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Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Lors des scrutins publics nos 95 et 96, je souhaitais m’abstenir.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures quarante-six.)
M. le président. La séance est reprise.
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Création de délégations parlementaires aux droits de l’enfant
Rejet d’une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, de la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l’enfant, présentée par M. Xavier Iacovelli et plusieurs de ses collègues (proposition n° 870 rectifié [2021-2022], résultat des travaux de la commission n° 152, rapport n° 151).
Dans la discussion générale, la parole est à Xavier Iacovelli, auteur de la proposition de loi.
M. Xavier Iacovelli, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment où nous entamons en séance l’examen de cette proposition de loi visant à créer, dans notre assemblée, une délégation aux droits de l’enfant, je reconnais bien volontiers une certaine émotion.
En effet, pendant trop longtemps, nous avons cessé, collectivement, de voir les enfants comme des sujets de droit à part entière. Nous avons refusé d’admettre que les problématiques qui les touchaient étaient diverses et englobaient, finalement, l’ensemble de nos politiques publiques.
En outre, je sais que cette délégation aux droits de l’enfant est attendue de longue date – plus de vingt ans ! – par l’ensemble des acteurs.
À cet égard, permettez-moi de remercier les associations, collectifs et toutes les personnalités engagées qui nous regardent aujourd’hui et qui œuvrent sans relâche pour que les droits des enfants soient davantage reconnus et protégés et qui, publiquement, ont fait le choix de soutenir cette proposition de loi.
Le constat est simple : de nombreux défis doivent être relevés pour assurer le respect des droits de l’enfant.
Si je me félicite de la récente création d’une délégation aux droits des enfants à l’Assemblée nationale, il n’est pas question pour nous de jouer sur le mimétisme.
Depuis 2018, avec un certain nombre d’entre vous, sur toutes les travées, nous avons décidé la création d’un groupe informel pour travailler sur la question de la protection de l’enfance, le Sénat se devant d’avoir une entité dédiée aux questions de l’enfance.
J’avais également demandé, en 2020, la création d’un groupe d’études au sein de la commission des affaires sociales auprès de sa présidente. Malheureusement, nous avons, une nouvelle fois, essuyé un refus.
Soyons tout à fait honnêtes, notre détermination à travailler sur les questions liées à l’enfance ne date pas de cette proposition de loi. Déjà, en février 2003, l’Assemblée nationale avait adopté, à l’unanimité, une proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants, présentée par le président du groupe UMP de l’époque, Jacques Barrot. Or ce texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour du Sénat.
En 2009, notre collègue du groupe LR, Joëlle Garriaud-Maylam, avait déposé au Sénat cette même proposition de loi tendant à la création de délégations aux droits de l’enfant.
Notre rapporteure générale du budget de la sécurité sociale, Élisabeth Doineau, avait également proposé la création de cette délégation. Plus récemment, Mme Assassi et le groupe CRCE ont déposé, en 2019, un texte en vue de la création d’une telle délégation.
Vous le voyez donc, chers collègues la question de l’enfance rassemble, au-delà de nos étiquettes, et traverse même le temps.
Le texte que je vous présente aujourd’hui le démontre une fois encore. Fait suffisamment rare pour être souligné, il est cosigné par plusieurs sénatrices et sénateurs, de tous les groupes : des LR au CRCE, en passant par le RDSE et les groupes centriste, écologiste et socialiste. Toutes les sensibilités de notre chambre sont représentées.
Nous aurions pu penser que cet arc républicain suffirait à assurer le succès de cette proposition de loi. Toutefois, nous le savons, ce n’est jamais aussi simple au Sénat !
J’entends les réticences de Mme la rapporteure concernant la multiplication des délégations ou des groupes d’études, étant d’ailleurs moi-même pour la rationalisation. Je les entends d’ailleurs d’autant plus que ce sont les mêmes depuis vingt ans.
Ce sont les mêmes arguments qui ont justifié en 2003, en 2009, en 2019 et en 2022 le refus de créer de nouvelles délégations et de nouveaux groupes d’études.
Pourtant, mes chers collègues, je me suis penché sur les délégations dont nous disposons à l’heure actuelle. Si nous mettons de côté l’Opecst, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, créé en 1983 par la loi, ou la délégation aux droits des femmes, créée en 1999, également par la loi, nous avons, depuis 2007, créé cinq délégations : en 2007, la délégation au renseignement ; en 2009, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ; encore en 2009, la délégation à la prospective ; en 2011, la délégation aux outre-mer ; en 2014, la dernière mais pas la moindre, la délégation aux entreprises, créée par le bureau du Sénat.
