mois ne sert absolument à rien.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne cesse de marteler que les principaux investissements dans la transition énergétique doivent être réalisés dans les dix ans.
Pourquoi n’entendez-vous toujours pas cet argument rationnel et scientifique ?
Nous avançons à l’aveugle s’agissant de ce choix de construire plusieurs EPR, qui représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements. Cet argent, nous en avons besoin, maintenant, pour développer les installations d’énergies renouvelables et pour atteindre les objectifs d’efficacité énergétique, afin d’agir concrètement pour la planète et pour améliorer le portefeuille des Français.
Les énergies renouvelables deviennent très compétitives, et cela en incluant le coût des capacités de flexibilité et de stockage. Chaque année, elles deviennent moins chères. À l’inverse, le nucléaire devient, quant à lui, de plus en plus coûteux, sans parler des dettes laissées aux générations futures, en termes de déchets et de démantèlement. L’avenir n’est pas dans les paris technologiques qui risquent de mettre gravement à mal notre économie.
Si quelques apports positifs sont adoptés, ils demeurent très à la marge. Nous notons, tout de même, à l’article 9 bis, l’ajout du rapporteur en faveur d’une meilleure intégration de la cybersécurité dans la sécurité nucléaire et d’une meilleure prise en compte de la résilience des réacteurs au changement climatique, lors de la demande d’autorisation de création et du réexamen décennal.
Cependant, le risque de l’étude de vulnérabilité ainsi prévue est qu’elle ne porte que sur un temps très court et ne prend pas en compte l’échelle de vie du réacteur.
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), elle-même, estime que le pas décennal n’est pas adapté à l’anticipation des effets du réchauffement climatique. Il faut se projeter jusqu’à la fin du siècle.
Seul réel motif de satisfaction : l’unique amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires adopté, tendant à renforcer notre sécurité collective, en empêchant la construction de nouvelles centrales nucléaires sur des zones littorales vulnérables aux inondations. Cette mesure de bon sens doit être absolument maintenue !
La problématique de l’eau a des effets aussi bien sur les anciennes centrales que sur le nouveau nucléaire. Le risque d’inondation ou de submersion marine comme la baisse d’étiage des fleuves dans les années à venir, largement démontrés par plusieurs rapports, sont des sujets centraux pour la sûreté et pour la protection des milieux naturels. Ce texte n’anticipe pas suffisamment ces problèmes qui se poseront de plus en plus. Nous constaterons alors que le nucléaire est de plus en plus intermittent.
Pour conclure, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose tant à l’objectif qu’aux modalités de ce texte, largement aggravé par son passage au Sénat : la modification de notre mix énergétique, et donc de notre PPE, s’ajoute au détricotage du code de l’urbanisme et du droit de l’environnement, pour de nouveaux réacteurs dont le Parlement n’a pas même encore validé le principe.
Nous sommes clairement en Absurdie et sommes atterrés par tant de dogmatisme et d’aveuglement.
En conséquence, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce texte, qui reléguera encore davantage au second plan l’indispensable déploiement des énergies renouvelables et les investissements dans la rénovation thermique, seuls capables de répondre aux enjeux climatiques et de souveraineté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 18 janvier, dans la nuit de mardi à mercredi, après un peu plus de sept heures de débats, nous avons achevé l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles centrales nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
Certains collègues ont considéré que ces débats n’étaient pas assez nourris. Pourtant, ces échanges ont surtout révélé une certaine convergence de vues entre nous sur ce texte, première pierre d’un immense chantier pour la relance du nucléaire en France.
Cependant, ce projet de loi de simplification des procédures est technique – très technique – ce qui a limité l’inflation d’amendements et ce qui devait, a priori, éviter de longs débats de fond portant sur ce que nous voulons en matière de mix énergétique ; débats que nous aurions dû avoir et que nous aurons l’été prochain lors de l’examen du projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat. J’y reviendrai.
Alors, que retenir du projet de loi à la suite de son examen par le Sénat ? Quelques désaccords sur le fond, qui risquent d’amoindrir la portée des articles, et une véritable divergence s’agissant de l’angle programmatique ajouté.
C’est donc sans sourciller que la majorité sénatoriale supprime l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2035, tout en imposant la révision du décret prévoyant la fermeture de douze réacteurs.
C’est sans trembler que la majorité sénatoriale supprime le plafond autorisé d’électricité nucléaire, fixé à 63,2 gigawatts, dans le code de l’énergie.
Mes chers collègues, la question n’est pas de savoir si nous sommes pour ou contre la relance du nucléaire. À titre personnel, j’y suis très favorable. Au fond, il me semble qu’il s’agit plutôt de comprendre pourquoi vouloir balayer d’un revers de main les consultations en cours. Peut-être par impatience, afin de marquer un positionnement assumé, profitant ainsi de ce véhicule législatif pour envoyer un signal fort.
Reconnaissons que, soucieux d’écouter la majorité sénatoriale, le Gouvernement a fait un geste en défendant un amendement visant à un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables ; un amendement d’appel qui ne précise en rien le rapport de cet équilibre.
En effet, une fois encore, ce projet de loi n’est pas un texte programmatique ; l’équilibre de ce mix énergétique n’est pas – et ne sera pas – l’objet de ce texte d’accélération des procédures.
Deux consultations publiques sont en cours. L’une, menée par le Gouvernement, dans le cadre d’une vaste consultation publique, s’est achevée le 18 janvier et compte, à ce jour, 31 355 contributions.
Cette concertation s’est poursuivie sous la forme d’un forum des jeunesses à Paris, réunissant 200 jeunes, âgés de 18 à 35 ans, sélectionnés par tirage au sort dans toute la France.
L’autre consultation, animée par la Commission nationale du débat public, doit débattre de l’avenir du nucléaire de demain. Elle a débuté le 27 octobre et doit se poursuivre jusqu’au 27 février prochain.
Ne pas attendre la fin de ces consultations n’est respectueux ni des contributions ni des citoyens, qui ont légitimement cru que leurs paroles pouvaient être prises en compte avant la tenue du débat parlementaire.
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas exact !
M. Bernard Buis. D’ailleurs, sur ce point, la CNDP a été très claire, en considérant que cette anticipation de la programmation pluriannuelle de l’énergie revenait « à considérer comme sans intérêt les interrogations, les remarques et les propositions faites lors du débat public en cours pour définir la stratégie énergétique ».
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas vrai !
M. Bernard Buis. Nous attendons de la navette parlementaire qu’elle revienne sur ces dispositions, afin de respecter ce temps démocratique nécessaire à l’acceptation de notre nouvelle stratégie énergétique.
Aussi regrettons-nous que le Sénat ait mis un peu de plomb dans l’aile aux objectifs de simplification du texte.
Je pense, par exemple, à l’article 3 concernant la dispense d’autorisation d’urbanisme. Les précisions apportées au décret en Conseil d’État créent désormais quasiment un nouveau régime d’autorisation contre-productif.
Je pense à l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, dans le cadre de la délivrance de l’autorisation environnementale, dont l’apport semble peu pertinent pour les aspects préparatoires au chantier.
Je pense aux dispositions visant à soumettre à autorisation les ouvrages de raccordement. Ces procédures retarderaient l’autorisation de nouvelles installations électronucléaires.
Finalement, ce sont dix points d’alerte, susceptibles d’être contraires aux objectifs de simplification de la loi, que nous avons signalés à la majorité sénatoriale, avec pour résultat, le rejet de dix amendements. Nous en prenons acte. Nous espérons, là encore, que l’Assemblée nationale sera plus réceptive à nos contributions.
Ces remarques étant faites, nous voterons toutefois, en responsabilité, le texte émanant du Sénat, car nous partageons plus d’objectifs que nous n’avons de divergences. Notre groupe souhaite reprendre la grande aventure du nucléaire civil, objectif partagé par beaucoup d’entre vous.
Ce sera d’abord Penly en Seine-Maritime, pour une première mise en service envisagée entre 2035 et 2037, puis Gravelines, et ensuite, dans la vallée du Rhône. À ce sujet, je réaffirme mon souhait d’accueillir de nouveaux EPR à Tricastin, où tout un bassin d’emploi est prêt à se retrousser les manches pour participer à cette nouvelle aventure nucléaire.
Nous en prenons conscience, les besoins en main-d’œuvre qualifiée sont immenses pour rénover le parc existant comme pour mener à bien les projets de nouveaux réacteurs. Il est question de recruter, de 2023 à 2030, 10 000 à 15 000 personnes minimum par an, au lieu des 5 000 personnes embauchées chaque année entre 2019 et 2022.
S’agissant des ressources humaines, l’enjeu est considérable. Depuis 2020, 200 millions d’euros ont été consacrés à la formation dans cette filière.
Dans notre région, nous anticipons aussi ces bouleversements. Un centre de formation aux métiers du nucléaire ouvrira ses portes en septembre 2023 à la Voulte-sur-Rhône, en Ardèche, en bordure de la Drôme. Je fais ici un clin d’œil à mes collègues ardéchois, Mathieu Darnaud et Anne Ventalon.
Ce centre devrait accueillir quatre-vingts élèves chaque année. Il leur permettra de se former aux différents métiers dont a besoin l’industrie nucléaire, comme la chaudronnerie, la soudure, l’usinage ou encore l’électricité. Un centre de formation d’autant plus nécessaire que ces métiers de techniciens et d’opérateurs ne sont pas suffisamment pourvus dans la filière, contrairement aux postes d’ingénieurs.
Pour conclure mes chers collègues, en attendant de nous exprimer sur notre trajectoire énergétique, ce projet de loi sera essentiel pour accélérer, actualiser et dépoussiérer des procédures qui, pour certaines d’entre elles, datent de cinquante ans.
Alors, mes chers collègues, votons ce projet de loi, rien que ce projet de loi, tout ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Fabien Gay applaudissent également.)
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je voudrais ici rappeler le contexte et les objectifs qui étaient les nôtres lors de la discussion de ce texte visant à accélérer la construction d’installations nucléaires sur des sites existants ou à leur proximité.
Le contexte, c’est celui de cinq années de désintérêt, de tergiversations au plus haut niveau de l’État, débouchant en février 2022 sur une décision de commande ferme de six EPR 2 et de mise à l’étude de huit unités supplémentaires, avec l’espoir d’une hypothétique mise en service, dans le meilleur des cas, en 2035, et sans avoir lancé de débat ou de consultation, un tant soit peu démocratiques, avec les premiers concernés : nos compatriotes.
Pendant des années, nous avons sollicité, sans cesse, les gouvernements, les uns après les autres, afin d’engager ce débat avec les Français et, au Parlement, avec vous.
Nous vous avons interpellée, madame la ministre, au sujet de la nécessité de prendre le temps d’avoir un débat approfondi sur le mix énergétique, qui doit évoluer au regard de l’indispensable sortie des énergies fossiles.
Sans cesse, nous avons rappelé la situation alarmante d’EDF et attiré l’attention sur la crise de l’énergie que nous voyions se développer bien avant la crise géopolitique européenne actuelle.
S’agissant des objectifs, quelle organisation adoptée pour l’énergéticien français, qui sera bientôt, peut-être, 100 % public ? Après le projet Hercule rebaptisé Grand EDF, nous n’avons toujours aucun échange, sur le fond, avec vous, qui représentez l’État.
Dans le cadre de quelle stratégie sommes-nous ? Avec quels moyens financiers ? Pour servir quels objectifs de souveraineté industrielle, dans l’intérêt premier des consommateurs aussi bien particuliers, professionnels qu’industriels ? Sur la base de quelles propositions françaises de réforme du marché européen ? Un marché qui a démontré son inadéquation avec les intérêts stratégiques des États membres et de l’Union européenne.
Lors de la discussion générale, j’indiquais que nous ne voulions pas que ce projet de loi soit le prétexte à la tenue d’un pseudo-débat d’affichage sur une partie, fût-elle importante, du mix énergétique dont la France a besoin, de toute urgence, pour répondre aux enjeux climatiques.
Sans débat de fond entre nous, portant sur ce que pourrait ou devrait être le mix énergétique, la majorité sénatoriale a élargi le périmètre du projet de loi initialement consacré à la simplification des procédures de délivrance des autorisations.
Nous nous sommes opposés à ce changement de périmètre. Pourquoi ? Parce que ce débat ne peut pas être traité à la légère, au Parlement, au détour – et en quelques heures de discussion – d’un texte qui ne lui est pas entièrement consacré et qui n’a pas été préparé dans ce but.
À tout le moins, convenez-en, une solide étude d’impact, s’appuyant notamment sur les études robustes de Réseau de transport d’électricité (RTE) ou de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), est nécessaire.
Or s’agissant du seuil des 50 % comme de celui des 63,2 gigawatts, nous n’avons rien ! Nous ne sommes plus dans les années 1960 ou 1970 ; ce débat intéresse et concerne l’ensemble des Français !
En outre, comme le prévoit la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle, les Français ont à connaître et doivent pouvoir discuter des politiques énergétiques comme climatiques qui conditionneront la durabilité, si ce n’est la viabilité, du monde de demain.
A contrario du trop peu de considération – c’est un euphémisme – accordée à la Convention citoyenne pour le climat, nous devons respecter les débats en cours, animés par la CNDP, portant sur l’avenir énergétique du pays et sur la composition de notre futur mix énergétique, ainsi que les consultations sur les nouveaux EPR 2.
Respecter la dimension consultative ou participative de notre démocratie ne nous permet pas d’anticiper le contenu de la future loi quinquennale, examinée par le Parlement en 2023.
Le mix devra résulter d’un optimum combinant les différents modes de production disponibles, tout en tenant compte de leurs divers effets spécifiques. Nous n’écartons a priori aucun moyen de production décarboné.
Dans une perspective d’emplois et de souveraineté nationale, nous devrons nous donner l’objectif de disposer de filières industrielles implantées dans nos territoires. La formation et la reconnaissance des métiers devront être notre priorité ; cela pour chaque mode de production.
Sur le plan technique, les possibilités de prolongation des réacteurs pèseront lourdement sur le mix retenu. Elles ne sont actuellement pas connues ; l’ASN ne les a pas encore instruites.
Au moment où nous parlons, de nombreuses incertitudes technologiques restent aussi à lever.
En considérant ces différents aspects, soyons réalistes et rationnels afin d’adopter une position politique éclairée, dont les effets seront majeurs à long terme. C’est la position de principe du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Quant au débat, l’ensemble de nos amendements tendant au rétablissement du périmètre initial ont été rejetés.
Nous avons aussi voulu porter le débat sur des points de vigilance qui méritent l’attention. Il s’agit de ceux qui sont relatifs à la nécessaire prise en compte des aléas climatiques extrêmes – ressource en eau, trait de côte, inondations, etc. –, autant de sujets qui, avec d’autres, conditionneront la performance et la sécurité du parc de production nucléaire dans les décennies à venir.
Sur ce point, notre groupe a obtenu que soient confortés les moyens humains de l’ASN et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), pour maîtriser à la fois l’emploi du nucléaire et les nouvelles contraintes liées aux changements climatiques, nécessitant des expertises supplémentaires.
Enfin, à propos des conséquences des procédures dérogatoires instaurées par ce texte, je soulignerai deux avancées issues de nos propositions.
La première, c’est le renforcement du dialogue avec les exécutifs locaux en amont de la mise en œuvre des procédures dérogatoires de mise en compatibilité des documents d’urbanisme.
La deuxième, c’est la possibilité de s’assurer que la consultation du public se déroulera dans les meilleures conditions possible pour tous les citoyens, notamment en offrant la possibilité de consulter à la mairie un dossier imprimé.
En définitive, le texte soumis à notre vote est hybride : d’un côté, il détaille diverses procédures ; de l’autre, il aborde, sans la traiter correctement – il s’en faut ! –, la question centrale du mix énergétique.
Enfin, sa portée, pour être réelle et utile, est à relativiser. Ce texte permettra de gagner une année, deux au mieux, alors que le pays en a perdu cinq pour des installations industrielles dont la durée de vie pourrait être de soixante ans ou plus.
En conséquence, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra.
Madame la ministre, nous vous demandons d’engager sans tarder le processus de révision du mix énergétique national, en travaillant dès maintenant de façon approfondie avec le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dès l’ouverture de la discussion générale sur ce texte, nous avons émis un certain nombre de réserves.
Nos réserves sont d’abord de forme : nous regrettons, madame la ministre, que rien ne change dans votre méthode.
Le constat est clair : nous vivons une crise sans précédent, qui exige une réponse globale.
Aujourd’hui, c’est le système concurrentiel qui s’effondre. Il n’a d’ailleurs jamais tenu par lui-même, puisqu’il a toujours fallu intervenir pour faire émerger un semblant de concurrence.
Et quelle concurrence ! Les fournisseurs alternatifs sont dopés aux aides d’État indirectes et propulsés par l’assèchement organisé de l’opérateur historique, EDF. Au sein du marché européen de l’électricité, les traders et la spéculation se sont invités, la fraude est massive. Les valeurs marchandes n’ont pas de réalité concrète, les échanges sont sans stock et les factures sans lien avec les mix électriques nationaux.
C’est un fiasco pour les usagers, pour l’innovation, pour l’investissement et pour le développement des énergies décarbonées !
Cette situation, personne ne peut l’ignorer tant la crise l’a rendue visible ; les collectivités, les entreprises, les artisans, les commerçants, les particuliers, nul n’est épargné.
Mais un choc n’est jamais une fatalité. Lorsque l’on prend la mesure de ce qui se produit et que l’on accepte qu’il faille changer de logiciel, alors il est possible de rebâtir quelque chose, pour régler le problème efficacement et durablement.
Ce n’est toutefois pas l’approche que vous avez retenue, madame la ministre.
Vous continuez de penser qu’il est possible de traiter partiellement les enjeux relatifs au secteur de l’énergie, texte après texte, projet de loi après projet de loi, sans remettre en question le cadre global.
Ce n’est pas possible ! L’ensemble des groupes de notre assemblée vous l’a dit, du reste ; les sensibilités politiques sont loin d’être les mêmes, mais tous vous ont reproché la méthode avec laquelle vous avez abordé le sujet.
Près de six mois avant la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie, vous nous présentez un texte visant à réduire les délais administratifs propres au nucléaire. C’est en réalité symptomatique du rôle du Parlement aux yeux de votre gouvernement. Selon vous, c’est une chambre d’enregistrement où vous faites voter des textes parce que la Constitution vous y oblige. Le débat, cela ne vous intéresse pas ! D’ailleurs, pour vous, le mieux serait de ne pas amender.
Madame la ministre, la filière nucléaire a souffert non pas des délais administratifs, mais des atermoiements des gouvernements successifs et de la volonté de mettre fin à cette filière. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER, UC et Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Quant à nous, communistes, nous soutenons le développement du nucléaire comme celui des énergies renouvelables, mais à deux conditions : démocratie et sécurité.
Faire voter un texte alors que le débat public sur le nucléaire n’est pas fini, ce n’est pas sérieux !
Pis, la réduction des délais administratifs risque de provoquer colère et incompréhension, alors que ces projets de réacteurs vont s’étendre sur un siècle. Il faut prendre le temps de la concertation et de l’acceptabilité.
Vous pourriez rencontrer un autre problème, madame la ministre, dans l’hypothèse où le Parlement déciderait de retenir dans la PPE le scénario du mix 100 % renouvelable établi par RTE. Tel n’est pas notre souhait, mais imaginons… Nous aurions passé du temps à bavarder pour rien !
D’ailleurs, vous avez passé huit des onze minutes de votre intervention générale, au début de l’examen du texte, à nous expliquer ce dont il ne fallait pas parler, à savoir l’essentiel et l’important. À vous en croire, pour ce projet de loi, il aurait fallu s’en tenir au secondaire et au superficiel.
Madame la ministre, si l’on ose amender, ou si votre gouvernement se trouve minoritaire au Parlement, alors il répond par la procédure accélérée, par le « 49.3 » à l’Assemblée nationale ou, comme c’est actuellement le cas pour la réforme des retraites, par l’article 47-1 de la Constitution.
Venons-en maintenant au fond. Le financement du nucléaire ? Il est interdit d’en parler ! Pourtant, c’est une chose de modifier un article du code de l’urbanisme, c’en est une autre de savoir comment financer huit nouveaux EPR, qui coûtent plusieurs dizaines de milliards d’euros. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Avec EDF, nous aurions une maîtrise publique via un groupe renationalisé, mais nous voulons d’abord savoir quelle sera la nouvelle architecture du groupe. Là aussi, il est interdit d’en parler ; cela ne serait pas à l’ordre du jour !
Madame la ministre, permettez-moi de vous dire que les parlementaires, sur toutes ces travées, sont en droit de s’interroger sur les capacités d’investissement d’un groupe qui a déjà 60 milliards d’euros de dettes, dont une large part est due à l’Arenh. Mais non : passez votre chemin, le Gouvernement s’occupe de tout…
Et quelle sera la régulation de ce nouveau nucléaire après 2025, avec l’Arenh 2.0 ? Là encore, il est interdit d’en parler ! Vous nous objectez que les négociations ont commencé, mais nous ne savons même pas avec qui !
Pourtant, c’est un sujet sur lequel il est impensable de faire l’économie d’une réflexion, tant ce système est absurde et insupportable.
Aussi, je poserai trois questions. D’abord, allez-vous continuer de ruiner EDF avec un système comme l’Arenh ? (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Comptez-vous nous faire voter pour la construction d’installations nucléaires qu’EDF n’aura pas les moyens d’entretenir ? Le service public va-t-il continuellement être racketté au profit d’acteurs alternatifs privés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Fabien Gay. Ensuite, la question fondamentale porte sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE). Pourtant, vous n’avez pas prononcé un mot à ce sujet ! Là encore, interdit d’en parler !
Madame la ministre, souhaitez-vous maintenir ces tarifs réglementés ou y mettre un terme, à l’instar de ceux du gaz à compter de juin 2023 ? Ces questions ne sont pas annexes, elles sont au cœur même du sujet.
Enfin, concernant les enjeux de sécurité et d’emploi, vous n’avez pas eu un mot pour les travailleurs de la filière, ni même pour ceux qui font les frais de la sous-traitance en cascade.
Nous vous avons interrogée sur ce point, et vous nous avez répondu qu’ils ne rêvent pas tous du statut du personnel des industries électriques et gazières (IEG). Je le redis et je l’assume : nous ne devons pas rencontrer les mêmes travailleurs !
Nous exigeons, à leurs côtés, que ce statut soit sanctuarisé et élargi à l’ensemble des sous-traitants. Il y va de la sécurité de ces travailleurs et de la nôtre, ainsi que de l’attractivité de la filière ; il y va également de la reconnaissance de leur travail et de leurs qualifications.
Soyons clairs : la décennie de retard de l’EPR de Flamanville provient moins des lenteurs administratives que de la casse des métiers, des savoir-faire et des compétences !
M. Jean-François Rapin. Exact !
M. Fabien Gay. Tout cela a été précipité par le recours abusif aux sous-traitants.
À l’instar de ce que nous défendons pour les énergies renouvelables, nous demandons que le nucléaire soit de haut niveau et non pas low cost.
Nous voulons construire notre indépendance sur ces deux piliers : la maîtrise publique et un appui sur nos propres savoir-faire, compétences et filières.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Fabien Gay. En effet, pour nous, l’énergie est un bien commun de l’humanité, qui doit être sorti des griffes du marché.
Oui à un nucléaire de haut niveau, non à votre méthode !
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées des groupes SER et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Amel Gacquerre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation du mix énergétique français est désormais bien connue : à près de 62 %, notre consommation d’énergie repose encore sur les énergies fossiles, qui sont massivement importées.
Le conflit russo-ukrainien, au travers de ses conséquences sur l’approvisionnement en hydrocarbures, a mis en lumière notre dépendance et l’impérieuse nécessité de produire notre énergie de façon autonome.
La question de l’énergie n’est pas nouvelle ; elle est vitale. Sans approvisionnement énergétique, point de transport, point de développement industriel, point d’agriculture ! Au reste, peu d’activités humaines demeureraient possibles…
Pourtant, pour que le sujet soit enfin abordé, il a fallu subir une crise géopolitique en Europe et voir le coût de l’énergie exploser, ce qui a eu des conséquences sur les dépenses des ménages et a placé dans une situation économique délicate, voire catastrophique, nombre de nos artisans et de nos entreprises. Et ce sujet est abordé dans l’urgence, bien sûr…
Face aux multiples enjeux qui s’imposent à nous – la souveraineté énergétique, la baisse programmée de la consommation d’énergies fossiles, la nécessité de développer une énergie bas-carbone et, bien sûr, une plus grande efficacité énergétique –, le nucléaire doit être le fer de lance de la politique énergétique française pour les trente années à venir.
Nous n’avons pas le choix : ce n’est qu’en construisant un mix énergétique alliant un nucléaire pilotable à des énergies renouvelables diversifiées et compétitives que nous pourrons envisager un avenir plus serein pour nos concitoyens, pour nos entreprises et pour notre planète.
Exclusivement technique, ce projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes est naturellement bienvenu. Son examen est l’occasion de mettre en lumière un sujet primordial, mais il reste de regrettables zones d’ombre.
Je ne m’attarderai pas trop longuement sur le joyeux désordre qui règne dans le calendrier parlementaire de la politique énergétique.
Désormais, à chaque saison son projet de loi énergétique : l’automne nous a offert les énergies renouvelables ; l’hiver, le nucléaire ; le début de l’été nous verra examiner une loi de programmation aux contours complètement inconnus.
Cette saisonnalité regrettable conduit notre politique énergétique à être au mieux illisible, au pire incohérente.
Je ne reviendrai pas non plus dans le détail sur les actes manqués de ce texte, d’une technicité rare et au caractère politique limité, voire inexistant. Des questions centrales ne sont pas abordées, notamment le financement des futurs investissements colossaux – je rejoins sur ce point les propos des orateurs précédents.
Quel modèle souhaitez-vous choisir, madame la ministre, sachant que l’un des enjeux est de garantir un coût maîtrisé de l’électricité ?
Quid des réacteurs existants, qui ne pourront pas tourner indéfiniment ? Qu’en est-il de la question des compétences et de la formation du personnel, sans lesquels la relance sera impossible ?
Enfin, je ne m’arrêterai pas non plus longuement sur les questions soulevées quant à l’avenir de notre capacité de production électronucléaire.
Selon RTE, notre mix énergétique devra être composé à 55 % d’électricité, contre 25 % actuellement. L’électricité étant produite à hauteur de 70 % par nos centrales nucléaires, il nous faudra augmenter notre capacité de production. Les quatorze réacteurs annoncés par le Président de la République nous permettraient de le faire légèrement, mais inévitablement les réacteurs construits dans les années 1970 et 1980 fermeront.
Mes chers collègues, vous l’avez compris, le compte n’y est pas. Nous devons donc être bien plus ambitieux afin de relever ce défi.
Je souhaite néanmoins revenir sur le travail sénatorial de fond et de qualité mené à partir du projet de loi initial, travail qui a permis de consolider l’assise juridique du nucléaire existant, ainsi que le cadre des projets à venir.
Je salue également l’excellent travail de nos rapporteurs, Daniel Gremillet et Pascal Martin, ainsi que des commissions des affaires économiques et de l’aménagement du territoire ; ce travail a été effectué, j’y insiste, en un temps record.
Je souhaite relever quelques apports essentiels issus de leurs travaux, notamment la suppression par le Sénat de l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2035.
La suppression du plafonnement de la capacité de production d’électricité nucléaire, qui avait été introduit dans la loi du 17 août 2015, doit également être soulignée. Ce plafonnement, qui ne laissait que peu de marge de manœuvre pour développer le nucléaire en France, était un non-sens face aux défis qui s’imposent à nous : la hausse de consommation d’électricité et la réindustrialisation.
Une autre avancée est l’extension à l’horizon 2050 de la durée d’application des mesures contenues dans ce texte. Cette disposition permettra de doter le nucléaire d’une vision stratégique plus claire et de long terme, et concourra à l’attractivité de la filière, qui est essentielle pour donner envie à nos jeunes de suivre les formations nécessaires à la relance du nucléaire.
Autre point positif : la meilleure prise en compte de l’avis des collectivités territoriales dans la mise en compatibilité des documents d’urbanisme lorsqu’un projet de réacteur est à l’étude. Cette demande venait de nos territoires, c’est désormais chose faite et cela constitue un véritable pas en avant. Nous devons bâtir notre stratégie énergétique avec l’ensemble des acteurs concernés ; cela commence à l’échelon local.
Enfin, la consolidation de la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires au-delà de leur trente-cinquième année de fonctionnement est inévitable, afin de garantir un bon entretien du parc existant. C’est un enjeu crucial au regard des polémiques récentes sur l’état de ce parc. D’ailleurs, les risques de délestage évoqués cet hiver sont toujours d’actualité.
Mes chers collègues, sous l’impulsion de nos rapporteurs, nous avons fait évoluer ce texte technique afin de faciliter concrètement la construction de futurs réacteurs.
L’année 2023 doit être celle de la relance du nucléaire et, en parallèle, du développement des énergies renouvelables.
Mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même serons particulièrement vigilants sur ces points lors de l’examen de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie, qui est prévue pour l’été prochain, afin que le Gouvernement passe des paroles aux actes, sans éluder, bien sûr, les questions essentielles d’approvisionnement en uranium, de gestion des déchets, de sûreté et de recherche et développement.
Madame la ministre, nous voterons ce projet de loi amendé, car il a pour objet de participer à la relance de la filière nucléaire en France, mais vous l’avez compris, ce vote n’est ni une carte blanche ni un blanc-seing. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Mes chers collègues, si nous sommes actuellement confrontés à une crise économique importante et à une inflation galopante, c’est en grande partie parce qu’un certain nombre de responsables politiques ont torpillé le programme nucléaire français.
Il faut dire la vérité : la grande cause de la crise économique actuelle, c’est l’explosion du coût de l’énergie. Or celle-ci résulte de décisions prises par des irresponsables, qui ont voulu faire croire que l’énergie nucléaire était plus dangereuse que les autres. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
Par le passé, j’ai été ingénieur des mines ; à ce titre, j’ai contrôlé les mines de charbon. J’ai également été inspecteur national des installations nucléaires.
M. Vincent Éblé. Qu’est-ce qu’on en a à faire ?
M. Jean Louis Masson. Aussi, je peux vous dire que, à quantité égale d’énergie produite, une mine de charbon est à l’origine de cinquante fois plus de morts qu’une centrale nucléaire.
M. Jean-François Rapin. C’est vrai !
M. Guy Benarroche. Et les irradiés ?
M. Jean Louis Masson. Mais on a fait de la démagogie ! Nos collègues écologistes ont transformé le nucléaire en un fonds de commerce politicien ! (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Bruno Sido applaudit.)
Les écologistes savent très bien que la meilleure solution pour lutter contre le gaz carbonique, c’est d’installer non pas des moulins à vent (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.), mais des structures qui produisent de l’énergie en quantité, à bas coût.
Un sénateur du groupe SER. C’est loin, Bakou !
M. Jean Louis Masson. On veut maintenant nous faire croire que les éoliennes sont rentables… Mais c’est le cas uniquement parce que le prix de l’électricité a doublé ; sinon, elles ne le seraient pas !
Les écologistes portent une responsabilité colossale. Ils sont sympathiques lorsqu’ils sont des hommes de base, mais lorsque ce sont des politiciens, ce sont des catastrophes ! (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER. – Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.) Ils pourrissent la vie de nos concitoyens, notamment avec les zones à faibles émissions, qui visent à lutter contre les prétendues pollutions des automobiles. (Rires et exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et Les Républicains.)
Mes chers collègues, il faut relancer la construction de centrales et la production d’électricité nucléaire. À ce titre, ce projet de loi est excellent, le Sénat a très bien travaillé dessus, et je le voterai.
Je terminerai sur ce point important : ce qu’il faut, c’est tourner au maximum la molette des centrales nucléaires ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Stéphane Ravier et Mme Christine Herzog applaudissent également.)
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 110 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 255 |
Pour l’adoption | 239 |
Contre | 16 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de votre travail sur ce texte.
Je salue plus particulièrement les rapporteurs Daniel Gremillet et Pascal Martin, Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, et Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire, ainsi que l’ensemble des membres de ces deux commissions.
Vous l’avez dit, ce projet de loi est le deuxième texte énergétique à être examiné au cours de ces trois derniers mois, au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Cela reflète notre détermination à préparer collectivement l’avenir énergétique de notre pays, à sortir de notre dépendance aux énergies fossiles et à des puissances étrangères parfois hostiles, en nous dotant des moyens de produire des énergies décarbonées dans notre territoire. À ce sujet, je rappelle que nous dépendons aux deux tiers des énergies fossiles – il n’y a là rien de nouveau sous le soleil, puisque cette situation dure depuis cinquante ans !
Cela témoigne également de notre détermination à répondre aux enjeux relatifs au pouvoir d’achat des Français et à la compétitivité de nos entreprises. C’est en produisant de l’énergie à bas coût que nous résoudrons le problème du prix de l’électricité, quel que soit le type de marché.
Cela témoigne enfin de notre détermination à faire de la France un grand pays de l’énergie, souverain d’un point de vue technologique et en mesure d’exporter – il me semble que nombre d’entre vous sont sensibles à cet objectif.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinerez dans quelques mois le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, que vous attendez avec beaucoup d’impatience.
Il nous faut respecter le temps du débat public – nombre d’entre vous l’ont rappelé dans cet hémicycle –, qui vise à interroger les Français sur le système énergétique de demain, conformément à votre volonté de législateur. La Commission nationale du débat public vous adressera une synthèse des résultats, qui vous permettra de choisir les bons réglages en parfaite connaissance de cause.
Il n’appartient donc pas au Gouvernement de défendre aujourd’hui une vision de la future programmation pluriannuelle de l’énergie, puisqu’elle viendra dans un second temps.
J’insiste toutefois sur notre souhait de construire notre mix énergétique sur deux piliers : d’abord, la baisse de la consommation d’énergie, au moyen de l’efficacité et de la sobriété énergétique, conformément aux analyses du Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, selon lequel c’est la première façon de garantir notre indépendance énergétique ; ensuite, la production d’électricité et de chaleur par le biais des énergies renouvelables et des réacteurs nucléaires.
Notre ligne est très claire et nous aurons l’occasion de travailler très prochainement à ce sujet, en amont de la prochaine programmation, car je suis consciente que chacun doit être partie prenante de ce débat essentiel et stratégique, ainsi que vous l’avez tous dit au cours de vos explications de vote.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinquante, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Lors du scrutin n° 110, sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, je souhaitais m’abstenir.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Opposition à l’examen selon la procédure de législation en commission d’une proposition de loi
Mme la présidente. Mes chers collègues, par courrier en date du 19 janvier, M. Guillaume Gontard, président du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, s’oppose à l’examen selon la procédure de législation en commission de la proposition de loi visant à régulariser le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes du Bas-Chablais, inscrite à l’ordre du jour du mardi 31 janvier.
Acte est donné de cette demande.
Pour l’examen de ce texte, nous pourrions prévoir une discussion générale de 45 minutes.
Par ailleurs, le délai limite de dépôt des amendements de séance serait fixé au lundi 30 janvier à 12 heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
7
Candidatures à une commission d’enquête et à une mission d’information
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française, ainsi que des vingt et un membres de la mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France.
En application des articles 8 et 8 ter, alinéa 5, du règlement du Sénat, les listes de candidats remises par les groupes politiques ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
8
Création d’une commission spéciale
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 16 bis, alinéa 2, du règlement, la proposition de création d’une commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires.
Je soumets cette proposition au Sénat.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Conformément à la décision de la conférence des présidents, la désignation des 37 membres de cette commission spéciale aura lieu en séance publique mercredi 1er février.
9
Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (projet n° 220, texte de la commission n° 249, rapport n° 248, avis nos 246 et 247).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Demande de priorité
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Madame la présidente, en accord avec la commission des lois, la commission des affaires sociales et la commission de la culture, le Gouvernement demande que les articles 17, 4 et 5, ainsi que l’amendement portant article additionnel après l’article 4, soient examinés en priorité avant l’article 3 ; que les articles 9 à 11, ainsi que les amendements portant articles additionnels s’y rapportant, soient examinés avant l’article 8 ; enfin, que l’article 18 soit examiné avant l’article 12.
Mme la présidente. Je suis donc saisie par le Gouvernement, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement, d’une demande de priorité tendant à ce que les articles 17, 4 et 5, ainsi que l’amendement portant article additionnel après l’article 4, soient examinés avant l’article 3 ; à ce que les articles 9 à 11, ainsi que les amendements portant articles additionnels s’y rapportant, soient examinés avant l’article 8 ; enfin, à ce que l’article 18 soit examiné avant l’article 12.
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il est favorable.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Madame la présidente, madame le rapporteur, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accueil du monde entier, autour des valeurs de l’olympisme : l’excellence, l’amitié, le respect ; des performances qui ont inspiré les générations futures et les ont poussées à aller, à leur tour, plus vite, plus haut, plus fort ; des infrastructures durablement améliorées et une première reconnaissance du sport féminin ; voilà ce que les Jeux de 1924 avaient légué à la France. C’était il y a presque cent ans.
Chacun le sait, en réinventant les Jeux de l’ère moderne, Pierre de Coubertin portait le rêve d’un événement capable d’une influence positive sur le cours du monde ; ces compétitions ont su s’affirmer au fil du temps comme d’exceptionnels moments de rapprochement entre les peuples.
Les Jeux ont été à l’origine d’exploits sportifs fascinants, d’émotions collectives à nulle autre pareille. Pour les pays hôtes, organiser et réussir les Jeux est donc un honneur conquis de haute lutte, une formidable opportunité, mais aussi, chacun le mesure, un immense défi.
Aujourd’hui, la France retrouve les jeux Olympiques pour la première fois depuis un siècle et accueille les jeux Paralympiques pour la première fois de son histoire.
C’est à Lausanne, il y a cinq ans, sous l’égide du Président de la République, que le rêve olympique et paralympique français est devenu vraisemblable ; c’est à Lima qu’il a pris réalité. La délégation française a forgé alors cet « esprit de Lima », un esprit d’unité qui a permis de poser les fondations des Jeux de Paris 2024 ; un esprit que nous ferons vivre.
Depuis lors, le travail acharné de l’ensemble des acteurs nous a permis d’entamer la dernière phase de notre préparation avec confiance. C’est sur ce socle que j’inscris, depuis huit mois, mon action à la tête du ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, sous l’autorité de la Première ministre.
Avec beaucoup de gratitude, je tiens à remercier ceux qui ont été les pionniers de cette conquête olympique collective. Je me tourne notamment vers vous, cher Patrick Kanner, mais je salue également les sénateurs qui contribuent à cette aventure collective et ceux qui, plus largement, portent, parfois depuis longtemps, la volonté de voir le sport mieux installé au cœur de notre société.
À ce titre, je tiens tout particulièrement à remercier la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi que son président, Laurent Lafon, pour sa vision et pour nos échanges, aussi exigeants que constructifs.
Notre équipe est au travail, autour du comité d’organisation et de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), avec Paris, la ville hôte, la région Île-de-France, le département de la Seine-Saint-Denis et la ville de Saint-Denis, ainsi que les 70 autres collectivités hôtes impliquées, de Lille à Marseille, de Châteauroux à Teahupo’o. S’y ajoute l’ensemble des ministères concernés, tous mobilisés et coordonnés par la délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques, dirigée par le préfet Michel Cadot.
Nous devons rendre toujours plus efficace le pilotage de ce projet, comme nous y appelle, à juste titre, le rapport récent de la Cour des comptes. Il nous faut, en effet, être à la hauteur de cet événement d’une immense envergure sportive, avec 15 000 athlètes, médiatique, avec plus de quatre milliards de téléspectateurs, et organisationnelle, avec l’équivalent de quarante-trois championnats du monde simultanés, avec 800 000 personnes à acheminer chaque jour, enfin avec le déploiement quotidien d’environ 50 000 membres des forces de sécurité publiques et privées.
J’ai l’habitude de dire que réussir les Jeux, c’est réunir un quatuor d’exigences : l’organisation la plus irréprochable possible ; des athlètes au meilleur de leur performance ; une vraie fête populaire pour tous les Français et dans tous les territoires ; enfin, un héritage utile et durable pour le pays.
Il doit en aller ainsi, notamment en Seine-Saint-Denis, département qui concentre plus de 80 % des investissements publics du projet, mais aussi dans toute la France, dont nous devons faire une nation sportive. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a d’ores et déjà choisi de faire de l’activité physique et sportive une grande cause nationale en 2024.
Cet événement doit refléter ce que nous sommes, ce que nous savons faire de meilleur, à travers plusieurs grands marqueurs.
La parité, d’abord : pour la première fois, à Paris, seront engagés dans les épreuves olympiques exactement le même nombre d’athlètes femmes et hommes.
La compacité, ensuite : 95 % des équipements prévus seront éphémères ou existent déjà, pour en finir avec le phénomène des éléphants blancs qui hantent encore certaines rues d’Athènes et de Rio.
L’exemplarité écologique : elle s’exprimera notamment au travers d’une division par deux des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux éditions précédentes.
La maîtrise des budgets : en dépit du contexte d’inflation que chacun connaît, elle demeure une condition clé de l’acceptabilité sociale des Jeux.
L’exigence sociale, enfin : 25 % des marchés sont réservés aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) ; nous avons aussi pour objectif de proposer au total 2 millions d’heures d’insertion bénéficiant aux publics les plus éloignés de l’emploi.
Quant aux jeux Paralympiques de Paris, ils seront les plus grands de l’histoire et constituent, à ce titre, une occasion unique de changer le regard porté par notre société sur le handicap.
Pour nous permettre de finaliser ces Jeux et leur préparation, avec l’exigence, la précision et la fiabilité que vous attendez de nous, votre travail de législateur est un soubassement et même, parfois, un préalable indispensable.
C’est dans cet esprit que vous avez déjà adopté la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, afin de tenir les engagements de la candidature française, du Comité international olympique (CIO) et du contrat de ville hôte.
Aujourd’hui, à 549 jours d’une cérémonie d’ouverture inédite sur la Seine, nous sommes face à un compte à rebours implacable.
Avec l’ensemble des ministères et des partenaires impliqués, nous avons identifié les ajustements incontournables qu’il nous reste à adopter afin d’aller au bout de nos engagements et de nos besoins opérationnels pour la livraison et le bon déroulement des Jeux.
C’est tout l’objet du projet de loi que j’ai aujourd’hui l’honneur de défendre devant vous.
Permettez-moi d’en exposer les principaux objectifs.
Il s’agit, d’abord, de soigner et de porter secours. Il nous revient de créer, le temps des Jeux, un centre de santé au sein du village olympique et paralympique pour les athlètes et les personnes accréditées. Ce centre sera géré, dans un cadre simplifié, par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), sous le contrôle de l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France. Grâce à un tel instrument, on évitera de peser sur les capacités de notre système de santé.
Dans le cadre d’une dérogation temporaire, nous allons autoriser les médecins étrangers accompagnant les fédérations internationales et les délégations olympiques à exercer en France, dans cette polyclinique. Nous comptons aussi étendre la liste des organismes habilités à former aux premiers secours, au-delà des associations agréées de sécurité civile.
Il nous faut ensuite – deuxième objectif de ce texte – promouvoir un sport sans dopage. Par ce texte, nous entendons maintenir la France à l’avant-garde de la lutte contre le dopage, où, en leur temps, mes prédécesseurs Marie-Georges Buffet, Jean-François Lamour et Valérie Fourneyron ont su la placer.
Il nous faut rester à ce niveau d’excellence et continuer de répondre à nos obligations internationales en la matière, édictées par l’Agence mondiale antidopage et découlant de la convention de l’Unesco, ratifiée par le Parlement.
Pour cela, nous devons non seulement étendre à la Polynésie française, où se dérouleront les épreuves de surf, les mesures essentielles de lutte contre le dopage en matière pénale, mais aussi ouvrir la possibilité de réaliser des analyses génétiques, comme cela a été fait à Pékin et à Tokyo, afin de déceler les fraudes qui ne peuvent l’être d’aucune autre façon et, ainsi, éviter qu’une faille, un point de fuite, dans notre édifice ne vienne en ruiner la crédibilité tout entière.
J’ai entendu vos inquiétudes sur ce sujet et nous en avons pris la mesure, en entourant ce dispositif de toutes les garanties nécessaires : information expresse des personnes concernées ; usage seulement en tout dernier recours, pour des situations et des finalités limitativement énumérées ; mise en œuvre au moyen d’échantillons anonymisés et promptement détruits, ne permettant ni identification, ni sélection, ni profilage des sportifs concernés.
Nous avons ainsi veillé à concilier au mieux les impératifs de l’éthique et de l’intégrité sportives, dans le respect de nos obligations internationales.
Notre troisième objectif au travers de ce texte est de protéger toutes les populations.
Le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, et moi-même sommes parfaitement lucides quant au fait que la réussite des Jeux est conditionnée à l’impérieuse nécessité d’en sécuriser chaque dimension. Cela concerne la protection des enceintes sportives, avec quatre cérémonies d’ouverture et de clôture, le relais de la flamme, mais également la préservation de l’ordre public et la prévention de la délinquance aux abords de tous nos sites, la cybersécurité, ou encore la gestion efficace des flux de personnes, depuis l’arrivée sur le territoire national jusqu’à nos métros, nos bus et nos RER.
Par le biais de ce projet de loi, nous entendons donc nous doter de moyens renforcés pour détecter plus rapidement et plus facilement, par la vidéoprotection, les risques graves – mouvements de foule, colis suspects, goulets d’étranglement dans les transports… –, mais aussi améliorer et fluidifier le contrôle à l’entrée des sites de compétition et de célébration.
Il importe de mieux coordonner les équipes mobilisées pour la sécurité dans les transports et d’assurer une unité de commandement des forces de sécurité pendant la période des Jeux.
Là aussi, nous avons entendu les questions posées sur la nature de certains dispositifs, comme le traitement par algorithme des images de vidéoprotection, qui continue de susciter des interrogations sur certaines travées de cet hémicycle.
Pour autant, nous souhaitons souligner que les très nombreuses garanties mises en place dans le cadre de cette expérimentation nous aideront à être au rendez-vous de la sécurité des Jeux tout en préservant les droits et les libertés de nos concitoyens, en parfaite conformité avec le droit européen de la protection des données.
Dans ce cadre, en suivant à la lettre les recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), nous avons défini une ligne claire : nous ne voulons pas de la reconnaissance faciale. Cette dernière ne nous paraît pas nécessaire en termes opérationnels et les autres dispositifs prévus dans ce chapitre du texte offriront un saut qualitatif dans la prévention et la lutte contre les troubles à l’ordre public.
En matière de sécurité, nous entendons enfin tirer tous les enseignements des événements survenus au Stade de France le 28 mai dernier et au stade Geoffroy-Guichard le lendemain.
Je salue, à cet égard, le travail réalisé par les deux commissions du Sénat qui ont analysé ces incidents, puis recommandé un ensemble d’améliorations dont nous avons tenu compte dans ce projet de loi.
Ainsi, nous souhaitons renforcer les sanctions individuelles prononcées par le juge judiciaire en cas d’entrée par force ou par fraude dans les enceintes, ou d’intrusion sans motif légitime sur l’aire de compétition.
De même, il vous est proposé de rendre systématiques les interdictions judiciaires de stade pour les infractions pénales les plus graves, par exemple l’introduction d’objets susceptibles de constituer une arme, les jets de projectiles, la provocation à la haine ou à la violence, ou encore l’incitation à la discrimination.
Vous connaissez et vous partagez ma détermination à lutter contre ces débordements détestables dans nos stades afin de garantir, en héritage de ces Jeux, un monde sportif sûr et des enceintes dans lesquelles la violence n’a plus sa place.
Le quatrième objectif de ce texte est de favoriser l’accessibilité des transports. Avec mon collègue Clément Beaune, nous avons jugé que, pour être au rendez-vous de l’exigence d’accessibilité des transports franciliens durant ces Jeux, il était nécessaire de passer de moins de 250 taxis adaptés aux personnes à mobilité réduite (PMR) à plus de 1 000. Pour cela, nous souhaitons permettre à titre expérimental au préfet de police de délivrer de nouvelles licences de taxi PMR dans des conditions simplifiées.
Notre cinquième objectif est de favoriser le potentiel économique dans les territoires. À ce titre, ce projet de loi doit d’abord nous permettre de respecter les engagements du contrat de ville hôte en matière publicitaire vis-à-vis des partenaires des Jeux, lors du relais de la flamme et du compte à rebours, tout en les conciliant avec l’exigence de protection de l’environnement.
L’activité commerçante doit aussi être en mesure de répondre à l’afflux de touristes, de spectateurs et de travailleurs. À cette fin, il vous est proposé de permettre aux préfets d’autoriser le commerce dominical entre le 1er juin et le 30 septembre 2024, sous réserve de l’accord des salariés concernés et de contreparties légales, après consultation des élus locaux, ainsi que des chambres consulaires.
Enfin, sixième et dernier objectif du texte, nous sommes attachés à conserver nos talents jusqu’aux Jeux. Il nous a paru indispensable de permettre aux équipes engagées depuis de nombreuses années dans cette aventure d’être mobilisées jusqu’au bout, via deux mesures relatives, pour l’une, à la limite d’âge et, pour l’autre, à l’avenir de la Solideo, appelée à se rapprocher de Grand Paris Aménagement.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, l’essentiel des dispositions que nous vous soumettons.
Nous avons veillé à définir, de manière claire et transparente, celles qui sont limitées au temps des Jeux ou qui ont un caractère expérimental – soit environ la moitié d’entre elles – et celles qui ont vocation à s’inscrire de façon pérenne dans l’héritage de l’événement et à bénéficier à d’autres manifestations culturelles ou festives, après les Jeux.
Au regard des échanges que nous avons eus ces dernières semaines et de l’esprit qui préside traditionnellement aux travaux de la chambre haute, je suis convaincue que vous partagerez notre vision d’un texte équilibré, utile, centré sur l’essentiel et protecteur des droits et des libertés, sans passer à côté des exigences d’innovation et de modernisation auxquelles nous sommes ponctuellement appelés.
Je veux en conclusion remercier vos rapporteurs, Mmes Agnès Canayer et Florence Lassarade, M. Claude Kern, pour la qualité de leurs analyses, de nos échanges et de leurs propositions sur ce texte.
Je veux aussi saluer les apports des travaux en commission : j’ai en particulier à l’esprit l’amélioration du cadre envisagé pour les analyses génétiques antidopage, le déploiement d’une billetterie nominative, dématérialisée et infalsifiable pour certaines compétitions sportives, ou encore l’ajustement le plus proportionné possible à la gravité des faits des mesures de lutte contre les violences dans les stades.
Tout au long de nos débats, je serai à votre écoute, avec la volonté d’améliorer ce projet de loi autant que cela sera nécessaire.
C’est la France qui, à la fin du XIXe siècle, a redonné naissance aux Jeux ; c’est elle qui, avec Alice Milliat, a inventé les Jeux féminins, mais aussi les jeux Olympiques d’hiver, ou encore le village des athlètes.
C’est donc dans la fidélité à cet esprit d’innovation que les Jeux de Paris 2024 vont dessiner une nouvelle référence olympique. Ils offriront une occasion unique de faire rayonner la France, une France ouverte sur le monde, audacieuse et responsable, assumant ses idéaux universels et son amour pour le sport. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Bruno Belin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans 548 jours, les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 s’ouvriront à Paris, cent ans après les Jeux de 1924.
Les Olympiades sont plus qu’un simple rendez-vous sportif : il s’agit d’un moment de cohésion nationale et de fraternité humaine. C’est également une vitrine pour le pays hôte : la France exposera aux yeux du monde le savoir-faire français et une certaine façon de célébrer l’esprit olympique, par le mérite, la maîtrise de soi, le dépassement.
Ce sera surtout un événement d’une ampleur exceptionnelle.
D’un point de vue sportif, d’abord : 10 500 athlètes de 32 disciplines différentes se mesureront lors de 549 épreuves.
En matière d’organisation, ensuite : les compétitions se dérouleront dans 37 sites olympiques, jusqu’en Polynésie pour le surf, et mobiliseront 63 collectivités hôtes et plus de 40 000 bénévoles.
Enfin, d’un point de vue événementiel, cette fête réunira 13,5 millions de spectateurs, 20 000 journalistes accrédités et quatre milliards de téléspectateurs dans le monde entier.
