Mme la présidente. Nous passons à la présentation de l’amendement de la commission, accepté par le Gouvernement.
articles 1er à 5
Mme la présidente. Sur les articles 1er à 5, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
article 6
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 64
Remplacer les références :
I et II
par les références :
II et III
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Il s’agit, par cet amendement, de corriger une erreur matérielle.
Mme la présidente. Sur les articles 7 à 12 A, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Je donne maintenant lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique.
proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du défenseur des droits en matière de signalement d’alerte
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 1er bis
I. – Le I de l’article 11 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« – un adjoint chargé de l’accompagnement des lanceurs d’alerte. »
II. – L’adjoint du Défenseur des droits mentionné au dernier alinéa du I de l’article 11 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 précitée ne perçoit aucune indemnité ni aucune rémunération d’aucune sorte.
Article 2
Après l’article 35 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 précitée, il est inséré un article 35-1 ainsi rédigé :
« Art. 35-1. – I A. – Tout lanceur d’alerte, au sens du I de l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, peut adresser un signalement au Défenseur des droits.
« I B. – Lorsque le signalement qui lui est adressé relève de sa compétence, le Défenseur des droits le recueille, le traite, selon une procédure indépendante et autonome, et fournit un retour d’informations à son auteur. Un décret en Conseil d’État précise les délais et les garanties de confidentialité applicables à cette procédure, dans les conditions prévues par la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.
« I. – Lorsque le signalement relève de la compétence d’une autre autorité mentionnée au 1° du II de l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, le Défenseur des droits oriente son auteur vers celle-ci. Lorsque le signalement ne relève de la compétence d’aucune de ces autorités ou que son objet concerne les compétences de plusieurs d’entre elles, il l’oriente vers l’autorité, l’administration ou l’organisme le mieux à même d’en connaître.
« II. – Le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne pour rendre un avis sur sa qualité de lanceur d’alerte au regard des conditions fixées aux articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée.
« Il peut également être saisi par toute personne pour rendre un avis dans lequel il apprécie si elle a respecté les conditions pour bénéficier de la protection prévue par un autre dispositif spécifique de signalement de violations et de protection de l’auteur du signalement prévu par la loi ou le règlement.
« Les avis mentionnés aux deux premiers alinéas du présent II sont rendus dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande.
« III et IV. – (Supprimés) » ;
Article 3
Le II de l’article 36 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 précitée est ainsi modifié :
1° Après le 2°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, il présente tous les deux ans au Président de la République, au Président de l’Assemblée nationale et au Président du Sénat un rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d’alerte, réalisé à partir des informations transmises par les autorités compétentes pour traiter et recueillir les signalements. » ;
2° Au dernier alinéa, après la référence : « 2° », est insérée la référence : « et à l’avant-dernier alinéa du présent II ». – (Adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Cet amendement vise à lever le gage, afin que l’adjoint au Défenseur des droits chargé de l’accompagnement des lanceurs d’alerte, institué à l’article 1er bis, puisse percevoir une rémunération.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Avis favorable. Je ne puis que me réjouir d’avoir réussi, après tous nos échanges, à convaincre le Gouvernement de lever le gage. Le Défenseur des droits disposera ainsi de moyens renforcés pour assurer ses nouvelles missions.
Mme la présidente. Sur les articles 2 à 3, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi et de la proposition de loi organique dans la rédaction résultant des textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, modifiés par les amendements de la commission et du Gouvernement, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Ludovic Haye, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Ludovic Haye. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue avec mon groupe l’issue favorable de la commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi organique et sur la proposition de loi ordinaire renforçant la protection des lanceurs d’alerte, textes aujourd’hui soumis à notre ultime examen.
Cet accord confirme bien la nécessité et l’opportunité de telles dispositions dans notre État de droit. Il nous offre un régime lisible et équilibré pour la protection de personnes qui s’engagent pour l’intérêt général et s’exposent par là même à un risque.
