Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre collègue Patrice Joly a présenté ce matin, devant la commission des affaires européennes, une communication très éclairante sur les enjeux de mise en œuvre du cadre financier pluriannuel dans le contexte nouveau lié à la guerre en Ukraine.
C’est à travers ce prisme que je veux engager notre discussion sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne que le Gouvernement propose de majorer de 408 millions d’euros pour tenir compte du résultat des négociations conclues en début de semaine sur le budget 2023 de l’Union.
Le cadre financier pluriannuel 2021-2027 est percuté par la guerre en Ukraine, en raison à la fois des dépenses nouvelles occasionnées par cette guerre, mais aussi de l’inflation désormais élevée, très supérieure au déflateur de 2 % inscrit dans le cadre financier. En particulier, l’assistance macrofinancière accordée à l’Ukraine atteint désormais des montants très importants : 18 milliards d’euros de prêts sont prévus pour l’année 2023, soit environ la moitié des besoins de financement de ce pays.
Les États membres seront mis à contribution de deux manières : d’une part, par le jeu des garanties ; d’autre part, dans la mesure où ils prendront en charge les intérêts de ces prêts accordés à l’Ukraine, par le biais de ressources externes affectées. Si cela n’apparaît pas dans le projet de loi de finances pour 2023, il faut garder cette perspective à l’esprit.
Pour financer cette assistance macrofinancière, la Commission prévoit d’emprunter sur les marchés financiers, ce qui nécessite une modification ciblée du cadre financier pluriannuel, laquelle devrait être validée très rapidement d’ici au mois de décembre.
Toutefois, le contexte nouveau découlant de la guerre en Ukraine pose de nouveau, de manière beaucoup plus fondamentale, la question de la pertinence des enveloppes convenues en 2020 pour les sept prochaines années. Le réexamen du CFP figure dans le programme de travail de la Commission européenne pour l’année 2023, mais, plus qu’un simple réexamen, c’est bien une révision du fond que demande le Parlement européen.
Cette demande inquiète la France, en tant qu’État contributeur net, à double titre : d’une part, la question du déflateur pourrait être évoquée et une réévaluation pousserait mécaniquement la contribution nationale à la hausse ; d’autre part, on peut craindre qu’une réouverture du CFP ne modifie la ventilation des crédits et que les politiques traditionnelles, à commencer par la politique agricole commune (PAC), ne soient plus jugées aussi prioritaires au regard des nouveaux défis à relever.
Parallèlement, les discussions sur les nouvelles ressources propres n’avancent pas aussi vite que prévu et pourraient en outre se traduire par des recettes inférieures à celles initialement envisagées. À moins de décider de coupes drastiques dans les politiques publiques européennes, l’ensemble de ces paramètres font office d’épée de Damoclès sur l’évolution de la contribution française au budget de l’Union.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite que vous puissiez, à l’occasion de l’examen de cet article, nous éclairer sur votre perception des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, derrière l’aride, les rides…
Pourquoi « les rides » ? Je monte à cette tribune pour la douzième année consécutive – à n’en pas douter, la dernière – pour m’exprimer en faveur de l’adoption de cet article, qui représente la tentative annuelle d’évaluer le niveau de contribution de notre pays au budget de l’Union pour l’année à venir.
Pourquoi « aride » ? Cet article l’est indéniablement : sa formulation sibylline, presque mystérieuse, ne varie pas depuis des décennies ; seuls changent la numérotation, selon l’ordre des articles, et le petit chiffre qui figure à sa fin…
Soit dit en passant, remarquons que, après le grand bond de notre contribution nationale en 2021 à la suite du Brexit, le montant de notre contribution est, depuis, relativement stable.
En dépit de l’amendement annoncé aujourd’hui visant à rehausser de 408 millions d’euros notre contribution à venir, le montant global de celle-ci demeure de plus de 1 milliard d’euros inférieur à celui qui avait été avancé pour l’année 2022.
Cet article offre une lecture aride et abruptement comptable de ce que coûte notre appartenance à l’Union européenne, sans rien dire de tout ce qu’elle nous rapporte, non seulement en matière de retours directs, mais aussi d’externalités positives tant à l’échelle nationale qu’à celle de notre vie quotidienne.
Une autre particularité de cet article tient à sa nature et à sa place dans nos discussions budgétaires. Il présente une dépense, et non des moindres, étudiée au début de l’examen du projet de loi de finances dans la partie consacrée aux recettes. Je n’ai pas le temps développer ici les raisons techniques de cet apparent hiatus, mais cette particularité présente au moins deux avantages.
