compte rendu intégral
Présidence de M. Pierre Laurent
vice-président
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
M. Dominique Théophile.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 17 février 2022 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
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Fonction publique des communes de Polynésie française
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission des lois, du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (projet n° 344, texte de la commission n° 436, rapport n° 435).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le rapporteur – je suis heureux de vous retrouver, comme souvent sur les textes territoriaux ou ultramarins –, madame la vice-présidente de la commission des lois – je suis également heureux de vous retrouver –, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons aujourd’hui le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
Cette ordonnance a pour principal objectif d’attirer davantage de personnes dans la fonction publique communale, au service des communes et des administrés de Polynésie.
Nous savons combien, en Polynésie française, archipel du Pacifique aussi étendu que l’Europe – on le rappelle souvent –, riche de ses 48 communes des îles du Vent, des îles Sous-le-Vent, des îles Marquises, des îles Australes et des îles Tuamotu-Gambier, la figure du maire, le tavana, est importante et occupe une place particulière aux yeux de nos concitoyens.
À titre personnel, j’ai eu l’occasion de saluer l’engagement de ces élus à l’occasion du congrès annuel des maires polynésiens de 2019, organisé à Rikitea, en rendant visite à ceux d’entre eux qui exercent leur mandat dans les atolls les plus reculés, parfois difficilement accessibles, et, donc, dans des circonstances tout à fait exceptionnelles.
Ici encore, je veux remercier les maires pour leur action au quotidien, ainsi que les agents du service public qui sont à leurs côtés.
Revenons un instant sur la genèse de cette ordonnance dédiée à la fonction publique des communes polynésiennes.
À la suite d’un mouvement de grève des fonctionnaires communaux en 2017, des négociations se sont tenues entre l’État, les élus communaux et les organisations professionnelles. Ayant abouti à plusieurs propositions, elles nous ont conduits à proposer la révision de l’ordonnance du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs.
Bien qu’il n’y ait pas eu d’obligation en la matière, le Gouvernement a choisi de consulter le Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française en août 2020.
Sur le fondement de l’avis rendu par celui-ci en janvier 2021, le projet d’ordonnance a été révisé, et ce afin d’intégrer nombre de demandes et propositions émanant de l’instance. La nouvelle version a été adressée le 19 juillet 2021 à l’Assemblée de la Polynésie française, qui a rendu un avis favorable avec certaines réserves le 26 août 2021.
Après avis du Conseil d’État, l’ordonnance a été adoptée en conseil des ministres le 8 décembre dernier.
Tout au long de ce processus, notre souci a été de moderniser et de rendre plus attractive la fonction publique communale, et ainsi de répondre aux attentes manifestées lors du mouvement social de 2017.
La position du Gouvernement a été de faire bénéficier les fonctionnaires des communes de Polynésie française des avancées introduites par les différentes lois relatives à la fonction publique depuis 2011, tout en tenant compte et en intégrant des spécificités locales.
Que contient l’ordonnance ?
Elle offre avant tout un cadre législatif et réglementaire clair, adapté et sécurisant.
Les garanties accordées aux fonctionnaires sont renforcées.
Ainsi, la liste des motifs ne pouvant donner lieu à discrimination est complétée par l’ajout de l’identité de genre, la situation de famille et l’état de grossesse. Le principe d’interdiction des agissements sexistes et du harcèlement sexuel est également repris.
Les mesures discriminatoires à l’égard des fonctionnaires qui relatent ou témoignent de bonne foi de faits constitutifs d’un délit, d’un crime ou de conflits d’intérêts sont interdites.
Le fonctionnaire a désormais droit au temps partiel thérapeutique, au congé de paternité et d’accueil de l’enfant de onze jours, au congé de solidarité familiale et au congé pour activité dans la réserve.
À l’expiration d’un détachement, le fonctionnaire est réintégré lorsqu’aucun emploi n’est vacant.
La protection fonctionnelle dont les agents publics peuvent bénéficier pour eux et leurs proches est enfin renforcée.