Fait inédit, la cérémonie d’ouverture prendra place le long de la Seine, sur six kilomètres, du pont d’Austerlitz au pont d’Iéna, où se dérouleront les spectacles et les cérémonies protocolaires. Ce sera la première fois qu’un tel événement se tient en dehors d’un stade fermé. Cette innovation, qui devrait réunir 600 000 spectateurs, représente aussi un défi en termes de sécurité.
Cette grande fête populaire et sportive focalisera l’attention du monde entier ; elle impose une organisation exemplaire.
Livrer les équipements dans les temps, faire monter en puissance les capacités de transport, coordonner les différents acteurs et prévoir une organisation de la sécurité à la hauteur de l’événement constituent autant de défis qui devront être relevés d’ici à juillet 2024 ; s’y ajoute, évidemment, la préparation de nos athlètes de manière à récolter le plus de médailles possible !
Afin de favoriser la préparation de l’événement, une première loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques a été promulguée le 26 mars 2018. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport rendu il y a quelques jours, « la phase de planification stratégique des Jeux de Paris 2024 s’est globalement bien déroulée ». Il convient, désormais, de passer à la phase de déclinaison opérationnelle.
Tel est l’objet de ce nouveau projet de loi soumis à notre examen.
Ce texte, intitulé sobrement « projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 », regroupe diverses mesures d’ampleur inégale ; la plupart d’entre elles ont une portée plus étendue, qui dépasse la simple organisation des Jeux.
Ainsi, seuls huit des dix-neuf articles du texte du Gouvernement ciblent spécifiquement les Jeux de 2024. C’est le cas des articles consacrés à l’installation d’un centre de santé, à l’extension des prérogatives du préfet de police de Paris, à la dérogation à l’interdiction de publicité sur le parcours de la flamme, à l’ouverture des commerces le dimanche le temps des Jeux, ou encore au devenir de la Solideo.
Huit articles accomplissent des mises en conformité avec des dispositions existantes ou créent de nouveaux dispositifs pérennes.
Deux articles, enfin, instituent des expérimentations pour lesquelles les jeux Olympiques auront un rôle d’accélérateur, mais qui ont vocation à perdurer : l’une concerne la vidéoprotection intelligente ; l’autre, l’augmentation du nombre de taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite.
M. Michel Savin. Très bien !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Si toutes ces dispositions, souvent techniques, sont nécessaires à la réussite des jeux Olympiques, deux dispositifs nouveaux soulèvent cependant l’épineuse question du juste équilibre entre la recherche d’efficacité et la garantie des droits et libertés individuelles, que ce soit en matière de lutte contre le dopage ou de sécurisation des jeux.
La France s’est engagée avec force, depuis les années 1990, dans la lutte contre le dopage, essentielle pour assurer l’équité entre les sportifs et garantir leur santé. Afin d’obtenir l’organisation des Jeux de 2024, la France a promis de compléter son arsenal de mesures antidopage par l’introduction des tests génétiques, conformément aux engagements internationaux qu’elle avait pris en 2007.
Paradoxalement, alors que l’introduction du recours aux tests génétiques assure la mise en conformité du droit français avec le code mondial antidopage, l’article 4 du projet de loi, dans sa version initiale, ne devait s’appliquer que jusqu’au 31 décembre 2024. Mais comment accepter que les sportifs français ne puissent pas être soumis aux tests génétiques en France alors qu’ils y sont soumis partout ailleurs ?
En effet, ces tests sont aujourd’hui les seuls à permettre de confirmer la manipulation d’échantillons, d’écarter une suspicion de transfusion de sang homologue, de vérifier l’inexistence d’une mutation génétique rare conduisant à un taux d’érythropoïétine (EPO) supérieur à la moyenne, ou de détecter les manipulations génétiques qui permettent d’augmenter la performance.
C’est pourquoi la commission des lois a adopté un amendement tendant à réécrire l’article 4 de manière à inscrire dans le code du sport la possibilité de recourir aux tests génétiques pour les deux premières finalités précitées, en assortissant cette possibilité de garanties fortes, relatives notamment au caractère subsidiaire des tests, à l’anonymat des échantillons, à l’interdiction de connaître le patrimoine génétique entier de la personne testée, ainsi qu’au recours à l’identification ou au profilage du sportif.
Pour la vérification des manipulations génétiques qui font appel à la recherche d’ADN codant, la commission avait en revanche choisi la voie de l’expérimentation. Depuis lors, nous avons poursuivi nos échanges, notamment avec l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et l’International Testing Agency (ITA), qui nous ont affirmé que cette distinction posait des difficultés techniques et n’assortissait pas l’ensemble des tests des mêmes garanties.
C’est pourquoi je vous proposerai de pérenniser l’ensemble de ces tests tout en renforçant les garanties afférentes.
L’adoption des règles de lutte antidopage en Polynésie française fait l’objet de l’article 5, dont les dispositions, chère Lana Tetuanui, ont été enrichies par nos discussions avec la collectivité de Polynésie.
Surtout, l’ampleur des jeux Olympiques et Paralympiques impose de se doter d’une organisation irréprochable en matière de sécurité, d’autant que la menace terroriste est toujours élevée en France. À cela s’ajoutent deux risques majeurs : le risque cyber et le risque sanitaire. Par ailleurs, la sécurisation de la cérémonie d’ouverture en plein air complexifie la tâche.
Les premières estimations indiquent que les Jeux nécessitent la mobilisation de moyens quotidiens humains et matériels substantiels : entre 22 000 et 33 000 agents de sécurité privés, dont le recrutement pose d’ailleurs quelques difficultés, et 45 000 agents publics – forces de sécurité intérieure et armée.
L’acceptabilité des Jeux implique en outre qu’un équilibre soit trouvé entre les missions de sécurité liées aux Jeux et la permanence des autres mesures sur le reste du territoire.
L’utilisation des images prises par les caméras de vidéoprotection ou les drones doit être renforcée pour aider les forces de l’ordre à sécuriser les espaces publics ; trois articles y concourent.
La mise en conformité, prévue à l’article 6, des dispositions relatives à la vidéoprotection avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) renforce les garanties liées au traitement de données à caractère personnel ; la Cnil avait exprimé ce souhait.
L’expérimentation de l’utilisation de la vidéoprotection « intelligente » ou « augmentée », inscrite à l’article 7, est une innovation majeure, mais elle soulève de nombreuses interrogations en matière de libertés publiques, qu’il convient de mettre en balance avec les avancées opérationnelles permises par un tel dispositif, notamment pour les Jeux.
Le traitement par des algorithmes des images captées permettra de détecter et de signaler des événements prédéterminés susceptibles de menacer la sécurité des personnes. Il constituera un outil d’aide à la décision pour les forces de sécurité, qui pourront ainsi se concentrer sur l’action.
Cette innovation est d’ailleurs l’une des recommandations formulées par nos collègues Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain dans leur rapport La reconnaissance biométrique dans l’espace public : 30 propositions pour écarter le risque d’une société de surveillance, adopté par la commission des lois le 10 mai dernier.
Réécrit après les avis du Conseil d’État et de la Cnil, l’article 7 instaure de nombreuses garanties à chaque étape de la mise en œuvre de ce dispositif.
La commission des lois du Sénat a considéré que ces garanties assuraient un équilibre satisfaisant entre la protection des droits et libertés et la plus grande opérationnalité en matière de sécurité. Elle a d’ailleurs souhaité sécuriser cette procédure en renforçant le contrôle assuré par la Cnil, tant dans la mise en œuvre du traitement que dans le suivi et l’évaluation de l’expérimentation.
Enfin, le criblage des fan zones et de tous les participants, ainsi que l’autorisation du recours aux scanners corporels à ondes millimétriques pour les gestionnaires d’enceintes sportives qui le souhaitent, assureront eux aussi une meilleure sécurisation des grands événements accueillis par la France.
Mes chers collègues, les jeux Olympiques et Paralympiques sont, tous les quatre ans, des événements sportifs singuliers dont la préservation du caractère festif justifie la mobilisation de moyens exceptionnels. Il faut que la France soit prête !
Les mesures contenues dans ce projet de loi, enrichi par le Sénat, nous dotent d’outils supplémentaires pour que la France réussisse cette épreuve unique et hors norme.
Le Sénat sera évidemment au rendez-vous pour s’assurer de l’application de la loi et du respect de son esprit. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales s’est vu déléguer l’examen des dispositions du présent texte qui concernent la santé et le travail.
L’article 1er prévoit la création de la polyclinique olympique et paralympique, sous la forme d’un centre de santé au statut aménagé. La structure, qui sera gérée par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, vise à mettre à la disposition des seuls athlètes et personnes accréditées une offre de soins de premier recours.
Outre un encadrement composé de salariés de l’AP-HP, le fonctionnement du centre reposera sur des praticiens volontaires olympiques et paralympiques. Au pic d’activité, ceux-ci devraient être au nombre de 193, dont 36 médecins, 28 masseurs-kinésithérapeutes et 14 infirmiers.
Trois principales dérogations ont été identifiées comme nécessaires au fonctionnement de ce centre de santé, afin de clarifier le public spécifique restreint auquel la polyclinique s’adresse et de prévoir la gratuité des prestations réalisées ainsi que la présence d’une pharmacie hospitalière.
Le même article 1er simplifie également différentes procédures relatives au projet de santé, ou encore à l’installation d’équipements d’imagerie.
La commission des affaires sociales a soutenu le dispositif proposé et a veillé à préciser le statut dérogatoire de la polyclinique.
L’article 2 complète l’article 1er quant à l’organisation d’une offre de soins spécifique aux Jeux, en autorisant l’exercice de leur profession à trois grandes catégories de professionnels de santé qui seraient mobilisés pour l’événement, mais ne justifieraient pas des conditions requises pour exercer leur profession en France.
Ainsi, les médecins des fédérations accréditées seront autorisés à exercer auprès des seuls athlètes concernés. Les professionnels de santé accompagnant les délégations de sportifs pourront quant à eux exercer auprès du personnel et des membres de la délégation qu’ils accompagnent. Enfin, l’article 2 autorise l’exercice de leur profession aux professionnels de santé étrangers qui pourraient participer à l’activité de la polyclinique en tant que volontaires, selon une procédure qui reste toutefois à établir avec le Conseil national de l’ordre des médecins.
La commission des affaires sociales a approuvé ces dispositions.
Elle a également approuvé la création, à l’article 17, d’une dérogation au repos dominical pour les commerces de détail situés dans les communes où auront lieu les compétitions, ainsi que dans les communes limitrophes et à proximité.
Les très nombreux visiteurs attendus pendant les Jeux doivent être accueillis dans les meilleures conditions, d’autant que les besoins du public seront source de développement économique.
Cette dérogation est assortie de garanties pour les salariés : parmi eux, seuls les volontaires travailleront le dimanche ; ils bénéficieront d’une rémunération doublée et de repos compensateurs.
Elle s’ajoutera aux dérogations déjà existantes, comme les dimanches du maire ou les ouvertures en zone touristique, afin de s’adapter aux besoins exceptionnels liés aux jeux Olympiques et Paralympiques.
Compte tenu des nombreuses demandes de dérogations attendues, des besoins du public déjà prévisibles et du caractère bien circonscrit de la mesure, notre commission a simplifié la procédure d’autorisation préfectorale, afin que le préfet puisse d’emblée autoriser un ou plusieurs établissements à déroger au repos dominical, au lieu de procéder par autorisation individuelle, puis par arrêté d’extension.
Je veux enfin dire un mot de l’article 4, dont la commission des affaires sociales s’est saisie pour avis.
Cet article complète l’arsenal de la lutte antidopage en autorisant l’examen des caractéristiques génétiques afin de rechercher quatre méthodes possibles d’amélioration des performances. Il prévoit également l’orientation du sportif vers une consultation adaptée lorsqu’un tel examen entraîne la découverte incidente d’une caractéristique responsable d’une possible affection.
Cet article est utile pour adapter la lutte antidopage à l’innovation en matière de triche. Il nous est, de plus, imposé par les règles mondiales antidopage.
En conclusion, la commission des affaires sociales est favorable à l’adoption de ces différents articles dans la rédaction issue de ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Elsa Schalck applaudit également.)
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, ce projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 constitue probablement la dernière occasion d’adapter notre droit de manière à assurer la bonne tenue de cet événement.
Il constitue également une première opportunité de tirer les conséquences des événements survenus au Stade de France le 28 mai 2022, qui ont vu de très nombreux délinquants forcer l’entrée du stade et plusieurs milliers de fraudeurs tenter de s’introduire avec des billets falsifiés.
Ces événements, qui ont gravement entaché la réputation de notre pays et mis en doute sa capacité à organiser de grandes manifestations, s’inscrivent dans un contexte de recrudescence des violences dans les stades et de multiplication des vols avec violence dans la capitale, au moment où plusieurs centaines de milliers de spectateurs s’apprêtent à nous rendre visite, en 2023 et en 2024, pour assister à la Coupe du monde de rugby et aux Jeux.
La commission de la culture, qui s’est vue déléguer au fond l’examen des articles 12, 13 et 14, a souhaité tirer toutes les conséquences de ces événements en modifiant le texte selon deux axes.
Le premier est l’application de la recommandation n° 1 du rapport remis par les présidents François-Noël Buffet et Laurent Lafon le 13 juillet dernier, qui proposait de rendre obligatoire le recours à une billetterie infalsifiable pour les grands événements sportifs. Je vous remercie pour votre écoute sur ce sujet, madame la ministre ; la rédaction que le Sénat examine aujourd’hui porte la marque de nos échanges.
Le second axe a consisté à compléter notre arsenal juridique afin de sanctionner plus sévèrement les primo-délinquants isolés qui tentent de s’introduire dans les enceintes sportives ou sur les aires de compétition.
Notre commission a créé à cette fin une nouvelle amende délictuelle, de manière à renforcer l’effet dissuasif de ces dispositions tout en respectant le principe de proportionnalité des peines.
Notre commission a émis un avis défavorable sur plusieurs amendements visant à réduire les peines encourues par les délinquants qui cherchent à entrer de force dans les stades, à ne pas condamner les activistes qui interrompent les retransmissions sportives pour imposer leur message politique, ou encore à rendre inopérant le dispositif des interdictions de stade.
Je constate que la volonté de lutter contre les violences de toute nature qui prolifèrent dans nos stades ne fait pas consensus. Je le regrette d’autant plus que nous avons observé, ces derniers mois, une augmentation des violences dans le sport au sens large ; il ne me semble pas envisageable de baisser la garde à quelques mois du début des jeux Olympiques et Paralympiques.
Je veux enfin rappeler la nécessité, pour chacun d’entre nous, de concourir le mieux possible au succès de ces jeux Olympiques et Paralympiques. Pour le Parlement, cela signifie au moins deux choses.
En premier lieu, il convient de mener à bien l’examen de ce texte afin de clarifier le droit applicable. Madame la ministre, je salue l’écoute que vous avez eue pour nos propositions, ainsi que les réponses que vous avez apportées à nos interrogations.
En second lieu, il nous revient de veiller aux équilibres budgétaires de cet événement. Tel est le sens de notre amendement visant à faire remettre au Parlement par la Cour des comptes un rapport d’étape dressant un bilan des Jeux avant le 1er octobre 2025.
Nos échanges avec la Cour ont permis d’établir le caractère indispensable de ce rendez-vous qui, bien entendu, n’obérera en rien les travaux que celle-ci mènera d’ici à 2026 pour réaliser un bilan financier définitif de cet événement. Il me paraît toutefois essentiel que les Français sachent que leurs élus veillent au respect du budget des Jeux, compte tenu de la garantie financière apportée par l’État.
Je terminerai en remerciant Mme la rapporteure Agnès Canayer, ainsi que mon homologue Florence Lassarade, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour notre excellente collaboration et nos échanges fructueux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)
Exception d’irrecevabilité
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 6.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, examiné en procédure accélérée, relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (n° 220, 2022-2023).
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la motion.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, aux termes de la Charte olympique, « le but de l’Olympisme est de mettre le sport au service du développement harmonieux de l’humanité en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine ».
Dans notre monde globalisé, le sport a ce pouvoir unique de rassembler les peuples. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne peut que souscrire à l’esprit des jeux Olympiques.
Mes chers collègues, mon groupe émettra des critiques, mais en aucun cas nous ne dévaluerons l’importance du sport, qui est l’un des quelques domaines universels de l’activité humaine.
Des règles, mais également des valeurs, universelles l’encadrent – celles du fair-play, du respect et de l’amitié –, qui sont reconnues dans le monde entier. Notre groupe reconnaît et soutient le pouvoir rassembleur, le pouvoir d’intégration du sport.
Néanmoins, nous ne pouvons que regretter et dénoncer un texte hautement sécuritaire qui porte mal son nom, puisqu’il nous parle, hélas ! moins de sport que de sécurité.
Le groupe CRCE considère que la devise olympique « Plus vite, plus haut, plus fort » est ici détournée pour un « plus vite, plus haut, plus fort » de sécurité et d’atteinte au droit à la vie privée, protégée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi qu’à la liberté d’aller et venir, protégée par les articles 2 et 4 de cette même déclaration.
Ce projet de loi – j’ai déjà eu l’occasion de le dire – est un cheval de Troie, tant les dispositions attentatoires aux libertés et aux droits fondamentaux qu’il comporte seront susceptibles d’être pérennisées – c’est déjà le cas pour onze d’entre elles.
Nous dénonçons un projet de loi porteur de graves atteintes à des libertés constitutionnellement garanties. Dans ces conditions, mon groupe se doit de tirer la sonnette d’alarme. Nous ne laisserons pas passer de telles atteintes, qui gâcheraient la fête.
Nous constatons avec tristesse que les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 seront un accélérateur de surveillance.
Certes, nous ne nions pas l’enjeu que constitue la sécurité. Oui, les Jeux de 2024 nécessitent un niveau exceptionnel d’organisation et de sécurité.
À titre d’exemple, la Seine-Saint-Denis accueillera le village olympique en 2024. En tant que sénatrice de ce département, je suis inquiète. Le fiasco de l’organisation de la finale de la Ligue des champions, en mai 2022, a mis en lumière les carences de la France pour assurer la sécurité d’un événement sportif majeur.
Pourtant, face à cet enjeu dont vous reconnaissez l’importance, vous nous proposez de recourir à des entreprises privées. Nous dénonçons cette réponse, qui n’est pas à la hauteur de l’ambition nécessaire.
Oui, mes chers collègues, le recours aux 22 000 à 33 000 agents de sécurité privée demandés par le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques pour encadrer les Jeux confirme la tendance à l’intégration de la sécurité privée en tant que force de police institutionnalisée et bras armé de l’État.
Encore une fois, tout comme nous l’avions indiqué lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), nous estimons que la sécurité privée ne doit pas être confondue avec la sécurité étatique. Le cuisant échec essuyé en 2012 lors des Jeux de Londres l’atteste.
Nous ne pouvons que rappeler que cette montée en puissance de la sécurité privée dissimule également la marchandisation de la sécurité publique et la délégation de missions de service public à des entreprises qui ont pour unique finalité la recherche de la rente, une finalité bien éloignée des fonctions régaliennes de l’État.
Cela révèle un manque de cohérence en matière de politique publique que nous avions déjà pointé du doigt en mai 2021, lors de l’examen de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, puis lors de l’examen de la Lopmi.
Nous regrettons que la gestion sécuritaire des Jeux se traduise également par les opérations antidélinquance menées depuis novembre 2022 et qui continueront jusqu’aux Jeux.
Aujourd’hui, deux opérations antidélinquance d’envergure sont menées chaque jour à Paris et en Seine-Saint-Denis, auxquelles s’ajoutent deux opérations dans les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne, sans compter les initiatives de moindre ampleur pluriquotidiennes. Entre le 7 et le 27 novembre, 235 de ces opérations ont été conduites, pour une cinquantaine de gardes à vue. Est-ce bien nécessaire ?
La Lopmi nous l’annonçait déjà : les Jeux seront l’occasion d’illustrer la doctrine de maintien de l’ordre répressive et sécuritaire du ministère de l’intérieur, une doctrine à laquelle mon groupe s’oppose fermement, lui préférant le triptyque « prévention, dissuasion, répression ».
Mon groupe s’oppose tout aussi fermement à la légalisation de la vidéosurveillance algorithmique portée par ce projet de loi. La détection par logiciel d’événements et de comportements dits « suspects » portera, une nouvelle fois, une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et à la liberté d’aller et venir des participants.
Cette légalisation sera l’occasion, pour les entreprises françaises, de montrer leur savoir-faire en matière de répression et, pour le Gouvernement, de déployer une technologie encore illégale, mais dont l’offre commerciale est pourtant déjà bien disponible.
Nous dénonçons l’utilisation des Jeux pour faire franchir une nouvelle étape à l’acceptation par la population de telles technologies. L’état d’exception créé à cette occasion permet de faire passer des lois sécuritaires qui subsisteront ensuite ; ne nous leurrons pas !
J’en viens à un autre aspect de ce texte, tout aussi important. Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à entamer l’examen de la réforme des retraites, le présent projet de loi prévoit un recul scandaleux de la limite d’âge des fonctionnaires occupant des emplois participant directement à l’organisation des Jeux, « au nom de l’intérêt du service », et ce jusqu’au 31 décembre 2024.
Dans la même veine, l’ouverture le dimanche des commerces de vente dans les communes des sites de compétition et à proximité remet en cause le principe du repos dominical et porte atteinte au droit fondamental à la vie privée et familiale.
Par ailleurs, un seul aspect de ce projet de loi a un lien concret avec le sport : le contrôle antidopage. Je vous remercie à ce propos, madame la ministre, d’avoir cité parmi vos prédécesseurs mon amie Marie-George Buffet, qui a beaucoup travaillé sur le sujet.
Le texte autorise donc, pour le temps des Jeux, l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou son identification par ses empreintes génétiques afin d’améliorer les contrôles antidopage.
Si cette transposition d’une norme internationale encadrant le contrôle antidopage est nécessaire au déroulement des Jeux, mais aussi de la Coupe du monde de rugby, la Cnil et la Ligue des droits de l’homme dénoncent en revanche « des tests particulièrement intrusifs, qui dérogent de façon importante aux principes encadrant actuellement les analyses génétiques dans le code civil ».
Mon groupe dénonce le caractère paradoxalement temporaire de cette mesure qui sera appelée à se pérenniser, et ce alors même qu’elle déroge de manière disproportionnée à des dispositions du code civil.
Enfin, alors que la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques pouvait représenter une formidable opportunité de modernisation et d’amélioration de la qualité du service du réseau francilien, se pose aujourd’hui la question de la capacité d’Île-de-France Mobilités à répondre au défi de la saturation.
Alors que de nouvelles lignes de métro auraient dû être prêtes pour relier les différents sites olympiques et permettre le transport de 10 millions de personnes, seul le prolongement de la ligne 14 sera livré à temps. Les promesses de réponse aux besoins de mobilité générés par les Jeux au moyen de solutions décarbonées peineront à être tenues, et ce n’est pas la privatisation voulue par certains qui améliorerait la situation !
Toujours au sujet des transports, nous considérons que l’élargissement de l’accès aux images de vidéoprotection aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP ne procède pas d’une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public qui serait ainsi poursuivi et le droit au respect de la vie privée des usagers.
En conclusion, mon groupe considère que ce projet de loi libéral et sécuritaire ne respecte pas le juste équilibre entre sécurité et protection des libertés et droits fondamentaux. Il n’honore pas les jeux Olympiques, mais porte de graves atteintes aux libertés publiques. En ce sens, nous considérons qu’il est contraire au bloc de constitutionnalité.
Mon dernier mot sera pour celles et ceux qui seront exclus des enceintes des jeux Olympiques du fait du prix exorbitant des billets, et qui ne verront de ce fait les Jeux que de loin. Tout compte fait, et cela est bien dommage, les Jeux de 2024, qui devraient être une énorme fête populaire, seront un mirage de convivialité.
Je vous appelle ainsi à voter notre motion d’irrecevabilité. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, celle-ci se justifie amplement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe GEST. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Bellurot, contre la motion.
Mme Nadine Bellurot. Nos collègues communistes souhaitent que l’examen de ce texte s’achève avant même d’avoir réellement débuté, jugeant qu’un certain nombre de ses dispositions sont attentatoires aux libertés publiques. Telle n’est pas la position du groupe Les Républicains.
Tout d’abord, la tenue des jeux Olympiques est imminente ; des délais supplémentaires ne feraient que compliquer, voire rendre impossible, la tâche des organisateurs, qui attendent avec impatience le vote de ce texte final, complétant celui de 2018.
Ensuite, nous devons tirer les conséquences des événements survenus au Stade de France le 28 mai dernier, qui ont révélé les risques pesant sur les grands événements sportifs. Un certain nombre des propositions formulées à la suite de ces incidents par nos commissions des lois et de la culture figurent dans le texte défendu par nos rapporteurs. Soyons donc cohérents et efforçons-nous de conserver le fruit de ces travaux de fond.
Enfin et surtout, nous considérons que les dispositifs prévus dans le texte, tels qu’amendés et encadrés par nos commissions, grâce à l’excellent travail des rapporteurs, ne sont pas contraires à la Constitution.
Nous estimons que la conciliation entre les exigences de protection des personnes durant les événements sportifs et de protection des libertés publiques, qui sont chères à notre assemblée tout entière, est assurée.
La protection des données est suffisante et les différents dispositifs de sécurité instaurés sont encadrés dans leur champ comme dans leurs usages.
En tout état de cause, si un doute sérieux sur la constitutionnalité de ces dispositions devait perdurer une fois achevés les travaux de nos collègues députés et le texte définitif adopté, le Conseil constitutionnel serait évidemment saisi afin de dissiper toute difficulté.
Pour toutes ces raisons, mon groupe votera contre cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
En effet, il y a urgence à adopter ces dispositions opérationnelles, qui sont très attendues. Je rappelle que les Jeux auront lieu dans dix-huit mois et la Coupe du monde de rugby dans huit mois.
Par ailleurs, nous avons veillé à ce que ces dispositions, qu’elles aient trait à la sécurité, comme la vidéoprotection intelligente ou augmentée, ou à la lutte contre le dopage, telles que l’introduction des tests génétiques, respectent un juste équilibre – nous avons sur ce point une divergence d’interprétation avec Mme Assassi – entre l’objectif de sécurisation de l’ordre public et la garantie des droits de l’homme et des libertés.
Nous pensons notamment qu’en matière de vidéoprotection intelligente cet équilibre a été atteint grâce à la réécriture du texte après son examen par le Conseil d’État et la Cnil. De nombreuses garanties ont en effet été introduites et le rôle de la Cnil a été conforté tout au long de la procédure.
Pour ce qui est de la lutte contre le dopage, si nous avons considéré qu’il était important de pérenniser les tests génétiques, nous avons en revanche assorti cette disposition de nombreuses garanties, telles que l’interdiction de l’identification des personnes ou la mise en place d’obligations d’information fortes, tout cela sous le contrôle du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Pour les mêmes raisons relatives à l’urgence, à la nécessité et à l’équilibre de ce texte, il est défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 6, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (n° 220, 2022-2023)
La parole est à M. Thomas Dossus, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous aurions vraiment aimé légiférer sur le sport – c’est suffisamment rare !
Nous aurions aimé légiférer pour que les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 se déroulent dans les meilleures conditions et qu’ils laissent un héritage à la hauteur des ambitions environnementales fixées à l’origine.
Nous aurions adoré jouer notre rôle de législateur pour vous accompagner, madame la ministre, dans l’organisation d’un événement auquel nous sommes attachés et dont nous partageons les valeurs, celles de l’olympisme.
Nous aurions aussi aimé débattre sérieusement des conséquences de cet événement sur notre tissu de festivals et d’événements culturels. Nous aurions pu rassurer les milliers de professionnels qui voient leur saison de festivals menacée par des annonces verticales et autoritaires prises sans concertation.
De tout cela, il n’y a rien, ou très peu, dans ce projet de loi.
En revanche, au cœur de ce texte se sont glissées des innovations législatives hasardeuses qui n’ont rien à y faire.
Par une manœuvre d’opportunisme législatif, ce projet de loi s’est éloigné de son ambition initiale pour faire des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 un laboratoire d’expériences sécuritaires. Le public, national ou international, devient, grâce à ce texte, le cobaye d’une fuite en avant expérimentale dans la technologie de surveillance.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Par quel cheminement politique est-on parvenu à la conclusion que l’événement sportif mondial le plus fédérateur ne pourrait être organisé sans le déploiement de technologies d’intelligence artificielle et d’algorithmes de surveillance ?
Certes, il y a bien eu un rapport sénatorial sur ces technologies, mais des rapports du Sénat, on en connaît des dizaines qui n’ont pas eu pour destin d’être transformés en loi d’exception ou d’urgence.
Non, il y a eu un événement déclencheur, un événement traumatisant : il faut au moins cela pour aboutir à la réussite d’un bon cavalier législatif.
Cet événement, on le connaît ; le monde entier le connaît, puisqu’il s’est déroulé en mondovision devant des centaines de millions de téléspectateurs, le 28 mai 2022, le soir de la finale de la Ligue des champions. La capacité de la France à organiser un grand événement sportif international a été, ce soir-là, sérieusement mise en doute.
Les mensonges, manquements et approximations du ministre de l’intérieur comme du préfet de police ont été mis au jour, notamment par notre Haute Assemblée, lors de nombreuses auditions.
Les causes de cet épisode fâcheux se trouvent principalement dans un enchaînement de défaillances organisationnelles, mais aussi dans une mauvaise préparation, l’approche du renseignement adoptée vis-à-vis des supporters anglais se combinant notamment avec une doctrine de maintien de l’ordre inadaptée.
Plusieurs recommandations ont été formulées dans le rapport sénatorial sur cet événement. Peu d’entre elles ont réellement retenu l’intérêt du ministère de l’intérieur ou du ministère des sports, mais il en est une qui a été reprise avec une certaine gourmandise, tant elle était jusqu’alors restée bloquée à cause de son aspect sulfureux : celle qui consiste à adapter en urgence notre cadre législatif, de façon totalement expérimentale, pour mettre en œuvre des traitements d’images par l’intelligence artificielle.
Rappelons tout d’abord que, dans notre rapport sur la finale de la Ligue des champions au Stade de France, cette technologie ne devait concerner que le comptage et la détection des mouvements de foule.
En outre, lors de la remise des conclusions de ce rapport, j’avais déjà signalé les dangers qu’il y avait à utiliser nos grands événements sportifs comme des showrooms sécuritaires.
Disons-le clairement, voir émerger cette recommandation dans ce rapport avait déjà un caractère saugrenu. En effet, l’intelligence artificielle aurait-elle permis d’éviter la défaillance dans l’orientation des supporters anglais ? L’intelligence artificielle aurait-elle déconseillé l’usage immodéré des gaz lacrymogènes sur des supporters pacifiques ? L’intelligence artificielle aurait-elle tiré, en amont, les conclusions d’une grève touchant l’une des deux lignes de RER qui menaient au Stade de France ? En d’autres termes, l’intelligence artificielle aurait-elle fait mieux que les intelligences combinées du ministre Darmanin et du préfet Lallement ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, je ne le pense pas.
Quand on parle d’intelligence artificielle pour la vidéosurveillance, il convient de bien comprendre la technologie dont il s’agit et de mesurer le grand saut qu’elle nous ferait faire dans une société de la surveillance.
Les technologies de vidéo dite « augmentée » désignent des dispositifs vidéo auxquels sont associés des traitements algorithmiques permettant une analyse automatique et en temps réel, deux caractéristiques qui nous font changer de monde.
La Cnil se positionne de manière plus que prudente sur ces technologies, en indiquant qu’elles sont susceptibles d’affecter les garanties fondamentales apportées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques et qu’il serait donc nécessaire de changer la loi : changer la loi, et non expérimenter une nouvelle technologie au mépris de nos libertés publiques.
Non, nos libertés publiques ne peuvent être sujettes à une approche expérimentale ! Non, nos libertés publiques n’ont pas à être le terrain de jeu des start-ups de la sécurité ! Non, nos libertés publiques comme nos données ne doivent pas être marchandées à la légère avec des apprentis sorciers sécuritaires !
Oui, nous avons besoin d’un débat approfondi et éclairé sur ce changement radical dans notre approche de l’espace public. Il a d’ailleurs lieu au niveau européen, mais n’a toujours pas abouti.
M. Michel Canévet. Très bien !
M. Thomas Dossus. Le fait même d’expérimenter cette technologie est une menace pour nos libertés publiques, pour notre organisation sociale et pour nos débats démocratiques.
Certes, la promesse de cette technologie est simple : elle faciliterait la détection de situations permettant de présumer la commission d’infractions ou encore la survenue d’événements suspects ou potentiellement dangereux.
Pour cela, elle traite en temps réel des milliers d’images de vidéosurveillance. Par « traiter », il faut comprendre qu’elle les confronte avec un certain nombre de critères préétablis.
Afin que ce traitement soit pertinent, l’algorithme a besoin d’apprendre. « Apprendre », pour un algorithme d’intelligence artificielle, c’est se nourrir de millions d’images et de situations différentes, afin de codifier et de compartimenter l’espace public et la façon dont nous l’occupons, de manière à pouvoir distinguer des situations perçues comme déviantes, à risque ou menaçantes.
On commence ici à percevoir ce que cela implique ; on commence à pressentir la manière dont on bascule dans une société de la surveillance, celle où le citoyen se suspecte lui-même d’avoir un comportement inadapté, puisqu’il sait qu’un système de surveillance de son comportement existe, mais qu’il n’en connaît pas les règles, car elles ne sont, par essence, pas transparentes.
On va confier à des sociétés privées la codification et l’organisation de notre espace public commun, de ce que l’on peut considérer comme normal ou anormal, avec tous les biais que cela implique.
Il est donc facile de comprendre l’aubaine que les grands événements sportifs, comme les jeux Olympiques et Paralympiques, offrent à ces sociétés : les Jeux deviennent l’occasion rêvée de nourrir la bête.
L’enjeu réel est là. Il n’est pas dans l’assistance supposée de ces outils au moment de l’événement, madame la ministre ; il est dans l’incroyable masse de données que les start-ups qui auront décroché le marché pourront collecter lors de l’événement.
Ne vous faites pas d’illusion sur les garde-fous qui ont été introduits dans cette loi. L’ensemble des données sont utiles à l’algorithme : croire qu’il sera possible d’effacer les données non pertinentes n’a pas de sens quand on parle d’« apprentissage machine ». Les moments durant lesquels il ne se passe rien sont tout aussi utiles que ceux où se déroulent les événements problématiques, ne serait-ce que pour apprendre à la machine à les distinguer.
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous n’y connaissez rien du tout !
M. Thomas Dossus. L’expérimentation qui est proposée n’offre donc aucune garantie sur les droits et libertés des personnes pour plusieurs raisons, mais d’abord parce que ces algorithmes ne sont ni contrôlables ni transparents.
Aussi, nous aurons beau demander dans ce texte que le traitement des données soit « loyal, objectif et de nature à identifier et prévenir l’occurrence de biais et d’erreurs », nous n’en aurons aucune garantie. Tel est le cœur du problème lorsqu’on légifère sur des algorithmes fermés et opaques.
Le ministre de l’intérieur s’est montré très respectueux du cadre législatif, puisqu’il s’est engagé à ne pas utiliser de technologies qui n’auraient pas été légalisées au préalable. Cela paraît logique, mais M. Darmanin a tout de même tenu à le préciser lors de son audition, le 25 octobre 2022. S’il a tenu à le faire, c’est aussi parce que, de son aveu même, un certain nombre de municipalités avaient déjà recours à ces technologies.
Oui, le ministre de l’intérieur, celui-là même qui nous demande aujourd’hui de déployer ces technologies dans un cadre de confiance, s’est montré incapable de faire respecter la loi qui les encadre déjà très strictement ! Tout en ayant visiblement connaissance d’usages illégaux de technologies de surveillance, il n’agit pas pour faire respecter nos libertés !
Quelles garanties avons-nous que toutes les données collectées lors des Jeux ne serviront pas à nourrir des algorithmes de surveillance, vendus par les sociétés qui les exploiteront pendant les Jeux à des régimes moins précautionneux en matière de libertés publiques ?
Acceptez-vous, chers collègues, que la grande fête des jeux Olympiques serve à nourrir les équipements de répression des mouvements de révolte contre les tyrannies à l’autre bout du monde ?
Mes chers collègues, comme vous, je suis attaché au bon déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Comme vous, je souhaite que la centaine de milliers de spectateurs attendus passe un moment extraordinaire à vibrer à l’unisson des valeurs de l’olympisme. Mais nous devons nous garder de tout opportunisme sécuritaire. Les jeux Olympiques ne doivent pas nous laisser en héritage une société de la surveillance globale.
C’est pourquoi je vous propose de rejeter ce texte, afin que la ministre des sports puisse en expurger les dispositions qui n’ont rien à voir avec l’événement et que nous puissions revenir rapidement à une réelle discussion sur les enjeux réels de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, contre la motion.
M. Didier Rambaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les arguments censés justifier la motion que vous présentez, cher Thomas Dossus, sont à mon sens tout à fait contestables et je m’efforcerai de le démontrer, point par point.
Premièrement, vous contestez l’expérimentation portant sur l’utilisation de l’intelligence artificielle. Selon vous, la création d’un cadre juridique nouveau autorisant l’usage de l’intelligence artificielle pour le traitement d’images de vidéosurveillance traduirait une volonté indéniable du Gouvernement de pérenniser ces expérimentations, au motif que cela s’appliquerait au-delà des seuls sites olympiques et pour une durée dépassant largement celle des Jeux.
Permettez-moi de rappeler que le dispositif envisagé, qui s’inspire de celui qui est prévu dans la proposition de règlement européen sur les systèmes d’intelligence artificielle en cours d’élaboration, est assorti de nombreuses garanties.
S’agissant de la temporalité, la proposition du Gouvernement d’expérimenter le dispositif jusqu’au 30 juin 2025 ne cache aucune volonté de pérennisation.
D’abord, les traitements en question n’utiliseront aucun système d’identification biométrique ; ils ne traiteront aucune donnée biométrique et ne mettront en œuvre aucune technique de reconnaissance faciale.
Ensuite, la Cnil devra être régulièrement informée des conditions de mise en œuvre de l’expérimentation, qui fera l’objet d’une évaluation au plus tard six mois avant son terme, fixé au 30 juin 2025.
Par conséquent, si la durée de l’expérimentation excède la date de la fin des Jeux, à savoir le 8 septembre 2024, rien ne permet d’affirmer à ce jour que les dispositifs seront reconduits et encore moins sous quelles modalités.
S’agissant des lieux concernés par l’expérimentation, il semble justifié de ne pas limiter le périmètre aux seuls sites olympiques : au vu de l’ampleur de l’événement et du nombre de visiteurs, sécuriser les Jeux n’a rien d’évident.
Le dispositif concernerait les abords immédiats, ce qui inclut notamment le périmètre des sites d’interconnexion où les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP affectés au centre de la préfecture de police de Paris pourraient intervenir ponctuellement.
Le Conseil d’État l’a souligné : l’expérimentation est destinée à rendre plus efficace le maintien de l’ordre pour un événement d’une telle ampleur et elle sera bel et bien limitée dans le temps et dans l’espace.
M. Thomas Dossus. C’est inexact !
M. Didier Rambaud. Deuxièmement, vous évoquez un renforcement injustifié des interdictions de stade et des sanctions en cas de pénétration dans une enceinte sportive, disposition qui viserait tout particulièrement les militants écologistes.
M. Thomas Dossus. Ce n’est pas le genre du Sénat !
M. Didier Rambaud. Cher Thomas Dossus, rassurez-vous : aucune mesure contenue dans ce projet de loi ne vise les militants écologistes ! (On en doute sur les travées du groupe GEST.)
Vous n’êtes pas sans savoir que, le 28 mai 2022, date de la finale de la Ligue des champions, des incidents se sont produits au Stade de France, notamment parce que des personnes ont pénétré ou ont tenté de pénétrer dans le stade par force ou par fraude. L’article 12 de ce texte, créant les deux nouveaux délits, vise précisément à sanctionner ces personnes qui s’introduisent dans une enceinte sportive sans détenir de billet d’entrée.
À ce jour, ne peut faire l’objet d’une incrimination que l’entrée dans une enceinte sportive en état d’ivresse ou la tentative d’y entrer en état d’ivresse et en situation avérée de fraude ou d’usage de la force. Une telle situation juridique ne peut subsister et nous devons renforcer la dissuasion afin d’éviter ce type d’incident nuisible au public, aux athlètes et à la France en tant que pays organisateur.
Enfin, pour ce qui est de la pénétration ou du maintien sans motif légitime d’une personne dans l’aire de compétition d’une enceinte sportive, je rappelle que le but recherché est de sanctionner les personnes qui troublent la tranquillité de la manifestation sportive, par une amende de 7 500 euros, lorsque l’acte est commis en réunion ou en récidive. En dehors de ces deux cas, la sanction sera celle d’une contravention de cinquième classe, à savoir une amende maximale de 1 500 euros.
Actuellement, l’entrée sur l’aire de jeu d’un stade ne peut être incriminée que dans deux situations : lorsqu’elle trouble le déroulement de la compétition ou lorsqu’elle porte atteinte à la sécurité des personnes ou des biens. Encore une fois, il s’agit de prévenir, autant que faire se peut, des incidents de ce genre, qui troubleraient la fête, le bien-être des sportifs et la tranquillité du public, sans occulter le principe de proportionnalité des peines.
Troisièmement, vous contestez l’extension de l’usage des scanners à ondes millimétriques, y compris dans des lieux qui seraient sans lien avec les jeux Olympiques et Paralympiques.
En réalité, l’article 11 du projet de loi s’inspire des dispositions applicables aux aéroports. Le recours aux scanners corporels est une mesure intrusive, il est vrai. C’est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit, bien évidemment, des garanties qui répondent aux exigences européennes : le consentement, voire l’obligation de recueillir le consentement exprès de la personne contrôlée, comme l’a proposé mon collègue Dominique Théophile dans un amendement adopté en commission ; la possibilité d’opposer un refus et d’avoir accès à un autre dispositif de contrôle ; l’impossibilité pour l’agent d’identifier la personne contrôlée, puisque les images produites par les scanners correspondent à des représentations banalisées du corps humain ; le brouillage de la visualisation du visage ; enfin, l’interdiction du stockage ou de l’enregistrement des images. Autant de garanties grâce auxquelles nous nous assurons que toutes les précautions seront prises afin d’éviter les dérives alarmantes que vous craignez tout autant que nous.
Je précise également que cet article 11 permettrait de mettre un terme à une situation juridiquement alarmante, puisque d’autres portiques de ce type ont pu être installés par le passé sans faire l’objet de dispositions législatives autorisant ou encadrant leur usage.
Quatrièmement, vous regrettez le recours toujours plus largement autorisé à une publicité visuelle envahissante, qui dénature selon vous les lieux comme les valeurs de l’olympisme.
Certes, on peut regretter l’omniprésence quotidienne de la publicité sur les écrans. Mais considérer qu’autoriser un peu plus de publicité, pendant une période limitée, pour un événement tel que les Jeux, ce serait dénaturer les valeurs de l’olympisme, mes chers collègues, je crois que c’est un tantinet radical. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
Je rappelle que seuls les partenaires de marketing olympique, au sens du contrat de ville hôte, pourront bénéficier des nouvelles dérogations. Cela permettra notamment de limiter le financement public des Jeux en attirant et en conservant des partenaires privés, dans un contexte où la France souhaite organiser des Jeux raisonnables, y compris d’un point de vue financier.
Cinquièmement, vous condamnez les dérogations au repos dominical dans une zone élargie qui serait sans justification ni lien avec la nature de l’événement sportif.
Une fois encore, vos craintes sont injustifiées. En effet, la mise en œuvre de la dérogation au repos dominical sera conditionnée au respect du volontariat des salariés, ainsi qu’à l’octroi des contreparties légales inscrites dans le code du travail.
De plus, si les communes situées à proximité des sites de compétition ont été intégrées, c’est afin d’éviter un risque de rupture d’égalité entre les entreprises pour les communes qui, sans être limitrophes, auraient pu connaître une affluence de touristes.
Enfin, vous justifiez le dépôt de votre motion par l’absence de questionnement ou de mesures portant sur l’héritage des Jeux, sur la manière dont les équipements sportifs seront rendus accessibles à la population et sur celle dont les Jeux pourraient redynamiser nos politiques sportives.
Mon cher collègue, je vous informe qu’un plan Héritage et Durabilité des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 a été présenté en juin 2022. Je vous invite à le lire, car il témoigne du travail mené, qui est considérable et inédit en la matière. Ce travail se poursuivra afin de donner corps à des ambitions clairement définies en matière environnementale et sociale.
Tony Estanguet le dit très bien : « Le nouveau modèle que nous construisons ensemble, ce sont des Jeux qui maîtrisent leur impact sur le territoire et sur la planète, des Jeux inclusifs et fédérateurs, des Jeux sobres et durables. »
En conclusion, mes chers collègues, j’espère vous avoir convaincus que la copie du Gouvernement n’a rien de néolibéral ou de techno-sécuritaire. Les mesures du projet de loi sont justifiées et proportionnées compte tenu de l’ampleur de l’événement.
Parce que sécurité et liberté ne doivent pas être opposées et parce que les valeurs de l’olympisme doivent être préservées, je voterai contre cette motion et je vous invite, mes chers collègues, à en faire de même. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable, et ce pour trois raisons.
La première est que ce texte est attendu et nécessaire. Il comporte des mesures qui doivent entrer en vigueur le plus rapidement possible pour que nous soyons au rendez-vous des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
La deuxième raison tient au fait que ces Jeux correspondent à un engagement de la France et sont un enjeu pour nous tous. Il est donc normal que le débat puisse avoir lieu ici, au sein de la représentation nationale.
Cela est d’autant plus vrai – troisième raison de notre avis défavorable – qu’un certain nombre de questions se posent, comme nous avons eu l’occasion de le dire, quant à l’équilibre entre l’objectif de sécurisation des Jeux et la garantie des droits et des libertés. Par conséquent, il convient d’avoir un débat démocratique.
Voilà pourquoi nous sommes défavorables à cette motion, qui tend à écourter un débat dont nous souhaitons qu’il ait lieu au sein de notre assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Même avis, pour les raisons exposées avec précision par M. Rambaud et celles exprimées par votre rapporteur.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Marc-Philippe Daubresse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, parmi les vingt articles de ce projet de loi, trois enjeux se détachent particulièrement : la santé, la lutte contre le dopage et, surtout, la sécurité.
Le défi est de taille : c’est un événement d’une ampleur sans précédent pour notre pays, d’autant que – notre rapporteur l’a souligné précédemment – le comité d’organisation des Jeux a fait le pari un peu fou de poursuivre une idée ambitieuse, celle d’organiser une parade sur des embarcations qui parcourront au total six kilomètres sur la Seine, d’est en ouest, pour aboutir au Trocadéro, où se terminera la cérémonie.
Ce pari implique que l’on relève un défi, celui de garantir la sécurisation de cette cérémonie en plein air, qui pourrait réunir jusqu’à 600 000 spectateurs. Tel est bien le nœud du débat, comme on vient de l’entendre dire à l’instant.
Pour rappel, jusqu’à 45 000 membres des forces de l’ordre pourraient être mobilisés. Notre responsabilité est de leur donner tous les moyens pour lutter efficacement contre la menace terroriste dans le respect des libertés publiques.
Les articles 6 à 13 du projet de loi déploient les outils nécessaires sur ce sujet qui, à l’évidence, nécessite des moyens exceptionnels. En particulier, l’article 7 prévoit une innovation majeure pour le dispositif du maintien de l’ordre assisté par intelligence artificielle : il introduit dans le droit la possibilité d’avoir recours de manière expérimentale à ce que l’on qualifie de vidéosurveillance « intelligente » ou « augmentée », dispositif utilisant des algorithmes qui n’ont rien d’opaque afin d’identifier des situations potentiellement dangereuses, comme des mouvements de foule, l’objectif étant de gagner de précieuses minutes pour intervenir avant qu’un drame se produise.
Je tiens à affirmer tout le soutien de mon groupe à ce nouveau moyen mis à disposition de nos forces de sécurité, qui a obtenu l’aval de la Cnil et du Conseil d’État. Je veux ici saluer le ministère de l’intérieur et ses services, mais surtout le remarquable travail de notre rapporteur Agnès Canayer, qui a su renforcer les garanties apportées pour atteindre le bon équilibre, en précisant le contenu du dispositif par des amendements adoptés en commission.
Nous soutenons également la réécriture de l’article 4 en matière de tests génétiques, que notre rapporteur a exposée dans le détail.
Je souhaite que, au cours du débat, nous puissions également mieux prendre en compte les enjeux en matière de transport, notamment grâce aux propositions de notre collègue Philippe Tabarot, qui devraient se concrétiser dans une proposition de loi.
Cependant, comme ancien rapporteur de la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, qui a pérennisé certaines mesures de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi Silt, il est de mon devoir d’attirer de nouveau l’attention sur le risque d’attentat qui plane sur cet événement.
En effet, d’ici au mois de juillet 2024, quelque 240 individus condamnés pour des faits de terrorisme seront sortis des prisons françaises. De l’aveu même du procureur national antiterroriste, un quart de ces personnes risque de récidiver dans les mois qui viennent : compte tenu de l’ampleur de l’événement, on peut nourrir de solides craintes.
Mes collègues Arnaud de Belenet et Jérôme Durain, rapporteurs de la mission d’information de la commission des lois sur la reconnaissance biométrique dans l’espace public, et moi-même nous sommes déplacés à Nice et à Londres afin d’évaluer les innovations réalisées avant les Jeux de Londres et de définir les conditions dans lesquelles nous pourrions développer, à titre exceptionnel, un système utilisant la reconnaissance biométrique en temps réel et garantissant une protection maximale tout en écartant, bien évidemment, tout risque de développement d’une société de la surveillance à la chinoise.
Madame la ministre, vous nous avez dit tout à l’heure que vous ne jugiez pas nécessaire de recourir à la reconnaissance faciale, même dans un cadre proportionné et uniquement pour cet événement exceptionnel. Ayant moi-même exercé des fonctions gouvernementales, je mesure le poids de votre responsabilité ; mais j’ai aussi été rapporteur de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, ainsi que de la loi pérennisant certains dispositifs antiterroristes, et corapporteur de la mission d’information que je viens de mentionner. Or, après avoir auditionné tous les acteurs concernés et les défenseurs des libertés publiques, auxquelles je suis comme vous très attaché, après avoir entendu les représentants du ministère de l’intérieur britannique et avoir évalué leur retour d’expérience après les JO de Londres, permettez-moi de vous dire que je suis convaincu pour ma part du contraire.
De fait, à l’issue de cette mission d’information, dont les conclusions ont été largement adoptées par notre commission des lois, nous avons formulé trente propositions déclinées selon trois axes principaux. Nous préconisions notamment, en matière de reconnaissance faciale, de définir collectivement un cadre comprenant des lignes rouges pour écarter tout risque d’atteintes aux libertés publiques, une méthodologie claire, par la voie expérimentale, et un régime exigeant et indépendant de contrôle renforçant singulièrement les pouvoirs de la Cnil.
Bien évidemment, nous rejetons en bloc l’idée selon laquelle l’État pourrait avoir recours de manière usuelle à ce dispositif ou pourrait le pérenniser pour contrôler la population. Notre idéal français de liberté et d’égalité et les sociétés du Big Brother qui se développent en Asie sont évidemment antinomiques. Toutefois, nous reconnaissons l’intérêt d’une telle technologie si elle est utilisée dans un cadre proportionné et exceptionnel, de manière très encadrée et très évaluée, et pour des événements hors du commun.
C’est en ce sens que, dans la proposition 22 du rapport de ladite mission d’information, nous ouvrions la voie à la possibilité d’expérimenter cette reconnaissance biométrique pour les besoins du renseignement dans le cadre d’événements exceptionnels comme ceux dont il est question aujourd’hui.
