M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à rendre éligible le temps supplémentaire des cadres soumis au forfait jours à la réduction de cotisations sociales sur les montants payés, ainsi qu’au rehaussement du plafond de défiscalisation de l’impôt sur le revenu du temps de travail supplémentaire et complémentaire effectué par les salariés, jusqu’à 7 500 euros au titre de l’année 2022, soit entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2022.
Aujourd’hui, l’exonération d’impôt et la réduction de cotisations sociales ne concernent, s’agissant des forfaits jours, que les rémunérations versées pour les jours travaillés au-delà de 218 jours, ce qui exclut de fait plusieurs entreprises mieux-disantes.
Il serait pertinent que toutes les entreprises appliquant un accord de branche ou d’entreprise prévoyant un forfait d’un volume annuel de jours travaillés inférieur à 218 jours puissent se saisir d’un tel dispositif.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission, qui n’approuve ni la suppression ni l’abaissement du plafond au-delà duquel les salariés au forfait jours pourraient renoncer à leurs jours de repos moyennant une réduction des cotisations sociales, demande le retrait de ces deux amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis.
Nous partageons tous l’objectif des auteurs de ces amendements : valoriser le travail et la rémunération de ceux qui travaillent.
Cela étant, l’adoption de ces amendements aurait pour conséquence de créer une réelle différence de traitement entre des salariés. En dessous de 218 jours, c’est la durée légale de travail. Se poseraient notamment des problèmes pour les week-ends. Il y aurait une différence de traitement pour les salariés qui ne sont pas au forfait jours. Cela ne nous semble pas justifiable. Il s’agirait là d’une véritable rupture d’égalité.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 408 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 409 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 434 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier, Roux et Artano, est ainsi libellé :
Après l’article 1er D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les majorations de rémunérations prévues en application des dispositions relatives au travail dominical aux articles L. 3132-12 et suivants du code du travail sont exonérées d’impôt sur le revenu.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Le code du travail permet fort heureusement à certains établissements dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public de déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.
Le coût de la vie ne cesse d’augmenter, comme en témoigne l’inflation galopante de ces derniers mois. La possibilité de travailler le dimanche se traduirait pour de nombreux salariés par une augmentation de leur pouvoir d’achat.
Dans les commerces de détail alimentaires, en grande surface notamment, les salariés peuvent bénéficier d’une majoration de salaire pour travail le dimanche.
Cet amendement, qui a été déposé sur l’initiative de Nathalie Delattre, vise à encourager une telle pratique en défiscalisant les éventuelles majorations de rémunération dominicale. Il s’agit ainsi de saluer le travail sans relâche fourni par ces Français pendant la pandémie et le confinement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement.
Nous venons d’adopter un certain nombre de dispositifs d’assouplissement, incluant des exonérations. Avec cet amendement, ce que vous proposez, c’est presque fromage, dessert et plus encore !
Aujourd’hui, le travail le dimanche est rémunéré dans des conditions que chacun connaît. Il faut veiller à ne pas déstructurer la totalité de l’organisation du temps de travail dans les entreprises.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je salue de nouveau l’intention de valoriser et de soutenir les Français qui travaillent et travaillent dur. C’est évidemment le cas de ceux qui travaillent le dimanche. Cette contrainte est évidemment déjà prise en compte par la majoration de salaire. Ainsi, les salariés qui travaillent dans le commerce alimentaire bénéficient d’une majoration de 30 %.
Par ailleurs, il serait très compliqué pour le calcul de l’impôt sur le revenu d’appliquer un taux d’imposition différent en fonction du jour de perception des revenus.
Même si je salue l’intention qui est la vôtre, monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement. Comme l’a indiqué M. le rapporteur général, le dispositif que nous avons adopté pour les heures supplémentaires s’applique évidemment aussi aux salariés concernés.
Mme le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Nous sommes opposés à cet amendement, qui tend à exonérer d’impôt sur le revenu la majoration des heures travaillées le dimanche.
Dans un contexte d’inflation, la tentation est grande pour garantir une augmentation du pouvoir d’achat d’user de tous les moyens, y compris d’instaurer des mécanismes qui réduisent les recettes de l’État, mais qui ne font rien perdre aux entreprises et qui n’ont pas pour effet d’augmenter les salaires.
Avec cet amendement visant à exonérer les heures travaillées le dimanche, vous mettez, selon nous, le doigt dans un engrenage sans fin.
Depuis la loi Macron de 2015 et la loi Travail du gouvernement Hollande, le travail le dimanche était devenu une réalité pour 20 % des salariés en 2020.
Aujourd’hui, les heures supplémentaires effectuées ne sont pas soumises à l’impôt, dans la limite de 5 000 euros par an, plafond relevé à 7 500 euros.
Avec cet amendement, vous revenez indirectement sur la majoration des heures supplémentaires le dimanche, qui est de 25 % les huit premières heures et de 50 % les heures suivantes.
Ces majorations de salaire compensent le travail effectué le dimanche. Ainsi les salariés qui travaillent le dimanche dans un commerce de détail alimentaire bénéficient-ils d’une majoration minimale d’au moins 30 %.
En défiscalisant les majorations du travail le dimanche, vous ne rendez pas du pouvoir d’achat aux Français. Vous incitez financièrement les employeurs à faire travailler les salariés le dimanche. Vous facilitez le chantage au travail le dimanche, au détriment du droit au repos et à la vie familiale.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes opposés à cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Notre groupe votera également contre ces amendements.
Nous avons un code du travail. Des générations de salariés se sont battues pour conserver le droit d’avoir une vie en dehors du travail, pour limiter le temps de travail et bénéficier de temps de récupération.
Aujourd’hui, au sein de notre assemblée, on revendique surtout la possibilité de travailler toujours plus pour être rémunéré parce que les salaires, eux, n’augmentent pas. J’entends la nécessité de défiscaliser et de désocialiser en relevant les plafonds.
Monsieur le ministre, vous dites comprendre l’intention. Pour notre part, nous ne la comprenons pas. Nous pensons qu’il faut plutôt protéger le droit à récupération des salariés. La demande qu’expriment de nombreux salariés d’effectuer des heures supplémentaires s’explique avant tout par la faiblesse du pouvoir d’achat qui leur est concédé en échange de leur salaire.
Chers collègues, interrogez les salariés des secteurs de l’hôtellerie ou du bâtiment que vous croisez et vous verrez que la plupart d’entre eux, s’ils avaient des salaires à la hauteur de leurs espérances et de leur investissement, ne demanderaient ni à travailler le dimanche ni à effectuer des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 434 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Je ne pensais pas que l’amendement de Nathalie Delattre susciterait un tel débat ! Il ne nous reste plus qu’à évoquer le jour du Seigneur… (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Pour information, en Suisse, le pain est plus cher le dimanche. Il coûte 5 francs ce jour-là, contre 4 francs les autres jours. C’est une manière d’encourager le travail le dimanche !
Cela étant, je retire cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 434 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 423 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 1er D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le montant de la prime de pouvoir d’achat, prévue par l’article 1er de la loi n°… du … portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, est majoré pour les personnes bénéficiant d’un contrat d’insertion depuis moins de cinq ans.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à majorer la prime de pouvoir d’achat des personnes en situation d’insertion depuis quelques années, afin de valoriser leur parcours.
L’insertion est le premier pas permettant à de nombreuses personnes de retrouver le chemin de l’emploi. Leur parcours est souvent difficile et semé d’embûches. L’insertion est progressive et demande des efforts pour ceux qui l’entreprennent.
Majorer cette prime permettrait d’envoyer un signe positif à ces personnes et de mettre en valeur l’ensemble de leur parcours.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission sollicite le retrait de cet amendement. L’encre du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat n’est pas encore sèche, mon cher collègue, que votre groupe demande déjà une telle « amélioration » – du moins, de votre point de vue.
Je le rappelle, Mme le rapporteur Frédérique Puissat avait demandé à juste raison que le dispositif soit d’abord mis en œuvre, puis stabilisé. Il sera éventuellement temps le moment venu de demander des modifications.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 423 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 423 rectifié bis est retiré.
Article 1er E (nouveau)
I. – Par dérogation au titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche, le salarié, quelle que soit la taille de l’entreprise, peut, sur sa demande et en accord avec l’employeur, renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de repos acquises au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023 en application d’un accord ou d’une convention collective instituant un dispositif de réduction du temps de travail maintenu en vigueur en application de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ou en application d’un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail.
Les journées ou demi-journées travaillées à la suite de l’acceptation de cette demande donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise. Les heures correspondantes ne s’imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d’heures supplémentaires prévu à l’article L. 3121-30 du même code.
II. – Les rémunérations versées aux salariés au titre des journées ou demi-journées mentionnées au I du présent article ouvrent droit au bénéfice des articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale et de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue à l’article 81 quater du code général des impôts.
III. – Le montant des rémunérations exonérées d’impôt sur le revenu en application du II du présent article est pris en compte pour l’appréciation de la limite annuelle prévue au I de l’article 81 quater du code général des impôts et est inclus dans le montant du revenu fiscal de référence défini au 1° du IV de l’article 1417 du même code.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 282 est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 338 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l’amendement n° 282.
Mme Isabelle Briquet. L’article 1er E, qui a été introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, a pour objet de permettre la conversion des jours de RTT en majoration salariale exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, dans la limite annuelle du plafond fixé pour les heures supplémentaires.
Cela pose bien évidemment plusieurs problèmes. L’article permet un contournement des règles sur le temps de travail, qui visent à préserver les intérêts et la santé des salariés. En outre, il s’imposerait sans passage obligé par la négociation collective avec les organisations syndicales.
C’est là une attaque contre la réduction du temps de travail à 35 heures. En monétisant toutes les RTT acquises via les heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires, le dépassement du temps de travail au-delà de quarante heures est susceptible de ne pas être pris en compte. Le salarié ne bénéficierait plus alors de la protection conférée par la limitation du temps de travail.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 1er E.
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 338.
Mme Céline Brulin. Nous proposons également la suppression de cet article, qui prévoit de permettre la monétisation des RTT pour un certain nombre de salariés au motif d’accroître leur pouvoir d’achat.
Monsieur le rapporteur général, vous avez l’air de dire que vous êtes tout à fait favorable à des augmentations de salaire, mais qu’il faut en discuter dans les entreprises. Alors que nous sommes nombreux ici à avoir défendu l’idée qu’il fallait augmenter le SMIC, nous nous sommes heurtés à une opposition assez redoutable. Une telle augmentation aurait pourtant constitué un signe et donné une impulsion. Elle aurait permis l’ouverture de négociations salariales dans toutes les branches.
Aujourd’hui, non content de refuser les augmentations de salaire, vous utilisez la préoccupation fondamentale des salariés en matière de pouvoir d’achat pour mettre un coin dans les 35 heures. Ces dernières ont pourtant permis, je le rappelle, de créer un nombre très important d’emplois dans notre pays. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Cela vient après les mesures sur les heures supplémentaires et sur le travail le dimanche, dont nous venons de discuter. Permettez-moi de vous faire part de mon inquiétude sur l’état d’esprit du pays. J’ai l’impression d’assister aujourd’hui à un grand concours pour savoir qui ira le plus loin possible dans la régression sociale.
Les Français, eux, ont des demandes assez légitimes. Quand tout, y compris les profits – nous en avons beaucoup parlé en début de séance –, augmente dans le pays, il est normal que les salaires augmentent aussi, sans régression sociale. Toutes les avancées dans notre pays ont été source de progrès social. N’allons pas en sens contraire.
Combien de personnes seront concernées par la mesure proposée ? Seuls 10 % à 15 % des salariés sont au forfait jours ! Nous sommes loin de la réponse à une préoccupation légitime !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Je pense qu’il faut être attentif au marché du travail et au contexte dans lequel nos entreprises évoluent. Je continue de dire qu’il faut privilégier le dialogue social. Nous n’avons pas, les uns ou les autres, toujours raison.
Vous avez évoqué les 35 heures et la réduction du temps de travail. On a parlé autrefois de partage du temps de travail. Cela devait être la solution à beaucoup de difficultés. Dans les faits, les résultats sont mitigés. J’en veux pour preuve la désorganisation ayant résulté de leur mise en œuvre, par exemple, dans les services de santé, notamment dans les hôpitaux.
Mme Éliane Assassi. Elle est due à la réduction des effectifs !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pas seulement, ma chère collègue !
Je le dis avec calme, sérénité et tranquillité, pour alimenter le débat. Tous les avis méritent d’être entendus et confrontés.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ces amendements visent à supprimer une disposition ajoutée dans le texte lors de son examen à l’Assemblée nationale. Cette mesure donne plus de liberté aux salariés et leur permet d’obtenir une meilleure rémunération en monétisant leurs RTT.
Cette mesure n’enlève rien à qui que ce soit – personne n’est obligé de la mettre en œuvre –, et elle respecte le cadre légal des 35 heures et le droit au repos. Elle est temporaire, justifiée par l’urgence d’accroître le pouvoir d’achat des Français. Elle concerne les RTT.
Nous sommes évidemment défavorables à la suppression de l’article.
Mme le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Nous allons soutenir les amendements de suppression de l’article.
Nous sommes en train, en pleine nuit, au mois d’août, d’enterrer tranquillement les 35 heures,…
M. Bruno Belin. Si ça pouvait être vrai !
M. Thomas Dossus. … qui ont été l’une des dernières grandes réformes sociales menées dans ce pays, à l’origine de la création de 350 000 emplois en dix ans. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’article 1er E a été voté à l’Assemblée nationale par la droite, l’extrême droite et la majorité présidentielle. Cette alliance des droites n’a rien de surprenant lorsqu’il s’agit de détricoter les avancées sociales des dernières années. (M. Vincent Segouin s’exclame.)
Au-delà du mépris pour le repos et la santé des travailleurs, ce sont les 35 heures que l’on met à mal. Acter un possible rachat des RTT, c’est enterrer définitivement la barrière symbolique de travail hebdomadaire. C’est une attaque directe contre l’idée même de partage du temps de travail, donc de partage des richesses.
Plus grave encore, instaurer un tel rachat, c’est méconnaître la nature même du lien de subordination entre employeur et employé.
Vous nous parlez de « liberté », monsieur le ministre. Dans le contexte actuel d’érosion du pouvoir d’achat et d’inflation galopante, pensez-vous vraiment que les salariés refuseront l’argent de ces RTT ? Certes, cela représentera un petit plus en ces temps difficiles, mais leur capacité à négocier des accords salariaux sera entravée. On sait pourtant que le travail doit être payé à sa juste valeur.
Il y a pourtant une manière plus juste, socialement acceptable et digne d’accroître le pouvoir d’achat : augmenter les salaires.
C’est pourquoi nous nous opposons à l’article 1er E, et nous voterons les amendements tendant à le supprimer.
Mme le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Je vais essayer de tordre le cou à l’idée répétée selon laquelle les 35 heures auraient permis de créer des emplois.
Je rappellerai les propos d’un socialiste qui a réussi : Gerhard Schröder. J’aurais également pu évoquer Dominique Strauss-Kahn. En 1998, Gerhard Schröder se déclarait pour les 35 heures en France, en expliquant que ce serait une excellente nouvelle pour l’industrie allemande !
Je ne parlerai pas des hôpitaux. Tous les interlocuteurs de bonne foi reconnaissent, avec le recul, que ce sont les 35 heures qui ont le plus désorganisé les hôpitaux français.
Mes chers collègues, avant de distribuer de la richesse, il faut en créer ; elle ne tombe pas du ciel ! Avant d’être opérationnel, un médecin doit passer quelques années sur les bancs de la faculté, de même qu’il faut du temps pour former une infirmière !
La voilà, la réalité ! Tout le reste n’est que – mauvaise – littérature ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous venons de vivre un moment de vérité. Notre collègue Meurant, dont on peut – c’est mon cas – ne pas partager le point de vue, vient de nous le dire de manière assez claire : la question, ce n’est pas le pouvoir d’achat des salariés ; la question, c’est bien les 35 heures.
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
M. Pascal Savoldelli. Quand on a des convictions claires, on joue cartes sur table, on affirme son projet de société et on affiche les choix politiques qui vont avec !
Or que faites-vous, monsieur le ministre ? Un cadeau empoisonné ! Vous allez demander aux salariés de choisir entre la monétisation de leurs RTT majorée de 10 % et des heures supplémentaires majorées de 25 %.
En outre, vous autorisez la monétisation des RTT sans prévoir de contribution au budget de la sécurité sociale. Nous y reviendrons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais qui va payer, monsieur le ministre ? Cela fait un moment que l’on pose cette question. Qui va payer l’addition, à part les ménages et les salariés ? Il me semble que nous méritons une petite explication ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 282 et 338.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 383 rectifié est présenté par Mmes Lubin et Poumirol, M. Kerrouche, Mme Van Heghe, MM. Cozic, Mérillou et Bourgi, Mme Féret, M. Pla, Mmes Harribey et Blatrix Contat, M. Féraud, Mme Meunier, MM. Marie, Redon-Sarrazy, Montaugé, P. Joly et Chantrel, Mme Préville, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Monier et MM. Tissot et Gillé.
L’amendement n° 470 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
1° Supprimer les mots :
et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche
2° Remplacer les mots :
quelle que soit la taille de l’entreprise
par les mots :
sous réserve qu’une convention ou un accord de branche, d’établissement ou d’entreprise l’autorise
La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° 383 rectifié.
M. Thierry Cozic. Puisque l’article 1er n’a pas été supprimé, cet amendement vise à conditionner la possibilité de monétiser les RTT à une autorisation résultant d’une négociation collective avec les organisations syndicales, comme ce fut le cas lorsque la monétisation des RTT a été ouverte pendant les dix derniers mois de l’année 2020.
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 470.
M. Pascal Savoldelli. Il est défendu.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable. Ces amendements ont pour objet de soumettre à une convention issue de la négociation collective une possibilité ouverte par simple accord de l’employeur. Cela pourrait non seulement faire perdre du temps dans les petites entreprises, mais également priver certains salariés du bénéfice de la mesure, et ce sans aucune justification.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable. Nous parlons d’une mesure temporaire, adoptée pour soutenir en urgence le pouvoir d’achat dans cette période difficile, et permettre à des salariés de monétiser leurs RTT, en leur laissant toute liberté. J’assume ce terme : je suis favorable à la liberté des salariés !
Je rappelle qu’une telle mesure ne peut pas être prise sans l’accord du salarié et de l’employeur. (Marques d’ironie à gauche.) Il ne s’agit donc pas d’imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. Le cadre légal des 35 heures est respecté. Le dispositif concerne les jours de RTT, mais évidemment pas les jours de congé ou les week-ends.
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous sommes tous attachés à l’une des valeurs de la République : l’égalité.
Il ne faut pas mentir. Certes, la monétisation des RTT peut venir d’un souhait du salarié. Mais le salarié n’est pas à égalité avec l’employeur. Ce serait un mensonge éhonté que de le prétendre.
Il s’agit donc d’une fausse liberté. C’est pour cela que je parle de « cadeau empoisonné ». Au final, ce sera au bon vouloir de l’employeur.
Les effets de manche ou de vocabulaire, les éléments de langage, c’est bien ! Mais il faut revenir à des bases rigoureuses et précises : le salarié n’est pas à égalité avec l’employeur. Et ce sera au bon vouloir de celui-ci d’accorder, ou non, la monétisation de ses RTT.
Vous ne voulez pas des deux amendements que nous avons défendus, parce que vous avez la trouille qu’une augmentation des salaires soit négociée ! En évitant l’organisation de négociations par branche, vous êtes en train d’organiser une nouvelle régression sociale.