M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Il est vrai qu’il n’est pas dans la tradition du Sénat d’accepter les demandes de rapport, mais, en l’occurrence, le contexte est très particulier. L’année dernière a été créée une prise en charge psychologique, le chèque psy, dans le cadre du confinement. Quel bilan en tirer ? Il y a de nombreuses questions à se poser. Ce rapport pourrait donc être très utile.
Sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Vous avez raison de dire, madame la sénatrice Brulin, que le harcèlement à l’école affecte de manière plus ou moins grave la santé psychique des enfants. Ces atteintes peuvent nécessiter l’orientation soit vers une prise en charge psychologique, soit vers une prise en charge psychiatrique, en fonction des besoins.
Les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie des 27 et 28 septembre derniers, que vous avez évoquées précédemment, ont été l’occasion d’annonces très fortes en ce sens.
Tout d’abord, il existe de nombreuses structures spécialisées qui proposent un accueil et/ou une prise en charge des victimes de harcèlement. Des établissements publics, tels que les maisons des adolescents (MDA) ou les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles, offrent un accompagnement psychologique et psychiatrique lorsque cela est nécessaire.
Notre objectif est d’atteindre le ratio d’une MDA par département en 2022. Quant aux effectifs des centres médico-psychologiques infanto-juvéniles, ils seront renforcés de 400 équivalents temps plein (ETP) d’ici à 2024.
En outre, une prise en charge est désormais possible par les psychologues en ville.
Enfin, l’une des mesures phares des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie annoncées par le Président de la République est la prise en charge pour l’ensemble de la population, dès l’âge de 3 ans, de séances chez le psychologue en ville. Cette mesure doit permettre d’améliorer l’accès aux soins en santé mentale et s’adresse évidemment aux enfants et aux adolescents qui seraient victimes de harcèlement.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
L’amendement n° 27, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport présentant un état des lieux du nombre de médecins, d’infirmières et de psychologues scolaires et leur répartition au sein des établissements scolaires. Il établit notamment des recommandations concernant le nombre de personnels à recruter afin d’avoir un taux d’encadrement satisfaisant, permettant aux médecins et infirmières scolaires de mieux prendre en charge le suivi des enfants victimes de harcèlement.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. J’ai bien conscience que demander deux fois un rapport, au moyen de deux amendements successifs, représente un très gros effort pour le Sénat, et j’en suis désolée. (Sourires.)
Mais, pour être tout à fait transparente, je ne pouvais pas rater cette occasion de dire – et nous sommes un certain nombre à plaider en ce sens – que, si nous voulons vraiment être opérants face au harcèlement, il faut des moyens pour la médecine scolaire, dont les effectifs se dégradent de manière très alarmante.
On le ressent particulièrement dans le contexte de crise sanitaire que nous vivons. Ainsi, il aurait été de bon sens et dans l’intérêt général de tester les enfants à l’école. Or de telles mesures ne peuvent pas être appliquées parce que notre service de santé scolaire est indigent.
On ne peut ni identifier des fléaux d’une nature nouvelle, tels que le harcèlement scolaire dont nous débattons aujourd’hui et qui prend un tour nouveau avec le cyberharcèlement, ni expliquer, comme vous l’avez fait, madame la ministre, que la santé psychique est un véritable enjeu pour les jeunes, notamment les enfants – surtout dans le contexte actuel –, sans prendre deux minutes pour plaider en faveur de véritables moyens.
La question n’est pas simple, puisque notre pays manque globalement de médecins ; c’est donc aussi le cas, a fortiori, pour la médecine scolaire. Pour autant, il convient d’engager un très grand effort de formation. Il existe une appétence chez les jeunes pour les études en soins infirmiers et de médecine. Je crois donc que c’est le moment d’engager cet effort.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Comme Céline Brulin s’y attendait, j’émettrai un avis défavorable.