En premier lieu, cela permet de souligner l’importance réelle et obsidienne de l’Europe dans notre vie nationale, ce que dénient ou fustigent ceux qui croient encore que notre pays ferait plus et mieux s’il agissait seul.
En second lieu, cela peut sembler plus anodin, mais cet article est le seul article de fond du PLF que nous étudions systématiquement chaque année, même lorsqu’une majorité de sénateurs choisissait – cela est malheureusement arrivé trop de fois durant la décennie écoulée – de rejeter le budget avant même l’étude de sa seconde partie.
Malgré tout, la tentation du vote contre est bien présente chez certains parlementaires, comme nous l’avons vu récemment à l’Assemblée nationale. Soyons clairs : une telle attitude est inconséquente et totalement irresponsable. Quels que soient les griefs que l’on puisse avoir à l’égard de telle ou telle politique de l’Union, tenter de renégocier de cette manière notre contribution est irréaliste au sein d’une Europe à vingt-sept, laquelle a déjà négocié avec âpreté le cadre financier pluriannuel encadrant les budgets européens de la période 2021-2027.
La crise de cinq ans ouverte en 1979 par Margaret Thatcher, qui avait, dans une Europe à dix, abouti à une révision de la contribution du Royaume-Uni, n’est plus de mise aujourd’hui. Quand ce même pays a, plus récemment, tenté de remettre les plats en la matière, il n’a eu d’autre issue que de quitter l’Union, avec le succès économique qu’on lui connaît.
En apparence plus modéré, le choix de l’abstention n’en serait pas moins décalé ou même marécageux à un moment crucial de l’histoire de notre continent où nos institutions européennes, à la suite de la crise du covid et, surtout, de la guerre en Ukraine, viennent en quelques mois d’opérer un virage politique et géopolitique significatif.
Voilà peu, nous nous battions encore pour mettre en place un embryon de politique commune de défense ; l’Union d’aujourd’hui a déjà engagé plus de 3 milliards d’euros de dépenses pour aider militairement l’Ukraine.
Nous passons d’une Europe qui vivait sur les dividendes de la paix à une Europe prête à se battre pour la paix et pour l’affirmation des valeurs qui l’ont toujours sous-tendue .
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe RDPI votera résolument en faveur de l’article 25 de ce PLF. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrice Joly. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la contribution de la France au budget de l’Union européenne a légèrement reculé cette année, en dépit du Brexit, alors même que le Royaume-Uni était contributeur net, et du soutien à l’Ukraine, pour lequel des marges de manœuvre financières ont pu être mobilisées. Comme les années précédentes, la France reste le deuxième pays bénéficiaire des dépenses liées aux politiques européennes.
Le budget européen appelle aujourd’hui toute notre vigilance sur les points suivants.
En premier lieu, l’accroissement, année après année, des restes à liquider souligne la difficulté persistante à engager rapidement les crédits. Le retard au démarrage se répercute sur l’ensemble du cadre financier pluriannuel : des montants importants de crédits du CFP 2014-2020 sont encore non consommés alors qu’ils doivent l’être d’ici à la fin de 2023. L’ensemble des restes à liquider correspond quasiment à deux exercices budgétaires. Ce décalage, vous le comprendrez, n’est pas sans conséquence sur les dynamiques économiques.
En second lieu, le cadre financier pluriannuel 2021-2027 a été établi dans un contexte qui n’est absolument plus celui que nous connaissons. En seulement quelques années, la situation a évolué dans de nombreux domaines : pandémie, guerre en Ukraine, inflation, coût de l’énergie et perspectives de coopération européenne qui en découlent, problématiques environnementales et transitions dans lesquelles nous allons devoir nous engager à un rythme accéléré. Une révision rapide de ce cadre financier devient clairement nécessaire.
Alors que la guerre s’annonce longue, que nous devons soutenir l’Ukraine et maintenir notre pression sur le régime russe, les enjeux de ce budget européen pour 2023 sont nombreux.
D’abord, il nous faudra disposer d’une marge suffisante pour répondre aux besoins liés à la guerre en Ukraine et à ses conséquences économiques et sociales.