Les conclusions de la commission mixte paritaire condensent également les travaux très approfondis de notre collègue député Sylvain Waserman, dans la continuité de son rapport à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et du bilan peu flatteur de la loi Sapin 2, dressé par une mission d’information transpartisane de l’Assemblée nationale.
Ce texte de consensus fait écho, enfin, au dialogue entre les différents groupes politiques et avec les acteurs de la société civile, dans la pleine diversité des positionnements sur le sujet.
Des points de convergence substantiels entre les deux assemblées avaient d’ailleurs émergé dès la première lecture.
Je pense notamment à l’extension des protections à certains tiers exposés, ainsi qu’à l’abolition de la hiérarchie entre canaux de signalement internes et externes. Ces mesures, rendues nécessaires par la transposition de la directive européenne du 23 octobre 2019, faciliteront les démarches de signalement de bonne foi là où notre droit posait jusqu’à présent le principe, bien souvent dissuasif en pratique, d’une saisine préalable des canaux internes.
Je pense également au renforcement des protections contre les procédures bâillons et les représailles qui forcent le silence, ainsi qu’à la facilitation de la réinsertion professionnelle et à la faculté pour le Défenseur des droits de jouer pleinement son rôle de conseil et d’orientation.
Je pense enfin, bien sûr, à la définition assouplie et plus opérante du lanceur d’alerte. Elle était défendue sur ces travées par un certain nombre de groupes, dont le mien, et Mme la rapporteure l’avait acceptée en séance, ce dont je la remercie.
La CMP a ensuite permis de parfaire plusieurs points, notamment certaines rédactions adoptées en première lecture.
Madame la rapporteure, votre volonté légitime de lever certaines craintes a été partagée par nos collègues députés. Cette CMP illustre d’ailleurs la démarche d’équilibre et la recherche de la juste ligne de crête, qui ont présidé à l’élaboration et à l’examen de ces textes.
Les dispositions qui en sont issues clarifient et sécurisent utilement le champ de l’irresponsabilité pénale, ainsi que les conditions de la divulgation publique directe pour endiguer les effets de bord ou d’aubaine ; il est important de le souligner.
C’est dans ce même esprit qu’a été rétablie la possibilité pour les personnes morales de droit privé à but non lucratif d’être protégées en tant que facilitateurs. Cela implique évidemment que les lanceurs d’alerte qu’elles aident respectent le cadre fixé par la loi, notamment le critère de bonne foi, ainsi que les canaux de signalement prévus.
Mes chers collègues, en rejoignant la liste des premiers États membres achevant leur procédure de transposition de la directive européenne et en allant au-delà même du contenu de celle-ci, la France confirme le rôle d’avant-garde qu’elle avait joué lors de l’adoption de la loi Sapin 2.
Nous espérons à ce titre que cet ultime vote de notre Haute Assemblée sera marqué par la même unanimité que celle qui avait été exprimée à l’Assemblée nationale en première lecture. En tout cas, le groupe RDPI y concourra, en soutenant ces textes de juste protection de ceux qui « vont vers leur risque » dans la défense de l’intérêt général.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est une erreur très commune, lorsqu’on fait face à un problème, de confondre la cause et l’effet : on accuse l’effet alors qu’il faudrait s’en prendre à la cause. C’est ce qui se produit quand, après qu’une alerte a été donnée, on dénonce celui ou celle qui l’a donnée au lieu de s’inquiéter du danger qu’elle révèle.
Voilà, en termes très généraux, l’écueil que nous nous proposons de corriger.
En adoptant aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur deux textes importants, la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte, nous ferons – j’en suis sûr – œuvre utile.
Le principe est simple : il s’agit de renforcer le cadre légal de leur protection. Cela concerne tous ceux qui, au sein d’une entreprise, d’une organisation ou même d’une administration, prennent leur courage à deux mains, acceptent d’aller au-devant des difficultés, rompent avec la règle d’un collectif au service de l’intérêt général.
