M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avions fait pour l’accord établissant un partenariat pour la sécurité de la Coupe du monde de 2022, nous avons demandé, au nom du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, le retour à la procédure normale pour l’examen de ce projet d’accord entre la France et le Qatar relatif à l’état de leurs forces.
D’une manière générale, nous nous étonnons et nous nous inquiétons que les liens politiques, diplomatiques, militaires et économiques qui lient notre république avec la monarchie qatarienne ne fassent l’objet, pour ainsi dire, d’aucun débat au sein de notre classe politique.
Le Qatar est pourtant loin d’être un partenaire comme les autres. Rares sont les pays au monde qui respectent aussi peu les droits humains les plus fondamentaux. Et parmi eux, plus rares encore sont ceux avec lesquels nous nous entretenons une relation aussi étroite et aussi peu exigeante.
Alors qu’un nouveau mandat présidentiel commence, il nous paraît essentiel d’avoir ce débat dans notre hémicycle, afin de savoir notamment, monsieur le ministre, si vous infléchirez quelque peu la position française des cinq dernières années.
Ce texte, qui a pour ambition de renforcer la sécurité juridique des citoyens français, au premier rang desquels nos militaires, ainsi que des citoyens qataris en France, n’est pas la convention la plus problématique qui nous ait été soumise. Elle l’est beaucoup moins que notre participation déshonorante à la sécurité de la « Coupe du monde de la honte », que nous avons vivement condamnée en février dernier.
Ce texte n’est pas seulement un moyen de sécuriser la présence de militaires français au Qatar ou de militaires qatariens en France. Dépassant l’enjeu de la simple sécurité juridique, il apporte une pierre supplémentaire à l’édifice de la relation que nous construisons avec l’émirat, dont nous interrogeons le bien-fondé et dont nous condamnons l’étroitesse parfois complice.
Fort de la respectabilité internationale que lui confère l’organisation d’un événement planétaire, l’émirat se permet, par la voix d’un responsable de la sécurité de la Coupe du monde, de sommer les supporters LGBTQIA+ qui se rendront à la Coupe du monde de se tenir à carreau.
Pis encore, la presse est venue mettre en lumière les dispositions légales qataries qui condamnent à des peines allant jusqu’à sept ans de prison les relations sexuelles hors mariage et les relations homosexuelles.
Or l’article 11 de la présente convention stipule que la partie d’accueil exerce par priorité son droit de juridiction. Nous allons donc soumettre nos soldats et nos soldates à ces lois et à ces peines incompatibles avec le respect le plus basique des droits humains.
Soulagement tout de même, les alinéas 11-8 et 11-9 protègent les membres du personnel et les personnes à charge des deux États contre la peine de mort toujours en en vigueur au Qatar et contre les traitements inhumains et dégradants, au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Pour tenter de nous rassurer, le rapport de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale faisait preuve d’un manque d’exhaustivité qui confinait à la partialité et a été dénoncé comme tel, notamment par notre estimée ancienne collègue Marie-George Buffet. Celui de la commission du Sénat, en version simplifiée, n’est pas non plus à la hauteur de la responsabilité qu’induit le renforcement d’un tel partenariat.
Si la France souhaite établir avec le Qatar un dialogue lucide et exigeant sur les droits humains, elle n’y parviendra certainement pas en fermant les yeux sur les châtiments corporels, la soumission des femmes, les discriminations ou encore les conditions de travail ayant entraîné la mort, cela a été rappelé, de près de 6 500 ouvriers esclaves sur les chantiers de la Coupe du monde.
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteur. Ce n’est pas le sujet !
M. Guillaume Gontard. Pour toutes ces raisons, et compte tenu de la dynamique globale dans laquelle il s’inscrit, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre cet accord. Au-delà, il réitère son appel au boycott diplomatique de la Coupe du monde de 2022 : même en période de crise énergétique, tous les reniements ne sont pas autorisés. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous est demandé d’approuver le projet de loi autorisant l’accord entre la France et le Qatar relatif au statut de leurs forces armées.