En vingt ans, il n’a jamais été le moment de créer une délégation aux droits de l’enfant. Pourtant, notre chambre a continué à créer légitimement un certain nombre de délégations utiles au travail parlementaire.
Mais la question de l’enfance n’est pas une question annexe. L’enfance, par sa diversité, par l’éventail des thématiques qu’elle regroupe, est en elle-même un sujet majeur. Oui, mes chers collègues, les droits de l’enfant ne sont pas un sujet mineur.
Sommes-nous capables de considérer les droits des enfants comme une priorité de nos politiques publiques et, donc, par définition, comme un sujet transversal dans notre institution ?
Madame la rapporteure nous indiquera sans nul doute tous les travaux que notre chambre a menés sur le sujet de l’enfance. Elle aura raison, nous avons beaucoup travaillé sur l’enfance.
Toutefois, selon moi, nos travaux sur l’enfance doivent non plus fonctionner en silo, mais de façon transversale auprès des commissions permanentes.
Il ne s’agit pas, comme certains le dénoncent, d’une proposition exclusivement symbolique. Certes, il existe une dimension symbolique, puisque la création d’une délégation aux droits de l’enfant enverrait un signal fort au monde de l’enfance, qui demande cette création depuis plus de vingt ans. À l’inverse, le refus de créer cette délégation enverrait à l’opinion publique un message catastrophique sur la chambre haute.
Au-delà de cette portée symbolique, il y a un enjeu beaucoup plus fort. Les délégations ont le temps de travailler sur le fond, d’alimenter, par des auditions, par des rapports, les travaux des parlementaires et des commissions, en vue de mieux légiférer sur la base de rapports d’expertise.
Par ailleurs, outre les dimensions symbolique et utile d’une telle délégation, il faut rappeler que, pour ce qui concerne l’enfance, les départements sont chefs de file, dans le cadre d’une politique décentralisée.
Il est souhaitable que le Sénat, chambre des territoires et représentant des collectivités, s’intéresse à ce sujet et s’empare fortement de cette politique.
Je souhaiterais d’ailleurs prendre l’exemple de la délégation aux droits des femmes, qui effectue un travail remarquable, à l’image de son dernier rapport sur la pornographie.
Mme Laurence Rossignol. C’est vrai !
M. Xavier Iacovelli. Cette délégation fonctionne bien, grâce à l’apport de réflexions et de travaux. Finalement, elle alimente la réflexion du Parlement et de l’exécutif pour mieux légiférer.
Voilà trente-trois ans, mes chers collègues, la France ratifiait la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, qui nous obligeait à placer l’intérêt supérieur de l’enfant au cœur de nos politiques publiques.
Car les enfants ne sont pas seulement de petits êtres qu’il nous faut protéger. Ce sont des sujets de droit à part entière. Certes, depuis 1990, de nombreuses réformes législatives ont été adoptées en vue de mettre notre droit en conformité avec cette convention. Parmi ces réformes figurent, notamment, la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, la loi de Philippe Bas du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, la loi du 14 mars 2016 de Laurence Rossignol, qui s’appuyait sur les travaux de Michelle Meunier, ou encore la loi du 10 juillet 2019 relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires et, pour finir, la loi portée par le gouvernement actuel en février 2022.
Beaucoup a été fait, mais le constat actuel reste alarmant. Un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté ; 25 % des SDF de moins de 25 ans ont connu un parcours à l’aide sociale à l’enfance (ASE) ; 70 % des jeunes de l’ASE n’obtiennent aucun diplôme.
Les enfants sont les victimes directes ou indirectes des violences intrafamiliales ou encore de l’inceste, ce qui témoigne du lien entre violence et santé. Par ailleurs, 500 enfants de moins de 6 mois sont victimes chaque année du syndrome du bébé secoué, par manque de prévention auprès des parents ou des tiers gardiens ; 75 % des survivants ont des séquelles physiques ou mentales irréversibles.
En outre, 50 000 enfants sont victimes, chaque année, de violences physiques et psychologiques, et près de 100 000 enfants ne sont pas scolarisés. En France, 15 % des jeunes connaissent un épisode dépressif caractérisé entre 16 et 25 ans. Ces envies suicidaires, qui malheureusement se concrétisent parfois, ont augmenté de 20 % depuis la crise sanitaire. Le suicide est d’ailleurs la deuxième cause de mortalité pour les 10-25 ans
S’agissant des violences numériques, les enfants sont souvent la proie d’agresseurs ultraprésents sur les réseaux sociaux, ce qui pose la question sous-jacente du harcèlement.