Le rôle de ces lanceurs d’alerte est crucial dans nos sociétés. Ces derniers nous rappellent à une forme d’engagement individuel, de dépassement de soi au service d’un intérêt supérieur. Nous devons donc leur offrir un cadre législatif sécurisant et adapté aux problématiques qu’ils peuvent rencontrer au cours de leurs démarches.
Ce faisant, nous tirons tous les enseignements des expériences passées et de parcours emblématiques, comme celui d’Irène Frachon, qui a déclenché le scandale du Mediator.
Mais surtout, nous transposons dans notre droit une nouvelle directive européenne. Il s’agit donc de renforcer le cadre prévu par la loi Sapin 2, déjà très rigoureux, qui avait fait de la France – cela vient d’être souligné – une référence en matière d’arsenal juridique dans ce domaine. Certaines de ces mesures sont renforcées par les deux textes que nous adopterons aujourd’hui.
Je remarque également que la proposition de loi, dans sa version issue de la commission mixte paritaire, va plus loin encore que ce que prévoit la directive européenne.
Ainsi, le texte vise à protéger les facilitateurs, qui jouent bien souvent un rôle clé dans les démarches entreprises par les lanceurs d’alerte, comme l’exigeait la directive.
Cependant, le texte européen se restreignait au cas des personnes physiques, alors que la nouvelle version de notre texte prévoit aussi la protection des facilitateurs sous la forme de personnes morales.
À ce propos, je tiens à couper court à une mauvaise idée qui a circulé à propos du texte.
Vouloir protéger les lanceurs d’alerte, ce n’est pas leur donner un blanc-seing en toutes circonstances ni encourager à la dénonciation, voire à la délation. C’est poser un cadre clair, où le statut du lanceur d’alerte est mieux défini, où les pratiques de dissuasion ou d’intimidation à son encontre sont mieux caractérisées et plus lourdement sanctionnées, où des points de contact clairement identifiés sont mis en place et où des procédures sont explicitées pour sécuriser les démarches sans verser dans l’écueil d’une société au sein de laquelle tout serait sans cesse dénoncé.
À cet égard, je regrette la suppression de l’article 4 bis, proposé sur l’initiative du Sénat, qui prévoyait pour les abus en matière de lancement d’alerte le même régime de sanction que pour les dénonciations calomnieuses, à savoir cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Cela aurait eu le mérite de clarifier les choses, donc d’éviter la délation.
De même, certains domaines ont été exclus du lancement d’alerte : la défense nationale, le secret médical et le secret de l’avocat. Ces garde-fous nous paraissent de bon aloi, car les alertes ne doivent pas mettre en danger les citoyens, que la loi vise également à protéger. Ce serait un comble que ce nouveau cadre juridique porte atteinte à la sécurité des Français.
Mes chers collègues, je ne reviendrai pas dans le détail des textes ayant fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire. Je tenais toutefois à rappeler que le groupe Les Indépendants se félicite de leur adoption. Elle conduira, j’en suis certain, à mieux définir et mieux valoriser la figure du lanceur d’alerte dans notre société.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Bellurot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nadine Bellurot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur deux propositions de loi déposées par nos collègues députés et consacrées à la protection des lanceurs d’alerte.
Comme cela a été rappelé, une telle problématique, sans être nouvelle, a acquis au cours des années une importance et une notoriété croissantes. Plusieurs affaires importantes ont mis en lumière le rôle majeur que peuvent jouer les lanceurs d’alerte ; je pense, par exemple, au scandale du Mediator, auquel il a été fait référence, ou, plus récemment, à celui des LuxLeaks.
Les deux textes procèdent – cela a été abondamment évoqué – à la transposition de la directive européenne du 23 octobre 2019. Celle-ci a établi un cadre juridique plus exigeant pour la protection des lanceurs d’alerte, dont les révélations portent sur la violation de certaines règles du droit de l’Union européenne.
