M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, comme tous les autres dans cet hémicycle, salue l’augmentation de crédits prévue pour cette mission, même si, j’y reviendrai, nous aurons des questions à poser concernant la réalité de cette augmentation.
Je souhaite simplement souligner quelques points.
En ce qui concerne tout d’abord la méthode, le comité des États généraux de la justice avait affirmé dans son rapport le besoin de ce rehaussement budgétaire, mais il précisait aussi la nécessité de repenser de façon systémique et articulée l’institution judiciaire, en soulignant que, avant de poser la question des moyens, il fallait clarifier les objectifs assignés à la justice. Comment avez-vous appréhendé cette démarche, monsieur le garde des sceaux ?
Mon groupe apprécie l’effectivité de l’augmentation du budget de la justice au regard du contexte inflationniste. S’il convient de souligner cette augmentation, a fortiori parce qu’elle intervient à la suite d’autres augmentations, notre collègue Lefèvre, dans l’excellent rapport de la commission des finances, note que le budget de la justice augmente certes de 7,7 % en valeur, mais de 3,2 % seulement en euros constants. Il importe de le souligner.
Par ailleurs, monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous éclairer sur vos prévisions d’exécution au regard de la sous-exécution des crédits consacrés à l’investissement dans le budget précédent ?
Au sein de notre groupe, nous avons une divergence d’appréciation concernant votre vision quelque peu sécuritaire de la justice, qui s’inscrit dans la continuité des budgets des précédentes années.
Je ne rappellerai pas que le nombre de magistrats et de personnels de justice en France est insuffisant par rapport aux autres pays. Je saluerai plutôt, au nom de mon groupe, les créations d’emplois et les revalorisations salariales qui, même si elles ne résolvent pas les problèmes liés au défaut d’attractivité des métiers, ont toute leur importance.
Nous notons la hausse du budget dédié au bracelet anti-rapprochement, mais nous souhaiterions savoir, monsieur le garde des sceaux, si cela est dû au changement de prestataire ou s’il s’agit d’un renforcement du dispositif.
Mon groupe présentera plusieurs amendements.
Le premier, partagé me semble-t-il sur l’ensemble des travées, vise à revaloriser l’unité de valeur de l’aide juridictionnelle à 42 euros, comme cela était proposé dans le rapport de la mission Perben. En tant qu’ancien avocat, monsieur le garde des sceaux, vous savez combien cette revalorisation est indispensable pour améliorer l’accès au droit des justiciables en difficulté financière.
Par ailleurs, en cette journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, nous présenterons un amendement visant à instaurer une juridiction spécialisée en charge des violences sexuelles, intrafamiliales et conjugales. Nous avons déjà formulé cette proposition par le passé, et nous continuerons inlassablement de la porter.
Vous le savez, notre modèle est le modèle espagnol, dont je rappellerai quelques résultats, car vous semblez douter de son efficacité, monsieur le garde des sceaux. Depuis 2004, l’Espagne enregistre 25 % de féminicides en moins. Chaque année, quelque 56 000 femmes sont protégées dans ce pays, où deux fois plus de condamnations qu’en France sont par ailleurs prononcées. Enfin, un magistrat espagnol sur trois est formé à cette matière extrêmement particulière.
Sur ce point, qui n’est pas très coûteux – vous en êtes convenu lors de nos travaux en commission des lois, monsieur le garde des sceaux –, nous souhaitons, nonobstant, qu’une mission visant à définir les contours d’une telle juridiction soit prévue, que vous nous précisiez vos ambitions budgétaires.
Sous ces différentes réserves, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicains – Jean-Pierre Sueur n’a pas eu le temps de le dire tout à l’heure – s’apprête à voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Jean-Pierre Sueur. Merci de me suppléer ! (Sourires.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui devrait permettre, si vous le votez, une nouvelle hausse de plus de 8 % en 2023 au profit de notre justice.
