Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour examiner la proposition de loi relative à l’innovation en santé, présentée par Catherine Deroche et Annie Delmont-Koropoulis.
Ce texte s’inscrit dans le prolongement des recommandations formulées par la commission des affaires sociales dans ses rapports sur l’accès précoce aux médicaments innovants et sur l’innovation en santé. Il a pour objectif de renforcer l’évaluation éthique de la recherche en santé et d’améliorer les conditions d’accès aux thérapies innovantes.
La crise sanitaire a rappelé l’importance du secteur de la santé, élément stratégique de souveraineté.
Notre pays – celui de Pasteur ! – n’a pas été en mesure de produire un vaccin contre le covid : c’est sans conteste un symptôme de notre déclassement dans le développement et la production de thérapies innovantes.
Force est de constater le constant recul de la France dans le domaine de la recherche médicale et de l’innovation. Au titre des publications, notre pays est ainsi passé, en la matière, de la cinquième place en 2000 à la sixième en 2010 et la dixième en 2019.
Comment expliquer cet effacement progressif ?
Depuis 2011, les crédits publics consacrés à la recherche ont baissé de 28 % ; mais l’aspect budgétaire n’explique pas tout et un simple effort financier ne suffira pas pour que notre pays retrouve une recherche forte dans le domaine de la santé.
On observe, en France, une véritable dynamique des entreprises du secteur de la santé. En revanche, il manque une coordination entre cette dynamique, d’une part, et, de l’autre, la capacité de notre système de soins et de l’ensemble des acteurs des autorités sanitaires à accompagner l’innovation en santé.
En outre, on ne peut concevoir l’innovation qu’en replaçant les patients au cœur du dispositif. Ces derniers doivent avoir accès rapidement aux innovations et, à cet égard, le présent texte propose quelques solutions.
Tout d’abord, il est nécessaire de réunir les conditions d’un développement de la recherche en santé. C’est l’objectif du titre Ier de cette proposition de loi, qui ambitionne de rénover l’évaluation éthique de la recherche en santé.
L’article 1er vise ainsi à faciliter le déploiement d’essais cliniques en ambulatoire, en autorisant leur réalisation au domicile des personnes participant aux recherches et en permettant au promoteur de désigner des investigateurs chargés de coordonner la recherche par site ou territoire, plutôt que par lieu.
L’article 2 renomme les comités de protection des personnes afin d’introduire la notion d’éthique dans leur dénomination, conformément à ce qui se pratique chez nos voisins.
L’article 3 propose de rattacher systématiquement ces comités à un centre hospitalier universitaire, afin de leur garantir les moyens matériels nécessaires à l’exercice de leurs missions. Il prévoit également la spécialisation de certains CPP en pédiatrie et en maladies rares. Il s’agit là de compétences spécifiques, dont la bonne identification permettra de soutenir le développement des recherches.
Les articles 11 à 13 visent à faire du développement de la médecine personnalisée un objectif commun aux politiques de recherche et de santé publique.
L’article 14 introduit un mécanisme original visant à mieux prendre en charge le diagnostic d’un cancer.
La dernière partie du texte est relative aux données de santé. Les données sont un enjeu majeur d’évaluation des médicaments et des dispositifs médicaux, car elles permettent un suivi de ces derniers en vie réelle. En 2019, le Health Data Hub a été créé, afin de regrouper toutes les données de santé françaises.
L’article 20 de la proposition de loi prévoit d’intégrer dans les finalités du Health Data Hub l’évaluation de l’efficacité en vie réelle des traitements. L’analyse de ces données contribuera à évaluer les innovations et leur intérêt pour les patients.
Pour que l’exploitation des données soit efficace, les chercheurs doivent disposer de données à jour, afin de mieux rendre compte de l’état de santé des Français et de leurs besoins médicaux.
Le sujet est sensible, et il est essentiel de sécuriser l’exploitation de ces données de santé.
Or, six mois après la création du Health Data Hub, l’hébergement des données a été confié par le Gouvernement et sans appel d’offres à la plateforme Microsoft : multinationale américaine soumise aux lois extraterritoriales américaines, notamment au Cloud Act, qui oblige les entreprises américaines ou opérant aux États-Unis à communiquer des données à l’administration américaine, même si celles-ci ne sont pas stockées sur le sol américain ou ne concernent pas le citoyen américain…
Je me réjouis donc que les articles 21 et 22 renforcent les garanties des patients quant à l’usage de leurs données personnelles de santé.