Ces apports du droit européen n’interviennent toutefois pas dans un contexte de vide juridique en France. Par le biais de la loi Sapin 2, notre pays s’était déjà doté d’un cadre robuste en l’espèce, devenant un pionnier de la protection des lanceurs d’alerte en Europe continentale. Ce cadre n’était évidemment pas exempt de défauts : ainsi, le critère de « désintéressement » du lanceur d’alerte était trop vague et certaines procédures exposaient le lanceur à des risques de représailles internes.
Les deux propositions de loi du député Sylvain Waserman visaient donc à accompagner la transposition de la directive d’un certain nombre de mesures de renforcement du cadre national, poursuivant et consolidant ainsi les objectifs de la loi Sapin 2. Notre assemblée a accueilli favorablement cette démarche tout en s’efforçant d’améliorer les textes qui lui furent soumis.
À cet égard, je veux saluer le travail considérable de notre rapporteur, Catherine Di Folco, sur un sujet à la complexité technique indéniable. L’approche qu’elle nous a proposée consistait à s’efforcer d’assurer la préservation d’un équilibre entre protection du lanceur d’alerte de bonne foi et prise en compte des autres intérêts légitimes en cause. Le respect de cet équilibre n’interdisait aucunement de renforcer les garanties dont bénéficient les lanceurs d’alerte.
C’est ainsi que nous avons voté la possibilité pour ces derniers de s’adresser directement à une autorité externe, ainsi que plusieurs mesures d’accompagnement juridique, financier et psychologique.
Cette recherche d’équilibre nous avait également conduits à maintenir une forme de critère de gravité de la situation avant qu’il puisse y avoir une divulgation publique d’informations. Cette question avait fait l’objet d’abondantes discussions dès la première lecture. Le Sénat avait alors retenu la proposition de son rapporteur de revenir sur la définition des lanceurs d’alerte initialement votée en commission, pourvu que ce critère de gravité subsiste. Le compromis trouvé à cet égard constitue un motif de satisfaction pour nous.
Nous saluons également le maintien d’autres apports sénatoriaux dans le texte. Je pense, par exemple, à la mise en place de procédures de signalement internes harmonisées pour les sociétés d’un même groupe, qui était très demandée par les acteurs économiques. Je songe également à la clarification des limites de l’irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte, qui ne s’étendra pas aux infractions pénales commises pour l’obtention illicite des informations : voilà une disposition qui rassurera en particulier le monde agricole.
J’en viens à la proposition de loi organique.
Nous nous félicitons du consensus existant avec nos collègues députés autour de la création d’un poste d’adjoint au Défenseur des droits chargé de l’accompagnement des lanceurs d’alerte. L’amendement du Gouvernement permet de lever les obstacles financiers.
Ces textes ne sont évidemment pas parfaits.
Nous regrettons le maintien de certains dispositifs, qui ne nous semblent pas aboutis. Je pense à la possibilité pour les personnes morales de droit privé à but non lucratif d’être considérées comme des facilitateurs et de bénéficier de garanties associées ou au dispositif, juridiquement fragile, de provision définitive pour frais d’instance.
En dépit de ces quelques points de désaccord, nous estimons toutefois que les textes résultant des travaux de la commission atteignent un équilibre suffisant et seront en mesure de renforcer de manière satisfaisante la protection des lanceurs d’alerte.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera la proposition de loi et la proposition de loi organique dans la rédaction résultant des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire, qui est parvenue à un accord sur la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et sur la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte.
Nous nous félicitons évidemment de cet accord et, surtout, de son contenu, très proche de la version de l’Assemblée nationale, plus ambitieuse que celle du Sénat.
Après un examen en commission marqué par un recul net de la protection offerte par ce texte, notre rapporteure avait mis de l’eau dans son vin en séance et entendu un certain nombre d’inquiétudes, s’agissant notamment de la définition des lanceurs d’alerte.
Je salue le chemin supplémentaire accompli en commission mixte paritaire pour revenir, après un débat parlementaire nourri, à un texte proche de celui qui avait été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en première lecture.