Tout d’abord, les rapports n’entrent pas, en effet, dans la tradition du Sénat. Ensuite, nous n’avons pas besoin d’un rapport pour savoir que les moyens de la médecine scolaire sont insuffisants.
Le plaidoyer de notre collègue était brillant, mais je pense qu’un tel rapport serait inutile. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. C’est comme ça, au Sénat ! (Sourires.)
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Vous me donnez l’occasion, par cet amendement, madame la sénatrice Brulin, de rappeler combien le rôle des médecins, des psychologues et des infirmiers scolaires est essentiel dans la politique de lutte contre le harcèlement scolaire, et combien l’accompagnement dont ils font bénéficier les élèves est important. Je tiens ici, devant vous, à les en remercier.
Toutefois, et vous ne serez pas surprise, ce sujet a fait l’objet depuis 2006 d’une vingtaine de rapports qui ont émané d’organismes de contrôle tels que les inspections générales, la Cour des comptes ou d’autres assemblées d’experts. Nous pensons qu’un rapport supplémentaire ne serait pas très utile.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Je ne suis pas non plus favorable aux demandes de rapport, auxquelles je préfère des actions.
Je souhaite profiter de cette occasion pour proposer que l’on recentre le vocabulaire. En effet, mieux vaut parler de « santé scolaire » plutôt que de « médecine scolaire », la scolarité n’étant pas une maladie.
Par ailleurs, la santé, cela regroupe le bien-être physique, psychique et social des individus. On sait quel est l’état de la démographie médicale : il faudra des années pour combler les retards liés à l’application du numerus clausus. On connaît aussi les besoins en termes d’effectifs d’infirmiers et d’infirmières, dans les services et à domicile…
Il est bien plus facile, en revanche, de trouver des psychologues, dont on sait, notamment grâce au rapport de la mission sénatoriale d’information sur le harcèlement scolaire et sur le cyberharcèlement, combien leur recrutement est important pour la santé scolaire. Il faut, par ailleurs, moins de temps pour les former et l’on peut engager à cet égard un rattrapage beaucoup plus important. Il serait donc possible d’affecter ces professionnels de santé, à temps complet ou à temps partiel, à la santé scolaire.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Il est vrai que l’on n’a pas forcément besoin d’un rapport de plus, d’autant que l’on connaît les chiffres ; je les ai d’ailleurs cités lors de la discussion générale.
L’un de ces chiffres est criant, celui de la baisse de 15 % du nombre des médecins scolaires en cinq ans, ce qui correspond de façon flagrante à la durée du présent quinquennat. Nous regrettons, particulièrement à cet instant, l’absence du ministre Blanquer au banc du Gouvernement : nous aurions pu débattre de ce sujet – je rappelle que nous n’avions pas pu examiner le budget de l’éducation nationale ; nous aurions pu en parler aujourd’hui…
La question du harcèlement scolaire doit permettre d’ouvrir un grand débat sur la santé mentale des adolescents, laquelle doit être prise en charge et mieux suivie. Je soutiens donc cet amendement qui constitue une alerte quant au dépérissement de la médecine scolaire.
On a voulu, ces dernières années, garder nos écoles ouvertes ; tant mieux. Pour autant, on ne leur a pas donné les armes pour faire face à cette ouverture, notamment sur le plan de la santé scolaire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3 bis
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par Mmes Van Heghe et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, MM. Stanzione et Bourgi, Mmes Lubin et Préville, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 411-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Une fois par an, le directeur communique au conseil d’école les modalités de coopération mises en œuvre entre l’école et les associations visant à lutter contre le harcèlement scolaire ou à en soutenir les victimes, en présence des représentants de ces associations. » ;
2° Après le 5° de l’article L. 421-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Il associe chaque année les associations visant à lutter contre le harcèlement scolaire ou à en soutenir les victimes, afin d’établir un programme de coopération. »
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement tend à prévoir que les conseils d’école et les conseils d’administration des établissements puissent bénéficier, au moins une fois par an, d’une information dispensée par les associations visant à lutter contre le harcèlement scolaire et par le chef d’établissement sur la coopération existant entre ces associations et l’établissement, et qu’un débat ait lieu.