Dans cet accord figurent un certain nombre de clauses visant notamment à sécuriser juridiquement les ressortissants français sur place, face, en particulier, à la peine de mort ou à des traitements inhumains et dégradants, mesures toujours appliquées par la justice féodale qatarie.
C’est dire d’emblée la haute estime dans laquelle nous tenons la justice de ce pays que de devoir adopter un tel statut. Mais cela n’empêche pas certains d’entre nous de continuer à qualifier le Qatar de « partenaire stratégique ».
Comme l’avaient souligné nos collègues députés communistes à l’Assemblée nationale, cet accord n’est pas un simple texte technique. Il s’inscrit de fait dans une collaboration étroite entre les forces armées françaises et qataries, dans la continuité de notre alliance avec ce pays. Ainsi, ces dernières années, pour ne citer qu’un exemple, quelque 230 Qataris ont été formés sur l’avion Rafale sur la base aérienne de Mont-de-Marsan.
La relation de la République française au Qatar doit pour le moins nous interroger. Au Qatar, même si quelques mesurettes ont été prises récemment sur les questions sociales, la situation reste proprement catastrophique et inhumaine du point de vue du respect des droits, en particulier pour les femmes et pour les millions de travailleurs étrangers, qui représentent, pour rappel, 80 % de la population de ce pays.
Si la situation des travailleurs étrangers s’améliore quelque peu, notamment grâce à l’autorisation de changer d’emploi, ces derniers sont soumis à des conditions qualifiées par toutes les associations de défense des droits humains de « travail forcé ». Dans l’écrasante majorité des cas, ils sont payés au lance-pierre, sur la base de contrats que l’employeur ne respecte pas, quand ils existent, dans un pays quasiment dépourvu de tout droit du travail et où les syndicats et les partis sont de fait interdits.
Cette situation a été révélée au grand jour à l’occasion des chantiers de la prochaine Coupe du monde de football. Alors que l’on parle de plusieurs milliers de morts, personne désormais ne peut faire comme s’il n’était pas au courant.
Par ailleurs, ce texte s’insère dans une coopération militaire qui tend à se développer et qui se traduit par d’importantes exportations de matériels militaires français vers le Qatar.
Cela a été rappelé en commission : « D’après le dernier rapport au Parlement sur le sujet, le Qatar était le troisième client de la France pour la période 2016-2020, avec 18 % des commandes d’armes françaises. Ces dernières années, le pays a notamment signé deux contrats pour l’acquisition de 36 Rafale. »
Or cette relation militaire, comme celles que nous entretenons avec les autres pétromonarchies du Golfe, pose de graves problèmes. Ces pays, qui vivent de rentes pétrolières sans avenir et méprisent les droits humains, peuvent-ils être réellement des alliés stratégiques stables pour la France, d’autant qu’ils usent tous, à commencer par le Qatar, de relations troubles dans les zones de guerre et avec les forces djihadistes ?
À ce sujet, permettez-moi de rappeler que Doha a accueilli pendant des années, pendant la guerre en Afghanistan, la représentation politique des talibans.
Mme Nathalie Goulet. Exact !
M. Pierre Laurent. C’est d’ailleurs depuis ce pays que, le 17 août 2021, alors que les États-Unis se retiraient d’Afghanistan, le mollah Abdul Ghani Baradar, cofondateur des talibans et numéro deux de ce mouvement, a rejoint à bord d’un avion militaire qatari la ville de Kandahar et a fait son grand retour dans le pays.
Vous comprendrez donc que, sans être opposés aux dispositions techniques de cet accord, dont bénéficieront les ressortissants français, nous considérons que ce texte s’inscrit directement dans la relation toxique de la France avec le Qatar. C’est en ce sens que nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cadic. Monsieur le ministre, permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter la bienvenue. En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, qui relèvent de vos attributions ministérielles, je suis heureux de vous accueillir. Soyez assuré que nous serons à vos côtés pour le bon accomplissement de votre mission.
Nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar, destiné à renforcer le cadre juridique de nos coopérations militaires.
Le Qatar et la France entretiennent des relations bilatérales depuis la déclaration d’indépendance du pays en 1971. Elles se sont développées, au début des années 1990, dans le domaine de la sécurité et des hydrocarbures.
La volonté qatarienne de diversifier l’économie du pays et de réduire sa dépendance à la rente gazière a permis d’élargir le spectre de nos coopérations à de nombreux secteurs : dans le domaine économique, avec par exemple le métro de Doha, que j’ai eu le privilège de visiter – ouvrage exceptionnel issu d’un partenariat entre RATP Dev, la SNCF et un partenaire local –, dans le domaine de l’aéronautique, avec les Airbus, mais aussi dans les secteurs de la culture, avec le Musée national du Qatar conçu par l’architecte Jean Nouvel en forme de rose des sables, ou de l’éducation, avec le lycée franco-qatarien Voltaire ou le lycée Bonaparte.
Plus précisément dans le domaine de l’industrie et de la défense, le Qatar était, pour la période 2016-2020, le troisième client de la France, représentant 18 % des commandes d’armes françaises.
En parallèle de ces contrats, des formations sont dispensées aux forces armées qatariennes. Environ 230 Qatariens ont été formés sur la base de Mont-de-Marsan, et une quarantaine de soldats ont par ailleurs suivi des études dans les écoles militaires françaises.
L’accord qui nous est présenté aujourd’hui a été signé à Doha le 25 novembre 2019, dans le cadre d’une visite de Mme Florence Parly, alors ministre des armées. Adopté en commission le 9 janvier dernier, il a pour but de renforcer le cadre juridique de la relation bilatérale de défense entre la France et le Qatar. Ses dispositions s’appliqueront aux personnels militaires, ainsi qu’aux personnels civils appelés à se déplacer dans le cadre de contrats d’armement.
La coopération de sécurité et de défense entre la France et le Qatar constitue un pilier de la relation bilatérale. La signature, le 4 mai 2015, du contrat portant sur l’achat de 24 avions Rafale, puis le déblocage de l’option pour 12 Rafale supplémentaires en décembre 2017 en sont l’illustration.
À cela s’ajoute l’accord, soumis au Sénat par le Gouvernement et adopté par notre assemblée le 15 février dernier, qui est destiné à accompagner les forces de sécurité qatariennes dans la préparation et la conduite de la Coupe du monde de football de 2022.
Le texte qui nous est présenté aujourd’hui renforce le cadre juridique de nos coopérations militaires avec le Qatar. Or l’absence de cadre constitue un réel frein à l’approfondissement de nos relations bilatérales. Elle rendrait impossible, par exemple, la mise en œuvre de plus de la moitié des actions prévues par le plan annuel de coopération franco-qatarien.
L’accord est équilibré. Il est conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles. Cette précision est importante, car, cela a été dit, la peine de mort est toujours en vigueur au Qatar. Même si le pays applique depuis 2003 un moratoire sur les exécutions, l’exécution d’un ressortissant népalais condamné à mort pour meurtre en 2020, démontre qu’elle peut toujours être appliquée.
L’article 11 de l’accord protège les membres du personnel et les personnes à charge des deux États contre la peine de mort et contre les traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Président du groupe d’amitié France-Pays du Golfe, j’ai eu le privilège de faire partie de la délégation qui a accompagné Emmanuel Macron pour ses visites de travail aux Émirats arabes unis, dans l’État du Qatar et au Royaume d’Arabie Saoudite en décembre dernier.
