8
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou.
M. Serge Mérillou. Sur le scrutin public n° 34 portant sur l’amendement n° 1039 rectifié quindecies tendant à insérer un article additionnel après l’article 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, MM. Hervé Gillé et Joël Bigot, Mme Sabine Van Heghe et M. Yannick Vaugrenard souhaitaient voter contre, et non pour.
Quant à M. Gilbert-Luc Devinaz, il souhaitait s’abstenir.
M. le président. Acte est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Mérillou.
M. Serge Mérillou. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 34 portant sur l’amendement n° 1039 rectifié quindecies, Mme Marie-Pierre Monier souhaitait voter contre.
M. Laurent Burgoa. Vive la viticulture ! (Sourires.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
10
Financement de la sécurité sociale pour 2023
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 21.
Chapitre II
Renforcer l’accès aux soins
Article 21
I. – Après le 26° de l’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 28° ainsi rédigé :
« 28° Pour les frais de transport réalisé à la demande d’une unité participant au service d’aide médicale urgente mentionné à l’article L. 6311-1 du code de la santé publique. »
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.
Mme la présidente. L’amendement n° 829, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article 21 prévoit que les transports sanitaires urgents préhospitaliers soient exonérés de ticket modérateur, et ainsi intégralement pris en charge, pour l’ensemble des patients.
Cette mesure est positive, car elle va dans le sens de l’amélioration de l’accès aux soins. L’exonération de ticket modérateur sur les transports sanitaires urgents préhospitaliers ne doit toutefois pas se faire par une augmentation du ticket modérateur sur les transports programmés.
Le Gouvernement considère que le coût de cette exonération de ticket modérateur, estimé à 70 millions d’euros, est compensé par l’augmentation de 20 à 25 euros du ticket modérateur sur les transports programmés. Alors que 3 millions de nos concitoyennes et de nos concitoyens ne disposent pas d’une complémentaire santé, cette augmentation est une double peine.
Monsieur le ministre, j’en profite pour attirer votre attention sur notre débat concernant le reste à charge. Vous vous êtes réjoui, dans une précédente intervention, du fait que le reste à charge restait de l’ordre de 6 % à 7 % depuis plusieurs années. Mais je veux insister sur un élément qui me paraît extrêmement important : la prise en charge ne se fait pas sur les dépassements d’honoraires. Et j’attire votre attention, notamment, sur les restes à charge qui sont demandés aux patients reconnus en affection de longue durée (ALD). Ce taux de 6 % à 7 % se révèle donc très aléatoire…
Pour en revenir à l’objet de notre amendement, nous demandons donc que l’exonération du ticket modérateur soit prise en charge par l’État et non par les assurés sociaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie. Je commencerai par un trait d’humour : il est surprenant de proposer de gager une mesure du Gouvernement. Vous le savez, le Gouvernement, lui, n’est pas soumis à l’article 40 de la Constitution, cet article que nous craignons tant… (Sourires.)
Mme Laurence Cohen. Eh oui !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je comprends bien l’intention des auteurs de cet amendement, qui est que cette exonération ne soit pas compensée par une baisse de prise en charge sur d’autres prestations.
En effet, le Gouvernement compte équilibrer financièrement le coût de l’article 21, qui prévoit la prise en charge intégrale des transports urgents préhospitaliers, par une augmentation du ticket modérateur sur les transports pour soins programmés, renvoyant la prise en charge de cette augmentation à des négociations avec les complémentaires.
Le Gouvernement a indiqué, dans l’étude d’impact, que la hausse serait de 5 euros seulement en moyenne sur les transports pour soins programmés. Je m’interroge néanmoins sur cette moyenne. Tentant de refaire les calculs à partir des données de l’annexe B, monsieur le ministre, je ne suis pas parvenue à retomber sur ces 5 euros… Et je crains que pour certaines prestations le reste à charge ne puisse être important, certains patients n’étant pas couverts par une complémentaire santé.
Je souhaite souligner deux points : premièrement, le Gouvernement compte financer sa mesure en en faisant peser le coût sur les complémentaires ; deuxièmement, cette augmentation de recettes, dût-elle être appliquée, n’interdirait pas le Gouvernement de procéder à une hausse du ticket modérateur sur les autres prestations.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. La question n’est pas de savoir s’il faut supprimer le ticket modérateur sur les transports sanitaires urgents – je pense que cette mesure met tout le monde d’accord. Elle est bien celle du reste à charge et, en définitive, de l’accès à une couverture complémentaire.