Ce sont ainsi 710 millions d’euros supplémentaires qui abonderont en 2023 le budget du service public de la justice, qui frôlerait ainsi les 10 milliards d’euros pour l’année 2023. D’aucuns diront peut-être que ce n’est toujours pas suffisant, mais c’est plus que cela n’a jamais été.
Nous poursuivons les hausses sur ce quinquennat, et tous les acteurs du ministère – j’y insiste – bénéficieront directement et concrètement de celles-ci.
Le budget des services judiciaires augmente de 9 %, pour atteindre 3,39 milliards d’euros pour 2023. Les crédits consacrés à l’administration pénitentiaire sont en hausse de plus de 7 %, soit un budget de 3,91 milliards d’euros pour 2023, et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse s’accroissent de plus de 10 %, atteignant 917 millions d’euros pour 2023.
Si l’on dresse le bilan de l’effort budgétaire consacré à la justice, depuis mon arrivée, ce sont près de 4 milliards d’euros de crédits supplémentaires qui ont été alloués à la Chancellerie, passant ainsi de 7,6 milliards d’euros en 2020 à 9,6 milliards d’euros en 2023, soit une hausse de plus de 26 % du budget en trois ans, et de plus de 40 % si l’on prend comme point de départ le début du premier quinquennat du Président de la République.
Pour mémoire, le budget de la justice s’élevait, en 2017, à 6,9 milliards d’euros.
Cette nouvelle hausse budgétaire confirme la priorité pluriannuelle donnée à la justice au sein de la politique gouvernementale. Elle confirme notre cap : continuer le rattrapage de trente ans d’abandon de la justice et mettre en œuvre les recommandations issues des États généraux de la justice.
À ce propos, il faut souligner que, si la question des moyens est bien sûr essentielle, nous devons également simplifier la procédure civile et la procédure pénale. Notre objectif – je sais que vous le partagez – est d’avoir une justice plus proche des justiciables, plus rapide et bien sûr plus efficace.
J’annoncerai dans quelques jours le plan d’action issu des travaux des États généraux de la justice. Je viendrai naturellement le présenter devant votre commission des lois.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’efficacité de la justice tient d’abord aux hommes et aux femmes qui font preuve d’un engagement quotidien à son service.
Premièrement, afin de soutenir nos agences, un plan de recrutement de 10 000 emplois supplémentaires sera mis en place d’ici à 2027. Celui-ci comprend notamment des emplois en juridiction, dont 605 ont d’ores et déjà été pérennisés au titre de la justice de proximité à la mi-2022.
Ces 10 000 recrutements seront répartis finement, année après année, en fonction des besoins qui nous remontent du terrain, mais également des besoins opérationnels. J’ai toutefois sanctuarisé la création de 1 500 postes de magistrats et de 1 500 postes de greffiers supplémentaires sur tout le quinquennat, afin de renforcer les effectifs en juridiction.
Ces créations de postes emportent un rythme d’embauche deux fois plus important qu’au cours du premier quinquennat.
En ce qui concerne l’année 2023, quelque 2 253 personnels seront recrutés pour la justice, soit un triplement du rythme de recrutement par rapport à 2022, puisque seules 720 créations d’emplois étaient alors prévues.
Ces 2 253 personnels seront répartis de la façon suivante : 1 220 pour la justice judiciaire, dont 200 magistrats et 191 greffiers, 809 pour l’administration pénitentiaire et 92 pour la protection judiciaire de la jeunesse. Les 132 personnels restants seront affectés à la coordination de la politique publique de la justice. J’ajoute que, en sus de ces 2 253 emplois supplémentaires, 60 sont prévus pour nos opérateurs.
Deuxièmement, mesdames, messieurs les sénateurs, pour assurer ce niveau inédit de recrutement, je souhaite renforcer encore l’attractivité des métiers de la justice par des revalorisations salariales.
À cet effet, le budget 2023 permettra, une fois encore, d’augmenter les crédits alloués au titre des mesures catégorielles, atteignant ainsi 60 millions d’euros en 2023, soit un doublement de l’enveloppe par rapport à 2022, afin de revaloriser les professionnels de ce ministère.