Je pense également aux problèmes de malnutrition ou d’obésité. Et 400 000 enfants porteurs de handicap sont scolarisés, avec le défi de l’inclusion ; ce dernier n’est jamais un long fleuve tranquille mais il peut, malgré tout, permettre de vraies réussites
Je pense aussi aux inégalités sur le plan de la scolarité, du sport et de la culture, en particulier pour ceux qui sont en situation de handicap.
Nous pouvons également évoquer les enlèvements parentaux à l’étranger. Je le sais, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à être sollicités et interpellés par les parents victimes restés en France.
Il y a aussi le sujet des mineurs non accompagnés et l’impact sur les départements de leur augmentation ces dernières années.
Permettez-moi également de rappeler un chiffre glaçant, mentionné en commission des affaires sociales, alors même – preuve de la transversalité de la question de l’enfance – que le sujet concernerait davantage la commission des lois : tous les cinq jours, un enfant est tué par l’un de ses parents, selon le dernier rapport de l’Unicef.
Mes chers collègues, il existe bien d’autres sujets relatifs à l’enfance, car la question des droits de l’enfant est intrinsèque. Pourtant, ces sujets sont traités indépendamment dans les différentes commissions qui composent le Sénat.
Donnons un cadre institutionnel aux parlementaires engagés sur cette cause. Comme je vous le disais, il s’agit d’un moment important, car attendu.
Il est attendu depuis vingt ans par les associations, par les parlementaires, par les professionnels, par les enfants eux-mêmes et par l’opinion publique.
La place de l’enfant doit être au cœur de notre société, parce que le Sénat ne peut pas se détourner d’un travail de fond qui touche directement nos territoires. Je sais que nous avons tous envie de rentrer, ce soir, dans nos circonscriptions respectives avec la satisfaction d’avoir été utiles pour notre pays.
Mes chers collègues, je connais tous vos engagements en faveur des droits de l’enfant, que ce soit ici, à Paris, dans vos territoires, en Europe ou à l’international, au sein de la Haute Assemblée ou à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
C’est pourquoi, aujourd’hui, faisons ensemble le choix de nous tenir du côté de l’amélioration de la condition des enfants. Parce que les droits de l’enfant ne sont pas de droits mineurs, je vous invite, mes chers collègues, à soutenir la création de ces délégations aux droits des enfants. (Applaudissements sur toutes les travées, à l’exception de celles du groupe Les Républicains)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Juin 2022 : rapport d’information sur la lutte contre l’obésité.
Octobre 2021 : audition de M. Jean-Marc Sauvé, président de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église ; proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu ; projet de loi relatif à la protection des enfants.
Septembre 2021 : audition de M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé chargé de l’enfance et des familles.
Mai 2021 : proposition de loi tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote.
Décembre 2020 : audition de M. Adrien Taquet.
5 février 2020 : stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance et audition de M. Adrien Taquet.
Février 2022 : rapport d’information établissant le bilan des mesures éducatives du quinquennat ; proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire.
Juin 2020 : proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.
Juillet 2022 : audition de Mme Claire Hédon.
Février 2022 : proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation.
Janvier 2022 : proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire
Octobre 2021 : proposition de loi visant à réformer l’adoption.
Mars 2021 : audition de Mme Claire Hédon.
Janvier 2021 : projet de loi ratifiant l’ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de justice pénale des mineurs ; proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.
Juin 2020 : audition de M. Jacques Toubon, Défenseur des droits ; proposition de loi visant à protéger les victimes des violences conjugales.
Avril 2020 : audition de M. Jacques Toubon.
Janvier et février 2020 : cycle d’auditions sur le nouveau code de justice pénale des mineurs.
Janvier 2022 : proposition de loi visant à encourager l’usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d’accéder à internet.
Voilà pour les travaux des commissions des affaires sociales, des lois et des affaires économiques.
J’en viens maintenant aux travaux de la délégation aux droits des femmes.
Septembre 2022 : rapport d’information sur l’industrie de la pornographie.
Juin 2022 : table ronde sur la régulation de l’accès aux contenus pornographiques en ligne.
Avril 2022 : table ronde sur la protection des mineurs face aux contenus pornographiques.
Décembre 2021 : audition de M. Adrien Taquet.
Novembre 2021 : table ronde sur la situation des femmes et des filles en Afghanistan ; audition de Mme Catherine Champrenault et de M. Gilles Charbonnier, magistrats.