Nous évitons donc une sous-transcription de la directive européenne. Nous allons nous doter d’un arsenal juridique intéressant pour protéger les lanceurs et les lanceuses d’alerte, un arsenal juridique européen pionnier dans le monde.
Ses prémices trouvent d’ailleurs leur origine au Sénat, avec, voilà bientôt une décennie, la proposition de notre ancienne collègue écologiste Marie-Christine Blandin, que vous me permettrez de saluer ici. Je salue également le travail du rapporteur de l’Assemblée nationale, Sylvain Waserman, qui a porté ce texte et fait preuve de beaucoup d’écoute durant tous les travaux. Je salue en outre le travail mené par Ugo Bernalicis et nos collègues de La France insoumise, auteurs d’une autre proposition, plus ambitieuse encore. Je salue enfin notre collègue Mélanie Vogel, qui a beaucoup œuvré dans son ancienne vie à la rédaction de la directive européenne que nous retranscrivons aujourd’hui.
Mais tous nos travaux parlementaires ne seraient rien sans les lanceurs et lanceuses d’alerte eux-mêmes, sans leur combat, sans leur abnégation, sans leur auto-organisation pour sortir de la solitude qui les assaille trop souvent, sans la fondation de la Maison des lanceurs d’alerte, sans l’organisation des rencontres annuelles des lanceurs d’alerte, permise notamment par l’énergie de Daniel Ibanez. Nos travaux sont aussi et surtout le fruit de leurs réflexions et de leurs propositions, héritées de leur histoire, de leur parcours de vie, des difficultés sans cesse dressées sur leur route.
J’ai une pensée particulière pour Irène Frachon, Antoine Deltour, Amar Benmohamed, Valérie Murat, Quentin Guillemain et Inès Léraud, qui sont venus ici, au Sénat, nous faire part de leurs poignantes histoires de vie : des vies qui, par un souci chevillé au corps de l’intérêt général, ont basculé définitivement et qui porteront très longtemps le sceau de l’alerte que ces personnes ont lancée. J’ai également une pensée pour Hugo, le lanceur d’alerte de la centrale de Tricastin, que nous avons reçu et dont le témoignage a été précieux pour rédiger notre proposition de loi visant à renforcer la sûreté nucléaire, la transparence financière et le contrôle parlementaire.
Nous nous devons de protéger ces femmes et ces hommes, qui ont le courage de signaler ces failles de nos institutions, ces fautes de nos entreprises menaçant des vies humaines et notre environnement.
C’est ce que nous continuons à faire avec ce texte, qui arme quelque peu David contre Goliath.
Tout d’abord, la proposition de loi améliore ou précise la définition et le statut des lanceurs d’alerte, en retirant la notion, juridiquement imprécise, de « désintéressement » et en supprimant le caractère de gravité des violations dénoncées.
Ensuite, elle simplifie la procédure d’alerte, en supprimant l’obligation de signalement interne, qui, le plus souvent, ne rimera qu’avec étouffement. Nous regrettons à ce propos que cette procédure Sapin 2 soit maintenue pour la divulgation d’informations obtenues hors de tout cadre professionnel.
Enfin, la proposition de loi codifie pour définir le rôle des facilitateurs et ouvrir ce statut aux personnes morales à but non lucratif, afin de permettre aux lanceurs d’alerte d’être accompagnés, car leur démarche les expose à une immense solitude.
Bien entendu, nous regrettons que la loi n’ouvre pas directement le statut de lanceur d’alerte aux personnes morales. Les associations et ONG jouent un rôle clé dans le processus d’alerte. Elles contribuent à la protection des lanceurs d’alerte en leur permettant notamment de rester anonymes. Nous ne pouvons pas compter sur le seul courage de citoyennes et citoyens qui exposent leur vie pour dénoncer et identifier toutes les failles de nos sociétés, au sein desquelles, de surcroît, la puissance publique, rongée par le néolibéralisme, est en recul constant.
