M. le président. En l’absence d’observations, je considère ces conclusions comme adoptées.
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Outils de gestion des risques climatiques en agriculture
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.
Nous poursuivons l’examen de l’article 3.
Article 3 (suite)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 77, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Benarroche, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Après les mots :
nature des productions,
insérer les mots :
afin de ne pas pénaliser les exploitations diversifiées
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. J’ai déjà insisté sur la nécessité de la diversification dans les exploitations agricoles. Or celle-ci n’est qu’imparfaitement prise en compte dans le montant des indemnités. À ce jour, les contrats d’assurance ne sont pas incitatifs, et les systèmes d’indemnisation favorisent souvent la monoculture.
Il est vrai que les modifications introduites grâce aux amendements de la commission des affaires économiques permettent d’améliorer cette prise en compte, mais cela reste insuffisant. C’est le système d’indemnisation par la solidarité nationale qui doit prendre en compte la diversification, afin de la favoriser. C’est ce que nous proposons via cet amendement.
Gérer les risques sans inciter à la diversification des productions, qui reste la meilleure assurance contre les aléas climatiques, c’est s’enfermer dans des systèmes non durables
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par MM. Salmon, Labbé, Gontard, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Après le mot :
échéant,
insérer les mots :
dans un souci d’équité du dispositif, et de maintien d’une diversité de productions sur les territoires,
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Il s’agit d’un amendement de repli.
L’objectif est d’obtenir des garanties sur le seuil de déclenchement de l’indemnisation et sur le montant des indemnités relevant de la solidarité nationale pour les productions difficilement assurables ou non assurables.
Le fait que ces différents éléments soient fixés par décret suscite des craintes dans de nombreux secteurs. Ainsi, dans la filière bovine, où les assurances sont actuellement inaccessibles, un déclenchement de la solidarité nationale au-dessus de 30 % de pertes, ce qui correspond au seuil actuel pour les calamités agricoles, constituerait un recul fort. Idem s’agissant de la filière arboricole.
Dans un contexte de hausse des tarifs des contrats d’assurance, le texte n’apporte aucune garantie pour toutes les fermes difficilement assurables.
De plus, il n’y a pas d’offre assurantielle pour de nombreuses productions ; c’est le cas du maraîchage diversifié ou de l’apiculture. Là encore, fixer un seuil de déclenchement de la solidarité nationale supérieur à celui qui s’applique actuellement serait un recul fort.
Le Gouvernement fixera-t-il le seuil à 30 %, à 50 % ou plus haut ? En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas le déterminer, du fait de l’article 40 de la Constitution. Pourtant, c’est le cœur de la réforme. Certes, nous avons noté que cette problématique avait été prise en compte par M. le rapporteur.
Au-delà de l’enjeu pour les agriculteurs, il y va de notre souveraineté alimentaire. Les filières que je viens d’évoquer sont celles qui rencontrent le plus de difficultés, lesquelles jusqu’à pénaliser notre autonomie. En effet, le miel, les fruits et les légumes sont les productions pour lesquelles nous avons le plus recours aux importations.
La commission a précisé que le décret prendrait en compte l’absence ou le faible développement d’assurances pour certains secteurs, mais cela n’offre pas suffisamment de garanties.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques. Hormis peut-être la monoculture du maïs dans certaines régions – et encore, c’est très limité –, je connais très peu d’exploitations en France qui ne soient pas diversifiées…
La polyculture ou l’élevage sont, par définition, diversifiés. Même les céréaliers ont intérêt à la diversification, afin d’alterner leurs productions et de favoriser l’assolement. Les betteraviers sont confrontés à la même problématique.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 77.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 73, mais j’aimerais entendre M. le ministre sur le maintien, ou non, des 13 % pour la solidarité nationale. Et quid de cette règle pour les cultures n’entrant pas dans les grilles visées par le dispositif que nous nous apprêtons à voter ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 77, pour les mêmes raisons que la commission.