L’Assemblée nationale avait prévu un dispositif permettant de renforcer les liens entre les établissements d’enseignement scolaire et ces associations de lutte contre le harcèlement scolaire et de soutien aux victimes. Mais la rédaction adoptée et la place du dispositif dans le code de l’éducation n’étaient pas idéales.
Nous préférons donc lui substituer un dispositif donnant aux organes exécutifs des établissements les moyens de débattre de la politique mise en œuvre et d’envisager, avec le soutien des associations compétentes, la façon de mieux lutter et de mieux prendre en charge le fléau que constituent le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.
Ces associations sont très actives et demandeuses de davantage de liens avec les écoles et les établissements scolaires. Il serait positif qu’un plan d’action pour la prévention et pour la lutte contre le harcèlement, ainsi que pour la prise en charge de ses victimes, de ses auteurs et de ses témoins, puisse être débattu et arrêté annuellement par les conseils exécutifs des établissements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. L’avis sera défavorable, pour deux raisons.
Tout d’abord, vous avez évoqué, ma chère collègue, les conseils d’école. Or je rappelle que, dans le secondaire, ce sont les conseils d’administration qui seront concernés : il ne s’agit pas de l’instance la plus appropriée pour évoquer la problématique du harcèlement scolaire. Il serait plus judicieux de confier cette mission au comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement (CESCE). Il me semble donc qu’il ne faut pas charger encore davantage les conseils d’administration.
Ensuite, vous souhaitez conférer un caractère obligatoire au partenariat avec les associations. Celles-ci – je pense à Marion la main tendue, ou à HUGO ! – font un travail formidable. Beaucoup d’établissements scolaires se saisissent du savoir-faire et de l’expérience de ces acteurs associatifs, qu’ils font venir pour susciter une prise de conscience, notamment au moyen d’ateliers tout à fait formidables.
Toutefois, il convient de ne pas obliger tous les établissements de France à agir de la sorte. La liberté d’action du chef d’établissement et des enseignants me semble être l’une des bases de notre système éducatif, et il faut la préserver.
Voilà pourquoi l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Pour répondre à M. Dossus, il est vrai que je vous ai dit lors de mon propos introductif que Jean-Michel Blanquer était retenu à Strasbourg ce matin. Mais, puisque le présent débat va vraisemblablement se poursuivre cet après-midi, il devrait alors être parmi vous, dans cet hémicycle.
Madame la sénatrice Van Heghe, l’expertise et l’appui des associations spécialisées dans la lutte contre le harcèlement sont régulièrement sollicités par les établissements. Ces associations interviennent auprès des élèves et des personnels pour des actions de sensibilisation.
Nous n’avons pas besoin de la loi pour permettre aux établissements scolaires de s’appuyer sur les associations dans la lutte contre le harcèlement scolaire.
Par ailleurs, un comité national d’experts a été créé en mai 2018. Ce comité multicatégoriel, spécialisé dans les questions de harcèlement, s’associe à des partenaires associatifs, des inspections générales, des experts universitaires, des professionnels de terrain, des membres du ministère, des influenceurs, des médecins et des spécialistes des médias.
Il a pour rôle d’appuyer le ministère dans sa politique nationale de prévention, en faisant du partage d’expertise et en étant un relais de l’éducation nationale sur le terrain. Ainsi, des actions ont été menées en cohérence avec le plan d’action du ministère de l’éducation nationale, des contributions écrites ont été produites, et des interventions dans les séminaires et dans les classes ont eu lieu. Il est également dans ses compétences de favoriser le travail partenarial avec les associations.