Enfin, parmi les avancées majeures à souligner, je mentionne la lutte contre les procédures bâillons, avec la prise en charge des frais de justice des lanceurs d’alerte et les sanctions contre les procédures judiciaires abusives lancées contre ces mêmes lanceurs d’alerte.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de la proposition de loi, qui constitue une étape importante dans la protection des lanceurs d’alerte. Naturellement, c’est une étape qu’il nous faudra dépasser. Ce n’est malheureusement pas demain que le besoin d’alerte se fera moins sentir !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de la discussion de ces propositions de loi, dont le texte final – je le dis d’emblée – est pour nous très satisfaisant.
La rédaction que nous propose la commission mixte paritaire correspond à un texte de compromis au résultat tout à fait équilibré. Il s’agit d’une très bonne chose. C’est d’autant plus appréciable que cela n’était pas tout à fait acquis lors de la navette parlementaire. Je veux saluer ici le travail que vous avez mené dans ce cadre, madame la rapporteure.
En effet, si le texte adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale au mois de novembre dernier présentait une transposition de la directive européenne ambitieuse et d’ailleurs unanimement saluée par les associations en pointe dans la défense des lanceurs d’alerte, la copie revue par la commission des lois du Sénat était pour le moins décevante et même inquiétante à certains égards. Mme la rapporteure avait en effet décidé dans un premier temps d’affaiblir sérieusement le dispositif, au point de vouloir revenir en arrière sur la définition du lanceur d’alerte par rapport à la loi Sapin 2, que la proposition de loi tendait au contraire à renforcer.
Même si au dernier moment ce recul n’a pas été entériné en séance et si un texte plus favorable que celui qui avait été voté en commission a finalement été adopté, le compromis sur plusieurs points n’était pas encore acquis avec l’Assemblée nationale.
Cette CMP est pourtant parvenue à un résultat très satisfaisant, en reprenant les dispositifs d’avant-garde en la matière dans l’Union européenne que comportait la proposition de loi initiale.
Ainsi, pour ne parler que des principaux points de divergence, les lanceurs d’alerte pourront bien trouver appui sans condition sur des personnes morales à but non lucratif, comme l’avaient prévu nos collègues députés. Idem concernant la possibilité pour le lanceur d’alerte de bénéficier d’une provision pour financer sa défense, qui lui sera bien définitivement acquise.
Les nombreuses avancées majeures que présente ce texte final, comme la définition étendue des lanceurs d’alerte, la clarification des canaux internes et externes permettant de lancer l’alerte, le renforcement substantiel de la protection des lanceurs d’alerte avec des sanctions pénales et/ou civiles contre les responsables de procédures abusives, ou encore la meilleure reconnaissance des facilitateurs qui accompagnent les lanceurs d’alerte, sont autant de mesures ambitieuses qui créent un environnement protecteur pour les lanceurs d’alerte et à même de devenir un cadre législatif de référence à l’échelon européen.
Si de telles conclusions sont possibles, c’est aussi grâce à la vigilance et au travail de longue haleine de la coalition des trente-six syndicats et associations constituée autour de la Maison des lanceurs d’alerte, qui s’est attelée à un travail de persuasion précieux auprès des élus ; nous le saluons.
Notre Parlement s’honore aujourd’hui en hissant la France à la proue de l’Union européenne en matière de protection des lanceurs d’alerte.
Nous le savons, nos concitoyens sont désireux d’une plus grande transparence sur tous ces sujets. Il s’agit là du monde nouveau dans lequel nous vivons, où la lutte et le combat contre ce qui porte atteinte à l’intérêt général sont non plus l’apanage de certains, mais bien le droit de toutes et tous.
Protéger ce droit commun est un enjeu fondamental pour la vitalité de notre démocratie. J’ajouterai à la liste des lanceurs d’alerte mentionnés par notre collègue Guillaume Gontard le nom de Nicolas Forissier, lanceur d’alerte de la banque UBS.