Avril et novembre 2020 : audition de M. Adrien Taquet
Juillet 2020 : rapport d’information sur le bilan de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants au sein de la famille.
Je terminerai par les travaux communs des commissions permanentes
Septembre 2022 : rapport d’information Prévenir la délinquance des mineurs - Éviter la récidive.
Septembre 2021 : rapport d’information Mineurs non accompagnés, jeunes en errance
Février 2020 : rapport d’information Sur l’obligation de signalement par les professionnels astreints à un secret des violences commises sur les mineurs.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà une liste sans doute fastidieuse, mais non exhaustive, des travaux que les sénateurs ont menés depuis trois ans sur la situation des enfants.
Pourquoi avoir retenu cette durée de trois ans ? Parce que, voilà trois ans, notre collègue Éliane Assassi déposait une proposition de loi rédigée dans des termes similaires à celle que nous examinons aujourd’hui et visant à créer une délégation aux droits des enfants.
Ce texte, dont j’étais déjà le rapporteur, avait été rejeté par le Sénat, sur proposition de la commission des lois.
Pourquoi cette énumération ? Parce que – chacun l’aura compris aux propos de notre collègue Xavier Iacovelli, qui présente aujourd’hui une proposition de loi similaire – l’avis de la commission des lois a été de nouveau défavorable.
Et je ne voudrais pas que cet avis défavorable soit interprété comme un signal défavorable quant à l’intérêt du Sénat pour cette question des droits de l’enfant.
M. Xavier Iacovelli. C’est loupé !
Mme Laurence Rossignol. Il faut assumer !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je crois avoir démontré, par cette énumération, que les sénateurs travaillent fréquemment sur ce sujet de la situation des enfants. Malgré l’absence de délégation, nous y travaillons souvent de façon transversale, et nous allons continuer de le faire : bientôt, pour ne citer que cet exemple, une étude va être menée par les délégations aux droits des femmes et aux outre-mer sur la parentalité outre-mer.
Je n’adhère certes pas au propos de Clemenceau en vertu duquel pour enterrer un problème il faut créer une commission. Reste que la création d’une telle délégation ne résoudra aucun problème, nous le savons – vous ne dites d’ailleurs pas le contraire, mes chers collègues –, ne serait-ce que parce que, contrairement aux commissions législatives, les délégations n’ont pas de pouvoir législatif.
Mme Laurence Rossignol. Et les autres délégations, à quoi servent-elles, dans ce cas ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Si cette proposition de loi n’a pas pour objet de faire travailler les sénateurs sur la situation des enfants, puisque nous le faisons déjà ; si elle n’a pas pour objet de nous faire travailler de façon transversale, puisque nous le faisons déjà ; et si elle n’a pas pour objet de résoudre une quelconque difficulté, puisque la délégation ainsi créée ne posséderait pas de pouvoir législatif, alors à quoi sert-elle ?
Mme Laurence Rossignol et M. Michel Dagbert. Il faut les supprimer toutes, alors ?
Mme Laurence Cohen. Et la délégation aux entreprises ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Elle sert tout simplement à proposer une organisation différente du travail du Sénat.
Nous l’avions déjà établi voilà trois ans, lorsque nous avions examiné la proposition de loi d’Éliane Assassi, et personne ne s’y était trompé. La représentante du Gouvernement avait d’ailleurs, à l’époque, émis un avis très clair : « La décision de créer une délégation parlementaire étant un sujet éminemment parlementaire, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. » Et je vois mal quelle autre position pourrait adopter le Gouvernement sur une telle affaire…
M. Laurent Burgoa. Très bien !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit donc d’un sujet relatif à l’organisation de nos travaux. Or, en la matière, nous pouvons nous appuyer sur des précédents et, en particulier, sur un rapport de 2015, établi par Roger Karoutchi et Alain Richard, sur les méthodes de travail du Sénat. Parmi les propositions formulées dans ce rapport, on trouve, précisément, l’arrêt de la polysynodie, c’est-à-dire de la multiplication des instances parlementaires, qui apporte plus de dispersion que d’efficacité.
Mme Laurence Rossignol. Ta, ta, ta !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ce rapport avait été déposé devant le bureau du Sénat, car, en réalité, l’organe chargé de l’organisation des travaux parlementaires, c’est le bureau. D’ailleurs, l’Assemblée nationale, qui vient de créer une délégation aux droits des enfants, l’a fait non pas dans l’hémicycle, mais par une décision de la conférence des présidents, qui est l’organe d’organisation des travaux de l’Assemblée nationale.
