M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Muriel Jourda. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à rappeler dans quel contexte arrive devant nous l’ordonnance du 8 décembre 2021, qu’il nous est demandé de ratifier.
L’histoire de la fonction publique communale en Polynésie française est récente, et pour cause : celle des communes, telles que nous les connaissons aujourd’hui, l’est également. Elles sont nées au début des années 1970 et le statut de la fonction publique communale est apparu encore plus tardivement. C’est une ordonnance de 2005 qui en a posé les premiers éléments. Elle a été modifiée en 2011 et, depuis, il ne s’est plus rien passé.
Or, dans le même temps, la fonction publique métropolitaine a connu un certain nombre d’évolutions. En parallèle, les revendications des agents communaux de Polynésie française ont conduit à de grands mouvements sociaux en 2014 et surtout en 2017. Ce sont ces mouvements sociaux qui ont abouti à une concertation donnant lieu à l’ordonnance du 8 décembre 2021.
Il paraissait naturel que nous examinions ce texte, puisqu’il est l’aboutissement de plusieurs années de concertations et qu’il fait suite à des revendications jugées légitimes.
Cette ordonnance est entrée en vigueur ; elle doit encore être ratifiée. À cette fin, elle a été inscrite à notre ordre du jour, avant d’en être retirée. Elle revient aujourd’hui par la volonté du Sénat. J’ai cru comprendre que, malgré son entrée en vigueur, elle ferait l’objet de nouvelles concertations et qu’elle serait encore modifiée.
Quoi qu’il en soit, nous sommes réunis pour examiner ce texte, et non pour déplorer son curieux parcours législatif.
L’ambition de cette ordonnance est triple.
Tout d’abord, elle renforce les droits des agents communaux de la fonction publique de Polynésie française en même temps qu’elle étend leurs obligations – je pense en particulier aux dispositions d’ordre déontologique, qui ont toute leur importance.
Ensuite, elle renforce le dialogue social, notamment en confortant le rôle du Conseil supérieur de la fonction publique communale de la Polynésie française.
Enfin, elle facilite l’accès à cette fonction publique : ainsi les agents contractuels, qui ne bénéficient pas encore du statut, pourront-ils de nouveau disposer du droit d’option.
Je n’entrerai pas dans le détail de ces dispositifs : de nombreux orateurs les ont rappelés à de multiples reprises.
La commission a globalement approuvé cette ordonnance tout en la complétant. Elle a poussé plus loin encore la logique retenue par ses auteurs en étendant en Polynésie française plusieurs dispositifs de la fonction publique territoriale métropolitaine. En parallèle, elle a veillé à mieux prendre en compte les spécificités de ce territoire.
Il nous restera à nous prononcer, lors de l’examen des amendements, sur l’application du principe de laïcité. Cette discussion me paraît légitime, car – comme vous le savez – la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État ne s’applique pas en Polynésie française.
Quoi qu’il en soit, et quelle que soit l’issue de nos délibérations sur ce point, les élus du groupe Les Républicains voteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous entamons notre dernière semaine de travaux avant la suspension de la session, ce projet de loi a valeur d’exemple, au-delà de son contenu proprement dit. En effet, à un degré rarement atteint depuis mon arrivée au Sénat, il symbolise la négligence de ce gouvernement dans la rédaction et la ratification d’ordonnances, ainsi que le rôle central de notre assemblée dans l’équilibre de notre pays et la représentation des collectivités territoriales.
Oui, le Sénat peut s’honorer d’avoir maintenu à l’ordre du jour ce texte très attendu par nos compatriotes polynésiens.
De la ratification des ordonnances, notre assemblée a débattu au début de ce mois ; et, pour notre part, nous nous sommes souvent élevés contre le dilettantisme de ce gouvernement en la matière.
D’ailleurs, monsieur le ministre, alors que le salon de l’agriculture s’apprête à ouvrir ses portes, je vous pose une nouvelle fois cette question : pourquoi ne souhaitez-vous pas entendre les sénateurs au sujet du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement – accord économique et commercial global) ?