Son avis est également défavorable sur l’amendement n° 73. Par définition, compte tenu du nouveau dispositif, le 13 %, qui peut être abaissé à 11 %, disparaît de facto. L’objectif est que le deuxième étage vienne se caler sur les contrats d’assurance et que le troisième étage soit en surplus. Avec les nouvelles conditions d’indemnisation, la double entrée n’existe donc plus, comme c’était le cas jusqu’à présent.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 21 rectifié bis est présenté par M. S. Demilly, Mme Jacquemet, MM. Levi, Capo-Canellas, Le Nay et Hingray, Mme Saint-Pé, MM. J.M. Arnaud, Mizzon, Folliot, Maurey, Belin, Delcros, Lefèvre et Duffourg, Mmes Drexler et Dumont, M. Pellevat, Mme Garriaud-Maylam et M. Longeot.
L’amendement n° 57 est présenté par M. Buis, Mmes Evrard, Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le décret peut également fixer les conditions dans lesquelles les évaluations des pertes peuvent faire l’objet d’une demande de réévaluation par les exploitants.
La parole est à M. Stéphane Demilly, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié bis.
M. Stéphane Demilly. Cet amendement a pour objet la fixation par décret les conditions dans lesquelles les évaluations de pertes à la suite d’un événement climatique peuvent faire l’objet d’une demande de réévaluation par les exploitants.
En effet, lors d’une demande de réévaluation, les commissions d’enquête qui se rendent sur le terrain sont amenées – et à mon avis, elles le seront de plus en plus – à user de technologies diverses selon l’ampleur du phénomène climatique. Je pense notamment aux drones, à l’imagerie satellitaire ou encore à la modélisation informatique. Certains agriculteurs utilisent déjà ces dispositifs.
Nous le savons, les risques climatiques sont évolutifs et difficiles à prévoir avec exactitude. Les technologies ont vocation à permettre aux experts d’avoir une meilleure vue d’ensemble des parcelles en cas de sinistre, afin d’apporter davantage de précision dans les analyses visant à constater les dégâts.
Les conditions d’évaluation actuelles seront peut-être complètement dépassées dans deux ans ou trois ans. C’est pourquoi il convient de renvoyer à un décret les conditions dans lesquelles un exploitant peut demander une telle expertise.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 57.
M. Bernard Buis. Cet amendement vise à réintroduire la capacité à fixer par décret les conditions de réévaluation des pertes. Il semble important de nous laisser la possibilité de préciser les voies de recours dans les textes réglementaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Nous examinerons dans quelques instants un amendement visant à répondre au problème que nos collègues soulèvent.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Je reconnais là la subtilité de M. le rapporteur. (Mme la présidente de la commission des affaires économiques s’esclaffe.) Pour ma part, étant en désaccord avec l’article 3 bis, j’émettrai un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
Certes, M. le rapporteur a déposé un amendement tendant à renvoyer à un décret la fixation des conditions dans lesquelles les évaluations des pertes de récoltes ou de cultures peuvent faire l’objet d’une autre demande de réévaluation par les exploitants. Mais c’est dans le cadre d’un article ouvrant au comité départemental d’expertise (CDE) la possibilité de mener des enquêtes de terrain. Ce n’est donc pas la même formule que la voie de recours proposée par les auteurs de ces amendements identiques.
J’émets donc un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ainsi que M. le ministre vient de l’indiquer, l’article 3 bis, que l’amendement n° 58 tend à supprimer, ouvre la possibilité de déclencher une enquête de terrain du CDE lorsque plusieurs agriculteurs, dont le nombre serait fixé par décret, contestent une évaluation.
Il est par exemple arrivé qu’un diagnostic établi par un satellite d’Airbus conclue à l’absence de sécheresse, parce que la pluie journalière aboutissait au maintien d’un tapis vert sans végétation. Mais, dans la réalité, il y avait bien sécheresse !
C’est un peu comme la fois où j’ai essayé de me garer sur le parking de Châteaucreux : la barrière ne s’ouvrait pas, et, à l’interphone, la personne contactée, qui se trouvait peut-être à 600 kilomètres de là, m’expliquait que c’était complet, alors que je voyais bien qu’il restait beaucoup de places libres ! (Sourires.) Il y a une différence entre ce qu’un satellite aperçoit et la réalité sur le terrain !
Nous avons donc besoin d’une expertise en cas de catastrophe climatique, lorsque l’analyse établie par satellite ne correspond pas du tout au ressenti des agriculteurs. Le plus simple est de revenir sur le terrain, pour constater ce qu’il en est réellement.
Monsieur le ministre, je sais que ce mécanisme vous déplaît, mais il présente le grand avantage de permettre de prendre en compte l’humain pour répondre à des situations catastrophiques.