Mme Laurence Rossignol. Et donc ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cette jurisprudence, qui est constante depuis 2015, n’a pas été remise en cause par le bureau ; j’invite donc ceux de nos collègues qui jugeraient nécessaire la création d’une telle délégation à en référer au bureau…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce serait plus démocratique ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. … afin, le cas échéant, de renverser cette position qui, je l’ai dit, fut adoptée unanimement en 2015 et n’a pas été modifiée depuis lors.
Demander au bureau d’examiner cette proposition de création d’une délégation, laquelle serait un nouvel organe de travail parlementaire, permettrait, me semble-t-il, de remettre à sa place ce débat,…
Mme Laurence Cohen. En quoi serait-il plus démocratique de passer par le bureau ? Je ne comprends pas…
Mme Muriel Jourda, rapporteur. … car, ne nous y trompons pas, nous parlons bien là d’organisation du travail et non de la situation des enfants ni de l’intérêt que porte le Sénat à ladite situation. Pour ce qui est de l’intérêt du Sénat, en effet – l’énumération à laquelle j’ai procédé le démontre –, il a toujours été indéfectible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, je tiens à remercier le sénateur Xavier Iacovelli pour son engagement sans faille sur les sujets de l’enfance. (M. Michel Dagbert applaudit.) Je tiens aussi à remercier tous les signataires de cette proposition de loi, qui nous permettent une nouvelle fois – et je m’en réjouis – d’évoquer les droits des enfants et, plus largement, la politique de l’enfance devant la Haute Assemblée.
Beaucoup a été fait au cours du précédent quinquennat, avec en point d’orgue la loi du 7 février 2022. Je tiens ici à saluer le travail du Sénat sur ce texte, ainsi que tous les travaux que vous avez rappelés, madame la rapporteure.
Beaucoup a été fait, disais-je, mais il reste beaucoup à faire, et les chiffres que vous avez cités, monsieur le sénateur, nous rappellent une triste réalité. Je n’en retiens qu’un : un enfant meurt tous les cinq jours dans le cadre familial, sous les coups de ses parents ou de proches. Ce chiffre doit évidemment nous interpeller. Ce chiffre, et tous les autres, est terrible.
Malgré les moyens humains et financiers mobilisés en faveur de la politique de l’enfance, malgré les très nombreux acteurs engagés sur le terrain – départements, associations, professionnels de tous horizons –, les droits fondamentaux de nos enfants sont encore fragiles : leur droit à la sécurité, leur droit à la santé, leur droit au bien-être, au logement ou encore à l’éducation ne sont toujours pas garantis dans notre pays.
Face à ce constat, nous devons inlassablement débattre, échanger, réfléchir, agir, quelles que soient nos appartenances partisanes, quels que soient nos champs de compétences.
À chaque politique publique menée, à chaque texte voté, nous, femmes et hommes politiques adultes, devons faire l’effort d’intégrer cette dimension : les droits de l’enfant, de nos enfants, sont-ils pris en compte ?
L’année prochaine, l’Organisation des Nations unies évaluera la France au regard des exigences de la Convention internationale des droits de l’enfant. Nous devrons être à la hauteur : le pays des droits de l’homme et des droits de la femme doit démontrer qu’il est aussi celui des droits de l’enfant !
La mobilisation de tous est donc une nécessité et, dirai-je même, une urgence.
Vous le savez, l’engagement du Gouvernement est très fort ; le Président de la République a souhaité faire de l’enfance et de sa protection des sujets prioritaires de ce quinquennat.
Cette priorité a été récemment au cœur du premier comité interministériel à l’enfance, au lendemain de la Journée internationale des droits de l’enfant.
Avec la Première ministre et les nombreux ministres concernés, nous avons déterminé cinq chantiers prioritaires et une quarantaine de mesures dont il m’appartiendra de coordonner la mise en œuvre. Je tiens ici à vous en présenter quelques-unes.
La première des priorités, c’est bien sûr la lutte contre les violences faites aux enfants. Dès l’année prochaine, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, créera un office de police judiciaire spécialisé. Cette création sera assortie de la publication par le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, d’une circulaire de politique pénale.
Le deuxième chantier prioritaire est celui de la santé, y compris la santé mentale, de nos enfants. Il s’agit, sur le terrain – vous le savez –, d’un sujet de grande préoccupation, qui apparaît dans chacun de mes échanges, avec les présidents des départements notamment. Le ministre de la santé, François Braun, a lancé, hier, les très attendues Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, qui permettront, au printemps, de définir des orientations.
