Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous sommes totalement d’accord, il convient de ne pas donner envie aux jeunes de passer, après les puffs, à la cigarette, puis à d’autres addictions plus fortes et plus intenses.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement. L’outil fiscal est sans doute un moyen efficace de lutter contre la dynamique à l’œuvre dans l’usage des puffs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je partage totalement votre préoccupation.
C’est vrai, les puffs constituent un outil d’appel sans pareil pour donner envie, de façon masquée, aux adolescents, sous des motifs et des packagings ludiques et attractifs, d’avancer vers le tabac.
Je suis d’accord avec le constat : oui, c’est un sujet important ; il faut bâtir un cadre fiscal approprié. Je vous invite donc, au nom du ministre chargé des comptes publics, à participer à une réflexion sur cette question à Bercy, avec l’ensemble des acteurs.
Néanmoins, le faire au détour d’un amendement, sans calibrer davantage la taxation, ne me semble pas la bonne méthode, d’autant que cela suppose une révision de la directive européenne applicable.
Je comprends donc votre intention et, même si vous soulevez un véritable sujet, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Procaccia, l’amendement n° 400 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. Oui, je le maintiens, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s’abstiendra sur cet amendement, afin d’être cohérent avec ses propositions sur la fiscalité comportementale.
Néanmoins, nous partageons l’intention de l’auteur de l’amendement. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement, déclaré irrecevable, pour aller plus loin, c’est-à-dire jusqu’à l’interdiction des puffs. En effet, avec un format qui tient dans la poche et des emballages colorés, ces produits sont destinés, sans aucune ambiguïté, à un public jeune, voire très jeune. Or, s’agissant d’un produit contenant de la nicotine, ce n’est pas anodin ; cela peut constituer une porte d’entrée vers des produits plus nocifs.
L’étude de BVA montre qu’un adolescent sur dix a déjà utilisé ce dispositif, alors même que, selon l’article L. 3513-5 du code de la santé publique, « il est interdit de vendre ou d’offrir gratuitement, dans les débits de tabac et tous commerces ou lieux publics, à des mineurs de moins de dix-huit ans des produits du vapotage ».
Cette consommation se développe rapidement dans les collèges et les lycées. Parents, directeurs d’établissement scolaire, associations de lutte contre le tabac, s’inquiètent de ce nouveau phénomène de mode, qui peut avoir des conséquences graves.
J’ai posé à ce sujet une question écrite au Gouvernement au mois de février dernier à laquelle je n’ai toujours pas eu de réponse, madame la ministre.
Je souhaite donc que l’on fasse respecter l’interdiction de la vente de ces produits aux mineurs. Il s’agit d’une question de santé publique et de lutte contre les addictions, qu’il convient de circonscrire rapidement.
Puisque M. le ministre de la santé et de la prévention insiste sur sa mission de prévention, il faudrait passer aux travaux pratiques.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défend à peu près la même position.
Nous avions déposé un amendement comportant une partie relative à la taxation du produit et une partie visant à l’interdire. Nous soutiendrons donc l’amendement de Catherine Procaccia.
En effet, tous les produits qui mêlent des saveurs – le sucre, des parfums – à un produit principal addictif – le tabac, l’alcool ou autre – ont une cible marketing évidente : les adolescents, les très jeunes. Notre devoir de protection nécessite de travailler à une interdiction. L’arme fiscale est donc une arme par défaut, « en attendant », si j’ose dire, mais nous militons, pour ce qui nous concerne, pour l’interdiction totale de ce type de produit.
En attendant, nous voterons cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je rejoins les analyses de mes collègues sur cette question et je voterai l’amendement de Mme Procaccia. Je regrette même qu’il ne soit pas plus sévère.
Toutefois, après vous avoir entendue, madame la ministre, je ressens quelque inquiétude, non au sujet du vote du Sénat de ce soir, mais à propos de ce qui se passera après : les travaux de la commission mixte paritaire, puis le 49.3, que vous devrez probablement utiliser une seconde fois à l’Assemblée nationale. J’espère que cette disposition, que nous nous apprêtons à adopter, restera dans le texte définitif, malgré l’emploi probable de cette procédure. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Michelle Meunier et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Tout à fait !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 400 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. Mes chers collègues, il reste 518 amendements sur ce texte. Au rythme actuel, il nous faudrait trente-cinq à quarante heures pour les examiner. Comme nous siégerons peu demain et que, jeudi, la séance sera levée à 18 heures, cela signifierait que nous poursuivrions nos travaux samedi.
L’amendement n° 399 rectifié ter, présenté par Mme Procaccia, M. Longuet, Mmes Micouleau et Lassarade et MM. Sido et Piednoir, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évaluation scientifique de la nocivité relative des produits du tabac à chauffer en comparaison avec celle des autres produits du tabac et de la nicotine, ainsi que sur l’opportunité sanitaire et budgétaire de mettre en place une fiscalité comportementale adaptée au niveau de nocivité des différents produits du tabac et de la nicotine.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Je connais la position traditionnelle du Sénat à l’égard des rapports, mais je propose tout de même, au travers de cet amendement, que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur les nouvelles formes de consommation du tabac, dont le tabac à chauffer.
Je ne suis pas fumeuse moi-même, mais de nombreuses personnes de mon entourage fument et ne souhaitent pas arrêter.
Selon les industriels du tabac, le tabac à chauffer, destiné à ceux qui ne peuvent s’arrêter de fumer, serait moins dangereux que le tabac consumé. En commission des affaires sociales, j’ai demandé au ministre de la santé et de la prévention de diligenter une étude sur la question. Il m’a répondu qu’il en existait déjà, mais je n’en connais qu’une seule, qui émane de l’Institut Pasteur et de l’Institut national du cancer et qui date quelque peu. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) elle-même demande pourtant des études sur ce sujet.
C’est la raison pour laquelle, par cet amendement, je demande un rapport sur ce point. Ainsi, nous pourrons mesurer si, oui ou non, les nouvelles formes de consommation du tabac sont dangereuses et, de cette manière, les consommateurs disposeront d’une information claire et précise sur la question. Qu’on ne leur vende pas un produit si celui-ci n’est pas meilleur. Nous devons penser aux millions de personnes qui ne souhaitent pas cesser de fumer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Toutefois, je suggère à la présidente de la commission de demander une étude sur ce sujet à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
L’amendement n° 719, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à l’issue de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur l’impact sanitaire, social et économique de l’évolution de la fiscalité en matière de lutte contre le tabagisme en particulier et sur le Programme national de lutte contre le tabagisme en évaluant l’intérêt des mesures de réduction des risques prises en matière de prise en charge des substituts nicotiniques ou de l’intérêt du vapotage.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. La lutte contre le tabagisme est une priorité de santé publique. Avec plus de 75 000 morts prématurées par an liées au tabac, la combustion constitue la première cause de mortalité évitable en France.
Au cours des dernières années, deux plans pluriannuels ont été mis en œuvre, mais l’ambition d’une génération sans tabac en 2032 semble rester lettre morte. Selon Santé publique France, plus d’un quart de la population âgée de plus de 18 ans fumait quotidiennement en 2020.
La prévalence de ce phénomène diminue donc insuffisamment et trop lentement, avec ces plans de lutte fondés sur deux piliers : la prévention et la cessation. La politique publique dans ce domaine ne bénéficie que de très peu d’évaluations.
À l’occasion des mesures défendues par le Gouvernement dans le cadre de l’article 8, cet amendement vise à demander un rapport sur l’impact des politiques publiques en matière de lutte contre l’addiction au tabac, en intégrant éventuellement d’autres mesures, telles que l’interdiction dont nous venons de parler.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 976 rectifié est présenté par M. Dossus, Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 995 rectifié ter est présenté par MM. Chantrel et Jomier, Mme Poumirol, M. Pla, Mme Conway-Mouret, MM. Gillé et Marie, Mmes Meunier et Carlotti, M. Devinaz et Mme Le Houerou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …°Le produit de l’accise sur le cannabis et les produits du cannabis mentionnée à l’article L. 315-1 du code des impositions sur les biens et services est versé à la branche mentionnée au 1° de l’article L. 200-2. »
II. – Le livre III du code des impositions sur les biens et services est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et cannabis » ;
2° L’article L. 311-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …°Le cannabis et les produits du cannabis au sens de l’article L. 315-1. » ;
3° Le titre Ier du livre III est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Cannabis et produits du cannabis
« Section 1
« Éléments taxables
« Art. L. 315-1. – Sont soumis à l’accise le cannabis et les produits du cannabis dont la teneur en tétrahydrocannabinol n’excède pas un taux fixé par arrêté du ministre chargé de la santé.
« Section 2
« Fait générateur
« Art. L. 315-2. – Les règles relatives au fait générateur de l’accise sur le cannabis et les produits du cannabis sont déterminées par les dispositions du titre II du livre Ier et par celles de la section 2 du chapitre Ier du présent titre.
« Section 3
« Montant de l’accise
« Art. L. 315-3. – Les règles relatives au montant de l’accise sur le cannabis et les produits du cannabis sont déterminées par les dispositions du titre III du livre Ier et par celles de la section 3 du chapitre Ier du présent titre.
« Art. L. 315-4. – Le cannabis et les produits du cannabis sont assimilés à la catégorie « tabacs à mâcher ». Les tarifs, taux et minima de perception de l’accise exigible en 2023 sont celles indiquées à l’article L. 314-24 pour la catégorie « tabacs à mâcher ».
« Section 4
« Exigibilité
« Art. L. 315-5. – Les règles relatives à l’exigibilité de l’accise sur le cannabis et les produits du cannabis sont déterminées par les dispositions du titre IV du livre Ier, par celles de la section 4 du chapitre Ier du présent titre.
« Section 5
« Personnes soumises aux obligations fiscales
« Art. L. 315-6. – Les règles relatives aux personnes soumises aux obligations fiscales pour l’accise sur le cannabis et les produits du cannabis sont déterminées par les dispositions du titre V du livre Ier, par celles de la section 5 du chapitre Ier du présent titre.
« Section 6
« Constatation de l’accise
« Art. L. 315-7. – Les règles de constatation de l’accise sur le cannabis et les produits du cannabis sont déterminées par les dispositions du titre VI du livre Ier et par celles de la section 6 du chapitre Ier du présent titre.
« Section 7
« Paiement de l’accise
« Art. L. 315-8. – Les règles relatives au paiement de l’accise sur les tabacs sont déterminées par les dispositions du titre VII du livre Ier et par celles de la section 7 du chapitre Ier du présent titre.
« Section 8
« Affectation
« Art. L. 315-9. – L’affectation du produit de l’accise sur le cannabis et les produits du cannabis est déterminée par le 10° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 976 rectifié.
M. Thomas Dossus. Du fait de l’appétence des Français pour le cannabis, la consommation de ce produit est devenue un véritable enjeu de santé publique en France. En débattre dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est donc tout à fait légitime.
Affirmons-le d’emblée, notre but, au travers de cet amendement, est d’aboutir à la légalisation du cannabis, afin de mieux réguler son usage et de mieux le contrôler.
Ce produit est prisé par les Français, disais-je ; en effet, 44,5 % de la population de 18 à 64 ans en a déjà consommé. Pourtant, les risques liés à sa consommation sont nombreux – troubles psychiatriques, états anxio-dépressifs, infarctus – et l’impact est encore plus fort sur les cerveaux en formation, donc sur la jeunesse. C’est d’autant plus inquiétant que la jeunesse française cumule tous les records en la matière : plus d’un tiers des moins de 16 ans ont déjà fumé du cannabis et le taux d’addiction chez nos mineurs est le plus fort d’Europe.
Ces statistiques montrent une chose : la politique sanitaire et sécuritaire choisie par la France est un échec. Les sanctions n’ont aucunement endigué la consommation, en particulier chez les plus jeunes. Au travers de cet amendement, nous proposons d’acter l’échec de cette politique et de recentrer le débat sur la santé, comme l’ont fait de nombreux pays.
Nous pourrions mettre en place des campagnes de sensibilisation et accompagner les consommateurs, mais de telles campagnes exigent un budget important. C’est pourquoi nous proposons un financement, via la création d’une accise sur le cannabis et ses produits, dans le code des impositions sur les biens et services. Le produit de cette accise sera affecté aux branches maladie, maternité, invalidité et décès du régime général de la sécurité sociale, afin de financer des politiques ambitieuses de prévention et de sensibilisation sur le cannabis. Nous protégerons ainsi la santé psychique et physique des Français.
Le cannabis peut et doit être envisagé comme un produit imposable, au même titre que l’alcool ou le tabac. Arrêtons les politiques coûteuses et inefficaces de répression, qui détournent nos forces de l’ordre de missions utiles. Asséchons financièrement les trafics, qui pourrissent le quotidien de certains quartiers. Reprenons la main sur les enjeux de santé publique. Trouvons de nouvelles recettes pour la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l’amendement n° 995 rectifié ter.
M. Yan Chantrel. Cela a été très bien rappelé par Thomas Dossus, il s’agit de provoquer une discussion, afin de mettre fin à une hypocrisie et un aveuglement français. Il n’y a pas de politique de santé publique à destination des consommateurs de cannabis. Nous avons en la matière l’une des politiques les plus répressives, mais notre pays est l’un des plus consommateurs. Le laxisme actuel entraîne donc l’absence de politique de santé et de sécurité publiques.
Pourtant, depuis un grand nombre d’années, il existe des expérimentations en la matière. Certains pays ont légalisé le cannabis, d’autres l’ont dépénalisé. Parmi les pays qui l’ont légalisé se trouve le Canada et c’est, selon moi, la formule la plus adaptée à notre pays. En effet, cela permet, d’une part, d’encadrer le produit, car des millions de gens consomment actuellement des produits de très mauvaise qualité et nocifs pour la santé, d’autre part, de générer des revenus pouvant être exclusivement consacrés à des politiques de prévention et de santé publique à destination des consommations à risque.
En effet, comme d’autres produits, par exemple l’alcool, qui entraîne des dégâts sociaux catastrophiques peut-être plus graves encore, il est essentiel de conduire parallèlement une politique de santé publique, de constater un fait social et d’agir en conséquence.
Or mettre fin au laxisme en matière de sécurité publique et de santé publique, c’est légaliser. Voilà ce qui est en jeu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ne nous trompons pas de débat : nous examinons le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Nous n’allons pas, au hasard d’un amendement, statuer sur la légalisation, justifiée ou non, du cannabis.
En outre, j’ai déjà eu l’occasion d’indiquer ce que j’en pensais.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je suis d’accord avec Mme la rapporteure générale.
Je ne vois pas quel sens cela aurait de créer une accise, c’est-à-dire une fiscalité comportementale, sur le cannabis et les produits qui en sont issus, alors que – je le rappelle, mais je pense que tout le monde le sait – ce produit est toujours interdit à la vente.
Le débat peut avoir lieu à un autre moment, y compris dans un avenir proche, mais l’examen de ce texte ne s’y prête pas.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement pour le moins étonnant…
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. Cela n’a rien d’étonnant ni de bizarre. Au travers de cet amendement, nous souhaitons en effet entraîner une légalisation de facto du cannabis.
Pourquoi ? La politique française en matière de cannabis est parmi les plus absurdes que je connaisse : la France a la politique la plus répressive d’Europe et la consommation la plus forte d’Europe…
Il faut donc regarder la réalité en face : quelque chose ne tourne pas rond. On interdit aux gens de fumer des joints, mais ils le font tout de même, de la même manière qu’ils boivent de l’alcool ou fument des cigarettes. On peut mépriser davantage les fumeurs de joints que les buveurs de vin, mais ce mépris ne constitue pas une politique publique.
D’ailleurs, c’est pire que cela : c’est une politique nocive, qui alimente les trafics, engendre de l’insécurité, empêche tout contrôle sur les produits et grève les comptes de la sécurité sociale, puisque cela pourrait rapporter jusqu’à 2 milliards d’euros par an. Avec cette somme, on pourrait lutter contre les addictions et mener de véritables politiques publiques de santé.
Il faut donc arrêter d’avoir des postures morales totalement déconnectées de la réalité et être un peu pragmatique. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Oui, déconnectées !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Nous sommes en train d’examiner un projet de loi de financement de la sécurité sociale, cela n’a rien à voir avec un débat moral.
Mme Mélanie Vogel. Légaliser le cannabis permettra de mettre fin au trafic, de contrôler les produits vendus, d’engranger des recettes via la taxation des produits et les cotisations sociales des personnes actives dans ce secteur, qui ne travailleraient plus au noir, et d’avoir les moyens de mener une politique de prévention, de réduction des risques et de lutte contre les addictions.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Cela fait pas mal de temps que je m’intéresse, moi aussi, au problème extrêmement important du cannabis et je pense que, progressivement, nous devrons tendre vers la légalisation de ce produit. Cela nous permettra de diminuer le problème de santé publique et l’insécurité dans nos cités, même si celle-ci subsistera, car, même dans les pays ayant légalisé le cannabis, de nombreuses autres drogues restent commercialisées et beaucoup d’autres fraudes et d’autres marchés parallèles subsistent.
Pour ma part, je suis favorable à la légalisation du cannabis, mais, tant que celle-ci n’aura pas eu lieu, l’instauration d’une accise sera impossible, Mme la ministre a raison. Cette légalisation permettra surtout, si l’État encadre la vente de ce produit comme il le fait pour le tabac, de rendre possible la vente de molécules saines, à l’opposé de celles que l’on trouve actuellement.
Sur ces amendements, je suivrai l’avis de la commission des affaires sociales, parce que l’on ne peut pas créer une accise sur un produit qui n’existe pas légalement, mais je souhaite ardemment que notre assemblée se penche sur ce sujet, qui me semble extrêmement important.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Il y a, depuis toujours, plusieurs façons de considérer le problème. Pour ma part, je le considère du point de vue de la santé publique, notamment des jeunes et des adolescents, qui ont une consommation parfois incontrôlée pouvant entraîner de véritables gâchis sur leur santé.
De l’argumentation de Yan Chantrel, je retiens les mots très forts d’« aveuglement » et d’« hypocrisie ». On ne doit pas en rester là.
Je voterai donc ces amendements tendant à instaurer cette accise, malgré les remarques de Mme la ministre.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je comprends le point de vue de la rapporteure générale face à ces amendements qu’il faut considérer comme d’appel.
Il s’agit simplement de dire que nous devrions avoir un jour un débat sur ce sujet, autrement qu’en distinguant entre, d’un côté, les laxistes qui veulent droguer la jeunesse et, de l’autre, les répressifs responsables qui veulent lutter contre le trafic.
Je ne connais aucune politique pénale qui soit autant en échec que la politique de lutte contre la consommation de cannabis. Cette politique pénale échoue depuis des années ; elle continue de mobiliser des financements publics importants, des forces de sécurité, la police et la gendarmerie, mais elle n’enregistre aucun résultat, ni sur la consommation ni sur la lutte contre le trafic.
Il faudrait donc que, un jour, la représentation nationale, le Gouvernement, le pays, aient un débat posé, calme, tranquille sur le sujet de la consommation de cannabis et de la lutte contre les addictions.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Pas à l’occasion de l’examen d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale !
Mme Laurence Rossignol. Nous le savons tous, lutter contre les addictions est extrêmement difficile. Contre l’alcoolisme, nous n’avons d’ailleurs pas non plus de raison d’être très fiers de nos résultats : cette addiction, comme celle du tabac, est toujours très présente dans notre société. Par ailleurs, il existe également des consommations récréatives de ces produits.
Je profite de ces amendements pour demander au Gouvernement où nous en sommes sur la question du cannabis thérapeutique. Nous avons adopté ici même le principe de l’autorisation du cannabis thérapeutique, mais tous les échos que j’ai démontrent que, pour les malades du cancer, pour lesquels ce produit représente une aide importante, il est toujours aussi difficile d’y accéder. Les femmes atteintes de cancer du sein que je connais et qui en ont besoin continuent de demander à leurs enfants de leur en procurer. Ce n’est pas normal.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Le groupe Les Républicains est, de façon générale, défavorable à ces amendements et au principe de la légalisation du cannabis. Nous n’allons pas entrer dans le débat, mais c’est sa position sur le sujet, sinon sa ligne de conduite.
Nous sommes en revanche favorables à l’organisation d’un véritable débat sur le sujet, tout comme à l’étude de modalités d’une loi sur le cannabis thérapeutique.
Ce n’est pas le débat de ce soir, donc je ne m’y appesantirai pas, mais je veux vous faire part d’un simple témoignage. Je passe beaucoup de temps, lorsque je le peux, à accompagner, lors de maraudes avec certaines associations, des jeunes qui sont tombés dans une addiction à la drogue. Leur point commun, c’est qu’ils ont tous commencé par le cannabis… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)