Mettons-nous à la place de l’agriculteur ou de l’éleveur qui est en train de tout perdre et à qui l’on dit depuis Paris que, selon le satellite, tout va très bien pour lui ! Il ne pourra jamais l’accepter.
Nous proposons de créer une commission départementale avec le préfet. À vous de décider du nombre d’agriculteurs à partir duquel le dispositif sera déclenché. Vous pouvez fixer la barre à 100 ou à 150, afin d’éviter les réactions épidermiques. L’important est de traiter des situations particulières qui sont sources d’injustices et qui, de surcroît, desservent l’État, puisque plus personne n’a confiance.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le rapporteur, vous auriez pu également mentionner les différences entre la pousse d’herbe évaluée et la quantité et la qualité du foin in fine récolté…
Que les choses soient claires : je ne conteste en aucun cas la nécessité d’une voie de recours. Mon interrogation porte sur ses modalités. Faut-il des comités départementaux d’expertise ou d’autres voies, définies par décret, comme le proposent les auteurs des amendements identiques ?
Pour ma part, je choisis la seconde option, même si – j’en suis bien conscient – ce n’est pas nécessairement très audible. Dans la réalité, chaque décision prise en matière de sécheresse fait l’objet d’un recours.
Nous devons trouver un équilibre entre la temporalité du versement de l’aide et le nombre de voies de recours et de personnes à mobiliser sur le terrain. Mais c’est évidemment très compliqué.
Dans les faits, toute décision est contestée, car il y a toujours une différence entre ce que le satellite observe et la réalité. Si l’on envoie un expert dans chaque ferme pour réaliser des relevés individuels, le processus va prendre des mois.
Je ne sais pas exactement quelle est la bonne formule. La question porte sur les modalités du recours, non sur le principe de ce dernier.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié bis et 57.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
Après l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 361-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 361-4-2. – Si un exploitant agricole conteste l’évaluation des pertes de récoltes ou de cultures retenues pour le calcul des indemnisations mentionnées aux articles L. 361-4 et L. 361-4-1, le comité départemental d’expertise mentionné à l’article L. 361-8 peut être consulté sur la manière dont le sinistré a satisfait aux conditions d’indemnisation. Dès lors qu’un nombre suffisant de réclamations, précisé par arrêté, est atteint au sein du département, le comité départemental d’expertise peut lancer une enquête de terrain en vue d’évaluer une perte moyenne de production sur une zone donnée. Au terme de cette dernière, le comité départemental d’expertise, s’appuyant sur l’expertise de la chambre départementale d’agriculture, propose une rectification, le cas échéant, du montant des dommages subis dans le cadre des indemnisations mentionnées aux articles L. 361-4 et L. 361-4-1. Un décret détermine les modalités d’application de cet article. »
M. le président. L’amendement n° 58, présenté par M. Buis, Mmes Evrard, Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement vise à supprimer l’article 3 bis.
D’une part, nous considérons que cet article complexifie le dispositif, en risquant d’allonger substantiellement les délais de traitement des demandes d’indemnisation, ce qui n’est pas l’objet du présent projet de loi.
D’autre part, l’article 3 bis remet en cause la méthode d’estimation des pertes individuelles uniques. Il est donc susceptible de créer une inégalité de traitement entre les agriculteurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Vous le comprendrez aisément, eu égard à ce que j’ai expliqué précédemment, je ne puis qu’être défavorable à un amendement dont l’objet est de supprimer le comité départemental d’expertise.
Monsieur le ministre, je m’inscris en faux par rapport à vos propos. Par définition, si le satellite conclut à l’absence de pertes, il n’y a aucune indemnisation. Je ne vois donc pas comment le CDE pourrait allonger les délais d’indemnisation…
Le comité départemental, qui est présidé par le préfet, représentant de l’État, constatera sur le terrain si les conclusions établies par le satellite sont erronées et s’il y a bien eu sécheresse. Mais il lui sera en tout état de cause difficile de retarder le versement d’une indemnisation que votre ministère n’avait pas prévu d’accorder.
Nous avons tout intérêt, me semble-t-il, à maintenir cette instance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le rapporteur, dans le cas de figure que vous évoquez, il est difficile d’être en désaccord avec vous. Mais ce n’est pas le seul cas de figure possible !