Ce gouvernement est celui qui a le plus utilisé les ordonnances. Pourtant, la part d’ordonnances ratifiées est, elle, en chute libre, tombant à 20 % pour l’ensemble du quinquennat.
Certes, par ses décisions des 28 mai et 3 juillet 2020, le Conseil constitutionnel s’est reconnu compétent, une fois le délai d’habilitation expiré, pour examiner les dispositions des ordonnances non ratifiées intervenant dans le domaine de la loi. Mais ne soyons pas dupes face à votre abandon coupable du principe constitutionnel de ratification expresse.
Mes chers collègues, je reste particulièrement circonspect, pour ne pas dire ébahi ou abattu, face à la position du Gouvernement devant ce manque criant : il affirme « chercher à identifier, parmi les lois d’habilitation, les ordonnances qui nécessiteraient un débat, selon les voies et moyens que décideraient le Sénat et l’Assemblée nationale ». En résumé, l’exécutif s’efforce d’éviter le débat pour gouverner seul, encore et toujours.
Cette solitude coupable dans l’exercice du pouvoir est contraire à l’équilibre de nos institutions. Surtout, elle heurte la démarche de notre chambre, qui représente les territoires.
Je tiens à saluer notre collègue Lana Tetuanui pour son engagement auprès de son territoire et pour les concertations qu’elle n’a cessé de mener sur le sujet qui nous réunit aujourd’hui.
Mme Lana Tetuanui. Merci, mon cher collègue !
M. Guy Benarroche. Vous le savez, ce territoire compte un peu plus de 4 600 fonctionnaires communaux et, comme l’a rappelé notre rapporteur, il était grand temps d’actualiser leur statut.
Créée en 2005, cette fonction publique communale n’est pleinement mise en œuvre que depuis 2012. La nécessité de modifier les règles la régissant a néanmoins donné lieu à une grève en 2017.
Le cadre actuel est insuffisant et le Gouvernement le sait : après de nombreuses sollicitations et mobilisations du terrain, il s’est décidé – tardivement – à agir, via cette ordonnance, au début du mois de décembre dernier.
Toutefois, comme l’ont montré l’examen en commission et les auditions menées, ce texte ne répond pas aux demandes locales. C’est d’ailleurs peut-être ce qui a conduit le Gouvernement à le retirer – mais nous le dira-t-il ?
D’un point de vue général, cette volonté de se calquer sur le modèle métropolitain reflète son réel manque de vision quant à la différenciation territoriale. Ce principe était pourtant au cœur d’un autre chantier, lui aussi décevant : le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS).
Aussi, nous saluons l’adoption d’un certain nombre d’amendements par la commission des lois. Je pense par exemple aux dispositions confirmant la mission de la commission locale de déontologie déjà en place pour le contrôle des « pantouflages ».
Nous comprenons aussi que l’on préfère s’en tenir au terme de « neutralité », en lieu et place de la « laïcité » – j’y reviendrai dans la suite du débat.
Néanmoins, les problématiques d’attractivité et, en conséquence, de mobilité entre les fonctions publiques persistent. À l’instar de notre rapporteur, je tiens à vous faire part de mes regrets à cet égard. Les dispositions que nous avions proposées ont été frappées par les règles de recevabilité financière et le Gouvernement, de son côté, a refusé de les reprendre. Dès lors, rien n’est prévu pour parer de vastes mouvements de départ vers la fonction publique territoriale. La commission a choisi, à juste titre, de rappeler l’importance du dialogue social et de consolider les outils en ce sens.
Avec le présent texte – l’un des derniers dont nous débattons avant l’intersession –, le Gouvernement reste donc fidèle à lui-même. En effet, ce projet de loi résume parfaitement sa vision et sa méthode : une ratification à la carte, des concertations et une prise en compte du terrain insuffisantes, un renoncement inexpliqué.
Monsieur le ministre – je vous le dis, même si vous ne m’écoutez pas beaucoup –,…
M. Guy Benarroche. … la prise en compte de la Polynésie et de ses habitants ne saurait souffrir de votre jeu politique.
L’urgence du terrain devrait vous obliger ; le travail des acteurs de terrain devrait vous obliger ; la compréhension de l’équilibre de nos institutions devrait vous obliger !
