Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14, modifié.
(L’article 14 est adopté.)
Après l’article 14
Mme la présidente. L’amendement n° 160 rectifié, présenté par MM. Maurey, Canévet et Capo-Canellas, Mme Vermeillet, MM. Delahaye, Henno, Lafon et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Bonneau, Delcros et S. Demilly, Mme Guidez, M. Duffourg, Mme Herzog, M. Kern, Mme de La Provôté, MM. Le Nay, Louault et P. Martin, Mme Saint-Pé, MM. Chatillon et Reichardt, Mme Ventalon, MM. Lefèvre et B. Fournier, Mme Micouleau, M. Belin, Mme Deroche, MM. C. Vial, Pellevat, D. Laurent et Courtial, Mmes Schalck et Joseph, M. Genet, Mme Lassarade, M. Bonhomme, Mmes Dumont et Puissat, MM. Bouchet, J.P. Vogel et E. Blanc, Mmes Garriaud-Maylam, Pluchet et Muller-Bronn, MM. Burgoa, de Nicolaÿ et Laménie, Mme Richer, MM. Brisson et Paccaud, Mme Demas, MM. Chaize, Tabarot, Verzelen, Pointereau et Savary, Mmes Drexler et Noël et MM. J.M. Boyer, Chasseing, Wattebled, Menonville et Decool, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 495-17 du code de procédure pénale, il est inséré un article 495-… ainsi rédigé :
« Art. 495-….– Les maires sont habilités à dresser procès-verbal des infractions susceptibles de donner lieu au paiement d’une amende forfaitaire.
« La liste de ces infractions ainsi que la liste des prestataires auprès desquels ils peuvent se procurer les supports nécessaires à cette verbalisation, y compris ceux nécessaires à une verbalisation électronique, est communiquée après le renouvellement général des conseils municipaux aux maires par le représentant de l’État dans le département. »
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Cet amendement, que je défends au nom de notre collègue Hervé Maurey, a pour objet d’améliorer l’information du maire sur ses pouvoirs de verbalisation et ainsi de renforcer la réponse pénale apportée à certaines infractions.
Le maire et ses adjoints ont le pouvoir de constater et de verbaliser eux-mêmes les contraventions susceptibles d’être sanctionnées par le système de l’amende forfaitaire.
Le recours à ce dispositif est toutefois rare, car les maires n’ont bien souvent connaissance ni de cette possibilité, ni de la liste des différentes infractions qui peuvent être sanctionnées, ni de la procédure à suivre.
Par ailleurs, cette procédure se heurte à un obstacle pratique, l’approvisionnement en carnets à souches n’étant pas, semble-t-il, sans difficulté – nombre d’imprimeries n’en produisent plus. Les communes ne disposent malheureusement pas toujours non plus des outils permettant le relevé de l’amende forfaitaire par procès-verbal électronique ; le coût de tels outils n’est pas négligeable pour les plus petites d’entre elles, alors que ce dispositif se généralise.
En l’absence de police municipale, et compte tenu de la disparition des gardes champêtres, certains maires souhaiteraient pouvoir recourir à ce dispositif.
Il conviendrait d’améliorer l’information des maires et de leurs adjoints sur les pouvoirs qui sont les leurs en matière de verbalisation, sur les infractions concernées et sur les modalités d’exercice de ces attributions.
Le présent amendement tend également à expliciter dans la loi ce pouvoir de verbalisation des maires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. La discussion de cet amendement de notre collègue Hervé Maurey nous offre l’occasion d’un débat très intéressant sur les pouvoirs de police du maire.
Nos collègues maires, sur le terrain, dans les 35 000 communes de France, doivent avoir bien conscience de l’étendue de leurs pouvoirs de police administrative et de l’étendue de leurs pouvoirs de police judiciaire, étant précisé que la question de savoir si les prérogatives personnelles du maire en tant qu’OPJ ne relèvent pas de la quasi-fiction juridique. Elle mériterait en elle-même l’organisation d’un colloque…
Je lis que certains maires « souhaiteraient pouvoir » faire usage de ce pouvoir attaché à leurs fonctions. Or je rappelle que ce pouvoir ne peut être délégué à la police municipale : les maires doivent l’exercer en propre et, le cas échéant, encourent évidemment toute la responsabilité que cela recouvre.
Nous avons longuement parlé de la formation des OPJ en début d’après-midi. Dans l’hypothèse ici envisagée, il faudrait que les maires se soumettent à la même formation que les OPJ policiers nationaux ou gendarmes, afin d’être capables, sur le terrain, de délivrer ces amendes forfaitaires délictuelles.
L’enjeu est donc de taille. La proposition formulée par Hervé Maurey permet d’ouvrir un débat ; je ne suis pas sûr, en revanche, que la réponse qu’il nous soumet soit tout à fait idoine. Pour cette raison, la commission des lois a souhaité connaître l’avis du Gouvernement sur cette question ô combien sensible de l’étendue réelle des pouvoirs de police judiciaire du maire tels qu’ils peuvent s’exercer actuellement sur le terrain.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis défavorable à cet amendement, mais pour d’autres raisons que celles qui viennent d’être exposées.
Le maire étant un officier de police judiciaire, certes d’un type original, il me semble qu’il peut dresser des contraventions, et même infliger des amendes forfaitaires délictuelles, dès lors qu’un certain nombre de règles de droit qui sont propres aux élus sont respectées. Les maires exercent bien souvent cette attribution par l’intermédiaire de leurs services municipaux, notamment leur police municipale, mais ils peuvent aussi le faire directement – cela m’est arrivé lorsque j’étais moi-même maire.
Il est évident néanmoins que ce droit doit être mieux encadré, et notamment rendu plus lisible pour les élus locaux. Je veux bien admettre que les maires des plus petites communes de France sont souvent un peu ignorants de la façon dont ils peuvent dresser une contravention. Je pense en particulier à ceux qui ne peuvent compter sur des gardes champêtres ou des policiers municipaux, habituellement délégataires de ce pouvoir du maire.
Je remarque par ailleurs que les procureurs ne suivent pas toujours les avis de contravention et les demandes formulées par les maires en tant qu’OPJ.
Il me semble en tout cas que le présent texte n’est pas l’outil adéquat pour revoir le pouvoir d’OPJ du maire, qui pose bien d’autres questions – je citerai celle de la chaîne pénale et celle des pouvoirs propres que confère au maire le code général des collectivités territoriales.
Un sénateur de ma région, Stéphane Demilly, que je connais depuis très longtemps, a envoyé voilà quelques jours à l’ensemble des maires de son département un petit document contenant quelques pages sur les pouvoirs d’OPJ du maire, expliquant notamment comment verbaliser. Ayant essayé de lire cette présentation simplifiée et pleine de bon sens du droit en vigueur, je dois avouer qu’à la place des maires je me serais posé davantage de questions en fin de lecture qu’en début…
Je sais que, dans les communes rurales, les gendarmes essaient souvent, dans la mesure du possible, d’organiser des formations spécifiques ; il est vrai que les policiers ne le font pas – et le département de M. Lafon ne relève pas entièrement de la gendarmerie nationale… C’est un problème : les mêmes difficultés peuvent se poser en zone urbaine.
En tout état de cause, une partie de la direction générale des collectivités locales (DGCL) étant désormais sous ma responsabilité, je suis prêt à travailler très rapidement avec vous, en parfaite intelligence, à clarifier les pouvoirs d’OPJ du maire, qui ne sont pas toujours bien compris, y compris par les services de l’État. Nous pourrions le faire dans le cadre d’un projet de loi relevant du garde des sceaux ou d’un texte spécifiquement consacré aux questions de sécurité – vous serez saisis très bientôt d’un nouveau texte en la matière –, ou encore d’une proposition de loi sénatoriale.
J’incline donc à demander le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. À la lumière des informations et des éléments de réflexion apportés par M. le ministre, nous nous rangeons à l’avis du Gouvernement et demandons le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Lafon, l’amendement n° 160 rectifié est-il maintenu ?
M. Laurent Lafon. Compte tenu des arguments avancés par M. le ministre et surtout de cette ouverture au dialogue sur ce thème important pour nos maires, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 160 rectifié est retiré.
Article 14 bis (nouveau)
L’article 222-17 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 222-17. – La menace de commettre un crime ou un délit par quelque moyen que ce soit contre les personnes dont la tentative est punissable, est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.
« La peine est portée à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende s’il s’agit d’une menace de mort. »
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.
M. Guy Benarroche. Une dizaine de nos amendements ont été déclarés irrecevables, dont cinq portant sur les articles 14 bis et 15. Je ne doute pas qu’ils l’aient été à juste raison, mais nous peinons à comprendre la cohérence des décisions prises.
Je regrette, entre autres, que nous n’ayons pas pu débattre du port d’arme des policiers hors service dans les établissements recevant du public (ERP).
M. Loïc Hervé, rapporteur. Et nous avons passé des heures à en discuter !
M. Guy Benarroche. Nous aurions pu en rediscuter dans le cadre de l’examen du présent projet de loi…
Que nous dit, à raison, M. le ministre ? Que le ministère doit nouer des liens avec la recherche. Or, monsieur le ministre, les études semblent montrer – mais peut-être en disposez-vous d’autres – que l’augmentation du port d’arme, y compris non ostensible, est corrélée à une augmentation des violences de près de 15 %, ou encore qu’on a déjoué davantage d’attaques armées sans l’aide d’une riposte armée qu’avec une telle aide.
Il existe sans doute d’autres chiffres et d’autres études aux conclusions différentes, mais le débat est ouvert. L’ouvrage mérite donc d’être remis une nouvelle fois sur le métier.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Pas tous les six mois…
M. Guy Benarroche. Nous aurions aimé pouvoir discuter de mesures dont nous pensons qu’elles n’ont pas été adoptées dans le cadre d’une réflexion apaisée. Nous souhaitons par ailleurs pointer un certain manque de cohérence de la part de nos rapporteurs et de notre assemblée. On nous oppose souvent que tel ou tel débat a déjà eu lieu et a été tranché ; faut-il comprendre qu’une nouvelle règle s’applique en vertu de laquelle il est interdit de discuter deux fois du même sujet dès lors qu’une décision a été prise ? Je m’adresse non pas à vous, monsieur le ministre, mais à mes collègues…
Une telle règle n’existe pas, et pour cause ; pourquoi, dès lors, traiter de la réforme du directeur départemental de la police nationale (DDPN) avant la publication du rapport ? D’ailleurs, M. le rapporteur Daubresse nous a dit à propos de plusieurs sujets qu’il n’était pas question de les traiter maintenant au motif qu’un rapport était en cours d’écriture. Où est la cohérence ? On traite deux fois du même sujet ?… On attend que le rapport soit disponible pour en discuter ?…
Cette façon de faire la loi nous a un peu perturbés.
Mme la présidente. L’amendement n° 40, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est retiré, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 40 est retiré.
Je mets aux voix l’article 14 bis.
(L’article 14 bis est adopté.)
Après l’article 14 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 127 rectifié quater, présenté par Mme Noël, MM. Laménie, Karoutchi et J.B. Blanc, Mmes V. Boyer et Lopez, MM. Chaize et Calvet, Mme L. Darcos, MM. Pellevat et Reichardt, Mmes Thomas et Micouleau, MM. D. Laurent et Cambon, Mmes Garriaud-Maylam et Muller-Bronn, MM. Allizard et Anglars, Mmes Dumont et Borchio Fontimp, M. Pointereau, Mme Schalck, MM. Bouchet, B. Fournier et Chatillon, Mmes Pluchet et Joseph, MM. Longuet et Charon, Mmes Drexler et Deroche, M. Sol, Mme Goy-Chavent, MM. Duplomb, J.M. Boyer, Savin, Belin et Genet, Mme Bellurot, M. Bonhomme, Mme de Cidrac, M. Bouloux et Mmes Raimond-Pavero et Devésa, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 322-4-1 du code pénal, il est inséré un article 322-4-… ainsi rédigé :
« Art. 322-4-… – I. – Par dérogation, tout groupe de personnes auteur d’une installation illicite telle que prévue à l’article 322-4-1, reconnu coupable de délits ou d’infractions relevant de destructions, dégradations, détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes, sur un terrain appartenant soit à une commune soit à tout autre propriétaire, ne peut se prévaloir des dispositions de protections conférées par la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.
« II. – Par dérogation au même article 322-4-1, lorsqu’un groupe de personnes est reconnu coupable de délits ou d’infractions relevant de destructions, dégradations, détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes, sur un terrain public ou privé occupé de manière illicite, les dispositions prévues à l’article 495-17 du code de procédure pénale ne s’appliquent pas. »
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à subir les occupations illicites de gens du voyage ; mon département, la Haute-Savoie, est particulièrement concerné par cette question.
Mais je vais vous parler à présent d’un tout autre phénomène. Par cet amendement, mes chers collègues, je souhaite vous rendre sensibles au problème des agissements répétés de groupes dont les membres peuvent difficilement être qualifiés de « gens du voyage », tant ils ne voyagent plus ou très peu – ils s’apparentent davantage à des voyous sans foi ni loi, ne respectant rien, se moquant de tout, laissant à chacun de leurs passages une désolation et une colère immenses.
Aires saccagées, champs détériorés, activités entravées, délits en tout genre, etc. Chaque année, de telles situations se répètent, suscitant l’exaspération des élus et de nos concitoyens.
Pourtant, malgré ces méfaits, ces communautés peuvent continuer de se prévaloir des dispositions de la loi Besson, qui privent la collectivité du bénéfice de la procédure d’expulsion par la voie administrative, la plus rapide, la moins coûteuse et la plus efficace, dans l’hypothèse où ladite collectivité n’aurait pas complètement rempli ses obligations au regard du schéma départemental d’accueil des gens du voyage, schéma toujours plus exigeant et coûteux et dont les prescriptions ne sont plus tenables pour les élus.
La situation qui prévaut actuellement n’est plus admissible. La loi Besson montre chaque jour ses limites et ses failles – beaucoup de droits pour certains, beaucoup d’obligations pour d’autres –, qui conduisent à de telles dérives.
Lorsqu’une commune ne remplit pas totalement ses obligations, elle n’a d’autre choix que de recourir à une procédure judiciaire fastidieuse, longue et coûteuse ; il arrive qu’elle doive attendre plusieurs semaines avant l’exécution de la décision par la force publique, ce qui laisse à ces groupes tout le loisir de prolonger leur séjour irrégulier sans être inquiétés, et ce parfois pendant plusieurs mois.
Le déséquilibre entre les droits et les devoirs de chacun est patent. Je vous propose donc de corriger cette injustice au bénéfice de nos collectivités locales et de nos concitoyens, qui ne peuvent plus tolérer de tels agissements.
L’objet de mon amendement est de faire en sorte que les communautés qui se seraient rendues coupables d’agissements délictueux ne puissent plus se prévaloir des dispositions de la loi Besson et qu’il soit possible dans tous les cas de mettre en œuvre la procédure administrative pour les expulser.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Mme Noël, comme les nombreux collègues signataires de cet amendement, sait combien je partage sa préoccupation concernant les installations illicites de gens du voyage.
Je note néanmoins deux difficultés.
Premièrement, l’adoption de cet amendement reviendrait à supprimer une amende forfaitaire délictuelle qui n’est entrée en vigueur qu’au mois de janvier 2022, bien que le Sénat l’ait votée à la fin de l’année 2018. Nous avons bataillé pour obtenir, de haute lutte, que cette AFD soit mise en place. Sur le terrain, elle pose de très grandes difficultés, puisqu’elle suppose la reconnaissance de l’infraction par la personne qui est mise en cause – en réalité, une telle reconnaissance n’intervient quasiment jamais.
Dans la mesure où cette AFD ne peut être mise en œuvre en l’absence de reconnaissance de l’infraction, il faudrait que des consignes très claires soient données aux forces de police et de gendarmerie afin de permettre malgré tout une prise en charge au titre de la flagrance ou de la gravité du délit commis. Ainsi une réponse pénale pourrait-elle être apportée rapidement sur le terrain, indépendamment, d’ailleurs, des questions de conformité au schéma départemental, tant ledit schéma est difficile à appliquer dans un territoire frontalier comme le nôtre, et ce nonobstant la bonne volonté des élus.
Cette AFD est de surcroît mise en œuvre de façon différenciée suivant les parquets ; il est donc nécessaire qu’en la matière une doctrine soit édictée, monsieur le ministre…
Deuxièmement, ma chère collègue, le problème que vous soulevez a trait à l’application de la loi Besson, ce qui dépasse de beaucoup le périmètre du présent projet de loi. Marc-Philippe Daubresse et moi-même n’avons mené aucune audition sur la question des gens du voyage ; je ne botte pas en touche – sur ces sujets, il faut vraiment que nous avancions –, mais je ne suis pas sûr que ce texte soit, en la matière, le véhicule approprié.
Demande de retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous ne remettez pas en cause la loi Besson en elle-même, madame la sénatrice – j’ai bien compris néanmoins que vous vous posiez des questions quant à sa légitimité, en tout cas quant à son application. Vous proposez qu’un groupe occupant un terrain public, s’il a commis des infractions, ne puisse plus se prévaloir du droit de s’y installer quand bien même la commune concernée ne se serait pas conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma approuvé par l’organe délibératif du département.
Cette disposition me paraît intéressante : la philosophie de la loi Besson, c’est l’accueil des gens du voyage, pas l’accueil inconditionnel de toutes les personnes, y compris celles qui commettent des actes délictuels ou violents et dégradent le bien public sans jamais payer de réparations. Ayant été maire, je vois parfaitement ce que vous voulez dire.
Si j’en approuve le principe, votre amendement pose néanmoins une difficulté : vous évoquez un « groupe ». Or, en tant que ministre de l’intérieur, je ne vois pas comment, sauf à se faire un petit plaisir démagogique, on pourrait inscrire dans le code pénal la mention d’un tel « groupe » sans davantage de précisions… La composition des « groupes » que vous visez est évolutive : leurs quinze ou vingt membres peuvent ne pas toujours être les mêmes.
À coup sûr, le Conseil constitutionnel censurerait une telle disposition, car il n’y a pas de responsabilité pénale du fait d’autrui. Par ailleurs, les procédures ouvertes sur ce fondement seraient sans doute très largement remises en cause par la partie défenderesse : quinze des vingt personnes qui sont de retour sur le terrain occupé ont certes été reconnues coupables des dégradations constatées, plaidera-t-on par exemple, mais les cinq autres, étant nouvelles, peuvent continuer de se prévaloir de leurs droits…
Si je comprends votre proposition, madame la sénatrice, je pense que ce dispositif ne « vole » pas, comme disent les techniciens du droit, au sens où l’adoption de cet amendement ne saurait produire les effets escomptés – c’est tout à fait normal s’agissant d’un amendement qui n’a pas été examiné par la commission des lois : le droit est complexe…
Ce qui est certain, monsieur le rapporteur, madame la sénatrice, c’est que les occupations de caravanes posent un triple problème – et je m’adresse à deux sénateurs de la Haute-Savoie.
Premièrement, il appartient au conseil départemental d’élaborer un schéma. Ayant été moi-même conseiller départemental, je suis bien placé pour savoir qu’il faut parfois prendre ses responsabilités. Ces schémas peuvent tenir compte de différents paramètres : ici trop d’urbanisation, là une frontière, là un fleuve, là encore des difficultés d’application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Lorsque des communes sont privées du concours de la force publique au motif qu’elles ne se sont pas conformées au schéma départemental, il doit être possible, avant d’envisager la modification de la loi ou l’intervention du préfet, de demander aux élus départementaux d’élaborer un autre schéma.
C’est ainsi que j’ai moi-même procédé dans mon département… Je ne dis pas que tout est absolument parfait dans le département du Nord, qui voit lui aussi passer beaucoup de gens du voyage dans des conditions qui peuvent s’avérer difficiles tant pour eux que pour la puissance publique. Mais les choses s’y sont beaucoup calmées depuis que, par exemple, la faculté a été accordée aux communes de mutualiser une aire d’accueil des gens du voyage. C’est ce qui s’est passé dans ma propre commune, qui s’est rapprochée de communes voisines se trouvant dans une situation analogue ; j’avais préalablement obtenu, avec la majorité départementale, une modification du schéma.
Je connais un peu la situation de la Haute-Savoie – je lis la presse et j’ai visité votre département il y a peu. La première des choses à faire serait d’obtenir du conseil départemental, dont je salue le président, M. Saddier, qu’il revoie le schéma d’accueil. Les services de la préfecture de Haute-Savoie sont à votre disposition pour vous accompagner dans ce travail.
Deuxièmement, la question se pose de l’applicabilité des lois Besson et surtout Besson II, compte tenu des autres contraintes qui s’imposent aux élus locaux – je pense notamment à l’article 55 de la loi SRU.
Cette question ne relève pas de ma compétence de ministre de l’intérieur, mais c’est bien malgré tout ledit ministre que les collectivités viennent chercher pour expulser des personnes avec le concours de la force publique ; or, à titre personnel, il me semble inopérant de dire à une commune qui se trouve avoir peu de foncier qu’elle doit à la fois respecter la loi SRU et les obligations de mise à disposition d’une aire d’accueil des gens du voyage.
Je sais que le Gouvernement n’a pas répondu très favorablement aux demandes qui lui ont été adressées, mais la Haute Assemblée pourrait le pousser à agir en ce sens : je suis pour que les communes qui mettent une aire d’accueil à la disposition des gens du voyage puissent voir diminuer d’autant les obligations qui leur incombent en application de la loi SRU. En effet, il y a bien là, en un sens, une forme de logement social : il faut organiser la scolarisation des enfants, le ramassage des ordures, le raccordement au réseau électrique, etc.
À supposer qu’un tel principe puisse prévaloir, les schémas départementaux seraient plus faciles à élaborer, vous les respecteriez davantage, vous seriez donc plus fondés à adresser au préfet une demande d’expulsion et celui-ci vous accorderait plus aisément le concours de la force publique.
Troisièmement, je veux aussi souligner la grande difficulté que peuvent poser les questions de propriété, publique ou privée, des terrains concernés. Prenons l’exemple d’un terrain privé dont le propriétaire ne porte pas plainte, voire reste introuvable – dans ma propre commune, le cas s’est présenté de terrains industriels dont on ne savait même plus à qui ils appartenaient après trente ou quarante ans d’abandon… Tant que le propriétaire de ce terrain ne porte pas plainte, sachant qu’on ne peut pas porter plainte à sa place, toute la population de la commune continue de subir les désagréments – terrain privé, désagréments publics.
Il faut sans doute, monsieur le rapporteur, que le législateur se penche sur cette question pour permettre par exemple à la puissance publique, un certain délai étant échu, de se substituer propriétaire si celui-ci ne porte pas plainte.
Il m’est aussi arrivé de constater que plusieurs terrains publics coexistaient sur la parcelle occupée. Si le département, le syndicat intercommunal et la commune n’arrivent pas à tomber d’accord, il devient impossible d’expulser les personnes.
Lorsque le préfet refuse d’accorder le concours de la force publique – on m’interpelle souvent sur ce thème –, c’est parfois qu’il a simplement oublié de consulter sa boîte mail ou de répondre à son téléphone (Sourires.) ; dans ce genre de cas, n’hésitez pas à appeler le ministre de l’intérieur, comme le fait M. Hervé – je mets bien volontiers mon numéro de téléphone portable à la disposition de tous les parlementaires. Il arrive que les préfets ne fassent pas tout à fait ce qu’ils devraient faire, mais dans l’immense majorité des cas, quand je vérifie les cas qui me sont soumis, je constate soit que le terrain est privé, soit que les différents propriétaires du terrain public ont échoué à se mettre d’accord, soit que le maire ne s’est pas conformé au schéma départemental parce que celui-ci n’a pas été revu depuis très longtemps.
L’exercice consistant à élaborer un schéma départemental d’accueil des gens du voyage peut s’avérer très complexe, je veux bien l’admettre, surtout à la veille des sénatoriales ou des municipales… (Sourires.) Mais, pour l’avoir fait, je peux vous dire qu’on finit par s’en sortir plutôt bien. Surtout, il est toujours préférable, à tous égards, qu’une commune se conforme à la loi. Je veux aussi préciser que nombre de gens du voyage s’installent légalement, vivent du fruit de leur travail, élèvent leurs enfants. La République a reconnu qu’ils avaient le droit de vivre ainsi ; il faut désormais, pour enrayer les difficultés constatées, essayer d’encadrer nos pratiques plutôt que de crier au loup – ce que vous n’avez pas fait, madame la sénatrice : je vous l’ai dit, sur le principe, je suis d’accord avec vous.
Demande de retrait.