Concernant les magistrats, vous le savez, une revalorisation inédite, d’un montant de 1 000 euros par mois, soit une hausse de plus de 16 % en un an de la masse salariale des magistrats, sera effective à compter du 1er octobre 2023.
La conséquence en est directe : demain, un jeune magistrat sortant de l’École nationale de la magistrature commencera sa carrière à près de 3 000 euros net par mois.
J’en viens aux fonctionnaires. L’année 2023 sera encore une année historique, puisqu’une enveloppe catégorielle de 50 millions d’euros est prévue. Elle contribuera à améliorer l’attractivité de nos métiers, et à développer et fidéliser les compétences.
Par ailleurs, l’effort inédit consenti en faveur de la revalorisation indemnitaire des greffiers et des directeurs des services de greffe judiciaires sera poursuivi. Une enveloppe de 10 millions d’euros est prévue à cette fin en 2023. Au total, entre 2021 et 2023, les personnels de greffe auront bénéficié d’une augmentation de 12 %.
J’ai de plus demandé aux directeurs des services de greffe judiciaires d’engager une réflexion sur une réforme du statut des greffiers.
Concernant les personnels relevant des corps spécifiques de la protection judiciaire de la jeunesse, 7 millions d’euros seront consacrés cette année à des revalorisations indemnitaires.
Nous achevons en 2023 la mesure de revalorisation de l’indemnité pour charge pénitentiaire des surveillants pénitentiaires. Celle-ci est passée de 1 400 euros à 1 869 euros en trois ans. Les surveillants pénitentiaires ont de plus bénéficié en 2022 d’une réforme importante de leur statut et de leur rémunération. La fusion des grades de surveillant et de brigadier a permis de simplifier la carrière des agents et de revaloriser les rémunérations, notamment en début et en fin de carrière.
Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, cette réforme est une première étape. Des travaux seront engagés dès le début de l’année 2023 avec les organisations syndicales pour travailler à une revalorisation d’envergure du statut des agents pénitentiaires et de leur rémunération. Celle-ci sera mise en œuvre dans les années à venir.
Pour ouvrir les nouveaux établissements pénitentiaires prévus dans le cadre du plan de construction de 15 000 places de prison, nous devons en effet nous donner les moyens de recruter plus et dans de meilleures conditions, mais aussi de fidéliser ces agents qui exercent des missions nécessaires, mais ô combien difficiles, nous en sommes tous conscients.
Enfin, 10 millions d’euros seront consacrés cette année à une revalorisation du régime indemnitaire, mais également indiciaire, de tous nos corps d’encadrement, qu’il s’agisse des directeurs des services de greffe judiciaires, des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation, des directeurs des services de la protection judiciaire de la jeunesse ou des directeurs des services pénitentiaires.
Troisièmement, ces crédits permettront au ministère d’achever le plan de construction des 15 000 places de prison supplémentaires voulu par le Président de la République. Ce plan permettra d’augmenter la capacité carcérale de 60 000 à plus de 75 000 places.
Depuis que j’ai pris mes fonctions de garde des sceaux, je suis pleinement engagé pour la mise en œuvre de ce plan. En ce moment même, dix-huit opérations sont en chantier dans toute la France, dont dix – Avignon, Osny, Meaux et Troyes-Lavau, etc. – seront livrées en 2023.
Sur la cinquantaine de chantiers que compte le « plan 15 000 », la moitié des établissements seront opérationnels en 2024. Le rythme des livraisons va maintenant s’accélérer jusqu’en 2027, car l’ensemble des terrains est désormais identifié.
C’est d’ailleurs jusqu’à cette échéance de 2027 que je vous propose de proroger le moratoire sur l’impératif encellulement individuel.
