M. Sébastien Meurant. Toute la misère du monde !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous sommes passés de 110 000 à 200 000 places et avons créé 50 000 places supplémentaires de pension de famille dans le cadre de l’intermédiation locative. Nous avons beaucoup augmenté nos places, notamment pendant la pandémie de covid-19, parce qu’il y avait un confinement et qu’il fallait héberger des personnes sans domicile.
Au départ, j’ai effectivement souhaité réduire la voilure de l’hébergement d’urgence, notamment sur le coût des nuitées hôtelières, qui est objectivement beaucoup trop élevé et qui permet à certains intermédiaires de faire indûment des profits importants. J’ai défendu cette position en réunion interministérielle, je l’assume, mais l’arbitrage rendu par Matignon a consisté à refuser de faire ces économies en 2023. Dont acte. Toutefois, je considère possible, y compris sur ce sujet, de chercher des marges supplémentaires, en particulier sur le tarif des nuitées hôtelières.
Madame Vermeillet, vous avez abordé la question des superprofits. Je ne répéterai pas ce que j’ai dit en discussion générale, mais nous avons eu ce débat, l’été dernier, lors de l’examen du PLFR, et nous avions renvoyé cette question à une discussion européenne. On nous avait alors reproché d’« enjamber le sujet », mais nous avons obtenu sur ce point un accord européen et le texte que vous examinez prévoit bien une taxation des superprofits des entreprises de l’énergie qui ont bénéficié de rentes indues, liées à l’explosion des prix de l’énergie aux échelons européen et mondial, voire à une spéculation.
Nous considérons qu’il faut taxer les superprofits dans les secteurs qui bénéficient indûment d’une augmentation des prix de l’énergie. Néanmoins, si les profits de certaines entreprises ont augmenté, cela n’a rien à voir, pour nombre d’entre elles, avec la crise que nous traversons ! Si une entreprise a été redressée, a fait des efforts, a innové, pourquoi taxer davantage ses profits, qui sont liés à une politique d’innovation, d’investissement ou de redressement ? Nous considérons qu’il n’est pas légitime de « pénaliser » ces entreprises. Nous pensons, au contraire, qu’il convient de maintenir la stabilité que nous avons eue depuis 2017, afin de développer l’investissement, l’innovation et l’attractivité économique de notre pays.
Nous reprendrons ce débat, comme nous l’avons eu l’été dernier, lors de l’examen de vos amendements, madame la sénatrice.
Monsieur Requier, vous avez posé la question de la prévision de croissance. La prévision est, on le sait, un art difficile, surtout quand on fait face à des aléas tels que ceux que nous connaissons aujourd’hui : retour de la guerre en Europe, crise immobilière en Chine, Inflation Reduction Act aux États-Unis, qui fait peser un risque sur les industries européennes, évolutions politiques en Italie et leur possible impact sur la trajectoire italienne des finances publiques et sur la zone euro, risques de difficultés d’approvisionnement en gaz pour nos voisins allemands l’hiver prochain… Tous ces éléments sont autant de nuages qui s’amoncellent au-dessus de nous et qui, oui, font peser un aléa sur l’activité économique.
Néanmoins, le Haut Conseil des finances publiques a jugé que nos prévisions en matière de croissance et d’inflation étaient crédibles, mais que – je suis tout à fait transparent avec vous – notre prévision de croissance était peut-être « un peu élevée ».
Pour ma part, je crois profondément que, avec les mesures prévues dans ce PLF, notamment celles qui visent à soutenir l’activité économique de notre pays – l’amortisseur sur les prix de l’énergie, la baisse des impôts de production et les autres mesures destinées à susciter l’activité économique –, nous pourrons avoir une croissance et même, je l’espère, atteindre notre prévision.
Mme Lavarde et M. Sautarel sont intervenus sur le sujet des économies. À cet égard, je tiens à faire un rappel : quel a été le rythme de croissance en volume des dépenses publiques au cours des trois précédents quinquennats ? Entre 2007 et 2012 : +1,4 %. Entre 2012 et 2017 : +1 % ; la dépense publique a donc moins progressé pendant le quinquennat de François Hollande que pendant celui de Nicolas Sarkozy. Entre 2017 et 2022, sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron : +0,9 %, soit moins encore qu’au cours du quinquennat antérieur.