Les méthodologies utilisées, dont le satellite, ne servent pas seulement à établir s’il faut ou non indemniser. Elles permettent également de déterminer s’il faut déclencher le seuil des 13 %, dans quels territoires, et au profit de quelles catégories. L’indemnisation varie en fonction du niveau de sécheresse constatée. C’est dans cette hypothèse, si toutes les exploitations indemnisées contestent le montant de leur indemnisation, que nous risquons d’avoir un allongement des délais.
Encore une fois, une voie de recours est nécessaire, mais la bonne formule est difficile à trouver. Il ne peut pas s’agir d’envoyer un agent de la direction départementale des territoires (DDT) ou un assureur – ce sera le plus souvent un agent de la DDT – dresser un relevé de chaque exploitation, faute de quoi l’indemnisation prendrait un an et demi de retard.
Enfin, en ce qui concerne cet amendement, le Gouvernement émet un avis favorable, pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Monsieur le ministre, nous vous proposons de fixer les modalités du dispositif par décret. Nous ne vous dictons pas ce que vous devez y faire figurer ! Rien ne vous empêche de préciser, par exemple, qu’il doit s’agit de circonstances particulières.
Notre propos n’est pas de traiter de 10 % des cas d’indemnisation. Nous voulons éviter des erreurs colossales qui créent des injustices pour des dizaines, voire des centaines d’agriculteurs. L’idée n’est pas d’entrer dans des discussions de marchands de tapis pour savoir s’il faut indemniser à 40 % ou à 45 %. Nous voulons répondre aux pires situations, celles qui risquent de mener le système à sa perte en sapant toute confiance.
À vous de prévoir les modalités, de fixer des limites et, éventuellement, de décider qu’il n’est pas possible de revenir sur le taux d’indemnisation. Mais un refus d’indemnisation prononcé à la suite d’une analyse effectuée par satellite doit pouvoir être contesté.
M. le président. L’amendement n° 97, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, deuxième phrase
Après le mot :
arrêté
insérer le mot :
préfectoral
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret fixe les conditions dans lesquelles les évaluations des pertes de récoltes ou de cultures peuvent faire l’objet d’une autre demande de réévaluation par les exploitants. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. L’article 3 bis ayant été maintenu, cet amendement vise à prévoir que le CDE est mis en place par arrêté préfectoral et qu’un décret fixe les conditions de contestation des pertes.
Vous le voyez, monsieur le ministre, nous vous laissons la possibilité de déterminer les modalités d’application du dispositif, afin de traiter les sujets au plus près du terrain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Je suis favorable à la seconde partie de l’amendement.
En revanche, je pense que l’arrêté doit être national, et non pas préfectoral, afin que les conditions de déclenchement soient les mêmes partout. Si elles varient en fonction des territoires, nous ne nous en sortirons pas.
Mon avis est donc favorable à cet amendement, sous réserve que sa première partie soit supprimée.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Monsieur le ministre, lors des auditions, les représentants de l’administration nous ont fait part de leur opposition au CDE, car c’est le pouvoir politique qui s’exprimait. C’est cela qui vous fait peur aujourd’hui !
Autrefois, en cas de calamité dans un département, les élus locaux, les députés et les sénateurs montaient au créneau pour défendre tel ou tel dossier particulier. C’était effectivement problématique.
Faut-il pour autant renoncer à faire intervenir des acteurs de terrain ?
D’ailleurs, il n’est pas obligatoire de faire des expertises partout. Nous pouvons très bien reprendre les mesures établies par les chambres d’agriculture. Nous ne sommes plus en 1964, quand il fallait, afin de mesurer une perte, se déplacer dans chaque grange pour voir ce que celle-ci avait en stock.
Les mesures de pousse de l’herbe qui sont aujourd’hui réalisées par les chambres d’agriculture permettent d’observer si le diagnostic établi par satellite est erroné, et cela sans avoir besoin de mobiliser le député de la circonscription ou le sénateur du département.
Il faut prendre ces différents éléments en compte. Et nous vous laissons le soin de les faire figurer dans le décret.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Le problème n’est pas là ! L’éligibilité au dispositif et le montant des indemnisations sont régis nationalement. Or, sur le terrain, on considère souvent, et c’est normal, que le cadre national n’est pas suffisamment attractif ou n’est pas conforme au ressenti local. Dès lors, vous l’avez tous observé, nombre de demandes des territoires n’entrent pas dans ce cadre
Nous sommes systématiquement confrontés à ce problème dans les dossiers d’indemnisation. Et, croyez-moi, j’en ai eu beaucoup à traiter.