Puisqu’il n’en est rien, les élus du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires prennent, eux, leurs responsabilités, comme la Haute Assemblée tout entière. Nous voterons ce texte afin de répondre par des mesures équilibrées aux attentes de la Polynésie pour la gestion de ses fonctionnaires. (Mme Lana Tetuanui applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des années on entretient ce discours : les fonctionnaires seraient trop nombreux et trop protégés ; ils ne seraient pas assez efficaces. Cette incantation imprègne les mentalités : à force d’entendre parler de la fonction publique sous le seul angle des effectifs, nos concitoyens finissent par y croire ou par douter.
Le gouvernement actuel a nourri ce discours, avec ses objectifs initiaux de réduction des effectifs et sa loi de transformation de la fonction publique. Contractualisation, privatisation, précarisation et réduction du dialogue social ont été au programme.
Alors que la crise liée à la covid a mis un frein au dénigrement des fonctionnaires, il est primordial de reconnaître leur valeur au quotidien et de défendre leur place au côté du privé, qui n’a pas vocation à empiéter sur le public.
Qu’ils soient de métropole ou de nos outre-mer, les fonctionnaires se sont unis pour dénoncer non seulement ces attaques, mais aussi leurs conditions de travail, qu’il s’agisse du gel du point d’indice, du rétablissement de la journée de carence ou des suppressions de postes.
À l’affaiblissement général de leur pouvoir d’achat, les fonctionnaires grévistes de Polynésie ont ajouté des revendications précises, comme l’instauration d’une indemnité de départ volontaire, le maintien des droits acquis avant l’intégration dans la fonction publique communale ou encore des majorations de congés annuels spécifiques.
La fonction publique des quarante-huit communes de Polynésie française est récente : elle a été organisée en vertu de l’ordonnance de 2005, donnant un statut de droit public à ses agents. Ce nouveau statut uniforme leur permet de bénéficier de droits similaires à ceux des fonctionnaires publics territoriaux de métropole et leur confère les mêmes obligations.
Cette importante transformation statutaire nécessite des adaptations et des actualisations, comme celles détaillées dans l’ordonnance de 2021, dont la ratification nous est proposée aujourd’hui.
Mes chers collègues, vous connaissez notre désamour pour ce format à la disposition de l’exécutif. Mais nos travaux ont ceci de particulier que le Gouvernement a inscrit le présent texte à notre ordre du jour avant de le retirer sans réelle explication. Le Sénat a donc décidé de le remettre à son agenda.
L’ordonnance proposée par le Gouvernement permet des avancées qui semblent faire consensus localement et qui visent à améliorer le statut des agents communaux. Je pense à diverses mesures protectrices de nature déontologique, aux dispositions permettant de lutter contre les discriminations, les agissements sexistes et le harcèlement, ou encore à l’extension du congé parental.
Ces droits, comme les obligations qui les accompagnent, font sens et rendent homogènes les statuts des fonctionnaires de l’ensemble de la République, bien que la Polynésie française soit une collectivité particulière dotée d’une grande autonomie de fonctionnement.
Comme le prévoit l’article 14 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les règles relatives à la fonction publique communale relèvent de la compétence des autorités de l’État. L’extension de dispositions du droit commun en Polynésie nous conduit d’ailleurs à réfléchir aux limites de l’adaptation locale.
L’examen en commission des lois a permis de modifier certaines dispositions qui nous avaient alertés, comme le recul de la compétence des instances de dialogue social. Il a également permis d’ajouter des mesures demandées localement, comme l’inscription dans le statut du télétravail.
Certes, nous pouvons entendre l’argument avancé pour retirer du texte les notions de conflit d’intérêts et de laïcité. Mais, avec tout le respect que nous portons à nos concitoyens polynésiens et aux spécificités locales, nous ne sommes pas favorables à ces retraits.
À nos yeux, ces dispositions représentent de réelles avancées pour la protection des fonctionnaires – nous y reviendrons, nous aussi, en défendant nos amendements.