Ainsi, l’article 21 interdit l’usage de ces données par les organismes complémentaires à des fins de sélection des risques et l’article 22 vise à sécuriser le stockage des données de santé en réservant leur hébergement et leur gestion à des opérateurs relevant exclusivement de la juridiction de l’Union européenne.
Ce texte comporte des avancées majeures pour l’innovation en matière de santé, l’accès des patients aux traitements innovants et la protection des données des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi relative à l’innovation en santé a été déposée au Sénat par la présidente Catherine Deroche. Elle s’inscrit dans le prolongement des recommandations formulées par la commission des affaires sociales depuis 2018.
Je citerai particulièrement le rapport d’information sur la refondation de l’écosystème français et européen de l’innovation en santé, présenté en juin dernier par nos collègues Annie Delmont-Koropoulis et Véronique Guillotin. Je tiens à les remercier de leur engagement dans l’organisation des nombreuses auditions auxquelles nous avons pu assister.
Ces auditions portaient sur un texte au contenu dense, qui, pour des non-experts comme moi, est très technique. La simple compréhension des abréviations – CEPS, SNDS, ANSM, CESREES, AMM, HAS, etc. – exige une formation en vulgarisation scientifique !
Néanmoins, ce texte s’inscrit paradoxalement dans une démarche de simplification des procédures d’accès des patients aux médicaments innovants.
Force est de constater que le retard français est significatif dans le développement et la production de thérapies innovantes, malgré les efforts déployés en matière académique, industrielle et de recherche. Afin de reconstruire notre appareil d’innovation en santé, cette proposition de loi mérite d’être prise en considération, puisqu’elle entend renforcer l’évaluation éthique de la recherche en santé, améliorer les conditions d’accès aux thérapies innovantes et faciliter le déploiement d’essais cliniques.
Nous ne pouvons qu’apprécier la contribution de la politique nationale de recherche à l’amélioration de la qualité de vie des patients et au renforcement de la souveraineté et de la sécurité sanitaires. L’adaptation des actions de prévention et des stratégies diagnostiques et thérapeutiques aux spécificités des patients constitue également une avancée importante.
Nous saluons l’introduction dans le code de la santé publique du concept de médecine personnalisée. Le texte prévoit en effet l’intégration, dans la stratégie nationale de recherche, d’un volet relatif à la recherche et à l’innovation thérapeutique incluant un programme dédié à la médecine personnalisée, en coordination avec la politique de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation.
En ce qui concerne l’accès des patients aux médicaments innovants, en attendant de disposer de données cliniques suffisantes et pertinentes pour évaluer l’amélioration du service médical rendu par tel ou tel médicament présentant une efficacité et répondant à un besoin thérapeutique majeur au regard des autres possibilités existantes, le texte contient plusieurs propositions.
La fixation du prix de ce médicament pourra tenir compte à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, d’une évaluation par la Haute Autorité de santé de sa valeur thérapeutique relative. En outre, l’évaluation de l’amélioration du service médical rendu par les médicaments innovants tient compte des données en vie réelle, en complément des résultats des essais cliniques des industriels.
S’agissant des données de santé, les titulaires d’une autorisation de mise sur le marché ou les exploitants d’un traitement peuvent, pour évaluer son efficacité en vie réelle, accéder sous certaines conditions aux données de santé du système national des données de santé.
Afin de mieux encadrer cet accès, l’article 20 le conditionne à la remise annuelle à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’une étude évaluant les effets de la prescription des produits, c’est-à-dire la tolérance du patient et l’efficacité du traitement.
Ce dispositif a été complété par un amendement de notre collègue rapporteure visant à conditionner l’accès à ces données sensibles et précieuses à la validation d’un protocole de recherche par le comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé. Cet encadrement nous semble nécessaire.
Enfin, le texte renforce les garanties des citoyens-patients quant à l’usage de leurs données personnelles de santé et interdit l’usage de ces données par les organismes gérant les complémentaires à des fins de sélection des risques.