Les nouvelles règles concernant le cumul d’activités ou l’exercice d’activités privées après la cessation d’une fonction publique et la création d’un référent déontologue sont étendues en Polynésie française.
Le Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française est lui aussi renforcé. Sa saisine est désormais obligatoire sur tout projet de loi ou de texte réglementaire relatif à la fonction publique des communes de Polynésie française.
Tout au long de la concertation, nombre de propositions formulées au niveau local ont été retenues.
J’en citerai quelques-unes : le recrutement d’agents contractuels pour remplacer un fonctionnaire en disponibilité ou en détachement de courte durée – cette demande répond à une particularité locale permettant d’accorder aux agents communaux des disponibilités de quelques jours ou semaines pour participer à des événements culturels ou sportifs ; l’élection autonome des membres représentant les communes au Conseil supérieur de la fonction publique ; la création d’une commission consultative paritaire pour les agents contractuels ; la suppression des limites d’âge au recrutement ; l’extension du congé parental aux trois ans de l’enfant, contre deux ans ; la réouverture, puis la prorogation du droit d’option pour certains agents contractuels ; la suppression du renvoi à un décret pour l’aménagement horaire pour allaitement, dans la mesure où ce droit est déjà garanti par un arrêté du haut-commissaire.
Enfin, la composition des instances paritaires a été adaptée pour répondre aux difficultés de déplacement liées à l’insularité et l’éloignement géographique.
Dans le cadre de l’examen du texte au Sénat, il nous semble important de revenir sur plusieurs dispositions adoptées par la commission des lois.
Le Gouvernement a donc déposé plusieurs amendements. Ils visent tous à protéger, accompagner et saluer l’engagement des fonctionnaires des communes de Polynésie française. J’aurai l’occasion de les présenter lors de la discussion des articles.
Notons néanmoins que le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement sur tous les points déjà longuement discutés depuis trois ans, dont certains ont été introduits en commission.
Comme nous l’avons toujours été, les ministres Jacqueline Gourault, Amélie de Montchalin et moi-même restons pleinement à l’écoute – y compris, cela va sans dire, du Parlement – en vue d’une poursuite des discussions. C’est pourquoi je n’allongerai pas plus cette intervention en discussion générale, préférant laisser la place au débat lors de la discussion des articles et des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons, cela vient d’être précisé, le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
Je n’insisterai pas – mieux vaut nous concentrer sur le fond – sur le fait que nous aurions souhaité ne pas voir cette ordonnance inscrite, puis retirée de l’ordre du jour. Le Sénat, dont vous connaissez, monsieur le ministre, l’attachement à l’ensemble de nos territoires, singulièrement à nos territoires ultramarins, a voulu faire œuvre utile en examinant ce texte, tout d’abord en commission, puis ce soir en séance.
Pour rappel, cette ordonnance est d’ores et déjà entrée en vigueur, au lendemain de sa publication. Toutefois, faute de ratification d’ici à 2023, elle serait frappée de caducité. Il ne serait pas acceptable que le Parlement attende jusque-là pour débattre de sa ratification.
La réforme du statut général des fonctionnaires communaux de Polynésie française, portée par l’ordonnance, était en effet attendue de longue date, aussi bien par les élus que par les agents – pour mémoire, la dernière modification d’ampleur de l’ordonnance du 4 janvier 2005 portant statut général remonte à 2011. En mai 2017, un important mouvement de grève avait touché l’ensemble des communes de Polynésie française et des revendications fortes avaient été exprimées par les agents communaux, revendications partiellement reprises dans la rédaction de cette nouvelle ordonnance.
À la suite de l’accord conclu avec le haut-commissaire, s’est alors ouverte une longue période de concertation entre le Gouvernement et les instances locales – manifestement, elle n’a pas été suffisamment longue, puisque le Gouvernement demande encore plus de temps…
Prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, cette ordonnance comporte pas moins de quarante-cinq articles visant à actualiser le statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française au regard, à la fois, des évolutions législatives intervenues dans le droit de la fonction publique territoriale depuis 2011 et des revendications exprimées en mai 2017.