Dans ce cadre, le Gouvernement émettra un avis favorable sur l’amendement proposé par M. le rapporteur spécial Lefèvre, par lequel il est proposé que deux rapports soient remis, en 2025 et en 2027, afin d’informer le Parlement, en toute transparence et en responsabilité, de l’état d’avancement du programme immobilier pénitentiaire et de ses conséquences sur le taux de placement en cellule individuelle.
Quatrièmement, je souhaite moderniser et agrandir l’immobilier juridictionnel. C’est indispensable si l’on veut accueillir les renforts humains qui sont attendus dans les années à venir. À ce titre, 502 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 269 millions d’euros de crédits de paiement immobiliers sont prévus en 2023.
Ces crédits permettront en outre de poursuivre les opérations majeures engagées lors du quinquennat précédent – je pense notamment aux palais de justice de Lille, de l’île de la Cité et de Bayonne –, de poursuivre l’étude des projets de Cayenne, Cussey, Meaux, Moulins, Nancy, Nantes, Perpignan, et de lancer de nouvelles opérations immobilières comme à Argentan, Chartres, Colmar, Saint-Brieuc ou encore Verdun.
Cinquièmement, et enfin, permettez-moi de mettre en exergue certains efforts budgétaires.
L’enveloppe de crédits consacrée aux dépenses de frais de justice sera portée à 660 millions d’euros, soit une hausse de 12 millions d’euros.
Les crédits alloués aux investissements informatiques seront portés à 195 millions d’euros dans le cadre de la poursuite de la mise en œuvre du plan de transformation numérique du ministère.
Les crédits dédiés à l’aide juridictionnelle continueront de croître en 2023, pour atteindre 641 millions d’euros, soit une hausse de 26 millions d’euros en une année.
Parallèlement, l’aide aux victimes sera portée à 43 millions d’euros, soit une hausse de 7 %, et au sein de cette enveloppe, 16,1 millions d’euros seront dédiés aux violences intrafamiliales, marquant un doublement de ce budget annuel, dont le montant s’élevait à mon arrivée à la Chancellerie en 2020 à 8 millions d’euros.
La justice est à la croisée des chemins. Délaissé pendant près de trois décennies, son budget fait l’objet, depuis cinq ans, d’un renforcement massif de près de 4,7 milliards d’euros, traduction de la volonté claire du Président de la République et de la Première ministre, volonté qui est également la mienne, de considérer la justice comme ce qu’elle est : une institution qui fonde le pacte social.
En tant que parlementaires, il vous revient d’approuver ce renforcement de notre justice, ou bien, mais je pense que nul ne le souhaite, de bifurquer vers les réflexes des décennies passées – sous-dotations, effets d’affichage sans lendemain, court-termisme, « à-quoi-bonisme », etc.
Vous le savez, on ne répare pas trente ans d’abandon budgétaire, humain et politique en un claquement de doigts. La route est longue, bien sûr, mais j’espère que le Sénat, qui accorde à la justice une grande importance, à l’instar de ses commissions des lois et des finances, sera à nos côtés pour voter cette nouvelle hausse de 8 % et nous suivra sur le chemin de la restauration d’ampleur que nous menons.
Il s’agit de construire la justice de qualité que nous appelons tous de nos vœux – une justice rapide, efficace et proche de nos concitoyens –, pour ceux qui la font vivre, mais aussi pour l’ensemble de nos compatriotes, qu’elle sert. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
justice
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé, pour cette mission, la durée maximale de la discussion à trois heures.
En conséquence, l’examen de cette mission pourrait se prolonger jusqu’à vingt heures trente. Si nous n’avions pas terminé à vingt heures trente, la fin de l’examen de cette mission serait reportée à la semaine prochaine.
Mme Cécile Cukierman. Nous pouvons même tenter de terminer avant !
M. le président. Je vous en saurais gré, ma chère collègue ! (Sourires.)
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Justice |
12 510 993 647 |
11 563 403 289 |
Justice judiciaire |
4 514 856 450 |
4 147 305 671 |
Dont titre 2 |
2 745 253 859 |
2 745 253 859 |
Administration pénitentiaire |
5 409 946 458 |
4 927 411 859 |
Dont titre 2 |
3 066 113 201 |
3 066 113 201 |
Protection judiciaire de la jeunesse |
1 103 663 261 |
1 087 265 816 |
Dont titre 2 |
644 687 864 |
644 687 864 |
Accès au droit et à la justice |
713 982 275 |
713 982 275 |
Conduite et pilotage de la politique de la justice |
764 462 906 |
682 463 430 |
Dont titre 2 |
220 578 577 |
220 578 577 |
Conseil supérieur de la magistrature |
4 082 297 |
4 974 238 |
Dont titre 2 |
3 106 298 |
3 106 298 |
M. le président. L’amendement n° II-727, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Justice judiciaire dont titre 2 |
1 500 000 |
|
1 500 000 |
|
Administration pénitentiaire dont titre 2 |
|
|
|
|
Protection judiciaire de la jeunesse dont titre 2 |
|
|
|
|
Accès au droit et à la justice |
|
|
|
|
Conduite et pilotage de la politique de la justice dont titre 2 |
|
|
|
|
Conseil supérieur de la magistrature dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
1 500 000 |
|
1 500 000 |
|
SOLDE |
+ 1 500 000 |
+ 1 500 000 |
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à rétablir les crédits supprimés sur le programme 166, « Justice judiciaire », de la mission « Justice » au cours des débats sur le PLF pour 2023 à l’Assemblée nationale, compte tenu des mouvements de crédits consécutifs à l’adoption de l’amendement n° II-1906.
Ces ouvertures de crédits sont considérées comme des charges de fonctionnement, telles qu’elles sont définies aux 1° à 4°, ainsi qu’au 6°, du I de l’article 5 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Cet amendement, qui vise à rétablir les crédits du programme « Justice judiciaire », a été déposé vers midi, après la réunion de la commission. J’exprimerai donc seulement un avis personnel.
Le texte élaboré par le Gouvernement, sur lequel celui-ci a engagé sa responsabilité en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, intégrait un amendement rehaussant les crédits en faveur du dispositif téléphone grave danger, mais sans lever le gage.
Dans mon rapport budgétaire, j’avais appelé le Gouvernement à lever ce gage, en rétablissant les crédits du programme « Justice judiciaire ».
Je ne puis donc qu’être favorable à cet amendement, qui vise à suivre ma recommandation.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° II-68 rectifié ter est présenté par MM. Favreau et Cambon, Mme Gruny, M. Burgoa, Mme Di Folco, MM. Brisson et Belin, Mme Belrhiti, MM. Anglars, D. Laurent, Bonhomme, Bonne et Klinger, Mme Raimond-Pavero et M. Charon.
L’amendement n° II-307 est présenté par Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Justice judiciaire dont titre 2 |
||||
Administration pénitentiaire dont titre 2 |
||||
Protection judiciaire de la jeunesse dont titre 2 |
||||
Accès au droit et à la justice |
80 000 000 |
80 000 000 |
||
Conduite et pilotage de la politique de la justice dont titre 2 |
80 000 000 |
80 000 000 |
||
Conseil supérieur de la magistrature dont titre 2 |
||||
TOTAL |
80 000 000 |
80 000 000 |
80 000 000 |
80 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
L’amendement n° II-68 rectifié ter n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° II-307.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-274 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Artano, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini, Guiol, Requier, Roux, Bilhac et Cabanel et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Justice judiciaire dont titre 2 |
|
|
|
|
Administration pénitentiaire dont titre 2 |
|
|
|
|
Protection judiciaire de la jeunesse dont titre 2 |
|
|
|
|
Accès au droit et à la justice |
40 000 000 |
|
40 000 000 |
|
Conduite et pilotage de la politique de la justice dont titre 2 |
|
40 000 000 |
|
40 000 000 |
Conseil supérieur de la magistrature dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
40 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Il est également défendu.
M. le président. L’amendement n° II-239, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Justice judiciaire dont titre 2 |
|
|
|
|
Administration pénitentiaire dont titre 2 |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
Protection judiciaire de la jeunesse dont titre 2 |
|
|
|
|
Accès au droit et à la justice |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
|
Conduite et pilotage de la politique de la justice dont titre 2 |
|
|
|
|
Conseil supérieur de la magistrature dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
0 |
0 |
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Cet amendement vise à revaloriser à 42 euros le montant de l’unité de valeur de l’aide juridictionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Ces amendements ont pour objet d’augmenter les crédits de l’aide juridictionnelle. Cependant, il me semble s’agir davantage d’amendements d’appel destinés à attirer l’attention du Gouvernement sur la faiblesse du montant relatif de l’unité de valeur.
Je partage les préoccupations de mes collègues. Monsieur le garde des sceaux, les avocats nous confient que, dans près de la moitié des cas, leur rétribution au titre de l’aide juridictionnelle n’est pas suffisante pour couvrir les frais qu’ils engagent par dossier. Le rapport de la mission relative à l’avenir de la profession d’avocat, présidée par Dominique Perben, avait, à cet égard, recommandé de rehausser le montant de l’unité de valeur à 40 euros.
Deux éléments attirent cependant notre attention.
Tout d’abord, la revalorisation du montant de l’unité de valeur (UV) a fortement progressé ces dernières années, entraînant, il faut bien le dire, un coût certain pour les finances publiques. Ce montant, qui n’était que de 26,50 euros en 2016, s’élève à 36 euros depuis la loi de finances pour 2022. Un rattrapage a donc eu lieu durant cette période, même s’il semble encore insuffisant dans certains cas. M. le garde des sceaux pourra sans doute nous indiquer s’il envisage de nouvelles pistes d’amélioration pour le prochain budget.
Ensuite, et surtout, l’adoption de ces amendements augmenterait, certes, le budget de l’aide juridictionnelle, mais ne permettrait absolument pas de revaloriser le montant de l’unité de valeur pour les avocats. Leur portée concrète est par conséquent limitée.
La commission demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget qui vous est présenté inscrit 641 millions de crédits consacrés à l’aide juridictionnelle (AJ). Cela représente une hausse de plus de 26 millions d’euros par rapport à 2022 et de 157 millions d’euros depuis 2021, soit 32 % d’augmentation.
À la question : « Allez-vous faire plus dans les prochains budgets ? », je répondrai que telle est ma volonté. Parmi les réponses envisagées issues des États généraux de la justice figure le recours à davantage de modes de résolution amiable, donc de médiation et d’intervention du barreau.
Dans ces conditions, il faudra permettre aux avocats, si je puis m’exprimer ainsi, de préférer la médiation et l’amiable, plutôt que le procès. Naturellement, ils examineront ce qu’ils gagnent et si le procès paie moins que la médiation, ils iront moins vers le procès.
Dans ces conditions, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. L’amendement n° II-307 n’est pas du tout un amendement d’appel ! Ce n’est pas parce qu’un progrès a été accompli qu’il est suffisant.
Monsieur le garde des sceaux, je suis presque gênée de le souligner, puisque, dans cet hémicycle, vous êtes l’un de ceux qui connaissent le mieux ce que je vais énoncer : il s’agit de populations qui n’ont pas accès au droit et de professionnels de la justice qui se détournent de plus en plus de l’AJ, parce qu’elles ne s’y retrouvent pas. Si nous voulons réellement que les Français puissent accéder au droit de manière satisfaisante, nous devons adopter cette mesure.
Pour le coup, je vous trouve sévère avec nos anciens confrères. Je ne crois pas qu’ils s’orienteront davantage vers la médiation que vers le procès, simplement parce que ce serait mieux rétribué. De toute façon, nous le savons bien, l’AJ est peu rémunérée ; ce n’est donc jamais intéressant.
Encore une fois, sur ces travées, nous voulons cette revalorisation. Ce n’était pas un amendement d’appel ; nous souhaitons qu’il soit adopté.