Pour notre part, nous proposons, comme trajectoire pour le quinquennat qui commence, une croissance des dépenses publiques de 0,6 % en volume, c’est-à-dire la plus forte maîtrise de la progression des dépenses publiques depuis au moins quinze ans ! On ne peut donc pas parler de vannes complètement ouvertes ni d’une dépense publique qui s’envole. C’est d’ailleurs ce qui nous vaut d’être critiqués par certains, qui nous accusent de mener une politique d’austérité. Ce n’est évidemment pas du tout le cas, mais nous assumons tout de même des choix budgétaires sérieux et la maîtrise des dépenses publiques.
Madame Lavarde, vous avez indiqué que nous étions entrés dans la crise covid avec des finances publiques dégradées. Peut-être, mais elles l’étaient en raison d’un laisser-aller budgétaire de plusieurs décennies !
Mme Christine Lavarde. Je n’ai pas dit que c’était uniquement votre faute !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Le Président de la République qui a replacé le déficit public sous le seuil de 3 % du PIB, c’est quand même Emmanuel Macron, en 2018 !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Non !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous avons ramené le déficit sous le seuil de 3 % avant la crise du covid-19 ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Pour cela, nous avons dû consentir, au début du précédent quinquennat, des efforts très importants, qui avaient donné lieu à des débats nourris. Je pense, par exemple, à la suppression des contrats aidés : mesure très difficile, qui a engendré beaucoup de débats, mais qui a entraîné une économie importante qui nous a permis d’assainir nos finances publiques.
Nous avions ainsi ramené le déficit public sous le seuil de 3 % avant la crise du covid-19 et nous ambitionnons de le refaire d’ici à la fin de ce quinquennat.
Par ailleurs, madame Lavarde, monsieur Sautarel, évidemment qu’il faut faire des réformes et des économies ! La réforme de l’assurance chômage, une réforme importante, a été définitivement adoptée. Au cours des prochaines semaines, nous proposerons une réforme des retraites qui devrait engendrer une économie budgétaire de 9 milliards d’euros à horizon de 2027, ainsi que des recettes fiscales et sociales de 12 milliards d’euros supplémentaires à la même date, grâce à l’amélioration du taux d’emploi, selon les estimations de la direction générale du Trésor.
De même, les textes budgétaires dont nous sommes en train de discuter prévoient également des réformes. Ce n’est jamais facile, parce que cela suscite toujours des contestations, des oppositions. Ainsi, quand on propose une économie de 250 millions d’euros dans le secteur de la biologie médicale, cela suscite forcément un débat.
En ce qui me concerne, j’assume de demander un effort de 250 millions d’euros par an au cours des années à venir à un secteur ayant engrangé, grâce aux tests covid, un chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros et dont la marge brute moyenne est passée de 18 % à 30 %, mais cela suscite une contestation, puisque les laboratoires d’analyse ont fait une grève de trois jours. Pourtant, nous faisons cet effort.
De même, quand on prévoit, comme nous le faisons au travers de ce PLF, une économie de 800 millions d’euros sur la définition du coût des contrats d’apprentissage par les centres de formation d’apprentis (CFA), la discussion avec les CFA est dure, parce que cela exige des efforts. Néanmoins, nous assumons de les leur demander.
Vous aurez également à vous prononcer sur une économie supplémentaire de 800 millions d’euros que nous proposons sur le compte personnel de formation (CPF), afin d’assainir la situation budgétaire de France compétences. Je pourrais continuer longtemps sur ce sujet…
Je veux m’attarder maintenant sur une autre question que vous avez abordée, madame Lavarde, et qui nous tient tous à cœur : les voitures électriques.