La commission a constaté des avancées pour les fonctionnaires communaux de Polynésie française, dont certains droits sont désormais alignés sur le statut de la fonction publique territoriale. Citons, à titre d’exemple, le temps partiel thérapeutique ou encore le congé de paternité.
La commission a également salué l’assouplissement des modalités de représentation des élus locaux au sein des instances paritaires.
Enfin, des mesures telles que le remplacement de la notation par une appréciation de la valeur professionnelle et l’instauration d’un régime indemnitaire en lien avec cette évaluation lui ont semblé contribuer à la modernisation de la gestion des ressources humaines des communes de Polynésie française.
Nous conviendrons qu’il s’agit là de points positifs. Mais le résultat global est-il à la hauteur du long travail préparatoire que j’ai évoqué en commençant mes propos ?
Dans l’ensemble, la commission aurait appelé de ses vœux un texte un peu plus ambitieux.
Elle a donc souhaité aller plus loin dans les objectifs de modernisation et d’attractivité de la fonction publique communale. Elle a ainsi modernisé la procédure de recrutement des personnes reconnues travailleurs handicapés. Elle a également inscrit dans le statut général le recours au télétravail – vous évoquiez, monsieur le ministre, la spécificité du territoire polynésien, avec ses divers archipels et, surtout, son étendue ; le recours au télétravail nous semble être, aujourd’hui, d’une absolue nécessité. Enfin, elle a élargi les possibilités de mise à disposition pour les fonctionnaires communaux.
Je souhaiterais attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’aider les communes à conserver – là encore, essentiellement pour des raisons de spécificités territoriales – les cadres qu’elles ont recrutés et formés. L’instauration du versement d’une indemnité par la collectivité d’accueil à la collectivité d’origine en cas de mutation d’un agent dans les trois ans suivant le recrutement pourrait, par exemple, constituer une réponse. Une telle disposition reviendrait du reste à s’aligner sur le droit commun de la fonction publique territoriale. C’est pourquoi nous avons du mal à comprendre le refus du Gouvernement d’accéder à notre requête.
Par ailleurs, les modalités de réouverture du droit d’option permettant d’intégrer la fonction publique des communes de Polynésie française mériteraient d’être clarifiées. Dans un objectif de renforcement de l’attractivité de la fonction publique communale, il semblerait opportun d’étendre ce droit d’option, de façon explicite, aux agents contractuels ayant refusé la proposition d’intégration, ainsi qu’à ceux qui n’y ont pas répondu dans les délais légaux. Étant nous-mêmes contraints par les règles de recevabilité financière établies à l’article 40 de la Constitution, nous ne pouvons qu’inviter le Gouvernement à lever les difficultés d’interprétation qui résulteraient de la rédaction actuelle.
Enfin, pour renforcer les outils du dialogue social, la commission a étendu les compétences des comités techniques paritaires, par alignement sur le droit commun de la fonction publique.
Ainsi, pour un certain nombre de sujets, la commission est allée plus loin que l’ordonnance initiale dans l’extension, à la fonction publique communale de Polynésie française, des dispositions en vigueur dans la fonction publique territoriale.
Mes chers collègues, l’ordonnance du 8 décembre 2021, dans sa rédaction initiale, était quelque peu en deçà des attentes nourries depuis 2017. Nous avons donc souhaité l’enrichir et espérons qu’elle puisse contribuer efficacement à l’objectif ambitieux et nécessaire de modernisation du statut général des fonctionnaires communaux de Polynésie française.
À cet instant de mon intervention, je veux à mon tour saluer l’action des tavana et de l’ensemble des élus de Polynésie française. Nous savons combien ils ont contribué à l’évolution de la rédaction de cette ordonnance, que ce soit par leurs contributions ou par les retours d’expérience que nous avons pu recueillir au sein de notre commission.