Ensuite, nous devrons préserver le financement, en euros constants, des politiques fortement pénalisées par l’inflation. C’est particulièrement vrai pour la PAC : la perte de pouvoir d’achat pourrait atteindre 33 % à l’échéance 2027. Une telle perte est d’autant plus importante qu’une exploitation sur deux trouve son équilibre financier au travers des aides de la PAC. Il faudra maintenir les crédits si l’on veut développer le pacte rural annoncé pour lutter contre les inégalités territoriales, l’Europe de la défense et les autres programmes nous permettant de faire face aux turbulences actuelles.
Enfin, il conviendra de s’assurer du refinancement par les États membres des emprunts contractés pour le financement du plan de relance européen. En effet, l’Union européenne doit satisfaire à ses obligations de remboursement de l’emprunt contracté dès 2028. On parle d’un remboursement de l’ordre de 15 milliards à 20 milliards d’euros chaque année sur trente ans. La France serait appelée à rembourser la part subventions de la facilité pour la reprise et la résilience à hauteur d’environ 2,4 milliards d’euros par an.
Alors que les factures énergétiques explosent et que les fins de mois sont de plus en plus difficiles pour beaucoup de nos concitoyens, de nos entreprises, de nos collectivités et de nos institutions, le temps est venu de défendre des mécanismes de solidarité ambitieux, en donnant des moyens de long terme.
En l’état, le budget européen n’est pas en mesure d’apporter un soutien adéquat en raison de ses marges de manœuvre très limitées.
Si nous aspirons à renforcer l’Union européenne, il faut doter son budget de véritables leviers d’action allant bien au-delà des contributions des États ; elle doit pouvoir disposer de ressources propres solides.
La Commission a présenté, au cours du premier semestre 2021, des propositions en ce sens. En tout état de cause, ces nouvelles ressources ne pourront être mises en œuvre d’ici au début de 2023 comme cela était initialement prévu.
Pourtant, un premier instrument pourrait être mis rapidement à la disposition des gouvernements : la taxation des superprofits. Ce dispositif a l’avantage d’être immédiatement applicable et de répondre ainsi à l’urgence absolue qu’est la cohésion sociale de notre nation et de l’Europe.
Il est inconcevable de laisser de grandes entreprises réaliser des profits, notamment en matière d’énergie, sur le dos de nos concitoyens, qui peinent à vivre, et de tirer avantage de la guerre aux portes de l’Europe. Ces entreprises énergétiques doivent de l’argent à la société ; ne pas les taxer serait une faute morale et une injustice inacceptable.
Les institutions internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI), et la Commission européenne soutiennent la mise en place de tels mécanismes. L’Italie, la Grèce, la Roumanie, l’Espagne ou encore le Royaume-Uni ont instauré de telles taxes et l’Allemagne s’y attelle.
Là encore, le gouvernement français a fébrilement validé en urgence le règlement ouvrant la voie à un dispositif temporaire de taxation des superprofits, bien évidemment sans explication claire sur les modalités de mise en œuvre et sans afficher une réelle ambition d’aller au-delà de ces engagements européens.
Mes chers collègues, nous savons tous que l’hiver sera rude sur le plan énergétique, avec des conséquences économiques, sociales et politiques que personne ne peut ignorer.
Pour aider les Européens dans cette crise, il va falloir trouver de l’argent. Or de l’argent, il y en a, même s’il est inégalement réparti. Il existe, sur ce continent et ailleurs, un vrai problème de consentement des plus riches d’entre nous à l’impôt qu’il va falloir affronter.
Il va falloir l’affronter, car la réponse à cette crise passera notamment par la fiscalité, sans laquelle il n’est pas de souveraineté ni d’indépendance.
Il va falloir l’affronter ensuite en proposant un cadre pérenne de taxation des surprofits qu’il ne faut pas limiter au secteur de l’énergie.
Il va falloir l’affronter encore en modifiant nos règles fiscales, à savoir sortir de l’unanimité et aller au-delà de l’article 122 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Décider à la majorité qualifiée permettrait de ne pas subir les chantages de certains gouvernements.
Il va falloir l’affronter enfin en proposant d’instaurer, à l’échelle européenne, une taxe sur les sociétés, une taxe sur les transactions financières, enlisée depuis de nombreuses années, et en imposant une taxation sur le numérique – faute de consensus, cette dernière proposition ne s’est jamais concrétisée en une véritable mesure fiscale.
Il est nécessaire d’explorer d’autres pistes, telles qu’une taxation des crypto-actifs qui visera, avant tout, à faire entrer le monde des cryptos dans l’état de droit et, par conséquent, dans la démocratie. L’actualité de FTX témoigne de l’urgence à agir dans ce domaine.