Pour défendre cette mise à jour du statut des agents, le Gouvernement retrouve son ton habituel. Il encourage ainsi le recours aux contractuels, propose le rétrécissement du champ d’action des instances représentatives du personnel ou encore le remplacement de la notation par un entretien d’appréciation de la « valeur professionnelle », qui individualise les agents.
De même, on a pu regretter que ce texte aboutisse davantage à une adaptation au droit commun de métropole qu’à une réelle prise en compte des spécificités locales. D’ailleurs, certaines revendications des représentants syndicaux n’ont pas été retenues.
Néanmoins, cette ordonnance résulte d’un travail abouti, mené avec les acteurs locaux et les représentants syndicaux : le retrait de notre ordre du jour, annoncé à la dernière minute par le Gouvernement, traduit donc une forme de mépris. À ce titre, je salue la ténacité de notre collègue Lana Tetuanui.
La grande majorité des dispositions retenues permettent de valoriser la fonction publique communale, et la patte de la commission des lois a permis de revenir sur des mesures insatisfaisantes.
Tout en rappelant ses limites, tout en soulignant la nécessaire revalorisation générale du statut de la fonction publique et des droits des fonctionnaires, nous considérons que ce texte est utile. Il permettra en effet de premières avancées, qui devront être complétées par un travail continu entre les acteurs locaux et le Gouvernement, lequel se doit d’être à leur écoute. C’est la raison pour laquelle nous voterons ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Lana Tetuanui. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ia ora na.
L’examen du projet de loi portant ratification de l’ordonnance relative à la fonction publique des communes de Polynésie française est un moment attendu tant par les élus communaux de notre collectivité que par l’ensemble des 4 600 agents concernés, c’est-à-dire ceux soumis à ce statut, de création récente.
Permettez-moi tout d’abord de vous rappeler brièvement que les communes de Polynésie sont, dans le paysage institutionnel, des collectivités relativement nouvelles. En effet, quarante-cinq des quarante-huit communes existantes ont été créées par une loi de 1971 et n’ont commencé à fonctionner que vers la fin des années 1970.
Certes, ces collectivités se sont substituées aux districts ; mais ces dernières structures n’étaient pas dotées de la personnalité morale. Destinées avant tout à exécuter les décisions du gouverneur et de l’administration de l’État, elles ne disposaient que de quelques agents d’exécution.
Depuis lors, heureusement, les choses ont bien changé. L’institution communale, dotée de compétences effectives, œuvre au bien-être de nos populations, tout particulièrement dans les communes éloignées de l’île principale de Tahiti, au cœur d’archipels parfois situés à plus de 1 000 kilomètres du chef-lieu de notre collectivité.
En effet, dans la très grande majorité de nos îles, il n’y a pas d’autre administration que l’administration communale. La collectivité d’outre-mer est certes déconcentrée, mais elle ne peut être présente dans toutes les communes.
Bref – on l’aura compris –, ici plus qu’ailleurs, la commune est un rouage essentiel pour nos concitoyens.
Toutefois, jusqu’en 2005, le personnel communal était soumis à un statut de droit privé qui différait d’une commune à l’autre. Cette hétérogénéité statutaire était source de conflits et de nombreuses revendications ; une telle situation n’était guère propice à la mobilité des agents et, tout simplement, au bon fonctionnement de cette administration de proximité pourtant indispensable.
Dès lors, l’ordonnance du 4 janvier 2005 a créé un statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ; mais il a fallu attendre encore six années pour qu’il soit effectif. En effet, les textes d’application de l’ordonnance ne sont intervenus que tardivement. C’est pourquoi il a fallu reprendre l’ensemble de ce statut, qui, sans avoir été appliqué, était déjà devenu obsolète.
C’est à la suite d’un large mouvement de contestation de la part des agents, au cours de l’année 2017, que fut prise la décision de toiletter ce statut afin de le rendre plus attractif tout en le modernisant.
Ainsi, le Gouvernement avait déjà consulté la Polynésie française sur un projet d’ordonnance au cours de l’année 2018. Il me paraît important de rappeler ici les nombreux échanges entre les différents partenaires et les autorités parisiennes, et surtout l’important travail rendu par les élus et les représentants du personnel.