Pour toutes ces raisons, je vous propose d’adopter le projet de loi de ratification, ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Polynésie française, ce sont 48 communes réparties sur 121 îles, dont 76 sont habitées, sur un territoire plus grand que celui de l’Europe. C’est dire si ses spécificités sont nombreuses !
Je me souviens d’ailleurs du témoignage de maires de ce territoire, qui m’expliquaient que, pour aller d’un bout à l’autre de leur commune, il fallait franchir quelque 70 ou 80 kilomètres, passer d’une île à une deuxième, puis à une troisième. Il s’agit de conditions tout à fait particulières.
Voilà donc un beau pays – je le dis devant notre collègue Mme Lana Tetuanui, qui représente ce territoire et que nous saluons –, mais un pays à la très grande originalité ! Or, si la République française est une, elle doit bien sûr prendre en compte les spécificités de tous les territoires, notamment de ses territoires ultramarins.
À cet égard, la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française a eu un effet très bénéfique, en donnant un statut aux communes de Polynésie française.
Plus tard, en 2017, il y a eu ce mouvement de grève par lequel les fonctionnaires et contractuels des communes de Polynésie française ont voulu exprimer leurs revendications. Une concertation a suivi, concertation réelle, d’ailleurs étendue dans le temps et qui s’est avérée utile puisqu’elle a abouti, monsieur le ministre, à l’ordonnance du 8 décembre 2021.
Celle-ci permet – et permettra quand la loi sera votée – de transposer un certain nombre de dispositions relatives à la fonction publique territoriale aux communes de Polynésie française. Elle permet aussi, peut-être trop timidement dans certains domaines, d’adapter ces dispositions à un territoire dont j’ai dit succinctement – mais on pourrait être plus long – combien il avait de particularités.
Ce texte comporte évidemment des aspects très positifs. Il renforce les prérogatives du Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française. Il crée des commissions administratives et une commission consultative paritaires. Il favorise l’accès à la fonction publique communale.
Notre rapporteur Mathieu Darnaud, que je salue, a présenté des dispositions améliorant le texte, notamment en matière d’accueil des personnes handicapées dans la fonction publique territoriale de Polynésie française. Je pense aussi aux dispositions qui permettront de recueillir l’avis des commissions administratives paritaires en matière d’avancement et de mutation des personnels. Je pense encore aux pouvoirs accrus des comités techniques paritaires.
Le texte comprend donc des mesures positives, améliorées par le travail de la commission des lois.
Nous avons été un peu surpris, monsieur le ministre, que le Gouvernement propose la ratification de l’ordonnance, nous laisse conduire le travail en commission, puis, brusquement, retire le texte de l’ordre du jour. Étonnés, nous nous sommes dit la chose suivante : quand le pouvoir exécutif faiblit, le pouvoir législatif doit exercer ses prérogatives. Aussi avons-nous demandé l’inscription de ce texte à l’ordre du jour, demande acceptée par la conférence des présidents, ce qui nous vaut le plaisir de nous retrouver dans cet hémicycle en ce lundi après-midi.
Ce texte nous semble pouvoir être amélioré sur trois points.
Sur le plan social, nous regrettons que les dispositions prévues à l’origine dans le texte aient été « rétrécies » par la commission des lois. Alors que les communes pouvaient initialement s’intéresser aux conditions de logement des personnels, cette mesure a disparu. Nous proposerons son rétablissement par amendement.
Se pose ensuite la question de la déontologie et des conflits d’intérêts. Sans vouloir caricaturer ou trop résumer ses propos, notre collègue spécialiste de ce territoire, Mme Lana Tetuanui, nous a expliqué que tout le monde se connaissait en Polynésie, que tout le monde s’entendait bien et que, de ce fait, il n’était sans doute pas nécessaire de parler de conflit d’intérêts, que cela n’existait pas.
Nous appelons néanmoins à la vigilance. Bien se connaître n’est pas une raison pour se priver de toute règle en matière de conflits d’intérêts. Au contraire, c’est peut-être parce que l’on se connaît bien qu’il faut encore plus veiller à éviter ce genre de conflits.