C’est vrai, aujourd’hui, 80 % des véhicules électriques sont importés. Par conséquent, le soutien financier que nous apportons aux Français qui changent de véhicule, via la prime à la conversion ou le bonus écologique, concerne en grande partie des véhicules importés, notamment de Chine. C’est pour cette raison que nous devons continuer d’agir en faveur d’une filière souveraine de véhicules électriques.
Nous avons tout de même réussi à faire émerger trois projets de gigafactory de batteries électriques dans notre pays, notamment à Douvrin. Les premières batteries électriques françaises vont sortir, au cours des prochains mois, de nos usines ! C’est quelque chose dont on peut se réjouir collectivement.
Nous allons continuer d’agir en ce sens, notamment au travers du plan France 2030, lequel consacre 5 milliards d’euros au secteur automobile, dont 1 milliard d’euros pour les sous-traitants, afin qu’ils puissent se diversifier et s’adapter à l’électrification du parc.
Il faut poursuivre notre action dans cette direction et notamment – cela me permet de faire le lien avec l’intervention de M. Capus, qui a mentionné la baisse des impôts de production – en favorisant l’attractivité, la compétitivité de notre pays pour le développement de filières industrielles. Une telle action est d’autant plus impérieuse au moment où les États-Unis se lancent, avec l’Inflation Reduction Act, dans une politique, disons le mot, de dumping fragilisant l’industrie française et européenne en général.
D’où notre volonté de prolonger la baisse des impôts de production et de supprimer la CVAE. Vous l’avez évoqué, monsieur Capus, la direction générale du Trésor estime que la suppression de ce prélèvement devrait, à terme, entraîner un accroissement supplémentaire de 0,7 % du PIB et créer 120 000 emplois, dont 57 000 dès 2025.
Par conséquent, oui, il y aurait des conséquences positives sur notre industrie, sur notre économie, avec des créations d’emploi et donc, in fine, des recettes supplémentaires pour l’État. En effet, je le souligne souvent, plus il y a de Français qui travaillent, plus il y a de recettes pour l’État et pour notre modèle social. Si nous avions le taux d’emploi de nos voisins allemands, j’aurais beaucoup moins de travail pour trouver des économies et pour équilibrer les comptes, car nos finances publiques seraient plus proches de l’équilibre grâce aux recettes liées à ce taux d’emploi. D’où la nécessité de continuer d’investir en faveur de la formation et de l’apprentissage et de mener la réforme des retraites.
Monsieur Patient, vous avez abordé la question du pouvoir d’achat. En effet, ce texte est également le PLF du pouvoir d’achat, grâce au bouclier tarifaire et à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, qui permet de restituer 6,2 milliards d’euros.
Madame Briquet, vous posez la question des inégalités. Je ne reprendrai pas la liste de tout ce qui a été fait depuis plus d’un an pour soutenir les foyers et les ménages les plus modestes pendant la crise du covid-19 et la crise de l’inflation, mais je ne connais pas d’exemple d’un pays comparable en Europe ayant dépensé autant que nous pour accompagner financièrement les ménages les plus modestes.
J’espère donc que nous pourrons poursuivre cet échange pendant nos débats et que vous pourrez me fournir des exemples de pays qui auraient investi plus d’argent pour soutenir les ménages les plus modestes. Je suis vraiment preneur, madame la sénatrice.
Monsieur Delcros, vous avez abordé la question de l’emploi public et vous nous avez mis en garde contre la tentation de coupes comptables. Je vous rejoins évidemment sur ce point : le mandat qui m’a été confié par la Première ministre est la stabilisation de l’emploi public pendant le quinquennat. Cela ne signifie pas aucune suppression de postes, puisque nous nous sommes engagés à des créations massives : 8 500 postes supplémentaires dans la justice, autant dans la police et la gendarmerie et plusieurs milliers dans les armées. Cela implique d’en réduire d’un autre côté, afin de créer des marges de manœuvre.
Bien entendu, mes services, ceux de Bercy, premier pourvoyeur d’économies d’emplois depuis des années, seront encore mis à contribution, mais nous trouverons aussi, je l’espère, des marges ailleurs. Celles-ci doivent évidemment être le fruit de réformes et de modernisations ; c’est ce que Bercy a su faire pendant les dernières années, et je salue à cet égard l’engagement des agents.