L’article 22 sécurise aussi le stockage des données de santé en réservant leur hébergement et leur gestion à des opérateurs relevant exclusivement de la juridiction de l’Union européenne. L’innovation en santé devrait par ailleurs être encouragée pour toutes les pathologies, y compris la maladie de Lyme et les maladies rares du système immunitaire.
Enfin, cette proposition de loi vise à résoudre des problèmes existants. Il s’agit d’un ajustement qui va dans le bon sens. Comme ma collègue Nadia Sollogoub l’a indiqué précédemment, le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise a montré que se soigner constituait, plus que jamais, le premier sujet de préoccupation et d’actualité des Français et le premier sujet de discrimination entre eux. Elle a aussi révélé un certain nombre de nouvelles méthodes, car elle a tout chamboulé.
Madame la ministre, votre collègue, le secrétaire d’État Adrien Taquet expliquait tout à l’heure que la téléconsultation avait été une solution innovante.
Or il n’y a pas plus injuste ! La différence d’accès à cet outil selon les territoires est complètement inacceptable. Si, en certains lieux, la téléconsultation est possible – à condition toutefois que la fibre arrive –, d’autres manquent des équipements nécessaires. Il faudrait déployer un plan spécifique sur ce sujet, pour accélérer le déploiement de la fibre, dispenser des formations et soutenir financièrement les installations. En effet, si l’on veut que la téléconsultation soit réellement une solution, il faut qu’elle soit de même accès pour tous les habitants de ce pays.
La crise a révélé deux choses. Je profite de cette tribune pour les rappeler, car elles me semblent essentielles.
Elle a dévoilé tout d’abord certains manques. Je ne parle pas du curare ou des masques, que personne n’imaginait avoir à utiliser en excès comme nous le faisons depuis des mois. Je parle de produits tout à fait basiques comme la bétaméthasone ou de certains stocks d’aspirine, qui, ce matin encore, manquaient en officine, alors qu’ils ne coûtent que quelques dizaines d’euros.
La crise a surtout mis en évidence un déficit de moyens humains. Nous en avons tous conscience, car nous en recevons tous le témoignage dans nos quartiers ou nos territoires ruraux. Ils manquent de moyens !
Avant de nous préoccuper des solutions « data », « 3.0 » ou « tout numérique », rappelons-nous que rien dans le diagnostic ne remplacera l’écoute, l’humain ou le regard tenant compte de l’environnement – toutes choses qui sont susceptibles de concerner, demain, tout patient.
Madame la ministre, où en sommes-nous en matière de démographie médicale ? Il faut considérer ce sujet avec beaucoup d’humilité, car nous connaissons le constat et les chiffres. Mais au moment où nous parlons d’innovation en santé, nous pouvons aborder certaines pistes.
Ce qui serait innovant, madame la ministre, ce serait d’envisager de plafonner les installations dans les territoires surdotés pour pouvoir les déverser dans les territoires sous-dotés. Je ne cesse de rabâcher sur ce thème, mais il existe des moyens réglementaires pour le faire, au travers du conventionnement sélectif temporaire.
Ce qui serait innovant, ce serait de permettre aux pharmaciens d’officine de renouveler systématiquement tout traitement s’appuyant sur une première prescription faisant état d’un diagnostic avéré.
Ce qui serait innovant, ce serait de mobiliser les personnels de santé des armées. J’ai interrogé vos collègues du Gouvernement pour savoir quel était l’état de ces personnels, médecins militaires et infirmiers et si nous pouvions les utiliser dans les endroits souffrant de carences.
Ce qui serait innovant, ce serait de prendre enfin – à la suite de la proposition de la sénatrice Corinne Imbert – le décret qui est attendu depuis trois ans, me semble-t-il, concernant le déploiement d’internes en médecine en milieu rural.
Des solutions existent donc. Je ne dis pas que tout a été mal géré durant la crise. Il faut en la matière beaucoup d’humilité : aucun de nous ne s’y attendait ni n’avait été formé pour y répondre.