Nous proposions de créer un cadre juridique expérimental permettant, par exception et de manière strictement subsidiaire, le recours ciblé et limité dans le temps à des systèmes de reconnaissance biométrique sur la voie publique, en temps réel, sur la base d’une menace préalablement identifiée et à des fins de sécurisation de grands événements. Le dispositif aurait un caractère strictement subsidiaire, son déploiement serait autorisé a priori et contrôlé a posteriori par une autorité dont nous proposons qu’elle soit la Cnil, le nombre de caméras serait proportionné et l’on prévoirait la minimisation des données utilisées et leur sécurisation, une supervision humaine systématique, une traçabilité des usages et bien d’autres garanties que je ne développerai pas ici.
En effet, ce n’est pas au détour d’un simple amendement sur ce projet de loi, dont l’écriture doit être techniquement affûtée pour rester dans le cadre constitutionnel et respecter les prescriptions de la Cnil et des instances européennes, que nous pourrons avoir un débat serein et argumenté. Je l’avais dit au ministre de l’intérieur Gérald Darmanin : ce débat aurait plutôt dû se tenir dans le cadre de l’élaboration de la Lopmi, ce qui nous aurait permis de procéder à toutes les auditions et de recueillir tous les avis nécessaires.
Je vous annonce donc que, avec mon collègue Arnaud de Belenet, nous déposerons une proposition de loi sur ce sujet (Exclamations sur les travées du groupe GEST.), en accord avec le président de la commission des lois, qui souhaite qu’elle voie le jour ; nous tiendrons bien évidemment compte de toutes les garanties que nous devons apporter.
Nous aurons ainsi l’occasion d’auditionner les principaux acteurs concernés et d’élaborer un dispositif juste et équilibré. Je rappelle d’ailleurs que, depuis quinze ans, le président du Sénat peut saisir le Conseil d’État sur une proposition de loi et que le président de la commission des lois peut saisir la Cnil, s’il l’estime nécessaire – il l’a déjà fait – sur des sujets de cette importance.
Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais vous dire. Au moment des attentats de novembre 2015 – je vous le dis avec une certaine solennité –, j’étais maire. J’ai dû annoncer aux parents d’un jeune homme de 27 ans son assassinat par des terroristes au Bataclan. Je ne souhaite plus jamais revivre cela.
J’ai en mémoire l’attentat contre Charlie Hebdo. J’ai en mémoire l’intervention bouleversée et bouleversante de Dominique Estrosi Sassone après l’attentat sur la promenade des Anglais.
C’est pourquoi j’ai confiance en la sagesse du Sénat pour nous aider à mettre en place un tel dispositif, avec toutes les garanties nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Yves Détraigne, Jean-Louis Lagourgue et Arnaud de Belenet applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous entrons aujourd’hui dans la dernière ligne droite.
Selon Montesquieu, « les desseins qui ont besoin de beaucoup de temps pour être exécutés ne réussissent presque jamais ». Bien au contraire, à dix-huit mois seulement du début des jeux Olympiques et Paralympiques, nous sommes dans d’excellentes dispositions pour faire de ces Jeux une belle réussite !
Au-delà de la boutade, je salue votre engagement, madame la ministre, car vous ne ménagez pas vos efforts pour préparer ce grand événement.
Ce projet de loi procède à de nombreux ajustements visant notamment à accorder notre droit national au contrat conclu avec le CIO pour accueillir les Jeux en France. Nous attendons collectivement cette échéance avec impatience.
Ce texte contient tout d’abord des mesures concrètes et novatrices en matière de lutte contre le dopage. On ne peut que s’en féliciter. Malheureusement, les auteurs de pratiques dopantes ont bien souvent une longueur d’avance sur le législateur.
Ce texte autorise notamment les tests génétiques. La période qui suivra la fin des Jeux permettra de tirer tous les enseignements de cette pratique nouvelle.
Je salue tout particulièrement l’ajout en commission de dispositions visant à rendre obligatoire la vente de billets d’accès infalsifiables pour les épreuves. Il s’agit précisément de l’une des propositions phares du rapport des présidents de la commission de la culture et de la commission des lois dévoilé en juillet 2022.
Les débordements que l’on a déplorés à la marge de la récente manifestation sportive organisée au Stade de France nous ont démontré toute la pertinence de cette mesure. Madame la ministre, cet ajout permettra – nous l’espérons – de sécuriser l’accès aux Jeux et aux zones de billetterie.
Je souhaite également m’attarder sur les jeux Paralympiques. Ces épreuves vont bien au-delà du sport et de la performance individuelle, tant elles véhiculent des valeurs essentielles d’inclusion et de partage. La pratique du handisport ouvre aux autres, donne confiance en soi et permet aussi de retrouver une certaine autonomie.
Nous devons veiller collectivement à donner à ces jeux Paralympiques la plus grande visibilité possible et à célébrer fièrement les quelque 4 400 athlètes qui concourront à partir du 28 août 2024.
Je salue à ce titre l’implication sans failles de la Fédération française handisport, des clubs et des associations sportives.
Les jeux Olympiques représentent aussi un formidable défi sécuritaire. Les grands rassemblements de personnes sont particulièrement menacés par le terrorisme, et nos services de sécurité sont mobilisés pour faire face à cette menace.
Nous nous félicitons que ce projet de loi renforce leur efficacité, notamment avec la généralisation du criblage, qui resserre les mailles du filet et assure une plus grande sécurité à nos concitoyens.
Il existe, en outre, des risques inhérents à ces grands rassemblements de personnes. Les mouvements de foule peuvent se révéler particulièrement dangereux. Pour prévenir ces risques, le projet de loi autorise la mise en œuvre de technologies novatrices, afin de détecter les signes avant-coureurs de telles catastrophes.
Nous saluons aussi la grande implication de la Cnil dans le développement de ces outils, ce qui augmente encore les garanties apportées par ce texte en matière de données à caractère personnel.
Ce texte et les ajustements apportés par le Parlement permettront d’assurer le bon déroulement de cette manifestation sportive d’ampleur. Nous devons tenir jusqu’au sprint final pour offrir une vaste célébration des valeurs du sport à nos concitoyens et aux 4 milliards de personnes qui suivront avec passion les Jeux aux quatre coins du globe.
Je m’en remets désormais à la célèbre devise olympique, qui a déjà été citée, mais partiellement : citius, altius, fortius – communiter, c’est-à-dire : « plus vite, plus haut, plus fort – ensemble ». Espérons qu’elle guide les athlètes de l’équipe de France dans ces derniers mois d’intense préparation physique et mentale. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour étudier un texte dont le but affiché est d’adapter notre arsenal juridique, du code du sport au code de la sécurité intérieure, afin de garantir une organisation fluide et sereine des jeux Olympiques de l’an prochain. Cependant, ce projet de loi va bien au-delà.
Comme l’a souligné mon collègue Thomas Dossus, notre groupe voit en ce texte une tentative sécuritaire à peine voilée, pérenne et dangereuse. Ainsi, onze des dix-neuf mesures présentes dans sa version initiale créent de nouvelles dispositions ou modifient des dispositions existantes de façon durable : pour une loi officiellement dédiée à un événement temporaire, cela peut nous alerter.
Les mesures de sécurité disproportionnées de ce projet de loi cachent de réelles atteintes aux droits des personnes et s’inscrivent bien au-delà du temps des Jeux.
Le déploiement de la vision sécuritaire et le recours massif, presque indifférencié, à la vidéosurveillance, le tout augmenté de mécanismes algorithmiques dangereux et potentiellement mis à disposition d’autres opérateurs ultérieurement, y compris non nationaux, soulèvent de nombreuses questions.
Au-delà de ce point lié à l’ambition d’une surveillance démesurée, plusieurs éléments – dont certains ne sont pas même abordés – du texte nous paraissent problématiques. Malgré la dimension sécuritaire du projet de loi, seul l’aspect technologique de la surveillance de masse semble trouver grâce aux yeux de ce gouvernement, qui ne montre, par exemple, que peu d’ambition en matière de lutte contre les cyberattaques.
Les auditions et les inquiétudes remontées du terrain ont, entre autres, mis en avant les carences liées au recours à des prestataires privés pour les événements olympiques. Les collectivités sont inquiètes et rien dans ce texte ne semble à même de les rassurer.
La vie et les autres activités sportives et culturelles continueront pendant ces Jeux. Pour sécuriser ces divers événements, les organisateurs risquent de souffrir non seulement d’un surcoût malvenu, mais aussi d’une certaine précipitation et de formations insuffisantes.
Se pose aussi la question du report de charge sur de nombreuses polices municipales : les fan zones des villes hôtes autres que Paris seront-elles sécurisées par la police nationale ? Pour les festivals et le monde de la culture, la dépense supplémentaire est particulièrement importante.
L’orientation massive des jeunes vers des formations réduites au minimum en raison des délais pour répondre à un besoin temporaire ne s’inscrit pas dans la durée. Qu’adviendra-t-il une fois les compétitions terminées ? Cette situation est révélatrice d’une vision manifestement très court-termiste de l’héritage en termes d’emploi.
Ces formations retiendront-elles les leçons du fiasco du Stade de France ? Mais je sais, madame la ministre, qu’il est difficile de tirer des leçons d’une situation qui, selon le Gouvernement, a été bien gérée…
Il est bon aussi de rappeler que la Cour des comptes avait, dès 2018, souligné les « manquements déontologiques » liés au Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps).
L’emploi et le droit du travail ne sont clairement pas au cœur de la réflexion qui sous-tend ce projet de loi. Prenons l’exemple de la modification injustifiée des règles d’ouverture dominicale : sous prétexte d’une temporalité courte et de la volonté de bénéficier d’un pic de consommation, le Gouvernement ouvre la porte à de nouvelles dérogations au droit du travail. Le recours au bénévolat est, lui aussi, très problématique, tout autant que le recours au secteur privé ou la concentration des moyens des forces de sécurité nationale, qui posent également la question du respect du droit du travail.
La Cour des comptes estime qu’il faudrait employer 22 000 à 33 000 agents de sécurité privée par jour pour sécuriser l’ensemble des épreuves. Ces chiffres dépassent largement les capacités disponibles dans les entreprises de la région et du pays. La question de la formation et du recrutement de ces agents n’a pas été anticipée.
Le spectre de l’expérience londonienne et de l’explosion des coûts n’est pas si éloigné. Cela nous amène au triste héritage financier et budgétaire que dessine ce texte. Ainsi, le dernier rapport de la Cour des comptes alerte clairement sur un budget qui n’est toujours pas connu et qui, selon elle, n’est pas « précisément établi ».
Les conséquences sont tout aussi inconnues sur les finances publiques locales, particulièrement en cas de perturbation : à ce jour, les villes ne disposent d’aucun chiffre réel ni d’aucune prévision en cas de baisse des recettes de billetterie – pour cause d’épidémie, par exemple.
L’héritage de ces Jeux, au centre des préoccupations affichées du comité d’organisation, n’est pas davantage environnemental, malgré les annonces et les efforts locaux. À Marseille, par exemple, sans le travail de la ville, l’ambition et les actions pour la préservation et la reconstitution de l’écosystème marin en bord de mer n’auraient pas été les mêmes.
Ce texte est à l’image des tentatives de ces dernières années d’ériger la surveillance de masse en clé de sécurité et de justifier les renoncements aux libertés individuelles et collectives par des arguments sécuritaires.
Cette vision, surtout lorsqu’elle tente de s’habiller des habits consensuels du bon déroulement des jeux Olympiques, est une farce, tout comme le titre de ce projet de loi, que nous proposons d’ailleurs de changer.
Nous ne sommes pas dupes et nous proposerons de recentrer le texte sur ce que devrait être son objet, à savoir l’encadrement des Jeux, plutôt qu’une dérive sécuritaire pérenne au détriment des droits des citoyens.
Aussi, faute de modifications significatives, particulièrement sur la temporalité de l’application des mesures qui y figurent, notre groupe votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans quelques mois, la France accueillera, pour la première fois depuis près d’un siècle, les jeux Olympiques et Paralympiques d’été.
Du 24 juillet au 8 septembre prochains, 14 850 athlètes, répartis en 388 délégations et 58 sports, s’affronteront dans le cadre de 878 épreuves.
Plus de 11 millions de spectateurs, venus du monde entier, sont attendus sur les différents sites de la compétition et à leurs abords. Ils seront 4 milliards derrière leur écran. C’est une compétition populaire aux enjeux inédits.
La France doit être au rendez-vous de ces Jeux ; c’est là tout l’objectif de ce texte.
Le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 doit ainsi permettre à notre pays de répondre de la manière la plus adéquate possible aux défis que pose l’organisation d’un tel événement. Il vise ainsi à satisfaire de nombreux besoins en matière de sécurité, de couverture sanitaire, de lutte contre le dopage, de formation aux gestes qui sauvent ou encore de mobilité inclusive.
Ce texte s’inscrit dans le prolongement de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 sur laquelle, tout juste élu sénateur, j’avais eu l’occasion d’intervenir. Il doit être examiné au regard de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, que nous avons adoptée le 14 décembre dernier, et qui prévoit des moyens exceptionnels en matière de sécurité des différents sites.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui parachève ce cadre législatif. Les sources de satisfactions y sont nombreuses.
Ainsi, la mise en œuvre de certaines mesures, à commencer par l’ouverture le dimanche des commerces situés à proximité des sites de compétition, devrait permettre aux acteurs économiques de profiter de retombées considérables et constituer un véritable accélérateur d’investissement.
D’autres contribueront à limiter le financement public. Ce sera notamment le cas, à l’article 14, de l’extension de la dérogation légale aux interdictions de publicité dans l’espace public.
Nous constatons également avec satisfaction que les dispositifs dérogatoires et expérimentaux ont été assortis de nombreuses garanties. Nous nous réjouissons en particulier que la ligne rouge de la reconnaissance faciale n’ait pas été franchie.
Ce projet de loi nous donne par ailleurs l’occasion de mettre notre droit en conformité avec le code mondial antidopage et le droit européen sur la protection des données. Je pense notamment aux tests génétiques aux fins de lutte contre le dopage, à l’article 4, et au cadre légal de la vidéoprotection, à l’article 6.
Autre motif de satisfaction, certaines dispositions contenues dans ce texte ont un caractère permanent. Je pense ainsi à l’introduction de deux nouveaux délits dans le code du sport, ce qui permettra de lutter plus efficacement contre les infractions commises lors de compétitions sportives.
Nous nous félicitons enfin de constater que certaines mesures entreront en vigueur dès le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.
Le laboratoire antidopage français, la SNCF, la RATP et les organisateurs disposeront ainsi du temps nécessaire pour tester et adapter les nouveaux dispositifs que sont les analyses génétiques, les caméras augmentées ou l’application de la procédure de criblage aux fan zones et aux participants aux grands événements.
La commission des lois a adopté une trentaine d’amendements, qui sont de nature à consolider ce texte.
Le renforcement des garanties entourant l’expérimentation des traitements algorithmiques d’analyse automatisée des images de vidéosurveillance est ainsi bienvenu. Il va dans le sens des recommandations formulées par le Conseil d’État et la Cnil.
En ce qui concerne l’encadrement des tests génétiques aux fins de lutte contre le dopage, la rapporteure Canayer propose d’inscrire l’ensemble du dispositif dans le code du sport. Nous n’y voyons pas d’inconvénient : cela permettra une mise en conformité de notre droit avec le code mondial antidopage. Je me réjouis par ailleurs de l’adoption de l’amendement que j’ai défendu visant à prévoir le consentement exprès des personnes contrôlées au moyen d’un scanner corporel.
Citons enfin l’extension et l’adaptation par ordonnance des dispositions de la loi dans les territoires ultramarins et l’application à la Polynésie française, dans le texte de la commission, de certaines mesures d’enquête relatives à la lutte contre le dopage.
Mes chers collègues, ce projet de loi est un texte nécessaire ; nous avons aussi souhaité en faire un texte équilibré. Je vous invite à l’adopter pour faire des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 une réussite française, un succès pour le monde sportif et pour nos athlètes, et la grande fête populaire qu’ils doivent être. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Jérôme Durain. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce jour pour étudier un projet de loi dont le changement d’intitulé en commission traduit bien la nature hybride. Les sénatrices et sénateurs socialistes commencent cet examen avec un objectif en tête : la réussite des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris.
La victoire de Paris dans le processus d’attribution des Jeux de 2024 a effacé le goût amer de la défaite pour l’organisation des Jeux de 2012. Candidature déposée sous la présidence de François Hollande, victoire décrochée sous la présidence d’Emmanuel Macron : cet événement dépasse les clivages. À droite comme à gauche, on a considéré qu’il ne fallait pas politiser les candidatures visant à accueillir les événements sportifs – si vous me permettez de paraphraser Emmanuel Macron…
Nous sommes donc spontanément favorables à ce texte, car nous souhaitons la réussite des jeux Olympiques et Paralympiques. Le groupe socialiste n’a d’ailleurs pas jugé bon de déposer des amendements sur un certain nombre de dispositions, qui ne posent pas problème.
Toutefois, quelques sujets d’inquiétude demeurent. Ainsi, nombre d’articles de ce texte prévoient des mesures destinées à s’inscrire de manière pérenne dans le droit commun ; d’autres visent à mettre en place des expérimentations et d’autres encore concernent bien exclusivement les jeux Olympiques et Paralympiques. Cela nous incite à nous interroger sur l’application de l’article 45 de la Constitution : en pareil cas, il nous semble bien délicat de définir précisément le périmètre du texte. À cet égard, je remercie la commission des lois de nous avoir octroyé une victoire symbolique en rebaptisant ce texte comme portant « diverses autres dispositions ».
Je regrette cependant que ne figurent, parmi ces diverses autres dispositions, ni le montant de la taxe de séjour pendant les jeux Olympiques ni la privatisation du réseau de bus parisien.
La situation catastrophique des transports en commun franciliens peut perdurer jusqu’en 2024. La privatisation va-t-elle empirer les choses ? « Je ne vous ferai pas croire que nous n’y pensons pas », pour reprendre les termes du ministre des transports, Clément Beaune. Hélas, nous ne pourrons nous prononcer sur cette situation dans cet hémicycle, puisque les amendements du groupe socialiste sur ce sujet, qui a pourtant tout à voir avec l’objet de ce projet de loi, ont été déclarés irrecevables.
Ensuite, ce projet de loi, qui ne parle pas que des Jeux, tout en en parlant, mais sans ne parler que de cela, autorise nombre d’expérimentations. Notre premier souci est de faire en sorte que des garanties suffisantes soient apportées pour maîtriser les dérogations dans leur périmètre, dans leur durée et dans leur objet, et qu’elles soient ainsi parfaitement cadrées.
Le Conseil d’État avait proposé au Gouvernement un vade-mecum de l’expérimentation tant il est rare qu’une expérimentation ne soit pas généralisée. Est-ce à dire qu’elles sont toutes extrêmement efficaces et convaincantes ? Il est permis d’en douter…
Le Conseil d’État a donc recommandé au Gouvernement de définir, en amont des expérimentations, des critères de réussite et des objectifs clairs tout en associant le plus largement possible le public concerné. Après avoir lu l’étude d’impact de ce projet de loi, nous doutons de la définition de ces quelques critères. Mme la ministre serait-elle, par exemple, en capacité de me dire ce qui pourrait conclure à la non-généralisation de l’utilisation de la vidéoprotection automatisée ?
Certains défenseurs des libertés publiques craignent que ne se produise, à la faveur des jeux Olympiques et Paralympiques, par crainte du terrorisme, une accélération de cette évolution dont les conséquences affecteront le champ de l’ordre public et l’exercice des libertés ordinaires. Il est bien difficile de leur rétorquer qu’ils se trompent et que les mesures proposées ne sont que temporaires.
À travers les auditions de la commission, nous avons eu la confirmation que beaucoup d’acteurs se projettent déjà dans une pérennisation. Je ne dis pas que cela est incompréhensible, mais ne serait-il pas plus transparent d’indiquer, dès le départ, que la plupart des mesures proposées sont en réalité destinées à durer ?
C’est aussi l’une des raisons qui nous ont poussés à rejeter la reconnaissance faciale. Nous considérons que le sujet n’est pas anodin et qu’il mérite un débat et une expérimentation assortie de garanties élevées d’encadrement pour rendre le dispositif acceptable.
On ne peut introduire dans le droit positif des dispositions aussi lourdes par le biais d’amendements à un texte qui concerne les jeux Olympiques et Paralympiques. L’intelligence artificielle et la reconnaissance faciale sont déjà présentes dans nos vies, la plupart de nos concitoyens en sont conscients. Faut-il donc leur faire croire que ce sont les Jeux de Paris qui rendent l’expérimentation technologique nécessaire ?
Nous devons veiller à ce que le combat contre le terrorisme, bien légitime, ne conduise pas à des restrictions de libertés en matière d’ordre public.
Il convient aussi de ne pas favoriser l’extension des nouveaux standards de sécurité qui s’imposent pour les jeux Olympiques et Paralympiques à toutes les manifestations sur le territoire national.
Enfin, et ce n’est pas anodin, notamment pour nos collectivités territoriales, nous devons tenir compte des coûts pour que les mesures que nous voterons ne pèsent pas trop lourdement sur les finances locales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ces jeux Olympiques auraient pu, auraient dû donner lieu à un élan exceptionnel en faveur d’une politique sportive ambitieuse et populaire.
La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France n’y a malheureusement pas répondu et ce nouveau texte n’apportera rien en la matière. Pis, celui-ci semble servir de soupape au Gouvernement pour prendre un certain nombre de dispositions restreignant les libertés individuelles et collectives et appelées à s’appliquer de façon pérenne.
Ce projet de loi aurait pu être l’occasion d’un débat positif sur la méthode à adopter pour que la prochaine Coupe du monde de rugby ou les jeux Olympiques de Paris constituent un héritage économique et social vertueux pour la population.
Au-delà de la performance de nos athlètes et de la bonne tenue de l’événement en matière de sécurité et de transport, ces Jeux ne seront une réussite que s’ils permettent de casser les barrières sociales, territoriales et liées aux handicaps entre les usagers et la pratique sportive.
Et comment concevoir un héritage économique pour nos collectivités en matière d’équipements alors même qu’elles peinent à soutenir leur vie associative ou à maintenir ouverts leurs équipements existants du fait de la hausse des coûts de l’énergie ?
Que l’on se comprenne bien : je suis résolument pour la tenue de ces jeux Olympiques dans notre pays. La promotion faite au sport d’élite ne me gêne pas et les bonnes performances de nos athlètes nous honoreront.
Ainsi, à défaut d’un héritage social, nous devrons nous satisfaire d’un héritage sécuritaire des Jeux. Loin de nous l’idée de négliger la sécurité de millions de femmes et d’hommes venus assister aux festivités, mais les dérogations apportées au droit commun en matière de droit des justiciables risquent de saper l’élan populaire que doit amener cet événement mondial.
L’un des objectifs de ce texte est de légaliser la vidéosurveillance algorithmique. Or celle-ci a tout autant recours que la reconnaissance faciale à l’analyse biométrique, autrement dit à la détection de corps pour repérer ou identifier une personne.
Étape par étape, la population est préparée à devoir accepter ces nouvelles technologies, sous couvert de leur caractère exceptionnel et limité dans le temps, alors même que ce gouvernement a la fâcheuse tendance d’inscrire de manière pérenne dans le droit commun des dispositions relevant de l’état d’exception.
La Cnil, la Ligue des droits de l’homme ou encore le Conseil d’État se sont aussi fait l’écho de cette préoccupation, exprimée par l’ensemble des membres de mon groupe. Je pense, madame la ministre, que ces réserves méritent que l’on s’y penche de plus près.
Ce texte de loi, en sus de n’apporter aucune garantie supplémentaire de bonne gestion de l’événement pour les supporters dans les stades, s’inscrit dans une ligne du tout sécuritaire qui nous semble contre-productive. Nos amendements tendent à corriger cette orientation, notamment en matière de pointage. En effet, nous estimons nécessaire de proportionner cette mesure au regard du comportement de la personne.
S’agissant de la pyrotechnie, les supporters, partout dans le monde, utilisent des torches et des fumigènes pour animer les tribunes. Bien qu’elle soit interdite, cette pratique perdure. Or la répression a des effets opposés à ceux qui sont attendus, puisqu’elle conduit les supporters à une utilisation encore plus dangereuse.
Par ailleurs, cette gestion sécuritaire s’illustre aussi par le recours de 25 000 à 30 000 agents de sécurité privée dont les prérogatives seront étendues en vue des Jeux. Sachant qu’il faudrait recruter et former 25 000 agents en dix-huit mois, la « probable insuffisance de la sécurité privée », soulignée récemment par la Cour des comptes, est un doux euphémisme.
Dans ce contexte d’un manque criant de ressources humaines dans la filière de sécurité privée, nous serons particulièrement vigilants à ce qu’il n’y ait aucune complaisance à l’égard du travail dissimulé ou du recours aux travailleurs sans-papiers.
Faute d’une préparation sérieuse, nous en sommes amenés à devoir faire appel aux réserves de la police, de la gendarmerie et des armées. Entre les festivals de musique annulés, faute d’agents de sécurité publique et de membres des forces armées assurant le maintien de l’ordre public, je peine à distinguer l’horizon d’une quelconque communion populaire lors de ces Jeux.
S’agissant d’impréparation, je pourrais aussi rappeler les promesses de cet exécutif, qui s’est engagé à répondre de manière décarbonée aux besoins de mobilité induits par les Jeux. Elles auront du mal à être tenues, sachant que seul le prolongement de la ligne 14 du métro sera prêt à temps. Là encore, l’acceptabilité des Jeux devrait en sortir malmenée.
En raison tant des restrictions aux libertés individuelles et collectives qu’il emporte que de ses manques criants en matière de politique sportive et de l’absence de mesures concrètes sur l’héritage des Jeux, nous ne pourrons voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Arnaud de Belenet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, votre projet de loi, qui s’inscrit dans la dernière ligne droite avant les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, ambitionne d’améliorer l’organisation de cet événement et de parfaire la loi de 2018.
Il s’inscrit aussi dans la dernière ligne droite du troisième événement le plus médiatisé au monde, la Coupe du monde de rugby, qui aura lieu à l’automne.
Ce texte présente des adaptations nécessaires en matière d’offre de soins et de formation aux premiers secours, alloue des moyens pour renforcer le dispositif de lutte contre le dopage et prévoit diverses autres mesures, dont la possibilité pour la Solideo de recourir à l’intervention d’établissements publics administratifs (EPA).
Surtout, il renforce la sécurité des Jeux et des grands événements que la France accueille. Le chapitre III, au gré des mesures importantes de sécurité qu’il implique et du traitement des questions, parfois épineuses, qu’il soulève, mérite une attention particulière, comme cela a été souligné dans le rapport d’information que nous avons coécrit avec Marc-Philippe Daubresse et Jérôme Durain en mai 2022, La reconnaissance biométrique dans l’espace public : 30 propositions pour écarter le risque d’une société de surveillance. J’y reviendrai.
Quelques imprécisions ou imperfections ont été relevées dans le texte du projet de loi, notamment le fait que l’installation de systèmes de vidéoprotection n’aurait été réalisable que « dans les moyens de transport et les voies les desservant ». Je me félicite que Mme la rapporteure ait repris en commission notre amendement tendant à éclaircir le sens de ces termes, afin de préciser que l’installation de systèmes de vidéoprotection ne sera concevable que dans les gares et les seuls moyens publics de transport.
Nous aurions toutefois pu éviter de rejeter l’amendement à l’article 6 visant à maintenir le caractère obligatoire de la transmission à la Cnil d’un rapport annuel du Gouvernement sur l’activité des commissions départementales de vidéoprotection. Il est vrai que ces rapports ne sont plus rendus à la Cnil depuis 2013, ce qui emporte assez peu de conséquences pratiques. Toutefois, je suis chagriné de supprimer une obligation légale au seul motif que le Gouvernement s’y soustrait depuis des années. (M. Loïc Hervé opine.)
Je me souviens d’avoir appris et réappris, en première année de droit, que le respect de la Constitution et du droit fondait la démocratie. Même quand cela n’arrange pas, la règle doit être respectée.
Il est possible d’anticiper des nominations, il est possible d’anticiper des limites d’âge, il pourrait même être organisé des tuilages avec des adjoints…
MM. Loïc Hervé et Laurent Lafon. Excellent !
M. Arnaud de Belenet. C’est pourquoi nous exprimerons notre hostilité à un amendement d’Ancien Régime, très « versaillais ». (Sourires.) En revanche, nous pourrions envisager le cadeau d’un amendement réécrit, mieux justifié et plus démocratique.
M. Pierre Ouzoulias. Un amendement « Notre-Dame » !
M. Arnaud de Belenet. En ce qui concerne l’article 17 du projet de loi et la possibilité offerte au commerce de déroger au repos dominical, je salue, madame la ministre, le fait que vous ayez suivi l’avis du Conseil d’État. En effet, celui-ci suggérait, au nom de l’égalité entre les entreprises, d’étendre le périmètre géographique de la mesure aux communes situées à proximité des sites de compétition et non de le restreindre aux seules communes d’implantation de ces sites et aux communes limitrophes.
Nous saluons, d’une manière générale, le travail de la rapporteure Agnès Canayer, qui a permis de trouver un équilibre. Je pense notamment à l’article 4 relatif à la lutte contre le dopage qui prévoit la réalisation d’analyses par des examens génétiques. La solution trouvée, à savoir permettre une expérimentation des tests génétiques les plus intrusifs, me paraît plus raisonnable sur le plan éthique.
De même, nous souscrivons aux garanties apportées par la commission des lois à l’installation de scanners corporels à ondes millimétriques, basées sur le volontariat à la fois des gestionnaires et des personnes contrôlées, auxquels on ne pourra imposer ce dispositif. Nous doutons cependant de la portée pratique de cette faculté au regard de la capacité des opérateurs à investir dans ces machines coûteuses et à disposer d’agents formés.
Enfin, si nous reconnaissons l’utilité de ce projet de loi, nous aurions aimé qu’il ne subisse pas, lui aussi, la sentence d’une procédure accélérée qui nuit au temps du dialogue et du débat nécessaires au bon fonctionnement démocratique.
C’est aussi parce que ce texte ne peut, faute de temps, faire l’objet de discussions plus approfondies, que nous saluons la décision du Gouvernement et celle de la commission des lois de ne recourir à l’intelligence artificielle qu’à titre expérimental et de manière limitée, dans le temps et dans l’espace, le tout dans un cadre très contraint et sans aucune utilisation de données biométriques.
Avec Marc-Philippe Daubresse et Jérôme Durain, nous avions posé, dans le rapport que j’ai mentionné, une condition de subsidiarité. Je la crois respectée ici. Le dispositif de filtrage des billets sécurisés, cher à Laurent Lafon, est une alternative efficace aux dispositifs de reconnaissance biométrique, selon les services de sécurité.
Nous ne pouvons que nous féliciter que ce texte, tel qu’il résulte des travaux de la commission, mette en œuvre les préconisations de ce rapport. Le projet de loi protégera ainsi et l’intégrité physique de nos concitoyens lors de cet événement et leurs libertés publiques.
Comme le soulignait Marc-Philippe Daubresse, il nous faudra fixer dans une nouvelle loi ad hoc les conditions dans lesquelles la reconnaissance biométrique pourra faire l’objet de nouvelles expérimentations par les acteurs publics ou dans les espaces publics.
Nous le voyons aujourd’hui, seul un débat sur cette question permettra d’apaiser les tensions et d’objectiver les positions. Nous devrons légiférer avant l’adoption du futur règlement européen.
Cette loi spécifique nous permettra également de renforcer notre souveraineté. Il est urgent de répondre à la réalité des pratiques et des cas d’usage qui se développent chaque jour dans notre pays.
Il nous faudra enfin accepter le principe d’un nouveau cadre juridique, car le régime de la protection des données ne suffit pas. Il faudra impérativement poser les interdits et les préalables. Nous en sommes convenus en commission des lois, mercredi dernier, ce dont je me réjouis tout particulièrement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’aurais aimé, comme Hemingway, prétendre que « Paris est une fête » et me réjouir de la tenue des jeux Olympiques sur notre territoire.
J’aurais aimé faire comme si tout allait bien, comme si l’on pouvait circuler normalement en Île-de-France, comme si les transports en commun étaient fonctionnels et sans danger.
La vérité est que je peine à imaginer Paris en pleins Jeux, alors que nous avons déjà tant de mal à sécuriser un match de football.
Rappelez-vous, madame la ministre, l’épisode du fiasco du Stade de France le 28 mai dernier. On peut espérer que le nouveau préfet évitera le pire et assurera mieux la sécurité des 13,5 millions de spectateurs attendus.
Pour le moment, le texte qui nous est soumis prévoit de faire face à cet enjeu primordial par une série de dispositions qui posent tout de même de sérieuses questions eu égard à nos droits et libertés.
L’article 7 prévoit le recours aux caméras augmentées utilisant l’intelligence artificielle, ou vidéosurveillance algorithmique (VSA), afin de détecter des « situations anormales ». On parle alors d’une technologie qui analysera, classera, évaluera nos moindres faits et gestes dans l’espace public.
La Quadrature du Net, une association de défense et de promotion des droits et libertés sur internet, dénonce « une véritable frénésie sécuritaire » et « un projet totalement dystopique ».
Dans son avis, le Conseil d’État juge que le projet de loi est « susceptible de mettre en cause la protection de la vie privée et d’autres droits et libertés fondamentales, tels que la liberté d’aller et venir et les libertés d’opinion et de manifestation, lorsque ces dernières s’exercent à l’occasion de ces événements ». Il appelle l’intervention du législateur pour encadrer le texte de garanties rigoureuses. Et ce d’autant plus que nombre des mesures concernant la sécurité ont vocation à se pérenniser dans notre droit commun, dépassant ainsi le strict cadre des jeux Olympiques.
Nous devrons donc nous montrer particulièrement attentifs et trouver le juste équilibre entre sécurité et protection de nos libertés.
N’oublions pas non plus l’immense coût écologique de cet événement, grand producteur de CO2. Nous aurions pu nous en passer…
Je voterai contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si tout le monde s’est réjoui lors de l’attribution à Paris des jeux Olympiques et Paralympiques, plusieurs événements survenus depuis nous font douter quant aux conditions de leur organisation, qu’il s’agisse des débordements au Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions ou du déroulement de la Coupe du monde de football au Qatar.
Il faut tout faire pour que le sport sorte vainqueur de cette compétition, bien au-delà de la seule réussite commerciale de cet événement planétaire. Je veux parler du sport propre, des disciplines exigeantes et peu médiatisées, pratiquées par des athlètes admirables et exemplaires, plutôt que du « sport business » et des vecteurs commerciaux que deviennent désormais certaines stars du sport.
Notre pays doit être à la hauteur de ces jeux Olympiques et Paralympiques par la maîtrise des coûts de l’organisation, par la sécurité due aux athlètes et aux spectateurs et, enfin, par l’héritage que doit léguer cet événement.
La Cour des comptes dit ne pas être « en mesure, à ce stade, d’établir le coût global des jeux et son impact total sur les finances publiques ».
Les chiffres avancés pour le budget du Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) et de la Solideo dépassent les 8 milliards d’euros, avec une part de financement public qui s’établirait à près de 2,4 milliards d’euros.
Le coût réel des Jeux comprendra aussi les dépenses des collectivités territoriales et les dépenses de l’État relatives au dispositif de sécurité autour de l’événement et au sein des infrastructures de transport.
La commission de la culture a adopté l’amendement de son rapporteur Claude Kern tendant à ce que la Cour des comptes établisse un bilan du coût global des Jeux et présente leur héritage au travers de la réutilisation des événements et des infrastructures mises en place.
Madame la ministre, vous avez fait part de vos objectifs : vous voulez que les jeux laissent « une empreinte durable, tout d’abord matérielle, notamment en Seine-Saint-Denis, avec la construction d’équipements sportifs de proximité, de 4 000 logements accessibles ou d’aménagements routiers, piétons ou vélos d’utilité publique ». Nous veillerons à la réalisation de ces objectifs, auxquels nous adhérons.
En ce sens, la commission de la culture a adopté l’amendement de son président Laurent Lafon visant à mutualiser les moyens de la Solideo avec un autre établissement de l’État. Cela devrait permettre à la société de se maintenir durant la phase de reconversion des ouvrages en s’appuyant sur les moyens d’un autre établissement public foncier et d’aménagement.
L’accueil des Jeux suscite aussi des interrogations, voire des inquiétudes, quant à la répartition des effectifs chargés du maintien de la sécurité sur l’ensemble du territoire.
Près de 30 000 représentants des forces de l’ordre seront mobilisés chaque jour pendant les épreuves et leur présence dans les transports en commun sera doublée.
Nous regrettons que l’amendement de notre collègue du groupe RDSE Nathalie Delattre n’ait pas été retenu. Il visait à s’assurer que les personnels temporairement affectés à des missions de maintien ou de renforcement de la sécurité – nous approuvons cette démarche – retrouvent, après l’événement, leur affectation antérieure au plus tard le 31 décembre 2024.
En effet, durant la période des Jeux, aucune compagnie de CRS maîtres-nageurs sauveteurs (MNS) ne sera affectée sur les plages, du fait de leur mobilisation sur les sites olympiques. De nombreux élus craignent les conséquences de cette absence, associée à un afflux majeur de touristes. Ils redoutent aussi que l’absence des compagnies de sécurité sur les plages ne devienne pérenne.
J’en viens à l’héritage immatériel que devront laisser les jeux Olympiques et paralympiques de 2024. Au-delà du rayonnement touristique de la France, ils sont une formidable opportunité pour promouvoir la pratique sportive, par la mise en lumière non seulement de disciplines encore confidentielles dans d’autres pays, mais aussi du handisport et du sport féminin, dont nous célébrons aujourd’hui même la journée internationale.
Plus généralement, les Jeux sont un encouragement à la pratique sportive pour tous, une source d’épanouissement, d’apprentissage et de respect des règles, des arbitres et des adversaires, autant de valeurs que notre pays a bien besoin de rappeler.
Madame la ministre, vous connaissez mon entêtement à soutenir le sport scolaire et universitaire, constitutif de l’éducation, dont c’est également la journée internationale, de notre jeunesse. Il mérite d’être reconnu et encouragé bien plus qu’il ne l’est aujourd’hui, surtout en regard de la promotion des jeux Olympiques.
Loin de l’élitisme social de ses origines et du « sport business » actuel avec ses « athlètes produits », il puise dans l’esprit olympique un équilibre entre la promotion de l’activité physique et les valeurs de respect et de fraternité.
Enfin, je salue la décision de conserver France Télévisions comme diffuseur officiel des jeux Olympiques. À l’heure où certaines rencontres sportives disparaissent des chaînes du service public, il est bon que tous les Français puissent regarder, sur les chaînes de télévision publique, les Jeux au financement desquels ils contribuent.
Pour ces raisons, le groupe du RDSE votera en faveur de ce texte.
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement à ce que leur nom indique, les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ne se limitent pas à la seule capitale.
Plusieurs autres villes se sont engagées à accueillir des compétitions, des centres de préparation, les villages des athlètes et des médias ou encore le parcours de la flamme.
Au travers des actions mises en place, les collectivités labellisées Terre de Jeux 2024 et les établissements scolaires Génération 2024 partagent tous le double objectif de développer la pratique sportive et de faire rayonner l’olympisme sur l’ensemble du pays.
Or, à dix-huit mois du début des compétitions, force est de constater que l’enthousiasme de la population française reste pour le moins mesuré, les Français devant, pour l’heure, faire face aux crises sanitaire, sociale et de pouvoir d’achat.
Aujourd’hui, il est donc de notre responsabilité collective – Cojop, État, Parlement, collectivités, grande famille du sport français – de tout faire pour préparer dans les meilleures conditions l’organisation et l’accueil de la plus grande compétition sportive planétaire.
Pourtant, dans son dernier rapport remis voilà quelques jours, la Cour des comptes relevait un grand nombre d’incertitudes : un équilibre financier qui n’a pas encore été trouvé, des délais serrés pour la livraison de toutes les infrastructures, une organisation loin d’être dans les clous concernant l’offre de transport qui ne pourra, à ce rythme, être prête à temps, et des questions de sécurité évidentes auxquelles ce projet de loi est, à raison, largement consacré.
Ce texte a donc pour objectif d’inscrire dans la loi des mesures complémentaires de celles qui ont été adoptées dans la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Au travers des amendements déposés par nos rapporteurs Agnès Canayer, Florence Lassarade et Claude Kern, mais aussi par d’autres collègues – je tiens à les remercier tous pour la qualité et la pertinence de leurs propositions –, le Sénat précise et renforce certains des dispositifs inscrits dans le projet de loi.
Reconnaissons que l’essentiel du texte va dans le bon sens. Il prévoit de nouveaux dispositifs et dérogations ainsi que des expérimentations en matière de soins, de sécurité, laquelle est encore renforcée, ou des mesures antidopage qui, une fois pérennisées, constitueront un héritage durable de ces Jeux. Nous pouvons en être fiers.
Il y avait en effet urgence à adapter des dispositifs complémentaires en matière de gestion des grands événements. Vidéoprotection, contrôle des entrées, renforcement des sanctions pour les faits de violence ou de fraude, sécurité dans les transports… le texte se veut tout terrain. Encore faut-il bien délimiter le périmètre des mesures exceptionnelles et celui des changements permanents.
Aussi, nous sommes favorables à ce texte qui, je l’espère, nous permettra d’éviter un nouveau fiasco semblable à celui du Stade de France, devenu le symbole de tous les dysfonctionnements possibles lors d’une rencontre internationale.
Je soulignerai tout de même deux angles morts, sur lesquels nous n’avons pas eu la possibilité d’amender le texte.
Le premier concerne les volontaires et bénévoles. L’absence de garanties sur leur accueil, qui révèle des enjeux propres à l’événement – logements peu accessibles en Île-de-France et dans Paris intra-muros –, ou l’absence de facilités de transport peuvent créer un sentiment d’exclusion, à l’opposé des valeurs de l’olympisme.
Faut-il rappeler que, au-delà des chiffres, des femmes et des hommes consacreront leur temps et leur énergie à faire de ces Jeux une réussite à tous les niveaux ? Ils doivent pouvoir le faire dans les meilleures conditions.
Le dispositif des volontaires, les conditions de candidature, les rôles assignés à chacun sont inscrits dans la charte du volontariat olympique et paralympique que nous devons à la loi de 2018.
Pour la grande majorité des bénévoles, il s’agit d’un cadre sain, clair, qui les protège autant qu’il protège les spectateurs. Mais, là encore, des doutes persistent : quelle est la valeur contraignante d’une charte pour des profils dangereux qui souhaiteraient à tout prix gâcher la fête ? En l’état, ni l’organisateur ni le Gouvernement n’apportent de réponse satisfaisante.
Par ailleurs, le Premier président de la Cour des comptes appelle à une nécessaire vigilance face aux risques juridiques associés à la charte du volontariat olympique, une requalification de certaines missions d’une partie des bénévoles en travail salarié pouvant constituer une complication juridique et financière non négligeable.
Le deuxième angle mort concerne la billetterie. Le Cojop y tient : les billets seront nominatifs. Or les partenaires comme la Ville de Paris, la région Île-de-France, les entreprises et les associations, via la billetterie sociale, se feront les acquéreurs de places pour inviter du public. À quel nom seront ces billets ? Comment s’assurer que les personnes se présentant avec un billet en sont bien les propriétaires ? Comment effectuer les contrôles ? Sans réponse précise à ces questions pourtant pratico-pratiques, tous nos grands débats seront vains.
Le billet d’entrée n’est pas un objet ordinaire : il est la clef d’accès à l’expérience olympique pour des millions de personnes venues du monde entier. Pour beaucoup de jeunes, c’est aussi le sésame vers une première rencontre avec le sport de haut niveau.
Madame la ministre, s’agissant de ces jeux Olympiques et Paralympiques, l’important n’est pas uniquement de participer, mais de s’assurer de leur succès. Il faut agir « plus vite, plus haut, plus fort » – et j’ajouterai : ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après les textes de 2018 et 2019, ce troisième texte relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 a été inscrit à l’ordre du jour dans la continuité de son dépôt au Sénat, le 22 décembre dernier. Ces délais contraints restreignent le temps de travail que nous pouvons lui consacrer.
La réussite des Jeux de 2024, événement tout à fait exceptionnel, est un enjeu majeur auquel nous adhérons collectivement. Pendant six semaines, 13 millions de spectateurs et 4 milliards de téléspectateurs sont attendus. L’équivalent de cinquante-quatre championnats du monde seront organisés simultanément et circonscrits à un même lieu, ou presque.
La réussite de l’événement se mesurera à l’aune de son organisation, des résultats de nos athlètes, du respect de l’équilibre budgétaire – il s’agira de limiter les dépassements au maximum –, des retombées économiques et sociales, en termes d’infrastructures – la notion d’héritage olympique doit être hiérarchisée –, à l’aune également de ses dimensions festive, inclusive, populaire, environnementale, mais aussi du rayonnement de la France et de la valorisation de ses règles communes et de ses savoir-faire.
Ce texte, qui contient des ajustements nécessaires à un événement unique, traite le sujet olympique au travers d’un prisme résolument sécuritaire. Il prévoit des dérogations à notre droit commun et à différents codes : ceux du sport, de la sécurité intérieure, du travail ou encore de la santé.
Présentées comme nécessaires, ces dérogations permettent en effet d’appliquer le cahier des charges du CIO, de respecter la Charte olympique, de mettre en œuvre les contrats de ville hôte et d’harmoniser, dans notre législation, les standards de l’Agence mondiale antidopage – je fais ici référence aux tests génétiques déjà appliqués aux Jeux de Tokyo en 2021.
Nous notons que le Gouvernement a globalement respecté l’essentiel des recommandations du Conseil d’État et de la Cnil.
Parallèlement, le projet de loi regroupe un ensemble de dispositions pérennes ou amenées à l’être après expérimentation et/ou évaluation, et qui dépassent largement le cadre olympique, en s’appliquant potentiellement à « des manifestations récréatives, sportives et culturelles » ayant lieu avant et après 2024 : Coupe du monde de rugby 2023, concerts, festivals…
Les décrets d’application définissant la nature des événements concernés ou les seuils retenus seront l’objet de notre particulière attention. C’est en ce point que réside la dimension post-olympique du texte, absente d’un intitulé réducteur, bien que précisé en commission.
Concernant l’aspect sécuritaire, il semble que les enseignements des incidents survenus lors de la finale de la Ligue des champions au Stade de France le 28 mai dernier aient été globalement tirés par les ministères concernés, par la délégation interministérielle aux grands événements sportifs (Diges) et par la délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (Dijop).
Cependant, deux situations sensibles sont identifiées : la cérémonie d’ouverture et le parcours de la flamme olympique dans le pays.
La gestion de la cérémonie d’ouverture paraît d’une grande complexité et nécessite un haut degré d’anticipation, des moyens accrus et un niveau de technicité auquel nous n’avons jusqu’alors jamais recouru. Des arbitrages rapides sont nécessaires afin de susciter la sérénité dans l’opinion publique.
Ces choix stratégiques intègrent également la gestion des risques d’atteintes aux personnes et aux biens, ainsi que la politique de la délinquance du quotidien aux abords des sites accueillant des compétitions, qui pourraient menacer le caractère paisible de l’événement.
Le recours à la mobilisation d’effectifs en grand nombre, publics et privés, sera nécessaire. Dans son récent rapport budgétaire, le Premier président de la Cour des comptes n’a pas manqué d’alerter sur l’impact de ce défi, dont le financement sera à la charge exclusive du Cojop.
Pour conclure, j’appelle votre attention sur la relation entre l’organisateur et le public. Elle est uniquement appréhendée dans ce texte au travers du volet répressif, c’est-à-dire de la sanction et de la lourdeur des peines.
Certaines dispositions – usage de scanners corporels, interdictions de stade, délit d’intrusion en réunion dans les enceintes sportives et sur les aires de compétition – s’appliqueront par exemple aux matches de Ligue 1 et de Ligue 2 de football, alors que les autres volets de la relation entre les clubs et les supporters ne sont pas abordés.
Finalement, la réussite des jeux Olympiques de Paris 2024 reposera en grande partie sur l’équilibre que nous parviendrons à trouver entre la quiétude que nous devons aux habitants, spectateurs et participants et le souci de préserver la dimension fédératrice et festive de l’événement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif aux jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions
Chapitre Ier
Adaptations nécessaires en matière d’offre de soins et de formation aux premiers secours
Article 1er
I. – En vue d’assurer la prise en charge des membres des délégations olympiques et paralympiques et des personnes accréditées par le comité international olympique et le comité international paralympique, il est créé au sein du village olympique et paralympique, pour la durée d’accueil de ces personnes, un centre de santé dénommé « Polyclinique olympique et paralympique » dont la création et la gestion sont assurées par l’Assistance publique-hôpitaux de Paris.
Les deuxième à quatrième alinéas de l’article L. 6323-1 du code de la santé publique ne sont pas applicables à ce centre de santé.
Sous réserve du III du présent article, les articles L. 6323-1-10 et L. 6323-1-11 du code de la santé publique sont applicables.
II. – Le centre de santé mentionné au I du présent article réalise à titre exclusif des prestations à titre gratuit pour les personnes mentionnées au même I. Les articles L. 161-35, L. 162-32, L. 162-32-3 et L. 162-32-4 du code de la sécurité sociale et l’article L. 6323-1-7 du code de la santé publique ne sont pas applicables. L’accord national mentionné aux articles L. 162-32-1 et L. 162-32-2 du code de la sécurité sociale n’est pas applicable. Les modalités de financement des activités du centre de santé et de couverture des charges liées aux prestations délivrées sont prévues par une convention conclue en application de l’article L. 6134-1 du code de la santé publique entre l’Assistance publique-hôpitaux de Paris et le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Les personnes engagées en qualité de volontaires olympiques et paralympiques peuvent participer aux activités du centre de santé.
III. – Le contenu du projet de santé, du règlement de fonctionnement et de l’engagement de conformité mentionnés aux articles L. 6323-1-10 et L. 6323-1-11 du code de la santé publique, ainsi que les conditions dans lesquelles les professionnels de santé sont associés à l’élaboration du projet de santé, sont adaptés aux caractéristiques du centre de santé par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé d’Île-de-France.
IV. – L’installation et le fonctionnement, au sein du centre de santé mentionné au I, d’appareils d’imagerie par résonance magnétique nucléaire à utilisation médicale et d’un scanographe à utilisation médicale, sont autorisés. Les chapitres II et III du titre II du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique ne sont pas applicables.
L’utilisation de ces équipements respecte les conditions techniques de fonctionnement mentionnées à l’article L. 6124-1 du même code.
En cas d’urgence tenant à la sécurité des patients ou du personnel, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer l’interruption immédiate, totale ou partielle, de l’utilisation de ces équipements, dans les conditions prévues au II de l’article L. 6122-13 dudit code.
V. – Par dérogation au I des articles L. 5126-1 et L. 5126-4 du code de la santé publique, une pharmacie à usage intérieur de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris, est autorisée à disposer de locaux au sein du centre de santé mentionné au I du présent article.
Elle peut délivrer au détail, dans des conditions fixées par décret, aux personnes mentionnées au même I, y compris lorsqu’elles ne sont pas prises en charge par le centre de santé, les médicaments et les produits ou objets mentionnés à l’article L. 4211-1 du code de la santé publique ou les dispositifs médicaux stériles, qui figurent sur une liste arrêtée par le ministre chargé de la santé après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
VI. – Par dérogation aux articles L. 4221-1 et L. 4232-1 du code de la santé publique, les pharmaciens inscrits aux tableaux des sections A et D ou les pharmaciens d’officine inscrits au tableau de la section E peuvent également exercer au sein de la pharmacie à usage intérieur mentionnée au V du présent article, sans devoir être inscrits au tableau de la section H. Ils informent le conseil central ou le conseil régional dont ils relèvent en application de l’article L. 4222-3 du code de la santé publique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er crée la polyclinique olympique et paralympique prévue par le contrat de ville hôte.
Nous avons bien compris que la création de cette polyclinique, sous forme de centre de santé, vise à préserver la bulle sécuritaire qu’est, pour les athlètes, le village olympique et paralympique, mais aussi à ne pas reporter des besoins propres à ces derniers sur l’offre de soins de la région.
En pratique, la polyclinique sera gérée par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et nous espérons vivement que les dépenses qu’elle engagera seront intégralement remboursées par le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024.
Le fonctionnement de ce centre devrait reposer sur un encadrement soignant assuré par des praticiens de l’AP-HP. Toutefois, l’essentiel des professionnels de santé qui y exerceront seront des volontaires olympiques et paralympiques.