Monsieur Joly, vous avez également abordé la question des inégalités. Je vous renvoie à la réponse que j’ai faite à Mme Briquet.
Enfin, monsieur Capo-Canellas, je vous rejoins pour souhaiter que ce débat conduise à dégager collectivement, aussi largement que possible, des solutions permettant de répondre aux préoccupations des Français et de tenir l’équilibre de nos comptes.
Madame la présidente, j’en ai terminé, en respectant, presque, mon temps de parole. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Jean-Claude Requier et Emmanuel Capus applaudissent également.)
Mme la présidente. Je vous en sais gré, monsieur le ministre.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article liminaire.
projet de loi de finances pour 2023
Article liminaire
Les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, les prévisions de solde par sous-secteur, la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et la prévision en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques, les prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations pour l’année 2023, les prévisions pour 2023 de ces mêmes agrégats de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, ainsi que les données d’exécution pour l’année 2021 et les prévisions d’exécution pour l’année 2022 de ces mêmes agrégats s’établissent comme suit :
(En % du PIB sauf mention contraire) |
||||
2021 |
2022 |
2023 |
2023 |
|
Loi de finances initiale pour 2023 |
LPFP 2023-2027 |
|||
Ensemble des administrations publiques |
||||
Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel) |
-5,1 |
-4,2 |
-4,0 |
-4,0 |
Solde conjoncturel (2) |
-1,4 |
-0,6 |
-0,8 |
-0,8 |
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel) |
-0,1 |
-0,1 |
-0,2 |
-0,2 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-6,5 |
-4,9 |
-5,0 |
-5,0 |
Dette au sens de Maastricht |
112,8 |
111,5 |
111,1 |
111,2 |
Taux de prélèvements obligatoires (y compris Union européenne, nets des crédits d’impôt) |
44,3 |
45,2 |
44,9 |
44,7 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt) |
58,4 |
57,6 |
56,8 |
56,6 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
1 461 |
1 521 |
1 571 |
1 564 |
Évolution de la dépense publique hors crédits d’impôt en volume (en %) (*) |
2,6 |
-1,2 |
-1,0 |
-1,5 |
Principales dépenses d’investissement (en milliards d’euros) (**) |
25 |
25 |
||
Administrations publiques centrales |
||||
Solde |
-5,8 |
-5,3 |
-5,7 |
-5,6 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
597 |
628 |
645 |
636 |
Évolution de la dépense publique en volume (en %) (***) |
4,1 |
-0,2 |
-1,5 |
-2,6 |
Administrations publiques locales |
||||
Solde |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
-0,1 |
Dépense publique (hors crédits d’impôts, en milliards d’euros) |
280 |
295 |
305 |
305 |
Évolution de la dépense publique en volume (en %) (***) |
2,8 |
0,1 |
-0,6 |
-0,6 |
Administrations de sécurité sociale |
||||
Solde |
-0,7 |
0,5 |
0,8 |
0,8 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
683 |
700 |
721 |
721 |
Évolution de la dépense publique en volume (en %) (***) |
1,3 |
-2,6 |
-1,0 |
-1,0 |
(*) À champ constant. |
||||
(**) Au sens de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. |
||||
(***) À champ constant, hors transferts entre administrations publiques. |
Mme la présidente. L’amendement n° I-1662, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En % du PIB sauf mention contraire) |
|||||
2021 |
2022 |
2023 |
2023 |
||
Loi de finances initiale pour 2023 |
PLPFP 2023-20227 |
||||
Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel) |
-5,1 |
-4,3 |
-4,0 |
-4,0 |
|
Solde conjoncturel (2) |
-1,4 |
-0,6 |
-0,8 |
-0,8 |
|
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel) |
-0,1 |
-0,1 |
-0,2 |
-0,2 |
|
Solde effectif (1+2+3) |
-6,5 |
-5,0 |
-5,0 |
-5,0 |
|