Cependant, il y a des priorités. La santé en fait partie. Il faut donc beaucoup de courage et d’audace pour que l’innovation en santé réponde aux attentes des habitants de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue tout d’abord le travail de Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, et d’Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure, qui sont à l’initiative de cette proposition de loi relative à l’innovation en santé.
Ce texte est issu d’un travail de fond, mené en lien avec la sénatrice Véronique Guillotin. Ma chère collègue, vous aviez en effet présenté en juin dernier un rapport d’information dressant le bilan du Conseil stratégique des industries de santé, le CSIS, de 2018, afin de préparer celui de 2021. Le constat que vous dressiez était celui du « déclassement de la France dans le développement et la production de thérapies innovantes en dépit de ses qualités académiques, industrielles et de recherche ».
La souveraineté sanitaire de notre pays exige un effort massif pour accompagner le virage des biotechnologies. Elle réclame également une politique de soutien à l’appareil industriel pour favoriser l’émergence de clusters d’envergure internationale. La recherche doit aussi rejoindre les standards internationaux en matière de financement. C’est un enjeu capital !
La proposition de loi vise notamment à rénover l’évaluation éthique de la recherche en santé, à préciser les objectifs de la politique de recherche et de santé publique, à faciliter l’accès aux médicaments et aux traitements innovants et à mieux encadrer l’utilisation des données de santé.
Ce texte tend à lever un certain nombre de freins à l’innovation en santé et va dans le bon sens. Je salue en particulier les dispositions relatives à l’espace numérique de santé, qui doit permettre de favoriser la prévention ainsi que la qualité et surtout la coordination des soins, fondamentale tant pour les patients que pour des raisons économiques.
Je voudrais revenir sur les articles 21 et 22 du texte.
L’article 21 interdit l’usage des données de santé par les organismes complémentaires à des fins de sélection des risques. La commission a réécrit cet article, afin d’étendre l’application de l’une des finalités interdites existant pour l’usage des données du système national des données de santé à l’ensemble des données personnelles de santé. Je salue cette réécriture.
L’article 22 vise à sécuriser le stockage des données de santé, en réservant leur hébergement et leur gestion à des opérateurs relevant exclusivement de la juridiction de l’Union européenne. Cependant, comme l’a rappelé Mme la rapporteure, il n’existe pas encore de solution technique souveraine à même de remplacer Microsoft Azure, l’outil auquel la plateforme des données de santé a recouru pour héberger et gérer les données du système national.
M. le secrétaire d’État a rappelé tout à l’heure dans son intervention liminaire que les données étaient stockées en France. Je rappelle toutefois que, dans un avis du 3 février dernier, le conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM, réclame un appel d’offres pour la plateforme des données de santé.
Le conseil de la CNAM souhaite en effet qu’un appel d’offres, assorti de la mise en place d’une commission indépendante, soit prévu pour choisir un nouvel hébergeur en remplacement de Microsoft, pour accueillir cette plateforme qui doit regrouper toutes les données de santé de nos compatriotes.
Cet avis intervient alors que le projet est en suspens depuis fin décembre, le Gouvernement ayant alors retiré sa demande d’autorisation à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, indispensable à la pleine mise en œuvre de la plateforme. Ce repli temporaire justifié par des motifs techniques permet aussi d’éviter un désaveu sur un sujet sensible pour le Gouvernement en pleine campagne présidentielle.
Le Conseil d’État a reconnu, dans une ordonnance du 13 octobre 2020, l’existence d’un risque de transfert de données issues de la plateforme des données de santé vers les États-Unis, du fait de la soumission de Microsoft au droit américain, et a demandé que des garanties supplémentaires soient mises en place. La CNIL, qui partage cette inquiétude, a estimé que ce risque devait disparaître.
Le secrétaire d’État Adrien Taquet a relevé ce risque tout à l’heure au début de la discussion générale. Il nous faut des réponses précises. Le Gouvernement doit être précis sur ce sujet. Il s’agit d’un enjeu de souveraineté.