Troisième priorité : le numérique. Partout où sont nos enfants, nous devons les protéger, notamment, donc, sur internet. La loi Studer visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet entrera en vigueur dans les prochaines semaines. À cette occasion, nous lancerons, avec Jean-Noël Barrot, une campagne de communication pour accompagner les parents dans cette si complexe parentalité numérique.
Au-delà de l’engagement de tous les ministres – je sais que vous y serez sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs –, il nous faut renforcer notre action aux côtés des départements pour que soit facilité l’accès à tous les dispositifs de droit commun pour les enfants les plus fragiles, notamment les enfants en situation de handicap et ceux de la protection de l’enfance.
L’État doit en effet être plus fort aux côtés des départements et des acteurs de terrain : il doit les accompagner financièrement par le biais des contractualisations, mais aussi renforcer, via les préfets, la coordination de l’ensemble des administrations et des services de l’État sur les sujets de l’enfance.
La loi du 7 février 2022 a donné aux départements la possibilité d’expérimenter l’institution d’un comité départemental pour la protection de l’enfance, qui, sous l’égide du préfet et du président du conseil départemental, peut réunir l’ensemble des acteurs engagés, la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS), l’éducation nationale, la santé, les directions territoriales de la protection judiciaire de la jeunesse, en présence de l’autorité judiciaire.
Je crois beaucoup à la mise en place de ces comités départementaux, qui correspondent à un réel besoin de terrain, pour améliorer la stratégie de l’offre, les contrôles et, évidemment – tel est l’enjeu –, la qualité des parcours des enfants, notamment ceux dont la situation est la plus complexe.
Ce constat est largement confirmé par mes échanges avec les élus et les acteurs locaux. Je tiens donc à lancer cette expérimentation dès le mois de janvier prochain.
Je souhaite par ailleurs souligner combien les parlementaires sont, eux aussi, très engagés sur les sujets de l’enfance ; ce débat en est une manifestation évidente, je l’ai dit. Depuis ma prise de fonction, voilà six mois, j’ai pu le constater à maintes reprises, lors des débats parlementaires, au Sénat comme à l’Assemblée nationale – ainsi, récemment, lors de l’examen du projet de loi de finances –, mais également à l’occasion des nombreux rendez-vous que j’ai avec vous et de mes déplacements sur le terrain.
L’Assemblée nationale a fait le choix de créer, en septembre, une délégation parlementaire aux droits des enfants.
Comme vous le savez, j’ai salué la création de cette délégation : si aucun ministre n’a le monopole de l’enfance, et pas plus moi qu’un autre, il en est de même des commissions parlementaires. Le sujet de l’enfance peut et même doit en effet être abordé dans plusieurs commissions : la commission des affaires sociales, naturellement, mais aussi la commission des lois, ou encore la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Les droits de l’enfant sont partout ; mener la transition énergétique, n’est-ce pas, avant tout, préparer l’avenir de nos enfants ?
Ce sujet, faire des droits de l’enfant l’affaire de tous, mettre toutes les politiques à hauteur d’enfant, me tient pleinement à cœur ; je veille, tant au sein du Gouvernement que sur le terrain, à favoriser les échanges entre les acteurs dans un souci permanent de partage de l’information et d’efficacité. Au sein du Sénat, la délégation aux droits des femmes, dont je salue la présidente et les membres, joue par exemple un rôle précieux en ce sens. Son rapport récent sur la pornographie l’a fortement démontré, et je m’appuie régulièrement sur ses travaux.
Toutefois, je l’ai d’ailleurs dit aussi à l’Assemblée nationale, et je le répète au Sénat, la création d’une délégation relève de l’organisation interne du Parlement. Je ne peux donc que m’en remettre, quant à cette initiative, à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je veux profiter de l’occasion qui m’est ici donnée pour exprimer à nouveau ma volonté de travailler avec vous toutes et vous tous, et ce quelle que soit la décision que vous prendrez à l’issue de l’examen de ce texte. Je sais que, quel que soit votre vote, chacune de vos commissions sera d’autant plus attentive à intégrer à ses travaux la question des droits des enfants que ce débat aura eu lieu.
En cette matière, je le sais, nous sommes toutes et tous pleinement engagés ; s’il est un sujet qui doit nous rassembler, c’est bien celui de l’avenir de nos enfants ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et CRCE. – Mmes Colette Mélot et Laurence Rossignol applaudissent également.)