J’ai pu mesurer à plusieurs reprises la qualité et la profondeur des relations construites par le Président de la République entre la France et les monarchies du Golfe. Elles permettent de concrétiser des résultats économiques spectaculaires, qui renforceront l’emploi en France.
Le Qatar est un allié stratégique de la France dans une région connaissant de fortes tensions, un allié de la France dans la lutte contre le terrorisme, un allié au Sahel, où il a été d’un grand soutien logistique, un allié encore en Afghanistan, lors de l’opération Apagan, en août dernier.
Comme l’a fait la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le groupe Union Centriste votera donc pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Becht, ministre délégué. Je souhaite apporter quelques éléments de clarification à l’égard de MM. Gontard, Laurent et Vallet.
Le Qatar est évidemment un partenaire stratégique de la France, mais cela n’exclut pas un dialogue continu et nourri avec ce pays, notamment sur les questions des droits humains, en coopération avec nos partenaires européens et dans le cadre des organisations internationales.
Un certain nombre de réformes ont été conduites en matière de droit du travail, avec le soutien de l’Organisation internationale du travail. L’instauration d’un salaire minimum, précédemment mentionnée, figure notamment parmi ces avancées.
Bien entendu, de nombreux progrès restent à accomplir. Le Gouvernement sera très attentif à ce qu’ils puissent continuer à se réaliser, dans le cadre du dialogue continu, constant et nourri que nous entretenons avec le Qatar.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de l’état du qatar relatif au statut de leurs forces
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar relatif au statut de leurs forces, signé à Doha le 24 novembre 2019, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le résultat du vote n’en sera pas bouleversé, mais, pour ma part, je ne voterai pas ce texte.
Mon mari a créé le groupe d’amitié avec les pays du Golfe, que j’ai moi-même présidé. Comparativement à la situation que je décrivais dans mon rapport consacré à la base militaire d’Abu Dhabi – la question de la peine de mort y a longtemps été ignorée –, cette convention contient certes une avancée.
Toutefois, apporter un tel soutien logistique à un pays qui soutient non seulement les talibans, mais aussi les Frères musulmans, au moment où nous travaillons à combattre l’islam politique, me semble être une hérésie complète.
De même, dans la période que nous traversons, ne jamais émettre la moindre réserve sur les conventions signées avec le Qatar, y compris les conventions fiscales qui font de la France un paradis fiscal pour ce pays, me semble tout à fait inacceptable.
Je comprends très bien le business as usual et la nécessité de vendre des armes, mais nous devrions tout de même être plus exigeants !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar relatif au statut de leurs forces.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2021
Rejet en procédure accélérée d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (projet n° 787, rapport n° 792).
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur ce projet de loi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Discussion générale
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons pour l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 après son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale.
Il s’agit d’une forme de passage obligé de la procédure budgétaire. Ce texte ne fait, ni plus ni moins, que prendre acte de ce qui s’est passé sur le plan budgétaire l’an dernier, mais c’est toujours un moment intéressant pour mesurer, d’une part, le chemin parcouru, et, d’autre part, celui qui nous reste à parcourir.
L’année 2021 a constitué, dans le monde, une période de montagnes russes sur le plan sanitaire, avec des conséquences en chaîne sur la production et l’approvisionnement, donc sur les prix.
Dans cet environnement marqué à la fois par la reprise et par l’instabilité, l’exécution budgétaire de l’année 2021 illustre les trois principes qui, hier comme aujourd’hui, sont la boussole de notre action : protéger, relancer et maîtriser.
La reprise de l’économie française – une croissance de 6,8 % l’an dernier – a été supérieure de 1,4 point à la moyenne européenne, ce dont nous devons collectivement nous féliciter. Mais 2021 n’a pas uniquement été l’année du rebond. Plusieurs dérèglements sont apparus au fil des mois. Certains sont liés aux résurgences épidémiques, notamment à la vague du variant omicron à l’automne, d’autres à la reprise elle-même, en raison d’un phénomène de surchauffe économique. Ces dérèglements ont eu une conséquence : nous faire redécouvrir le fléau de l’inflation, que nous combattons vigoureusement pour protéger les Français.