Dette au sens de Maastricht |
112,8 |
111,6 |
111,2 |
111,2 |
|
Taux de prélèvements obligatoires (y.c UE, nets des CI) |
44,3 |
45,2 |
44,9 |
44,7 |
|
Dépense publique (hors CI) |
58,4 |
57,6 |
56,9 |
56,6 |
|
Dépense publique (hors CI, en Md€) |
1461 |
1523 |
1572 |
1564 |
|
Évolution de la dépense publique hors CI en volume (%) 1 |
2,6 |
-1,1 |
-1,0 |
-1,5 |
|
Principales dépenses d’investissement (en Md€) 2 |
25 |
25 |
|||
Administrations publiques centrales |
|||||
Solde |
-5,8 |
-5,4 |
-5,8 |
-5,6 |
|
Dépense publique (hors CI, en Md€) |
597 |
629 |
647 |
636 |
|
Évolution de la dépense publique en volume (%) 3 |
4,1 |
0,0 |
-1,2 |
-2,6 |
|
Administrations publiques locales |
|||||
Solde |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
-0,1 |
|
Dépense publique (hors CI, en Md€) |
280 |
295 |
305 |
305 |
|
Évolution de la dépense publique en volume (%) 3 |
2,8 |
0,1 |
-0,6 |
-0,6 |
|
Administrations de sécurité sociales |
|||||
Solde |
-0,7 |
0,5 |
0,8 |
0,8 |
|
Dépense publique (hors CI, en Md€) |
683 |
701 |
721 |
721 |
|
Évolution de la dépense publique en volume (%) 3 |
1,3 |
-2,5 |
-1,0 |
-1,0 |
|
1 À champ constant. |
|||||
2 Au sens de la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027. |
|||||
3 À champ constant, hors transferts entre administrations publiques. |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet amendement vise à actualiser l’article liminaire en fonction des modifications adoptées par l’Assemblée nationale.
Voici comment se décompose cette actualisation.
Il y a d’abord une mise à jour liée aux mesures relatives à l’énergie.
Il s’agit en premier lieu de réduire les recettes attendues de contribution au service public de l’électricité (CSPE), à hauteur de 4,4 milliards d’euros : 3,5 milliards pour la réévaluation de l’effet de sortie des contrats et 900 millions pour le dispositif de soutien à la cogénération.
En effet, en vertu des contrats de CSPE signés avec les énergéticiens, lorsque le prix de marché est inférieur au prix conclu, l’État doit leur verser une subvention et, lorsque le prix de marché est supérieur au prix conclu, ce sont les énergéticiens qui doivent restituer à l’État le différentiel. Or, au cours des derniers mois, des énergéticiens sont sortis unilatéralement de cette relation contractuelle, afin de ne pas verser à l’État l’argent dû au titre de ces contrats. Cela nous conduit donc à minorer les recettes de l’État, même si, je vous rassure tout de suite, nous avons trouvé un moyen pour rattraper ces entreprises via un autre dispositif.
Il s’agit en second lieu d’étendre le bouclier tarifaire aux HLM, aux copropriétés et aux Ehpad pour un coût de 1,2 milliard d’euros. Il est très important que nos concitoyens vivant en HLM, dans une copropriété ou en Ehpad puissent bénéficier de ce dispositif.
Il s’agit en troisième lieu d’une coordination liée au chiffrage de la mesure relative au stockage de gaz, qui aboutit à une dégradation du solde de 0,6 milliard d’euros.
Il s’agit enfin de réviser à la hausse les recettes de la taxation de la rente inframarginale. Ce mécanisme européen nous permet d’aller chercher les énergéticiens susmentionnés sortis du dispositif de la CSPE et qui n’ont pas restitué à l’État ce qu’ils lui devaient, entraînant pour celui-ci un manque à gagner de l’ordre de 4 milliards d’euros, et d’ainsi récupérer cette somme.
Il y a ensuite une coordination avec la seconde loi de finances rectificative pour 2022, afin de tenir compte de la révision à la hausse, à hauteur de 0,8 milliard d’euros, des recettes de 2022 actée dans ce texte. Cette révision est plutôt une bonne nouvelle, parce qu’elle montre que notre économie résiste admirablement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos éclaircissements sur cet amendement, que la commission des finances avait reçu sans explications.