Les besoins médicaux, paramédicaux et administratifs du pic d’activité sont estimés à 193 volontaires. Compte tenu de l’état de nos hôpitaux publics, à Paris comme ailleurs, il ne faudrait pas déshabiller Pierre pour habiller Paul…
Eu égard à la situation dramatique de l’hôpital et à la crise majeure des urgences, on peut légitimement s’interroger sur les conséquences de cette charge de travail supplémentaire pour l’AP-HP, et ce d’autant plus que trois hôpitaux participeront également à la prise en charge des soins outrepassant les compétences du centre de santé olympique.
Beaucoup de questions restent en suspens. Plus globalement, la saturation des capacités d’accueil des hôpitaux à la suite des fermetures de lits d’hospitalisation et du sous-investissement de l’État suscite notre interrogation quant à la prise en charge médicale et hospitalière des sportifs, des journalistes et, bien évidemment, des supporters et touristes durant les prochains jeux Olympiques et Paralympiques.
Nos hôpitaux publics sont en grande souffrance, peut-être encore davantage pendant les périodes estivales, à Paris comme ailleurs. Aussi aimerions-nous que le Gouvernement nous rassure sur tous ces points.
Mme la présidente. L’amendement n° 52, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
Polyclinique
par les mots :
Centre de santé
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. La rapporteure de la commission des affaires sociales a modifié l’article 1er du projet de loi en introduisant le terme de « polyclinique » pour désigner le centre de santé créé au sein du village olympique et paralympique qui figure dans le contrat de ville hôte.
Par cet amendement de Laurence Cohen, nous demandons à revenir sur cette modification. En effet, le terme « polyclinique », qui signifie littéralement clinique où se pratiquent toutes sortes de soins, n’est pas adapté au centre de santé du village olympique et paralympique, où ne seront pratiqués que les actes de premier recours et d’imagerie. Les hospitalisations et les actes chirurgicaux seront en effet du ressort des hôpitaux Bichat, Avicenne et Pompidou.
En outre, la dénomination « centre de santé » correspond au statut juridique de l’établissement de santé qui prendra en charge les patients du village olympique et paralympique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. J’entends que Mme Cohen préfère nommer « centre de santé » la structure créée pour répondre aux besoins du village olympique et paralympique.
Celle-ci n’aurait pourtant d’un centre de santé que le nom. Il était certes souhaitable de choisir une dénomination empruntée aux modèles de structures existants et c’est le terme de « centre de santé » qui a été retenu dans le projet de loi initial. Toutefois, ce « centre de santé » ne présente aucune des caractéristiques que vous avancez : il ne sera pas ouvert à tous, mais réservé aux athlètes et personnes accréditées ; il n’y aura pas de tiers payant, puisque les actes seront réalisés à titre gratuit et financés par Paris 2024 ; l’exercice salarié n’y est pas promu non plus, puisque, outre l’encadrement salarié de l’AP-HP, les praticiens qui y exerceront seront des volontaires olympiques.
Par ailleurs, je refuse le procès qui est fait à la dénomination de « polyclinique », retenue par la commission des affaires sociales. Il ne s’agit pas de favoriser un modèle privé : nous nous bornons ici à reprendre la terminologie du CIO lui-même et celle qui a été employée dans le contrat de ville hôte.
Cette désignation générique dépasse les formes retenues et les appartenances au public ou au privé selon les pays. Ainsi, une structure équivalente était désignée comme telle aux jeux Olympiques de Londres en 2012. Par ailleurs, différents hôpitaux parisiens peuvent être dénommés « cliniques ».
La commission des affaires sociales a souhaité retenir le terme de « polyclinique » pour préciser, dans la désignation même de la structure, que des dérogations y seraient appliquées et pour souligner qu’elle ne serait pas un centre de santé de droit commun.
Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Même avis pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. L’amendement n° 78, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dossus, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La charge de ce financement repose entièrement sur le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Dans le prolongement des inquiétudes de Corinne Féret sur l’état de notre système de santé, sur son effondrement et sur ses larges besoins de financement, cet amendement a pour objet de garantir – j’y insiste – que le financement du centre de santé du village olympique ne repose en aucune manière sur l’AP-HP, mais bien en totalité sur le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques.
Cet amendement tend à préciser dans le texte, puisqu’on me dira peut-être qu’il est satisfait dans l’esprit, que la charge du financement repose entièrement sur le Cojop.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. La commission des affaires sociales a déjà complété cet article en soulignant la nécessaire compensation, par Paris 2024, de l’ensemble des dépenses engagées pour ce centre de santé spécifique et de la prise en charge des athlètes et personnes accréditées qui seraient éventuellement orientées par ce biais au sein de l’AP-HP.
Il n’y a donc pas lieu d’ajouter cette phrase redondante : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Cet amendement est déjà satisfait en raison de la prise en charge intégrale des dépenses directes par le Cojop à l’euro près et par la mise en place d’un comité de suivi, dont la mission consistera à retracer toutes les dépenses et à en assurer la bonne et pleine prise en charge par l’organisateur.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 78 est retiré.
L’amendement n° 98, présenté par Mme Lassarade, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
1° Remplacer les mots :
tableaux des sections A et D
par les mots :
sections A et D
2° Remplacer les mots :
inscrits au tableau de la section E
par les mots :
et hospitaliers inscrits à la section E du tableau de l’ordre
3° Remplacer les mots :
au tableau de la section H
par les mots :
à la section H du même tableau
La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. Cet amendement tend à apporter une précision rédactionnelle relative aux pharmaciens autorisés à exercer dans la pharmacie à usage intérieur (PUI) de la polyclinique olympique et paralympique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 98.
(L’amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 53, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er juin 2024 un rapport sur les besoins en capacités hospitalières durant les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Ce rapport établit également le nombre de lits d’hospitalisation, les besoins en personnels sur le territoire durant la préparation et le déroulement de cette manifestation.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Vous l’avez compris, madame la ministre, la capacité du système de santé de la proche couronne parisienne à faire face à l’afflux de population et nécessairement à l’afflux de demande de soins suscite une forte interrogation.
Il faut que vous nous répondiez maintenant et que vous nous disiez quelle est la programmation de votre ministère pour satisfaire cette demande supplémentaire.
Votre collègue, M. Darmanin, nous a dit de façon extrêmement claire et tout à fait honnête que les agents des forces de police n’auraient pas de vacances en juillet et en août 2024.
Estimez-vous qu’il en sera de même pour les personnels de santé ? Si ces derniers ne peuvent prendre de vacances en juillet et en août prochains, il faut leur dire dès maintenant.
Il s’agit de responsabiliser tout le monde. Et c’est aussi à vous, madame la ministre, de prendre vos responsabilités et de nous dire si les personnels de santé sont en nombre suffisant pour accomplir le service.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. Vous le savez, la commission des affaires sociales est plutôt réfractaire aux demandes de rapport.
Surtout, comme je l’avais évoqué en commission, le Gouvernement a déjà missionné l’inspection générale des affaires sociales (Igas) pour rendre un rapport sur les capacités de l’offre de soins francilienne à répondre aux besoins identifiés pour la période des Jeux de Paris 2024.
Une demande de rapport ne me semblant ni opportune ni nécessaire, je suis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Les directions du ministère de la santé et de la prévention travaillent depuis de nombreux mois avec l’ensemble des acteurs – les ARS, les établissements et professionnels de santé… – pour anticiper l’arrivée d’un public nombreux.
Dans le cadre de ces travaux, une grande attention est portée à l’adaptation de l’offre hospitalière aux besoins, que ce soit en termes capacitaires, qualitatifs ou de ressources humaines.
J’ajoute que l’ouverture du centre de santé – la « polyclinique » – que vous avez validée en votant l’article 1er vise précisément à faire face à une surcharge d’activité de notre système de santé.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, vous nous dites que vous anticipez ; nous aurions donc aimé connaître vos conclusions… Or vous semblez renvoyer le soin de définir les besoins à une future mission d’inspection. Où est l’anticipation ?
De son côté, M. Darmanin a anticipé, puisqu’il nous a annoncé que toutes les forces de police seraient mobilisées pour les Jeux, y compris celles qui sont habituellement affectées aux manifestations culturelles qui seront quasiment interdites.
Si vous avez anticipé, madame la ministre, vous devriez pouvoir nous dire aujourd’hui même ce que le Gouvernement prépare en ce qui concerne l’offre de soins durant les Jeux. Nous ne devrions pas avoir à attendre.
Les jeux Olympiques, c’est demain ! Nous avons besoin de réponses aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Le rapport de l’Igas est en voie de finalisation et il est prévu que, lors la réunion du comité interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques (Cijop) de vendredi prochain, qui se tiendra sous l’autorité de la Première ministre, nous fassions un focus sur les questions de santé et de prévention.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 53.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
I. – Les médecins des fédérations internationales de sports accrédités par le Comité international olympique, le Comité international paralympique ou le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 pour assurer le contrôle des compétitions de ces jeux, qui ne justifient pas des conditions requises pour exercer leur profession en France, sont autorisés à exercer cette profession sur les sites des compétitions, à l’égard des athlètes qui participent à celles-ci.
II. – Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique accrédités par le Comité international olympique, le Comité international paralympique ou le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, qui ne justifient pas des conditions requises pour exercer leur profession en France et qui accompagnent les délégations des fédérations internationales, des organismes du Mouvement olympique ou des comités paralympiques, sont autorisés à exercer leur profession à l’égard des personnels et membres de la délégation qu’ils accompagnent. Cet exercice n’est pas autorisé au sein des établissements et services de santé mentionnés à la sixième partie du même code.
Un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et des sports fixe la liste des organismes mentionnés au premier alinéa du présent II ainsi que la période au cours de laquelle l’autorisation d’exercice est délivrée, qui ne peut aller au-delà du 31 décembre 2024.
III. – Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique engagés en qualité de volontaires olympiques et paralympiques qui ne justifient pas des conditions requises pour exercer leur profession en France, sont autorisés à exercer cette profession au sein du centre de santé mentionné à l’article 1er.
IV. – Les professionnels mentionnés aux I, II et III du présent article sont soumis, dans l’exercice de leur profession, aux conditions applicables à cet exercice en France. – (Adopté.)
Mme la présidente. Nous abordons l’examen des articles 17, 4 et 5, ainsi que de l’amendement portant article additionnel après l’article 4, appelés en priorité.
Article 17 (priorité)
Dans les communes d’implantation des sites de compétition des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ainsi que dans les communes limitrophes ou situées à proximité de ces sites, le représentant de l’État dans le département peut, compte tenu des besoins du public résultant de l’affluence exceptionnelle attendue de touristes et de travailleurs et sous réserve des dérogations au repos dominical applicables, autoriser un ou plusieurs établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens ou des services à déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement, pour une période comprise entre le 1er juin 2024 et le 30 septembre 2024.
Cette autorisation est accordée après avis du conseil municipal, de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre, de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers et de l’artisanat, des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, donnés dans le délai d’un mois à compter de la saisine du représentant de l’État dans le département.
Les arrêtés préfectoraux pris sur le fondement du premier alinéa de l’article L. 3132-29 du code du travail peuvent, le cas échéant, être suspendus pendant les périodes de mise en œuvre des dérogations prévues au présent article.
La dérogation au repos dominical est mise en œuvre par l’employeur sous réserve du volontariat du salarié, tel que prévu au premier alinéa de l’article L. 3132-25-4 du même code et dans le respect du dernier alinéa du même article L. 3132-25-4. Le salarié peut revenir à tout moment sur sa décision de travailler le dimanche à condition d’en informer par écrit son employeur en respectant un délai de dix jours francs. Le salarié bénéficie des contreparties définies au premier alinéa de l’article L. 3132-27 dudit code.
Mme la présidente. L’amendement n° 56, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. L’article 17 du projet de loi prévoit que, dans les communes d’implantation des sites de compétition des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, ainsi que dans les communes limitrophes ou situées à proximité de ces sites, le préfet peut, compte tenu des besoins du public résultant de l’affluence exceptionnelle attendue de touristes et de travailleurs, autoriser un ou plusieurs établissements de vente au détail à déroger à la règle du repos dominical.
Selon l’Insee, 19 % des salariés ont travaillé en 2019 au moins un dimanche sur une période de quatre semaines. Depuis la loi de 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, l’extension du travail dominical est devenue une réalité partagée par près d’un salarié sur cinq.
Les conséquences du travail le dimanche sur la santé, la sociabilité, la famille, les relations amicales et les loisirs sont pourtant connues. Les compensations financières et en jours de repos ne suffisent pas aux travailleurs pour récupérer.
Par conséquent, nous refusons toute nouvelle dérogation au repos dominical, laquelle entraînerait nécessairement une dégradation de l’état de santé des travailleuses et des travailleurs, déjà profondément affectés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. La commission a considéré que la dérogation au repos dominical prévue à l’article 17 était justifiée par les besoins des visiteurs et des travailleurs présents pendant les Jeux et suffisamment encadrée dans le temps et dans l’espace. En outre, des garanties sont apportées aux salariés concernés.
Nous sommes donc défavorables à la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 58, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
ainsi que dans les communes limitrophes ou situées à proximité de ces sites
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Cet amendement de repli vise à supprimer la possibilité de travailler le dimanche en dehors des sites de compétition des épreuves des jeux Olympiques 2024.
L’étude d’impact du projet de loi évoque une option : la création d’une dérogation préfectorale collective spécifique sans préciser les territoires concernés, à savoir les communes d’implantation de sites olympiques et les communes limitrophes. Cette option n’a pas été retenue, car tous les départements ne sont pas concernés par les épreuves olympiques et paralympiques.
La loi Macron de 2015 permet déjà de déroger au repos dominical dans les zones commerciales, dans les zones touristiques, dans les zones touristiques internationales et dans les gares.
En outre, les maires ont la possibilité de fixer une liste de douze dimanches par an permettant aux commerces de détail de déroger au repos dominical – on les appelle communément « les dimanches du maire ».
L’extension législative de la dérogation au repos dominical, même limitée dans le temps, est un nouveau pas vers une remise en cause ultérieure de ce droit. Tous les reculs sociaux se sont opérés de la sorte.
Dans ces conditions, nous demandons à limiter strictement l’ouverture du travail le dimanche aux seules communes d’implantation des sites de compétition.
Mme la présidente. L’amendement n° 57, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
ou situées à proximité
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. L’étendue géographique de la dérogation au repos dominical pour certains commerces prévue par l’article 17 me semble adaptée : selon les territoires, l’affluence du public pourra se trouver dans la commune d’implantation des sites de compétition, mais aussi dans des communes limitrophes ou situées à proximité en raison des infrastructures de transports, des capacités hôtelières ou encore des sites touristiques qui s’y trouvent.
Laissons la possibilité aux préfets d’autoriser certains commerces à ouvrir le dimanche dans les communes limitrophes ou situées à proximité des lieux de compétition pour s’adapter au mieux aux besoins des visiteurs.
La commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 96 rectifié, présenté par Mmes de La Gontrie, Féret et S. Robert, MM. Durain, Lozach, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Assouline, Antiste, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Remplacer les mots :
représentant de l’État dans le département
par le mot :
maire
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous souhaitons que l’autorité qui a compétence pour décider de l’ouverture le dimanche de certains commerces soit le ou la maire, et non le représentant de l’État dans le département.
Paris, compte déjà dix zones touristiques internationales dans lesquelles l’ouverture des commerces est possible le dimanche. Par ailleurs, un maire peut autoriser l’ouverture des commerces douze dimanches – au plus – par an.
Pourquoi les autres ouvertures dominicales devraient-elles être autorisées par l’État ? Ce serait tout de même curieux. Nous pensons qu’il faut articuler finement l’ensemble de ces ouvertures dominicales, raison pour laquelle nous proposons de confier cette compétence au maire et non au représentant de l’État.
Mme la présidente. L’amendement n° 79, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dossus, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
ou plusieurs établissements de vente au détail qui mettent
par les mots :
établissement de vente au détail qui met
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Lorsque le préfet a autorisé un établissement à déroger au repos dominical dans les conditions fixées par le présent article, tout ou partie des établissements de la même commune exerçant la même activité peut également y déroger dans les mêmes conditions, si le préfet le décide par voie d’arrêté. Cette extension est autorisée selon les modalités fixées au deuxième alinéa.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Sur l’initiative de sa rapporteure pour avis, la commission a voulu simplifier la procédure d’autorisation d’ouverture des commerces le dimanche, en permettant au préfet d’autoriser d’emblée plusieurs établissements à déroger à cette règle. Ainsi, des autorisations collectives pourraient être délivrées pour plusieurs établissements afin, prétendument, de répondre aux besoins du public. Nous voulons nous opposer à cette « simplification ».
Je rappelle que cette mesure concernerait non seulement les communes où se déroulerait une manifestation sportive, mais aussi les communes limitrophes et même, comme si cela ne suffisait pas, celles qui se situent « à proximité ». Ce sera bientôt toute la France !
Assouplir encore plus une proposition déjà très laxiste d’extension des dérogations au travail dominical, comme semble le vouloir la commission, n’est pas acceptable.
La proposition du Gouvernement est déjà mal cadrée dans le temps – nous y reviendrons – et dans l’espace. Il faudrait en plus que le préfet puisse accorder des autorisations collectives et non individuelles ! Où tout cela va-t-il s’arrêter ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. L’amendement n° 96 rectifié tend à confier au maire, plutôt qu’au préfet, la compétence d’autoriser les dérogations au repos dominical pour les commerces pendant les Jeux.
Nous y sommes défavorables, puisque plusieurs communes étant susceptibles d’être concernées pour un ensemble d’établissements qui répondent aux besoins d’un même public, il apparaît plus pertinent de maintenir la compétence du préfet pour délivrer les autorisations.
Je rappelle que la dérogation proposée ne se substituera pas aux dérogations existantes, dont les dimanches dits « du maire ».
Je précise aussi que j’ai sollicité l’Association des maires de France (AMF) pour connaître son avis sur la dérogation proposée. Elle n’a pas manifesté son souhait de confier cette compétence au maire.
En ce qui concerne l’amendement n° 79 de Mme Poncet Monge, la commission a cherché à simplifier la procédure d’autorisation préfectorale afin que le préfet puisse d’emblée autoriser un ou plusieurs établissements à déroger au repos dominical, au lieu de procéder par autorisation individuelle. Nous avons ainsi voulu répondre aux difficultés que les petits commerçants rencontrent dans ce type de démarche.
Cette simplification me semble bienvenue : de nombreuses demandes seront à traiter, les besoins du public sont déjà largement prévisibles et la dérogation est bien encadrée. Il n’est pas souhaitable de revenir sur cette simplification.
La commission est donc également défavorable à l’amendement n° 79.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 96 rectifié pour les mêmes raisons que celles avancées par Mme la rapporteure pour avis.
En ce qui concerne l’amendement n° 79 de Mme Poncet Monge, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Nous comprenons la démarche de simplification adoptée par la commission. Toutefois, nous estimons que la mise en œuvre d’un mécanisme en deux temps – une décision individuelle pouvant ensuite être étendue – se justifie également.
Nous sommes à l’aise avec ces deux dispositifs. Néanmoins, le mécanisme en deux temps permet aussi au préfet, par la consultation des autorités locales, de s’assurer de l’existence des besoins.
Mme la présidente. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.
M. Mickaël Vallet. Je veux d’abord regretter que l’amendement communiste de suppression de cet article n’ait pas été adopté.
Nous savons tous, en particulier en tant qu’élus ou anciens élus municipaux ou intercommunaux, que ce soit en zone touristique ou non, que les débats sur l’ouverture des commerces le dimanche sont souvent très clivants.
La conviction d’un certain nombre d’entre nous est que nos sociétés ont besoin d’un temps collectif de mise à distance des actes de consommation, qui peut être le dimanche. Nous devons veiller à permettre aux familles et aux amis de se retrouver à un moment donné.
On nous parle beaucoup de l’avis des commerçants, la rapporteure pour avis évoque celui de l’AMF, mais on nous parle peu de celui des travailleurs. Or l’ensemble des enquêtes d’opinion réalisées lorsque ce sujet faisait l’actualité, parfois de manière houleuse, comme en 2008, a montré que peu de gens croyaient au caractère volontaire du travail du dimanche. En outre, moins d’un quart des travailleurs interrogés se disaient intéressés par le fait de travailler le dimanche.
Je voterai l’ensemble des amendements tendant à restreindre d’une manière ou d’une autre la proposition initiale de dérogation, car je suis convaincu que les touristes et équipes sportives qui assisteront ou participeront aux jeux Olympiques viendront aussi pour comprendre la façon dont nous vivons en France.
Or le mode de vie français, c’est prendre le temps ! Et je ne vois pas l’urgence ou l’impérieuse nécessité d’ouvrir les commerces de détail le dimanche pendant les jeux Olympiques. Les joueurs de l’équipe de badminton de je ne sais quel pays n’auront aucunement besoin que les commerces soient ouverts le dimanche ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche applaudit également.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 80, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dossus, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
pour une période comprise entre le 1er juin 2024 et le 30 septembre 2024
par les mots :
pour les périodes comprises entre le 25 juillet 2024 et le 12 août 2024, puis entre le 27 août 2024 et le 9 septembre 2024
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il nous a été dit que la nouvelle dérogation au principe du repos dominical inscrit dans le code du travail était encadrée dans le temps.
Nous le savons, les deux compétitions dont nous parlons ne dureront au total que l’équivalent de quatre semaines, dont trois week-ends.
Pourtant, dans cette fuite en avant vers toujours plus de consommation et sous prétexte des jeux Olympiques, on nous propose de déroger pendant quatre mois au repos dominical, du 1er juin au 30 septembre, soit un tiers de l’année !
Cette période correspond aussi – cela n’aura échappé à personne – à l’été. La mesure dont nous débattons aura donc nécessairement un très fort impact sur les congés annuels de ceux qui travaillent dans les commerces concernés, même si les plannings sont organisés par roulement.
Chacun sait bien que le volontariat souvent mis en avant est à relativiser dans ce genre de circonstances ; ce sera pire sur une telle période, puisqu’un employeur peut refuser la demande de congés annuels posée par ses salariés – c’est l’une de ses prérogatives !
Ouvrir la possibilité de déroger au repos dominical sur dix-sept week-ends, alors même que les compétitions n’en couvrent que trois, soit un rapport de un à cinq, n’est pas sérieux.
Nous proposons de revenir à plus de sagesse et de ne pas déréguler complètement le code du travail.
Mme la présidente. L’amendement n° 92 rectifié, présenté par Mmes Féret et de La Gontrie, MM. Durain, Assouline et Lozach, Mmes S. Robert et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
1er juin 2024 et le 30 septembre
par les mots :
26 juillet 2024 et le 10 septembre
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à limiter la durée des dérogations possibles au travail le dimanche à la seule durée des jeux Olympiques et Paralympiques.
Cette nouvelle dérogation s’ajoute à celles qui existent déjà au titre des zones touristiques internationales, pour Paris au moins, des zones touristiques et des dimanches dits des maires. Du fait de ce dernier dispositif dérogatoire, la période des soldes d’été 2024, donc le mois de juillet, est déjà ouverte au travail le dimanche.
En outre, si l’on retient la durée initialement prévue dans le projet de loi, ce sont potentiellement trente dimanches sur cinquante-deux qui pourront donner lieu en 2024 à dérogation !
C’est pourquoi nous entendons circonscrire ce dispositif. L’objectif premier est en effet de répondre à l’afflux touristique le temps des Jeux, en excluant la période des soldes, qui est déjà couverte par une autre dérogation, mais en allant tout de même jusqu’au week-end suivant la fin des Jeux pour tenir compte des séjours touristiques à la semaine.
Mme la présidente. L’amendement n° 81, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dossus, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le nombre :
30
par le nombre :
20
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Avec cet amendement de repli, nous demandons – c’est vraiment fort peu ! – que la période concernée par la nouvelle dérogation s’arrête le 20 septembre. Il n’y a aucune raison de la prolonger excessivement au-delà de la fin des épreuves.
Les touristes ne viendront pas en France sur une période de quatre mois du fait des jeux Olympiques et Paralympiques. Il est temps de revenir à quelque chose de plus raisonnable et de limiter vraiment ces dérogations dans le temps et dans l’espace.
Enfin, nous devons prendre conscience que la planète fait face à des limites – elle nous le rappelle régulièrement ! –, qui sont régulièrement dépassées, et que consommer toujours plus n’est pas compatible avec celles-ci. C’est évidemment un sujet très important pour les écologistes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. Je veux d’abord rappeler que la période prévue, du 1er juin au 30 septembre, est une durée maximale.
Ensuite, la dérogation sera mise en œuvre sous réserve du volontariat du salarié. De même, les commerces ne seront évidemment pas obligés d’ouvrir. Nous offrons une possibilité sur une certaine période.
De nombreux visiteurs, touristes et travailleurs sont attendus avant, pendant et après les Jeux. Pour ces touristes français et étrangers qui vont venir visiter le pays et pour les travailleurs mobilisés en amont et en aval pour l’organisation des Jeux, il me paraît raisonnable de maintenir cette possibilité.
L’avis est donc défavorable sur les amendements nos 80, 92 rectifié et 81.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Madame la rapporteure pour avis, encore heureux que les commerces ne seront pas obligés d’ouvrir le dimanche et les salariés de travailler ! Dans quel monde vivrions-nous si nous en arrivions là !
Par ailleurs, on ne peut prôner la sobriété, comme nous le faisons régulièrement sur l’ensemble de nos travées, et expliquer qu’il faut garder les magasins ouverts tous les jours.
Je crois qu’on peut raisonnablement discuter de la nécessité d’ouvrir les commerces le dimanche durant les Jeux – après tout, pourquoi pas ? –, mais le Gouvernement et la commission proposent de les ouvrir cinq fois plus longtemps ! Il faudrait vraiment que vous nous expliquiez pourquoi vous avez fait ce choix.
La seule motivation qui me vient à l’esprit, c’est que vous voulez pousser à la consommation, ce qui va complètement à l’encontre des positions que nous prenons ici collectivement, lorsque nous examinons nombre de projets ou de propositions de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Je veux également revenir sur les arguments avancés par Mme la rapporteure pour avis : heureusement que la loi n’oblige pas à travailler chaque dimanche pendant ces quatre mois de l’été 2024 sous prétexte d’un événement sportif, fût-il mondial !
La France a un code du travail, il faut en respecter les règles et notamment recueillir l’accord des salariés.
Une dérogation de quatre mois est excessive par rapport à la durée des Jeux. Voilà pourquoi nous souhaitons fixer une période plus courte, en lien avec la longueur effective des compétitions.
Enfin, je rappelle qu’il existe déjà plusieurs dérogations s’appuyant sur différents critères. Les commerces peuvent tout à fait ouvrir le dimanche dans ce cadre.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je vous le dis avec beaucoup de bienveillance : nous sommes ensemble pour deux jours, nous sommes tous partisans des jeux Olympiques, mais vous devez nous aider à clarifier la position du Gouvernement.
Vous ne pouvez pas vous contenter de dire « même avis que la commission » ; vous devez nous donner des arguments ! Ce que nous examinons, c’est d’abord le projet du Gouvernement et nous avons besoin de dialoguer avec vous. Vous devez nous dire où vous en êtes exactement dans la préparation des jeux Olympiques.
Le Sénat n’est pas une chambre d’enregistrement : il débat, en s’appuyant sur des arguments.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 71, présenté par MM. Benarroche, Dossus, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
après avis
insérer le mot :
favorable
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Nous avons pris acte du fait que, au nom des valeurs sportives et olympiques, les magasins devaient rester ouverts les dimanches pendant quatre mois sur un périmètre étendu.
Pour autant, nous devons éviter que les grosses multinationales, c’est-à-dire l’étendard de la société de consommation, ne profitent de cette situation. Ne nous leurrons pas : ce sont bien elles et leurs multiples établissements, et pas les petits commerçants, qui en tireront le plus de profits.
L’ouverture des commerces le dimanche ne peut que jouer en faveur des multinationales qui ne pensent qu’à encaisser un maximum de chiffre d’affaires durant la période des Jeux et à réaliser d’importants bénéfices – c’est leur logique et cela peut se concevoir de leur point de vue.
Nous devons éviter ces abus de consommation et protéger les intérêts des salariés et des petits commerçants qui, eux, ne pourront ouvrir tout le temps.
Dans cet esprit, cet amendement a pour objet d’encadrer les autorisations de dérogation au repos dominical, en les conditionnant à un avis favorable, et pas seulement à un avis simple, comme il est prévu à ce stade dans le texte, de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont la commune concernée est membre, de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre de métiers et de l’artisanat et des organisations professionnelles patronales et syndicales intéressées.
Nous pensons qu’il est normal que toutes les parties directement concernées par une telle mesure donnent explicitement leur accord à son application.
Mme la présidente. L’amendement n° 95 rectifié, présenté par Mmes de La Gontrie, Féret et S. Robert, MM. Durain, Lozach, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Assouline, Antiste, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Supprimer les mots :
du conseil municipal,
2° Après le mot :
intéressées
insérer les mots :
et après avis conforme du conseil municipal
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’ai entendu la rapporteure pour avis faire l’éloge des élus locaux. Je l’encourage par conséquent à soutenir cet amendement qui vise à transformer l’avis simple du conseil municipal en un avis conforme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. L’amendement n° 71 tend à imposer un avis favorable de la commune, de l’EPCI, des chambres consulaires ainsi que des organisations patronales et syndicales pour que le préfet puisse autoriser un commerce à déroger au repos dominical.
Dans la même logique, l’amendement n° 95 rectifié vise à imposer un avis conforme du conseil municipal et de lui seul.
Demander des avis conformes avant la décision du préfet risque de bloquer toute procédure d’autorisation. Les sites de compétition étant implantés sur plusieurs communes, il est pertinent de donner compétence au préfet. Celui-ci tiendra compte des besoins du public sur le territoire, en consultant les maires.
Ce dispositif nous semble suffisamment encadré, tout en restant opérationnel : la commission est défavorable à ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
Le préfet appréciera naturellement les situations locales et prendra en compte la volonté des élus, les besoins du public et l’afflux prévisible de touristes et de travailleurs.
La formulation utilisée dans cet article en ce qui concerne les consultations opérées par le préfet est la même que celle du code du travail à propos des dérogations au repos dominical. Elle permet selon nous de concilier besoin de souplesse et nécessité de la concertation. Exiger un avis favorable serait au contraire de nature à entraver ou à pénaliser ces concertations.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Madame la ministre, le préfet n’est pas le représentant des élus, il est celui du ministre de l’intérieur.
Il est évidemment positif que les élus discutent avec le préfet et donnent leur avis, mais c’est encore mieux s’ils peuvent décider eux-mêmes pour leur commune.
Or, dans votre schéma, le préfet va peut-être écouter les avis des élus, mais il décidera de toute façon en fonction des instructions du ministre de l’intérieur !
Mme la présidente. L’amendement n° 94 rectifié, présenté par Mmes Féret et de La Gontrie, MM. Durain, Assouline et Lozach, Mmes S. Robert et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle intervient au moins deux mois avant le premier dimanche concerné.
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Afin que les travailleurs mobilisés le dimanche pour la période des jeux puissent s’organiser et concilier vie professionnelle et vie familiale, il convient, comme pour les dates modificatives des dimanches dits du maire, que l’autorisation intervienne au moins deux mois avant le premier dimanche susceptible d’être travaillé.
Cela est d’autant plus important que cette nouvelle dérogation au repos dominical interviendra durant la période des congés d’été.
Madame la présidente, je vous propose de présenter également l’amendement n° 93 rectifié.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 93 rectifié, présenté par Mmes Féret et de La Gontrie, MM. Durain, Assouline et Lozach, Mmes S. Robert et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
peuvent, le cas échéant, être suspendus
par les mots :
ont un effet suspensif immédiat
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Corinne Féret. La procédure de suspension de la dérogation au travail du dimanche sur l’initiative des salariés et de leurs représentants doit être d’effet immédiat pour pouvoir tout simplement s’appliquer dans la période concernée.
Certaines professions se sont organisées par le dialogue social et sur un territoire donné pour choisir un jour de repos hebdomadaire commun. La dérogation au repos dominical liée aux Jeux n’a pas vocation à surseoir à ces organisations particulières définies au sein d’une profession par accord syndical. Ces dernières doivent l’emporter sur le nouveau dispositif dérogatoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. Fixer dans la loi un délai minimal de deux mois entre l’autorisation préfectorale et l’application de la dérogation au repos dominical ne me semble pas nécessaire.
Il est préférable que le Gouvernement précise par instruction, en lien avec les services des préfectures, les délais d’examen des demandes et la manière de les anticiper au mieux pour les employeurs et les salariés.
Il pourra aussi être utile que le préfet puisse adapter les autorisations de dérogation en cas d’évolution des besoins du public, si la situation le nécessite. Il n’est pas souhaitable que la loi fixe tous les détails de la procédure.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 94 rectifié.
Par ailleurs, si nous prévoyons, comme le souhaitent les auteurs de l’amendement n° 93 rectifié, de faire primer les arrêtés préfectoraux de fermeture hebdomadaire sur les dérogations au repos dominical possibles pendant les jeux Olympiques, nous risquons alors de rendre le dispositif inopérant.
Le préfet doit pouvoir suspendre à titre temporaire les arrêtés de fermeture hebdomadaire applicables dans certaines professions s’ils rendent impossible l’ouverture dominicale des commerces concernés. C’est ce que permet cette disposition de l’article 17, pour une meilleure articulation du dispositif, qu’il nous semble essentiel de maintenir.
La commission est donc également défavorable à l’amendement n° 93 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Si l’autorisation est accordée trop tôt, le processus envisagé ne permettra pas d’apprécier au mieux les besoins locaux, avec l’avis de toutes les parties prenantes. Nous ne voulons pas contraindre à l’excès ce travail d’instruction et de concertation mené par les préfets.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 94 rectifié.
S’agissant de l’amendement n° 93 rectifié, je rappelle que le but de la disposition qu’il tend à modifier est de permettre des dérogations ponctuelles au repos dominical de manière très encadrée, en respectant le principe du volontariat.
Le préfet doit être en mesure de suspendre les arrêtés de fermeture qu’il peut prononcer par ailleurs en application du code du travail, au cas par cas, selon les secteurs géographiques concernés, et avec toute la marge d’appréciation nécessaire pour tenir compte de la volonté exprimée par les organisations d’employeurs et de salariés.
Le Gouvernement est donc également défavorable à l’amendement n° 93 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Peu de personnes le savent, mais la devise olympique, citius, altius, fortius, est née à Arcueil, ville dont j’ai été le maire pendant une vingtaine d’années. (Exclamations amusées.) C’est le père Didon, un grand ami de Coubertin, qui en avait fait la devise du collège Albert-le-Grand, lequel proposait une éducation tout à fait moderne à l’époque.
Je regrette que, à la faveur de ce texte, nous inventions la devise durius aliquantum, un peu plus dur – et plus longtemps – pour les salariés… Cela n’était sans doute pas dans l’esprit du père Didon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur plusieurs travées du groupe SER.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 17.
(L’article 17 est adopté.)
Mesures visant à renforcer la lutte contre le dopage
Article 4 (priorité)
I A (nouveau). – A. – Après l’article L. 232-12-1 du code du sport, il est inséré un article L. 232-12-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 232-12-2. – Le laboratoire auquel il a été fait appel en application de l’article L. 232-18 peut procéder, dans l’hypothèse où les autres techniques disponibles ne permettent pas la détection des méthodes interdites visées et conformément aux normes internationales en matière de lutte contre le dopage, à la comparaison d’empreintes génétiques aux seules fins de mettre en évidence une administration de sang autologue, homologue ou hétérologue, ou une substitution d’échantillons prélevés.
« Préalablement au prélèvement, la personne contrôlée est expressément informée de la possibilité que les échantillons prélevés fassent l’objet d’une comparaison d’empreintes génétiques pour les finalités prévues au premier alinéa du présent article.
« Les analyses sont réalisées à partir de segments d’acide désoxyribonucléique non codants dans des conditions et selon les modalités précisées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
B. – Au dernier alinéa de l’article L. 232-16 du code du sport, après la référence : « L. 232-12 », est insérée la référence : « L. 232-12-2 ».
C. – Après le 4° de l’article 16-11 du code civil, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° À des fins de lutte contre le dopage, dans les conditions prévues à l’article L. 232-12-2 du code du sport. »
I. – A. – À titre expérimental et jusqu’au 30 juin 2025, le laboratoire accrédité par l’Agence mondiale antidopage en France peut procéder, par dérogation à l’article 16-10 du code civil, et aux seules fins de mettre en évidence la présence et l’usage d’une substance ou d’une méthode interdite en vertu de l’article L. 232-9 du code du sport, à partir de prélèvements sanguins ou urinaires qui lui sont transmis et dans l’hypothèse où les autres techniques disponibles ne permettent pas leur détection, à l’examen de caractéristiques génétiques pour la recherche des cas suivants :
1° et 2° (Supprimés)
3° Une mutation génétique dans un gène impliqué dans la performance induisant une production endogène d’une substance interdite en vertu du même article L. 232-9 ;
4° Une manipulation génétique pouvant modifier les caractéristiques somatiques aux fins d’augmentation de la performance.
Les analyses sont effectuées sur des échantillons pseudonymisés et portent sur les seules parties du génome pertinentes au regard de la recherche des cas mentionnés aux 3° et 4° du présent A. Elles ne peuvent conduire à donner d’autres informations que celles recherchées, ni permettre d’avoir une connaissance de l’ensemble des caractéristiques génétiques de la personne. Les données analysées ne peuvent servir à l’identification ou au profilage des sportifs ni à la sélection de sportifs à partir d’une caractéristique génétique donnée.
B. – Préalablement au prélèvement, la personne contrôlée est expressément informée de la possibilité que les échantillons prélevés fassent l’objet d’un examen de caractéristiques génétiques pour les finalités prévues au A du présent I.
C. – En cas de découverte incidente de caractéristiques génétiques pouvant être responsables d’une affection justifiant des mesures de prévention ou de soins pour lui-même ou au bénéfice de membres de sa famille potentiellement concernés, et sauf s’il s’y est préalablement opposé, le sportif est informé de l’existence d’une telle découverte et invité à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique pour une prise en charge réalisée dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique.
D. – Les analyses prévues au A du présent I sont réalisées dans des conditions et selon les modalités précisées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Le traitement des données issues de ces analyses est strictement limité aux données nécessaires à la poursuite des finalités prévues au même A.
Les données génétiques analysées sont détruites sans délai lorsqu’elles ne révèlent la présence d’aucune substance ou l’utilisation d’aucune méthode interdite ou au terme des poursuites disciplinaires ou pénales engagées, lorsqu’elles révèlent la présence d’une substance ou l’utilisation d’une méthode interdite.
E (nouveau). – Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé et la Commission nationale de l’informatique et des libertés sont informés tous les trois mois des conditions de mise en œuvre de l’expérimentation.
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, un rapport d’évaluation. Ce rapport d’évaluation est également transmis au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé et à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
II à V. – (Supprimés)
Mme la présidente. L’amendement n° 100, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code du sport est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 232-12-1, il est inséré un article L. 232-12-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 232-12-2. – I. – Aux seules fins de mettre en évidence la présence et l’usage d’une substance ou d’une méthode interdite en vertu de l’article L. 232-9, le laboratoire accrédité par l’Agence mondiale antidopage en France peut procéder, à partir de prélèvements sanguins ou urinaires qui lui sont transmis et dans l’hypothèse où les autres techniques disponibles ne permettent pas leur détection, à la comparaison d’empreintes génétiques et à l’examen de caractéristiques génétiques pour la recherche des cas suivants :
« 1° Une administration de sang homologue ;
« 2° Une substitution d’échantillons prélevés ;
« 3° Une mutation génétique dans un gène impliqué dans la performance induisant une production endogène d’une substance interdite en vertu du même article L. 232-9 ;
« 4° Une manipulation génétique pouvant modifier les caractéristiques somatiques aux fins d’augmentation de la performance.
« II. – La personne contrôlée est expressément informée, préalablement au prélèvement :
« 1° De la possibilité que les échantillons prélevés fassent l’objet des analyses prévues au I du présent article en précisant la nature de celles-ci et leurs finalités ;
« 2° De l’éventualité d’une découverte incidente de caractéristiques génétiques pouvant être responsables d’une affection justifiant des mesures de prévention ou de soins pour elle-même ou au bénéfice de membres de sa famille potentiellement concernés et de ses conséquences, selon les modalités mentionnées aux 3° et 4° du I de l’article 16-10 du code civil.
« III. – Les analyses prévues au I du présent article sont effectuées sur des échantillons pseudonymisés et portent sur les seules parties du génome pertinentes. Les données analysées ne peuvent servir à l’identification ou au profilage des sportifs ni à la sélection de sportifs à partir d’une caractéristique génétique donnée.
« Les analyses réalisées pour les finalités mentionnées aux 1° et 2° du même I sont réalisées à partir de segments d’acide désoxyribonucléique non codants.
« Les analyses réalisées pour les finalités mentionnées 3° et 4° dudit I ne peuvent conduire à donner d’autres informations que celles recherchées ni permettre d’avoir une connaissance de l’ensemble des caractéristiques génétiques de la personne.
« Les données génétiques analysées sont détruites sans délai lorsqu’elles ne révèlent la présence d’aucune substance ou l’utilisation d’aucune méthode interdite ou au terme des poursuites disciplinaires ou pénales engagées, lorsqu’elles révèlent la présence d’une substance ou l’utilisation d’une méthode interdite.
« IV. – Les analyses sont réalisées dans des conditions et selon les modalités précisées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Le traitement des données issues de ces analyses est strictement limité aux données nécessaires à la poursuite des finalités prévues au même I.
« V. – En cas de découverte incidente de caractéristiques génétiques pouvant être responsables d’une affection justifiant des mesures de prévention ou de soins pour elle-même ou au bénéfice de membres de sa famille potentiellement concernés, et sauf si elle s’y est préalablement opposée, la personne contrôlée est informée de l’existence d’une telle découverte et invitée à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique pour une prise en charge réalisée dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique. » ;
2° Au dernier alinéa de l’article L. 232-16, après la référence : « L. 232-12 », est insérée la référence : « L. 232-12-2 ».
II. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Après le III de l’article 16-10, il est inséré un III … ainsi rédigé :
« III … – Par dérogation au I, l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne peut également être entrepris à des fins de lutte contre le dopage, dans les conditions prévues à l’article L. 232-12-2 du code du sport. » ;
2° Après le 4° de l’article 16-11, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° À des fins de lutte contre le dopage, dans les conditions prévues à l’article L. 232-12-2 du code du sport. »
III. – À l’article 226-25 du code pénal, après la première occurrence du mot : « scientifique, », sont insérés les mots : « ou de lutte contre le dopage, » et après le mot : « civil, », sont insérés les mots : « ou, à des fins de lutte contre le dopage, en dehors des conditions prévues à l’article L. 232-12-2 du code du sport, ».
IV. – Au plus tard le 31 décembre 2024, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre des dispositions du présent article. Ce rapport d’évaluation est également transmis au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé et à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement vise à réécrire pour la seconde fois l’article 4, relatif à la lutte contre le dopage et à l’introduction des tests génétiques.
En commission des lois, nous avions souhaité pérenniser la possibilité de réaliser une partie de ces tests pour mettre le droit français en conformité avec le code mondial antidopage, notamment sur les deux premières finalités : la lutte contre les substitutions d’échantillons et l’administration de sang homologue dans les échantillons prélevés sur les athlètes. Enfin, nous en resterions au stade de l’expérimentation pour les deux dernières finalités.
À l’issue de nos travaux, nous avons poursuivi nos discussions avec l’AFLD, le Gouvernement et l’instance de contrôle internationale (ITA), et nous nous sommes rendu compte que cette solution n’était pas très opérante. Aussi, avec cet amendement n° 100, nous vous proposons de réécrire cet article pour pérenniser l’autorisation de l’ensemble des tests génétiques dans le cadre de la lutte antidopage.
Il s’agit de doter la France des mêmes outils que les autres pays et de faire en sorte que nos sportifs soient soumis sur le territoire français aux mêmes règles que les autres, dans un souci d’équité et de préservation de leur santé.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 104, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 100
I. - Alinéa 4
Après les mots :
d’empreintes génétiques et
insérer les mots :
, à titre expérimental jusqu’au 30 septembre 2024,
II. - Dernier alinéa, première phrase
Remplacer les mots :
Au plus tard le 31 décembre
par les mots :
Après le 30 septembre
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Avec cet amendement, la commission des lois change un peu de pied au dernier moment, si vous me permettez l’expression. La succession des différentes rédactions, que vient d’expliquer Mme le rapporteur, illustre bien les ambiguïtés du texte.
Le projet de loi avait initialement prévu une expérimentation générale en matière de tests génétiques. La commission des lois avait opéré un premier distinguo entre les tests visant à réaliser une comparaison d’empreintes génétiques, qu’elle pérennise, et ceux qui permettent d’analyser une ou plusieurs caractéristiques génétiques. Il s’agissait déjà d’une première entaille au principe de l’expérimentation posé initialement.
S’agissant des échantillons prélevés en vue de l’examen des caractéristiques génétiques, la commission des lois avait tout de même retenu la voie prudente de l’expérimentation, tout en introduisant deux modifications importantes, qui étendaient considérablement le périmètre et la durée d’application de l’article 4.
La rédaction de l’amendement n° 100 nous pose problème en ce qu’elle tend à institutionnaliser des dispositifs présentés à l’origine comme temporaires. Cela revient à les banaliser et à les inscrire dans le droit commun, en prévoyant seulement une clause de revoyure. Ce n’est pas acceptable : une telle possibilité doit être strictement encadrée dans ses finalités.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de maintenir le caractère expérimental des tests, de limiter cette expérimentation à la période olympique et paralympique et d’attendre la fin de l’expérimentation et le rapport d’évaluation pour en tirer les conclusions qui s’imposent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’avis est défavorable, puisque ce sous-amendement revient sur la dernière position de la commission.
Certes, madame Harribey, il y a pérennisation, mais les tests sont soumis à de nombreuses garanties : ils sont anonymes et il ne peut y avoir d’identification, les échantillons sont détruits automatiquement en l’absence de suspicion et le sportif est informé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 100 de Mme le rapporteur, dans la mesure où cette évolution du texte nous permettra de nous mettre durablement en conformité avec les exigences du droit international en la matière. De plus, l’adoption de cet amendement nous éviterait de scinder en deux régimes différents les quatre cas d’usage limitativement énumérés.
Par cohérence, nous sommes défavorables au sous-amendement n° 104. Cependant, j’y insiste, un rapport d’évaluation sur l’ensemble de cet article sera rendu le 31 décembre 2024.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 104.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé, et l’amendement n° 20 n’a plus d’objet.
Après l’article 4 (priorité)
Mme la présidente. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par M. Lozach, Mme S. Robert, M. Durain, Mme Féret, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Bourgi, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À l’article L. 232-20 du code du sport, après le mot : « douanes, », sont insérés les mots : « les agents du service mentionné à l’article L. 561-23 du code monétaire et financier, ».
II. – Après le 4° de l’article L. 561-31 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° À l’Agence française de lutte contre le dopage ; ».
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Dans le cadre de la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris de 2024, l’Agence française de lutte contre le dopage mène, en lien avec d’autres administrations, une politique active de collecte de renseignements et de transmission des informations reçues en vue d’orienter les investigations antidopage.
En amont, puis lors des Jeux, en sa qualité d’organisation nationale antidopage, l’AFLD est habilitée à mettre en œuvre ces prérogatives pour établir et sanctionner les violations non analytiques des règles antidopage.
Dans cette perspective, l’ordonnance n° 2011-488 du 21 avril 2021 a clarifié le cadre légal de l’échange d’informations qu’il a autorisé entre les services de l’AFLD et différents services relevant du ministère de l’économie et des finances.
L’expérience a cependant démontré qu’il manque à cette liste la cellule de renseignement financier nationale, dite Tracfin, avec laquelle l’AFLD a pourtant engagé une coopération fructueuse. Si un article du code monétaire et financier permet à l’AFLD de communiquer des informations à Tracfin, la réciproque n’a pas été prévue, ce qui nuit à l’efficacité des enquêtes antidopage en cours et à venir dans la perspective de 2024.
C’est pourquoi cet amendement vise à autoriser les échanges d’informations, pour leurs missions respectives, entre l’AFLD et Tracfin. Nous avions rencontré une situation quelque peu analogue avec la plateforme de lutte contre la manipulation des compétitions sportives. Après sa mise en place, nous nous étions aperçus qu’il n’y avait pas d’échange d’informations possible en raison du statut des agents concernés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement dont l’adoption permettra de combler un vide dans l’organisation et d’améliorer considérablement la lutte contre le dopage.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement dans la mesure où ce meilleur partage d’informations renforcera l’efficacité de la lutte contre le dopage.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
Article 5 (priorité)
I. – Sont homologuées, en application de l’article 21 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les peines d’emprisonnement prévues en Polynésie française par les articles LP. 21 et LP. 22 de la loi du pays n° 2015-12 du 26 novembre 2015 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage et par l’article LP. 8 de la loi du pays n° 2015-13 du 26 novembre 2015 relative à la recherche et la constatation des infractions en matière de dopage.
II (nouveau). – Après l’article L. 424-1 du code du sport, il est inséré un article L. 424-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 424-2. – I. – Les articles L. 232-18-7, L. 232-18-9 à L. 232-20 et L. 232-20-2 sont applicables en Polynésie française dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.
« II. – Pour l’application du I :
« 1° Les références au tribunal judiciaire à l’article L. 232-18-7 sont remplacées par la référence au tribunal de première instance ;
« 2° L’article L. 232-20 est ainsi rédigé :
« “Art. L. 232-20. – Par dérogation à leurs obligations de secret professionnel, les agents de l’Agence française de lutte contre le dopage et les autorités judiciaires et administratives de l’État et de la Polynésie française chargées de la lutte contre le dopage peuvent se communiquer réciproquement tous renseignements, y compris nominatifs, obtenus dans l’accomplissement de leur mission respective et relatifs à des faits susceptibles de constituer des violations et infractions pénales en matière de lutte contre le dopage.” »
Mme la présidente. L’amendement n° 101, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement a été rédigé directement avec les autorités de la Polynésie française, notamment son ministère des sports.
L’alinéa premier de l’article 5 entend homologuer les peines de prison prévues par les lois du pays nos 2015-12 et 2015-13 de la Polynésie française. De nos échanges, il est ressorti que ces peines, qui ne sont pas conformes au code mondial antidopage, ne sont plus appliquées. Elles seront d’ailleurs bientôt remplacées par le nouveau code des sports polynésien.
Même si l’homologation est juridiquement nécessaire pour les peines de prison prévues par les lois du pays, il serait mal compris par les autorités polynésiennes que, près de huit ans après le vote de lois du pays, on adopte une mesure qui serait sans portée pour l’avenir. Faisons confiance à la Polynésie française en votant cette suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Nous avons aussi envie de faire confiance à la Polynésie française, mais nous sommes très attentifs au bon respect de la répartition des compétences prévue par l’article 74 de la Constitution.
L’homologation par la loi nationale doit ainsi intervenir pour que soient appliquées en Polynésie française un certain nombre de sanctions pénales qui seront indispensables dans la perspective des Jeux.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Nous revenons au cours normal de la discussion du texte de la commission.
Article 3
I. – L’article L. 726-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° À la fin, les mots : « et les services publics auxquels appartiennent les acteurs de la sécurité civile mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 721-2 ou par des associations de sécurité civile agréées au titre de l’article L. 725-1 » sont remplacés par les mots : « , les services publics auxquels appartiennent les acteurs de la sécurité civile mentionnés à l’article L. 721-2 et les associations ayant la formation aux premiers secours dans leur objet » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article. Il précise notamment les modalités d’habilitation des différents organismes. »
II (nouveau). – Au troisième alinéa de l’article L. 312-13-1 du code de l’éducation, les mots : « ou des associations agréées » sont supprimés. – (Adopté.)
Chapitre II
Mesures visant à renforcer la lutte contre le dopage
Article 4 (précédemment examiné)
Mme la présidente. Je rappelle que l’article 4 a été précédemment examiné.
Après l’article 4 (précédemment examiné)
Mme la présidente. Je rappelle que l’amendement portant article additionnel après l’article 4 a été précédemment examiné.