Des Européens vont peut-être devoir choisir entre se nourrir et se chauffer. Malgré les boucliers et accompagnements divers mis en œuvre, nous faisons face à une vraie bombe sociale et, in fine, à une vraie bombe démocratique.
Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Patrice Joly. Jean Monnet écrivait dans ses mémoires : « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises. » L’occasion est belle de vérifier cette maxime en donnant un nouveau souffle à l’Europe.
Au regard des engagements de la France et des règles de calcul des contributions, le groupe SER votera en faveur de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les similitudes entre l’Union européenne et la France invitent à analyser les problématiques de manière conjointe.
Ces deux institutions vivent à crédit ; elles accordent des baisses de recettes indues ; elles sont en difficulté pour décaisser les fonds de relance ; elles tardent à prendre des mesures structurelles pour lutter contre la spéculation énergétique.
Elles marquent une ambition forte en matière de politique environnementale, mais peinent à les concrétiser et, surtout, à les financer. Ces difficultés pourraient s’expliquer par une appétence indiscutable et partagée pour le modèle libéral.
Ces deux institutions vivent à crédit : la France s’endettera l’année prochaine de 270 milliards d’euros supplémentaires et l’Union européenne de 1 061 milliards.
La France est la première contributrice au budget européen au titre des rabais indus consentis par l’Union à des États membres, comme cela est le cas pour l’Allemagne, pourtant en bonne santé financière. Dès lors, nul étonnement à constater que la contribution de la France ait augmenté de 15 % entre 2019 et 2023.
Ainsi, la France se trouve lésée. Ses crédits promis au titre de la relance européenne sont en diminution de 1,9 milliard d’euros par rapport aux montants escomptés. Elle est privée de ces fonds à cause d’une croissance « vigoureuse » : il est étonnant que le niveau d’endettement des États pour soutenir cette croissance ne soit pas pris en compte.
L’activité économique de notre pays est, de fait, sous perfusion d’argent public, au détriment des finances publiques.
La France ou l’Union européenne – à qui la faute ? – peinent à décaisser les crédits de la relance, si bien que 66 % des montants alloués à la France restent à ce jour en suspens, faisant peser une menace sur la croissance et les investissements publics.
La Cour des comptes européenne indique, par exemple, que les engagements français ne comprennent « aucune mesure de soutien direct pour accroître la production d’énergies renouvelables ». Certes, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables est entre-temps passé par là, mais c’est à croire, madame la secrétaire d’État, que vous ne saviez pas, un an avant son examen, que votre propre gouvernement préparait ce texte.
Le paquet Climat était annoncé comme un moment décisif pour la réalisation d’une trajectoire ambitieuse de réduction des émissions d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport à 1990. Ce paquet prévoit en bout de chaîne un Fonds social pour le climat doté d’un budget annuel de 9,7 milliards d’euros, notoirement insuffisant et, surtout, pas financé. Concrètement, la soutenabilité même des mutations de la production et des modes de vie est dès à présent menacée.
L’ambition portée sur les recettes était pourtant réelle. Si nous combattions certaines pistes de réflexion, comme l’élargissement du système communautaire d’échange de quotas d’émissions (SCEQE), fonctionnant comme une véritable taxe carbone européenne, nous en soutenions d’autres, comme le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Toutefois, l’étroitesse des importations couvertes, le risque renouvelé d’un affrontement entre les modèles sociaux et son lien caduc avec le marché carbone engendreront, dans le dispositif actuel, des inégalités entre les entreprises et des incertitudes impropres à leurs besoins de planification.
Où sont passées les ressources propres promises par la Commission ? Que de retard depuis l’adoption de la directive portant des engagements non contraignants en 2021 ! Où en est le projet de réforme de l’impôt sur les sociétés, évoqué à l’instant par notre collègue Joly, véritable arlésienne européenne annoncée dès le début des années 2000 ?
L’ambition d’une transition socialement juste doit être financée sans augmenter toujours davantage la contribution française au budget de l’Union. Nous le demandons solennellement : l’Union doit abandonner le projet de réforme présenté voilà une semaine visant à durcir et à individualiser les règles sur l’endettement des États membres. Cette négociation, d’apparence vertueuse, prépare le retour de la rigueur par la fenêtre.