Le Parlement, en particulier le Sénat, doit être vigilant sur cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à l’innovation en santé
TITRE Ier
DÉVELOPPER LA RECHERCHE EN SANTÉ
Chapitre Ier
Rénover l’évaluation éthique de la recherche en santé
Article 1er
Le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au huitième alinéa de l’article L. 1121-1, le mot : « lieux » est remplacé par les mots : « sites ou territoires » et sont ajoutés les mots : « par site ou territoire » ;
2° L’article L. 1121-13 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les domiciles des participants aux recherches sont, pour l’application du présent alinéa, considérés comme des lieux de soins, et peuvent se prêter à la réalisation d’actes de télémédecine, au sens de l’article L. 6316-1. »
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités d’organisation du transport sanitaire des mineurs sollicités pour se prêter à des recherches vers des lieux tels que mentionnés au premier alinéa du présent article sont arrêtées par l’agence régionale de santé. »
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
L’intitulé du chapitre III du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Comités d’éthique de la recherche et de protection des personnes ». – (Adopté.)
Article 3
Le premier alinéa de l’article L. 1123-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le mot : « comités », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « d’éthique de la recherche et de protection des personnes, dont certains disposent d’une compétence renforcée en pédiatrie, ainsi que dans les maladies rares. » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Chaque comité a son siège dans un établissement public ou un établissement de santé public ou privé d’intérêt collectif. »
M. le président. L’amendement n° 27, présenté par Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Notre fil conducteur en ce qui concerne l’évaluation utile des recherches biomédicales et plus particulièrement des études cliniques réside dans l’équilibre entre l’objectif d’une meilleure efficacité et la garantie de l’indépendance des comités de protection des personnes, les CPP.
Or, à nos yeux, cet équilibre est atteint, au moyen de la plateforme de centralisation pour la soumission des projets de recherche, de l’annuaire des experts servant pour la montée en compétences requise, par exemple, pour des pathologies spécifiques ou en pédiatrie, et de la possibilité de déléguer certaines recherches comme les recherches impliquant la personne humaine de type 3, les RIPH 3, à des comités d’évaluation éthique de la recherche.
Par ailleurs, rattacher les CPP à des centres hospitaliers universitaires et en spécialiser certains romptrait cet équilibre, qui a été précisé dans la loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine, dite « loi Jardé ». Cela porterait en outre atteinte à leur indépendance.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer ces dispositions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. Les auteurs de l’amendement sont défavorables à la spécialisation des CPP et au rattachement de ces derniers à des établissements privés.
Or la spécialisation des CPP en pédiatrie et en maladies rares est souhaitée par les chercheurs, notamment les oncopédiatres. Elle sera utile à la bonne évaluation des projets de recherche dans ces domaines pointus. Elle ne remet pas en cause le principe du tirage au sort, qui aura toujours lieu – même s’il départagera des candidats moins nombreux.
Quant à l’indépendance des CPP, elle n’est pas menacée par leur mode d’hébergement. Elle est garantie par l’article L. 1123-1 du code de la santé publique, et leurs ressources – certes insuffisantes – sont constituées par une dotation de l’État.
Au reste, la précision sur le rattachement des CPP incluse à cet article ne fait qu’étendre la pratique. En effet, des CPP sont déjà hébergés par des établissements privés – par exemple, le centre de lutte contre le cancer Léon Bérard, à Lyon. Ils ne sont pas moins indépendants que les autres pour cette raison.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Il est déjà prévu que les CPP puissent se déclarer compétents ou non en pédiatrie. Ceux-ci disposent en outre déjà de la faculté de recourir à des experts et des spécialistes en tant que de besoin.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous soutiendrons l’amendement de suppression de l’article 3 de la proposition de loi déposée par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’adossement des comités de protection des personnes aux centres hospitaliers universitaires est effectivement une réalité pour la majorité d’entre eux. L’article 3 propose de le généraliser au nom d’une plus grande efficacité, ainsi que pour des raisons de spécialité. Cependant, cet adossement soulève un certain nombre de questions.
Un audit de l’Inspection générale des affaires sociales de 2004 a démontré que la garantie de l’indépendance des experts chargés d’évaluer les médicaments reposait essentiellement sur l’existence ou la non-existence de conflits d’intérêts.
Or l’adossement des comités de protection des personnes aux structures hospitalières et universitaires crée un risque de conflit d’intérêts, dans la mesure où les experts, les chercheurs, les professeurs d’université et les spécialistes vivent, si j’ose dire, sous le même toit.