Or, à la fin de l’année 2020, nous constations que ce projet n’était toujours pas adopté. C’est pourquoi, en mai 2021, à la demande des membres du Conseil supérieur de la fonction publique communale, j’ai déposé une proposition de loi visant à adapter et à moderniser le statut de la fonction publique communale polynésienne.
Toutefois, ignorant cette proposition de loi, le Gouvernement nous a fait parvenir en juillet 2021 un nouveau projet d’ordonnance afin que les principes de la fonction publique territoriale métropolitaine soient introduits dans notre statut de la fonction publique communale.
Ladite ordonnance était finalement adoptée en décembre dernier et la Haute Assemblée saisie pour que nous puissions enfin, le 8 février, voter ce texte de loi en procédure accélérée. Mais le 27 janvier, contre toute attente, le Gouvernement faisait machine arrière et retirait de notre ordre du jour ce projet de loi de ratification sans que l’on sache pourquoi.
M. le questeur Jean-Pierre Sueur et les membres de la commission lois sont alors intervenus, ainsi que le président du Sénat lui-même : je les en remercie vivement. C’est grâce à eux que le présent texte a été réinscrit à notre ordre du jour.
Le projet de loi soumis à notre examen vise à étendre certains des principes de la fonction publique territoriale métropolitaine à notre fonction publique communale.
En soi, cette extension de dispositions métropolitaines est certainement une bonne chose. Pour autant, l’on ne peut agir en la matière que dans le respect des organisations particulières, qui plus est pour une collectivité d’outre-mer. Nombre de dispositions doivent être adaptées aux intérêts propres de la Polynésie.
Monsieur le ministre, je me réfère aux propos que vous avez tenus lors du congrès des maires de Polynésie, à Rikitea, dans l’archipel des Gambier.
Dans l’ensemble, tel a bien été le cas de l’ordonnance du 8 décembre 2021, dont certaines avancées sont à saluer. Mais il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre de ses dispositions ne respectent pas nos spécificités : c’est pourquoi nous sommes convenus d’amender plusieurs articles de ce texte.
Mes chers collègues, les modifications qui vous sont proposées aujourd’hui sont le fruit d’un consensus entre les membres du Conseil supérieur de la fonction publique des communes polynésiennes, sous l’égide du Centre de gestion et de formation. C’est dire si, sur ce dossier, la Polynésie française parle d’une seule voix.
La première modification que nous appelons de nos vœux est également la plus importante. Il s’agit de la neutralité des agents, qui figure déjà dans l’ordonnance de 2005 et qu’il est désormais question de compléter par l’application expresse du principe de laïcité.
L’ordonnance va jusqu’à décliner la mise en œuvre du principe de laïcité en donnant au chef de service l’obligation de la faire respecter, y compris par la voie disciplinaire.
Nous touchons là au ciment de la culture polynésienne : nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des articles.
Mes autres amendements ont, hélas ! été écartés par la commission des finances : ils sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution, qu’il s’agisse du droit d’option ouvert à l’ensemble des agents n’ayant pas encore obtenu le statut de la fonction publique communale ; de la possibilité pour nos communes de mettre en place un dispositif de départ anticipé pour certains de leurs agents, lequel est déjà applicable dans le droit commun ; ou encore du principe consistant à protéger l’investissement des communes dans la formation du personnel des cadres d’emplois A et B.
Monsieur le ministre, j’aurais souhaité que le Gouvernement reprenne ces dernières dispositions : vous auriez ainsi témoigné de votre solidarité envers les élus polynésiens.
Mes chers collègues, malgré toutes les réserves que je viens d’émettre et l’incertitude sur la position du Gouvernement, les membres du groupe Union Centriste voteront ce texte. Nous vous invitons à faire de même. (MM. Vincent Delahaye et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains philosophes, tel Georges Simondon, se sont insurgés contre les conceptions selon lesquelles « les objets techniques ne contiennent pas de réalité humaine ». Ces derniers possèdent, à l’inverse, les traits de leur inventeur et de celui qui en bénéficie.