Article 5 (précédemment examiné)
Mme la présidente. Je rappelle que l’article 5 a été précédemment examiné.
Chapitre III
Dispositions visant à mieux garantir la sécurité
Avant l’article 6
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié ter, présenté par Mme S. Robert, MM. Lozach et Durain, Mme Féret, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Bourgi, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À titre temporaire, à partir de la date de publication de la présente loi et jusqu’à la date de clôture des jeux Paralympiques, il est institué un comité de suivi national chargé de veiller à la conciliation de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024 avec la préservation des manifestations culturelles, sportives et récréatives. Il garantit la transparence et la cohérence des décisions mises en œuvre et s’assure de leur application dans les territoires.
Ce comité comprend un représentant du ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, un représentant du ministère de la culture et de la communication, un représentant du ministère de l’intérieur et des outre-mer, deux représentants des collectivités territoriales, et cinq représentants des associations et organisations intervenant dans le domaine du spectacle vivant, musical et de variétés.
Les membres du comité de suivi ne perçoivent ni salaire ni indemnité.
Les membres de ce comité ne sont pas rémunérés et aucuns frais liés à son fonctionnement ne peuvent être pris en charge par une personne publique.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement vise à instituer un comité de suivi national veillant à la conciliation entre l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques et la préservation des manifestations culturelles, sportives et récréatives.
L’intervention du ministre de l’intérieur, au mois de décembre dernier, indiquant qu’il serait difficile, voire improbable que se tiennent des festivals pendant la période olympique, a été un coup de tonnerre pour l’ensemble des acteurs culturels.
Si la circulaire relative aux événements estivaux pendant les Jeux de 2024 a apporté quelques clarifications salutaires, un certain nombre de zones d’ombre et de risques demeurent. On craint notamment l’annulation pure et simple de festivals à cause de l’encombrement provoqué par des reports massifs, comme vous l’avez sans doute tous remarqué dans vos territoires.
Ce comité de suivi national, réclamé par l’ensemble des associations et organisations ainsi que par les collectivités territoriales aurait pour vertu de porter un regard objectif sur ce qui se passe, comme un observatoire, de statuer sur la difficulté de tenir ou non certains événements et surtout d’essayer de trouver des solutions. Nous ne souhaitons pas laisser tout cela à la discrétion des préfets.
Madame la ministre, nous avons tous à cœur de faire en sorte que la période des Jeux soit une véritable fête aussi bien sportive que culturelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous comprenons l’enjeu qui sous-tend cet amendement, qui a le mérite de mettre la lumière sur la nécessaire sécurisation des nombreux événements sportifs, culturels et festifs qui auront lieu au moment des jeux Olympiques.
Les capacités de maintenir ces manifestations seront un peu entamées. Il importe donc d’entendre le Gouvernement sur les moyens humains qu’il souhaite mettre en œuvre pour assurer la sécurisation des autres événements durant la période olympique.
Pour autant, la création d’un tel comité relève du pouvoir exécutif et n’a pas sa place dans la loi : avis défavorable.
Mme Sylvie Robert. Sagesse ?… (M. Daniel Breuiller renchérit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Nous partageons cet objectif de concilier les exigences de cet événement hors norme que sont les jeux Olympiques, qui suppose un concours des forces de l’ordre tout aussi exceptionnel, et la nécessité de préserver la vie culturelle et festive de nos territoires.
Guidés par cet objectif, nous avons rédigé, avec le ministère de l’intérieur, cette circulaire du 13 décembre dernier portant sur l’organisation des manifestations durant l’été 2024 à l’intention des préfets.
D’ores et déjà, un certain nombre de dates ont été ajustées dans le domaine culturel : festival d’Avignon, festival des Vieilles Charrues, festival Interceltique… C’est également le cas dans le domaine sportif : Ligue 1 et Ligue 2 de football, Tour de France masculin et féminin, Top 14 en rugby… Nous sommes maintenant dans la dernière ligne droite de ces ajustements, sous la houlette des préfets, qui sont encouragés par la circulaire à concilier cette mobilisation exceptionnelle des forces de l’ordre avec le maintien de nos manifestations.
Le cadre est fixé et nous faisons confiance aux préfets pour parachever ce dispositif, qui est bien avancé.
Dans la mesure où cet amendement lui semble satisfait, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Je ne suis pas tout à fait satisfaite des réponses, non seulement de Mme le rapporteur, qui aurait pu exprimer un avis de sagesse, mais surtout de Mme la ministre. Ce qui remonte aujourd’hui des territoires, c’est la différence d’appréciation selon les préfets !
Certes, la circulaire, que je connais par cœur, leur enjoint de trouver des solutions pour que les événements aient lieu, mais des préfets pointent un embouteillage des manifestations pour refuser une organisation dans certains cas, sans motivation exhaustive.
Ce comité de suivi national, réclamé par trente organisations et associations et par l’ensemble des associations de collectivités territoriales, s’efforcera d’apporter des réponses précises. Par exemple, s’il n’y a pas d’unités de force mobile dans tel territoire, c’est parce qu’un festival se déroule dans tel autre. Le comité pourrait alors prévoir le déplacement d’autres unités vers le territoire concerné. L’idée est d’avoir une vision d’ensemble, en toute transparence.
Avec la seule circulaire, des festivals se dérouleront dans certains endroits et pas dans d’autres sans que l’on sache pourquoi. Votre ministère, le ministère de l’intérieur et le ministère de la culture, au premier chef, doivent pouvoir valider collectivement que telle ou telle manifestation pourra ou non se tenir.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme S. Robert, MM. Lozach et Durain, Mme Féret, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Bourgi, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Du 23 juin 2024 au 10 septembre 2024, les manifestations culturelles, sportives et récréatives qui ne mobilisent pas d’unités de force mobile sont maintenues.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Je reviens sur cette fameuse circulaire de décembre dernier, que j’ai qualifiée de salutaire, puisqu’elle a apporté un certain nombre de clarifications importantes.
La ministre de la culture a dit très clairement que, du 23 juin 2024 au 10 septembre 2024, les manifestations culturelles, sportives et récréatives qui ne mobilisent pas d’unités de force mobile seraient maintenues. Afin de sécuriser cette assertion très importante, qui tire en quelque sorte les conséquences de la circulaire, il convient de l’inscrire dans la loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Dossus, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et MM. Salmon et J.P. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Durant toute la durée des épreuves des jeux Olympiques et Paralympiques, le représentant de l’État dans le département veille à la préservation de la vie estivale locale, en maintenant la tenue des événements culturels, festifs et sportifs dont la sécurisation est assurée par les organisateurs ou par des forces intérieures locales.
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Avec votre permission, madame la présidente, je défendrai également les deux amendements suivants.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 33, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Dossus, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, et ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Durant toute la durée des épreuves des jeux Olympiques et Paralympiques, le représentant de l’État dans le département veille à la préservation de la vie estivale locale, en maintenant la tenue des événements culturels, festifs et sportifs accueillant un nombre de spectateurs dont le plafond est défini par décret, et dont la sécurisation est assurée par les organisateurs ou par des forces intérieures locales.
Et l’amendement n° 35, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Dossus, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, et ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Durant toute la durée des épreuves des jeux Olympiques et Paralympiques, aucun événement culturel, festif ou sportif ne peut être interdit par le représentant de l’État d’un département n’accueillant pas d’épreuves.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Monique de Marco. Ces amendements, qui visent à préserver la vie estivale locale, parallèlement aux jeux Olympiques et Paralympiques, durant l’été 2024, s’inscrivent dans la continuité de ceux de ma collègue Sylvie Robert.
La présentation du dispositif des jeux Olympiques et Paralympiques au mois d’octobre dernier et l’annonce de l’obligation d’annulation ou de report de tous les événements nécessitant l’engagement d’unités de force mobile avaient suscité l’émoi des organisateurs de festivals et d’événements culturels. Je voudrais ici rappeler que le droit à la culture est un droit constitutionnel consacré par le préambule de 1946.
Pour ces secteurs, qui peinent à retrouver leur public d’avant la crise, cette nouvelle incertitude est un coup dur. Dans le spectacle vivant, le pessimisme est toujours palpable, comme nous avons pu le constater à Nantes, le 13 janvier dernier, où se tenaient les biennales de la profession.
La saison estivale offre des débouchés de diffusion indéniables à toute la filière – diffusion déjà fragilisée par l’attrition des budgets locaux du fait de la crise énergétique. L’instauration de nouvelles contraintes sécuritaires s’ajoute donc à une situation déjà critique.
La circulaire du 13 décembre 2022 relative à la sécurisation des événements culturels, festifs et sportifs de l’été 2024 a le mérite de donner un cadre de programmation à tous les organisateurs, mais elle comporte en réalité plus de zones d’ombre que de réponses.
Elle acte l’interdiction ou le report d’événements nécessitant la mobilisation d’unités de force mobile, qui seront toutes mobilisées pour la sécurisation des Jeux. Les implications sont très vastes : ainsi, les CRS habituellement affectés à la sécurisation des plages seront démobilisés, ce qui pose, notamment en Aquitaine, de gros problèmes. Madame la ministre, quelles seront les conséquences concrètes de ces mobilisations ? Irez-vous jusqu’à interdire aux gens de se baigner ou allez-vous encore demander aux collectivités de se substituer à l’État, faute d’anticipation ?
L’amendement n° 32 rectifié vise donc à réaffirmer que le maintien d’événements doit rester la règle et l’interdiction l’exception. C’est une formulation moins ambiguë que la « vocation à se maintenir » de la circulaire… Il s’agit en outre d’inscrire ce principe dans la loi, plus stable juridiquement qu’une circulaire qui peut être facilement modifiée.
Par ailleurs, comme je le disais à l’instant, on peut lire dans la circulaire que les événements de moindre ampleur « ont vocation à se maintenir », et ce à condition de ne mobiliser aucune unité de forces mobiles.
Il s’agit d’un critère difficile à appréhender à l’avance par les organisateurs : faut-il se fonder sur la sécurisation des événements passés ou sur l’état de la menace dans un an et demi pour des concertations et des programmations en cours ?
Madame la ministre, pouvez-vous vous engager ici clairement à ce que tous les événements de moindre ampleur soient bien maintenus ?
Il est également inscrit dans la circulaire que certains événements pourront bénéficier de dérogations, décidées dans le cadre national. Sur quels critères allez-vous vous fonder pour décider de ces exceptions ? En effet, ceux-ci ne figurent pas dans la circulaire. Ces événements bénéficieront-ils du concours des forces d’unités mobiles ?
Vous le voyez, la circulaire n’est pas claire ; et l’absence de clarté fragilise la liberté de création et le droit à la culture que j’évoquais précédemment. C’est la raison pour laquelle l’amendement n° 33 tend à inscrire dans la loi des seuils qui puissent être opposables à chacun.
L’objet de l’amendement n° 35 diffère de celui des deux précédents. Il s’agit de garantir que les interdictions d’événements prévues par la circulaire du 13 décembre 2022 ne puissent affecter les départements où aucune épreuve olympique ne sera organisée. C’est le cas notamment en Nouvelle-Aquitaine, où seule la ville de Bordeaux est concernée.
C’est un enjeu d’égalité territoriale. Il faut garantir une vie estivale locale riche à tous ceux qui n’auront pas la chance d’assister à des épreuves olympiques, éloignées de leur domicile.
L’organisation d’événements culturels, festifs et sportifs est un levier indéniable d’attractivité touristique pendant la belle saison pour tous nos territoires. Il est donc absolument nécessaire que la loi sécurise leur maintien dans les territoires où l’organisation des Jeux ne pourra compenser une baisse de programmation culturelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission est défavorable à ces quatre amendements.
Entendons-nous bien : je reconnais qu’ils ont le mérite de relayer l’inquiétude des territoires s’agissant de l’organisation et de la sécurisation des autres manifestations culturelles et festives qui pourraient avoir lieu en même temps que les jeux Olympiques. Madame la ministre, il est important de pouvoir rassurer tous ceux qui s’inquiètent, notamment les élus locaux, des entraves qu’ils pourraient rencontrer.
Les auteurs de ces amendements tentent de trouver des solutions. Malheureusement, nous ne pouvons accepter celles qui nous sont proposées.
L’amendement n° 18 rectifié, par exemple, tend à imposer le maintien obligatoire des manifestations ne mobilisant pas d’unités de force mobile, ce qui est compliqué en soi.
L’amendement n° 32 rectifié est une variante, et l’amendement n° 33, qui vise à introduire un critère de fréquentation, est un repli en fonction de la jauge.
Enfin, l’amendement n° 35 vise à proscrire l’interdiction d’événements sportifs dans les départements n’accueillant pas d’épreuve olympique.
Tous ces dispositifs me paraissent peu opérants. Il importe que chaque préfet puisse décider au cas par cas et qu’il y ait un vrai dialogue avec les élus locaux et les organisateurs pour essayer de trouver des solutions. Il ne me paraît pas bon de globaliser des solutions.
La commission est défavorable à ces amendements, mais nous incitons fortement le Gouvernement à tout faire pour rassurer les élus locaux et les organisateurs des manifestations concernées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.
Nous avons vraiment la volonté de rassurer. Nous avons déjà accompli un chemin considérable avec la ministre de la culture et le ministre de l’intérieur. La circulaire découpe la période en quatre phases très opérationnelles.
Tout d’abord, la phase antérieure à l’ouverture du village olympique, le 18 juillet 2024, durant laquelle nous avons pu avancer un certain nombre de festivals et manifestations.
Ensuite, une « zone rouge », entre le 18 juillet et le 11 août, qui correspond au cœur de l’événement, une période pendant laquelle nous aurons tout de même quelques exceptions nationales, comme l’arrivée du Tour de France masculin, le 21 juillet, qui a été prévue à Nice pour éviter la congestion de Paris.
La troisième phase est la période intérimaire entre les jeux Olympiques et les jeux Paralympiques durant laquelle des exceptions et des aménagements sont possibles, comme avec le Tour de France féminin.
Enfin, la dernière période, à savoir celle des jeux Paralympiques, est un peu plus simple, dans la mesure où seule l’Île-de-France sera concernée. Les organisations de manifestations seront contraintes sur cette région, mais totalement libérées dans le reste du pays.
Nous poursuivons les discussions. Il reste la question des férias du Sud-Ouest, que s’attache à régler ma collègue Dominique Faure, avec les élus locaux et les préfets concernés. Une fois ces dernières solutions trouvées, nous aurons vraiment la capacité de donner à tous une visibilité, avec un planning global de toutes les manifestations festives, culturelles et récréatives élaboré en toute transparence.
Mme la présidente. L’amendement n° 31, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Dossus, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En amont et durant tout le déroulé des jeux Olympiques et Paralympiques, le représentant de l’État dans le département veille au maintien de l’activité culturelle, festive et sportive habituelle dans les communes. Il informe mensuellement les maires des résultats du travail de concertation réalisé avec les organisateurs d’événements culturels, festifs et sportifs visant à leur sécurisation.
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. J’espère avoir plus de chances avec cet amendement, qui vise à inscrire dans la loi l’obligation d’information des élus locaux dans le processus de concertation.
Concrètement, les préfets seront chargés d’informer mensuellement les maires sur l’état des discussions avec les organisateurs afin de leur permettre d’intervenir en cas de décision défavorable et de participer à la recherche de solutions.
Là encore, si la circulaire du 13 décembre 2022 prévoit bien un dialogue avec les collectivités territoriales, le cadre n’en est pas clairement et juridiquement défini.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous comprenons la volonté de Mme de Marco de sauver la programmation culturelle de l’année 2024. Mais inscrire dans la loi l’obligation de dialogue entre le préfet et les élus locaux dans le cadre de l’organisation de manifestations culturelles, sportives et associatives reviendrait à sous-entendre que ce dialogue ne s’impose pas dans les autres cas. Or il me semble que le fait de dialoguer avec les élus locaux et de les accompagner est précisément l’une des premières missions du représentant de l’État.
Il est vrai que mon collègue Éric Kerrouche et moi-même avons eu l’occasion de pointer dans un rapport les difficultés liées à l’organisation de l’État territorial. Mais ce n’est pas le sujet du débat d’aujourd’hui.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Avis défavorable. Organiser de lui-même – nul besoin de disposition normative pour cela – le dialogue avec les élus locaux pour concilier sécurité et culture lors des festivals, objectif que nous partageons tous, est au cœur de la mission du préfet, en plus de relever d’un principe de bonne administration.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, je précise que les férias se tiennent non seulement dans le Sud-Ouest, mais également dans le Sud-Est. S’il y en a bien une à Mont-de-Marsan au mois de juillet – j’imagine que Mme Darrieussecq a dû vous en parler –, il y en a aussi une à Béziers au mois d’août. J’aimerais que le Sud-Est soit traité comme le Sud-Ouest ! (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 34, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Dossus, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Durant toute la durée des épreuves des jeux Olympiques et Paralympiques, les communes et communautés de communes peuvent volontairement mutualiser leurs forces de sécurité intérieures locales, pour garantir le maintien d’un événement culturel, festif ou sportif local.
Le cas échéant, le représentant de l’État dans le département coordonne cette mutualisation et est responsable de la sécurisation de l’événement concerné au moyen de ces forces locales.
Aucune commune ni aucun groupement ne peut voir ses forces réquisitionnées sans rétribution.
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Cet amendement, qui va dans le même sens que le précédent, vise à mieux associer les communes à la concertation pour préserver la vie estivale locale durant l’été 2024. Nous souhaitons leur permettre de s’organiser pour faire face à l’affectation de toutes les forces nationales de la sécurité à la sécurisation des JO de 2024, afin de maintenir des événements qui seraient menacés d’interdiction par le préfet.
Toujours dans l’objectif de protéger les collectivités locales, nous proposons également d’inscrire dans la loi que toute réquisition par l’État de forces locales pour la sécurisation d’épreuves ou d’événements mis en place par les collectivités Terre de Jeux 2024 donnera lieu à une rétribution.
En effet, nous sommes très nombreux à nous inquiéter de la charge financière que représente l’organisation de ces jeux pour les collectivités territoriales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Si nous notons une nouvelle fois la volonté de notre collègue de trouver des solutions, mutualiser les polices municipales et les placer sous l’autorité du préfet, ce qui reviendrait ipso facto à rétablir la tutelle préfectorale sur les collectivités territoriales, ne nous paraît clairement pas souhaitable. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Au demeurant, le code de la sécurité intérieure prévoit déjà les différentes possibilités de mutualisation des services de sécurité, en visant non seulement le cas d’une « manifestation exceptionnelle, notamment à caractère culturel, récréatif ou sportif », mais également celui d’un « afflux important de population ».
En outre, la compensation réclamée au dernier alinéa de l’amendement me paraît déjà satisfaite, puisque l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales précise les conditions de réquisition par le préfet et pose le principe d’une rétribution par l’État.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 34.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 6
I. – Le livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 223-1 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « La transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique par le moyen de la vidéoprotection peuvent être mis en œuvre » sont remplacés par les mots : « Des systèmes de vidéoprotection peuvent être mis en œuvre sur la voie publique » ;
b) Au début du deuxième alinéa, les mots : « Il peut être également procédé à ces opérations » sont remplacés par les mots : « Ces systèmes peuvent également être mis en œuvre » ;
2° À l’article L. 223-3, la référence : « L. 252-1 (deuxième alinéa), » est supprimée ;
3° L’article L. 251-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 251-1. – Les systèmes de vidéoprotection répondant aux conditions fixées à l’article L. 251-2 sont des traitements de données à caractère personnel régis par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. » ;
4° L’article L. 251-2 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « La transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique par le moyen de la vidéoprotection peuvent être mis en œuvre » sont remplacés par les mots : « Des systèmes de vidéoprotection peuvent être mis en œuvre sur la voie publique » ;
b) Au début du treizième alinéa, les mots : « Il peut être également procédé à ces opérations » sont remplacés par les mots : « Des systèmes de vidéoprotection peuvent également être mis en œuvre » ;
5° Le second alinéa de l’article L. 251-3 est supprimé ;
5° bis (nouveau) Les articles L. 251-7 et L. 253-2 sont abrogés ;
6° Le second alinéa de l’article L. 252-1 est supprimé ;
7° À la fin du premier alinéa de l’article L. 252-2, les mots : « de la loi » sont remplacés par les mots : « du présent titre » ;
8° L’article L. 252-4 est ainsi modifié :
a) À la fin du deuxième alinéa, les mots : « , à compter de l’expiration d’un délai de deux ans après la publication de l’acte définissant ces normes » sont supprimés ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
9° À la fin de l’intitulé du chapitre III du titre V, les mots : « et droit d’accès » sont supprimés ;
10° Au début du premier alinéa de l’article L. 253-3, les mots : « Les membres de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, les agents de ses services habilités dans les conditions définies au dernier alinéa de l’article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ainsi que » sont supprimés ;
11° À l’article L. 253-4, les mots : « , de la Commission nationale de l’informatique et des libertés » sont supprimés ;
12° L’article L. 253-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « ou la Commission nationale de l’informatique et des libertés » sont supprimés ;
c) Le dernier alinéa est supprimé ;
13° L’article L. 254-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 254-1. – Le fait d’entraver l’action de la commission départementale de vidéoprotection est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » ;
14° L’article L. 255-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 255-1. – Les modalités d’application du présent titre et d’utilisation des données collectées par les systèmes de vidéoprotection sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret fixe les conditions dans lesquelles le public est informé de l’existence d’un traitement de données à caractère personnel par système de vidéoprotection et de la manière dont les personnes concernées peuvent exercer leurs droits au titre du règlement européen (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. » ;
15° (Supprimé)
16° Le dernier alinéa de l’article L. 272-2 est supprimé.
II. – L’avant-dernier alinéa de l’article L. 1632-2 du code des transports est supprimé. – (Adopté.)
Article 7
I. – À titre expérimental et jusqu’au 30 juin 2025, à la seule fin d’assurer la sécurité de manifestations sportives, récréatives ou culturelles qui, par leur ampleur ou leurs circonstances, sont particulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes, les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection autorisés sur le fondement de l’article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure et de caméras installées sur des aéronefs autorisées sur le fondement du chapitre II du titre IV du livre II du même code dans les lieux accueillant ces manifestations et à leurs abords, ainsi que dans les véhicules et emprises de transport public et sur les voies les desservant, peuvent faire l’objet de traitements algorithmiques ayant pour unique objet de détecter, en temps réel, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler ces risques et de les signaler en vue de la mise en œuvre des mesures nécessaires par les services de la police et de la gendarmerie nationales, les services d’incendie et de secours, les services de police municipale et les services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens dans le cadre de leurs missions respectives.
II. – Les traitements mentionnés au I du présent article ainsi que les images qui sont nécessaires à leur entraînement sont régis par les dispositions applicables du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
II bis (nouveau). – Le public est informé par tout moyen approprié de l’emploi de traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection autorisés sur le fondement de l’article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure et de caméras installées sur des aéronefs autorisées sur le fondement du chapitre II du titre IV du livre II du même code, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis.
Une information générale du public sur l’emploi de traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection et de caméras installées sur des aéronefs est organisée par le ministre de l’intérieur.
III. – Ces traitements n’utilisent aucun système d’identification biométrique, ne traitent aucune donnée biométrique et ne mettent en œuvre aucune technique de reconnaissance faciale. Ils ne peuvent procéder à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisée avec d’autres traitements de données à caractère personnel.
Ils procèdent exclusivement à un signalement d’attention, strictement limité à l’indication du ou des événements prédéterminés qu’ils ont été programmés pour détecter. Ils ne produisent aucun autre résultat et ne peuvent fonder, par eux-mêmes, aucune décision individuelle ou acte de poursuite.
Ils demeurent en permanence sous le contrôle des personnes chargées de leur mise en œuvre.
IV. – Le recours à un traitement mentionné au I est, par dérogation à l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, autorisé par un décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Ce décret fixe les caractéristiques essentielles du traitement. Il indique notamment les événements prédéterminés que le traitement a pour objet de signaler, le cas échéant les spécificités des situations justifiant son emploi, les services mentionnés au second alinéa du I du présent article susceptibles de le mettre en œuvre, les éventuelles conditions de leur participation financière à l’utilisation du traitement, et les conditions d’habilitation et de formation des agents pouvant accéder aux signalements du traitement. Il désigne l’autorité chargée d’établir l’attestation de conformité mentionnée au dernier alinéa du V.
Le décret est accompagné d’une analyse d’impact relative à la protection des données personnelles qui expose :
1° Le bénéfice escompté de l’emploi du traitement au service de la finalité mentionnée au I, au regard des événements prédéterminés donnant lieu à signalement par le système ;
2° L’ensemble des risques éventuellement créés par le système et les mesures envisagées afin de les minimiser et de les rendre acceptables au cours de son fonctionnement.
V. – L’État assure le développement du traitement ainsi autorisé, en confie le développement à un tiers ou l’acquiert. Dans tous les cas, le traitement doit satisfaire aux exigences suivantes :
1° Lorsque le système d’intelligence artificielle employé repose sur un apprentissage, des garanties sont apportées afin que les données d’apprentissage, de validation et de test choisies soient pertinentes, adéquates et représentatives, leur traitement loyal, objectif et de nature à identifier et prévenir l’occurrence de biais et d’erreurs. Ces données doivent demeurer accessibles et être protégées tout au long du fonctionnement du traitement ;
2° Le traitement comporte un enregistrement automatique des signalements des événements prédéterminés détectés permettant d’assurer la traçabilité de son fonctionnement ;
2° bis (nouveau) Le traitement comporte des mesures de contrôle humain et un système de gestion des risques permettant de prévenir et de corriger la survenue de biais éventuels ou de mauvaise utilisation ;
3° Les modalités selon lesquelles, à tout instant, le traitement peut être interrompu sont précisées ;
4° Le traitement fait l’objet d’une phase de test conduite dans des conditions analogues à celles de son emploi tel qu’autorisé par le décret mentionné au IV, attestée par un rapport de validation.
Lorsque le traitement est développé ou fourni par un tiers, celui-ci doit en outre présenter des garanties de compétences et de continuité et fournir une documentation technique complète.
Dans le cadre du présent V, la Commission nationale de l’informatique et des libertés exerce les missions prévues au 2° du I de l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, en particulier en accompagnant les personnes en charge du développement du traitement.
Le respect des exigences énoncées au présent V fait l’objet d’une attestation de conformité établie par l’autorité administrative compétente. Cette attestation est publiée avant que le traitement soit mis à la disposition des services mentionnés au I qui demandent l’autorisation de l’utiliser dans les conditions prévues au VI.
VI. – L’emploi du traitement est autorisé par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police. Cette autorisation peut uniquement être accordée lorsque le recours au traitement est proportionné au regard de la finalité poursuivie.
La demande qui lui est adressée par l’un des services mentionnés au I comprend en tant que de besoin l’actualisation de l’analyse d’impact réalisée lors de l’autorisation du traitement par décret, adaptée aux circonstances du déploiement. Cette analyse actualisée est adressée à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
La décision d’autorisation est publiée et motivée. Elle précise :
1° Le responsable du traitement et les services associés à sa mise en œuvre ;
2° La manifestation sportive, récréative ou culturelle concernée et les motifs de la mise en œuvre du traitement au regard de la finalité mentionnée au même I ;
3° Le périmètre géographique concerné par la mise en œuvre du traitement ;
4° Les modalités d’information du public, notamment sur ses droits ou, lorsque cette information entre en contradiction avec les finalités poursuivies, les motifs pour lesquels le responsable du traitement en est dispensé ;
5° La durée d’autorisation. Cette durée ne peut excéder un mois, renouvelable selon les mêmes modalités lorsque les conditions de sa délivrance en demeurent réunies.
VII. – L’autorité responsable tient un registre des suites apportées aux signalements effectués par le traitement ainsi que des personnes ayant accès aux signalements.
Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police est tenu informé chaque semaine des conditions dans lesquelles le traitement est mis en œuvre, en tient informée régulièrement la Commission nationale de l’informatique et des libertés et peut suspendre sa décision d’autorisation ou y mettre fin à tout moment s’il constate que les conditions ayant justifié sa délivrance ne sont plus réunies.
VIII. – Les images mentionnées au I du présent article dont la durée de conservation, prévue aux articles L. 242-4 et L. 252-5 du code de la sécurité intérieure, n’est pas expirée peuvent être utilisées comme données d’apprentissage des traitements dans les conditions prévues au 1° du V du présent article jusqu’à l’expiration de leur durée de conservation.
VIII bis (nouveau). – La Commission nationale de l’informatique et des libertés exerce un contrôle sur l’application du présent article. À cette fin, elle peut mettre en œuvre les dispositions des sections 2 et 3 du chapitre II du titre Ier de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
IX. – La Commission nationale de l’informatique et des libertés est informée tous les trois mois des conditions de mise en œuvre de l’expérimentation. Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation fixé au 30 juin 2025, un rapport d’évaluation de sa mise en œuvre, dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret fixe notamment les modalités de pilotage et d’évaluation pluridisciplinaire et objective de l’expérimentation et les indicateurs utilisés par celle-ci. L’évaluation associe deux députés et deux sénateurs, respectivement désignés par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat. Le décret précise également les modalités selon lesquelles le public et les agents concernés sont informés de l’expérimentation et associés à l’évaluation. Le rapport d’évaluation est également transmis à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. Avec cet article 7, nous sommes au cœur du réacteur, ou du cheval de Troie.
L’expérimentation de la vidéoprotection augmentée soulève d’innombrables questions : juridiques, sur le respect des libertés et des droits fondamentaux des personnes ; technologiques et industrielles, sur la souveraineté réelle dans la phase de développement des traitements et sur les assurances pour en limiter les biais ; sociétales et politiques, sur la société vers laquelle nous tendons dès lors que l’anonymat public est levé et que la surveillance est globalisée.
Avons-nous collectivement conscience des implications d’un tel renversement ? Y souscrivons-nous ? Quelles garanties établissons-nous pour nous prémunir d’éventuelles fuites en avant ? Si l’argument utilitariste peut apparaître fondé au regard des menaces sécuritaires, il ne répond nullement à ces questions, qui concernent pourtant notre cadre commun d’existence.
Si une telle solution technologique, qui complète un arsenal sécuritaire déjà fourni, limite le risque, elle ne l’efface pas. En d’autres termes, jusqu’où sommes prêts à rogner sur notre liberté pour préserver au maximum notre sécurité ?
L’article 7 témoigne de cette recherche d’un équilibre particulièrement délicat à trouver. À cet égard, je salue le travail de la commission des lois pour mieux encadrer le dispositif, comme le recommandait la Cnil.
Toutefois, certains points mériteraient d’être éclaircis et pourront, je l’espère, faire l’objet d’améliorations.
D’abord, si la durée de l’expérimentation répond à la multiplication des risques sécuritaires pendant les jeux Olympiques et Paralympiques, pourquoi avoir choisi de la prolonger jusqu’au 30 juin 2025, soit un an après la fin de l’événement ?
Ensuite, l’évaluation de l’expérimentation, compte tenu de son importance dans la perspective d’une éventuelle généralisation, doit présenter toutes les garanties d’indépendance qu’il est légitime d’attendre.
Enfin, les conséquences financières sur les collectivités territoriales et les organisateurs des manifestations sont, à ce jour, inconnues, l’étude d’impact étant muette sur le sujet.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Sylvie Robert. J’aimerais savoir pourquoi le Gouvernement a élargi le périmètre de l’expérimentation aux manifestations culturelles et récréatives alors que le texte concernait initialement uniquement les jeux Olympiques et Paralympiques. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) Quelles sont ses motivations ?
Mme Catherine Deroche. Il y a un temps de parole imparti !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, sur l’article.
M. Philippe Tabarot. J’ai souhaité prendre la parole sur l’article 7 pour vous faire part de ma déception.
Nous examinons les articles du chapitre III, relatif aux dispositions visant à « mieux garantir la sécurité ». Or, apparemment, nous ne pouvons parler que de vidéoprotection et de traitement d’algorithmes… L’ensemble de nos amendements visant à renforcer la sécurité dans les transports ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. En d’autres termes, oui au renforcement de la sécurité, mais pas dans les transports !
Je ne peux pas m’en satisfaire. Entre 2021 et 2022, les vols et violences dans les transports en commun ont augmenté. Et je n’évoque même pas le fiasco du Stade de France.
Nous devons muscler le continuum de sécurité pour enrayer les incivilités, la violence et l’insécurité qui règnent dans nos transports. C’était là tout le sens de nos amendements.
Car on ne donne pas suffisamment de moyens aux acteurs de la sécurité dans les transports. Lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, le ministre de l’intérieur s’était engagé à renforcer le continuum de sécurité. La lecture restreinte du projet de loi montre que nous en sommes encore loin.
J’espère que les prochains textes, notamment d’initiative parlementaire, permettront que la peur change enfin de camp ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit également.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 47 est présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 63 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 47.
M. Pierre Ouzoulias. Soyons clairs : du point de vue du droit, l’article 7 instaure un dispositif dérogatoire au règlement général sur la protection des données (RGPD), alors que la France était jusqu’à présent en pointe en la matière en Europe. Là, nous reculons, en particulier au regard des principes posés à l’article 23 du RGPD.
La Cnil, qui a réalisé un travail très important sur les caméras augmentées et les vidéos augmentées, a rendu son avis le 19 juillet 2022. Pour elle, compte tenu du RGPD et de plusieurs dispositions de défense des libertés individuelles en France, ces vidéos ne pourraient être autorisées qu’à la condition d’« intégrer des mesures permettant la suppression quasi immédiate des images sources ou la production d’informations anonymes ».
Or ce que vous nous proposez dans ce texte se limite à l’information du public. Vous ne permettez en aucun cas aux personnes qui seraient filmées de disposer d’un droit de recours ou d’opposition. Or, pour la Cnil, c’était un objectif essentiel, qu’elle souhaitait même voir garanti par une loi spécifique.
Chers collègues, ayez bien conscience que vous êtes en train de détricoter tout doucement le RGPD, quand il aurait fallu adopter une loi pour définir les droits des personnes.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 63.
M. Thomas Dossus. Comme je l’ai déjà longuement évoqué en défendant ma motion tendant à opposer la question préalable, nous sommes face à un cavalier législatif, voire à un cheval de Troie, visant à nous faire passer un cap dans la société de surveillance globale.
Les jeux Olympiques et Paralympiques ne sont ici qu’un prétexte pour jouer aux apprentis sorciers avec ces algorithmes de surveillance. Nous savons à quel point le marché est énorme. En l’occurrence, il s’agit plus d’une aubaine pour les industriels du secteur que d’une véritable attention portée à l’ordre public.
Si c’était l’ordre public qui nous intéressait, nous n’expérimenterions pas des technologies qui ne sont absolument pas matures.
Mme la ministre des sports nous a affirmé que l’objectif était d’éviter un « nouveau Séoul », en référence au drame ayant fait plus de 150 morts dans un mouvement de foule le soir d’Halloween, au mois d’octobre 2022. Mais sachez, chers collègues, que la Corée du Sud expérimente les caméras augmentées depuis 2020. Or cela n’a pas empêché ce drame absolu, qui devait donc bien avoir d’autres causes.
Nous nous exposons par ailleurs à un risque opérationnel : si le système noie les forces de l’ordre sous une multiplication de faux positifs de notifications d’aide à la décision, cela met en danger le bon déroulement de l’événement.
Or nous profitons de cette manifestation exceptionnelle pour franchir un cap, par une loi d’exception visant à pérenniser des dispositions portant un coup de canif supplémentaire dans nos libertés publiques. Du reste, cela n’a rien d’inhabituel : à Rio en 2016 comme à Tokyo en 2020, les gouvernements concernés ont profité de l’organisation des JO pour faire passer des lois d’exception et mener des opérations sécuritaires violentes.
La Cnil et le Conseil d’État estiment que le déploiement dans l’espace public des dispositifs prévus par l’article 7 présente incontestablement des risques pour les droits et libertés fondamentaux des personnes. La Cnil juge en outre nécessaire de nous prémunir de tout phénomène d’accoutumance et de banalisation de ces technologies de plus en plus intrusives.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de supprimer l’article 7.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. À nos yeux, l’article 7, en introduisant la vidéoprotection intelligente ou les caméras augmentées, met en place une innovation majeure. Cela aidera fortement les forces de l’ordre dans leur prise de décision pour sécuriser les grandes manifestations sportives, culturelles et récréatives, a fortiori dans la perspective des jeux Olympiques.
Nous voyons bien l’utilité d’une telle expérimentation, dont les JO seront un accélérateur, eu égard à la fois au risque terroriste, encore extrêmement fort dans notre pays, et à l’ampleur de cet événement exceptionnel ; je pense en particulier à la cérémonie d’ouverture.
Le dispositif a été encadré par de nombreuses garanties instaurées lors de la réécriture consécutive à la parution des avis du Conseil d’État et de la Cnil.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission des lois a souhaité renforcer encore ces garanties par un contrôle plein et entier de la Cnil, notamment lors de la création des algorithmes dans les fameux « bacs à sable », afin d’éviter les biais que vous évoquez.
Le contrôle humain doit rester permanent pour nous assurer que ces algorithmes pourront détecter et signaler les événements prédéterminés et aideront nos forces de l’ordre à être plus efficaces et plus opérationnelles lors de l’organisation de grandes manifestations.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. Le dispositif prévu est effectivement novateur. C’est la raison pour laquelle il est engagé de manière expérimentale. L’objectif est de donner au Gouvernement les moyens d’éviter certains incidents.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué ce qui s’est passé à Séoul lors d’Halloween. Nous ne disposons pas d’éléments démontrant qu’un tel dispositif expérimental ait été mis en œuvre dans le cadre de l’événement. Par ailleurs, l’histoire récente comporte d’autres exemples de mouvements de foules n’ayant pas pu être détectés, comme à Turin en 2017 ou à La Mecque en 2015, où plus de 700 personnes sont décédées.
Le dispositif ne comporte pas d’outils incluant des données personnelles, comme la reconnaissance faciale. Le Gouvernement s’est d’ailleurs appuyé pour la rédaction de l’article sur le rapport d’information déposé le 10 mai 2022 par les sénateurs Daubresse, de Belenet et Durain, qui distinguait quatre catégories dans le traitement algorithmique.
Il n’est pas question pour le Gouvernement de s’engager sur la quatrième catégorie, souvent citée en exemple : la reconnaissance faciale. Nous souhaitons simplement nous donner les moyens de détecter, le cas échéant, un mouvement de foule, un colis abandonné ou des armes longues, afin d’assurer la sécurité pendant les grands événements.
La durée de l’expérimentation interroge plusieurs d’entre vous. Pour évaluer le dispositif, le Gouvernement a besoin de le tester sur un nombre suffisant de grands événements. L’idée est donc de nous donner suffisamment de temps pour mener à bien l’évaluation.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Notre groupe votera contre les deux amendements de suppression.
Nous ne sommes pas des fanatiques des nouvelles technologies en matière de surveillance. À cet égard, je me réjouis que la reconnaissance faciale n’ait pas été proposée dans l’hémicycle, car ce texte n’est pas le bon véhicule législatif pour développer la biométrie.
Avec la vidéosurveillance augmentée, intelligente, algorithmique – chacun l’appellera comme il le souhaite –, nous passons effectivement un cap en développant dans notre pays de nouvelles technologies en vue d’un événement exceptionnel. Pour notre part, nous avons fait le choix d’accompagner le mouvement en déposant de très nombreux amendements.
Si le premier travail d’encadrement qui a été produit par la rapporteure Agnès Canayer est déjà très sécurisant et solide, nos amendements visent à le renforcer encore sur plusieurs points : la durée de l’expérimentation ; la qualité de l’information du public ; la déclaration d’intérêt des prestataires extérieurs qui pourraient être appelés à développer ces systèmes ; le périmètre dans lequel ces systèmes pourraient être déployés ; l’effacement des données non pertinentes qui auraient été collectées pour ces systèmes ; l’indépendance des experts, dont nous souhaitons qu’ils remettent un rapport au Parlement.
Ainsi, nous préférons accompagner le développement de la vidéosurveillance augmentée dans de bonnes conditions, avec un bon niveau d’encadrement et dans un périmètre limité, afin d’obtenir de la puissance publique la garantie qu’elle prendra toutes ses responsabilités dans cette expérimentation, faute de quoi nous risquons de voir arriver d’autres technologies à bas bruit, de manière rampante, hors de tout contrôle législatif.
C’est le pari que nous faisons. Le sort qui sera réservé à nos amendements déterminera notre vote sur l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. D’aucuns parlent d’innovations technologiques. Moi, je vois surtout des innovations juridiques qui contribuent à affaiblir l’État de droit ! Cela concerne en premier lieu au droit d’opposition, qui est fondamental. La Cnil vous a alertés sur le sujet dans son analyse, mais le texte n’apporte rien en la matière, si ce n’est une information donnée au public. Le droit d’opposition est absent.
Or cette notion est fondamentale dans la gestion des données numériques. Pour le dire de manière un peu provocatrice, la surveillance à la chinoise, ce n’est vraiment pas notre tasse de thé ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Lorsqu’on met le doigt dans cet engrenage, on ne sait pas où cela prendra fin. Si l’État de droit et la défense des libertés individuelles deviennent demain un obstacle à l’organisation des grands événements sportifs, seules les dictatures pourront les organiser ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Nous l’avons récemment vu avec la Coupe du monde de football, mais d’autres exemples suivront. Bientôt, les grandes fédérations organiseront leurs événements dans des pays beaucoup moins regardants sur l’État de droit, car, chez nous, il y aura une opposition massive à des mesures en contradiction totale avec certains de nos grands principes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.
Mme Lana Tetuanui. Depuis quelques minutes, je suis dubitative.
Les épreuves de surf des jeux Olympiques se tiendront à Tahiti, dans une petite commune située à environ deux heures trente en voiture de Papeete. Concrètement, comment comptez-vous faire appliquer de tels dispositifs de sécurité, même à titre expérimental, sous mes cocotiers ? (Rires.)
Vous pouvez rire, mais, alors que nous étions enthousiastes et que nous nous préparions à accueillir à bras ouverts les épreuves de surf sur notre territoire, avec ce que j’entends depuis quelques minutes, je commence à avoir un peu peur.
Si un tel dispositif se déployait aussi chez nous, il y aurait une petite révolution ; les citoyens nous demanderaient ce que nous avons encore voté au Parlement…
Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer un tel dispositif en Polynésie française, où se dérouleront les épreuves de surf ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE.)
M. Pierre Ouzoulias. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je remercie notre collègue polynésienne de son intervention, qui est très pertinente. Ce qui peut paraître flagrant dans son territoire est également vrai dans les autres.
Comme l’a très bien dit Sylvie Robert, c’est un véritable problème de vision de la société qui se pose. Là, c’est une vision sécuritaire, avec un contrôle par des intelligences artificielles. Big Brother is watching you !
Je comprends la position de Jérôme Durain, qui souhaite accompagner un mouvement expérimental. Mais pour aller où ? Nous ne sommes pas prêts à accompagner un mouvement vers un modèle de société qui ne convient ni à la Polynésie ni aux territoires métropolitains !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 et 63.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 111 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 28 |
Contre | 303 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 68, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
et jusqu’au 30 juin 2025
par les mots :
à compter du 1er juillet et jusqu’au 15 septembre 2024
II. – Alinéa 34, deuxième phrase
1° Remplacer le mot :
avant
par le mot :
après
2° Remplacer la date :
30 juin 2025
par la date :
15 septembre 2024
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. L’article 7 prévoit un traitement algorithmique des données de vidéosurveillance sur une durée limitée, ce qui pose un certain nombre de problèmes en termes de libertés publiques. Dans son avis du 8 décembre 2022, la Cnil estime que ces « outils d’analyse automatisée des images » peuvent « conduire à un traitement massif de données à caractère personnel ». Cela comporte un risque d’atteinte à la vie privée et aux droits fondamentaux.
Cette expérimentation, au-delà de son caractère scandaleux dès lors qu’elle touche à nos libertés publiques, doit, nous dit-on, avoir une durée limitée. Mais qu’en est-il réellement ? Loin d’être une mesure circonscrite aux seuls jeux Olympiques et Paralympiques – c’est ce dont nous sommes censés discuter aujourd’hui –, elle s’étend de la promulgation de la loi jusqu’à un an après la cérémonie de clôture des jeux.
Alors que les jeux durent deux mois, nous nous retrouvons avec une expérimentation qui dure deux ans : cherchez l’erreur ! Voilà qui est révélateur des véritables intentions du Gouvernement : une fuite en avant techno-sécuritaire ! On veut gaver nos algorithmes de données. L’utilisation de ces dispositifs dans le simple cadre des jeux Olympiques et Paralympiques est, en soi, problématique. De tels délais extensifs sont dangereux.
C’est pourquoi nous proposons de ramener l’expérimentation à un cadre temporel plus raisonnable, correspondant à l’intitulé du projet de loi, c’est-à-dire la durée des jeux Olympiques et Paralympiques.
Mme la présidente. L’amendement n° 21, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1 et 34, deuxième phrase
Remplacer la date :
30 juin 2025
par la date :
30 septembre 2024
II. – Alinéa 34, deuxième phrase
Remplacer le mot :
avant
par le mot :
après
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Comme l’ont expliqué Mme la secrétaire d’État et mon collègue Jérôme Durain, nous sommes dans le cadre d’une expérimentation. Or une expérimentation a nécessairement un début et une fin.
Soyons logiques. Le fait qu’elle doive débuter dès la promulgation de la loi nous permettra d’avoir suffisamment de recul d’ici à l’ouverture des jeux pour, le cas échéant, affiner et formuler des conseils aux fabricants d’algorithmes, comme l’a recommandé la présidente de la Cnil. Mais, et vous l’avez très bien dit, madame la secrétaire d’État, l’expérimentation doit servir à évaluer. Cela suppose donc qu’elle s’arrête à un moment donné. Et, pour nous, ce moment, c’est la fin des jeux Olympiques. Cela nous évitera d’être saisis d’un projet de loi avant de disposer des résultats de l’évaluation, comme plusieurs intervenants en ont émis la crainte. Évaluons d’abord, et nous déciderons d’éventuelles mesures à adopter ensuite.
Tel est l’esprit de cet amendement.
M. Jérôme Durain. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ces deux amendements visent à réduire la durée de l’expérimentation relative à la vidéoprotection intelligente.
Le principe d’une expérimentation implique effectivement une limitation dans le temps, mais également une évaluation. Et cette évaluation doit pouvoir être réalisée dans les mêmes conditions que la mise en œuvre de l’expérimentation.
Il est donc important de poursuivre l’expérimentation, certes dans un délai raisonnable, mais au-delà de la durée des jeux Olympiques, afin que les algorithmes puissent continuer à s’entraîner et que nous puissions procéder à l’évaluation.
Par ailleurs, il convient que l’expérimentation dure au-delà de la période d’évaluation pour laisser au Parlement le temps de se prononcer sur l’opportunité de sa pérennisation. À défaut, elle tomberait de fait.
Nous proposons donc que l’expérimentation dure jusqu’au 30 juin 2025, avec remise d’un rapport six mois avant cette date. C’est un bon équilibre.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’attendais avec beaucoup d’intérêt l’explication du Gouvernement. Si vous vous fiez à l’avis de Mme la rapporteure, ce n’est plus la peine d’occuper le banc du Gouvernement. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Qui n’est pas d’accord, mes chers collègues ?
Plus sérieusement, la durée de cette prétendue expérimentation est un point essentiel. C’est ce que beaucoup qualifient de cheval de Troie. Sous prétexte d’expérimentation, vous mettez en place pendant deux ans un dispositif qui n’est pas nécessaire pendant une si longue période.
D’ailleurs, si vous souhaitez entraîner les algorithmes – j’ai compris que c’était l’expression consacrée –, vous aurez tout loisir de le faire cette année, puisque nous accueillons la Coupe du monde de rugby.
Je le précise, nous serons amenés à décider de notre vote sur l’article en fonction du sort qui sera réservé à nos amendements sur le sujet, même si le travail extrêmement précis de Mme la rapporteure et de la commission a permis d’améliorer et de compléter le texte.
Madame la secrétaire d’État, je suis un esprit simple : encore une fois, je ne comprends pas par quel raisonnement on justifie de poursuivre pendant deux ans une expérimentation pour pouvoir l’évaluer. C’est sur la nécessité de cette prolongation un an après les JO que je souhaite entendre le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la secrétaire d’État, ce que vous nous demandez de voter, c’est un cavalier législatif !
Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner un texte qui prévoit des mesures exceptionnelles pour le bon déroulement des jeux Olympiques. Prolonger l’expérimentation que vous nous proposez au-delà de cet événement relève bien du cavalier législatif, et le Conseil constitutionnel aura sans doute à se prononcer à cet égard.
Si vous souhaitez une loi qui permette, par des procédés algorithmiques, de développer des systèmes de protection et de sécurité, il suffit de déposer un texte spécifique, et nous en débattrons. Mais vous ne pouvez pas utiliser celui qui concerne les jeux Olympiques pour avancer toute votre machinerie sur la gestion algorithmique des populations.
Je vous le redis avec force et solennité, madame la secrétaire d’État : ce qu’il s’agit de défendre, c’est l’acceptabilité sociale des jeux Olympiques. Si nos concitoyens ont le sentiment que l’organisation d’un tel événement est matière à problèmes de circulation, de santé, de transports, de congés et de sécurité, ils refuseront systématiquement les jeux Olympiques, et Paris sera la dernière ville à les organiser. (M. Jean-Claude Requier s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Il nous faut faire preuve d’une grande vigilance s’agissant de cette expérimentation, que d’aucuns ont d’ailleurs qualifiée de changement de paradigme, peut-être même civilisationnel.
Je ne suis pas du tout convaincue par les propos de Mme la rapporteure, pour qui il faut prolonger l’expérimentation pour évaluer et faire s’entraîner les algorithmes.
Je lui pose donc cette question très simple : quelles sont, jusqu’en 2025, les manifestations qui nous permettront d’entraîner ces algorithmes ? La cohérence intellectuelle voudrait que nous fassions l’expérimentation, que nous l’arrêtions juste à la fin des jeux Olympiques, que nous l’évaluions ensuite et qu’en fonction de ce qui en sortira, nous revenions devant le Parlement pour décider de sa généralisation.
Il y a là quelque chose que je ne comprends pas.
Madame la présidente, lorsque je suis intervenue sur l’article 7, vous m’avez à juste titre interrompue, car j’avais dépassé le temps de parole qui m’était imparti. Mais je demandais à Mme la secrétaire d’État pourquoi cette expérimentation était étendue aux manifestations sportives, culturelles et récréatives. J’aimerais obtenir une réponse.
Le milieu culturel n’est pas du tout rassuré par les débats que nous avons eus sur le sujet ; j’ai reçu un certain nombre de messages en ce sens.
Madame la secrétaire d’État, il est important que vous nous apportiez des précisions et des explications.
M. Daniel Salmon. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Nous ne souhaitions pas cette expérimentation, pour les raisons que nous avons déjà évoquées ou que d’autres ont exposées.
Comme Pierre Ouzoulias et moi-même avons eu l’occasion de le dire en commission des lois, si c’était un sénateur qui avait proposé de prolonger l’expérimentation un an ou deux après les JO, son amendement aurait été déclaré irrecevable.
Pour nous, c’est cet article qui est irrecevable ! C’est un vrai cavalier, puisque vous voulez changer un certain nombre de nos règles de droit en matière de sécurité lors de l’examen d’un projet de loi sur les jeux Olympiques et Paralympiques.
Le résultat, outre un changement de paradigme, sera très clair : dans quelques années, aucune ville, aucun pays du monde, sauf les dictatures, ne sera capable d’organiser des jeux Olympiques !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. La question du traitement des mouvements de foule dans l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques est au cœur des préoccupations du Gouvernement. L’article 7 y répond. (M. Guy Benarroche s’exclame.)
Comme l’a très bien expliqué Mme la rapporteure, et c’est pour cela que je m’en suis remise à son avis, l’expérimentation vise, d’une part, à recueillir le maximum de données pour pouvoir faire une évaluation – à ce propos, je rappelle que le rapport sera remis six mois avant la fin de la période expérimentale – et, d’autre part, à avoir le terrain le plus large possible. C’est la raison pour laquelle on parle exclusivement des grands événements. Dans ces conditions, pour aboutir à une évaluation pertinente, il faut évidemment une durée suffisante.
