M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, cet article 1er nous pose problème et soulève des interrogations.
Vous avez lancé des concertations avec les partenaires sociaux.
D’abord, je ne comprends pas très bien pourquoi vous avez attendu le dernier moment, l’imminence du danger, pour les demandeurs d’emploi, de ne pas être indemnisés ; vous m’avez donné une explication en commission, mais elle ne m’a pas convaincue. En outre, les concertations que vous avez engagées s’inscrivent dans un cadre extrêmement strict.
Ensuite, vous nous demandez, à nous, parlementaires, de signer un blanc-seing. En effet, une fois ce texte adopté, beaucoup de zones d’ombre perdureront et nous ne pouvons pas donner au Gouvernement la possibilité d’ériger des règles d’assurance chômage sans que nous en examinions le cadre général, puisque le contenu incombe aux partenaires sociaux.
Par ailleurs, l’adoption d’une réforme à marche forcée est justifiée, ici ou là, par le fait que les finances de l’Unédic seraient en danger. Or, d’après le rapport envoyé la semaine dernière par l’Unédic, les comptes de cet organisme sont excédentaires cette année et le seront l’année prochaine ainsi que l’année suivante. En outre, les comptes de l’Unédic seraient peut-être un peu moins dans le rouge s’il ne lui revenait pas de financer, pour une part importante, Pôle emploi.
Enfin, je veux rebondir sur les propos de notre collègue Mouiller. Je fais partie des auteurs d’un amendement relatif aux « territoires zéro chômeur » et je ne comprends pas pourquoi cet amendement a été déclaré irrecevable, puisque le projet de loi est relatif, si j’en crois son intitulé, au « fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ». Or de nombreuses personnes espèrent un élargissement de l’expérimentation. Que pouvons-nous envisager à cet égard ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Vous me pardonnerez, je l’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas répondre dans l’ordre des interventions.
Madame Lubin, qu’est-ce qui justifie le calendrier de cette réforme ? Je l’ai indiqué précédemment, si nous avions respecté le déroulement normal de négociations en vue d’un accord national interprofessionnel, il aurait fallu ouvrir les discussions, sur le fondement de la lettre de cadrage prévue par la loi du 5 septembre 2018, au moment de l’élection présidentielle. Nul doute que vous nous auriez alors reproché de ne pas être suffisamment légitimes pour lancer un dialogue sur un sujet aussi important. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix, assumé, de ne pas ouvrir cette négociation et de vous proposer de proroger de quatorze mois, et quatorze mois seulement, les règles en vigueur, en ajoutant le sujet de la modulation.
Par ailleurs, je profite de votre intervention pour vous remercier, madame Lubin, d’avoir souligné que les résultats de l’Unédic sont bons. Tant mieux ! C’est le fruit tant de la reprise de l’emploi que de la réforme de 2019. Si j’osais, je considérerais votre intervention comme l’expression d’un satisfecit de votre part… (Sourires.) Comme notre objectif était de sortir d’une période où le déficit structurel de l’Unédic était de 2,9 milliards d’euros par an, la perspective d’un excédent de 4,4 milliards d’euros est une très bonne nouvelle et doit, à mon sens, nous rassurer.
Madame Benbassa, nous cherchons, bien entendu, à être pragmatiques et à concevoir les solutions les plus concrètes possible. C’est pour cette raison que nous souscrivons au cadre proposé par Mme la rapporteure pour encadrer et sécuriser le dispositif d’abandon de poste, afin de permettre à un salarié victime de maltraitance ou de harcèlement d’abandonner son poste tout en étant protégé.
Enfin, sur le dispositif « territoire zéro chômeur », évoqué par M. Mouiller et Mme Lubin, je n’ai pas à me prononcer sur la recevabilité d’un amendement déposé au Sénat, non plus d’ailleurs qu’à l’Assemblée nationale, que ce soit au titre de l’article 40 ou au titre de l’article 45 de la Constitution. Cela dit, le projet de loi de finances pour 2023 fait passer le budget alloué à ce dispositif de 33 millions à 44 millions d’euros, augmentant ainsi les crédits consacrés à cette expérimentation pour suivre le rythme de la labellisation.
Par ailleurs, j’ai labellisé l’intégralité des territoires qui m’avaient été proposés par le comité scientifique présidé par Louis Schweitzer ; j’ai encore signé un arrêté à cet effet voilà quelques jours. Le nombre de territoires labellisés n’a pas encore atteint l’objectif, fixé à 60 ; il se situe entre 39 et 42.
La loi précitée du 14 décembre 2020 prévoit une évaluation de cette expérimentation et l’année 2023 doit également être consacrée à cela. Cette opération a d’ailleurs déjà fait l’objet d’échanges entre mon cabinet, l’équipe de l’association et d’autres partenaires, comme France Stratégie. S’il est démontré par cette évaluation que l’expérimentation est concluante, nous pourrons la développer et, si elle nécessite des ajustements, nous devrons y procéder.
En tout état de cause, il reste encore un peu de marge entre le nombre de territoires labellisés et le plafond, fixé à soixante : les dix d’origine plus les cinquante de la loi de 2020 et, je le répète, le projet de loi de finances pour 2023 accroît les crédits consacrés à cette expérimentation.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 12 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 46 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.
Mme Monique Lubin. Pour tirer les conséquences de ce que je disais précédemment, cet amendement vise à abroger la précédente réforme de l’assurance chômage et à supprimer l’article 1er de ce projet de loi.
La réforme de l’assurance chômage s’est faite contre les partenaires sociaux, les syndicats ayant même engagé des contentieux devant le Conseil d’État, et la publication par l’Unédic d’une étude sur les décrets n’est pas de nature à apaiser les relations entre les partenaires sociaux et le Gouvernement. Celui-ci s’est d’ailleurs bien gardé de communiquer ses évaluations des effets de cette réforme, qui entre en vigueur au fur et à mesure, en particulier de la baisse de l’allocation journalière de 17 % en moyenne la première année pour 1,15 million d’allocataires.
Par ailleurs, les conditions d’affiliation sont durcies, avec notamment l’alignement du rechargement des droits sur les entrées dans le régime, les modalités de calcul de la durée et du montant de l’indemnisation sont remises à plat, la dégressivité de l’indemnité est réinstaurée pour les chômeurs de moins de 57 ans qui percevaient un revenu d’au moins 4 500 euros brut par mois, une taxe forfaitaire est instituée sur les contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) et un bonus-malus sectoriel est instauré.
La réforme a touché les territoires les plus défavorisés de notre pays : 30 800 personnes à La Réunion, dont 9 200 jeunes de moins de 25 ans ; 33 000 personnes en Seine-Saint-Denis, dont 8 100 jeunes de moins de 25 ans ; et 50 400 personnes dans le Nord, dont 17 300 jeunes de moins de 25 ans.
Enfin, je le répète, cette réforme est budgétairement inutile, eu égard à la situation des comptes de l’Unédic, que je viens d’évoquer.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 46.
Mme Laurence Cohen. Ma collègue Cathy Apourceau-Poly l’a souligné, l’article 1er proroge la réforme de 2019 sur l’assurance chômage, laquelle a fait perdre 155 euros par mois à plus de 1 million d’allocataires et a exclu 450 000 personnes du bénéfice de l’allocation chômage.
Surtout, il confie jusqu’au 31 décembre 2023 les pleins pouvoirs à l’État sur la définition des règles d’indemnisation chômage. La commission des affaires sociales a, certes, avancé cette échéance au 31 août de la même année, mais cela constitue tout de même, sur le fond, une reprise en main par l’État d’une compétence déléguée et réservée depuis 1958 aux organisations syndicales et patronales.
En outre, non seulement cet article proroge les règles d’indemnisation chômage de 2019, mais il permet également de modifier les critères d’indemnisation, ce qui ne peut que nous inquiéter. Le Gouvernement a tenté de le masquer, mais il a finalement été contraint d’afficher son projet de modulation à la baisse de l’indemnité chômage selon la conjoncture économique. Or l’ensemble des organisations syndicales rejette ce projet : la CGT, la CFDT, Force ouvrière, la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), mais également une association patronale, l’Union des entreprises de proximité ; vous qui êtes si sensibles à la voix des entrepreneurs, mes chers collègues siégeant à la droite de l’hémicycle, vous devriez les écouter…
Parce que nous rejetons cette offre publique d’achat (OPA) de l’État, nous demandons la suppression de l’article 1er du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet article vise deux objectifs : le premier est de donner une base légale et réglementaire à l’indemnisation des demandeurs d’emploi, à compter du 1er novembre 2022 ; le second est d’autoriser temporairement le Gouvernement à fixer par décret les règles d’assurance chômage, en dérogeant aux règles de gouvernance prévues dans le code du travail.
La commission a fait un autre choix. Si elle a accepté que le Gouvernement proroge le décret de carence de 2019 pour sécuriser les règles de l’assurance chômage à compter du 1er novembre 2022, elle a souhaité déroger, à titre temporaire, à la loi de 2018 afin de redonner la main aux partenaires sociaux.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je n’ajouterai pas grand-chose aux arguments déjà développés.
Toutefois, vous avez été interpellé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, sur le dispositif des « territoires zéro chômeur » et, sauf erreur, je ne crois pas que vous ayez exposé la manière dont le Gouvernement souhaitait traiter cette expérimentation. Vous voulez le plein emploi, des dispositifs fonctionnent, mais vous dites non ! Je ne comprends pas cela…
Par ailleurs, une obsession hante cet article ainsi, d’ailleurs, que la précédente réforme : la volonté d’exercer une pression incessante sur les salariés et sur les chômeurs. En revanche, dès qu’il s’agit d’obtenir un comportement correct des entreprises, alors, on devient mou du genou, on accorde toutes sortes de délais et d’exonérations…
On nous a expliqué – c’était l’un des arguments récurrents de Mme Borne – que cette réforme allait faire reculer les CDD de courte durée. Or le bilan de ce mois montre que les CDD d’un mois – un mois, ce n’est pas le Pérou ! – ont augmenté de plus de 5 % en un an et que, dans le secteur HCR, les CDD d’un jour augmentent, voire explosent.
On ne peut donc pas demander de faire des efforts des deux côtés ! Il y a des droits et des devoirs et, en l’occurrence, les chefs d’entreprise ne remplissent pas leurs devoirs. Vous continuez à tenir comme seule solution un déséquilibre entre les efforts demandés aux uns et ceux qui sont demandés aux autres. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. C’est vrai, madame Lienemann, le nombre de CDD d’un mois ou plus a augmenté de 5 %, mais le nombre de CDI, lui, a augmenté de 50 % par rapport à 2019. Cet accroissement très différencié selon le type de contrat compte aussi et explique que la part des CDI est passée de 46 % à 52 % dans les contrats d’embauche de plus d’un mois. Nous pouvons aussi nous féliciter, me semble-t-il, de tels résultats.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et les CDD d’un jour ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié et 46.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 94, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Par dérogation aux articles L. 5422-20 à L. 5422-24 et L. 5524-3 du code du travail, un décret en Conseil d’État, pris après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, détermine, à compter du 1er novembre 2022, les mesures d’application des dispositions législatives relatives à l’assurance chômage mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5422-20 du même code. Ces mesures sont applicables jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023, et peuvent faire l’objet de dispositions d’adaptation en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Toutefois, les mesures d’application des deuxième à avant-dernier alinéas de l’article L. 5422-12 dudit code peuvent recevoir application jusqu’au 31 août 2024. Le décret en Conseil d’État mentionné au premier alinéa du présent article précise notamment les périodes de mise en œuvre de la modulation du taux de contribution des employeurs concernés ainsi que les périodes au cours desquelles est constaté le nombre de fins de contrat de travail et de contrat de mise à disposition pris en compte pour le calcul du taux modulé.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. J’ai déjà évoqué cet amendement, qui vise à rétablir l’échéance de cette disposition au 31 décembre 2023.
En effet, au cours de l’année 2023, nous devrons mettre en place France Travail, dont la préfiguration est en cours, renégocier la convention tripartite entre l’État, l’Unédic et Pôle emploi, en vue d’une entrée en vigueur au 1er janvier 2024, et entamer les négociations entre les partenaires sociaux sur la gouvernance de l’assurance chômage. Tout cela converge vers le 31 décembre 2023, pour une application au 1er janvier 2024. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables à la modification de la date butoir du décret.
En outre, si nous sommes convaincus de la nécessité d’une négociation sur la gouvernance, nous pensons que celle-ci doit être menée dans le cadre prévu par les lois relatives au dialogue social.
D’où cet amendement tendant à rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Monsieur le ministre, voilà soixante ans que l’assurance chômage est gérée par les partenaires sociaux. Ce principe présente plusieurs intérêts, dont ceux de dépasser ou de réduire les antagonismes entre les partenaires sociaux, de rendre le choix plus consensuel et, surtout, de donner du poids à la démocratie sociale.
Certains posent souvent la question de la différence entre le Gouvernement, la majorité gouvernementale et la majorité du Sénat.
Eh bien, cette différence, la voici.
Le Gouvernement dit être pour la gestion paritaire, mais il fait la loi de 2018. Or en quoi consiste cette loi ? Non seulement elle corsète, via la lettre de cadrage, la négociation, qui a donc débouché sur un échec immédiat – du reste, indépendamment des enjeux calendaires que vous avez évoqués, vous-mêmes n’avez pas recouru à l’outil de la négociation, ce qui montre bien que cette loi ne permet pas de donner la main aux partenaires sociaux –, mais en outre elle supprime la part sociale des cotisations salariales, ce qui donne moins de poids, au sein de l’Unédic, aux partenaires sociaux.
De notre côté, que faisons-nous ? Nous redonnons la main aux partenaires sociaux, au travers d’un dispositif transitoire simple, qui s’inspire – Pascale Gruny l’a indiqué – de l’article L. 1 du code du travail et repose sur trois principes : concertation, orientation, négociation. C’est la seule façon de donner pleinement la parole aux partenaires sociaux et de leur redonner la gestion de l’assurance chômage.
Voilà la différence entre vous et nous, monsieur le ministre ; vous parlez ; nous faisons.
La commission a donc émis un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’amendement du Gouvernement a pour objet de rétablir l’article 1er dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, j’ai cité, lors de ma présentation de la motion n° 73, les pistes du Gouvernement pour définir les critères de modulation de l’indemnisation chômage. Si vous avez effectivement exclu jusqu’à présent, et c’est heureux, de moduler le montant de l’indemnisation, vous avez présenté aux organisations syndicales et patronales l’option consistant à moduler les conditions d’accès à l’assurance chômage.
Or il est indiqué dans le document de concertation, cité dans un article du journal Le Monde daté du 17 octobre 2022, qu’« une modification du seuil d’éligibilité à l’assurance chômage ou de la période de référence de l’affiliation a un effet immédiat et rapide sur les entrées ». Le Gouvernement pourrait ainsi modifier les critères en passant le seuil à six mois travaillés sur les dix-huit derniers mois ou à huit mois travaillés sur les vingt-quatre derniers mois. Cela représente, je le répète, une économie de 2 milliards d’euros.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 85, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le mot : « celui-ci », la fin du dernier alinéa de l’article L. 5422-20 est ainsi rédigée : « de nouvelles négociations entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés sont organisées. Lorsque la validité des mesures d’application ainsi déterminées expire sans qu’un nouvel accord ait été conclu dans les conditions prévues au premier alinéa, les mesures d’application du dernier accord relatif à l’assurance chômage conclu dans ces conditions s’appliquent jusqu’à ce qu’un nouvel accord soit conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés. Les partenaires sociaux proposent au Gouvernement des mesures pour que le changement n’entraîne ni de baisse de l’indemnisation ni de diminution de la durée des droits ouverts pour les assurés. » ;
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Entre 2019 et 2021, la réforme de l’assurance chômage a été menée en force, contre l’avis des organisations syndicales, le Gouvernement ayant imposé les règles du jeu et la conclusion de la négociation, au mépris des principes du paritarisme.
Cette méthode antidémocratique est rendue possible depuis 2008 par le décret de carence, qui laisse au Gouvernement des marges considérables, au point que nous sommes en train de discuter du prolongement d’un décret destiné à permettre au Gouvernement d’en prendre un autre, pour lequel nous n’aurons, pas plus que les organisations syndicales, pas véritablement voix au chapitre. En conséquence, le régime législatif de l’assurance chômage s’apparente à un 49.3 permanent, portant profondément atteinte à la démocratie.
Nous refusons cet état de fait. C’est pourquoi cet amendement tend à supprimer la possibilité de légiférer par décret en cas d’absence d’accord entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, réinstaurant pleinement le paritarisme dans la gestion de l’assurance chômage.
Il est ainsi proposé de revenir automatiquement à la dernière convention conclue par les partenaires sociaux, lorsqu’un régime de carence expire, le temps d’organiser de nouvelles négociations. Dès lors, le risque de vide juridique est neutralisé et le paritarisme réaffirmé, en complément des ajouts de la commission des affaires sociales sur l’article 1er.
Voilà peu, Emmanuel Macron annonçait, dans un discours-fleuve, qu’il était urgent pour le Gouvernement d’adopter une nouvelle méthode, plus respectueuse de la négociation et de la démocratie. Nous vous donnons ici, monsieur le ministre, l’occasion de passer du discours aux actes. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Yan Chantrel applaudissent.)
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Le dernier alinéa de l’article L. 5422-20 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque la validité des mesures d’application ainsi déterminées expire sans qu’un nouvel accord ait été conclu dans les conditions prévues au premier alinéa, les mesures d’application du dernier accord relatif à l’assurance chômage conclu dans ces conditions s’appliquent jusqu’à ce qu’un nouvel accord soit conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés. Les partenaires sociaux proposent au Gouvernement des mesures pour que le changement n’entraîne ni de baisse de l’indemnisation ni de diminution de la durée des droits ouverts pour les assurés. » ;
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cet amendement vise à revenir automatiquement à la dernière convention conclue par les partenaires sociaux lorsque le régime de carence, aujourd’hui utilisé par le Gouvernement, expire.
Il s’agit de revaloriser le dialogue social et d’empêcher le Gouvernement de détricoter l’assurance chômage. Nous proposons, lorsqu’un régime de carence arrive à expiration sans qu’une nouvelle convention ait été agréée, que l’assurance chômage soit régie par la dernière convention ayant donné lieu à un accord entre partenaires sociaux.
En l’espèce, cela signifierait revenir sur la réforme ayant diminué l’indemnisation de 1,15 million d’allocataires de 155 euros en moyenne par mois et retardé l’ouverture des droits de près de 500 000 assurés.
Les économies engendrées par cette réforme sont estimées à environ à 6,5 milliards d’euros, au détriment des salariés et des chômeurs.
M. le président. L’amendement n° 76 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Le dernier alinéa de l’article L. 5422-20 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la validité des mesures d’application ainsi déterminées expire sans qu’un nouvel accord ait été conclu dans les conditions prévues au premier alinéa, les mesures d’application du dernier accord relatif à l’assurance chômage conclu dans ces conditions s’appliquent jusqu’à ce qu’un nouvel accord soit conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés. » ;
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 84, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 1er du projet de loi permet au Gouvernement de mettre le pied dans la porte d’une dérive antisociale au long cours qu’il a programmée, de la réforme de l’assurance chômage à celle de la retraite, en passant par celle du RSA. Le Conseil d’État lui-même nous alarme en relevant que le « projet de loi ne comporte […] aucune limitation directe ou indirecte quant à l’objet ou à la portée des dispositions du futur décret ».
Vous invitez donc le législateur à vous signer un chèque en blanc, en l’absence de toute étude évaluative de la réforme que nous sommes censés prolonger, et ce malgré l’étude d’impact de l’Unédic prévoyant la baisse des indemnités de plus de 1 million de personnes, malgré le retard dans l’ouverture des droits de centaines de milliers de personnes et malgré la pénalisation injuste et abrupte provoquée par le nouveau calcul du salaire journalier de référence pour tous les travailleurs, notamment les saisonniers et ceux qui, bloqués dans la précarité, enchaînent les contrats courts. Vous nous avez dit que vous n’y toucheriez plus ; le taux de remplacement a tellement baissé que vous pouvez effectivement vous le permettre…
La promulgation de ce texte permettra, après une concertation sans négociation, une refonte unilatérale de l’assurance chômage sur le modèle antisocial du Canada – à mon tour, je vous invite à lire le livre du Mouvement action-chômage de Montréal –, lequel a eu pour effet, sinon pour objet, de faire chuter de manière draconienne le nombre d’allocataires et, comme de nombreuses études l’ont confirmé, de forcer les chômeurs à accepter des emplois aux conditions de travail dégradées et aux salaires bas, voire indignes.
La prise en tenaille entre prolongation d’une réforme antisociale et inefficace afin de pousser au retour à l’emploi, quelle que soit sa qualité, et chèque en blanc pour une deuxième réforme n’est acceptable ni pour les partenaires sociaux ni pour le Parlement.
En conséquence, nous proposons de supprimer cet alinéa.