Ce constat vaut aussi pour le travail législatif, singulièrement pour le présent texte : son titre et, initialement, son article unique laissaient croire que le Parlement ferait office d’automate ! Or les enjeux de cette réforme ne peuvent être négligés.
En effet, notre assemblée a bien entendu le message exprimé lors du mouvement de grève de mai 2017 : qu’il s’agisse de l’ordonnance du 8 décembre 2021 ou du texte de notre commission, je salue l’important travail visant à associer les instances locales.
Il était tout à fait nécessaire de moderniser le régime juridique des plus de 4 500 agents municipaux de Polynésie française, notamment pour accroître l’attractivité de cette fonction publique communale.
Le groupe du RDSE est donc satisfait de cette volonté de valorisation du statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française. Il ne saurait y avoir de sous-fonction publique dans l’État français. Il convient donc d’actualiser ce statut au regard des évolutions législatives intervenues plus généralement dans la fonction publique territoriale.
J’évoquerai pêle-mêle le remplacement de la notation par une appréciation de la valeur professionnelle, la possibilité offerte aux organes délibérants d’instaurer un régime indemnitaire en lien avec cette appréciation, ou encore le renforcement du Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française.
Cependant, cette réforme impose aussi de trouver un équilibre avec les spécificités de ces territoires. Puisque la différenciation territoriale a enfin fait son entrée dans le droit commun des collectivités, nous apprécierions d’autant mieux qu’elle soit mise en œuvre pour un territoire régi par l’article 74 de la Constitution.
Il était aussi impératif de tenir compte de la nature spécifique d’une collectivité au territoire insulaire grand comme l’Europe – cela a été rappelé – et de sa population. La suppression du référent déontologique, par exemple, est à ce titre une bonne chose.
Au-delà de l’immensité territoriale, nous savons combien, sur le plan culturel, le fait spirituel et religieux demeure très présent dans le quotidien des Polynésiens. Comme notre collègue Lana Tetuanui l’a rappelé lors des travaux de la commission, les réunions des conseils municipaux s’y ouvrent par une prière.
Si je comprends l’argument consistant à dire que ces pratiques ne posent pas de problème à 20 000 kilomètres de Paris, il m’interpelle cependant.
Malgré cette réalité propre à la Polynésie, et même si la loi de 1905 n’y est pas applicable, nous tenons là une vraie occasion d’en transposer l’esprit et le principe à ce territoire.
Dans une large majorité, les élus du groupe du RDSE considèrent qu’il aurait été plus judicieux de conserver le mot « laïcité » dans le texte, la notion de neutralité seule, introduite en guise de substitution, nous semblant insuffisante.
Chers collègues, nous sommes favorables au droit à la différenciation de nos territoires ultramarins, mais nous sommes encore davantage attachés au respect des valeurs et des principes de la République, qui doivent s’appliquer d’une manière harmonisée sur tout le territoire national.
Cette réserve faite, notre groupe votera dans sa majorité en faveur de ce projet de loi.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale
Article 1er
L’ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ratifiée.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2 (nouveau)
Au dernier alinéa de l’article 6 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs, après le mot : « concours, », sont insérés les mots : « d’examens professionnels, ». – (Adopté.)
Article 3 (nouveau)
Le I de l’article 8 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs est ainsi modifié :
1° Au 1°, après la première occurrence du mot : « durée », sont insérés les mots : « , d’un détachement pour l’accomplissement d’un stage ou d’une période de scolarité préalable à la titularisation dans un corps ou un cadre d’emplois de fonctionnaires ou pour suivre un cycle de préparation à un concours donnant accès à un corps ou un cadre d’emplois, d’un congé » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les contrats établis pour assurer le remplacement momentané d’un fonctionnaire ou d’un agent contractuel sont conclus pour une durée déterminée et renouvelée, par décision expresse, dans la limite de la durée de l’absence du fonctionnaire ou de l’agent contractuel à remplacer. Ils peuvent prendre effet avant le départ de cet agent. »