Je viens de vous entendre vous réjouir des résultats « extraordinaires » de notre économie ; je pense pour ma part que nous devons rester vigilants, prudents. Nous resterons en particulier attentifs, Christine Lavarde et d’autres l’ont souligné, à tous les dispositifs liés à l’énergie qui sont mis en place, tels que l’amortisseur, dont le détail du mécanisme nous est encore, comme aux entreprises, inconnu.
La commission prend acte des actualisations proposées au travers de cet amendement et s’en remet, à son sujet, à la sagesse du Sénat.
Cela étant, cet avis ne préjuge pas de la suite de nos travaux. Nous avons exprimé notre prudence et nous ferons preuve d’exigence. Le ministre de l’économie et vous-même avez indiqué l’atterrissage que vous souhaitiez au travers du PLFSS pour 2023, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et du PLFR pour 2022 que nous avons examiné hier, mais je pense que l’on gagnerait en clarté si le Gouvernement, au-delà de son écoute polie du Sénat, prenait en compte les opinions qui s’y expriment, sur toutes les travées.
Cet équilibre exigeant, la prise en compte par le Gouvernement du travail de la Haute Assemblée, permettra au Parlement de se sentir respecté. J’y insiste, parce que le passé est instructif en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote sur l’article.
M. Éric Bocquet. Il ne s’agit pas de s’engager dans une guerre de tranchées ; nous souhaitons simplement clarifier les positions des uns et des autres avant d’entamer les débats.
À l’Assemblée nationale, l’article liminaire a été rejeté sur tous les bancs de l’opposition, y compris ceux du groupe Les Républicains. Sans doute, il y a eu depuis lors quelques modifications et quelques précisions.
Néanmoins, j’évoquais l’impératif de clarté qui doit présider à ces débats et il est important de savoir à qui nous avons affaire. C’est pourquoi nous avons demandé un scrutin public sur cet article : soit on adhère à la trajectoire budgétaire proposée et on vote pour l’article liminaire ; soit on conteste les indicateurs proposés et alors on s’explique et on vote contre cet article.
La politique, c’est assez simple, finalement : il y a la majorité et l’opposition, le Parlement et le Gouvernement, et il faut clarifier les relations. Parfois, cela devient un peu compliqué, il y a des zones grises et certains commencent à être charmés, attirés, séduits par les sirènes du « en même temps »… (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article liminaire, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 58 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 274 |
Pour l’adoption | 247 |
Contre | 27 |
(L’article liminaire est adopté.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles de la première partie.
Première partie
Conditions générales de l’équilibre financier
Titre Ier
Dispositions relatives aux ressources
Mme la présidente. Nous allons tout d’abord examiner, au sein du titre Ier de la première partie du projet de loi de finances pour 2023, l’article 25, relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
ARTICLE 25 ET PARTICIPATION DE LA FRANCE AU BUDGET DE L’UNION EUROPÉENNE
M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme chaque année, l’examen du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est un exercice complexe, car aussitôt le projet de loi de finances déposé, le montant prévisionnel inscrit dans le texte est dépassé.
La lecture en est particulièrement brouillée, dans la mesure où le budget de l’Union européenne pour 2022, déjà modifié par quatre budgets rectificatifs, a fait l’objet d’un nouvel ajustement postérieur au dépôt du projet de loi de finances. Parallèlement, la Commission européenne a présenté une lettre rectificative au projet de budget de l’Union pour 2023, alors que le dialogue avec le Conseil des ministres de l’Union européenne et le Parlement européen autour de son adoption était déjà engagé.
Il est vrai que ces modifications sont liées à la crise systémique induite de l’agression russe en Ukraine et à ses conséquences, notamment en matière d’inflation et d’accès à l’énergie.
Il n’était évidemment pas possible de prendre en compte ce contexte lors de l’élaboration du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, ce qui pose dès à présent la question de sa probable modification. Peut-être pourrez-vous nous apporter des indications à ce sujet, madame la secrétaire d’État ?