L’élargissement aux manifestations culturelles et récréatives répond, quant à lui, à une demande du Conseil d’État, qui, pour permettre l’évaluation la plus claire possible, a souhaité ne pas se limiter aux manifestations sportives, comme cela avait été initialement proposé par le Gouvernement.
Mme la présidente. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Requier, Roux et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Corbisez, Guiol et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
par leur
insérer les mots :
caractère exceptionnel ainsi que leur
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Le mécanisme que nous examinons ici n’a rien d’anodin, puisqu’il s’agit d’autoriser l’utilisation de traitements algorithmiques en matière de vidéosurveillance.
Les bouleversements qu’introduit une telle expérimentation ont déjà été soulignés. D’ailleurs, la commission des lois en a conscience, puisque le texte qu’elle nous présente a déjà intégré des mécanismes de contrôle supplémentaires.
Dans cette perspective, nous nous permettons de rappeler la prise de position de la Cnil, selon laquelle les « conditions d’application à cette nouvelle technologie des règles relatives à la protection des données et des principes protégeant les droits fondamentaux sont, en partie, incertaines ou à construire ». Aussi, face aux incertitudes, nous croyons que le dispositif doit être strictement limité et encadré.
L’article 7 introduit deux conditions retenues alternativement, pour que le dispositif puisse être engagé : l’ampleur ou les circonstances de l’événement. Cependant, comme nous ne savons pas comment seront interprétés ces critères par les administrations et les juges, peut-être serait-il raisonnable dans un premier temps de les renforcer. Aussi proposons-nous d’ajouter une troisième condition : le caractère exceptionnel de l’événement.
Avec une telle condition, les rencontres hebdomadaires des compétitions nationales de football ou de rugby seraient exclues. En revanche, des matchs exceptionnels tels que la réception au Stade de France de la finale de la Ligue des champions au mois de mai dernier auraient pu entrer dans le dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Si nous comprenons la volonté de sécuriser au maximum le dispositif – c’est d’ailleurs ce que la commission des lois a tenté de faire –, encore faut-il que ce soit opérationnel. Les événements exceptionnels ne sont pas nécessairement ceux où les risques sont les plus nombreux ; on peut penser aux marchés de Noël, aux marathons, au 14 juillet, etc. Ajouter une telle condition ne permettra pas de rendre opérant le dispositif ni de couvrir l’ensemble des événements auxquels est destinée la vidéoprotection intelligente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Comme l’a souligné Mme la rapporteure, le caractère exceptionnel ne suffit pas à rendre le risque réel. Il existe des manifestations qui se tiennent régulièrement, mais dont les caractéristiques particulières nécessitent ce type de dispositif.
Ajouter un tel critère limiterait donc le champ des possibles. (M. Guy Benarroche s’exclame.)
Mme la présidente. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Requier, Roux et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Corbisez, Guiol et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la deuxième occurrence du mot :
ou
par le mot :
et
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Cet amendement a le même objectif que le précédent : renforcer les contours juridiques du recours aux algorithmes pour en limiter l’usage.
Pour y parvenir, nous proposons de rendre cumulatives les deux conditions d’ampleur et de circonstances qui permettent de désigner un événement. Nous le voyons bien, si ces conditions sont alternatives, les limites seront très difficiles à tracer ; on trouvera toujours une circonstance pour dire qu’il fallait activer le dispositif.
Il faut donc avancer prudemment et progressivement, et limiter tout risque d’excès en rendant cumulatives les conditions d’ampleur et de circonstances de l’événement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 60, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Cette expérimentation ne saurait en aucun cas préjuger d’une pérennisation de ces traitements.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Nous sommes très attachés à la notion d’héritage des JO, et nous souhaitons que l’événement laisse une trace pérenne dans notre pays. Pour autant, nous n’acceptons pas la politique du pied dans la porte, et nous ne souhaitons pas que la société de surveillance fasse partie de cet héritage.
Pour nous, il n’y a pas de nécessité absolue à déployer une telle technologie. Nous ne sommes pas dupes : il y a dans la démarche expérimentale que l’on nous propose un moyen d’habituer la population à cette nouvelle étape vers la surveillance globale.
Premier problème, le Conseil d’État et la Cnil considèrent que les traitements algorithmiques représentent une menace pour les droits fondamentaux des individus.
D’après la Cnil, ces outils constituent non une simple évolution technologique, comme on essaie de nous le vendre depuis tout à l’heure, mais une modification de la nature des dispositifs vidéo pouvant entraîner des risques importants pour les libertés individuelles et collectives et un risque de surveillance et d’analyse dans l’espace public. La Cnil précise au passage qu’il est nécessaire d’empêcher tout phénomène d’accoutumance et de banalisation de ces technologies.
Second problème, l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle est aujourd’hui dépourvue de cadre légal propre, dans le droit national comme dans le droit de l’Union européenne. Une proposition de règlement européen sur les systèmes d’intelligence artificielle est en cours d’élaboration, mais rien n’existe à l’heure actuelle.
Ne nous leurrons pas devant l’objectif à peine voilé du Gouvernement d’étendre la portée de ces dispositifs par le droit : la durée extensive de l’expérimentation dont nous venons de débattre et le contenu du texte sont autant de preuves de la volonté de pérenniser ces expérimentations.
Parce que nous refusons la banalisation de ces dispositifs sécuritaires, face au risque des dérives potentielles et dans l’attente d’une actualisation de la réglementation européenne, nous proposons d’inscrire expressément dans la loi que l’expérimentation n’a pas à être pérennisée d’office.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il faudra nécessairement une loi pour assurer la pérennisation de l’expérimentation, qui ne se fera en aucun cas de manière automatique. L’amendement est donc satisfait. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. Même avis.
Le Gouvernement a opté pour le principe de l’expérimentation, qui donnera lieu à une évaluation, donc à un passage, le cas échéant, devant le Parlement pour sa pérennisation.
Je rappelle que ce texte suit les préconisations de la Cnil. Celle-ci sera informée des conditions de mise en œuvre du dispositif.
Qui plus est, sur le fondement des préconisations qu’elle a émises, le dispositif est soumis à des garanties extrêmement fortes.
D’abord, il est expérimental et utilisable uniquement pendant les grands événements.
Ensuite, des garanties sur l’utilisation du logiciel en matière d’information du public, de conservation des données, de contrôle humain, de formation des agents sont prévues. Elles ont fait l’objet d’un amendement de Mme la rapporteure adopté en commission.
En outre, les algorithmes sont soumis à des garanties au travers d’un décret pris après avis de la Cnil. De surcroît, seul l’État pourra utiliser un tel dispositif.
Enfin, c’est le préfet qui détermine, en fonction de la manifestation, du territoire géographique et d’un certain nombre d’éléments, si, oui ou non, le dispositif peut être utilisé.
Tout cela permet de cadrer le dispositif et d’avoir l’expérimentation la plus efficace possible.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Chat échaudé craint l’eau froide…
Mme la rapporteure devrait savoir à quoi je fais allusion : il n’est pas idiot de préciser dans la loi que l’expérimentation ne peut pas être automatiquement généralisée. En effet, un certain nombre d’expérimentations l’ont été avant toute évaluation. Je pense par exemple aux cours criminelles départementales, qui ont été généralisées avant même d’être évaluées ; d’ailleurs, si l’évaluation avait eu lieu, il n’y aurait sans doute pas eu de généralisation.
Préciser que ce n’est pas automatique me paraît donc une bonne idée. (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 97, présenté par M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
entrainement
par le mot :
entraînement
La parole est à M. Dominique Théophile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
10
Mises au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour une mise au point au sujet d’un vote.
M. Patrice Joly. Lors du scrutin public n° 110, portant sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, j’ai été considéré comme n’ayant pas participé au vote, alors que je souhaitais m’abstenir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour une mise au point au sujet de votes.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Lors du scrutin public n° 110, mes collègues Catherine Belrhiti, Gilbert Favreau, Sylvie Goy-Chavent, Vivette Lopez, Viviane Malet, Alain Milon, Albéric de Montgolfier et Philippe Pemezec souhaitaient voter pour.
Mme la présidente. Acte est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin concerné.
11
Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Nous poursuivons l’examen de l’article 7.
Article 7 (suite)
Mme la présidente. L’amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Ces traitements algorithmiques sont rendus accessibles au public sous un format ouvert et librement de réutilisable.
Les données d’apprentissage, de validation et de test et les images faisant l’objet de traitements algorithmiques ne peuvent être ni cédées ni vendues à un tiers.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Monsieur le ministre de l’intérieur, je suis content de vous voir au banc du Gouvernement. Nous avons déjà entamé le débat sur l’article 7, et nous avons besoin de vos éclairages, car il n’y a pas eu beaucoup d’avancées sur un certain nombre de garanties que nous demandions.
Nous l’avons dit, cet article comporte un certain nombre de risques majeurs pour la vie privée et les libertés fondamentales. Nous ne souhaitons pas que de telles mesures soient instaurées, d’où notre proposition de suppression. Toutefois, si ces dispositions venaient à être introduites, il est primordial de les accompagner de garanties pour mieux protéger nos libertés fondamentales.
Dans cet esprit de concorde, nous considérons la transparence et l’accessibilité des algorithmes comme des prérequis indispensables pour le contrôle démocratique de l’utilisation faite de nos données et actes, ainsi que pour nos libertés. Il nous apparaît légitime que le code source de l’algorithme soit accessible à tous pour savoir comment celui-ci travaille et apprend. C’est la base de notre travail de contrôle.
Il est également nécessaire d’empêcher la vente et la cession des données qui seront traitées par les algorithmes. Les pays occidentaux – et la France ne fait malheureusement pas exception – ont une longue tradition de commerce, notamment en termes de matériels de sécurité, avec des régimes beaucoup moins regardants sur les droits et libertés.
Nous ne souhaitons pas que les données d’apprentissage de ces algorithmes collectées au moment des jeux Olympiques et Paralympiques, mais également de la Coupe du monde de rugby, puissent être cédées ou vendues à des acteurs publics ou privés internationaux.
C’est une précision que nous jugeons fondamentale en termes de garantie universelle des libertés publiques. Libre accès des données et garantie éthique : voilà ce que nous proposons.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Si nous comprenons bien l’enjeu de rendre les algorithmes ouverts et accessibles à tous, puisque c’est un débat que nous avons eu à propos de Parcoursup, il est compliqué de le faire s’agissant d’algorithmes destinés à notre protection et à notre sécurité.
Et votre proposition d’inscrire la non-cession des données d’apprentissage est d’ores et déjà satisfaite, puisque ces dernières seront effacées en l’absence de résultats. Elles peuvent être conservées pendant un mois, mais uniquement pour s’entraîner. Cela reste sous la maîtrise de l’État. Il n’y aura pas de cession possible.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs…
M. Jérôme Durain. Enfin !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pardon de vous avoir manqué, monsieur le sénateur. (Sourires.) Mais ce serait inconvenant pour Mme Backès, qui – j’en suis sûr – a su tenir le rang du Gouvernement, ce dont je la remercie.
J’ajoute deux éléments à l’excellente argumentation de Mme la rapporteure.
D’une part, les algorithmes sont une propriété industrielle.
M. Thomas Dossus. Ah !
M. Gérald Darmanin, ministre. Aucune entreprise, et c’est tout à fait normal, ne candidatera si elle ne peut pas être propriétaire de son organisation technologique.
D’autre part – cet argument devrait tout de même vous frapper, monsieur le sénateur, ainsi que tous les parlementaires présents dans l’hémicycle –, si nous rendons publics les algorithmes destinés à notre sécurité, autant donner à ceux qui nous attaquent, c’est-à-dire les terroristes et, singulièrement, les cyberterroristes, les clefs du camion et leur indiquer comment l’attaquer ; cela ira beaucoup plus vite !
Il va de soi que nous n’allons pas rendre publique la façon dont les algorithmes de sécurité servent à la protection des grands événements, singulièrement les jeux Olympiques, pas plus que nous ne rendons public le travail qu’accomplissent nos forces de sécurité avec les caméras de vidéoprotection.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu sur la cession des données collectées lors de ces événements.
Vous venez de confirmer une partie des arguments que nous avons développés : les JO seront bien l’occasion, pour un certain nombre d’industries de la sécurité, d’emmagasiner des données, d’enrichir leurs algorithmes pour les revendre ensuite, y compris à l’international, aux régimes les moins regardants en termes de liberté. Je vous remercie de cette confirmation.
Sur l’ouverture des données, je rappelle que l’open source est une garantie de sécurité, y compris sur internet. C’est par l’open source et la collaboration des différents utilisateurs que nous avons renforcé un certain nombre de sécurités dans notre réseau internet.
Ouvrir ces algorithmes permettra aux parlementaires de disposer de la compréhension suffisante pour définir quelles informations sont collectées. C’est important, puisque nous avons un devoir de contrôle.
En outre, cela permettra d’enrichir les algorithmes pour les rendre plus efficaces.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Dossus, je propose de ne pas commencer le débat en faisant dire à son interlocuteur ce qu’il n’a pas dit. Je n’ai pas dit ce que vous me faites dire. (M. Thomas Dossus s’exclame.)
Vous confondez les données et les algorithmes, qui ne sont pas tout à fait la même chose.
M. Thomas Dossus. Non, je ne confonds pas !
M. Gérald Darmanin, ministre. Contrairement à ce que vous avez indiqué, les entreprises ne pourront pas garder les données ni les revendre. Il n’y a aucune cession de données. Celles-ci ne seront vendues à personne, parce qu’elles seront détruites. Votre demande est donc satisfaite.
Par ailleurs, les algorithmes sont un processus industriel. (M. Thomas Dossus s’exclame.) Or les entreprises ont le droit de conserver leur processus industriel.
Vous affirmez que les données seront vendues à des pays non démocratiques. D’abord, je vous remercie de faire la différence entre les pays non démocratiques et la France. Ensuite, si ce ne sont pas nos entreprises qui mettent en place en place de tels dispositifs, d’autres le feront : les Chinois, les Israéliens…
M. Thomas Dossus. Voilà !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est exactement la même chose pour les caméras de vidéoprotection, de même que pour toute technologie, monsieur le sénateur.
Voulons-nous avoir État avec une technologie forte ? Voulons-nous être propriétaires de notre technologie ? Voulons-nous avoir nos propres données ?
Au lieu de se faire imposer des cadres étrangers comme ceux des Chinois, des Israéliens, des Américains ou d’autres encore, nous préférons que ce soit une filière française, avec des capitaux français, sur lesquels les services de renseignements de l’État peuvent avoir un regard. D’ailleurs, il faut considérer qu’il s’agit d’intérêts vitaux ne pouvant par exemple pas être vendus à la découpe.
Si nous avions tenu le même raisonnement sur les moteurs de recherche, Google ne serait sans doute pas aussi monopolistique.
Idem, monsieur le sénateur écologiste, sur les panneaux solaires : si nous avions engagé plus tôt la révolution des panneaux solaires, nous n’aurions pas de panneaux solaires chinois en France.
M. Thomas Dossus. Cela n’a rien à voir !
M. Gérald Darmanin, ministre. Bien sûr que si ! Tout le monde le sait !
Accompagner la législation pour indiquer à nos industriels les finalités démocratiques de sécurité, dans un État de droit, à l’occasion de l’organisation des jeux Olympiques, nous évite de nous voir imposer des solutions différentes. Ces dernières, on le voit, ont donné lieu à un certain nombre de scandales qui, comme vous l’avez constaté, n’ont jamais concerné des entreprises françaises ; Pegasus en est un bon exemple.
Lorsqu’un dispositif est développé avec un cadre français, nous pouvons parler aux industriels, gérer en partie leurs actions, les réguler, regarder leur capital. Soyons fiers des entreprises françaises ! (M. Thomas Dossus s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, je précise qu’il est tout à fait possible de préserver l’intégrité technologique des algorithmes et d’en assurer le contrôle en même temps. Il suffit de nommer un tiers de confiance qui assure l’analyse de l’algorithme.
C’est ce qui se passe pour le contrôle des algorithmes des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), des réseaux sociaux. La Commission nationale de l’informatique et des libertés ne fait pas autrement.
Il faudrait mettre en place un tel régime de contrôle des algorithmes pour s’assurer de leur contenu.
Ce qui est très regrettable, monsieur le ministre, c’est que l’obligation de communication de ces algorithmes ne soit pas respectée.
Nos craintes sur les algorithmes de la vidéoprotection sont rigoureusement les mêmes.
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi qu’une déclaration des intérêts détenus à date et au cours des cinq dernières années
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Tout à l’heure, j’ai dit à M. le ministre : « Enfin ! » Cela ne signifiait nullement que Mme Backès n’avait pas fait du bon travail lorsqu’elle était au banc du Gouvernement. Simplement, notre préoccupation concerne la banalisation de technologies. Et comme l’article 7 est un peu sensible, il nous paraissait utile que le ministre de l’intérieur puisse nous répondre sur les garanties en matière de libertés publiques.
M. Jérôme Durain. L’amendement n° 23 rectifié tend à apporter une précaution supplémentaire au stade du développement des logiciels d’intelligence artificielle qui seront associés aux images vidéo.
Aux termes du projet de loi, ces logiciels peuvent être développés directement par l’État ou par un prestataire extérieur qu’il choisit.
Comme il s’agit de la première expérimentation du recours à l’intelligence artificielle, avec des enjeux dont on dit depuis tout à l’heure qu’ils sont extrêmement sensibles, nous pensons qu’il faut porter une attention particulière à la prévention des conflits d’intérêts.
C’est pourquoi nous proposons de renforcer les exigences auxquelles le développement du traitement doit répondre si un fournisseur externe est choisi, en prévoyant des garanties d’impartialité, en plus des garanties de compétences et de continuité d’activité déjà prévues à l’article 7.
Nous avons tenu compte des observations, comme toujours pertinentes, de Mme la rapporteure pour que la garantie d’impartialité se matérialise par une déclaration des intérêts détenus à date et au cours des cinq dernières années.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
À l’issue des échanges qui ont eu lieu en commission, il nous semble qu’il s’agit d’une garantie supplémentaire allant dans le sens du juste équilibre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, même s’il faudra peut-être en revoir la rédaction lors de l’examen à l’Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire.
En effet, vous ne définissez pas ce que seraient les conflits d’intérêts. (M. Jérôme Durain s’étonne.) L’amendement les évoque, mais sans les définir précisément.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il s’agit de conflits d’intérêts…
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Nous voterons cet amendement.
Je remercie M. le ministre d’avoir en quelques interventions conforté notre point de vue. L’article 7 n’est qu’un cavalier législatif destiné à faire en sorte que nos entreprises reprennent des parts de marché aux entreprises chinoises dans le domaine de la sécurité globale.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Dossus, pour la clarté de nos débats, je rappelle qu’il ne peut pas y avoir de cavalier législatif s’agissant du texte initial du Gouvernement. Je le dis pour le Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Requier, Roux et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Corbisez, Guiol et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéa 22, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, après avis des assemblées délibérantes des collectivités sur le territoire desquelles se déroule la manifestation
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement de ma collègue Maryse Carrère vise à prévoir que la décision du préfet d’autoriser l’utilisation de traitements algorithmiques en matière de vidéosurveillance est prise après avis des assemblées délibérantes locales.
Il s’agit, nous semble-t-il, d’une mesure de bon sens, afin que nos territoires puissent être informés des décisions prises les concernant. Le mécanisme de l’expérimentation est particulièrement intrusif et comporte des risques en matière de protection des données et des droits fondamentaux.
Aussi, il ne paraît pas inapproprié d’associer les collectivités au processus décisionnel. En outre, si l’utilisation du dispositif a vocation à rester assez exceptionnelle, l’ajout de ce simple avis dans la procédure ne devrait pas être insurmontable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Le Sénat est très attaché au fait que les collectivités territoriales soient associées aux décisions les concernant et à l’existence d’un dialogue, à nos yeux nécessaire, entre l’État et les collectivités. On l’a vu précédemment concernant l’organisation des manifestations.
Néanmoins, nous pensons qu’en matière de sécurité, en l’occurrence de vidéoprotection intelligente, le dispositif proposé alourdirait inutilement la procédure. En outre, il rendrait difficiles ses déclinaisons opérationnelles dans les territoires.
Enfin, les assemblées délibérantes des collectivités territoriales ne sont pas compétentes en matière de sécurité. Il s’agit d’une compétence du maire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. En complément des excellents arguments de Mme la rapporteure, j’ajoute que des groupements comme la RATP ou la SNCF ne font pas partie des assemblées délibérantes. Cet amendement ne peut donc pas être accepté. Avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 24, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Compléter cet alinéa par les mots :
dans les limites mentionnées au I du présent article
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Il nous paraît utile de rappeler que l’arrêté préfectoral autorisant l’emploi du traitement algorithmique à l’occasion d’une manifestation donnée devra en préciser le périmètre tel qu’il est strictement défini au I de l’article 7, à savoir le lieu accueillant la manifestation et ses abords, ainsi que les véhicules et emprises de transport public et les voies les desservant.
Cet amendement vise à assurer la loyauté des traitements algorithmiques dans un objectif de transparence à l’égard du public, ce qui est une condition indispensable pour permettre le déploiement de caméras augmentées dans un climat de confiance à l’égard des autorités publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La précision que cet amendement vise à apporter est utile. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 62, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Supprimer les mots :
ou, lorsque cette information entre en contradiction avec les finalités poursuivies, les motifs pour lesquels le responsable du traitement en est dispensé
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Il est précisé à l’alinéa 28 de l’article 7 que, dans certains cas, le public pourrait ne pas être informé de l’usage de caméras dites augmentées. Qu’est-ce qui pourrait légitimer une telle exception, monsieur le ministre ? Qu’est-ce qui justifierait que les citoyens ne puissent pas avoir accès à des informations relatives à leurs droits et à leurs libertés ?
Visiblement, nous ne sommes pas les seuls à trouver que les situations qui relèveraient de cette exception manquent de clarté. La Cnil elle-même s’interroge sur les hypothèses dans lesquelles une telle exclusion se révélerait nécessaire. Elle recommande d’ailleurs que les conditions justifiant cette exclusion soient particulièrement limitées. Or aucune précision sur le sujet ne figure dans le projet de loi.
La Cnil estime dans son rapport sur le projet de loi que l’information des personnes sur l’usage de caméras augmentées est un « élément essentiel pour assurer la loyauté des traitements dans un objectif de transparence à l’égard du public » et qu’elle est « indispensable pour permettre le déploiement des dispositifs […] dans un climat de confiance à l’égard des autorités publiques ».
Le groupe écologiste considère que l’information du public est une garantie essentielle en matière de protection des droits et des libertés des personnes, notamment du droit à la vie privée. Comment faire valoir ses droits d’opposition, d’accès, de rectification et d’effacement de ces données personnelles si l’on ne sait même pas que de telles données existent ?
Nous proposons donc la suppression de la dispense d’information du public de l’usage de caméras dites augmentées.
Mme la présidente. L’amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Compléter cet alinéa par les mots :
accompagnés d’un renvoi vers l’information générale organisée par le ministère de l’intérieur mentionnée au second alinéa du II bis du présent article
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Nous proposons de compléter le travail utile de la commission, qui a pris soin de garantir l’information du public sur l’emploi d’un traitement des données personnelles prévu à l’article 7, y compris lorsque les circonstances l’interdisent ou lorsque cette information entre en contradiction avec les objectifs du traitement.
Dans ces cas, la commission renvoie à une information générale organisée par le ministère de l’intérieur. Je fais ici référence au II bis nouveau inséré à l’article 7.
Pour que l’information pleine et entière du public soit effective, il convient également de prévoir que les motifs de dispense d’information du public doivent être accompagnés a minima de l’information générale du public sur l’emploi du traitement algorithmique dans la décision d’autorisation d’emploi prise par le préfet de département ou le préfet de police à Paris.
Une telle information nous semble essentielle, car elle conditionne, dans le cadre de l’application de ce traitement de données personnelles augmenté par l’intelligence artificielle, la possibilité d’invoquer, le cas échéant, le respect du droit des personnes sur le fondement du RGPD et de la directive Police-Justice.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. À nos yeux, supprimer la possibilité d’exception au droit de l’information affaiblirait le dispositif et le rendrait beaucoup moins opérationnel. La commission des lois a déjà ajouté dans le texte une garantie sous la forme d’une information générale du public sur l’emploi des traitements algorithmiques organisée par le ministère de l’intérieur. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 62.
L’avis est en revanche favorable sur l’amendement n° 25 rectifié, qui tend à prévoir le renvoi vers l’information générale organisée par le ministère de l’intérieur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avis défavorable sur l’amendement n° 62 et avis réservé sur l’amendement n° 25 rectifié.
À mon sens, il y a une petite confusion sur les raisons pour lesquelles les citoyens sont informés, conformément à la volonté de la Cnil et du législateur, qu’ils sont vidéoprotégés ou vidéosurveillés, comme vous le souhaitez ; nous avons déjà eu un débat sur la terminologie lors de l’examen de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés.
Comme vous l’avez très bien dit, il s’agit de permettre au public d’être informé, de consulter ses données personnelles et, le cas échéant, de les faire effacer. Il ne s’agit pas – chacun le comprend – de lui permettre de refuser d’être filmé.
L’intelligence artificielle appliquée aux caméras de vidéoprotection et aux captations d’images vise à fournir des éléments supplémentaires de surveillance non pas des individus, mais des situations.
Que permettra très concrètement de faire cette caméra dotée d’une intelligence artificielle ? Elle permettra de repérer l’événement, la situation ou le comportement que nous souhaitons retrouver : un rassemblement intempestif, le casse d’un abribus, un sac posé au sol. Ce traitement ne visera pas à rechercher M. Dossus, M. Darmanin ou M. Durain. Il ne sera pas possible de retrouver les données personnelles propres à un citoyen individuellement, ce que permet la caméra classique de manière générale.
Si j’émets un avis réservé sur l’amendement de M. Durain – je ne le combats pas vraiment –, c’est parce qu’il ne mange pas de pain. Sans doute est-ce également pour cela que Mme la rapporteure a émis un avis favorable.
L’information générale est déjà donnée par le ministère de l’intérieur, par les communes ou par l’État pour la préfecture de police de Paris lorsqu’il s’agit de caméras déjà installées. L’installation de caméras, y compris mobiles, doit être signalée sur des panneaux d’information et dans le journal municipal. Il en va de même pour les aéronefs et les drones, conformément à la loi pour une sécurité globale.
L’intelligence artificielle n’ajoute rien : elle vise à retrouver des situations. Le cas aurait été différent si nous avions proposé la mise en œuvre de la reconnaissance faciale, qui concerne les personnes individuellement. Cela aurait alors sans doute eu du sens de discuter de l’information sur les données individuelles retrouvées par ce moyen nouveau, même à partir d’un moyen de captation ancien.
L’intelligence artificielle ne vise pas à accéder à de nouvelles données personnelles. Il s’agit de repérer des situations, comme chacun a sans doute pu le constater dans des documentaires, des reportages, des films ou lors des auditions au Sénat.
Imaginons ainsi que nous ayons à gérer une alerte à la bombe : il nous faut en pareil cas savoir si elle est sérieuse ou non, qui a déposé le sac et dans quelles conditions, s’il s’agit d’un oubli ou d’un abandon volontaire. De telles informations font gagner énormément de temps aux services de police. Les personnes autour ne seront pas concernées par les algorithmes et par ce que nous demandons au législateur d’inscrire dans le texte.
Je constate d’ailleurs que l’avis de la Cnil et celui du Conseil d’État sur un texte aussi complexe ne contiennent aucune réserve à cet égard. De surcroît, les points ayant fait débat lors de l’examen du projet de loi de programmation et d’orientation du ministère de l’intérieur sur les questions d’image ont tous été validés dans une excellente décision du Conseil constitutionnel, dont je me réjouis. Je profite de l’occasion pour saluer M. Loïc Hervé, rapporteur du texte, qui avait évoqué la question des données personnelles.
La Haute Assemblée devrait rejeter l’amendement de M. Dossus, qui repose sur une confusion. Celui de M. Durain est sans doute superfétatoire, mais j’émets un avis de « sagesse neutre ».
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Nous sommes en train de reculer sur un certain nombre de droits liés à nos données et à nos comportements.
Monsieur le ministre, vous indiquez que l’on va ajouter aux caméras déjà installées un dispositif permettant de faire la différence entre divers comportements, diverses situations.
Qu’est-ce qui nous fait basculer dans une société de surveillance ? Un individu – vous, moi, quelqu’un d’autre – va se trouver dans une situation sans savoir ce que la caméra contrôlera de son comportement.
Vous avez évoqué le dépôt d’un sac, et indiqué qu’il n’y aurait pas de collecte de données personnelles, mais que l’intelligence artificielle faciliterait l’identification de la personne ayant oublié ou déposé ce sac. Nous sommes donc déjà en train de reculer !
M. Claude Kern. Mais non !
M. Thomas Dossus. Bien sûr que si !
Quels comportements seront acceptables ou inacceptables ? Qui définira ces comportements ? On ne le sait pas ! Vous ne voulez pas rendre publics les algorithmes.
Nous sommes en train de reculer sur un certain nombre de droits et de libertés. On réduit nos possibilités, en tant qu’individus, de protester contre la collecte d’un certain nombre de données.
Monsieur le ministre, le 22 octobre dernier, lorsque vous nous avez présenté le dispositif de sécurité, vous étiez extrêmement rigoureux sur la question des droits et des libertés. Vous nous indiquiez alors que le ministère de l’intérieur n’aurait pas recours à des dispositifs n’ayant pas été légalisés, mais qu’un certain nombre de collectivités les utilisaient déjà ! Or vous ne nous avez pas répondu lorsque nous vous avons demandé lesquelles.
Que fait le ministère de l’intérieur pour lutter contre l’usage abusif de telles technologies ? Nous l’avons déjà vu, des marchés publics ont été passés pour des technologies qui ne sont pas encore légalisées.
J’aimerais avoir une réponse à mes questions, vous qui êtes si respectueux du droit !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. Notre amendement, sur lequel Mme la rapporteure a émis un avis favorable, n’est pas anodin : il vise simplement à lier la décision à l’information. S’il était adopté, il permettrait d’accroître la transparence, la clarté. Il ne mange peut-être pas de pain, monsieur le ministre, mais il officialise l’information du public.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne veux pas laisser croire que le ministère de l’intérieur aurait connaissance de pratiques illégales et n’interviendrait pas. (M. Thomas Dossus s’exclame.)
Je suis, certes, respectueux de la loi, mais je le suis aussi de la Constitution, monsieur le sénateur. Et en tant que représentant des collectivités locales, vous devriez veiller de manière sourcilleuse au respect par le ministre de l’intérieur de l’article 72 de la Constitution. Ne vous en déplaise, la gestion de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques, et donc des caméras de protection, relève des communes.
À cet égard, un certain nombre de municipalités écologistes seraient bien inspirées d’appliquer les règles de la République votées par le législateur,…
M. Guy Benarroche. Lesquelles ?
M. Gérald Darmanin, ministre. … mais c’est un autre débat ! Quelques collectivités locales revendiquent même le fait de ne pas appliquer ces règles.
M. Guy Benarroche. Lesquelles ?
M. Gérald Darmanin, ministre. On voit d’ailleurs que c’est dans ces communes que la délinquance est parfois la plus importante. Nous aurons l’occasion d’en reparler si vous le souhaitez.
M. Thomas Dossus. Bien sûr ! Avec plaisir !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il appartient au tiers de confiance évoqué par votre collègue communiste d’effectuer des contrôles. Je sais que la Cnil y est particulièrement attentive.
Le ministère de l’intérieur ne peut pas exercer une tutelle sur les collectivités. La tutelle n’existe plus depuis 1981. Il faut être respectueux de la Constitution et de l’héritage mitterrandien ! (M. Thomas Dossus s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Je souhaite vous faire part d’un point de vue politique cher à notre groupe.
L’argument de notre collègue Dossus s’entend parfaitement. Nous comprenons les réserves du groupe GEST, qui ont d’ailleurs motivé le dépôt de sa motion tendant à opposer la question préalable.
Pour notre part, nous considérons qu’il existe un risque de développement rampant, à bas bruit, d’un certain nombre de technologies. Quand nous proposons de nous intéresser, en tant que législateurs, à ces sujets et de fixer un cadre, c’est non pas pour autoriser ces technologies, mais pour préciser, alors qu’elles s’invitent dans nos vies personnelles et collectives, les conditions dans lesquelles elles peuvent être utilisées.
Pour avoir travaillé avec Arnaud de Belenet et Marc-Philippe Daubresse sur la reconnaissance faciale, je vois bien qu’il existe une porosité des usages. Les citoyens, les consommateurs, autorisent à titre individuel des choses qu’ils refusent de permettre à l’État de faire. Il faut résoudre ces tensions.
Quand on propose de légiférer, de poser un cadre, de définir des lignes rouges, d’autoriser parfois des expérimentations – c’est, en l’espèce, la démarche que promeut notre groupe s’agissant de la vidéosurveillance intelligente –, ce n’est pas pour le plaisir de permettre tout et n’importe quoi. C’est au contraire pour que le cadre dans lequel ces technologies sont développées soit respectueux des libertés.
Tel est l’esprit qui nous anime et le sens des amendements que nous avons déposés : faire en sorte que l’information soit claire, que les périmètres soient fixés, que les durées de conservation des données soient limitées, afin de pouvoir avancer ensemble de manière confiante vers l’usage de ces technologies.
Mme la présidente. L’amendement n° 26, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les données d’apprentissage, de validation et de test qui ne sont pas pertinentes, adéquates et représentatives sont immédiatement détruites.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. De nombreuses données vont être collectées : certaines sont utiles, d’autres ne le sont pas.
Cet amendement vise à préciser que les données d’apprentissage, de validation et de test considérées comme non pertinentes, non adéquates et non représentatives doivent être immédiatement supprimées, sans attendre l’expiration du délai autorisé.
En commission, Mme la rapporteure nous a fait observer que notre demande était satisfaite. Mais il nous semble que cela n’apparaît pas clairement dans l’article 7 ; pour l’heure, le dispositif est encore au stade de l’expérimentation.
Alors qu’il s’apprête à adopter un dispositif inédit, sensible, porteur d’enjeux nouveaux pour les droits et les libertés, le Sénat doit veiller à ce que figurent dans la loi les principes essentiels qui conditionnent l’usage des caméras augmentées. C’est pour nous une condition essentielle. Elle doit, nous semble-t-il, être explicitement mentionnée.
La Cnil vient d’ailleurs de s’exprimer sur le sujet. Elle a rappelé que le principe de base de cette application est de conserver les données le moins longtemps possible. Si la Cnil doit veiller à ce que celles-ci soient supprimées, autant l’inscrire dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis défavorable sur cet amendement, qui est satisfait. Dès lors que ces données ne devraient pas exister, il n’y a pas lieu d’ajouter une telle précision dans le texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 27, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 34, après la quatrième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
L’évaluation associe également des experts indépendants.
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Nous souhaitons lever une ambiguïté figurant dans le texte entre deux notions qui peuvent converger, mais qui ne se confondent pas : la pluridisciplinarité et l’indépendance.
C’est une bonne chose de prévoir l’association de plusieurs spécialistes pour procéder à l’évaluation de l’utilisation des caméras augmentées, chacun travaillant dans son champ d’application ou sa discipline selon la méthodologie qui lui est propre. Nous sommes tout à fait favorables à cette optimisation des approches pour tirer les meilleures conclusions de l’expérimentation.
Cependant, prévoir la meilleure communication possible entre les savoirs ne garantit pas l’indépendance du rapport final. C’est la raison pour laquelle, conformément à la recommandation de la Cnil, nous souhaitons préciser que l’évaluation de l’expérimentation est conduite en association avec des experts indépendants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’article prévoit déjà une évaluation pluridisciplinaire de l’expérimentation. L’évaluation permettra au législateur d’être éclairé et de savoir s’il faut ou non pérenniser le système de vidéoprotection. Nombre de garanties figuraient dans le texte initial, d’autres y ont été introduites par la commission des lois, afin que cette évaluation soit réalisée de la manière la plus indépendante possible.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote sur l’article.
M. Thomas Dossus. Nous considérons que nos libertés publiques ne doivent pas faire l’objet d’une expérimentation, fût-elle bornée dans le temps.
Selon nous, l’article 7 n’a rien à faire dans le projet de loi, n’en déplaise à M. le ministre. Nous pensons qu’il traduit un certain opportunisme sécuritaire destiné à masquer les défaillances auxquelles le ministre a fait face lors du fiasco du stade de France.
Aucune des garanties que nous avons proposées n’ayant été acceptée, nous nous opposerons à l’article 7, qui fait basculer dans un nouveau régime de surveillance.
M. Thomas Dossus. Nous voterons contre l’article !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires et, l’autre, du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 112 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 270 |
Pour l’adoption | 243 |
Contre | 27 |
Le Sénat a adopté.
Après l’article 7
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par Mme Eustache-Brinio, M. Retailleau, Mme Dumont, M. Bazin, Mmes Belrhiti, Garriaud-Maylam et Lavarde, MM. Daubresse, Piednoir, Bascher, Regnard et Cardoux, Mme Malet, MM. Panunzi, Cadec et Brisson, Mme Gruny, M. Savin, Mmes Gosselin et Imbert, MM. Saury et Burgoa, Mmes Thomas et Garnier, M. Frassa, Mmes M. Mercier, Deroche et L. Darcos, MM. Bonhomme, J.P. Vogel, Anglars et Reichardt, Mmes Ventalon, Di Folco et Muller-Bronn, MM. Charon, Chatillon et Bouchet, Mme Joseph, MM. Sol et Lefèvre, Mme Demas, MM. Duplomb, Somon et Rapin, Mmes Drexler et Lopez, MM. Klinger et Mouiller, Mmes Borchio Fontimp et Micouleau, MM. B. Fournier et Babary, Mme Bellurot, MM. Belin, Bouloux et de Nicolaÿ, Mmes Schalck et de Cidrac et M. Meignen, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 4° de l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « et aux règles de prise en charge des clients dans le cadre des prestations de transport public particulier, définies à l’article L. 3120-2 du code des transports ».
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je souhaite évoquer l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, qui se situe dans mon département.
Face à la difficulté de lutter efficacement contre la multiplication des infractions de prise en charge illégale de clients par des transporteurs publics particuliers, VTC ou taxis clandestins, l’usage des images issues des systèmes de vidéoprotection permettrait de renforcer la sécurité des usagers et la capacité des autorités judiciaires à déceler et à qualifier les infractions, à en identifier les auteurs et à accroître l’efficacité des poursuites lorsqu’elles sont engagées.
Cet amendement de bon sens, cosigné par une soixantaine de sénateurs, vise à permettre aux services compétents de l’État d’accéder plus simplement aux images, ce qui faciliterait l’engagement de poursuites contre les contrevenants et contribuerait à renforcer la sécurité des voyageurs à leur arrivée en dissuadant la pratique du racolage. Tous ceux qui se rendent à Roissy peuvent constater ces pratiques quotidiennement.
Les aéroports sont effectivement les principales portes d’entrée des voyageurs étrangers. Gardons en mémoire que ce phénomène, qui est une spécificité française – il faut le dire –, porte atteinte à l’image de la France auprès des voyageurs et, plus globalement, à la qualité d’accueil dans la destination. Il faut y songer, en particulier à l’approche des grands événements internationaux que seront les jeux Olympiques et Paralympiques et la Coupe du monde de rugby.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Nous comprenons très bien la volonté de la sénatrice Eustache-Brinio de régler le problème du racolage par les VTC dans les aéroports, notamment à Roissy. Nous avons souvent eu l’occasion d’échanger sur le sujet.
M. Loïc Hervé. C’est un problème !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Effectivement !
Malheureusement, le dispositif que notre collègue propose n’est pas opérationnel. En effet, le relevé de la plaque d’immatriculation du véhicule ne suffira pas à établir l’infraction. Il faut être sûr qu’il n’y a pas eu de réservation au préalable. Le dispositif est donc assez complexe à mettre en œuvre via le système de vidéoprotection.
En outre, l’adoption de cet amendement aurait pour effet d’ajouter une nouvelle finalité à la vidéoprotection. Nous ne sommes pas sûrs que ce texte soit le bon véhicule, même si nous comprenons, chère collègue, les enjeux et votre engagement sur le sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Par définition, les chauffeurs de VTC qui harcèlent les voyageurs à leur arrivée, prennent leurs bagages et les emmènent presque de force dans leur véhicule ne sont pas réservés ! Les VTC réservés envoient des SMS à leurs clients, qui les attendent dehors, à un endroit précis.
Je souhaitais relativiser les propos de Mme la rapporteure, que je respecte. Ces gens qui harcèlent les voyageurs à leur arrivée à Roissy sont bien évidemment là pour abuser d’eux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je suis un peu perplexe.
J’avais déposé avec mon groupe des amendements portant sur l’organisation des transports publics en Île-de-France. Ils ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, célèbre dans cette maison, et n’ont donc pas pu être mis en discussion. Ils concernaient la date d’ouverture à la concurrence des réseaux de transport en commun de bus en Île-de-France, qui nous promet de joyeux mouvements de désordre si le Gouvernement ne se décide pas à la reporter.
Or je constate que l’amendement de Mme Eustache-Brinio a pu être examiné. Madame la rapporteure, pourriez-vous m’expliquer pourquoi certains amendements relatifs aux transports sont déclarés recevables,…
M. Philippe Tabarot. Pas tous, je vous rassure !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie.… et pas les autres ?
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’amendement de Mme Eustache-Brinio concerne, certes, les transports, mais surtout la vidéoprotection. Dans la mesure où il vise à compléter l’article L. 252-2 du code de la sécurité intérieure, il présente bien un lien direct avec le texte, ce qui n’était pas le cas du vôtre, madame de La Gontrie.
Mme la présidente. L’amendement n° 90 rectifié, présenté par MM. Tabarot, Mandelli, Karoutchi, Longeot, Burgoa et Regnard, Mme Berthet, MM. Paccaud, H. Leroy, Chaize et Anglars, Mme Demas, M. Duplomb, Mme Bonfanti-Dossat, MM. J.B. Blanc, Pellevat et Mouiller, Mme V. Boyer, MM. Henno et B. Fournier, Mme Ventalon, M. Bouchet, Mme Gruny et MM. Pointereau et Brisson, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour l’application de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et jusqu’au 31 décembre 2024, lorsque le résultat de l’enquête administrative réalisée dans le cadre d’une mobilité interne d’un salarié d’une entreprise de transport public de personnes ou d’un gestionnaire d’infrastructure vers un autre poste laisse apparaître que le comportement du salarié est incompatible avec l’exercice des missions envisagées, il est procédé au reclassement du salarié concerné vers un poste ne présentant pas de sensibilité particulière pour l’activité des entreprises et gestionnaires concernés.
Pendant la période des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, en cas d’avis d’incompatibilité rendu dans le cadre d’une mobilité mentionnée au premier alinéa du présent article, la procédure de reclassement prévue à l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure s’applique.
En cas d’impossibilité de procéder à un tel reclassement ou en cas de refus du salarié, l’employeur peut engager une procédure de licenciement à son encontre.
La parole est à M. Philippe Tabarot.
M. Philippe Tabarot. Cet amendement vise à renforcer les mesures relatives aux enquêtes administratives de sécurité dans les transports. Compte tenu des enjeux de sécurité liés aux jeux Olympiques, les opérateurs de transports sollicitent des enquêtes administratives avant tout recrutement ou toute mobilité sur un poste sensible au sein de leur structure.
Afin de garantir une plus grande sécurité, il est nécessaire d’aménager les conséquences d’un avis d’incompatibilité rendu par le Service national des enquêtes administratives de sécurité (Sneas) dans le cas d’une mobilité d’un poste sensible vers un autre poste sensible pendant la période des jeux Olympiques. En effet, en l’état actuel des choses, même en cas d’avis d’incompatibilité du Sneas, la personne concernée doit être maintenue à son poste d’origine.
Ce maintien constitue un risque important compte tenu de la dangerosité reconnue. Il apparaît totalement inopportun de reclasser sur le même périmètre sensible un individu dont les autorités publiques ont estimé le comportement incompatible avec la sûreté des personnes et des biens ; je pense notamment aux fichés S. (M. Jean-Baptiste Blanc applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
En effet, cet amendement nous semble déjà satisfait par l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure : dès lors que l’agent ne bénéficie pas de l’autorisation préalable à suite de l’enquête administrative, il peut être reclassé sur un poste ; et s’il refuse le reclassement, il pourra faire l’objet d’une procédure de licenciement. Il n’y a donc pas d’obligation de le maintenir sur un poste sensible dès lors qu’il n’a pas obtenu les autorisations nécessaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote sur l’amendement.
M. Philippe Tabarot. Madame la rapporteure, j’entends vos arguments, notamment au regard du droit du travail. Mais les opérateurs de transport ne sont pas des entreprises comme les autres : elles sont exposées au public, très exposées aux risques, et on y trouve des postes sensibles sur toutes les strates de l’organigramme. Assurer la sécurité, c’est aussi leur permettre d’assurer une meilleure protection de leur structure et faciliter le reclassement sur des postes non sensibles pour des agents clairement identifiés comme dangereux, qui, en l’état actuel, doivent être placés sur un périmètre restant tout de même sensible.
Mais je retire mon amendement, car je vous apprécie beaucoup, madame la rapporteure. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 90 rectifié est retiré.
L’amendement n° 91 rectifié bis, présenté par MM. Tabarot, Mandelli, Karoutchi, Longeot et Regnard, Mme Berthet, MM. Paccaud, H. Leroy, Chaize et Anglars, Mmes Demas et Guidez, M. Duplomb, Mme Bonfanti-Dossat, MM. J.B. Blanc, Pellevat, Mouiller et Moga, Mme V. Boyer, MM. Henno et B. Fournier, Mme Ventalon, M. Bouchet, Mme Gruny et MM. Pointereau et Brisson, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er juillet et jusqu’au 15 septembre 2024, afin de garantir la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques, l’enquête administrative prévue au premier alinéa de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure peut être demandée pour l’affectation d’une personne sur une mission temporaire en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d’une entreprise de transport public de personnes ou d’une entreprise de transport de marchandises dangereuses soumise à l’obligation d’adopter un plan de sûreté ou d’un gestionnaire d’infrastructure, dans les conditions prévues aux deuxième à dixième alinéas du même article L. 114-2.
La parole est à M. Philippe Tabarot.
M. Philippe Tabarot. Cet amendement vise également à renforcer les mesures relatives aux enquêtes administratives de sécurité dans les transports. Actuellement, seuls les salariés des entreprises de transport ou des gestionnaires d’infrastructures peuvent faire l’objet d’une enquête. Au sein de la RATP, par exemple, les intérimaires sont juridiquement salariés de l’agence d’intérim. La RATP ne peut donc pas solliciter d’enquête administrative, même s’ils sont affectés à des postes sensibles. Il en va de même à la SNCF. Corrélativement, l’agence d’intérim n’a pas la possibilité de solliciter une enquête auprès du Sneas, puisqu’elle n’est ni une entreprise de transports de personnes ni une entreprise gestionnaire d’infrastructure.
Il s’agit donc de permettre aux agences d’intérim, pendant la période des jeux Olympiques, de solliciter elles-mêmes une enquête administrative avant toute affectation à des postes sensibles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis favorable, car j’apprécie également beaucoup le sénateur Tabarot ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cet amendement permet de combler un trou dans la raquette. La loi n’autorise pas les entreprises de transports à cribler les intérimaires. Il convient donc de trouver un dispositif pour résoudre ce problème. C’est ce qui nous est proposé, au moins pour la période des jeux Olympiques, dans cet amendement, qui répond à un vrai besoin.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.
M. Philippe Tabarot. Je remercie Mme la rapporteure et M. le ministre de cet avis favorable. Je pense qu’il faudra pérenniser la mesure après les jeux Olympiques.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7.
Nous abordons l’examen des articles 9, 10 et 11, ainsi que des amendements portant articles additionnels après l’article 11, appelés en priorité.
Article 9 (priorité)
À compter du 1er juillet et jusqu’au 15 septembre 2024, afin de garantir la sécurité des événements liés aux jeux olympiques et paralympiques, le préfet de police exerce dans les départements des Yvelines, du Val-d’Oise, de l’Essonne et de Seine-et-Marne, les compétences qui lui sont dévolues sur le fondement de l’article L. 122-2 du code de la sécurité intérieure. – (Adopté.)
Article 10 (priorité)
L’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Sont désignés par décret les grands événements et les grands rassemblements de personnes ayant pour objet d’assister à la retransmission d’événements exposés à un risque d’actes de terrorisme à raison de leur nature et de l’ampleur de leur fréquentation. Ce décret désigne également les établissements et les installations qui les accueillent ainsi que leur organisateur. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée : « L’accès de toute personne, à un autre titre que celui de spectateur, à tout ou partie des établissements et installations désignés par le décret mentionné au premier alinéa est soumis pendant la durée de cet événement et de sa préparation à une autorisation de l’organisateur délivrée après l’avis conforme de l’autorité administrative. » ;
b) Au début de la deuxième phrase, les mots : « L’organisateur recueille au préalable l’avis de l’autorité administrative rendu » sont remplacés par les mots : « Cette autorité administrative émet son avis ».
Mme la présidente. L’amendement n° 49, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 10, qui prévoit l’élargissement de la procédure de criblage aux fan zones et aux participants, hors spectateurs, des grands événements.
Un tel dispositif devrait conduire les organisateurs des jeux Olympiques et Paralympiques à prendre, après autant d’enquêtes administratives, près de 750 000 décisions relatives à l’accès des personnes aux installations et équipements dans lesquels se dérouleront où seront retransmis les événements.
Il s’agit manifestement d’une atteinte au droit fondamental d’aller et venir, ainsi qu’au droit à la vie privée, bien que l’administration émette un avis conforme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 10, qui étend le criblage aux fan zones et aux participants, hors spectateurs, de grands événements. Or ces dispositions nous paraissent nécessaires pour assurer la sécurisation des jeux Olympiques.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, j’aimerais vous persuader que la proposition du Gouvernement est importante pour la sécurité de nos concitoyens.
La cérémonie des jeux Olympiques rassemblera 600 000 personnes, peut-être plus, sur six kilomètres le long de la Seine, qu’il s’agisse des quais hauts, des quais bas, du Trocadéro, des ponts… Et dès le premier jour, nous aurons des fan zones dans tout le pays, puisque des écrans seront installés un peu partout. Elles regrouperont chacune des centaines, voire des milliers de personnes.
Si nous ôtons aux services du ministère de l’intérieur la possibilité de cribler autant qu’ils le font déjà dans les stades, dont nous avons vu qu’ils pouvaient être choisis par les auteurs d’attentats, nous laisserons un énorme champ d’action aux terroristes pour s’infiltrer et commettre des actes contraires à ce que nous souhaitons tous.
Il ne s’agit donc pas de faire du criblage pour du criblage. Ce texte s’inspire d’ailleurs de ce que vous avez déjà autorisé pour les grands événements. Je rappelle que c’est un décret du ministre de l’intérieur qui définit ce qu’est un grand événement, justifiant ainsi les mesures de criblage.
Les jeux Olympiques seront suivis par plus d’un milliard de spectateurs, et attireront des dizaines de milliers de personnes dans des fan zones. Ce n’est pas un argument d’autorité.
Je crois que le groupe CRCE devrait retirer cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 65, présenté par MM. Benarroche, Dossus, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. L’article 10 modifie de façon pérenne l’accès aux grands événements en le conditionnant à une enquête administrative pour les sportifs, l’équipe médicale et les équipes y travaillant.
Si l’organisation d’un événement d’ampleur tel que les jeux Olympiques et Paralympiques comporte des risques, par exemple pendant la cérémonie d’ouverture, pouvant justifier des modalités exceptionnelles pour assurer la sécurité des personnes et des biens, le présent article a vocation à s’appliquer à l’ensemble des « grands événements » et « grands rassemblements de personnes ».
Le périmètre retenu pour les lieux susceptibles d’être visés par cette nouvelle procédure est large : ensemble des espaces destinés à l’usage de tous, voies publiques, lieux ouverts au public, parcs, transports collectifs, commerces, etc. Le nombre de personnes visées par l’enquête administrative est également important, puisqu’il s’agit aussi bien des acteurs et des sportifs que de leurs équipes, par exemple les entraîneurs, les médecins, les kinésithérapeutes, ou des arbitres et des chronométreurs.