Des mesures ont été adoptées l’année dernière pour favoriser l’accès à la complémentaire santé solidaire, qui permet de couvrir sans coût, ou du moins à moindre coût, les personnes à faibles revenus. Une grande campagne de communication a été récemment lancée par le Gouvernement et par l’assurance maladie pour faire bénéficier les patients les plus démunis de cette complémentaire santé solidaire, qui prendra en charge cette augmentation du ticket modérateur sur les transports non urgents.
Avis défavorable, vous l’avez compris.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je ne voterai pas cet amendement.
L’exonération du ticket modérateur sur les transports urgents préhospitaliers est une bonne chose. Ce type de transport sanitaire est souvent pris en charge par les complémentaires, mais le remboursement en est aussi souvent très compliqué. Dans un contexte d’urgence, il n’est pas toujours aisé, c’est peu de le dire, de reconstituer la situation administrative des patients, qui sont parfois hospitalisés dans la foulée.
Cette mesure est donc un progrès pour les transporteurs.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Braun, ministre. Je souhaite intervenir sur deux points, si vous le permettez, madame la présidente.
Premièrement, je me suis engagé avant la suspension à vous donner réponse, madame la présidente, ainsi qu’à M. Jomier, concernant les IVG instrumentales et la problématique des dossiers.
Pour être tout à fait précis, cinquante projets étaient budgétés ; seuls vingt dossiers de candidature ont été déposés, dont dix-huit ont été retenus – pour ce qui est des deux autres, qui étaient incomplets, les demandeurs se sont vu adresser un courrier individuel les invitant à les compléter en vue d’une autre vague de l’appel à projets.
L’arrêté du 27 octobre dernier fixe la liste de ces dix-huit établissements de santé autorisés à participer à l’expérimentation. Et nous allons lancer avant la fin de l’année une deuxième vague de l’appel à candidatures afin de donner la possibilité à d’autres établissements de se porter candidats.
Deuxièmement, je souhaite faire une déclaration liminaire sur l’article 22, ce fameux article qui pourrait ouvrir la porte à des mesures de coercition.
Mesdames, messieurs les sénateurs, écoutez ce que disent les professionnels de santé, et notamment tous les médecins : ne cédez pas aux sirènes de solutions court-termistes et démagogiques, au fantasme de la solution miracle qui émergerait soudain après des décennies d’errance et de turpitudes concernant les déserts médicaux.
Voilà quelques décennies ont été prises par le Parlement de mauvaises décisions, pourtant issues de cerveaux intelligents, des décisions dont les Françaises et les Français paient encore aujourd’hui les conséquences : je veux parler de décisions de régulation de l’offre de soins, donc de régulation du nombre de médecins, ce fameux numerus clausus auquel, je m’en souviens, les professionnels de santé étaient opposés – ils étaient même descendus dans la rue…
Comment pouvait-on imaginer qu’en limitant le nombre de médecins on allait faire disparaître les besoins de santé dans une population que l’on savait déjà vieillissante ? Et pourtant, ceux qui prirent cette décision étaient sûrs d’eux !
L’erreur que vous feriez, en prenant la voie de la coercition – en toute bonne foi, j’en suis certain –, pénaliserait nos concitoyens, comme la précédente, pour les vingt ans à venir, mais aussi et surtout dès l’année prochaine. Car utiliser la coercition et contraindre ou interdire l’installation de médecins libéraux serait au mieux contre-productif et, quoi qu’il en soit, dégraderait certainement encore davantage la situation des déserts médicaux.
Des solutions existent pour lutter contre ces déserts médicaux ; elles sont dans ce PLFSS et dans l’action que je mène et vais continuer de mener. Je vais les exposer brièvement.
Auparavant, sans prétendre être Nostradamus, je peux vous prédire ce qui va se passer si vous décidez de prendre la voie de la coercition : mes jeunes collègues ne choisiront plus la médecine générale ; de peur d’être obligés d’aller travailler où ils ne veulent pas, ils choisiront une autre spécialité. Et, quand bien même ils choisiraient cette spécialité de médecine générale ou dans l’hypothèse où la coercition s’adresserait à toutes les spécialités, ils choisiront un exercice salarié, en ville, sans contraintes, et s’occuperont de moins de patients ou se limiteront, comme cela se fait de plus en plus, à des centres de soins immédiats non programmés, négation de la médecine du médecin traitant.
Comment ferait-on peser sur les jeunes générations seules les erreurs passées ? La pénurie de médecins touchant de nombreux pays, nos jeunes médecins, dont la formation est reconnue au niveau international, quitte à ne pas s’installer où ils le souhaitent, seront tentés d’exercer à l’étranger. La tentation est forte, en effet, et les filières sont en train de se recréer, avec le Canada, l’Allemagne, le Luxembourg ou la Suisse, ainsi que, très récemment, les Émirats arabes unis, qui proposent aux jeunes médecins généralistes un salaire de 25 000 euros par mois.
Nous formerons alors des médecins pour qu’ils partent et nous ferons venir des médecins étrangers. Quelle logique ? Se trouvera-t-il ce soir dans cette assemblée quelqu’un pour me dire qu’il y a trop de médecins sur son territoire, dans sa circonscription ?
Il n’y a pas de solution miracle. Pourtant, mesdames, messieurs les sénateurs, des solutions existent. Il faut avoir le courage de faire les bons choix, des choix d’avenir, des choix susceptibles de refonder notre système de santé dans son ensemble, des choix permettant de voir plus loin que la prochaine échéance.
Redonner du temps médical, du temps pour les soins et pour la prévention, c’est faciliter l’emploi d’un assistant médical, qui permet aux généralistes d’augmenter leur patientèle de 10 % ; c’est favoriser l’exercice pluriprofessionnel, largement plébiscité par la profession – sept médecins généralistes sur dix exercent en groupe – ; c’est favoriser le cumul emploi-retraite ; c’est simplifier les démarches bureaucratiques, chronophages et souvent inutiles.
Promouvoir l’installation dans certains territoires, c’est simplifier cette installation par un guichet unique et faire découvrir ces territoires aux jeunes médecins dans le cadre de la quatrième année, professionnalisante, de médecine générale, mais aussi, dès le début de leurs études, dans le cadre de stages ambulatoires. Que l’on ne nous dise pas que nous manquons de maîtres de stage : nous en aurons 14 000 l’année prochaine !
Faciliter l’exercice médical avancé en favorisant les consultations dans les territoires sous-dotés par des médecins de zones moins démunies, dans cette logique de responsabilité collective, c’est aussi ce que prévoit ce PLFSS, conformément aux travaux de différents groupes, dont le groupe transpartisan de l’Assemblée nationale.
Lutter contre les inégalités d’accès à la santé, et les combattre toutes, qu’elles soient territoriales, financières ou sociales, c’est refonder notre système sur la réponse aux besoins de santé de la population et non plus sur une logique mortifère d’offre de soins.
C’est construire à partir des territoires, avec les Français et les élus, en faisant confiance aux professionnels.
C’est tout sauf une politique coercitive, verticale, en définitive inefficace et même dangereuse.
C’est au contraire l’esprit de cette refondation que nous devons réussir ensemble dans le cadre du Conseil national de la refondation.
Oui, le Gouvernement veut faire confiance aux Français, aux professionnels de santé et aux élus. C’est avec optimisme, mais sans naïveté, que je poursuis cette quête. C’est là tout l’esprit de l’article 22 que nous vous proposons : ce dispositif permet, en cas d’échec, de revenir sur la méthode dans le cadre de la discussion conventionnelle avec les médecins, selon la logique de droits et de devoirs partagée par tous.
Voter la coercition serait céder à la facilité, comme quand en 2003 on a accepté de revenir sur l’obligation de garde, que tant de territoires regrettent aujourd’hui.
M. François Patriat. Très bien !
M. François Braun, ministre. Ce serait une provocation envers les médecins libéraux et la garantie d’une dégradation rapide et durable du dialogue social, d’une dégradation de l’offre de soins et d’une dégradation des soins eux-mêmes.
J’ai consulté l’ensemble des organisations syndicales de médecins : elles y sont toutes défavorables.
Je sais que l’impatience est grande et que, partant, la tentation est forte d’aller vers la simplicité, voire le simplisme. Mais la santé des Françaises et des Français doit-elle reposer sur une intuition ou sur une politique cohérente, construite avec des arguments irréfutables et bâtie sur une coconstruction avec toutes les parties prenantes ?
La balle est dans votre camp, mesdames, messieurs les sénateurs ; s’il vous plaît, ne marquez pas contre votre propre équipe, l’équipe France ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)
Mme la présidente. L’amendement n° 868, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 322-5 du code de la sécurité sociale, après les mots : « compte tenu », sont insérés les mots : « de la situation individuelle du patient, »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Certaines personnes, en activité professionnelle et ayant besoin de soins, peuvent avoir un intérêt à se rendre dans un établissement plus proche de leur lieu d’activité professionnelle ou délivrant les soins nécessaires à une heure plus tardive. C’est le cas par exemple de certaines personnes dialysées et souhaitant maintenir leur activité professionnelle : il peut arriver qu’elles se rendent dans un centre pratiquant la dialyse après les heures de travail, centre qui peut se trouver plus éloigné qu’un autre de leur domicile.
La prise en charge des frais de transport est actuellement limitée au centre le plus proche du domicile. Or la prise en charge du moyen de transport emprunté pour se rendre dans un établissement dont l’organisation est plus adaptée à la vie quotidienne du patient permettrait de favoriser le maintien en emploi.
Par ailleurs, certaines personnes en situation de handicap se voient dans l’obligation de se rendre dans un centre de soins plus éloigné de leur domicile, mais plus adapté à leur handicap. Or ces personnes se voient refuser la prise en charge au motif qu’il existe un centre situé plus proche de leur domicile.
Il peut arriver également que des personnes à mobilité réduite ne disposant pas d’un moyen de locomotion renoncent à des soins non pris en compte dans le cadre d’une ALD, tels que des rendez-vous chez le dentiste, du fait d’une absence de prise en charge des transports dans ce cadre. Certains patients se voient également refuser des prises en charge par des centres de soins ou des professionnels de santé et sont dans l’obligation de s’éloigner de leur domicile.
Cet amendement vise donc à permettre la prise en charge des frais de transport dans toutes les situations nécessaires, afin de lever les difficultés d’accès aux soins.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. J’avais une réserve sur cet amendement, la rédaction proposée n’étant pas nécessairement de nature à satisfaire le souhait des auteurs d’une prise en charge des frais de transport à proximité du lieu de travail. Cependant, la prise en compte de situations, notamment professionnelles, pouvant nécessiter que l’organisation matérielle entourant les soins soit facilitée, me paraît bienvenue ; le cas des patients dialysés est pertinent.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement. Je rappelle néanmoins que le transport sanitaire demeurera pris en charge avant tout, et cela est indispensable, sur la seule base de la prescription médicale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. De nombreuses situations peuvent déjà conduire à la prise en charge par l’assurance maladie des frais de transport nécessaires pour recevoir des soins ou des examens appropriés à son état de santé : il existe d’ores et déjà onze motifs de prise en charge par l’assurance maladie des frais de transport sanitaire.
Des travaux sont en cours pour améliorer la prise en charge du transport de personnes en situation d’obésité et la Cnam engage des réflexions pour mieux adapter la prise en charge des transports des personnes en situation de handicap.
Compte tenu de ces éléments, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Guidez. Je voterai cet amendement : le transport sanitaire des personnes handicapées, c’est une véritable catastrophe, et c’est très mal remboursé ! Il y a un travail considérable à faire sur cette question.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 21.
L’amendement n° 815, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 51 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article 51 du PLFSS pour 2018, dont nous parlons régulièrement, a ouvert la possibilité de financements innovants et dérogatoires pour la mise en œuvre d’expérimentations.
Ces dérogations ont vite été vues comme une aubaine par des acteurs privés. Ainsi le groupe Ramsay, s’inspirant du modèle suédois, a-t-il profité de cet article pour lancer une rémunération par « capitation ». Cette tarification spécifique repose sur un forfait versé aux établissements en fonction du nombre de patients qu’ils accueillent et de leur typologie : âge, sexe, comorbidités.
Que le patient vienne consulter une fois, dix fois ou vingt fois dans l’année, le forfait restera identique. L’objectif : inciter les médecins à mettre l’accent sur la prévention et limiter les prescriptions de soins abusives.
Mais la tarification à la capitation porte un défaut intrinsèque : le tri des patients. Ce nouveau mode de rémunération pourrait permettre de fidéliser des patients « rentables » dès leur arrivée dans un centre de soins primaires, tandis que les patients les plus « coûteux » seraient réorientés vers l’hôpital.
Pour rappel, Ramsay est un mastodonte qui engloutit des cliniques privées : en douze ans, Ramsay Santé est devenu le numéro un de l’hospitalisation privée par le nombre d’établissements. Il représente près de 21 % des parts de marché de l’hospitalisation privée en France, pour un chiffre d’affaires annuel de plus de 4 milliards d’euros en juin 2021, soit le double de celui de 2011 ! Ramsay Health Care est par ailleurs coté en Bourse à Sydney, sa valeur étant estimée à 12,2 milliards d’euros.
La tentative de racheter les centres de santé détenus par la Croix-Rouge a échoué, mais l’inquiétude demeure quant à l’arrivée et au développement de cet acteur à but lucratif dans le secteur des soins primaires.
Cet exemple est emblématique : quand le service public est mis à mal, faute de financement, quand il est abandonné, cela laisse la place au privé et à toutes les dérives afférentes – je pense aux cabinets de conseil qui pénètrent le secteur de la santé, ou encore à la « licorne » Doctolib.
Parce que, plus de trois ans après son adoption, on voit bien que cet article 51 entraîne des dérives, nous demandons son abrogation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ma chère collègue, vous proposez d’abroger le fameux article 51 de la LFSS pour 2018 relatif aux expérimentations ; la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Vous évoquez de prétendues dérives, dans le secteur privé notamment. Apparemment, la vente des centres de santé gérés par la Croix-Rouge a échoué ; mais pour qu’il y ait un acheteur, il faut un vendeur ! L’article 51 n’est donc pas en cause. Soyons clairs : cet article n’a pas vocation à paver la voie du secteur privé, comme vous le sous-entendez. Il vise à permettre de déroger à certaines règles de financement du code de la sécurité sociale.
Sans faire la promotion du dispositif – le Gouvernement pourra lui-même s’en charger –, je me bornerai à de brèves observations, alors qu’un rapport au Parlement a été remis ce mardi, une fois n’est pas coutume, sur l’application de cet article. Quelque 1 073 projets ont été déposés depuis 2018. Sur les 494 dossiers recevables, 67 sont en cours d’instruction ; 122 projets ont été autorisés et 6 expérimentations sont déjà terminées.
Sur quoi ces différents projets portent-ils ? On compte 77 expérimentations portant sur un financement forfaitaire, 7 sur un paiement au suivi. Pour certaines pathologies, notamment chroniques, le paiement à l’acte n’est plus pertinent. Le financement à l’épisode de soins a du sens ; une expérimentation a été menée par exemple sur un tel financement pour des prises en charge chirurgicales dans onze régions.
Nous le savons, le mode de financement de notre système de soins doit évoluer ; cela est valable en ville comme à l’hôpital. Or, pour faire évoluer un système, il faut savoir expérimenter : d’où l’intérêt de l’article 51. Nous regrettons d’ailleurs que l’expérimentation sur la dotation populationnelle à l’hôpital n’ait pas été menée.
Ne nous privons pas d’un outil d’expérimentation : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Madame la sénatrice, vous déplorez l’autorisation, dans le cadre de cet article 51, de l’expérimentation Primordial portée par le groupe Ramsay Santé, qui a pour objet, rappelons-le, l’ouverture de centres de santé dans cinq communes situées dans des zones de désertification médicale.
Tout l’intérêt d’une expérimentation est justement – c’est bien l’objet de cet article 51 – qu’elle soit évaluée et que l’on puisse observer son mode de fonctionnement ; il est hors de question qu’elle soit pérennisée et systématisée. Je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit Mme la rapporteure, mais plus d’un million de patients bénéficient de ces expérimentations, qui sont indispensables si l’on veut faire avancer notre système de santé.
En toute honnêteté, j’avoue qu’à mon entrée en fonction j’étais circonspect sur cet article 51. Après avoir examiné dans le détail ce qu’il apporte en matière d’expérimentations pouvant donner lieu à des développements ultérieurs, et après avoir discuté avec les équipes extrêmement investies qui, au ministère, s’occupent de ces expérimentations, je suis arrivé à la conclusion qu’actuellement ce dispositif est totalement indispensable à notre système de santé.
Pour ces raisons, j’émets moi aussi un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 815.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 22
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 162-14-1 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par des 8° et 9° ainsi rédigés :
« 8° Le cas échéant, les conditions à remplir par les professionnels de santé pour être conventionnés, relatives à leur formation, à leur expérience et aux zones d’exercice définies par l’agence régionale de santé en application de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique ;
« 9° Le cas échéant, les conditions de participation à la couverture des besoins de santé dans les zones d’exercice définies par l’agence régionale de santé en application du même article L. 1434-4. » ;
b) (Supprimé)
2° Le II de l’article L. 162-14-1-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La validité des accords interprofessionnels relatifs aux maisons de santé mentionnées à l’article L. 6323-3 du code de la santé publique est subordonnée à leur signature par au moins trois organisations représentatives des professions qui exercent dans les maisons de santé, représentant ensemble au moins 50 % des effectifs concernés.
« Lorsqu’un accord porte sur les maisons de santé, les organisations représentant ces structures et reconnues représentatives au niveau national sont associées en qualité d’observateurs aux négociations conduites en vue de conclure, de compléter ou de modifier un accord conventionnel interprofessionnel au sens du II de l’article L. 162-14-1 du présent code. Les modalités d’application du présent alinéa sont déterminées par décret. » ;
3° Le troisième alinéa de l’article L. 162-14-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce délai n’est pas applicable lorsque l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire a refusé de participer à la négociation. » ;
4° L’article L. 162-15 est ainsi modifié :
a) Les quatrième et cinquième alinéas sont ainsi rédigés :
« Une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau national, au sens de l’article L. 162-33, réunissant la majorité des suffrages exprimés, dans chacun des collèges, lors des élections à l’union régionale des professionnels de santé regroupant les médecins peuvent former opposition à l’encontre d’une convention ou d’un accord prévu à la section 1 du présent chapitre.
« Une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau national, au sens de l’article L. 162-33, réunissant la majorité des suffrages exprimés lors des élections aux unions régionales des professionnels de santé prévues à l’article L. 4031-2 du code de la santé publique peuvent former opposition à l’encontre d’une convention ou d’un accord prévu aux sections 2 et 3 du présent chapitre, de l’accord-cadre prévu à l’article L. 162-1-13 et des accords conventionnels interprofessionnels prévus à l’article L. 162-14-1. » ;
b) Au sixième alinéa, les mots : « fait obstacle à la mise en œuvre de la convention ou de l’accord si elle est formée » sont remplacés par les mots : « ne peut être formée que » ;
c) Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’opposition prévue aux quatrième à sixième alinéas du présent article ne peut être formée que par une organisation qui n’a pas signé la convention, l’accord ou l’avenant concerné. L’opposition fait obstacle à sa mise en œuvre. » ;
5° L’article L. 162-16-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « réalisation », la fin de la première phrase du 7° bis est ainsi rédigée : « d’entretiens d’accompagnement d’un assuré. » ;
b) Le 8° est ainsi modifié :
– la première phrase est ainsi rédigée : « Les rémunérations, autres que celles des marges prévues à l’article L. 162-38, versées par l’assurance maladie en fonction de l’activité du pharmacien, évaluée au regard d’indicateurs et d’objectifs fixés conventionnellement. » ;
– à la deuxième phrase, le mot : « engagements » est remplacé par le mot : « derniers » et les mots : « atteints de pathologies chroniques » sont supprimés ;
c) À la seconde phrase du 15°, les mots : « , bilan de médication ou entretien d’accompagnement d’un patient atteint d’une pathologie chronique » sont remplacés par les mots : « ou d’un premier entretien d’accompagnement » ;
d) À la fin de la première phrase du 16°, les mots : « de diagnostic rapide » sont supprimés ;
e) Après le 16°, sont insérés des 17° à 19° ainsi rédigés :
« 17° Les modes de rémunération et les montants afférents dus au pharmacien qui participe au programme de dépistage organisé du cancer colorectal ;
« 18° La rémunération, dans la limite d’un plafond fixé conventionnellement, due au pharmacien qui dispense des médicaments au domicile d’un patient dans le cadre de l’un des programmes de retour à domicile mis en place par l’assurance maladie ;
« 19° La rémunération, dans la limite d’un plafond fixé conventionnellement, lorsque le pharmacien délivre des médicaments à l’unité dans les conditions mentionnées à l’article L. 5123-8 du code de la santé publique ou dans le cadre du régime applicable aux médicaments classés comme stupéfiants mentionnés à l’article L. 5132-7 du même code. » ;
f) Le vingt et unième alinéa est supprimé ;
g) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « et aux 13° à 16° » sont remplacés par les mots : « , au 11° et aux 13° à 19° » ;
6° L’article L. 162-16-7 est ainsi modifié :
a) Les deux premiers alinéas sont supprimés ;
b) À la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « cas pour lesquels » sont remplacés par les mots : « situations médicales pour lesquelles ».
II (nouveau). – Le délai d’entrée en vigueur mentionné au I de l’article L. 162-14-1-1 du code de la sécurité sociale n’est pas applicable aux mesures conventionnelles issues des négociations avec les organisations représentatives des médecins conclues en 2023 et relatives au recrutement de personnels salariés ayant vocation à assister les médecins dans leur pratique quotidienne, à la participation à l’effection et à la régulation des soins non programmés ainsi qu’à l’installation et à l’exercice en zone à faible densité médicale.