Sous réserve de l’adoption de l’amendement que le Gouvernement a déposé, le prélèvement sur recettes serait, à presque 25 milliards d’euros en 2023, très proche de celui constaté en 2022. Il resterait inférieur de 1,5 milliard d’euros à celui enregistré en 2021, et en deçà de celui estimé l’année dernière par le Gouvernement pour chaque année de la période 2021-2027, soit 27,6 milliards d’euros.
Pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d’État, si ce début d’exécution du cadre financier pluriannuel 2021-2027 remet en cause ces projections, ou si, au contraire, comme semble le laisser penser la résolution du Parlement européen examinée ce jour, l’accroissement des dépenses, notamment liées aux contrecoups de la guerre en Ukraine, va conduire à augmenter le budget de l’Union et, par conséquent, la participation de la France à son financement ?
Au-delà de l’évaluation du prélèvement sur recettes proprement dit, la commission des finances s’est préoccupée des conséquences du retard que connaît la définition de nouvelles ressources propres. Le dépôt d’un rapport d’étape et la première délibération du Conseil pour les affaires économiques et financières (Ecofin), sous présidence française, ne constituent que l’amorce d’un processus, lequel prend déjà du retard. En matière de ressources propres, madame la secrétaire d’État, un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières sera-t-il défini d’ici à la fin de l’année ?
Au demeurant, si trois pistes de ressources nouvelles sont sur la table des négociations, leur montant global pose question. En effet, il est inférieur au total des dépenses que ces ressources sont censées financer : remboursement des fonds empruntés pour abonder la facilité pour la reprise et la résilience, mise en œuvre du fonds social pour le climat et, désormais, création de REPowerEU.
Nous ne pouvons ignorer ce sujet, faute de quoi le budget national serait appelé à contribuer à hauteur de 2,5 milliards d’euros au remboursement des dettes contractées par la Commission au nom de l’Union, sans compter les nouvelles garanties susceptibles d’être accordées, telle celle figurant à l’article 37 quater du projet de loi de finances au titre des prêts que l’Union accorde à l’Ukraine.
Compte tenu des engagements déjà pris et des évolutions en cours, il serait utile de disposer d’un état précis des sommes que la France est susceptible d’être appelée à apporter à l’Union à moyen et long terme, au-delà du prélèvement sur recettes.
Parallèlement aux dépenses classiques, généralement désignées comme des retours, la France est l’un des principaux bénéficiaires en montant, si ce n’est en pourcentage du revenu national, de la facilité pour la reprise et la résilience créée dans le cadre de Next Generation EU, réponse de l’Union à la pandémie.
Je me félicite que la France ait été, très peu de temps après l’Espagne, le deuxième pays à présenter un plan national puis à bénéficier d’un préfinancement, ainsi que d’un premier montant de subventions.
En revanche, je voudrais signaler l’ajustement par la Commission européenne, passé inaperçu à la veille de l’été, des allocations nationales. Lié à une croissance plus forte que celle attendue, cet ajustement s’est traduit par une baisse de 1,9 milliard d’euros de la dotation prévue. Au total, notre pays recevra donc 37,5 milliards d’euros au lieu des 39,4 milliards d’euros attendus. Je serai preneur, si vous en disposez, madame la secrétaire d’État, d’éléments sur la façon dont s’effectuera l’ajustement des versements reçus par la France.
En conclusion, mes chers collègues, lors de l’examen, le 2 novembre dernier, de l’article 25, la commission des finances a proposé son adoption sans modification.
Je vous indique par avance qu’elle a décidé de donner un avis favorable à l’adoption de l’amendement du Gouvernement visant à modifier le montant du prélèvement sur recettes initialement inscrit au projet de loi de finances. Cet ajustement technique a généralement lieu en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale ; l’adoption du budget de l’Union par le Parlement européen, lundi dernier, a permis que le Sénat se prononce sur l’évaluation révisée du prélèvement, ce dont je me félicite pour la clarté de nos débats. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, RDSE et GEST.)