C’est la raison pour laquelle nous relayons les craintes émises par les associations d’usagers concernant le risque d’engendrement de conflits d’intérêts que présenterait l’adossement systématique des CPP aux CHU.
Faute de pouvoir proposer un autre modèle, nous soutiendrons l’amendement n° 27, présenté par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
L’article L. 1123-1-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « des recherches impliquant la personne humaine » sont remplacés par les mots : « de la recherche en santé » ;
– après le mot : « comités », la fin est ainsi rédigée : « d’éthique de la recherche et de protection des personnes et des comités d’évaluation éthique de la recherche. » ;
b) Après le même premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Après consultation des comités d’éthique de la recherche et de protection des personnes et après avis de la Haute Autorité de santé, la commission établit un référentiel de l’évaluation éthique des projets de recherche impliquant la personne humaine. Il précise les bonnes pratiques garantissant le recours à l’expertise pertinente et le respect de la réglementation en matière de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts. Ce référentiel, révisé tous les trois ans, est rendu public.
« La commission met à la disposition des comités d’éthique de la recherche et de protection des personnes un annuaire actualisé d’experts dans différentes spécialités concernées par la recherche impliquant la personne humaine. Elle propose à ses membres ainsi qu’aux membres des comités d’éthique de la recherche et de protection des personnes et à ceux des comités d’évaluation éthique de la recherche, le cas échéant en collaboration avec des organismes publics ou privés, des formations, renouvelées périodiquement, destinées à leur permettre de mieux appréhender les innovations de rupture dans le domaine de la santé. » ;
c) Après le mot : « comités », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « d’éthique de la recherche et de protection des personnes et les comités d’évaluation éthique de la recherche. » ;
2° Après le même I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – La commission nationale de la recherche en santé comprend, parmi ses membres, une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de la santé à raison de ses compétences en matière de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts dans les domaines de la santé et de la recherche. Cette personnalité assure les fonctions de déontologue de la commission nationale de la recherche en santé. Le déontologue veille au respect, par les comités d’éthique de la recherche et de protection des personnes et les comités d’évaluation éthique de la recherche, de la charte de l’expertise sanitaire mentionnée à l’article L. 1452-2. À cet effet, il formule des propositions à la commission nationale pour l’édiction de référentiels et de bonnes pratiques garantissant le recours par les comités à l’expertise pertinente et le respect de la réglementation en matière de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts. Il peut être saisi de toute question sur ces enjeux par les comités. » ;
3° Le II est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « des recherches impliquant la personne humaine » sont remplacés par les mots : « de la recherche en santé » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « des recherches impliquant la personne humaine » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 5
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 1123-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « agrée », sont ajoutés les mots : « , dans les conditions prévues à l’article L. 1123-5, » ;
b) La seconde phrase du second alinéa est complétée par les mots : « et par une fraction de la dotation nationale mentionnée à l’article L. 162-22- 13 du code de la sécurité sociale, selon des conditions et montants fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale » ;
2° L’article L. 1123-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1123-5. – Le fonctionnement de chaque comité fait l’objet d’une évaluation périodique par l’agence régionale de santé dans le ressort territorial de laquelle il se situe, selon une procédure élaborée par la Haute Autorité de santé et la commission mentionnée à l’article L. 1123-1-1, qui définissent le cahier des charges auquel les comités sont soumis. Les résultats de cette évaluation sont communiqués au ministre chargé de la santé, à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et à la commission mentionnée au même article L. 1123-1-1. Chaque évaluation est assortie d’un avis sur l’attribution de l’agrément au comité, le maintien de cet agrément ou son retrait. Un décret détermine le rythme de ces évaluations.
« En fonction des résultats de l’évaluation et de l’avis mentionnés au premier alinéa du présent article, le ministre chargé de la santé peut retirer l’agrément d’un comité si les conditions d’indépendance, de composition ou de fonctionnement nécessaires pour assurer sa mission dans les meilleures conditions ne sont plus satisfaites. »
II. – À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 162-22- 13 du code de la sécurité sociale, après le mot : « recherche », sont insérés les mots : « , des comités d’éthique de la recherche et de protection des personnes ».