Cette inquiétude est amplifiée par le fait que notre gouvernement soutiendra la position de la Commission en faveur de l’austérité ; une fois cet étau imposé, il ne respectera pas les règles qu’il aura lui-même soutenues !
De telles contradictions nous invitent à voter contre la contribution française au budget de l’Union européenne.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Sébastien Meurant applaudit également.)
M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui l’article 25 du PLF relatif à la contribution de la France au budget de l’Union européenne.
Cette discussion intervient dans un contexte particulier : retour d’une guerre de haute intensité aux portes de l’Europe, inflation estimée à 10,9 % dans l’Union européenne, enjeux stratégiques forts liés à l’autonomie énergétique…
L’année 2023 représente un défi pour l’Union européenne. Après avoir fait face à une crise sanitaire sans précédent et, par conséquent, à une crise économique d’ampleur, nous sommes désormais confrontés à la guerre. Les conséquences des sanctions imposées par l’Union européenne à la Russie provoquent sur notre continent de grandes tensions, notamment en matière d’approvisionnement énergétique.
La contribution française au budget de l’Union européenne pour 2023 s’établirait finalement à 24,9 milliards d’euros, comme nous l’apprend l’amendement à l’article 25 déposé par le Gouvernement, auxquels il faudra ajouter les droits de douane évalués autour de 2,2 milliards d’euros.
Cette contribution est stable par rapport à celles des années précédentes. Nous saluons l’accord trouvé entre le Parlement et la Commission, le 15 novembre dernier, portant le montant total des engagements à 186,6 milliards d’euros.
Des fonds supplémentaires ont été mobilisés pour les programmes Erasmus+, l’aide humanitaire ou l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale afin de faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine, à la hausse du coût de la vie et à la crise énergétique et d’aider les réfugiés ukrainiens.
Ce projet de budget reflète également les grandes orientations et priorités du Parlement européen pour 2023 : énergie, climat, santé, culture et valeurs communes.
Je souhaite attirer votre attention sur un point de ce budget : la PAC. L’enveloppe consacrée à cette politique représente 270 milliards d’euros, mais semble insuffisante pour faire face à la multitude de crises auxquelles le secteur – en tension permanente depuis plusieurs années – est confronté, entre la crise sanitaire du covid-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. À long terme, il risque d’être impossible d’assurer la sécurité alimentaire de tous.
Le fonds de réserve prévu pour lutter contre les perturbations du marché ne semble pas à la hauteur. Il est nécessaire que nos agriculteurs soient dotés d’instruments de gestion de crise efficaces pour l’avenir.
Autre point important, l’utilisation des crédits et le retard pris dans les décaissements des crédits européens, notamment ceux qui sont accordés dans le cadre de la politique de cohésion. La France se situe à peine à la moyenne européenne, avec un taux d’absorption de 66 %.
Pour la période 2014-2020, la France bénéficiait d’une enveloppe de 27,5 milliards d’euros de crédits au titre du Feder (Fonds européen de développement régional), du FSE (Fonds social européen), du Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural), et du Feamp (Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche). Cette enveloppe doit être consommée avant la fin de 2023.
Au 30 juin 2022, selon les chiffres de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT, les montants restant à programmer étaient respectivement de 194 millions d’euros pour le Feder, de 20 millions d’euros pour le FSE-IEJ, Initiative pour l’emploi des jeunes, de 3,3 milliards d’euros pour le Feader, auxquels s’ajoutaient 47 millions d’euros à engager au titre du Feamp. Ces chiffres globaux marquent une forte disparité territoriale, les taux d’exécution étant particulièrement faibles en outre-mer.
Le dernier point que je souhaite aborder est la question des ressources propres. En envisager de nouvelles, est une nécessité à plusieurs égards.
Premièrement, il s’agit de nous permettre d’assurer le remboursement du plan de relance européen. Ce dernier a été un instrument décisif de réponse à la crise économique. Il a constitué également une étape importante dans la construction européenne par la création d’une capacité commune d’emprunt, première réforme d’ampleur depuis 1988 du système de financement de l’Union européenne.
Pour autant, cette avancée ne saurait être complète sans introduction de nouvelles ressources propres associées permettant, à compter de 2028 et jusqu’en 2058, un remboursement dans la durée de cet emprunt, à hauteur de 15 milliards d’euros par an.
Je le rappelle, le montant annuel moyen de la participation de la France au remboursement du Plan de relance serait évalué à 2,4 milliards d’euros à compter de 2028, si de nouvelles ressources propres ne sont pas mises en place.