Les tensions inflationnistes datent non pas de l’invasion de l’Ukraine, mais de l’automne 2021. Devant cette nouvelle donne, le Gouvernement a réagi sans tarder : blocage des prix du gaz et de l’électricité, indemnité inflation de 100 euros versée à 38 millions de personnes, chèque énergie exceptionnel. Ces mesures prises, pour certaines, dès septembre ou octobre 2021 nous ont permis de contenir les hausses qui pèsent sur le portefeuille des Français, même si nous savons que la situation est très difficile pour nombre d’entre eux.
Certaines de ces dispositions ont bien sûr eu un impact direct sur les finances publiques de l’année 2021. C’est la raison pour laquelle une seconde loi de finances rectificative a été présentée en novembre dernier. Elle prévoyait notamment l’ouverture de 3,8 milliards d’euros de crédits de paiement pour financer l’indemnité inflation que je viens d’évoquer, ou encore de 600 millions d’euros pour le chèque énergie exceptionnel qui a été versé à 5,8 millions de ménages modestes en décembre dernier.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, un aperçu de l’environnement dans lequel nous avons évolué et des menaces que nous avons eu à affronter. Mais, tout au long de 2021, trois principes ont guidé notre action : protéger, relancer et maîtriser.
Nous voulons protéger, tout d’abord. Oui, en 2021, nous avons poursuivi l’effort pour contrer les effets de la crise du covid, en adaptant constamment nos dispositifs au contexte sanitaire et économique. Nous l’avons fait notamment au travers de deux lois de finances rectificatives adoptées en juillet et novembre, qui ont ouvert près de 11,5 milliards d’euros de crédits supplémentaires.
Permettez-moi de partager avec vous un constat : les mesures de protection sanitaire assorties de restrictions d’activité décidées pour limiter la circulation du virus auraient eu des effets plus dramatiques encore si nous ne les avions pas contrées par de puissants mécanismes de soutien.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cela n’a rien à voir avec le sujet !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je pense notamment au fonds de solidarité et à l’activité partielle, que nous avons su mettre à disposition des acteurs économiques au bon moment, pour ensuite les faire progressivement disparaître à mesure que la vaccination et le passe sanitaire nous ont permis de lever les restrictions.
Je pense également aux mesures qui nous ont permis de protéger le mieux possible le pouvoir d’achat des Français, comme le versement d’une indemnité inflation de 100 euros à 38 millions de nos concitoyens – je viens de l’évoquer – ou la prolongation pour les étudiants boursiers du ticket de resto U à 1 euro instauré depuis la rentrée 2020.
Au titre du budget de l’État, ce sont 34,4 milliards d’euros de crédits qui ont été mobilisés l’année dernière sur la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire ». Composée de quatre programmes, celle-ci a permis de financer l’activité partielle, le fonds de solidarité pour les entreprises, le renforcement des participations de l’État au capital d’entreprises publiques fragilisées par la crise, la compensation à la sécurité sociale des allégements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire et l’achat de matériels sanitaires pour faire face à la pandémie.
Permettez-moi de partager quelques chiffres pour illustrer la manière dont nos dispositifs ont évolué au gré du contexte sanitaire et de la situation économique.
S’agissant de l’activité partielle, le retour progressif au dispositif de droit commun s’est traduit par une baisse significative du nombre d’entreprises ayant bénéficié du dispositif. Au cours de l’année 2021, près de 500 000 entreprises y ont eu recours, contre un peu plus de 1 million lors du premier confinement. C’est une bonne nouvelle, puisque cela traduit l’amélioration en 2021 de la situation de nombre d’entreprises.
