Mme le président. Il faut conclure.
M. Jean Sol. Qu’allez-vous faire pour mettre enfin en adéquation les rémunérations avec les niveaux de formation et les diplômes de nos personnels soignants ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Nous avons tous mal à notre système de santé. Voilà pourquoi nous travaillons, voilà pourquoi nous allons devoir avancer tous ensemble.
Dans le cadre du volet « Santé » du CNR, je l’ai déjà dit, le groupe de travail « Mieux vivre à l’hôpital » interroge clairement les modalités d’accompagnement de nos personnels soignants, l’attractivité des métiers, afin de leur redonner du sens.
Deux ans de crise sanitaire ont accéléré les défaillances du système. Au risque de me répéter et de vous répéter : former un médecin prend dix ans ; or, cela fait deux ans que nous avons supprimé le numerus clausus…
En attendant, que faisons-nous pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens ? Il nous faut dégager du temps médical : tel est le sens des mesures qui sont prises, notamment le déploiement des assistants médicaux.
Il nous faut améliorer les processus de coopération entre tous les professionnels : nous œuvrons en ce sens, notamment dans le cadre des CPTS.
Il nous faut réenchanter tous les métiers de la santé et les rendre attractifs : tel est le sens du chantier que nous allons ouvrir au ministère sur les formations, initiales comme continues…
Mme Laurence Cohen. Nous demandons des moyens !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. … de toutes les professions, et non pas uniquement de celle de médecin généraliste.
Nous le savons tous : notre système de santé ne va pas bien. L’origine du problème ne date pas de 2022. Il s’agit peut-être de la conséquence d’une faillite collective, remontant à plusieurs années.
Il faut que ministère et élus se retrouvent tous ensemble ; l’intitulé de mon ministère mentionne à cette fin l’organisation territoriale : élus, professionnels, usagers, ensemble nous réglerons les problèmes en nous organisant de façon territoriale ; nous apporterons des réponses, territoire par territoire.
Mme le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Madame la ministre, par votre expérience et votre engagement, vous connaissez la réalité des souffrances et du désespoir dans nos urgences ; vous connaissez également les attentes, les peines.
Vous connaissez aussi la réalité des lits fermés ; rien qu’au CHU de Poitiers, dans le département où je suis élu, 271 lits ont été perdus cet été. À un moment donné, il faudra que vous nous disiez la réalité du nombre de lits perdus depuis quelques années…
Vous connaissez le désespoir des territoires qui se sentent abandonnés, des hôpitaux de proximité où règne l’impression que les politiques de santé sont désertées. Pardon de prendre les exemples que je connais le moins mal : dans le département de la Vienne, à Loudun ou Montmorillon, il n’y a plus de services d’urgence.
La différence entre urgences ou soins non programmés est compliquée quand quelqu’un vient, en souffrance, un dimanche… Il attend une réponse ; dans ces territoires-là, il n’y en a pas. Nous faisons face à cette aberration !
Ma question est simple : elle tient en cinq mots. Quelle est votre stratégie territoriale ?
Que comptez-vous faire sur ces territoires que vous avez oubliés ? Comment allez-vous leur répondre, à la suite de la mission flash ? Suivant quel calendrier ? À vous de nous indiquer votre stratégie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. Pierre Ouzoulias. Le Conseil national de la refondation ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. L’agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine tient, en lien avec la préfecture de la Vienne, des réunions territoriales hebdomadaires pour assurer un suivi resserré des tensions hospitalières rencontrées par le CHU. Ces tensions engendrent une diminution des effectifs de l’équipe territoriale d’urgences, qui fonctionne sur les quatre sites.
Le CHU de Poitiers, je le souligne, se mobilise particulièrement dans la recherche de professionnels de santé. Les urgences de Loudun et de Montmorillon, que vous avez citées, font l’objet d’un suivi et d’une vigilance toute particulière pour limiter au maximum les gardes non couvertes et organiser un accès régulé des patients. Sur les deux sites, l’accueil des patients est organisé de la manière suivante : lorsque les gardes ne peuvent être couvertes, la régulation est assurée par le Centre 15 ; la population est informée de la nécessité de ne pas se rendre aux urgences, mais d’appeler le 15. Sur site, si une personne se présente, un accueil est organisé par une infirmière qui sollicite le Centre 15 pour déterminer la réorientation à effectuer,…
M. Laurent Burgoa. Quelle est votre stratégie ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. … que ce soit une orientation vers Poitiers ou vers une autre structure hospitalière, un renvoi vers le médecin traitant ou la programmation d’une consultation le lendemain.
Pour répondre précisément à votre question, cher ancien confrère (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.), je souhaite vous dire que j’étais dimanche face aux maires ruraux : les territoires ne sont pas oubliés. Je le redis : si le ministère dont j’ai l’honneur d’avoir la charge porte une telle titulature, c’est bien parce que la conscience est prise que les solutions ne se décréteront pas uniquement de l’avenue Duquesne pour être immédiatement appliquées dans les territoires.
Répondre aux questions et trouver les solutions face aux besoins de santé se fera avec les élus, avec les territoires, avec les collectivités et avec les professionnels de santé. La solution qui serait valable dans votre commune ne serait pas valable au Havre, à Montpellier ou à Marseille. Les problématiques sont différentes, les situations sont différentes : notre travail, qui a déjà commencé, se décline territoire par territoire.
Tel est le sens de nos déplacements, le ministre Braun et moi-même, dans vos territoires, afin de venir à votre rencontre. Il s’agit de voir quelles sont les solutions qui fonctionnent, et celles qui ne fonctionnent pas, pour comprendre pourquoi.
Mme Laurence Cohen. Le diagnostic, nous le connaissons depuis longtemps !
Mme le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.
M. Bruno Belin. Madame la ministre, ma chère consœur, faites de ces hôpitaux de proximité une chance et une priorité. Leur ressenti est d’être victime d’un délestage ; or, réorienter les patients vers tel CHU est, vous-même l’avez dit, un non-sens.
Il s’agit d’un non-sens écologique : nous menons une stratégie bas carbone et nous mettons les gens sur les routes, bloquant des pompiers !
Il s’agit d’un non-sens territorial : nous avons des coquilles vides dans des hôpitaux de proximité.
Il s’agit d’un non-sens, surtout, en matière de santé : la perte de temps, c’est de la perte de chances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Amel Gacquerre, Victoire Jasmin et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
Mme Laurence Cohen. Bravo !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Entre anciens confrères, monsieur le sénateur, sachez que l’enjeu des hôpitaux de proximité et des hôpitaux périphériques est pour moi essentiel. L’enjeu des formations et de l’évolution des formations – je vous l’ai dit – est primordial.
Nous réussirons si nous pouvons faire en sorte que nos internes qui se forment ne fassent pas tout leur stage dans les CHU. Il faut qu’ils puissent aller le mener dans les hôpitaux périphériques et dans les hôpitaux de proximité. Nous travaillons actuellement là-dessus ; ce n’est pas facile de tout vous expliquer.
Ce chantier est ouvert : mettons les internes dans les hôpitaux de proximité et dans les hôpitaux de périphérie. Un bon nombre d’entre eux pourront après s’y installer ; nous éviterons ainsi les écueils qui ont été soulevés.
Mme le président. La parole est à M. Bruno Belin.
M. Bruno Belin. Chiche, madame la ministre ! Je vous attends dans les territoires ruraux dont vous venez de parler ! Je veux bien qu’on fasse des stages : mais il faut encore qu’il y ait des maîtres de stage !
Mme Victoire Jasmin. Voilà !
M. Bruno Belin. Il faut encore qu’il y ait des médecins pour former ! L’apprentissage ne se fera pas en cyber…
Je vous attends dans les meilleurs délais au sein des territoires ruraux, dans les hôpitaux de proximité, pour que vous veniez voir la réalité.
Mme le président. La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, avec plus de 20 millions de passages par an, les services d’urgences de nos hôpitaux sont engorgés au plus haut point, confrontés à un double effet ciseaux : d’une part, la pénurie de soignants, plus grave que jamais, d’autre part, une forte augmentation du recours aux urgences pour nos compatriotes.
En effet, pour des millions de Français, le recours aux urgences est une absolue nécessité, faute de pouvoir bénéficier des services d’un médecin traitant. La médecine de ville ne semble plus, désormais, en capacité de remplir de façon efficiente son rôle de soins de premier recours, souffrant d’un maillage déséquilibré et incomplet de l’ensemble du territoire.
Face à cette situation préoccupante, j’aurais souhaité vous entendre au sujet d’autres propositions. D’une part, que pensez-vous d’une participation plus large des médecins libéraux à la permanence des soins, via les CPTS, puisque cette permanence repose essentiellement, à l’heure actuelle, sur les hôpitaux, s’agissant des week-ends et des jours fériés ? D’autre part, une réforme de la libre installation des médecins généralistes fait-elle partie des pistes envisagées par le Gouvernement pour tenter de lutter contre les déserts médicaux et remédier à l’inégale répartition des médecins généralistes ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Cela a été dit à plusieurs reprises, nous devons améliorer la situation de la permanence des soins, laquelle est une mission de service public, qui doit être assurée partout sur le territoire. Nous souhaitons placer les médecins en situation de responsabilité collective sur la question de la permanence des soins.
Deux solutions se présentent à nous : soit les professionnels de santé s’organisent par eux-mêmes et remplissent le tableau de garde selon leurs contraintes – la CPTS peut être le bon échelon pour ce faire –, soit c’est à l’État, en cas de non-couverture, de prévoir une organisation idoine pour assurer aux Françaises et aux Français l’accès à des soins non programmés en soirée ou le week-end. À cet égard, le code de la santé publique permet déjà de réquisitionner des médecins en cas de défaillance.
Beaucoup demandent à revenir sur la libre installation. On nous oppose régulièrement que les enseignants, par exemple, sont bien contraints de se rendre partout sur le territoire. Il me semble toutefois que cette comparaison ne fonctionne pas. Par ailleurs, je ne crois pas à l’efficacité de l’obligation. Notre objectif est d’inciter plus fermement, et idéalement de convaincre. Nos territoires sous-dotés méritent de voir des médecins s’y installer volontairement et s’y investir.
Oui, nous devons travailler à d’autres modalités d’installation des médecins sur le territoire. Nous avons d’ailleurs prévu d’insérer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un nouveau dispositif simplifié en matière d’aide à l’installation, élaboré en concertation avec les représentants des élus locaux, des professionnels de santé et des administrations dans le cadre d’un comité local. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Merci de votre réponse, madame la ministre.
J’aimerais aborder à présent la seconde partie de mon intervention, qui concerne la pénurie de soignants, dont les causes sont diverses, nombreuses et anciennes. Les réponses à cette problématique sont également complexes et multiples.
Il m’est cependant impossible de ne pas profiter de ce temps de parole pour vous sensibiliser de nouveau sur la réintégration des milliers de soignants et pompiers suspendus ou interdits d’exercice depuis plus d’un an dans notre pays. Cette situation n’est plus tenable !
La quasi-totalité des pays ont abandonné cette mesure. Vous laissez même aujourd’hui aux soignants le libre choix de recourir au nouveau vaccin contre la covid-19. Dans ces circonstances, le maintien de cette mesure est incompréhensible et semble relever davantage de la punition et de l’obstination que de la justification sanitaire.
Notre système de santé est à l’agonie : nous ne pouvons plus nous passer du moindre soignant. Ma question est simple : quand envisagez-vous de lever cette mesure, …
Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Sylviane Noël. … qui engendre encore davantage de dysfonctionnements et d’engorgement ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Madame Noël, je vous rappelle que la réplique est censée vous permettre de rebondir sur la réponse du Gouvernement, non de poser une seconde question.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Je veux dire à celles et à ceux qui pensent que la réintégration des soignants constituerait la réponse miracle aux problèmes d’effectifs de l’hôpital qu’ils se trompent.
Que les choses soient claires : cette question ne concerne que quelques centaines de personnes, qui ont refusé de se protéger pour protéger les autres, sur plus de 300 000 soignants.
Je préfère retenir le sens citoyen et l’éthique des professionnels de santé au contact des Français les plus fragiles. Il faut rendre hommage à tous les professionnels mobilisés, qui ont accompli leur devoir avec courage.
Les avis du conseil scientifique et de la Haute Autorité de santé qui ont été rendus sont favorables au maintien de l’obligation de vaccination contre le covid-19 des personnels exerçant dans les établissements de santé et médico-sociaux. Nous avons toujours géré cette crise en nous basant sur les recommandations des scientifiques ; nous n’allons pas y déroger aujourd’hui.
Mme le président. La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Rassurez-vous, madame la présidente, je ne poserai pas de troisième question. (Sourires.)
Madame la ministre, je ne peux que me désoler de cette obstination, qui finit par nous conduire dans le mur. Encore aujourd’hui, des étudiants en médecine sont suspendus. Cette situation ne nous permet pas d’aborder dignement les enjeux de l’hôpital en termes d’effectifs et donne encore un argument, par exemple, aux nombreux soignants de Haute-Savoie qui choisissent d’exercer en Suisse, où l’obligation vaccinale a été levée.
J’aimerais que l’on m’explique le sens du maintien de cette mesure. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Madame la présidente, madame la ministre, la situation de notre système de santé n’a jamais été aussi préoccupante, avec de nombreuses fermetures de lits, notamment dans les urgences des Hauts-de-France.
Deux raisons ressortent des différents constats, rapports ou missions. La première concerne le déficit d’attractivité des carrières médicales hospitalières, en dépit de la réforme du statut unique. En effet, l’équité de temps et de rémunération au sein d’un même service n’est toujours pas une réalité. Demi-journée de travail, temps continu, seuil du statut unique, plages additionnelles, activité mixte et activité libérale intrahospitalière, recours à l’intérim sont autant d’occasions, pour un même service, de faire cohabiter des rémunérations disparates et d’aggraver les tensions.
Or c’est le sentiment d’appartenance à une équipe médicale solidaire qui peut faire accepter les difficultés inhérentes à la profession. Dans les Hauts-de-France, les effectifs partent vers la Belgique ou le Luxembourg. Que comptez-vous mettre en place pour redonner du sens à l’action de ces professionnels ?
La seconde raison concerne la gestion des flux des urgences, question inhérente à la pénibilité et au sens de l’activité. Comment le Gouvernement permet-il le décloisonnement entre la médecine de ville et l’hôpital général, avec l’objectif de fluidifier le parcours de soins des Français et de désengorger les urgences ? À côté des grands CHU, les hôpitaux de proximité, comme cela a déjà été dit, et la médecine de ville doivent être organisés pour assurer le même service à une patientèle de l’urgence en milieu rural ou sans ressource.
Ce qui est possible aux urgences, comme le tiers payant, doit aussi être vrai et facilité en première ligne. Quel dispositif d’implantation des praticiens en ville prévoyez-vous ?
En l’état actuel, les personnels qui ont quitté le secteur de la santé ne sont pas près d’y revenir. Allons-nous pouvoir arrêter l’hémorragie en réactivant la médecine de ville, avec le retour des gardes et le soutien aux installations obligatoires – ou pas – en ville, y compris pour les Ehpad, les services d’urgence restreignant l’accès des patients, faute de personnel, comme dans la Somme ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. La réforme du statut unique cherchait bien à atteindre l’objectif que vous décrivez pour amener davantage de cohésion au sein d’un même service.
Pour autant, les conditions d’exercice et les sujétions demeurent hétérogènes. Il est nécessaire de pouvoir reconnaître les situations individuelles.
De même, le recours à des professionnels de santé libéraux vise à renforcer des équipes confrontées à de fortes difficultés de recrutement. Les professionnels de santé qui sont ainsi intervenus dans les établissements ont conservé, en parallèle, les charges de leur cabinet et de leur activité hospitalière. Pour favoriser leur engagement, il était justifié de pouvoir les indemniser de manière appropriée.
En ce qui concerne l’intérim, nous avons tracé un chemin. Nous allons appliquer la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, d’ici au printemps 2023, et encadrer la rémunération. De même, comme je l’ai déjà souligné, il ne sera plus possible, à la sortie de sa formation de soignant, de démarrer son exercice professionnel en intérim. Cette mesure figurera dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Vous avez raison, monsieur le sénateur : une partie du flux des urgences peut être prise en charge si l’on fluidifie la réponse aux soins non programmés en ville. Tel est l’objet du service d’accès aux soins, qui se déploie progressivement sur le territoire national. Nous devons en accélérer la mise en place. Ce service a vocation à aider les citoyens à s’orienter au sein de notre système de santé pour obtenir la réponse la plus adaptée à son besoin de santé.
Pour compléter ce schéma, nous devons mieux partager la réponse aux soins non programmés entre l’ensemble des professionnels de santé. C’est la logique des transferts de compétences. Les ordres professionnels, qui sont en train de travailler sur ces sujets, doivent nous faire part très rapidement de leurs propositions.
Ce n’est que collectivement, avec les médecins, les infirmiers, les pharmaciens, les kinésithérapeutes et les autres professionnels, que nous pourrons contribuer à mieux répondre aux soins non programmés.
Conclusion du débat
Mme le président. En conclusion du débat, la parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre groupe Les Républicains a choisi d’inscrire ce débat sur les urgences hospitalières et les soins non programmés à l’ouverture de cette nouvelle session, ce dont je me félicite.
Après avoir décidé de la création d’une commission d’enquête sur l’hôpital, que j’ai rapportée au début de cette année, cela montre bien la volonté du Sénat, au-delà du travail de la commission des affaires sociales, de ne jamais relâcher l’attention portée à notre système de santé. René-Paul Savary l’a souligné en introduction : et la ville et l’hôpital traversent une crise profonde et les réponses doivent être rapides.
Comme plusieurs de nos collègues l’ont rappelé, ce débat vient après un été que nous redoutions pour les services d’urgences à l’hôpital, au cours duquel un risque de « rupture d’accès aux soins » était avancé par de nombreux professionnels de santé. Si la situation a bien été difficile, ce qui a conduit de grands établissements hospitaliers à des mesures de régulation stricte de l’accès à leurs services, l’hôpital, une nouvelle fois, a « tenu ».
Certes, il a tenu, mais à quel prix ? Ce que nous voyons, c’est une succession ininterrompue de périodes de tensions sur différents secteurs hospitaliers. Ce que nous voyons, c’est la survenue continue de crises dans les crises : à l’été, sur les urgences hospitalières et les maternités ; aujourd’hui, sur les réanimations pédiatriques en Île-de-France, et ce alors que la crise du covid-19, dont on ne parle presque plus, a toujours un impact sensible sur l’hôpital.
Quelles conséquences ? Des risques immédiats pour la sécurité des patients dans leur prise en charge, des soins parfois assurés sur un mode dégradé, des retards d’accès aux soins et donc des pertes de chance. Mais surtout, à moyen terme comme à court terme, des conséquences majeures sur l’état de l’hôpital et la situation des soignants. Car ces crises successives ne font que renforcer l’épuisement des équipes, appelées à se mobiliser toujours plus. Elles ne font que renforcer les départs de médecins et d’infirmiers et fragilisent donc encore notre système. L’hôpital a tenu, mais jusqu’à quand ?
Je voudrais, en conclusion de mon intervention, me concentrer sur l’avenir.
Madame la ministre, votre ministre de tutelle est aussi l’auteur d’un rapport, celui de la mission flash sur les urgences et les soins non programmés, qui devait nous permettre, selon l’expression du moment, de « sauver l’été » à travers quarante et une mesures, dont la mise en œuvre inégale s’est surtout faite par voie réglementaire, même quand ces mesures relevaient du domaine de la loi.
Force est de constater, à la fin de cet été, que nous peinons à trouver dans votre feuille de route des mesures pour prendre le relais de ces « mesures d’urgence ». La régulation de l’accès aux urgences via le 15 sera-t-elle, par exemple, généralisée et pérennisée ? Quel sera le tarif durable des consultations de médecine générale le soir et le week-end ?
J’entends bien que la convention médicale, qui doit être négociée, sera l’occasion de discuter des conditions de revalorisation de la permanence des soins ambulatoires. Une négociation longue, pilotée par l’assurance maladie, et qui échappe pour partie au Gouvernement, mais surtout au Parlement, qui ne peut en prescrire le cadrage.
J’entends que, désormais, nous sommes aussi suspendus à de nouvelles concertations : conférence des parties prenantes, Conseil national de la refondation avec un volet « CNR Santé »… Encore des discussions, dont les soignants sont fatigués, pour des conclusions dont on peine à attendre une originalité quelconque. On concerte, on concerte, et pendant ce temps, on n’agit pas.
Et puis, soyons lucides : pendant qu’on se concerte, on ne parle pas de financement. Or il y a bien un enjeu financier, madame la ministre, qui n’a pas non plus été traité : le Parlement, qui a pourtant le droit de le savoir, ignore encore combien ont coûté les mesures d’urgence du « plan Braun » de cet été ? Bien évidemment, et comme il est courant de répondre en de telles circonstances, « nous ne regardons pas à la dépense quand il s’agit de la santé des Français »…
Mais alors que nous allons examiner, le mois prochain, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, il est aussi de notre rôle de parlementaires de vérifier que les moyens alloués à la politique de santé sont bien en adéquation avec les besoins. Et alors que la loi de programmation des finances publiques prévoit une modération de la progression de l’Ondam inférieure à la croissance du PIB à l’horizon 2027, il y a matière à s’interroger.
Par ailleurs, après cet été, je constate aussi qu’aucune mesure relative aux urgences ou aux soins non programmés ne figure au PLFSS pour 2023. À croire qu’aucune des mesures visant à renforcer la prise en charge en ville, la structuration de maisons médicales de garde, les téléconsultations ou l’orientation des patients ne serait d’ordre législatif ou n’aurait d’impact financier…
L’article L. 3131-1 du code de la santé publique ne saurait être le véhicule commode de votre action. Je vous invite plus que vivement à inscrire, à l’occasion de l’examen du texte en séance, les mesures législatives prenant acte de vos mesures dérogatoires.
Madame la ministre, nous avions intitulé le rapport de la commission d’enquête sur l’hôpital « sortir des urgences ». Nous revendiquions, au Sénat, non pas sur les seules travées des Républicains, mais très largement au sein de notre assemblée,…
Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Catherine Deroche. … la nécessité de laisser l’hôpital respirer en lui donnant des moyens clairs et durables.
Sortir des urgences, cela voulait dire que les conditions étaient données, en ville comme à l’hôpital, pour assurer correctement les soins programmés et anticiper au mieux les soins non programmés.
Mme le président. Madame Deroche, veuillez conclure.
Mme Catherine Deroche. Cela voulait dire marquer l’arrêt de l’enchaînement de crises qui ne permettent pas aux soignants de faire leur travail dans de bonnes conditions, pour les patients comme pour eux-mêmes.
Or, je le regrette, je ne vois pas, à l’ouverture de cette session, le chemin que le Gouvernement entend proposer sur ce point. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et GEST.)