Toute personne autre que les spectateurs serait soumise à une enquête administrative préalable. Selon l’avis rendu par la Cnil le 22 décembre 2022, une telle évolution conduirait à viser 50 000 à 60 000 participants pour les seuls jeux Olympiques et Paralympiques.
Or le Gouvernement n’a transmis aucun élément justifiant un tel élargissement des périmètres et n’a pas motivé la pérennisation de cette mesure.
Enfin, la réalisation de ces enquêtes administratives implique un traitement de données à caractère personnel, ainsi que la consultation de certains fichiers dits de police. Ces données peuvent être conservées pour une durée de cinq années au sein du fichier Automatisation de la consultation centralisée de renseignements et de données (Accred). Sur ce point, aucune garantie n’a été mise en place pour que l’automatisation des consultations des fichiers concernés ne conduise pas à ce que des avis ou des décisions résultent de la seule inscription d’une personne dans un traitement de données à caractère personnel. La Cnil a alerté sur les préjudices importants que pourraient subir les personnes concernées par un avis ou une décision défavorable à la suite de ces consultations.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression d’une telle mesure, qui n’est ni proportionnée ni respectueuse des libertés individuelles.
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie, S. Robert et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Après le mot :
spectateur
insérer les mots :
ou de participant
II. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À titre temporaire, en vue de la tenue de la coupe du monde de Rugby en 2023 et des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024, le deuxième alinéa s’applique à l’accès de toute personne à un autre titre que celui de spectateur. »
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Une fois de plus, nous dénonçons la stratégie du cheval de Troie, qui consiste à prendre prétexte de l’organisation exceptionnelle des jeux Olympiques et Paralympiques pour envisager de modifier des dispositions problématiques de manière pérenne.
L’article 10 en offre une illustration, puisqu’il ajoute les participants à la liste des personnes dont l’accès est subordonné à une autorisation de l’organisateur délivrée après enquête préalable de l’autorité administrative. Cette liste comprendrait donc l’intégralité des personnes accédant au lieu concerné, quels que soient leur statut et leur fonction. Une telle évolution conduira à élargir de manière très substantielle le périmètre des personnes concernées par ces dispositions. L’étude d’impact évalue cette extension du dispositif à 50 000, voire 60 000 participants, pour les seuls jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Nous pouvons concevoir que cet élargissement du périmètre de l’enquête administrative soit justifié pour assurer la sécurité publique pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques, dans un contexte où la menace terroriste demeure à un niveau élevé. Cependant, le maintien de cette extension particulièrement significative au-delà de l’événement n’a pas de raison d’être. Se poserait alors clairement la question de la proportionnalité de la mesure.
Les enquêtes administratives seront effectuées par le Sneas. L’élargissement du champ d’application de l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure va nécessairement entraîner une charge de travail supplémentaire pour ce service, qui dépend de la direction générale de la police nationale. Le personnel nécessaire sera-t-il disponible ? Avez-vous évalué le nombre d’outils informatiques supplémentaires nécessaires à l’application de ce nouveau dispositif ?
Compte tenu de toutes ces considérations, nous vous proposons de limiter dans le temps l’extension exceptionnelle de la procédure de criblage envisagée par le projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous comprenons l’enjeu de ces deux amendements, qui visent à réduire le champ de l’extension de la procédure de criblage prévue par le texte.
Nous avons aussi des inquiétudes, que nous avons formulées, sur la capacité du Sneas à assurer le criblage de toutes ces personnes supplémentaires, et notamment des participants et de celles qui seront dans les fan zones.
Néanmoins, nous ne pensons pas que ces amendements apportent les bonnes solutions.
L’amendement n° 65 vise à exclure les participants de cette extension, mais son adoption aurait également pour conséquence de supprimer l’obligation d’avis conforme de l’autorité administrative, ce qui rend le dispositif inconstitutionnel. Avis défavorable.
L’amendement n° 28 a pour objet de limiter la procédure de criblage uniquement aux jeux Olympiques et à la Coupe du monde de rugby. Nous pensons au contraire qu’elle doit être pérennisée, car il y aura ensuite d’autres grands événements, comme les Mondiaux de cyclisme, pour lesquels elle sera utile. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
Article 11 (priorité)
L’article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Pour faciliter et sécuriser l’accès aux lieux mentionnés au I, l’inspection des personnes peut être réalisée, avec leur consentement exprès, au moyen d’un dispositif d’imagerie utilisant des ondes millimétriques installé à son initiative par le gestionnaire de l’enceinte. La finalité de ce dispositif est de vérifier que les personnes ainsi examinées ne portent sur elles aucun objet interdit dans le lieu auquel elles souhaitent accéder. En cas de refus, la personne est soumise à un autre dispositif de contrôle dont elle a été préalablement informée.
« L’analyse des images visualisées est effectuée par des opérateurs ne connaissant pas l’identité de la personne et ne pouvant visualiser simultanément celle-ci et son image produite par le dispositif d’imagerie utilisant des ondes millimétriques. L’image produite par le dispositif d’imagerie utilisant des ondes millimétriques doit comporter un système brouillant la visualisation du visage. Aucun stockage ou enregistrement des images n’est autorisé. »
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, sur l’article.
M. Philippe Folliot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les membres de mon groupe, je voterai évidemment cet article. Mais je souhaite souligner un élément qui me paraît important.
Dans le texte, il est fait référence aux jeux Olympiques. Mais d’autres événements les précéderont, comme la Coupe du monde de rugby, chère à notre cœur. Et d’autres événements les suivront. Les mesures que nous allons prendre pour la sécurité de ces manifestations sont donc essentielles. L’expérimentation nous permettra d’acquérir certaines connaissances utiles pour la suite. Je pense par exemple aux Mondiaux de cyclisme ou à la Coupe de rugby à XIII, en 2025, qui sera aussi un événement important, notamment pour nos territoires, avec des enjeux spécifiques en matière d’attractivité et d’inclusion. En effet, nous organiserons simultanément les coupes du monde masculine, féminine, handisport et des jeunes.
Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à supprimer l’article 11, qui permet l’utilisation de scanners à ondes millimétriques à l’entrée des enceintes accueillant des manifestations sportives, mais aussi récréatives ou culturelles.
Le rapport de notre commission de lois indique que cette disposition ne semble avoir été demandée ni par les organisateurs des jeux Olympiques et Paralympiques ni par les autorités chargées d’en assurer la sécurité.
Des garanties existent, mais nous pensons qu’elles ne seront pas suffisantes. La mise en place d’un tel procédé est de nature à porter une atteinte disproportionnée à la vie privée et à l’intimité des participants à ces différents événements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis défavorable. Nous pensons que les scanners corporels à ondes millimétriques sont utiles. Cet outil supplémentaire sera installé à la demande des organisateurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je souhaite prendre quelques instants pour évoquer les scanners à ondes millimétriques, car la question est très intéressante.
Ceux qui nous écoutent s’interrogent sans doute sur ce dont il s’agit, et l’amendement de suppression pourrait faire croire que l’article 11 met en place un dispositif exorbitant du droit commun. Or il n’en est rien. Ces scanners sont déjà utilisés dans les aéroports parisiens. Et ils ont été installés sous le gouvernement de M. Hollande, lorsque vous-même et vos amis étiez aux responsabilités, madame Assassi ! (Mme Éliane Assassi proteste.)
M. Fabien Gay. Nous étions dans l’opposition !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas plus compliqué qu’en face !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je n’ai pas d’opinion sur ce point. (Exclamations amusées.)
Les scanners à ondes millimétriques permettent d’éviter un certain nombre de palpations. Nous encadrons toutefois leur usage, car ils révèlent un certain nombre de choses qui relèvent de la vie personnelle : opérations, malformations, handicaps… Nous imposons donc que ces scanners remplacent les formes précises du corps, dont la représentation constituerait en effet une incursion contestable dans la vie personnelle de la personne contrôlée, par des carrés et des cubes signalant simplement par leur couleur l’absence ou la présence d’un élément suspect, comme une arme, un couteau, une bombe…
M. Assouline avait déposé un amendement visant à prévoir le recours à l’armée. Mais l’armée n’est pas là pour faire des palpations de sécurité. Il faudrait également aborder la question de la féminisation de la sécurité privée.
Au moins, le scanner millimétrique permet de contrôler tous les participants sans distinction de genre, ce qui résout le problème du contrôle des hommes, des femmes et des personnes ne se considérant ni homme ni femme.
Vous le voyez, monsieur Assouline, avant d’avoir recours à l’armée, plusieurs technologies peuvent nous aider à compléter la sécurité privée ou à en pallier les carences.
Madame Assassi, je ne voudrais pas que l’adoption de votre amendement ait pour effet d’encourager à recourir à l’armée ! Il serait tout de même étrange que le groupe CRCE demande au ministre de l’intérieur de recourir à l’armée pour contrôler les personnes. Après avoir appris que vous étiez défavorable au gouvernement de M. Hollande, j’apprends à présent que vous souhaitez l’intervention de l’armée, ce qui n’est évidemment pas acceptable. Même si les communistes ont beaucoup changé, je crois que, là, vous allez un peu trop loin…
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. J’avais effectivement déposé un amendement d’appel sur le sujet, mais je l’ai retiré. Cela dit, je constate que vous avez tout de même ouvert le débat, monsieur le ministre.
Ne caricaturez pas ! Un jour, vous êtes venu nous dire que l’on ne pouvait plus faire de festivals culturels pour cause de manque d’effectifs de police ou de personnels de sécurité privée suffisamment formés. Et, alors qu’un événement exceptionnel est prévu à Paris, le ministre de l’intérieur indique qu’il n’y a pas suffisamment de policiers et que la sécurité privée ne suffira pas à combler les lacunes. J’ai donc songé à l’armée. L’idée n’est évidemment pas de faire intervenir les tanks. Mais l’armée assure déjà des tâches de protection civile dans certains cas exceptionnels. La présence de ces hommes au service de l’État et de la protection de nos concitoyens est très rassurante.
Comme certains ont jugé mon amendement sécuritaire, ce qui ne correspond ni à mon engagement ni à mes valeurs, j’ai préféré le retirer. Je ne m’attendais pas à ce qu’il vous effraie, monsieur le ministre. D’ordinaire, vous êtes plutôt très sécuritaire, et pas forcément dans le sens le plus ouvert… (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir ouvert le débat sur un sujet qui n’était pas traité dans le projet de loi, mais que le sénateur Assouline avait tenté d’aborder avant de retirer son amendement.
Voilà quelques semaines, j’avais pris l’initiative, avec un grand nombre de membres de la commission de la culture, d’une tribune dans Le Monde qui concluait à un probable recours à l’armée lors des jeux Olympiques. D’ailleurs, beaucoup de gens partagent cette idée, qui figure par exemple dans le rapport de la Cour des comptes paru voilà quelques jours. Celle-ci juge en effet réaliste une telle hypothèse compte tenu de la difficulté, que nous regrettons, de trouver les quelque 22 000 ou 23 000 personnes nécessaires pour permettre aux sociétés de sécurité privées d’assurer les tâches que vous souhaitez leur assigner.
Monsieur le ministre, quand le scénario du recours à l’armée sera-t-il officiellement et clairement annoncé ? J’ai d’ailleurs cru comprendre dans votre intervention de tout à l’heure que ce scénario n’était pas exclu, alors que vous étiez beaucoup plus réservé sur cette hypothèse voilà quelques semaines. Ou alors, pouvez-vous nous dire une bonne fois pour toutes qu’il n’y aura aucun recours à l’armée pendant les jeux Olympiques ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. J’aimerais bien que l’on en revienne à mon amendement. (Sourires.)
Je rappelle simplement que les scanners à ondes millimétriques ont été utilisés lors des coupes du monde de football organisées en Russie et au Qatar. Ce n’est peut-être pas la meilleure inspiration…
Cela étant, une telle mesure pourrait être acceptable, à condition de venir en appui à la palpation. Or ce n’est pas ce qui est proposé dans le texte.
C’est pour nous une raison supplémentaire de demander la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je répondrai d’abord au sénateur David Assouline. La ministre des sports, la ministre de la culture et moi-même n’avons supprimé aucun festival, aucune épreuve sportive, aucune fête régionale ou locale. Cependant, en expliquant qu’elles étaient les contraintes de l’État, nous avons réussi à les décaler, en accord avec les élus et les responsables des festivals.
Qu’en 2024, le Tour de France arrive avec quelques jours de décalage, non pas à Paris, mais à Nice, semble être une mesure de bon sens.
Je voudrais vous rappeler, monsieur le sénateur – ne caricaturez pas non plus mes propos –, l’année que va vivre notre pays et, en conséquence, le ministère de l’intérieur.
La Coupe du monde de rugby, d’abord, comme l’a indiqué le sénateur Folliot, est le cinquième événement mondial au regard du nombre de spectateurs accueillis dans un pays. Nous aurions à organiser uniquement cette Coupe du monde, ce serait déjà formidable et nous prendrions beaucoup de temps pour en parler.
Ensuite, le pape va venir à Marseille… (Rires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Lui aussi !
M. Gérald Darmanin, ministre. Eh oui ! Cette visite est sans doute un grand bonheur pour Marseille et pour les Français, quelles que soient leurs convictions,…
M. Loïc Hervé. On en est très fiers !
M. David Assouline. Il va y avoir un schisme !
M. Gérald Darmanin, ministre. … mais elle donne des soucis au ministère de l’intérieur, notamment en matière d’ordre public.
Puis, nous allons organiser le quatre-vingtième anniversaire du débarquement de Normandie, auxquels tous les chefs d’État participeront au mois de juin, ainsi que celui du débarquement de Provence !
Cette dernière commémoration, conformément au vœu du Président de la République, doit mettre en valeur – c’est bien logique – la participation de l’ensemble des soldats originaires d’Afrique, du Maghreb ou d’ailleurs, dont mon grand-père – cela me fait plaisir de le signaler –, venus nous libérer. C’est également un énorme événement à organiser !
À cela s’ajoutent les jeux Olympiques, les jeux Paralympiques et la célébration du 14 juillet, qui restera à Paris. À ce sujet, Mme la maire de Paris, avec laquelle je m’entretiens régulièrement, organisera, comme c’est son droit, non seulement le défilé, qui se déroulera sans doute à un autre endroit que l’avenue des Champs-Élysées, au moment où nous organiserons le début des jeux Olympiques, mais aussi Paris Plages et, évidemment, le feu d’artifice du 14 Juillet.
La vie continuera à Paris, en même temps que s’y tiendront les jeux Olympiques.
En neuf mois, cinq événements mondiaux sont à organiser en France. C’est le premier point.
Je voudrais revenir sur un épisode, certes désormais passé, monsieur le président de la commission, afin de répondre au sénateur Assouline.
Nous n’avons annulé – ce qui est une prouesse – aucun festival, aucun événement sportif ; nous avons simplement demandé leur décalage de quelques jours, ce que certains organisateurs ont accepté, comme ceux du festival d’Avignon ou des Vieilles Charrues.
Cet important mouvement d’organisation, relatif notamment à l’ordre public, avec la menace terroriste que nous connaissons, pose la question à la fois de notre capacité en matière de sécurité ainsi que celle de la sécurité privée.
S’agissant du premier point, la Lopmi a montré que les moyens étaient de plus en plus au rendez-vous. Je remercie d’ailleurs la Haute Assemblée d’avoir voté, à la quasi-unanimité de ses membres, la Lopmi, qui permettra, dès le mois de juin, de disposer de sept unités de forces mobiles (UFM) de gendarmerie, ainsi que, dès le mois de septembre prochain, de quatre unités de compagnies républicaines de sécurité (CRS) supplémentaires.
Il me semble que le niveau des moyens du ministère de l’intérieur auquel nous sommes parvenus répond aux exigences de sécurité de tous les événements, et pas uniquement des jeux Olympiques et de leur cérémonie d’ouverture, symbole de ces Jeux.
Concernant le second point, celui de la sécurité privée, nous avons besoin de 22 000 agents de sécurité privée pendant la durée des jeux Olympiques et des jeux Paralympiques. Ces personnels sont par ailleurs excessivement sollicités par la tenue de l’ensemble des événements que j’évoquais précédemment, comme par la vie sociale de notre pays et les différents événements culturels qu’elle comporte.
La question de la sécurité privée, notamment à Paris ou en Île-de-France, qui concentre évidemment l’essentiel des épreuves des jeux Olympiques et Paralympiques, se pose en termes d’hommes et de femmes à recruter, mais aussi en termes d’hébergements disponibles pour les accueillir.
En effet, devront être hébergés à Paris et dans sa proche banlieue, non seulement 35 000 à 40 000 policiers et gendarmes, mais aussi les quelques milliers d’agents de sécurité privée qui ne seraient pas parisiens. Or, vous conviendrez que la plupart d’entre eux ne résident pas à Paris intra-muros ; ce n’est pas leur faire injure, ni à Paris d’ailleurs, que de le dire.
Par conséquent, avant de répondre à la question portant sur le nombre d’agents de sécurité privée dont nous avons besoin, il est nécessaire de résoudre celle de l’hébergement.
Celui-ci est soumis à des concurrences : une concurrence hôtelière – bien logique – ; une concurrence, désormais bien connue de chacun, des personnes louant des habitations ; une concurrence des « demandeurs d’asile », que nous logeons à Paris et en Île-de-France, qui rassemblent 50 % de la demande d’asile nationale – c’est un point très important – ; et, enfin, une concurrence évidemment des agents des forces de l’ordre et de l’ensemble des personnes qui viendront à Paris pendant ces Jeux.
La question porte donc, en premier lieu, moins sur le nombre d’hommes et de femmes à recruter, que sur les capacités d’hébergement disponibles pour loger l’ensemble de ces personnes. C’est un premier problème très important, sur lequel, évidemment, nous travaillons. Nous sommes à un peu plus d’un an de la cérémonie d’ouverture, nous disposons donc encore d’un peu de temps pour cela.
Deuxième point, le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop), en tant qu’organisateur des Jeux, a lancé les appels d’offres afin de recruter les agents de sécurité privée. Il ne commencera l’analyse d’une partie des appels d’offres qu’au début du mois prochain. Nous en saurons alors davantage sur les lots qui se révéleront être fructueux ou non, sur ce qui marche et ce qui ne marche pas.
Tony Estanguet, le Cojop, la ministre des sports, ici présente, et moi-même nous y prenons même assez tôt afin de pouvoir « rattraper » un certain nombre de lots qui ne se révéleraient pas fructueux.
Nous allons ainsi travailler afin de permettre à l’ensemble des personnes disposant d’une carte de sécurité privée de reprendre ce travail.
Nous avons créé, dans la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, une carte professionnelle spécifique, monsieur le rapporteur Hervé (M. Loïc Hervé opine.), pour la surveillance de grands événements, qui commencera à produire ses effets dans quelques semaines ou mois.
Nous avons changé l’intégralité de la formation, le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), les exigences posées à la sécurité privée.
Bien d’autres possibilités sont encore à explorer : les étudiants, les personnes intérimaires, ainsi que toute personne qui, après avoir découvert l’existence de ces grands événements, voudra y participer en œuvrant dans le secteur de la sécurité privée.
À ce jour, sur 22 000 agents de sécurité privée, 11 000 à 12 000 répondent à ces exigences. Nous avons donc bien avancé depuis la présentation que la ministre des sports et moi-même avions faite devant votre commission.
Au bout du compte, nous avons donc la question des personnes, celle de l’hébergement et celle de la rémunération fixée par le Cojop afin d’attirer et de recruter ces agents. Olivier Dussopt et moi-même avons d’ailleurs constaté que le salaire des agents de sécurité privée avait pu être augmenté de 7 %, car ce sont tout de même des métiers qui ne sont pas très bien rémunérés et peu féminisés. Nous avons donc deux sujets à traiter : l’attractivité et la féminisation.
Dans ma réponse à Mme Assassi au sujet de l’amendement qu’elle défendait, j’indiquais que la technologie pouvait résoudre une partie des difficultés – certes, pas toutes. Ainsi, les scanners à ondes millimétriques permettront de gagner, si je puis dire, du temps de palpation. C’est un premier point.
Cela dépendra donc des moyens technologiques accordés par le Parlement, de ce qui pourra être installé, mais aussi de la Ville de Paris.
Monsieur Assouline, si Mme la maire de Paris atteint l’objectif de 2 000 policiers municipaux, nous aurons alors besoin de moins d’agents de sécurité privée.
Par conséquent, je peux vous retourner la question : la Ville de Paris disposera-t-elle de ces 2 000 agents de police municipale au mois de juillet prochain ? Si vous pouvez me signer cet engagement, j’en serai très heureux. Néanmoins, la maire de Paris et moi-même n’en sommes pas certains, ce qui est logique.
Il n’existe donc pas qu’un problème de défaillance potentielle de l’État. Nous devrons peut-être faire appel à d’autres personnes publiques, par défaut, d’autres collectivités ; nous sommes ici pour travailler en bonne intelligence.
Si, au bout du compte,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On va peut-être avancer monsieur le ministre !
M. Gérald Darmanin, ministre. … un certain nombre de personnes manquent, nous étudierons ce qu’il sera possible de faire pour y remédier. Toutefois, nous pensons qu’un grand pays comme la France est capable de répondre à cet enjeu de sécurité privée.
En guise de conclusion, je rappellerai que, lors des Jeux de Londres, une des grandes sociétés de sécurité privée s’est effondrée trois semaines avant le début de ces Jeux, et que les Jeux de Tokyo, qui n’accueillaient pourtant aucun spectateur en raison du covid-19, ont également connu un défaut en matière de sécurité privée. Il s’agit donc d’un problème mondial et, par ailleurs, d’une branche d’activité qui est en train de se construire.
La ministre des sports et moi-même ne sommes pas défaitistes. Nous travaillons ardemment – encore ce matin, madame la ministre – avec les entreprises de sécurité privée, que nous remercions. Nous reviendrons devant le Parlement, si vous le souhaitez, plutôt en février ou mars prochain, afin de tirer des conclusions.
Je rappellerai – la ministre des sports l’a d’ailleurs sans doute indiqué dans son discours introductif – que les jeux Olympiques à Paris, cela arrive une fois par siècle. En revanche, une cérémonie d’ouverture organisée en dehors d’un stade, cela n’a jamais existé, dans aucun pays du monde.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela fait neuf minutes que vous parlez, monsieur le ministre !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous avons organisé une Coupe du monde de football, bientôt une Coupe du monde de rugby, mais des jeux Olympiques d’été en dehors d’un stade ou d’un lieu sportif, ce sera la première fois.
Il est évident qu’un certain nombre de questions se posent. La ministre des sports et moi-même y travaillons quotidiennement, désormais depuis plus d’un an. Si nous sommes de nouveau invités, monsieur le président, devant votre commission, en février ou en mars, nous aurons l’occasion de détailler les sujets ayant trait à la sécurité privée.
Je rappelle que la sécurité privée relève de la responsabilité du Cojop ; l’État est là pour remédier, si je puis dire, à des défaillances de sécurité si le Cojop ou d’autres collectivités ne remplissaient pas leurs engagements.
M. David Assouline. Nous serons au rendez-vous !
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Les auteurs de cet amendement font preuve d’une belle constance et de persévérance en demandant régulièrement la suppression de toute mesure qui favoriserait la sécurité. Cet amendement en est de nouveau l’illustration. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Cependant, je m’étonne : quel raisonnement ou quelle logique vous conduit à demander que nous nous privions de scanners à ondes millimétriques, utilisés par des millions de personnes dans les aéroports, qui allégeraient fortement le travail de sécurisation ? Ne serait-ce que parce qu’ils sont des éléments essentiels pour détecter des armes ou de la drogue, et surtout pour éviter la fouille corporelle.
Je ne comprends toujours pas la logique de nos collègues – ou plutôt si, je la comprends –, mais j’en perçois mal la cohérence avec les objectifs de sécurité inhérents à l’organisation d’événements et de manifestations, aussi bien dans des enceintes sportives qu’à l’extérieur, en raison de leur caractère récréatif ou de loisirs.
Mme la présidente. L’amendement n° 64, présenté par MM. Benarroche, Dossus, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 4, après la première phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
S’agissant des modalités de recueil du consentement des personnes concernées, l’information est réalisée par voie d’affichage et les agents sont chargés de recueillir le consentement. Ces dernières devront également être informées en amont de l’existence d’un autre dispositif de contrôle.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Le présent amendement vise à préciser les modalités de recueil du consentement des personnes soumises à l’utilisation de scanners à ondes millimétriques, à l’entrée des enceintes sportives.
L’inspection-filtrage – ce n’est pas remis en cause – ne peut être réalisée qu’avec le consentement des personnes concernées, mais les modalités d’obtention de ce dernier sont, en l’espèce, insuffisamment précisées.
Il s’agit donc de suivre la recommandation de la Cnil, exprimée dans son avis du 8 décembre 2022, selon laquelle les informations sur le consentement doivent être réalisées par voie d’affichage, et de préciser que le recueil du consentement relève de la responsabilité des agents chargés de la mise en œuvre du scanner corporel.
Cela va de pair avec la mise en place de l’article 11. Je ne pense pas que cela introduise une notion restrictive importante. En revanche, cela respecte – ce qui devrait être le cas – les préconisations de la Cnil.
Enfin, les personnes, qui peuvent être soumises à ce type de contrôle, doivent être informées de l’existence d’un autre dispositif, en l’occurrence la fouille par palpation manuelle, afin de pouvoir choisir, en toute connaissance de cause, entre ces deux méthodes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Les précisions que vous souhaitez apporter sont d’ordre organisationnel et de niveau réglementaire.
Les scanners corporels à ondes millimétriques sont des traitements de données personnelles. De ce fait, ils sont soumis au RGPD, qui prévoit la nécessité d’informer les personnes.
Il appartiendra donc à l’organisateur de prévoir cette information et de s’assurer que les personnes concernées ont bien émis un consentement réel. Cela d’autant plus que la commission des lois a renforcé l’obligation d’information s’agissant de l’existence de contrôles de substitution.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 29, présenté par M. Durain, Mme S. Robert, M. Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mmes de La Gontrie et Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
lequel, en cas de palpations, doit être effectué par une personne de même sexe que la personne qui en fait l’objet
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Le présent amendement vise à appliquer le droit en vigueur, tel qu’il figure à l’article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure, à l’usage des scanners corporels.
La commission des lois, et nous la remercions, a accepté de retenir le caractère exprès du consentement. Elle a d’ailleurs apporté d’autres garanties complémentaires.
Nous vous proposons de faire de même, lorsqu’une personne ayant refusé de passer par un scanner corporel est soumise à des palpations de sécurité, et que ces dernières puissent être assurées par un agent du même sexe.
On nous opposera que cette exigence est satisfaite, mais ce n’est pas expressément prévu dans le cas du recours à ce nouveau dispositif de sécurité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable ; M. Durain en a déjà détaillé l’explication.
Cette disposition est satisfaite. Il s’agit d’une précision inutile, puisqu’elle est déjà prévue à l’article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 est adopté.)
Après l’article 11 (priorité)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié ter est présenté par Mme Dumont, MM. Babary et Bacci, Mmes Bellurot, Belrhiti et Billon, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Bouloux, Brisson et Cardoux, Mmes Di Folco, Eustache-Brinio et Férat, M. Folliot, Mme Gatel, M. Genet, Mme Gruny, MM. Houpert, Klinger, D. Laurent et P. Martin, Mme M. Mercier, M. Mouiller, Mme Muller-Bronn, MM. Sol, Somon et Cadec et Mmes Joseph et Berthet.
L’amendement n° 46 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Requier et Roux, Mmes M. Carrère, Guillotin et Pantel et MM. Corbisez, Guiol et Guérini.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnels temporairement affectés à des missions de maintien ou de renforcement de la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024 retrouvent leur affectation antérieure à la période de l’événement une fois celui-ci achevé, au plus tard le 31 décembre 2024.
La parole est à M. Jean Bacci, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié ter.
M. Jean Bacci. Il s’agit d’un amendement dont Mme Françoise Dumont est la première signataire.
Chaque année, des compagnies de CRS maîtres-nageurs sauveteurs (CRS-MNS) sont déployées dans les communes littorales pour accompagner l’augmentation de la population de touristes se rendant en vacances à la mer.
Ces policiers viennent renforcer les effectifs locaux et permettent ainsi le maintien de l’ordre dans les communes concernées pendant la saison estivale.
Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que, durant la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, aucune compagnie de CRS-MNS ne serait affectée sur les plages françaises. Elles seront entièrement mobilisées pour assurer la sécurité des sites olympiques.
La sécurité des communes littorales sera donc particulièrement difficile à mettre en œuvre pendant l’été 2024. En outre, de nombreux élus s’inquiètent déjà de l’éventuelle pérennisation de cette disposition pour les années suivantes.
Il convient donc de borner le temps de mobilisation de ces policiers, à la seule période requise pour le bon déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 et de prévoir, comme le proposent les auteurs du présent amendement, qu’à l’issue des Jeux, ces personnels soient réaffectés selon le modèle habituel, dès que possible, et, au plus tard, le 31 décembre 2024.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 46 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement, que j’avais déposé en commission, a trait à un sujet que j’aborde de façon récurrente dans cet hémicycle : la sécurisation des plages de notre littoral.
Nous attendons 15 millions à 20 millions de touristes à Paris, ainsi que quelques millions de touristes français et étrangers sur nos plages. Vous disposez de soixante compagnies de CRS, chacune composée de quatre-vingts personnes, soit 4 800 CRS, que vous allez réquisitionner pour les jeux Olympiques.
Pour 2024, nous envisagions d’avoir 278 CRS-MNS, ce qui représente une goutte d’eau à l’échelle du dispositif prévu pour les jeux Olympiques, mais qui est d’une importance cruciale pour les communes du littoral, car ces personnels sauvent des vies. L’an dernier, 411 baigneurs ont ainsi pu être sauvés.
En Gironde, ce sont quarante-trois fonctionnaires répartis sur huit communes. Ces communes sont inquiètes. Par mon intermédiaire, les maires vous demandent a minima de maintenir ces effectifs sur nos plages girondines et, si cela est possible, sur l’ensemble du littoral ou, à tout le moins, de disposer de quelques personnels afin d’encadrer les jeunes MNS qu’il faudra recruter, ce qui ne sera pas une chose facile, car nous n’en avons pas tant que cela.
Sinon, pouvez-vous nous garantir que ces effectifs seront de retour dès 2025, dans le cadre d’un plan triennal ? En effet, voyant les effectifs baisser d’année en année, les élus craignent de ne jamais les revoir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Étant également élue d’une commune littorale, mais dont les plages sont certainement bien moins attractives que celles de la Gironde, car l’eau y est plus froide, je sais que la sécurisation des plages est un enjeu essentiel pour les maires, notamment pour favoriser l’attractivité touristique de leurs territoires.
Un peu plus tôt, le débat a porté sur les inquiétudes qui existent s’agissant des manifestations culturelles organisées concomitamment aux jeux Olympiques de 2024.
Des craintes et des inquiétudes existent aussi à propos de la sécurisation des plages. Néanmoins, il sera intéressant d’entendre le ministre de l’intérieur s’exprimer sur cette question et rassurer les élus locaux… ou pas.
Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, les amendements que vous défendez ne sont pas opérants.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je voudrais, par l’intermédiaire des sénateurs qui ont défendu ces amendements, rassurer les élus locaux, mais aussi Mme la rapporteure : il ne fait peut-être pas très beau sur les plages du Havre, mais il fait très beau à Bray-Dunes dans le Nord, n’hésitez pas à venir !
Mme Lana Tetuanui. Il fait trente-deux degrés en Polynésie !
M. Gérald Darmanin, ministre. Évidemment ! Nous avons beaucoup hésité entre organiser les épreuves de surf à Bray-Dunes, à Stella Plage ou en Polynésie. Finalement, nous avons eu pitié de la Polynésie française ! (Rires.) Nous serons très heureux d’organiser les jeux Olympiques en Polynésie, dans ce magnifique territoire de la République, madame la sénatrice.
S’agissant des effectifs de police et de gendarmerie que nous allons spécialement affecter pendant les jeux Olympiques, à Paris, en Île-de-France et dans les lieux accueillant des épreuves sportives, dans des territoires qui seront parfois très sollicités – je pense à Châteauroux par exemple où se dérouleront des épreuves très importantes ; je le dis à l’intention de Mme la sénatrice Bellurot –, comme il me semble l’avoir évoqué lors de la réunion présidée par MM. Buffet et Lafon, le ministère de l’intérieur réfléchit, et maintenant agit, selon trois grandes orientations.
La première consiste à mettre temporairement fin aux zones police et gendarmerie, pendant la durée des épreuves des jeux Olympiques et des jeux Paralympiques, et de réfléchir en termes non plus de zone spatiale, mais de mission.
Ainsi, prenons l’exemple de Châteauroux – il ne s’agit en aucune manière d’une annonce ! –, il serait tout à fait imaginable que les épreuves des jeux Olympiques relèvent de la compétence de la gendarmerie nationale, tandis que la sécurité des axes de transports et la lutte contre la délinquance seraient de celle de la police.
À Saint-Denis, il serait possible d’imaginer que les transports – la gare de Saint-Denis – soient tenus par la police nationale et que la piscine olympique relève de la gendarmerie.
Un chef, une mission, un territoire, alors que d’habitude une commune est soit en zone de police soit en zone de gendarmerie.
J’ai pris ces deux exemples, mais, je le répète, ce ne sont pas des annonces ; nous aurons l’occasion de les faire en temps voulu.
Évidemment, au lendemain des jeux Olympiques et Paralympiques, tout le monde « retrouvera ses petits ». Saint-Denis sera de nouveau en zone police et les communes, habituellement situées en zone gendarmerie, y resteront. Néanmoins, vous comprenez bien ce que j’essaie de faire, monsieur le sénateur.
Deuxième orientation, nous allons aussi affecter structurellement des effectifs de police ou de gendarmerie supplémentaires dans certains territoires. Ainsi, à Paris, la préfecture de police connaîtra une augmentation d’effectifs sans précédent : rien qu’en 2023 et pour le début de l’année 2024, ce sont 1 000 policiers supplémentaires, dont 300 d’ailleurs seront affectés en plus dans les services de transport, et des unités de forces mobiles qui feront, à demeure, de la lutte contre la délinquance à Paris.
C’est un héritage pour Paris. Jamais Paris n’aura eu autant de policiers, pendant et après les jeux Olympiques ; je les laisserai à Paris, qui structurellement manque de policiers, depuis au moins quarante ans.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je l’ai toujours dit !
Paris et la première couronne parisienne, à savoir la zone de compétence de la préfecture de police (PP) comptent 40 % des violences dans les transports en commun commises dans toute la France et un quart de la délinquance de toute la France.
Il est tout à fait exact qu’il manque structurellement des policiers à Paris, comme dans les trois départements de la petite couronne.
Ces effectifs supplémentaires sont donc un héritage ; ceux-là ne reviendront pas. Toutefois, j’aurais pris cette mesure en tout état de cause, j’accélère simplement sa mise en œuvre en raison de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques.
Troisième orientation, l’ensemble des policiers et des gendarmes affectés temporairement à Paris, en petite couronne ou dans d’autres lieux, par exemple à Lille, à Lyon ou à Châteauroux, retrouveront évidemment leur affectation d’origine, monsieur le sénateur.
Nonobstant l’augmentation structurelle des policiers à Paris – que nous aurions dû faire –, je veux bien émettre un avis favorable sur votre amendement dans le but de rassurer les policiers et les gendarmes – si ce n’était pas déjà le cas – et pour leur dire que, une fois les événements olympiques et paralympiques terminés, chacun retournera dans sa « chacunière » et qu’ils viendront renforcer les effectifs de vos circonscriptions respectives. En cela, je comprends parfaitement votre demande.
Les modifications dans la répartition des zones, monsieur le sénateur, ne valent pas uniquement pour les lieux olympiques. Ainsi, dans un département comme celui du Calvados – de nouveau, il ne s’agit pas d’une annonce –, qui compte quelques zones de police plus petites, à l’exclusion de celle de Caen, la gendarmerie pourrait prendre en charge ces petites zones, pendant les trois mois où les policiers seraient envoyés en renfort à Caen ou en Île-de-France – sous réserve d’en discuter avec les organisations syndicales et avec les policiers. On pense évidemment aux zones côtières ou à la zone de Lisieux par exemple. À l’issue des jeux Paralympiques, on reviendrait en zone police, puisqu’aucune annonce ne sera faite en ce sens ; je ne suis pas favorable aux changements de zones.
Je le répète afin de ne pas figurer dans la presse locale de demain : ce ne sont pas des annonces, ni pour le Calvados, ni pour Saint-Denis, ni pour Châteauroux.
Pour répondre à la question de Mme Delattre sur les CRS maîtres-nageurs sauveteurs, je rappellerai tout d’abord que je suis le ministre qui les a rétablis.
Depuis deux ans, des CRS maîtres-nageurs sauveteurs se trouvent sur les plages de France et sont mis à la disposition des communes par l’État, sans leur demander quoi que ce soit en retour. Je le dis sans aucune provocation à l’égard des représentants des collectivités locales, ayant moi-même été maire.
Cette activité est très importante pour les CRS, car elle permet d’établir un autre type de rapport entre la police et la population. Elle est aussi très importante pour des communes balnéaires comme les vôtres, qui ont besoin d’un renforcement de la présence policière.
J’ai écrit à tous les maires pour leur indiquer que, en 2023, nous maintenions ces moyens ; je les ai même renforcés, car une augmentation d’effectifs sur les plages a eu lieu. Ils seront évidemment de retour en 2025.
En 2024, je ne peux pas, en conscience, alors qu’il s’agit d’événements ayant lieu, je le rappelle, une fois par siècle, affecter des CRS, dont la spécialité est l’ordre public et l’organisation de grands événements, sur les plages de France – ne serait-ce que 300, 400, 500 ou encore 600 d’entre eux.
Madame la sénatrice, comme je vais essayer de vous le démontrer, il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle. Pendant un an, de la Coupe du monde de rugby à la fin des jeux Paralympiques, les CRS et les gendarmes mobiles seront excessivement sollicités et ne bénéficieront quasiment d’aucun jour de congé. Or ils doivent pouvoir retrouver leur famille, se reposer, suivre des formations.
En outre, il me semble impossible d’oublier, qu’en outre-mer, les gendarmes mobiles sont extrêmement utilisés – et peut-être demain les CRS – : en Guyane et aux Antilles ; en Nouvelle-Calédonie, qui va connaître des moments pendant lesquels nous devrons faire attention ; en Polynésie, où nous allons sans doute envoyer des UFM pour les épreuves de surf et dont les élections territoriales approchent, madame la sénatrice (Mme Lana Tetuanui acquiesce.) ; à Mayotte, dont vous connaissez la situation sur le plan de la sécurité.
Il ne faut pas penser qu’il s’agit d’un jeu à somme nulle en métropole, l’outre-mer doit également être pris en compte.
Ce serait véritablement mal utiliser les policiers et les gendarmes, dont la spécialité est le maintien de l’ordre public, que de ne pas les affecter à cette tâche. Or les CRS des plages réalisent un travail très important, mais qui ne relève pas du maintien de l’ordre public.
J’ai indiqué aux élus – je les ai prévenus un an et demi avant – que nous avions le temps d’imaginer des solutions. Ainsi, des policiers et des gendarmes – je pense aux pelotons de surveillance et d’intervention de la Gendarmerie nationale (PSIG) par exemple, mais ce pourrait être également d’autres types de policiers – pourraient assurer une partie, peut-être pas tout, du travail de présence sur les plages. Pourquoi pas ?
Ce ne seront pas des gendarmes mobiles ou des CRS, mais des personnels de la sécurité publique, de la brigade anti-criminalité (BAC) ou des PSIG, qui pourraient venir aider les collectivités locales.
Madame la sénatrice, il est vrai que, en 2024, nous allons tous devoir faire un petit effort. Il ne s’agit pas que les jeux Olympiques de Paris concentrent tous les moyens ; ils seront bien répartis, c’est un souci partagé par la ministre des sports et moi-même.
J’aurai l’occasion de le dire de nouveau à l’ensemble des élus du littoral, lorsque je les inviterai place Beauvau en septembre prochain, si je suis encore en responsabilité. Nous aurons alors des discussions franches afin de voir comment mettre en place d’autres dispositifs.
Je n’émets donc pas un avis favorable sur votre amendement. En revanche, dès 2025, ces effectifs seront de retour. Je l’écrirai aux maires de France en septembre prochain, lorsque la saison 2023 sera passée.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié ter et 46 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 30, présenté par Mmes de La Gontrie et S. Robert, MM. Durain et Lozach, Mme Féret, M. Kanner, Mme Lubin, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mmes Van Heghe et Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport examinant les surcoûts identifiables et spécifiques pour les collectivités locales ainsi que pour les organisateurs des manifestations sportives, récréatives et culturelles lorsque ces derniers recourent aux dispositifs de sécurité mentionnés aux articles 7 et 11 qui sont relatifs respectivement à l’utilisation de traitements algorithmiques sur les images captées par des dispositifs de vidéoprotection ou des aéronefs afin de détecter et signaler en temps réel des événements prédéterminés susceptibles de menacer la sécurité des personnes et la possibilité de mettre en place des scanners corporels à l’entrée des enceintes dans lesquelles est organisée une manifestation sportive, récréative ou culturelle rassemblant plus de 300 spectateurs.
Ce rapport examinera également les modalités de compensation ou d’accompagnement financières d’intervention pérennes destinées aux collectivités locales ainsi qu’aux organisateurs des manifestations sportives, récréatives et culturelles lorsque l’emploi du traitement algorithmique et la mise en place de scanners corporels sont autorisés à l’initiative du représentant de l’État dans le département ou à Paris, du préfet de police, afin de leur permettre de supporter les charges financières relatives à l’usage ou à l’acquisition de ces dispositifs de sécurité.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Par cet amendement, nous souhaitons alerter le Gouvernement sur la préoccupation des élus locaux et des organisateurs des grandes manifestations sportives, récréatives et culturelles s’agissant des coûts supplémentaires qu’entraînera la sécurisation de leurs installations.
Le projet de loi comprend, en effet, deux mesures prévoyant le déploiement des caméras augmentées et l’installation de scanners corporels.
S’agissant des collectivités locales, le nouveau dispositif constitué par les caméras augmentées aura un impact économique et financier pour les communes qui expérimenteront le recours aux traitements envisagés.
S’agissant des scanners corporels, et même si la commission des lois a précisé qu’ils ne pourront pas être imposés aux organisateurs, les coûts d’acquisition et de fonctionnement de ces appareils seront à la charge des gestionnaires d’enceintes accueillant des manifestations sportives, récréatives ou culturelles rassemblant plus de 300 spectateurs. Ils entraîneront ainsi une charge d’amortissement à moyen et long termes.
Le service d’ordre au sein même du lieu où se déroule la manifestation et le remboursement à l’État des dépenses supplémentaires occasionnées par l’intervention des forces de police et de gendarmerie aux abords de la manifestation représentent déjà des charges considérables.
Ni l’exposé des motifs du projet de loi ni son étude d’impact ne détaillent les conséquences financières consécutives aux nouvelles obligations de sécurité envisagées dans ce projet de loi.
Dans ces conditions, le Gouvernement doit nous dire s’il a estimé le coût de la sécurisation des Jeux et comment il compte accompagner financièrement les collectivités, ainsi que les organisateurs intéressés, lorsque ces derniers recourront aux caméras augmentées et aux scanners corporels.
Mme la présidente. L’amendement n° 67, présenté par MM. Benarroche, Dossus, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juin 2025, un rapport sur les coûts et les modalités de compensation pour les collectivités territoriales relatifs à la mise en place du nouveau système de traitement algorithmique sur les images captées par des dispositifs de vidéoprotection ou des aéronefs.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement va dans le même sens et a pour objet de demander une évaluation du coût, pour les collectivités territoriales, que représente la mise en place des caméras augmentées dans les communes qui procéderont à l’expérimentation.
La Cour des comptes, dans son rapport sur l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, transmis au Parlement au mois de janvier, a alerté sur l’équilibre budgétaire de l’organisation des Jeux et sur les coûts supportés par les collectivités territoriales.
L’État n’a pas pris en compte les conséquences économiques du recours à ces nouvelles caméras pour les communes qui les expérimentent ni les effets liés à leur éventuelle pérennisation.
Aussi, l’étude d’impact du projet de loi, qui n’est pas détaillée, ne permet guère de supposer le coût réel de ce nouveau système.
Nous proposons donc au Gouvernement d’établir un rapport sur ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Le Sénat est traditionnellement défavorable aux demandes de rapport ; nous ne romprons pas avec cette habitude.
Pour être tout à fait claire, l’amendement n° 30 vise à demander la remise de deux rapports, l’un sur l’article 7 relatif à la vidéoprotection intelligente, l’autre sur l’article 11 portant sur les scanners corporels.
L’amendement n° 67, quant à lui, a pour objet de demander un rapport sur l’article 7 uniquement.
Or un rapport sera déjà établi en matière de vidéoprotection, conformément aux dispositions de l’expérimentation prévue dans ce projet de loi, et traitera de l’ensemble du dispositif.
Nous pensons que le sujet des scanners corporels sera pris en compte dans le rapport demandé par nos collègues de la commission de la culture à la Cour des comptes sur le coût global et l’organisation des jeux Olympiques.
Mes chers collègues, vos amendements ont toutefois le mérite de poser la question fondamentale des enjeux financiers pour les collectivités territoriales, qui s’inquiètent beaucoup du coût et des charges résultant de la mise en œuvre de tels dispositifs.
Je souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne peux mieux dire que Mme la rapporteure. La Cour des comptes contrôle à l’euro près les dépenses du ministère de l’intérieur, dans le cadre de ses travaux sur les coûts de l’organisation générale des jeux Olympiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez accordé via la Lopmi quelque 200 millions d’euros de crédits au ministère de l’intérieur, qui sont spécifiquement consacrés à la sécurité des jeux Olympiques. Sur ce point, nous tenons à la disposition des commissions l’ensemble des documents qui en rendent compte. Au reste, nous devons chaque année, et plus particulièrement à la fin des exercices budgétaires de 2023 et de 2024, présenter l’ensemble des actions qui nous concernent.
Je ne vois pas en quoi ces rapports amélioreraient notre information, mais si vous avez des questions précises à ce sujet, je me tiens à votre disposition pour y répondre, comme d’habitude.
Ainsi que l’a dit Mme la rapporteure, les dépenses liées à l’utilisation de vidéoprotections algorithmiques incombent aux collectivités territoriales, puisque ces caméras relèvent de leurs compétences, à l’exception de celles de la préfecture de police, même si une partie de son budget dépend d’une contribution de la Ville de Paris, pour des raisons anciennes que certains d’entre vous connaissent bien.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Au travers de ce débat, il est attendu, à mon sens, que le Gouvernement nous donne des précisions sur le mode de financement et donc de facturation de certains services.
L’article 7 tend en effet à instaurer un nouveau dispositif de sécurité, qui s’applique non seulement aux jeux Olympiques – vous avez évoqué le budget spécifique du ministère de l’intérieur –, mais également aux manifestations culturelles ou récréatives.
Cela étant posé, les collectivités locales organisatrices ou les organisateurs de spectacles ont manifesté leur inquiétude au sujet d’une nouvelle norme relative à la mise en sécurité des événements qui pourrait leur être imposée et conditionnerait, par exemple, l’autorisation préfectorale de telle ou telle manifestation. Ce point a été abordé lors des auditions que nous avons effectuées au sein de la commission.
Aussi, il me semble très important que, dans cet hémicycle, le Gouvernement dise précisément si ces dispositions sécuritaires pourront ou non être imposées par le préfet préalablement à la délivrance de l’autorisation d’une manifestation culturelle, qu’elle soit organisée par une association ou par une collectivité. En toute hypothèse, qui supportera la charge financière ?
L’article 40 de la Constitution nous a contraints à user du détour d’une demande de rapport ; si nous avions pu nous en passer, nous aurions clairement évoqué la notion de charge.
Le monde culturel et les collectivités s’inquiètent d’une telle difficulté, c’est un point important.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. J’appuierai précisément le propos de Mme de La Gontrie ; c’est un point que j’avais soulevé au cours des auditions de la commission des lois, et j’ai d’ailleurs été interrogé, à l’instar de beaucoup d’entre nous, j’imagine, sur ce sujet par nombre de collectivités territoriales, mais également par des organisateurs de manifestations culturelles et récréatives – c’est un milieu que je connais depuis longtemps.
Aussi, je vous l’assure, il existe un véritable problème, que Mme de La Gontrie a posé avec exactitude. Nous pensons qu’un certain nombre de contrôles supplémentaires, actuellement prévus dans le projet de loi, s’appliqueront en dehors des jeux Olympiques. Le risque est qu’ils deviennent pérennes ! Or, s’ils s’appliquent pour d’autres manifestations que les jeux Olympiques, certains craignent d’être obligés de les mettre en place pour qu’on leur accorde l’autorisation administrative d’organiser un certain nombre d’événements…
Nous comprenons très bien que, dans le cas des jeux Olympiques, ces dispositifs relèvent du financement de l’État, mais la question se pose en dehors des Jeux.
Nous souhaitons donc avoir quelques éclaircissements, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je tiens à vous répondre pour que personne ne soit frustré, mais j’ai tout de même du mal à comprendre votre démonstration.
Personne n’oblige une collectivité à avoir des caméras de vidéoprotection pour organiser un événement, aussi important soit-il.
M. Michel Savin. Évidemment !
M. Gérald Darmanin, ministre. Autrement, cela ferait bien longtemps que nous n’aurions plus autorisé la braderie de Lille, ou tel autre festival dans les villes qui n’avaient pas assez de caméras de vidéoprotection. Et c’est heureux ainsi ! D’ailleurs, si le préfet l’avait fait à l’époque, ou s’il le fait demain, il serait sans doute traîné devant le tribunal administratif pour abus de pouvoir…
Il n’est écrit nulle part dans ce texte que nous pourrions conditionner des événements sportifs, ou culturels, pour ceux que vous avez évoqués, madame de La Gontrie, à l’utilisation de l’intelligence artificielle par une quelconque caméra.
L’intelligence artificielle est un moyen supplémentaire donné aux trois catégories d’organismes autorisés à utiliser des caméras de vidéoprotection. C’est, en premier lieu, le cas de l’État, et plus particulièrement la préfecture de police. Aussi, à Paris, c’est l’État qui payera l’intégralité des dépenses relatives à l’installation des caméras, vous le savez bien, indépendamment du recours à l’intelligence artificielle.
Ce sont, en deuxième lieu, les collectivités locales, en dehors de Paris. Ces dernières pourront donc choisir d’installer des caméras, et le cas échéant, d’y intégrer l’intelligence artificielle, y compris pendant les jeux Olympiques et Paralympiques.
Cela relève de leurs compétences, ce sont donc elles qui payeront, même si l’État peut abonder, ainsi qu’il le fait déjà avec le Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR). C’est d’ailleurs pourquoi vous avez multiplié ses crédits par trois, en vue notamment de l’année olympique, afin d’assurer l’achat des différents logiciels d’intelligence artificielle qui s’appliqueraient à ces caméras, mesdames, messieurs les sénateurs. Par exemple, nous avons octroyé, à la demande du maire, 1 million d’euros pour les caméras de vidéoprotection de la ville de Saint-Denis, qui ne dépend pas de la préfecture de police.
Si le maire de Saint-Denis n’y voit pas d’inconvénient, et souhaite installer l’intelligence artificielle dans ses caméras, nous l’accompagnerons financièrement bien sûr, mais il est évident qu’il prendra en charge une partie de cette dépense.
Je rappelle que, à Marseille, l’État finance près de 80 % – j’insiste sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, car vous avez géré des collectivités locales – des installations de caméras de vidéoprotection.
En troisième lieu, ce sont les organismes du type de la RATP et de la SNCF – nous en avons parlé brièvement précédemment –, dont vous avez manifestement accepté, au travers d’un vote majoritaire de cette assemblée, qu’ils puissent recourir aux solutions fondées sur l’intelligence artificielle. Aussi, il leur appartient bien sûr d’y recourir ou non, dans des conditions encadrées par le préfet.