Ces ressources propres contribueraient également à financer les objectifs de transition écologique et le paquet climat Fit for 55 présenté en juillet 2021.
Enfin, elles permettraient d’éviter un ressaut des contributions nationales, qui contraindrait la négociation du prochain cadre financier 2028-2034.
À défaut, nous nous exposerions soit à une réduction du budget européen susceptible d’affecter nos priorités, soit à un relèvement des contributions nationales susceptible d’engendrer de nouvelles demandes de rabais. Dans les deux cas, la France risquerait de voir les termes de sa participation financière au budget de l’Union se dégrader. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Teva Rohfritsch applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà de son aspect comptable, l’article 25 est toujours l’occasion, pour mon groupe, de rappeler son profond attachement à l’Union européenne.
Au stade actuel du projet de loi de finances pour 2023, la contribution de la France au budget communautaire est évaluée à près de 25 milliards d’euros.
Nous le savons, la tendance générale est à l’augmentation régulière du prélèvement sur recettes de l’État français, qualifiée par la Cour des comptes de « hausse structurelle », ce que les eurosceptiques voient d’un mauvais œil.
Pourtant, doit-on leur rappeler la liste des défis que seule une ambition collective peut permettre de dépasser ?
Au regard de la situation britannique, qui peut encore rêver d’un Frexit ? L’économie outre-Manche est en pleine déconfiture, avec un impact sur la politique intérieure. Parce qu’ils sont toujours nos partenaires, nos amis et nos adversaires préférés au rugby (Sourires.), nous leur souhaitons de surmonter rapidement leurs difficultés.
Au sein du budget de l’Union européenne, quelles pourraient être les sources d’économies ? On peut en dénicher de petites, notamment au niveau des dépenses administratives, qui progressent de 19 % depuis le cadre financier pluriannuel 2014-2020.
Le système de revalorisation automatique des salaires des fonctionnaires européens, qui peut engendrer une hausse de plus de 8 %, est contesté jusqu’au niveau du Conseil. Par ailleurs, on observe un ressaut régulier d’effectifs.
La rationalité exigée pour nos administrations pourrait être davantage dupliquée à Bruxelles. Il faut bien reconnaître, dans le même temps, la montée en charge du projet européen.
Entre le cadre financier pluriannuel 2014-2020 et le cadre 2021-2027, le volet cohésion, résilience et valeurs augmente de 21,2 %, celui des migrations et gestions frontalières de 612 % et celui de la sécurité et de la défense de 266 %.
On le voit, la crise, moteur de l’Europe, comme le disait Jean Monnet, nécessite des moyens humains et des politiques ambitieuses.
Crise migratoire, crise sanitaire, crise climatique, crise énergétique, crise de la paix. Oui, cette pluralité d’enjeux sans frontières impose une contribution dynamique des États membres, à laquelle il faudrait intégrer le plus rapidement possible les fameuses « nouvelles ressources propres ».
Il s’agit non seulement d’avancer, mais aussi, avant tout, de converger par la solidarité, sans calculer le niveau de retour sur investissement. N’ayons pas l’esprit au « rabais » ou « chèque » à la Margaret Thatcher ! Car un tel calcul n’est pas toujours possible, les résultats n’étant pas toujours comptables. Mais il l’est pour certaines politiques.
Je pense à la PAC, dont on sait que la France est l’un des principaux bénéficiaires, avec environ 9 milliards d’euros de retour vers nos agriculteurs.
Je pense également au plan de relance. Chaque État membre connaît à peu près le montant qu’il en tirera. La France, au titre de la facilité pour la reprise et la résilience européenne, bénéficiera de 37,5 milliards d’euros.
En revanche, lorsque l’Europe ambitionne 352 milliards d’euros sur dix ans pour le Pacte vert, il y aura non pas un retour, pour chacun, en monnaie sonnante et trébuchante, mais surtout l’espoir d’un monde durable profitable à tous.
De la même manière, lorsqu’on dépense 1,2 milliard d’euros d’aides directes à l’Ukraine, le gain partagé n’a pas de prix, c’est celui d’un retour possible à la paix, notre bien commun, que Vladimir Poutine attaque à nos portes.
Dans ces conditions, c’est sans réserve que le RDSE, profondément européen, votera l’article 25, afin que soient poursuivies toutes les politiques qui protègent nos concitoyens européens. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et GEST.)