Aussi nous proposerons, par amendement, de rétablir les règles relatives à la déontologie et cette vigilance à l’égard des conflits d’intérêts. Je crois d’ailleurs avoir compris, lors de la réunion de commission qui vient de se tenir, que nous pourrions aboutir sur ce sujet, ce dont je me réjouirais.
Enfin, monsieur le ministre, une question nous préoccupe : alors qu’il était inscrit dans le texte initial que la valeur de la laïcité s’imposait au personnel des communes de Polynésie française, à l’issue d’un débat en commission, celle-ci a préféré retenir le terme « neutralité ».
Nous sommes très attachés à ce que la laïcité soit mentionnée. Inscrite, comme vous le savez, à l’article premier de la Constitution, il s’agit d’une valeur de tolérance – je tiens à le dire – et de respect, permettant à tous de vivre ensemble, quelles que soient les convictions, les croyances ou l’absence de croyance des uns et des autres.
Nous considérons que cette valeur positive doit s’appliquer dans tous les territoires de la République. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous serons très attentifs à la position que vous exprimerez au nom du Gouvernement sur les trois amendements identiques déposés afin de rétablir cette notion. Nous demanderons un scrutin public à l’occasion de ce vote, afin que chacun puisse se prononcer.
Nous avons, bien entendu, toutes les raisons de voter pour ce texte. La seule raison qui nous empêcherait de le faire serait le maintien du retrait de cette notion de laïcité.
Allant de pair avec la liberté, l’égalité et la fraternité, la laïcité doit tous nous réunir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 30 mai 2017, faisant suite au dépôt d’un préavis de grève dans l’ensemble des communes de Polynésie française, plusieurs réunions de concertation ont été organisées sur l’initiative du haut-commissaire de la République, avec les représentants de la Confédération syndicale des agents communaux de Polynésie française, les élus représentant les communes au sein du Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française et le président du Centre de gestion et de formation.
Ces réunions ont abouti à un protocole d’accord, qui prévoyait, notamment, la mise en œuvre d’un toilettage des textes de la fonction publique communale au regard des évolutions législatives intervenues en droit commun.
Je profite de mon temps de parole pour saluer l’engagement constant et réel sur ce dossier de mon collègue Teva Rohfritsch, sénateur de Polynésie et rapporteur désigné sur le projet d’ordonnance lors de la consultation de l’Assemblée de la Polynésie française.
Ce toilettage est nécessaire, au bénéfice des plus de 4 000 agents communaux de Polynésie, véritables chevilles ouvrières et garants du service public dans un territoire grand comme l’Europe, situé à plus de 15 000 kilomètres de Paris.
En effet, le statut de la fonction publique des communes de la Polynésie apparaît, sur certains aspects, obsolète au regard des dernières évolutions législatives, notamment la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, celle du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite loi Sauvadet, ou plus récemment celle du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
Ainsi, par cette ordonnance de quarante-cinq articles, des avancées sont offertes aux agents dans les domaines de la mobilité, de la formation, des congés, de l’action sociale, de la mise à jour des procédures disciplinaires, du dialogue social, des obligations déontologiques, de la lutte contre les discriminations et, surtout, de la prévention des conflits d’intérêts.
Les modifications apportées par la commission sur l’initiative du rapporteur Mathieu Darnaud, dont je salue en l’occurrence la qualité du travail, nous conviennent en partie.
Néanmoins, nous émettons de sérieuses réserves sur la suppression de la protection des lanceurs d’alerte en cas de dénonciation de conflits d’intérêts.
La proximité entre les individus, censée fonder les différences de traitement des conflits d’intérêts, n’exonère en rien du respect de l’État de droit.
La proximité entre les citoyens et les fonctionnaires doit se faire avec probité et un respect aigu des règles de transparence.
De même, nous regrettons la suppression de la possibilité de recruter les fonctionnaires des communes sans concours, par la voie des emplois réservés aux personnes reconnues travailleurs handicapés en application de la réglementation de la Polynésie française.
À ce titre, et sur ces deux sujets, nous voterons les amendements de rétablissement de la rédaction initiale de l’ordonnance proposés par le Gouvernement.
