M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Sans prolonger exagérément les débats, monsieur le président, je souhaite remercier tous les sénateurs ici présents de la qualité de la discussion de fond que nous avons eue sur ces propositions de taxation des superprofits : cette discussion aura permis, je pense, d’éclairer la décision de chacun.
Je remercie évidemment les sénateurs qui se sont prononcés contre cette taxation ; vous connaissez mes convictions.
Je me contenterai de rappeler brièvement quelques éléments, en commençant par un fait : à tous ceux qui ont dit qu’il fallait, au nom de la justice, prélever de nouveaux impôts, créer de nouvelles taxes, je réponds que nous sommes, de tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le plus lourdement taxé…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous l’avez déjà dit quatre fois, passez à autre chose !
M. Bruno Le Maire, ministre. … et, de surcroît, celui qui redistribue le plus.
Je persiste et je signe, donc : taxer davantage les entreprises ou les Français n’est pas la seule solution pour améliorer la vie dans notre pays.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Autrement dit, vous êtes contre la redistribution.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je poursuis en partageant une conviction.
Ne pas taxer les très grandes entreprises qui ont fait d’importants profits au cours de la crise, ce serait – vous avez été nombreux à l’affirmer – risquer la révolte sociale.
Or il me semble que la seule révolte sociale que nous ayons connue dernièrement – c’est la seule fois, ces dernières années, où les Français sont descendus massivement dans la rue – a eu lieu précisément parce que nous avions créé une taxe supplémentaire qui était apparue excessive à leurs yeux. (M. Vincent Segouin applaudit. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous l’avions prédit !
M. Bruno Le Maire, ministre. Et il me semble que tous ceux qui, alors, n’avaient à la bouche que la taxation du carbone, la prétendue indispensable taxation supplémentaire sur laquelle, pour ma part, j’avais émis un certain nombre de réserves, auraient été bien avisés de considérer que, en France, toutes les révoltes, toutes les révolutions, viennent toujours de la surtaxation des ménages, c’est-à-dire des citoyens français. (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Vincent Éblé. Il est bien certain que taxer TotalEnergies va faire descendre les Français dans la rue…
M. Yan Chantrel. Nous parlons de taxer les grands groupes, pas les ménages !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Si on ne les taxe pas, les gens redescendront dans la rue !
M. Bruno Le Maire, ministre. L’impôt n’est pas en soi une garantie de justice. Sans contester la nécessité de lever l’impôt, je rappelle, une fois encore, que notre taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé de tous les pays de l’OCDE.
Revenons aux faits : des entreprises ont bénéficié de la situation, je le redis. Contribuent-elles ? Oui ! Vous en avez cité deux, mesdames, messieurs les sénateurs : CMA CGM, dans le secteur du transport maritime et TotalEnergies, dans celui des énergies fossiles. Ces entreprises ont bel et bien contribué ! Libre à vous d’estimer qu’elles l’ont fait insuffisamment ; vous pourrez en juger au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, mais elles ont contribué.
Or, par vos amendements, vous proposez de taxer toutes les autres entreprises d’une taille importante (Non ! sur les travées du groupe SER.), sous réserve qu’elles aient fait ce que vous appelez des « superprofits ». Et je reprends la question de Philippe Dominati : j’ai l’impression que, aux yeux de certains, tout profit est un superprofit, donc qu’il doit y avoir une taxe dès qu’il y a un profit !
M. Vincent Éblé. Quelle mauvaise foi !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il serait temps de lire les amendements qui ont été déposés…
M. Bruno Le Maire, ministre. Vous taxeriez une entreprise comme STMicroelectronics, qui crée dès à présent 1 000 emplois en Isère et qui s’apprête à en créer 4 000 autres demain ?
Les mêmes s’opposent à la baisse des impôts de production, sans voir que, grâce à cette baisse, nous avons enfin recréé des emplois dans l’industrie, rouvert des usines et relancé l’activité industrielle dans un pays qui a été victime de la désindustrialisation !
Cette voie de la baisse des impôts et de la stabilité fiscale a donné des résultats en matière de création d’emplois et de reconquête industrielle. De grâce, n’abîmons pas cette dynamique en taxant certaines entreprises sous le seul prétexte qu’elles ont fait en 2022, année exceptionnelle, des profits importants, alors même qu’elles avaient pu auparavant essuyer des pertes et qu’elles ont devant elles un horizon économique sombre, la situation internationale s’annonçant difficile en 2023 !
Je conclurai en citant les propos d’un homme qui, pourtant, a beaucoup augmenté les impôts et qui a toujours dit l’importance des prélèvements obligatoires pour la justice sociale – c’est d’ailleurs ce qui a fait sa fortune tant historique que politique : « La baisse des impôts est nécessaire, je l’ai décidée. En 1985, on paiera moins, naturellement. »
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela n’a pas marché…
M. Bruno Le Maire, ministre. « Il y aura deux sortes d’impôts qui seront diminués : l’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’impôt sur les entreprises. […] Ce sera la plus forte baisse jamais connue depuis la Libération, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est très important, c’est juste. » Ces mots furent prononcés en 1984 par François Mitterrand. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Bonhomme. C’est moche !… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 130 rectifié bis.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Union Centriste, et, l’autre, du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 132 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 177 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 227 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 249 rectifié et 320.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 182 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 250 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 134 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 282 |
Pour l’adoption | 101 |
Contre | 181 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 321, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 33,3 % » ;
2° Après le b, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …. Le taux normal de l’impôt sur les sociétés mentionné au deuxième alinéa du présent I est fixé à :
« – 20 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 38 120 € et 76 240 € ;
« – 25 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 76 241 € et 152 480 € ;
« – 30 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 152 481 € et 304 960 € ; ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. On ne va pas refaire le débat, très intéressant, que l’on vient d’avoir. Simplement, j’aimerais porter à la connaissance du Sénat une note récente de M. Patrick Artus, directeur des études chez Natexis et également membre du conseil d’administration de TotalEnergies, ce qui n’est pas anecdotique dans le débat qui nous préoccupe aujourd’hui.
Faisant une analyse de la baisse de la fiscalité du capital que ce gouvernement a choisi depuis cinq ans, il a ce constat absolument cinglant : « La baisse de la fiscalité du capital est un échec » !
Plus précisément, il rappelle que M. Macron comptait réduire la taxation du capital afin de stimuler l’investissement. Or il se rend compte que cela n’a fait qu’alimenter l’inflation des actifs, sans créer de richesse, l’effet de richesse n’ayant fait que susciter plus d’épargne et entraîner moins d’investissement.
Ainsi, sur la période, le taux d’épargne est passé de 12 % à 17 % du PIB, alors que le taux d’investissement net des entreprises reculait de 5 % à 3 %.
Que s’est-il passé ? Hormis quelques effets bénéfiques pour les levées de fonds des start-up, les investisseurs ont le plus souvent utilisé leur allégement fiscal pour investir dans des actifs déjà existants, comme les actions en bourse ou l’immobilier ancien, ce qui a fait grimper leurs prix, mais n’a pas créé de valeur nouvelle. C’est donc sans effet sur la croissance et l’emploi, ce qui vient contredire, monsieur Le Maire, vos arguments précédents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. M. Bocquet sait très bien quelle est notre position, que j’ai eu l’occasion d’évoquer en commission.
Je veux tout de même rappeler que les faits nous montrent que, depuis la baisse des taux de l’impôt sur les sociétés, le produit de cet impôt a pour l’instant augmenté, ce qui prouve bien que de telles mesures peuvent aussi créer une dynamique. Ce n’est pas uniquement la baisse en tant que telle, mais c’est aussi le signal envoyé aux acteurs économiques ; et je n’oublie pas non plus la dépense publique, qui a profité aux acteurs économiques et aux entreprises.
Selon moi, ce serait un très mauvais message adressé aux entreprises que de revenir en arrière pour augmenter de nouveau les impôts de production, alors que les comparatifs fiscaux sont toujours défavorables à la France.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 157 rectifié, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les articles du code général des impôts modifiés par les articles 8 et 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
II. – Les articles du code général des collectivités territoriales modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
III. – L’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 modifié par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
IV. – L’article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 modifié par l’article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
V. – Les IV, V et VI de l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.
VI. – Les III, IV, V et VI de l’article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, vous avez expliqué tout à l’heure qu’il y avait des impôts qui ne rapportaient rien. S’agissant des impôts de production, vous nous dites qu’il s’agit – je reprends vos mots exacts pour être correct – « d’impôts stupides ».
La baisse des impôts de production doit être poursuivie en 2023, et nous considérons pour notre part que c’est un non-sens.
C’est d’abord un non-sens au vu de son objectif, qui est de rendre nos entreprises plus compétitives. Il faudrait d’abord savoir lesquelles… Différentes études de l’Essec (École supérieure des sciences économiques et commerciales), que tout le monde connaît ici, et de l’OCDE, autant d’organisations qui ne sont pas suspectes de communisme, expliquent l’absence de corrélation entre la fiscalité économique locale et la compétitivité des entreprises.
Dans ma démonstration, je peux même appeler à la rescousse un allié assez inhabituel, en la personne du président délégué du Medef, Patrick Martin, qui estime que « ce n’est pas un sujet prédominant dans les choix d’implantation des PME : les entreprises privilégient plutôt le cadre de vie, l’environnement local, les établissements scolaires, les services parapublics et les transports. »
Or ce sont bien les impôts locaux qui permettent aux collectivités territoriales d’investir dans de telles structures, et ce sont eux qui créent un lien direct entre l’entreprise et l’écosystème local. Pourtant, votre politique va à l’encontre de l’autonomie financière des collectivités locales.
C’est ensuite un non-sens, car ces suppressions d’impôts locaux bénéficient surtout aux plus grandes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI. Là encore, c’est un problème, même pour quelqu’un qui est attaché à la stabilité fiscale : le gain moyen est de 940 euros pour une TPE, contre 9,1 millions d’euros pour les plus grandes entreprises.
Je le répète, vous nous avez dit que cette suppression allait créer des emplois industriels et que, de toute façon, ces impôts ne servaient à rien.
Aussi, monsieur le ministre, je vous demande solennellement de nous dire quel est le nombre d’emplois industriels que permettra de créer la suppression des impôts productifs. J’espère pour les Français que le solde est positif, bien évidemment.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. J’y insiste, ces impôts n’iront ni à l’État ni aux collectivités locales.
M. le président. L’amendement n° 247 rectifié, présenté par MM. Féraud, Michau, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Marie, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les articles du code général des impôts modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
II. – Les articles du code général des collectivités territoriales modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
III. – L’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 modifié par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
IV. – Les IV, V et VI de l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Cet amendement tend à s’inscrire dans la logique, qui est celle du groupe socialiste, de hausse des moyens d’action de l’État, face aux majorités présidentielle et sénatoriale qui mettent en œuvre une baisse récurrente des recettes de l’État, notamment fiscales, comme nous venons encore de le voir.
Nous pensons qu’il ne s’agit pas d’un objectif politique en soi, a fortiori dans le contexte de crise économique et sociale que nous connaissons. C’est pourquoi le présent amendement tend à revenir sur la diminution des impôts de production votée en 2020, qui représente une perte de ressources non seulement pour l’État, mais aussi pour les collectivités locales, il faut le préciser.
Je me dois aussi de signaler que le Gouvernement a diminué les impôts de production sans contrepartie pour l’emploi ou l’investissement. Notre objectif n’est donc pas idéologique. Il est seulement temps de nous doter des moyens de réguler les désordres économiques et sociaux.
M. le président. L’amendement n° 369 rectifié, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les articles du code général des impôts, du code général des collectivités territoriales et de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
II. – Les IV, V et VI de l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.
III. – Les articles du code général des impôts et la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 modifiés par l’article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. Cette mesure de baisse des impôts de production, qui est l’un de vos objectifs, profite d’abord aux plus grandes entreprises, comme vient de le souligner M. Savoldelli, mais elle limite aussi singulièrement le lien entre les territoires et la fiscalité des entreprises.
C’est un choix qui devrait interroger les sénateurs que nous sommes. Les collectivités territoriales perdent un à un leurs différents leviers fiscaux. La compensation par une fraction de TVA, qui est un impôt injuste, car proportionnel et assis sur la consommation, a un caractère moins dynamique que le prélèvement supprimé et reste non conditionnée, ce qui conduit à des effets d’aubaine.
Il importe de rétablir ce lien avec le retour des impôts de production, qui ne sont pas des éléments décisifs sur la croissance, comme le montre également une étude de la revue scientifique European Economic Review.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’avis sera défavorable sur les trois amendements.
J’ai noté la moue dubitative de notre président de séance devant la défense du dernier amendement. (Sourires.) On ne va pas revenir sur la baisse des impôts de production, pour les raisons que vous connaissez : c’est bon pour l’économie et, en termes budgétaires, cela permet de financer une partie de la baisse du taux normal d’IS.
De plus, en réponse aux auteurs de l’amendement n° 247 rectifié, j’ajoute que cela conduirait à un ressaut de prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises d’environ 7 milliards d’euros. Je pense que le moment n’est pas à ce type de décision.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Entre 2006 et 2015, la France a perdu 500 000 emplois industriels. Entre 2017 et 2022, pour la première fois depuis vingt ans, le solde d’emplois industriels manufacturiers est positif, avec 19 000 emplois créés.
M. David Assouline. C’est grâce à nous !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je veux bien que l’on m’explique tout ce que l’on veut, mais la reconquête industrielle est pour moi, pour le Gouvernement, pour le Président de la République, une priorité absolue, et je sais, monsieur Savoldelli, que ça l’est aussi pour vous.
Seulement, on ne peut pas souhaiter la reconquête industrielle, d’un côté, et, de l’autre, défendre des impôts de production qui sont encore quatre fois plus élevés qu’en Allemagne et deux fois plus élevés que dans la moyenne des pays européens.
Il faut choisir : d’un côté, les impôts de production et la répartition au bénéfice des collectivités locales des recettes de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et, de l’autre, la reconquête industrielle. Pour ma part, je choisis la reconquête industrielle, et je le dis très clairement.
C’est pour moi une priorité absolue, parce que j’estime que la désindustrialisation, dans laquelle nous portons tous une part de responsabilité, moi y compris, par manque de courage, par manque d’audace, a entraîné en France un rejet de la politique de la part des catégories populaires, un désarroi, une inquiétude, une angoisse, une désertification des territoires, une montée du Rassemblement national et de tous les extrêmes. Je le répète, nous en sommes tous plus ou moins responsables.
Je le dis, parce que je l’ai vu sur mon propre territoire, comme vous l’avez tous vu chez vous. Chaque fois qu’il y a une usine qui ferme, il y a une permanence du Rassemblement national qui ouvre. (M. Sébastien Meurant s’exclame.) C’est pour cette raison que je me bats avec autant de force sur la réduction des impôts de production.
D’expérience, en tant que ministre de l’économie, quand je discute avec une entreprise qui veut s’installer en France, celle-ci me demande avant tout si nos impôts de production sont toujours aussi élevés ou si nous allons les diminuer. Pourquoi s’installerait-elle, ici, en France, plutôt qu’en Allemagne, où les impôts sont plus faibles ? Elle s’enquiert de nos avantages, de ce que nous avons de mieux à offrir.
J’y insiste, selon moi, cette reconquête industrielle exige la baisse des impôts de production.
J’entends, en revanche, les arguments sur l’attractivité des territoires, qui sont parfaitement recevables. Vous m’interrogez pour savoir comme lier l’activité économique, l’implantation des usines, et les recettes fiscales. Cela, c’est un beau débat, parfaitement légitime, et je souhaite que nous l’ayons.
Je ne vous dis pas : « On va se contenter de baisser de nouveau les impôts de production, circulez, il n’y a rien à voir ! »
Mon discours est le suivant : je suis convaincu que la baisse des impôts de production est une condition sine qua non de la reconquête industrielle. Nous l’avons engagée et nous la poursuivrons dans le projet de loi de finances pour 2023. En revanche, il y a une vraie question sur la compensation dynamique pour les collectivités locales, afin de garantir qu’il reste intéressant pour le patron d’une collectivité locale, pour un président de région d’attirer sur son territoire des usines et des industries.
Tel est le vrai débat, que je suis tout à fait prêt à mener avec vous. Je le répète, il est légitime et fondé, mais il passe d’abord par la baisse de ces impôts.
J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.