Il nous faut donc trouver un équilibre. Encore une fois, je ne conteste pas la nécessité d’une voie de recours, mais il faut veiller à faire en sorte que la formule retenue ne soit pas source de perte de temps pour les agriculteurs.
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Bouad, Montaugé, Pla, Tissot, Kanner et P. Joly, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Cardon, Mérillou, Michau et Redon-Sarrazy, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la troisième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les entreprises d’assurance commercialisant les produits d’assurance bénéficiant de l’aide prévue à l’article L. 361-4 sont tenues de fournir une réponse écrite dans un délai d’un mois à compter de la réception des préconisations du comité départemental d’expertise.
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. L’article 3 bis prévoit une possibilité de saisine des comités départementaux d’expertise saisis par voie de recours collectif en cas de sous-estimation des pertes estimées dans une zone donnée.
Le CDE pourra mener une enquête de terrain en s’appuyant sur l’expertise de la chambre départementale d’agriculture et, le cas échéant, proposer une rectification.
Dans la rédaction actuelle du texte, rien ne précise les obligations incombant aux assureurs. Cet amendement vise donc à garantir que, en cas de contestation sur l’évaluation des pertes de récolte ou de culture, les recommandations du comité départemental de l’expertise ne restent pas sans réponse de la part des assureurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.
(L’article 3 bis est adopté.)
Après l’article 3 bis
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano, Bilhac, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 361-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 361-8… – Les aides versées par l’autorité de gestion dans le cadre de la politique agricole commune sont minorées si les exploitants agricoles n’ont pas souscrit une assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles mentionnée au premier alinéa de l’article L. 361-4 ou s’ils n’ont pas réalisé un diagnostic de gestion des risques constatant un niveau de maîtrise des risques suffisant sur l’exploitation. Les modalités d’application de cet article sont définies par décret. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement est un amendement de repli à l’amendement n° 44 rectifié, que j’avais déposé à l’article 1er bis et qui est devenu sans objet.
Nous devons nous soucier des agriculteurs qui ne seront pas assurés et qui n’entreront donc pas dans le cadre prévu par le projet de loi.
Cet amendement vise à lier le niveau des aides versées aux exploitants agricoles à la souscription d’un contrat d’assurance récolte. Nous voulons qu’il y ait un maximum d’agriculteurs assurés, afin de faire tomber le niveau des polices d’assurance et de permettre au plus grand nombre de s’assurer, notamment pour atteindre l’objectif de souveraineté alimentaire.
Monsieur le rapporteur, l’amendement n° 98, que vous défendrez dans quelques instants, vise à faire en sorte que la dotation jeunes agriculteurs (DJA) des jeunes agriculteurs n’ayant pas souscrit un contrat d’assurance soit non plus « minorée », mais « modulée ».
Comme je suis pragmatique, je me dis que, s’il est possible de le faire pour les jeunes agriculteurs, il doit également être possible de le faire pour les autres… Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. La question que notre collègue soulève appelle plusieurs réponses.
Premièrement, nous ne pouvions pas écrire dans le projet de loi que la DJA serait « modulée » – il aurait alors fallu écrire « modulée à la baisse », ce qui, vous en conviendrez, est synonyme de « minorée » –, sous peine de tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Or nous voulions tout de même qu’elle soit conditionnée. Heureusement, le Gouvernement, qui n’est pas soumis à l’article 40, a déposé un amendement tendant à remplacer les mots « est minorée » par les mots « peut être modulée ». Je m’en réjouis.
Deuxièmement, les aides du premier pilier et les aides de la politique agricole commune (PAC) à l’assurance récolte sont des aides économiques liées à une compensation de revenus, ce qui n’est pas le cas de la DJA. Celle-ci est un apport supplémentaire pour favoriser l’installation d’un jeune agriculteur, et elle peut être conditionnée, par exemple, à un certain niveau de formation professionnelle. En appliquant le même critère aux aides qui relèvent de la compensation de revenus, nous pénaliserions les agriculteurs.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.