S’agissant du fonds de solidarité, ce mécanisme traduit l’effort sans précédent conduit en 2021 pour répondre aux besoins des entreprises touchées par la crise sanitaire et mettre en œuvre des aides plus ciblées offrant une compensation pour les plus grandes entreprises, celles dont les coûts fixes sont particulièrement importants, ou encore celles qui sont soumises à une forte saisonnalité – je pense notamment aux acteurs de la montagne, pour lesquels un plan spécifique a été mis en place. Ce sont ainsi près de 27 milliards d’euros qui ont été exécutés sur le programme en 2021.
En ce qui concerne les prêts garantis aux entreprises, les fameux PGE, ceux-ci recouvraient un engagement de l’État à hauteur de 93 milliards d’euros au 31 décembre dernier, soit une légère baisse par rapport à la fin de 2020 – il s’agissait alors de 100 milliards d’euros. Cette diminution est liée, d’une part, aux remboursements intervenus, et, d’autre part, à la diminution du montant de la provision pour risque d’appel en garantie, compte tenu de la nette amélioration de la situation financière des entreprises bénéficiaires – c’était justement l’objet de ces prêts.
Nous entendons protéger, tout d’abord, et ensuite relancer. L’année 2021 a été placée sous le signe de la relance, et l’exécution budgétaire que nous vous soumettons en atteste. Dans la période que nous avons vécue, l’enjeu n’était pas uniquement de parer à l’urgence ; il s’agissait aussi de préparer l’avenir. C’est ce que nous avons fait. L’État est donc protecteur, mais également stratège, avec les 100 milliards d’euros du plan de relance mis en œuvre depuis l’été 2020.
Je veux souligner devant vous la célérité dans la mise en œuvre de ce plan et les résultats obtenus. Nous avons su aller vite, puisque nous avons atteint, dès la fin de 2021, un niveau d’engagement – 72 milliards d’euros – et de décaissement – 42 milliards d’euros – supérieur aux cibles fixées.
Concernant ce plan de relance, je veux rappeler qu’un amendement a été introduit à l’Assemblée nationale au présent projet de loi de règlement, sur l’initiative du groupe socialiste. Il tend à prévoir la remise d’un rapport au Parlement en mai prochain, afin de permettre à la représentation nationale d’opérer un suivi sur le coût complet de chaque action et sous-action des trois programmes de la mission « Plan de relance » ouverts en 2020, 2021 et 2022.
Sans attendre mai prochain, je veux d’ores et déjà partager avec vous un certain nombre de réalisations.
En matière de transition énergétique, tout d’abord, sur l’ensemble de l’année, 765 000 ménages ont formulé une demande au titre de MaPrimRénov’ pour améliorer l’efficacité énergétique de leur logement.
En matière de compétitivité, ensuite, en 2021, environ un tiers des entreprises industrielles françaises a été soutenu, notamment à travers le dispositif Industrie du futur – près de 7 900 entreprises bénéficiaires à la fin de 2021, dont 90 % de TPE et PME – ou encore le programme Territoires d’industrie – plus de 1 300 projets lauréats. Je sais que, comme moi lorsque je me déplace sur le terrain, vous voyez des exemples de ces projets dans vos départements.
En matière de cohésion, enfin, je veux souligner que, l’année dernière, 4 millions de jeunes ont directement bénéficié du plan « 1 jeune, 1 solution », notamment grâce à l’aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis qui a permis un flux d’entrées historique en apprentissage – plus de 732 000 jeunes à la fin de 2021. Je veux rappeler que le nombre de contrats d’apprentissage signés chaque année était inférieur à 300 000 au moment de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017.
Sans aucun doute, ces politiques ont puissamment contribué à la reprise de l’activité l’année dernière, permettant à la France d’être le seul grand pays européen à avoir retrouvé son produit intérieur brut (PIB) d’avant-crise dès le troisième trimestre de 2021.
Certains évoqueront sans doute un simple effet de rattrapage après la contraction exceptionnelle de notre produit intérieur brut constatée en 2020.