Ces organismes dépenseront évidemment l’argent consacré à la sécurité dans les transports. De notre côté, nous souhaitons que et la RATP et la SNCF utilisent cette technologie – je le dis devant le ministre délégué chargé des transports.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et pour les festivals ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame de La Gontrie, nulle part il n’est écrit que nous exigerions quoi que ce soit pour organiser un festival…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. … et cela n’a jamais été le cas. Si cette logique prévalait au sein de l’État, non seulement elle nous aurait valu une censure de la part du juge administratif, mais surtout, elle aurait déjà empêché un certain nombre de personnes d’organiser d’énormes festivals, manifestations sportives ou rencontres festives en l’absence de caméras de vidéoprotection.
Nous ne l’avons jamais exigé de n’importe quelle collectivité, pas même de celles à qui nous recommandions tous les jours d’installer des caméras de vidéoprotection…
D’ailleurs, je constate que nombre d’élus qui auparavant ne souhaitaient pas la vidéoprotection l’installent désormais. C’est une très bonne chose, à mon avis, surtout lorsque cela s’inscrit dans le cadre que nous avons défini – cela répond, je crois, aux amendements déposés par M. Durain sur les algorithmes.
Mme la présidente. Nous revenons au cours normal de la discussion du texte de la commission.
Article 8
Au I de l’article L. 2251-4-2 du code des transports, les mots : « relevant respectivement de leur compétence » sont remplacés par les mots : « ou leurs abords immédiats ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, sur l’article.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Maillons clés de la chaîne des transports durant les Jeux, les plateformes aéroportuaires parisiennes ont été désignées comme portes d’entrée officielles des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 par le Comité international olympique. Aussi, il convient d’y assurer le meilleur niveau de sécurité et d’y offrir une qualité de service optimale.
J’avais déposé un amendement, cosigné par soixante collègues, visant à instaurer un article additionnel à l’article 8, afin de mieux garantir la sécurité, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution, malheureusement.
Je l’évoque de nouveau, car la question de la gestion des bagages suspects est un sujet clé de la lutte contre la menace terroriste, notamment en période de forte affluence, ce qui sera tout particulièrement le cas lors des grands événements internationaux à venir, à l’instar des jeux Olympiques.
Plusieurs fois par jour, dans les aéroports, les services de l’État sont mobilisés pour détecter des bagages, identifier leur caractère suspect et les neutraliser. Ainsi, autoriser l’intervention des équipes cynotechniques des aéroports, qui sont uniquement chargées de mettre en évidence un risque, avant de faire appel aux services de déminage, qui sont les seuls compétents pour lever le doute sur un bagage suspect, permettrait de gagner considérablement en fluidité dans les aérogares, tout en évitant le recours systématique aux services de la sécurité civile. Cela permettrait également de renforcer encore plus la qualité du service rendu aux voyageurs, sans amoindrir leur sécurité.
Les dispositions de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités ont reconnu cette faculté à la SNCF et à la RATP, en modifiant le code des transports. Aussi souhaitions-nous, en toute logique, étendre cette possibilité accordée à la SNCF et à la RATP, aux gestionnaires des aéroports, à Aéroports de Paris (ADP) notamment, qui accueillera un très grand nombre de visiteurs.
Je regrette donc que cette possibilité n’ait pas été intégrée au dispositif, et je tiens à attirer votre attention, monsieur le ministre, sur ce point important, notamment pour ADP.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la sénatrice, vous venez de soulever un point qui nous préoccupe. Le renforcement de l’ensemble de nos dispositifs, notamment le recours au binôme maître et chien dans nos aéroports, est en effet très important.
Comme vous le savez, le ministre de l’intérieur, qui vient de partir, avait défendu en 2021 la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, qui a instauré un certain nombre de mesures.
Selon la lecture que nous faisons de ce texte, même si sa rédaction peut être clarifiée – c’est, je crois, votre intention, madame la sénatrice –, il nous est légalement possible d’intervenir par décret en la matière, y compris dans les aéroports de Paris ; un tel décret est d’ailleurs en cours de préparation.
Aussi, je propose que dans la suite de la discussion, en allant plus loin que les dispositions relatives au présent projet de loi, nous décidions des mesures qui s’avéreraient nécessaires. Nous visons le même objectif, et il nous semble possible de l’atteindre au sein du cadre législatif actuel. Si tel n’est pas le cas, nous aurons à prendre très rapidement des dispositions en ce sens.
J’ai de nouveau eu l’occasion de me rendre récemment dans les plateformes aéroportuaires parisiennes, où j’ai pu constater que nous avions besoin de renforcer nos dispositifs cynophiles, même si des difficultés de recrutement se posent par ailleurs.
Mme la présidente. L’amendement n° 48, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, je vous fais simplement part d’un regret. Il aurait été intéressant, à mon avis, de discuter du problème des transports de substitution, car l’État est défaillant en matière de livraison des lignes de transport, ce qui va à l’encontre de ses engagements. C’est un sujet très préoccupant pour les élus de la région parisienne, et je regrette que nous n’ayons pu en débattre.
Venons-en à l’article 8. J’ai eu du mal à comprendre de quoi il retournait, mais vous allez nous aider, monsieur le ministre.
Aujourd’hui, l’article L. 2251-4-2 du code des transports permet aux agents de la SNCF et de la RATP d’analyser les images sous l’autorité des forces de police, bien évidemment, transmises depuis les véhicules et les emprises immobilières de leurs entreprises respectives – jusque-là, c’est clair.
Or vous ajoutez, dans ce texte, « ou leurs abords immédiats ». Les abords immédiats d’une emprise immobilière, je comprends ce que cela signifie, mais les abords immédiats d’un véhicule, c’est extrêmement vague…
Aussi, nous souhaiterions des précisions, parce que, si nous lisons le texte tel quel, nous avons l’impression que les agents de la SNCF et de la RATP ont une compétence territoriale absolue sur l’ensemble de la région parisienne !
Nous aimerions donc comprendre le sens exact de votre ajout relatif aux abords immédiats des véhicules.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article 8, nous émettons donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Clément Beaune, ministre délégué. Sans prolonger le suspense, j’émettrai le même avis que Mme la rapporteure, mais je répondrai tout de même à la question.
Nous avons créé, voilà maintenant six mois, un Centre de coordination opérationnelle de sécurité (CCOS), qui a vocation à rassembler sous l’autorité du préfet de police quantité d’acteurs, qui seront encore plus nombreux lors des grands événements internationaux, tels que la Coupe du monde de rugby, à l’évidence, et au moment des jeux Olympiques et Paralympiques de l’été 2024, puisque c’est avant tout de cela qu’il s’agit.
Nous avons constaté, au moment des événements regrettables du Stade de France, qu’il y avait encore un certain nombre de types d’images que les agents des opérateurs publics de transport, la RATP et la SNCF, qui sont présents dans ce centre opérationnel – il vise justement à faire de la coordination – ne peuvent pas regarder, pour des raisons administratives quelque peu absurdes, soyons honnêtes.
Ainsi, ces derniers sont censés ne pas visualiser un certain nombre d’images de sécurité, alors que les autres agents présents dans la même salle peuvent, eux, les regarder !
Il nous a donc semblé nécessaire, au moyen de cet article – c’est pour cela que je souhaiterais qu’il soit maintenu –, d’élargir les modalités de participation des agents du Centre de coordination opérationnelle de sécurité, qui est placé sous l’autorité du préfet de police, je le rappelle. Nous ne changeons ni sa composition ni sa mission, nous garantissons simplement cette facilité de bon sens, me semble-t-il, afin que ce centre fonctionne, notamment au moment des jeux Olympiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, pourquoi ne l’avez-vous pas écrit ainsi ? (Sourires.) Votre propos est plus clair, et je comprends mieux maintenant de quoi il s’agit.
Sincèrement, votre rédaction est difficilement compréhensible, alors même que votre objectif est, lui, bien plus clair. Vous avez ajouté un bout de la phrase ; je pense qu’il aurait fallu rédiger complètement l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué. Je ne prolongerai pas inutilement le débat, mais je tiens à dire que, si la rédaction de l’article peut être clarifiée, je suis tout à fait prêt à l’envisager au cours de la navette parlementaire.
Je tenais à être clair sur l’objet du texte, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Monsieur Ouzoulias, l’amendement n° 48 est-il maintenu ?
M. Pierre Ouzoulias. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 48 est retiré.
L’amendement n° 66, présenté par MM. Benarroche, Dossus, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – À compter du 1er juillet jusqu’au 15 septembre 2024, afin de garantir la sécurité des événements liés aux jeux Olympiques et Paralympiques, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens mentionnés à l’article L. 2251-1 du code des transports peuvent, lorsqu’ils sont affectés au sein de salles d’information et de commandement relevant de l’État et sous l’autorité et en présence des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale, visionner les images des systèmes de vidéoprotection transmises en temps réel dans ces salles depuis les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs ou leurs abords immédiats, aux seules fins de faciliter la coordination avec ces derniers lors des interventions de leurs services au sein desdits véhicules et emprises.
II. – Afin de visionner les images dans les conditions prévues au I, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens doivent être individuellement désignés et dûment habilités par le représentant de l’État dans le département.
III. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. Ce dernier précise les conditions d’exercice des agents affectés au sein de la salle de commandement, ainsi que les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données à caractère personnel auxquelles ils doivent satisfaire pour être habilités. Il précise également les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire un résumé très succinct de notre discussion, puisque vous venez de nous rejoindre.
Certains de mes collègues et moi-même avons un petit dada : voilà un moment que nous étudions un projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques ; nous nous sommes un peu renseignés… (Sourires.) Et nous nous sommes rendu compte en examinant les dates, que nombre d’articles ne correspondaient pas à la période des Jeux, ou que ce ne sont pas les bonnes dates !
Aussi, nous nous posons des questions, nous vous en posons également, ainsi qu’aux rapporteurs, afin que nous puissions obtenir quelques réponses, mais ce n’est pas toujours le cas.
L’objet du présent amendement est dans ce même esprit. L’article 8, tel qu’il est présenté dans le projet de loi, tend à élargir les possibilités de visionnage des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP aux abords des emprises immobilières et des véhicules – mes collègues viennent d’aborder ce point, et vous l’avez éclairci.
Nous sommes d’accord avec cet article, surtout après vos précisions, mais pourquoi ne pas le circonscrire dans le temps pour que ses dispositions soient applicables seulement durant la période des jeux Olympiques et Paralympiques ? Ce texte relatif à leur organisation ne doit pas servir, à notre avis, de prétexte à l’inscription dans le droit commun de mesures de nature exceptionnelle, qui sont liées à un événement d’ampleur.
Par ailleurs, la Cnil – ce n’est pas la première fois que je la cite – a révélé que « la possibilité offerte à ces agents de visualiser davantage d’images des systèmes de vidéoprotection transmises en temps réel ne doit pas conduire à étendre leurs compétences telles qu’elles sont définies par les textes, ou à leur permettre d’utiliser les images transmises à d’autres fins que celles qui sont prévues ».
En l’absence de toutes ces garanties de temps et d’utilisation, il nous semble pertinent d’inscrire dans le projet de loi qu’il ne faut pas pérenniser cette autorisation de visionnage des agents, en dehors de la période des jeux Olympiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il est défavorable. Certes, l’amendement ne vise pas à supprimer le dispositif, mais à l’encadrer de façon stricte dans le temps.
Cependant, nous savons bien que la coordination du visionnage des images au sein du CCOS est nécessaire pour assurer la sécurisation des jeux Olympiques, mais également en dehors et au-delà, comme en témoigne la finale de la Ligue des champions au Stade de France.
Nous pensons donc que cette mesure est utile, d’autant plus que nombre de garanties ont été introduites dans le projet de loi afin d’en assurer la constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel, nous le savons, est extrêmement vigilant sur ce point ; voilà pourquoi nous l’avons « bordée ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Clément Beaune, ministre délégué. Même avis que Mme la rapporteure, avec le même raisonnement et les mêmes arguments.
J’ai entendu plusieurs remarques en ce sens, depuis que je suis arrivé dans l’hémicycle.
Il nous semble que cette disposition de complément, et de bon sens pour que le CCOS fonctionne bien, comme je l’ai dit à M. Ouzoulias, est directement liée aux jeux Olympiques et Paralympiques. Il est impensable de rater, à cause d’une mauvaise coordination opérationnelle, l’organisation d’un événement d’une telle ampleur.
Cette disposition, qui comble un manque actuel, doit durer après ce grand événement international. C’est pourquoi, sur ce dispositif précis, nous n’avons en effet pas posé de limite temporelle ; Mme la rapporteure a indiqué cette même raison, et je la confirme.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Je ferai brièvement remarquer un point. Ma collègue Marie-Pierre de La Gontrie s’est exprimée précédemment, à propos du transport, sur une forme de privatisation des transports parisiens, qui aurait des effets pendant les JO et au-delà, pour reprendre le terme de Mme la rapporteure.
Pourtant nous n’avons pas pu en débattre dans l’hémicycle. L’avis de Mme la rapporteure me laisse donc perplexe…
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Mon intervention va dans le même sens que celle de mon collègue : je suis surpris par la géométrie variable des décisions qui sont prises.
Certaines fois nous abordons un sujet en établissant un lien avec les jeux Olympiques, mais il ne faudrait surtout pas le faire, car ce serait parler d’autre chose. D’autres fois, comme sur ce sujet, on nous dit que c’est la bonne occasion pour changer la loi dès maintenant, y compris pour une application qui se poursuivra après les JO !
Nous sommes un peu déboussolés. Je pense qu’il faudrait changer le titre de la loi – nous avons essayé de le faire en commission –, et je crois que mon collègue Thomas Dossus le proposera tout à l’heure. Sinon, il y a la loi et son cavalier… on ne sait plus !
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Mes chers collègues, le périmètre de la recevabilité au titre de l’article 45 de la Constitution a été très précisément défini : nous avons fixé des contours précis, mais larges, eu égard à la diversité des mesures proposées dans ce texte.
La vidéoprotection, c’est un sujet essentiel, qui est abordé dans le texte, sous les angles de la vidéoprotection intelligente, de la mise en conformité avec le RGPD – nous en avons parlé à l’article 6 – et du visionnage des images par le CCOS.
Tout cela relève de la même logique, celle du traitement des images issues des caméras de vidéoprotection ou des aéronefs.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Articles 9, 10 et 11 (précédemment examinés)
Mme la présidente. Je rappelle que les articles 9, 10 et 11 ont été précédemment examinés.
Après l’article 11 (précédemment examiné)
Mme la présidente. Je rappelle que les amendements portant article additionnel après l’article 11 ont été précédemment examinés.
Nous abordons l’examen de l’article 18, appelé en priorité.
Article 18 (priorité)
I. – Aux fins de contribuer, notamment pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, à l’accessibilité des transports publics particuliers aux personnes en fauteuil roulant, le préfet de police de Paris peut, dans sa zone de compétence et jusqu’au 31 décembre 2024, délivrer à titre expérimental, par dérogation à l’article L. 3121-5 du code des transports, des autorisations de stationnement mentionnées à l’article L. 3121-1 du même code à des personnes exploitant des taxis.
Ces autorisations ne peuvent être délivrées qu’à des personnes titulaires d’une carte professionnelle en cours de validité, délivrée par le préfet de police de Paris, ou des personnes morales titulaires d’au moins une autorisation de stationnement exploitée dans la zone de compétence du préfet de police de Paris. Elles ne peuvent être exploitées qu’avec des taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Elles sont incessibles et ont une durée de validité de cinq ans à compter de la date de leur délivrance.
Les conditions et modalités d’attribution de ces autorisations sont définies par décret en Conseil d’État. Les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3121-5 dudit code ne leur sont pas applicables.
II. – Par dérogation au I de l’article L. 3121-1-2 du code des transports, l’exploitation des autorisations de stationnement délivrées en application du I du présent article peut être assurée par des salariés ou par un locataire gérant auquel la location d’une autorisation et d’un taxi accessible aux personnes en fauteuil roulant a été concédée dans les conditions prévues aux articles L. 144-1 à L. 144-13 du code de commerce, le montant du loyer étant fixé en cohérence avec les coûts ou les charges supportés par chacune des parties.
III. – Au plus tard le 30 juin 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer notamment l’opportunité de sa pérennisation et de son extension en dehors de la zone de compétence du préfet de police de Paris.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. À l’instar de notre collègue Eustache-Brinio, dont je m’inspire, j’évoquerai des amendements dont nous aurions aimé débattre dans cet hémicycle, mais qui ont malheureusement été refusés au titre de l’article 45 de la Constitution.
Profitant de la présence du ministre délégué chargé des transports sur un sujet qui donc doit concerner les transports – j’imagine –, j’aimerais évoquer un point, sur lequel la position du Gouvernement est importante. (M. Philippe Mouiller s’impatiente.) Si vous m’écoutez bien, vous verrez qu’il s’agit d’un véritable sujet.
M. Philippe Mouiller. Ce n’est pas le sujet !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Dites-le à votre collègue Eustache-Brinio !
Monsieur le ministre, vous le savez fort bien, à compter du 1er janvier 2025, nous devrons ouvrir à la concurrence le réseau de bus en Île-de-France, c’est-à-dire à Paris intra-muros et dans l’ensemble de la région.
Vous avez été saisi par deux cent cinquante élus d’Île-de-France de ce problème, lié aux jeux Olympiques, posé par cette mise en concurrence, car il y aura un morcellement en douze lots du réseau de transport, et des besoins de reprise des équipements de la RATP. Ce très lourd processus aura nécessairement des effets sur le calendrier et le bon déroulement des JO.
J’ai suivi avec attention vos déclarations, et j’ai noté que vous étiez ouvert à un éventuel report si cela était demandé.
Cependant, j’aimerais que vous puissiez préciser ce soir – je regrette de faire perdre du temps aux collègues qui s’impatientent –, si vous allez faire en sorte que le réseau de transports publics en Île-de-France fonctionne le mieux possible pendant les JO, ou si vous allez maintenir cette date du 1er janvier 2025, qui risque de causer un certain désordre dans cette organisation.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué. Je ne voudrais pas éluder ce sujet important, même si j’ai conscience que les amendements qui vont suivre le sont tout autant. Je dirai donc un mot sur la logique qui préside aux amendements portant sur les véhicules pour les personnes à mobilité réduite, mais avant cela je répondrai à Mme de La Gontrie.
Madame la sénatrice, le sujet dont vous parlez n’est pas directement lié aux jeux Olympiques – je tiens à le préciser. Vous avez en effet interpellé le Gouvernement – la Première ministre et moi-même –, sur le bon fonctionnement, ou non, du service public des transports en Île-de-France. Or cette question se pose indépendamment de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques.
Je serai synthétique et clair – du moins je l’espère : en 2009 a été votée la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports. Son objet était précisément d’ouvrir progressivement et conformément aux textes européens à la concurrence les transports publics d’Île-de-France et d’ailleurs.
Cette loi, vieille de quatorze ans maintenant, a fait ensuite l’objet d’une discussion avec les autorités européennes – tout part de cet accord –, qui date de 2013. Ainsi, cette loi et l’accord de 2013, qui résultent de décisions prises, vous l’aurez noté, madame la sénatrice, sous deux majorités politiques différentes, n’ont jamais été remis en cause.
Madame la sénatrice, je vous remercie d’ailleurs d’avoir utilisé les mots justes : nous parlons non pas de privatisation, contrairement à ce que j’ai pu entendre, mais d’ouverture à la concurrence, ce qui est fondamentalement différent, car celle-ci s’inscrit dans un cadre de service public, défini par le législateur, et voté par l’Assemblée nationale et le Sénat. Or l’ouverture à la concurrence, je l’ai dit, c’est non pas une fin en soi, mais un moyen.
Notre objectif est donc bel et bien que le service public des transports – en Île-de-France comme ailleurs – fonctionne au moment des jeux Olympiques, et bien au-delà.
Le législateur a fixé la date du 1er janvier 2025 – le respect de cette décision du Parlement, je l’ai dit, incombe à l’État, et plus particulièrement à notre gouvernement –, mais je suis ouvert à ce que cette date puisse être décalée de sorte que la mise en œuvre – sans revenir sur le principe – se fasse de la meilleure façon possible.
Il faut ensuite prendre en compte les autorités organisatrices de mobilité, à savoir la région Île-de-France et Île-de-France Mobilités, dont je respecte les compétences.
La présidente de la région Île-de-France et d’Île-de-France Mobilités, Mme Valérie Pécresse, ne souhaite pas que la date de l’ouverture à la concurrence soit décalée – madame la sénatrice, vous l’avez rappelé sans trahir sa pensée, à mon sens.
Je ne pense pas non plus trahir son propos en rappelant qu’elle souhaite, au nom de la région, que ses services, en lien avec la RATP, évaluent, dans quelques semaines, le processus d’ouverture à la concurrence.
J’ai indiqué, quant à moi, que si, après diagnostic, la région, ou un certain nombre d’élus franciliens, émettait des doutes sur la qualité du processus et sur notre capacité à le mener à bien au 1er janvier 2025, alors le ministre des transports que je suis serait ouvert, au nom de l’État, à une révision de ce calendrier. Cela nécessiterait, bien sûr, de passer de nouveau devant le Parlement.
Engageons cette évaluation et attendons que la région, autorité organisatrice, se prononce dans les mois qui viennent. Ensuite, sans remettre en cause le principe, que je défends et que j’assume, faisons en sorte que le processus fonctionne bien, quitte à soumettre au Parlement, si nécessaire, un ajustement du calendrier.
Tout cela devra être réglé au cours de l’année 2023 ; nous discutons ce soir des jeux Olympiques et Paralympiques, et vous savez que l’année 2024 ne sera pas propice à de tels changements, lesquels doivent donc être anticipés.
Mme la présidente. L’amendement n° 59, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, MM. Ouzoulias, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Pour être un succès, les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 doivent garantir l’accessibilité à l’ensemble des personnes, notamment aux personnes en situation de handicap.
Il est regrettable que le ratio de véhicules taxis adaptés aux personnes en fauteuil roulant ne soit que de 1,7 % à Paris, un chiffre inférieur à la moyenne de l’ensemble du territoire, qui atteint 2,2 %.
La flotte de taxis accessibles en Île-de-France ne compte que 200 véhicules, pour 62 000 personnes en fauteuil roulant résidant sur ce territoire. Cet écart dénote un retard en matière d’investissement et d’accompagnement des sociétés de transport pour garantir le droit à la mobilité des personnes en situation de handicap.
À partir de ce constat juste, l’article 18 prévoit une solution qui ne l’est malheureusement pas.
En permettant au préfet de police de Paris de délivrer des autorisations de stationnement directement aux personnes morales, et non plus seulement aux véhicules, nous prendrions le risque de favoriser les sociétés comme Uber, qui bénéficieraient d’une autorisation globale pour l’ensemble de leur flotte, alors même que le nombre de véhicules adaptés aux personnes à mobilité réduite y est extrêmement faible.
Nous refusons de favoriser économiquement des entreprises qui ne respectent ni le droit fiscal ni le droit du travail dans notre pays.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous avons modifié cet article en commission des lois afin de garantir sa constitutionnalité, car l’application d’un seuil à dix autorisations de stationnement pour permettre le bénéfice de nouvelles autorisations destinées aux taxis équipés pour les personnes à mobilité réduite (taxis PMR) posait problème au regard du principe d’égalité devant la loi, notamment en matière de liberté de commerce et d’entreprise.
Il nous a donc semblé préférable d’accorder cette possibilité à la fois aux exploitants individuels depuis 2014 et aux personnes morales qui bénéficient de plusieurs autorisations antérieures.
À nos yeux, l’ambition de rendre ces Jeux ouverts, accessibles et inclusifs est louable et il faut l’accompagner ; nous sommes favorables à cet article 18 et défavorables à sa suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Clément Beaune, ministre délégué. Ce sujet est extrêmement important et je tiens beaucoup à cet article.
La ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques et moi-même l’avons voulu, parce que nous avons pris, parmi les engagements essentiels de ville et de pays hôtes des Jeux, celui de garantir leur accessibilité. Bien plus, cette évolution fera partie de l’héritage de cet événement.
Ainsi, nous avons fixé l’objectif de disposer de 1 000 taxis PMR pour Paris et la région parisienne, alors que l’on en compte actuellement entre 200 et 300.
Nous devons réussir ce changement majeur et nous avons déjà engagé des mesures en ce sens. Parmi celles-ci, un décret d’aide à l’équipement des taxis PMR a été signé au printemps dernier, mais il ne donne pas les résultats escomptés, peut-être parce que les délais de versement de l’aide sont trop importants.
Les taxis se saisissent encore peu de cette possibilité et cela ne va donc pas assez vite ; si nous nous en tenions à ce dispositif, l’objectif de 1 000 taxis PMR ne serait pas atteint, et de très loin. Amélie Oudéa-Castéra, Geneviève Darrieussecq et moi-même avons donc souhaité inclure cet article dans ce texte, afin de disposer d’un levier supplémentaire.
Le choix de passer par les personnes morales est, certes, innovant et créatif, mais cet avantage est réservé à l’équipement de véhicules PMR. Par ce moyen, nous entendons accélérer les commandes, car il y a urgence : nous avons atteint le dernier délai pour les passer, obtenir les véhicules et ainsi atteindre notre objectif. Ces équipements sont essentiels pour la réussite de ces Jeux et la pérennité de leur héritage.
Dernier point : le périmètre de cette mesure est strict, je remercie la commission de sa réécriture, qui apporte des précisions importantes. Les personnes morales dont il est question ici sont bien des sociétés de taxis ; la rédaction de l’article ne vise pas des opérateurs comme Uber. Ceux-ci ne sont donc pas éligibles au dispositif, ne serait-ce que parce que leur siège social n’est pas basé en France.
J’assume d’activer, de manière créative, avec Amélie Oudéa-Castéra et Geneviève Darrieussecq et sous réserve de l’accord du Parlement, ce dispositif original, dans un but précis et essentiel : il s’agit d’accélérer cette évolution, en maintenant toutefois les garde-fous et les limites que je vous ai présentés.
Mme la présidente. Monsieur Bacchi, l’amendement n° 59 est-il maintenu ?
M. Jérémy Bacchi. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 59 est retiré.
L’amendement n° 102, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 1, alinéa 2, deuxième phrase et alinéa 4
Remplacer les mots :
en fauteuil roulant
par les mots :
à mobilité réduite
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle, que je vous présente sous le contrôle du sénateur Philippe Mouiller, très engagé dans ce domaine. La notion utilisée en droit s’agissant des personnes en fauteuil roulant est celle de « personnes à mobilité réduite ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Clément Beaune, ministre délégué. Si je partage l’objectif de Mme la rapporteure, je nourris une réticence quant à cet amendement : en pratique, nous cherchons bien à équiper des véhicules pour les personnes en fauteuil roulant. La mobilité réduite est une notion un peu plus large.
Je préférerais que cet amendement soit retiré ; s’il devait toutefois être maintenu, je m’en remettrais à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit ; je vous propose d’examiner l’article 12, ce qui revient à prolonger la séance jusqu’à minuit et demi.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Nous revenons au cours normal de la discussion du texte de la commission.
Article 12
I. – Le code du sport est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Après l’article L. 332-1-1, il est inséré un article L. 332-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 332-1-2. – Toute personne pénétrant en qualité de spectateur dans un lieu où doit se dérouler une manifestation sportive dont l’accès est conditionné à l’acquittement d’un droit d’entrée doit présenter un titre d’accès, et ce, même s’il s’agit d’une invitation. Un décret en Conseil d’État fixe les seuils de spectateurs au-delà desquels les organisateurs de manifestations sportives exposées, par leur nature ou leurs circonstances particulières à un risque de fraude, doivent nécessairement prévoir des titres d’accès nominatifs, dématérialisés et infalsifiables ainsi que les conditions d’application du présent article. » ;
1° Après l’article L. 332-5, il est inséré un article L. 332-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 332-5-1. – Le fait de pénétrer ou de tenter de pénétrer par force ou par fraude en l’absence d’un titre d’accès prévu à l’article L. 332-1-2 dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive est puni de 3 750 euros d’amende.
« Lorsqu’il est commis en récidive, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 132-11 du code pénal, ou en réunion, le fait de pénétrer ou de tenter de pénétrer par force ou par fraude en l’absence d’un titre d’accès prévu à l’article L. 332-1-2 du présent code dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive est puni de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. » ;
2° Après l’article L. 332-10, il est inséré un article L. 332-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 332-10-1. – Le fait de pénétrer ou de se maintenir, sans motif légitime, sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive est puni de 3 750 euros d’amende.
« Lorsqu’il est commis en récidive, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 132-11 du code pénal, ou en réunion, le fait de pénétrer ou de se maintenir, sans motif légitime, sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive est puni de 7 500 euros d’amende. »
II (nouveau). – Le 1° A du I entre en vigueur le 1er juillet 2024.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 51 est présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 61 est présenté par MM. Benarroche, Dossus, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 51.
M. Fabien Gay. Nous demandons la suppression de cet article, dont la rédaction nous semble floue. Ses dispositions sont susceptibles de pénaliser fortement des personnes se trouvant dans des situations diverses.
Ainsi, les billets d’entrée dans les stades seront nominatifs. Quid des prêts de dernière minute, des invitations, des cadeaux ? Une personne qui en bénéficierait risque d’être traitée comme quelqu’un qui aurait escaladé la clôture pour entrer de manière frauduleuse.
S’agissant, ensuite, de l’envahissement du terrain, la réalité est également contrastée. Dans le sport populaire, amateur ou professionnel, il arrive que, à la fin d’un match, des supporters, des familles, parfois avec de jeunes enfants, pénètrent sur le terrain pour célébrer une victoire avec les joueurs. Le texte, qui permet de sanctionner de tels comportements d’une forte amende, voire d’une peine de prison de six mois, nous semble à cet égard excessif.
Ne mélangeons pas tout. Nous avons besoin, bien entendu, de protéger l’ensemble des athlètes lors de la Coupe du monde de rugby et des jeux Olympiques et Paralympiques ; pour autant, il est inutile de pénaliser fortement des supporters qui seraient amenés à fêter une victoire. Cela va trop loin. Des sanctions suffisamment lourdes sont déjà prévues et nous proposons de ne pas alourdir l’arsenal législatif à cette fin.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 61.
M. Guy Benarroche. J’émets un avis favorable sur l’amendement présenté par M. Gay ! (Sourires.)
Des qualifications existent déjà dans le code pénal pour les infractions définies dans cet article, lequel prévoit d’aggraver les sanctions encourues, la plus faible étant une amende de 7 500 euros pour un primo-délinquant.
Ces dispositions visent les supporters, alors même que le rapport sur les incidents survenus au Stade de France a révélé que les défaillances étaient imputables à la billetterie et au plan de mobilité. La prise en compte des supporters a été insuffisante et envisagée exclusivement sous l’angle du maintien de l’ordre. Il semble donc contestable de s’appuyer sur cette expérience pour rendre la loi plus sévère et plus contraignante.
J’ajoute que, hormis les strictes questions de sécurité, des activistes, en particulier écologistes, peuvent être amenés à commettre certaines infractions qui nous semblent être visées par ce texte au titre du maintien « sans motif légitime, sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive ».
Or les intrusions non violentes dans les enceintes sportives sont un mode d’action régulièrement utilisé par des activistes écologistes pour sensibiliser le public à l’urgence climatique. Avec l’adoption de ce texte, les auteurs de telles opérations pourraient être punis de 7 500 euros d’amende chacun.
Pour l’ensemble de ces raisons, et compte tenu du caractère disproportionné de ces peines, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Claude Kern, rapporteur pour avis. Ces amendements sont les premiers d’une série visant à contester la nécessité d’adapter notre arsenal juridique pour répondre aux défis qu’ont représenté, d’une part, les violences survenues au Stade de France le 28 mai dernier et, d’autre part, la multiplication des envahissements d’aires de compétition pour promouvoir des messages à caractère politique sans lien avec les compétitions concernées.
Nous entendons préserver la sécurité, la neutralité et la sérénité des compétitions sportives. Les dispositions proposées ont été pesées avec précaution, afin de respecter les principes de proportionnalité et d’individualisation des peines.
Je précise que les billets nominatifs ne sont pas des billets individualisés et que l’intrusion sur une aire de compétition est une situation différente de l’envahissement festif, lequel n’est pas concerné par ces mesures.
L’avis de la commission de la culture est donc défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Nous avons absolument besoin, pour tenir notre objectif de mieux lutter contre les violences et contre les incivilités dans les stades, de créer ces deux nouveaux délits.
Ainsi, l’intrusion dans un stade par force ou par fraude est contraire au règlement des stades et susceptible de perturber le bon déroulement des compétitions ; la pénétration sur l’aire de jeu sans motif légitime, quant à elle, déstabilise des périmètres de sécurité, expose les acteurs des compétitions à des risques et peut troubler l’ensemble de la compétition.
Les situations concernées ne comprennent évidemment pas l’hypothèse d’une famille qui serait simplement joyeuse de retrouver une personne victorieuse sur un terrain. Ces dispositions, dont l’application reste sous le contrôle du juge, ne visent pas ce type de comportement.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Sur ce sujet, il reste un aspect que l’on n’évoque pas. Je suis élu de la Seine-Saint-Denis et il me semble qu’un des moyens de prévenir les intrusions dans les stades est de faire en sorte que chacun puisse participer à la fête. (Mme la ministre acquiesce.)
Nous avons été amenés à en discuter avec Tony Estanguet, mais la Coupe du monde de rugby, voire beaucoup de matchs de Ligue 1 ou de Ligue 2, est également concernée : il faut permettre l’accès de tous.
Lors des événements du Stade de France, beaucoup de gamins rêvaient d’assister à la finale de la Ligue des champions et de voir Karim Benzema ou d’autres joueurs. Cependant, le prix des places, qui atteignait ou dépassait 500 euros, a rendu cela impossible. La population de la Seine-Saint-Denis n’a pas accès actuellement à ces compétitions sportives.
Il s’agit là d’une des grandes questions dont nous devrions débattre, s’agissant d’un texte concernant les jeux Olympiques et Paralympiques.
Pour la Coupe de monde de rugby, par exemple, les prix des packs qui sont en vente commencent à 1 000 euros. Quel jeune de nos départements peut consacrer une telle somme à cela ?
S’il en allait de même pour les jeux Olympiques et Paralympiques, cela pourrait mettre nos forces de sécurité en difficulté. Une mesure en ce sens résoudrait sinon l’ensemble, au moins une partie du problème.
Enfin, vous pouvez tripler ou quadrupler les amendes, les personnes qui ont vraiment envie de commettre un délit le feront : cela ne réglera rien.
Il convient donc de favoriser la prévention et de faire en sorte que ces compétitions soient véritablement populaires. Les jeux Olympiques et Paralympiques vont se dérouler dans notre département, je forme le vœu que ses habitants ne soient pas contraints de ne les regarder qu’à la télévision.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guy Benarroche. Ne vous inquiétez pas, mes chers collègues, je ne serai pas long.
Je comprends que l’on cherche à tenir à l’abri de toute manifestation citoyenne ces grands événements retransmis dans le monde entier et regardés par des milliards de spectateurs et de téléspectateurs, et à en exclure des gens qui pourraient venir fêter quelque chose, mais en sont empêchés par le prix des billets.
Si l’on veut faire de ces grands événements le symbole d’un modèle élitiste du sport, on va y arriver !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Je souhaite répondre à cette interpellation. L’accessibilité, en termes de prix, des jeux Olympiques et Paralympiques constitue pour nous un enjeu majeur et nous y sommes extraordinairement attentifs.
À cet égard, 50 % des billets pour les jeux Olympiques sont à moins de 50 euros et nous mettrons en vente un million de billets à 24 euros.
Outre ces éléments, le Président de la République a pris la décision de déployer une billetterie populaire de 400 000 billets, qui seront offerts à plusieurs catégories de personnes qui en ont besoin, dont les jeunes.
Je rappelle, enfin, que le territoire de la Seine-Saint-Denis, qui bénéficie de 80 % des investissements, est un territoire absolument prioritaire pour nous de ce point de vue.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 51 et 61.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 11, présenté par M. Lozach, Mme S. Robert, M. Durain, Mme Féret, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Bourgi, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 et 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 332-5-1. – Lorsqu’il est commis en récidive, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 132-11 du code pénal, ou en réunion, le fait de pénétrer ou de tenter de pénétrer par force ou par fraude dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive est puni de 7 500 euros d’amende. Cette peine n’est pas applicable aux personnes agissant dans le cadre d’une action militante n’entraînant aucun acte de violence ou de propos d’incitation à la haine ou à la discrimination. » ;
II. – Alinéas 8 et 9
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 332-10-1. – Lorsqu’il est commis en récidive, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 132-11 du code pénal, ou en réunion, le fait de pénétrer ou de se maintenir, sans motif légitime, sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive est puni de 7 500 euros d’amende. Cette peine n’est pas applicable aux personnes agissant dans le cadre d’une action militante n’entraînant aucun acte de violence ou de propos d’incitation à la haine ou à la discrimination. »
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale de l’article 12, en la modifiant toutefois à la marge afin de tenir compte de certaines préoccupations. Il tend ainsi à préserver l’obligation, voulue par le rapporteur, de détenir un titre d’accès pour pénétrer dans une enceinte sportive.
En revanche, nous entendons revenir sur certaines dispositions de l’article. Nous proposons donc de supprimer la peine de prison sanctionnant le nouveau délit de pénétration, en récidive ou en réunion, dans une enceinte sportive lors d’une manifestation sportive ou de sa retransmission en public, comme le Conseil d’État lui-même le suggère dans son avis sur ce texte.
Nous souhaitons également exclure des peines dont sont passibles les personnes récidivistes ou agissant en réunion ayant pénétré ou tenté de le faire dans une enceinte sportive ou sur son terrain pendant une compétition, celles qui agissent dans le cadre d’une action militante non violente.
Nous reviendrons sur ces deux points dans la défense de nos amendements de repli.
Nous considérons, en outre, que la rédaction issue des travaux de la commission durcit par trop la peine envisagée initialement. Ainsi, le montant de l’amende encourue par les primo-délinquants a été plus que doublé.
Enfin, nous souhaitons, à notre tour, tirer tous les enseignements des incidents regrettables qui se sont déroulés au Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions, sans pour autant aller aussi loin que le souhaitent certains de nos collègues, dont l’approche diverge de la nôtre.
À notre sens, les débordements autour du Stade de France ont été le fait d’une mauvaise gestion de l’événement par le préfet de police, en particulier, ainsi que de difficultés liées au plan de circulation, plutôt que de la commission d’infractions à grande échelle de la part du public. (M. Cédric Vial proteste.)
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par M. Lozach, Mme S. Robert, M. Durain, Mme Féret, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Bourgi, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
six mois d’emprisonnement et
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement de repli tend à supprimer la peine de prison attachée au nouveau délit de pénétration en récidive ou en réunion dans une enceinte lors d’une manifestation sportive ou de sa retransmission en public.
Il tient ainsi compte de l’avis du Conseil d’État, rédigé comme suit : « Il n’y a pas lieu de prévoir une peine d’emprisonnement. En effet, dans l’hypothèse où le comportement dont il s’agit troublerait la compétition ou porterait atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, il entrerait dans le champ de l’article L. 332-10 du code du sport et serait passible d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Et dans le cas où la pénétration ou le maintien sur l’aire de compétition n’aurait pas de telles conséquences, une peine de prison serait disproportionnée. »
Hormis le fait qu’une peine est déjà prévue par le droit commun du code du sport dans les cas d’atteinte à la sécurité des biens et des personnes, cette sanction nous paraît disproportionnée en cas d’intrusion sans conséquence grave sur l’aire d’un stade où se déroule la compétition.
Nous déplorons que le sujet de la sécurité ne soit abordé ici que sous l’angle du poids de la sanction.
Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par MM. Chantrel et Lozach, Mme S. Robert, M. Durain, Mme Féret, MM. Kanner, Antiste, Assouline et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Bourgi, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines mentionnées aux deux premiers alinéas ne sont pas applicables aux personnes agissant dans le cadre d’une action militante n’entraînant aucun acte de violence ou de propos d’incitation à la haine ou à la discrimination. » ;
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cet amendement de repli et le suivant tendent à exclure de l’application des peines dont sont passibles les personnes ayant pénétré ou tenté de le faire dans une enceinte sportive pendant une compétition, celles qui agissent dans le cadre d’une action militante non violente et exempte de propos incitant à la haine ou à la discrimination.
Nous avons tous en tête les interventions militantes qui se déroulent pendant des compétitions sportives, telles que celle qu’ont menée les militants qui se sont enchaînés au filet de Roland-Garros, lors de la demi-finale de 2022, pour alerter sur l’urgence climatique.
Je ne souhaite pas laisser le juge libre d’apprécier si une telle action constitue un « motif légitime » ou non. Cette qualification ne s’attache d’ailleurs qu’au fait de pénétrer sur l’aire de compétition et non à l’intrusion dans l’enceinte sportive, dont traite cet amendement.
Je suis, par ailleurs, très surpris par l’argument avancé ce matin par notre rapporteur, et qui sera certainement repris ce soir, selon lequel de telles actions ne sauraient être assimilées à des activités militantes, dans la mesure où la diffusion audiovisuelle doit être coupée dès qu’une intrusion a lieu pendant une compétition. Cela me semble témoigner d’une vision très restrictive du militantisme, dont les actions n’ont pas pour seul objectif d’être diffusées dans les médias, mais visent, d’une manière générale, à alerter lors d’événements d’envergure.
En outre, cette approche ne répond en aucune manière à notre souci de protéger une action pacifique militante des sanctions de droit commun, lesquelles sont très lourdes en la matière et ont encore été durcies par le rapporteur. Elles visent ainsi maintenant les primo-agissants, et ne sont plus limitées aux récidivistes ou aux personnes agissant en bande, comme c’était le cas dans le texte initial.
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par MM. Chantrel et Lozach, Mme S. Robert, M. Durain, Mme Féret, MM. Kanner, Antiste, Assouline et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Bourgi, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Devinaz et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines mentionnées aux deux premiers alinéas ne sont pas applicables aux personnes agissant dans le cadre d’une action militante n’entraînant aucun acte de violence ou de propos d’incitation à la haine ou à la discrimination. »
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Claude Kern, rapporteur pour avis. L’amendement n° 11 vise à revenir sur l’objectif même de l’article 12.
Le nouvel article L. 332-10-1 sanctionne les activistes qui utilisent les grandes retransmissions sportives afin de diffuser un message politique. Cet amendement tend à supprimer toute sanction à leur encontre et constitue donc un appel à troubler toute manifestation sportive, emportant les conséquences que l’on peut imaginer sur le déroulement de ces événements. Son adoption reviendrait à mettre en péril les retransmissions des jeux Olympiques et Paralympiques, compte tenu de la multiplication de ces incursions.
Par ailleurs, cet amendement vise à supprimer la peine de prison encourue par les personnes qui s’introduisent par force ou par fraude dans les enceintes sportives en récidive ou en réunion, ce qui revient à considérer que les incidents survenus au Stade de France ne justifient pas de renforcer notre arsenal juridique pour empêcher leur réitération.
Cet amendement contrevient, enfin, à l’objectif de la commission de mieux sanctionner les primo-délinquants isolés.
L’avis est donc défavorable.
De même, l’amendement n° 12 tend à ne pas tirer toutes les conséquences des événements survenus au Stade de France, durant lesquels la vie de nombreux spectateurs a été mise en danger à la fois par des fraudeurs et par des délinquants qui se sont introduits par force dans l’enceinte.
Je rappelle que le code du sport sanctionne actuellement d’un an de prison le fait de s’introduire par force ou par fraude dans une enceinte sportive en état d’ébriété, sans condition de récidive ou de réunion.
La peine de six mois de prison apparaît ainsi comme très mesurée et n’a pas été contestée par le Conseil d’État, lequel s’est prononcé défavorablement sur l’autre circonstance, l’intrusion sur les aires de compétition sans violence. Je rappelle, à cet égard, que la commission n’a pas rétabli la disposition critiquée.
L’avis est donc également défavorable.
L’amendement n° 13 vise, quant à lui, à ne pas sanctionner les actions militantes qui viennent troubler ou interrompre la retransmission des compétitions sportives à des fins politiques.
Je rappelle que les diffuseurs audiovisuels sont responsables de la maîtrise de leur antenne et doivent donc couper la retransmission dès qu’une intrusion se produit. Chacun a à l’esprit ces moments où la compétition est arrêtée sans explication des commentateurs, qui ne peuvent décrire la situation.
Ces intrusions ne sauraient donc en aucun cas être assimilées à des manifestations ; n’étant pas diffusées, elles ne participent à aucun débat démocratique.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement comme sur l’amendement n° 14 qui le suit.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission sur ces amendements, car il souhaite traiter l’ensemble des formes de violence et d’incivilité. Il semble, en outre, particulièrement important de produire un effet dissuasif envers les primo-délinquants isolés.
L’avis du Conseil d’État portait bien uniquement sur la peine d’emprisonnement encourue pour l’entrée dans le stade en cas de récidive ou en réunion.
Enfin, s’agissant des actions militantes, il ne s’agit pas de prendre en compte l’intention qui préside à leur mise en œuvre, mais bien les conséquences qu’elles sont susceptibles d’emporter. Le dernier Tour de France a démontré combien celles-ci pouvaient être dangereuses et perturbatrices. Pour garantir la tranquillité de ces événements, même s’ils ont leur propre dispositif de sécurité, nous avons besoin de prendre en compte ces circonstances.
Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Les propos que vous tenez sont problématiques, monsieur le rapporteur pour avis. Vous estimez que dès lors qu’une action n’est pas diffusée à la télévision, elle ne peut pas être qualifiée d’action militante. Mais nous ne vivons pas au XIXe siècle ! D’autres moyens de diffusion que la télévision existent, à commencer par les téléphones portables.
Votre position n’est pas tenable, et les dispositions que nous sommes en train d’instaurer, ce soir, à minuit passé, créeront de dangereux précédents. Les pays qui interdisent de telles activités militantes ne sont pas des démocraties. Lors des jeux Olympiques qui ont eu lieu en Chine, par exemple, ce type d’actions n’était pas permis. Est-ce le modèle que vous prônez ?
En tout état de cause, il est dangereux de prendre des mesures d’exception qui pourront par la suite être reprises dans le droit commun pour quantité d’événements.
Je crains que vous ne mesuriez pas les conséquences des précédents que vous êtes en train de créer.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Monsieur Chantrel, j’ai parlé non pas d’actions militantes, mais de manifestations, ce qui est différent. Or ces manifestations ont pour conséquence d’interrompre le cours de la compétition sans que les téléspectateurs soient au courant de ce qui se passe.
Mme la présidente. L’amendement n° 89, présenté par M. Savin, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 15° de l’article 222-13 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Dans une enceinte lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive. »
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. L’article L. 332-10 du code du sport prévoit que le fait de troubler le déroulement d’une compétition ou de porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens en pénétrant sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Aux termes de l’article L. 332-11 du code du sport, les personnes qui bravent cet interdit encourent également la peine complémentaire d’interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords d’une enceinte où se déroule une manifestation sportive.
Par ailleurs, le fait de pénétrer en état d’ivresse dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission d’une manifestation sportive est puni d’une amende de 7 500 euros.
Si l’auteur de cette infraction se rend coupable de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) d’une durée inférieure ou égale à huit jours, il est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
En revanche, le juge ne peut prononcer à son encontre la peine complémentaire d’interdiction de stade prévue dans le code du sport.
Le présent amendement vise donc à étendre la possibilité de prononcer cette peine complémentaire à l’encontre des personnes se rendant coupables de l’un des délits listés à l’article 222-13 du code pénal ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Claude Kern, rapporteur pour avis. L’article 222-13 du code pénal liste les violences qui sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, parmi lesquelles figurent les violences commises dans les établissements d’enseignement ou d’éducation, ou encore dans un moyen de transport collectif de voyageurs.
Le présent amendement vise à étendre la liste de ces délits aux violences commises dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive.
Cet ajout à l’article 222-13 du code pénal semble justifié compte tenu des autres circonstances qui y sont évoquées. Néanmoins, afin de s’assurer que cet ajout ne portera pas préjudice à la cohérence de notre droit pénal, je sollicite l’avis du Gouvernement sur cette disposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Je souscris bien sûr à l’objectif du sénateur Savin de faire cesser toutes les formes de violence dans nos stades. La création d’une circonstance aggravante, qui aurait pour effet d’élargir l’application de peines lourdes – trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende – s’agissant de violences légères, me paraît toutefois disproportionnée.
À mon sens, elle n’est pas de nature à nous permettre l’atteinte de ce point d’équilibre que nous nous sommes constamment efforcés de préserver lors de l’élaboration de ce texte, entre la sauvegarde de l’ordre public lors des grands événements et la proportionnalité de la peine.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission de la culture ?
M. Claude Kern, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir reconnu que cette proposition répond à des difficultés réelles. Les violences qui surviennent de manière récurrente, aussi bien dans les tribunes que dans les travées ou à proximité des stades, rendent le renforcement de ce dispositif urgent.
Vous évoquez des violences « légères », mais celles-ci peuvent tout de même entraîner des jours d’incapacité de travail pour les victimes qui les subissent.
J’estimerais donc opportun d’élargir la possibilité de prononcer une peine d’interdiction de stade, à charge ensuite pour la justice, en laquelle j’ai toute confiance, de trouver le bon équilibre dans les sanctions.
Aujourd’hui, le juge peut infliger une amende et une peine de prison, mais il ne peut pas interdire de stade. Or priver les personnes qui commettent ces violences de la possibilité de revenir dans ces équipements constitue une condamnation bien plus forte.
J’estime donc nécessaire de donner la possibilité au juge de prononcer cette peine – il ne sera du reste nullement obligé de le faire – afin de ramener la sérénité, la tranquillité et la sécurité dans les stades. Pour l’heure, des familles qui viennent avec des enfants peuvent subir des agressions.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Je souhaite que nous trouvions une voie de passage afin de donner suite à la proposition du sénateur Savin.
J’ai entendu votre réponse, madame la ministre, et votre souci que les peines ne soient pas disproportionnées par rapport aux faits.
Si le rapporteur pour avis en est d’accord, je propose toutefois de voter l’amendement du sénateur Savin, car la suite de l’examen du texte, à l’Assemblée nationale puis en commission mixte paritaire, nous laissera le temps de retravailler cette disposition avec vous, madame la ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture. À titre personnel, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
Mes chers collègues, nous avons examiné 68 amendements au cours de la journée ; il en reste 23 à étudier.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
12
Mise au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour une mise au point au sujet de votes.
M. Jean-Pierre Decool. Lors du scrutin n° 111, l’ensemble des sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires souhaitaient voter contre, madame la présidente.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
13
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
14
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 25 janvier 2023 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Trois conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure et de son règlement d’application, partie B, par des dispositions concernant le traitement de résidus gazeux de cargaison liquide (vapeurs), issu de la résolution CDNI-2017-I-4, adoptée le 22 juin 2017 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 255, 2022-2023) ;
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à la coopération sur les questions de sûreté maritime et portuaire s’agissant spécifiquement des navires à passagers dans la Manche (texte de la commission n° 257, 2022-2023) ;
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Ouzbékistan relatif aux transports routiers internationaux de voyageurs et de marchandises et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne sur le transport international routier de personnes (texte de la commission n° 253, 2022-2023) ;
Suite du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 249, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 25 janvier 2023, à zéro heure vingt-cinq.)
nomination de membres d’une commission d’enquête
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Commission d’enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française
M. Bruno Belin, Mme Alexandra Borchio Fontimp, M. Hussein Bourgi, Mme Laurence Cohen, M. Jacques Grosperrin, Mmes Pascale Gruny, Véronique Guillotin, Laurence Harribey, M. Alain Houpert, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, M. Christian Klinger, Mme Sonia de La Provôté, MM. Alain Milon, Jean-Pierre Moga, Mmes Vanina Paoli-Gagin, Émilienne Poumirol, Patricia Schillinger et Mélanie Vogel.
nomination de membres d’une mission d’information
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France
M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Belrhiti, MM. Guy Benarroche, Jean-Marc Boyer, Mmes Maryse Carrère, Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mmes Brigitte Devésa, Frédérique Espagnac, Françoise Férat, Laurence Garnier, MM. Joël Guerriau, Éric Kerrouche, Didier Marie, Georges Patient, Jean-François Rapin, Christian Redon-Sarrazy, Hugues Saury et Jean Sol.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER