M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Sans grande surprise, il est défavorable… (Sourires.)
Mes chers collègues, vous prouvez que l’on peut recevoir cinq avis défavorables tout en gardant le sourire. Merci à vous ! (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ces amendements traitent d’un impôt qui ne me semble pas exempt de défauts.
Spécificité française, me semble-t-il – en tout cas à ce niveau de prélèvement –, il rigidifie le marché de l’immobilier et décourage certaines transactions.
MM. Thierry Cozic et Serge Mérillou. Supprimez-le dans ce cas !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je ne fais pas d’annonce, messieurs, je me contente de donner un avis…
Je crains que vos amendements ne soient de nature à renforcer les critiques émises à l’encontre de cet impôt, notamment en lui ajoutant un « défaut » supplémentaire, l’absence de lisibilité liée au barème progressif, qui aurait pour conséquence une rigidification supplémentaire du marché de l’immobilier.
Il s’agirait par principe d’une augmentation d’impôt à laquelle nous sommes par principe opposés.
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable sur cette série d’amendements.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1103 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° I-955, présenté par M. Gillé, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Après l’article 11 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Une fraction du produit de l’accise sur les énergies mentionnée à l’article L. 312-1 du code des impositions sur les biens et services et perçue en métropole sur les produits autres que les charbons, les gaz naturels et l’électricité revenant à l’État est attribuée annuellement aux communautés de communes qui exercent la compétence d’organisation de la mobilité en application du III de l’article 8 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités et qui n’ont pas institué le versement mentionné à l’article L. 2333-66 du code général des collectivités territoriales.
Cette fraction est calculée de manière à ce que le montant versé aux communautés de communes s’élève à 10 euros par habitant.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Le présent amendement vise, dans le droit fil des dispositions adoptées par notre commission lors de l’examen de la loi d’orientation des mobilités, à attribuer aux communes qui se sont saisies de la compétence mobilité sans instituer de versement mobilité une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) d’un montant de 10 euros par habitant, afin de leur permettre d’exercer cette nouvelle compétence dans de bonnes conditions.
Parmi les communautés de communes qui se sont saisies de la compétence mobilité, plusieurs n’ont pas institué de versement mobilité, compte tenu du potentiel réduit de celui-ci en raison d’une répartition inégale des activités et des emplois sur leur territoire. La problématique est particulièrement prégnante dans les zones de faible densité de population.
Notre proposition permettrait à ces communautés de communes de bénéficier d’une ressource pour financer leur compétence mobilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le présent amendement tend à verser une fraction de l’accise sur les énergies aux collectivités qui exercent la compétence d’autorité organisatrice de la mobilité (AOM) mais qui n’ont pas, comme la loi les y autorise, institué de versement mobilité.
Une telle mesure induirait un risque important d’effet d’aubaine : les AOM bénéficieraient d’un droit de tirage sur les ressources de l’État et n’auraient plus d’intérêt à instituer de versement mobilité.
La solution réside aussi souvent, me semble-t-il, dans la recherche du périmètre le plus pertinent. Quand on raisonne à l’échelle du bassin de mobilité, on parvient généralement à identifier un territoire plus large, qui concentre aussi les activités économiques et qui permet de mettre en place un versement mobilité adapté aux besoins de chacun.
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. Monsieur le rapporteur général, trouver un périmètre pertinent en matière de bases fiscales pour que le versement mobilité ait un rendement suffisant suppose le plus souvent d’inclure des territoires appartenant à une autre communauté de communes, ce qui n’est pas possible. (M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, marque son désaccord.) Si cette communauté exerce aussi la compétence mobilité, cela ne peut pas fonctionner !
Par ailleurs, vous voyez bien que des problèmes importants d’organisation territoriale se posent dans le cadre du déploiement de la compétence mobilité. Les trous dans la raquette sont nombreux, les régions assument la compétence quand elle n’est pas prise par les intercommunalités, mais nous n’arrivons pas à créer de complémentarités suffisantes entre territoires, notamment à travers les schémas de mobilité.
Pour ma part, je ne connais pas beaucoup d’accords entre communautés de communes pour se répartir le versement mobilité. Si vous pouvez me donner des exemples, je suis preneur, monsieur le rapporteur général.
Notre idée est de commencer à alimenter la mise en œuvre de la compétence mobilité, quitte à trouver plus tard d’autres ressources. Le risque d’effet d’aubaine que vous pointez me paraît particulièrement faible.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Le Sénat a voté un dispositif proche de celui présenté par M. Gillé lors de l’examen de la loi d’orientation sur les mobilités (LOM), qui a transféré aux intercommunalités une compétence en matière de mobilité sans aucun financement correspondant.
Comme le dit très bien notre collègue, certains territoires, notamment très ruraux, n’instituent pas de versement mobilité, car les recettes issues de celui-ci seraient minimes et ne leur permettraient pas de financer le service.
De mémoire, l’amendement que nous avions voté à l’occasion de l’examen de la LOM renvoyait à un décret les modalités d’application du dispositif. Il s’agissait en tout état de cause d’un point très important du débat : le Sénat n’avait pas jugé sérieux de transférer aux intercommunalités une compétence aussi importante que la mobilité sans leur donner les moyens de l’exercer, la commission mixte paritaire avait échoué et la Haute Assemblée avait finalement rejeté la LOM.
À titre personnel, je ne peux donc que soutenir la démarche de M. Gillé.
M. le président. L’amendement n° I-1119 rectifié bis, présenté par M. Jacquin, Mme Blatrix Contat, MM. Bourgi, Chantrel, Durain, Pla et Gillé, Mme Préville, MM. Cardon, Mérillou et Cozic et Mmes Meunier, M. Filleul, Conconne, Le Houerou, Monier et Bonnefoy, est ainsi libellé :
Après l’article 11 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 2333-66 du code général des collectivités territoriales, après la référence « 1° », sont insérés les mots « ou au 5° ».
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Les lignes de covoiturage permettent de développer un service de transport dans les territoires périurbains et ruraux, qui sont de plus en plus nombreux à être dotés d’autorités organisatrices de la mobilité. Ces dernières sont fondées à lever le versement mobilité dès lors qu’elles mettent en place un service de transport « régulier » de personnes.
Les espaces peu denses étant sous dotés financièrement pour développer des services de transport de type bus, M. Jacquin propose à travers cet amendement d’ouvrir la possibilité aux AOM de lever un versement mobilité pour développer des « lignes de covoiturage » ainsi que l’écosystème correspondant – parkings relais, abri de covoiturage, etc. – afin de contribuer au développement de solutions de mobilités partagées à des frais infiniment moindres pour les collectivités.
Cet amendement reprend les conclusions du rapport Mobilités dans les espaces peu denses en 2040 : un défi à relever dès aujourd’hui, publié par la délégation sénatoriale à la prospective en janvier 2021. Il s’avère encore plus pertinent aujourd’hui à l’aune de la crise énergétique, du retour de l’inflation, de la hausse des prix des carburants et de la nécessité de réduire l’autosolisme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable sur cet amendement d’appel. Nous n’avons pas encore trouvé de solution acceptable à la problématique que vous soulevez.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Gillé. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° I-1119 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous allons aborder une série d’amendements qui visent tous à augmenter le plafond du versement mobilité que les collectivités territoriales ont la faculté d’instituer pour financer leurs transports publics.
Pour mémoire, le versement mobilité est un impôt assis sur la masse salariale des entreprises du territoire, dès lors qu’elles comptent plus de seize salariés.
Tous ces amendements visent à relever le plafond du versement mobilité fixé par la loi, afin de permettre aux collectivités territoriales exerçant la compétence d’autorité organisatrice de la mobilité de disposer d’un surcroît de ressources pour soutenir leurs services publics de transport.
Ces services publics essentiels, de par leur nature même, sont très fortement affectés par la crise énergétique actuelle.
Je comprends donc la volonté des auteurs de ces amendements. Néanmoins, je le dis franchement, je suis réservé sur la solution qu’ils préconisent, qui conduirait à accroître la pression fiscale sur nos entreprises, elles-mêmes frappées de plein fouet par la crise, y compris celle des énergies. Leur compétitivité pourrait être atteinte.
Je demanderai donc l’avis du Gouvernement sur l’ensemble de ces amendements. Je voudrais m’assurer que l’exécutif a pris toute la mesure de la gravité de la situation et connaître les solutions qu’il entend mettre en œuvre pour y répondre.
Le problème se pose avec une acuité particulière s’agissant d’Île-de-France Mobilités (IDFM), au vu de l’ampleur du service public qu’il assure. Vous le savez, mes chers collègues, la situation de l’établissement est critique.
Si l’on ne fait rien, Île-de-France Mobilités pourrait n’avoir d’autre choix que de réduire son service,…
M. Pierre Laurent. C’est déjà le cas !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. … ce qui, au moment où l’on prône la transition écologique dans les transports, enverrait un très mauvais signal.
Rappelons-nous qu’en loi de finances rectificative pour 2020, dans le contexte de début de crise sanitaire, des avances remboursables de l’État avaient été accordées à Île-de-France Mobilités. Il me paraît opportun d’envisager, dans la situation actuelle, un report de ces remboursements. Je souhaite, sur ce point également, connaître l’avis du Gouvernement.
En tout état de cause, au vu de la variété des acteurs concernés – l’État, les collectivités territoriales, les entreprises, mais aussi les usagers –, les solutions à mettre en œuvre ne peuvent être prises sans l’organisation d’une vaste concertation. C’est d’autant plus vrai que les opérateurs franciliens devront bientôt faire face au défi de l’organisation des jeux Olympiques de Paris 2024.
C’est la raison pour laquelle je proposerai, en seconde partie de PLF, un amendement prévoyant d’organiser dès le premier trimestre 2023 une conférence du financement des transports publics en Île-de-France. Celle-ci serait chargée de mettre sur la table des solutions permettant de soutenir efficacement l’établissement face à la crise, en veillant bien entendu à leur soutenabilité pour les finances de l’État et des collectivités territoriales, et en accordant une vigilance particulière à l’enjeu de la pression fiscale et du pouvoir d’achat des usagers qui s’acquittent du tarif Navigo.
Pour résumer, je dirais que l’on est passé d’une crise de la recette à une crise de la dépense.
Je propose que les travaux de cette conférence soient ensuite synthétisés dans un rapport remis par le Gouvernement au Parlement au premier semestre 2023, afin d’éclairer les décisions que nous pourrions être amenés à prendre lors d’un éventuel – nous le souhaitons à ce stade – projet de loi de finances rectificative, sous réserve de son dépôt par le Gouvernement.
M. le président. Monsieur le ministre délégué, souhaitez-vous vous exprimer sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je le ferai en même temps que je donnerai l’avis du Gouvernement sur les trois premiers amendements.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-335 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Parigi, Fernique, Gontard et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 11 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le taux : « 0,55 % » est remplacé par le taux : « 1,50 % » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le taux : « 0,85 % » est remplacé par le taux : « 1,80 % » ;
b) À la seconde phrase, le taux : « 0,55 % » est remplacé par le taux : « 1,50 % » ;
3° Au quatrième alinéa, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 1,95 % » ;
4° Le cinquième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le taux : « 1,75 % » est remplacé par le taux : « 2,70 % » ;
b) À la deuxième phrase, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 1,95 % » ;
5° Au treizième alinéa, le taux : « 0,55 % » est remplacé par le taux : « 1,50 % ».
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Je souscris au constat du rapporteur général, qui, s’agissant du versement mobilité, traite à part la situation de l’Île-de-France.
À travers cet amendement, notre objectif est double.
Nous voulons tout d’abord permettre à toutes les collectivités d’appliquer le même taux qu’en Île-de-France, ce qui permettrait de rétablir un certain équilibre.
Ensuite, et surtout, au vu de la situation actuelle, nous ne voulons pas faire porter la totalité des efforts pour développer le maillage et la fréquence des transports en commun sur l’État, les collectivités territoriales et les citoyens. Les entreprises doivent aussi prendre leur part, dans la limite de celle qui est déjà fixée pour l’Île-de-France. Nous ne proposons pas de taux excessifs.
Cette demande émane de beaucoup de collectivités territoriales, quelles que soient d’ailleurs les majorités politiques qui les conduisent, monsieur le rapporteur général.
Les citoyens qui ne disposent pas d’un maillage suffisant de transports en commun subissent de plein fouet la crise énergétique, car ils sont obligés de prendre leur véhicule. Or, s’agissant du développement des transports en commun, les enjeux de financement sont importants pour nombre de collectivités territoriales et les entreprises peuvent y participer au même titre que tous les autres acteurs.
Je comprends enfin très bien votre proposition de conférence pour l’Île-de-France, monsieur le rapporteur général, mais je laisserai mes collègues franciliens se prononcer sur cette proposition.
M. le président. L’amendement n° I-336 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Parigi, Fernique, Gontard et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 11 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le taux : « 0,55 % » est remplacé par le taux : « 0,80 % » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le taux : « 0,85 % » est remplacé par le taux : « 1,10 % » ;
b) À la seconde phrase, le taux : « 0,55 % » est remplacé par le taux : « 0,80 % » ;
3° Au quatrième alinéa, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 1,25 % » ;
4° Le cinquième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le taux : « 1,75 % » est remplacé par le taux : « 2 % » ;
b) À la deuxième phrase, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 1,25 % » ;
5° Au treizième alinéa, le taux : « 0,55 % » est remplacé par le taux : « 0,80 % ».
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement de repli prévoit des taux intermédiaires entre les plafonds actuels et ceux applicables à l’Île-de-France.
M. le président. L’amendement n° I-1400 rectifié ter, présenté par MM. Gold, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 11 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le taux : « 0,55 % » est remplacé par le taux : « 0,57 % » ;
2° Au troisième alinéa, le taux « 0,85 % » est remplacé par le taux : « 0,87 % » ;
3° Au quatrième alinéa, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 1,02 % » ;
4° Au cinquième alinéa, le taux : « 1,75 % » est remplacé par le taux : « 1,77 % ».
II. – Les dispositions du I s’appliquent du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023.
La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Cet amendement proposé par Éric Gold prévoit d’augmenter légèrement et de façon temporaire les taux du versement mobilité, afin de garantir des ressources suffisantes aux autorités organisatrices de mobilité en 2023.
À titre d’exemple, pour l’agglomération clermontoise, le coût de l’énergie pour les transports en commun passerait de 1,8 million d’euros en 2022 à 4,8 millions d’euros en 2023, dans l’hypothèse d’une stabilité des prix du gaz et de l’électricité au niveau actuel.
Dans ce contexte, pour préserver les ressources, il faut soit une prise en charge directe par l’État, soit l’ouverture d’avances remboursables, soit un relèvement temporaire du versement mobilité. C’est cette dernière solution que nous proposons, avec une augmentation limitée du taux de 0,02 point pour l’ensemble des catégories d’agglomérations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Comme je l’ai indiqué précédemment, nous sollicitons l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je le dis d’emblée, le Gouvernement ne souhaite pas augmenter le versement mobilité.
On ne peut pas, dans un même texte, vouloir baisser massivement les impôts de production en supprimant la CVAE et accepter un relèvement très substantiel desdits impôts à travers le versement mobilité. L’amendement n° I-840 rectifié de M. Bocquet, qui viendra prochainement en discussion, prévoit ainsi de relever le plafond à 4,5 % contre 2,95 % actuellement.
J’ai bien en tête que le Sénat est revenu sur la suppression de la CVAE, pourtant très attendue par notre industrie, nos PME et nos ETI. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s’exclame.) Dans cette logique, l’augmentation du versement mobilité est certes moins incohérente, je vous l’accorde.
Je regrette toutefois cette position et souhaite que la suppression de la CVAE soit rétablie à l’issue de la navette parlementaire.
Pour nous qui souhaitons poursuivre la baisse des impôts de production en supprimant la CVAE, l’augmentation du versement mobilité, qui pèse aussi sur la production et les entreprises de notre pays, n’aurait pas de sens.
Par rapport à celui de M. Bocquet, certains amendements « moins-disants » limitent la hausse du plafond à 3,27 %. Ils représenteraient tout de même une hausse d’impôt de 500 millions d’euros pour les employeurs, et un alourdissement du coût du travail de 130 euros par an pour un salarié payé le double du Smic.
Certains amendements prévoient de circonscrire cette augmentation à l’Île-de-France, voire à une partie seulement de cette région : c’est encore moins acceptable selon nous. Ils créeraient alors des déséquilibres, là où les transports visent au contraire à relier nos territoires. C’est d’autant plus vrai que cet impôt pèse déjà très largement sur les entreprises franciliennes – nous sommes un certain nombre dans cette enceinte à le savoir. Celles-ci contribuent à hauteur de 45 % au financement des transports publics, sans compter l’obligation pour les employeurs de financer 50 % des abonnements de transports en commun de leurs salariés.
J’insiste sur un premier point : le versement mobilité augmente de 7 % en 2022 par rapport à 2021. Cela représente déjà 200 millions d’euros de fiscalité supplémentaire cette année pour la seule Île-de-France Mobilités.
Il y a selon moi des questions à se poser sur le modèle. Le versement mobilité représente 40 % des ressources d’IDFM. Il n’est pas tenable, de notre point de vue, d’augmenter sans cesse les impôts de production pour aboutir, in fine, à un modèle uniquement financé par les prélèvements obligatoires. (M. Thomas Dossus et Mme Marie-Pierre de La Gontrie protestent.)
Je le redis : nous souhaitons non pas augmenter les impôts qui pèsent sur le travail et la production, mais au contraire continuer de les faire baisser.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Donc vous souhaitez l’augmentation des tarifs !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Dans ces conditions, nous ne pouvons être favorables à une ligne qui ne serait pas tenable, à notre sens, pour nos entreprises et pour notre économie.
Je le répète : la Première ministre et Christophe Béchu recherchent activement des solutions. (Marques d’impatience à gauche.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai donné mon avis sur les amendements qui ont été défendus à l’instant, en expliquant pourquoi je m’oppose, d’une manière générale, à l’augmentation du versement mobilité. Permettez-moi à présent de m’exprimer, comme l’a fait M. le rapporteur général, sur l’ensemble des amendements qui viennent en discussion. Cela nous permettra de gagner du temps sur la suite. Il me semble que tel est le souhait du président de la commission des finances et des élus issus d’un certain nombre de groupes.
Le travail se poursuit donc sur le cas le plus urgent, à savoir la situation financière d’Île-de-France Mobilités. Je le répète, un certain nombre d’outils existent.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Lesquels ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je pense aux leviers sur la desserte, la productivité, la masse salariale, l’absentéisme ou encore la tarification et aux économies qui peuvent être faites : 1 % d’économies sur le fonctionnement, c’est 100 millions d’euros d’économies ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s’exclame.)
Je redis la disponibilité du Gouvernement dans son ensemble, et plus particulièrement de la Première ministre et de mes collègues Christophe Béchu et Clément Beaune, pour continuer de travailler sur ce sujet avec les élus de la région Île-de-France.
En ce qui concerne les autres amendements, vous aurez compris pourquoi nous sommes défavorables à une augmentation du versement mobilité. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Je ne suis pas satisfait de la réponse du ministre, qui mélange un peu tout.
Premier point, le versement mobilité n’est pas un impôt de production, mais un impôt qui est basé sur la masse salariale.
Ensuite, on nous demande de faire des économies sur le fonctionnement. Or on sait que les différentes AOM peinent à recruter des chauffeurs. Dans ces conditions, je ne vois pas bien où nous pourrions faire des économies.
C’est par ailleurs une mesure d’égalité. Nous demandons que les AOM hors Île-de-France puissent appliquer les mêmes taux qu’en Île-de-France.
C’est également une mesure préservant l’autonomie des collectivités. Il est question non pas d’une augmentation automatique « au taquet » des taux qui sont fixés, mais d’agir sur le niveau des taux.
Enfin, nous sommes tout de même dans une période assez particulière. De nombreuses aides au carburant ont été octroyées, ce qui revient à soutenir les déplacements en voiture individuelle.
Certes, il y a des endroits où l’on ne peut faire autrement, mais nous ne pouvons pas nous contenter de ce constat. Si on ne peut faire autrement, c’est parce que le besoin d’investissement existe aussi dans les transports en commun et dans les transports collectifs.
On est en train d’imposer des zones à faibles émissions dans les grandes agglomérations. Il faut donc développer des alternatives aux véhicules individuels thermiques.
À un moment, il faudra investir. Or les collectivités éprouvent actuellement beaucoup de difficultés à le faire. C’est donc le moment de faire participer la richesse nationale aux déplacements en transports en commun.
Quand j’entends que cela peut être un facteur de frein à l’attractivité, je réponds le contraire : les agglomérations qui disposent d’équipements de transport collectif efficaces sont des agglomérations attractives, également pour le tissu économique.