Enfin, sur le contrôle déontologique, la proposition du Gouvernement donnant la possibilité à la commission de déontologie de saisir la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et bénéficier de son expertise semble être le bon compromis entre l’application du droit commun et son adaptation aux spécificités locales.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte, nécessaire à la garantie, à l’efficacité et au bon fonctionnement des services publics polynésiens, que nous appelons de nos vœux et pour lequel nous œuvrons sur l’ensemble du territoire français.
Nous serons amenés à achever l’examen de ce texte d’ici à la prochaine législature. Dans l’intervalle, nous suivrons, aux côtés du ministre des outre-mer, les éventuels chantiers sur les sujets restant à traiter, en relation avec tous les acteurs concernés et dans l’intérêt total des Polynésiens.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis cette après-midi pour examiner le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
Cette réforme du statut général des fonctionnaires communaux était attendue depuis longtemps, non seulement par les élus, mais aussi par les agents. Elle fait suite au vaste mouvement de grève qui toucha les quarante-huit communes de Polynésie française en mai 2017 et tient compte des évolutions législatives intervenues depuis 2011 dans le droit de la fonction publique territoriale.
En outre, l’ordonnance du 8 décembre 2021 résulte d’une longue période de concertation entre le Gouvernement et les instances locales.
C’est pourquoi je tiens à faire part de mon incompréhension et de ma déception quant au retrait soudain du projet de loi de l’ordre du jour, le 27 janvier dernier. En procédant ainsi, le Gouvernement balayait brutalement l’important travail mené depuis quatre ans.
M. Jean-Louis Lagourgue. La commission des lois de notre assemblée a demandé la réinscription de ce texte à l’ordre du jour, ce dont, bien entendu, je me réjouis.
La fonction publique communale polynésienne est récente. Elle a été créée en 2005 et coexiste depuis lors avec celles de l’État et de la Polynésie française.
L’objectif de l’ordonnance du 8 décembre 2021 est la valorisation des quelque 4 000 fonctionnaires communaux. Il s’agit de leur offrir un cadre juridique à la fois adapté et sécurisant.
En premier lieu, l’ordonnance consolide les garanties dont disposent les fonctionnaires communaux en les alignant sur le droit commun de la fonction publique.
En second lieu, elle conforte le rôle du Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française et apporte des assouplissements aux modalités de représentation des élus locaux en raison des contraintes de déplacement. Gardons à l’esprit que la Polynésie française est d’une étendue considérable : elle équivaut au territoire de l’Europe et son éclatement en une myriade d’îles dispersées peut constituer un véritable handicap.
Enfin, l’ordonnance modernise la gestion des ressources humaines des communes. À titre d’exemple, la notation est remplacée par une appréciation de la valeur professionnelle. De plus, les organes délibérants des communes et de leurs groupements ont la possibilité d’instituer un régime indemnitaire lié à l’évaluation professionnelle.
Si ce texte présente de nombreuses avancées, il ne reconnaît pas suffisamment les spécificités de la Polynésie française. Or cette prise en compte des réalités locales est indispensable.
Je me réjouis donc des différentes initiatives prises en ce sens par notre collègue Lana Tetuanui. Je pense notamment à la suppression de l’inscription du principe de laïcité dans le statut général des fonctionnaires communaux. Le terme de neutralité semble effectivement plus approprié que celui de laïcité, d’autant plus que le droit applicable en Polynésie française a toujours appréhendé la religion dans son contexte culturel particulier. C’est ainsi que la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État n’y a jamais été étendue.
De même, eu égard aux réalités et particularités de la Polynésie, il n’est pas pertinent d’y créer un référent déontologue sur le modèle de la fonction publique métropolitaine. En effet, la probabilité que ce référent ait un lien personnel ou familial avec l’agent qu’il interroge est très forte.
Pour toutes ces raisons, les élus du groupe Les Indépendants voteront ce projet de loi, ainsi modifié et enrichi par la commission des lois.