Conformément à l’avis émis par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je partage, bien entendu, les intentions des auteurs de cet amendement présenté par notre collègue Sabine Van Heghe, qui a beaucoup travaillé sur la problématique du harcèlement scolaire.
Je tiens à lui dire, néanmoins, que je suis moi aussi très attachée à la liberté d’organisation et d’administration au sein des établissements. Je ne pense donc pas qu’il soit nécessaire d’inscrire cette disposition dans la loi.
Par ailleurs, rendre obligatoire ce recours aux associations, lesquelles ont rencontré de nombreuses difficultés durant ces deux années de pandémie, supposerait que les associations et les bénévoles soient en nombre suffisant pour assurer des interventions dans tous les établissements.
Je suivrai donc l’avis du rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour explication de vote.
Mme Sabine Van Heghe. Non seulement je ne retirerai pas mon amendement, mais je reviendrai sur deux points développés par notre rapporteur à l’appui de son avis défavorable.
Il nous semble, au contraire, extrêmement important de rendre obligatoire, pour tous les établissements, une telle coopération avec les associations chargées de la lutte contre le harcèlement scolaire, et de prévoir un débat annuel au niveau des conseils d’école et des conseils d’administration.
Le phénomène du harcèlement produit trop de dégâts, souvent irrémédiables, pour qu’un établissement quel qu’il soit puisse se dispenser de cette séance annuelle. Aucune école, aucun collège, aucun lycée, n’est malheureusement à l’abri de la survenue de faits de harcèlement en son sein.
Le rapporteur nous indique, par ailleurs, qu’il relève de la compétence du CESCE, plutôt que de celle des conseils d’administration, de traiter de cette question. Encore faudrait-il que ces instances soient réunies, et ce de façon régulière, ce qui est loin d’être le cas dans de nombreux établissements.
Pour ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. En conséquence, l’article 3 bis demeure supprimé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Candidature à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature en remplacement d’un membre démissionnaire pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
4
Gouvernance de l’AEFE et création des instituts régionaux de formation
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à faire évoluer la gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et à créer les instituts régionaux de formation, présentée par Mme Samantha Cazebonne et plusieurs de ses collègues (proposition n° 234, texte de la commission n° 316, rapport n° 315).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Samantha Cazebonne, auteure de la proposition de loi.
Mme Samantha Cazebonne, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je souhaite vous remercier, tous, pour votre engagement et votre soutien. Ce n’est pas seulement en tant que sénatrice que je vous adresse mes remerciements, mais aussi en tant qu’ancienne proviseure de lycées français au Maroc et en Espagne.
Si nous avons parfois, dans cet hémicycle, des points de divergence qui font la richesse d’un débat parlementaire passionné, il est une citation de Nelson Mandela sur laquelle nous pouvons, je crois, nous retrouver unanimement : « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde ».
La France, depuis des décennies, a fait de l’enseignement français à l’étranger un outil d’influence et de rayonnement.
Nous, Français de l’étranger, sommes particulièrement fiers que, dans 138 pays, la France puisse transmettre ses valeurs, son histoire, son savoir-faire éducatif et pédagogique et faire vivre la francophonie.
Si notre réseau d’enseignement scolaire à l’étranger défend la place de la France dans le monde, il sait également s’enrichir du multiculturalisme, du plurilinguisme, de l’effort pour l’inclusion, du respect de la différence et de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. On y forge des esprits critiques, on y défend des convictions humanistes et des savoirs qui confèrent à nos élèves une richesse intellectuelle recherchée dans les plus grandes écoles et universités du monde.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. C’est vrai.
Mme Samantha Cazebonne. Il suscite l’intérêt bien au-delà des familles françaises : sur tous les continents, des familles recherchent et rejoignent notre réseau scolaire français et ses 552 établissements homologués dans le monde. Les parents d’élèves sont de plus en plus nombreux à vouloir rejoindre notre réseau, à vouloir une école française dans leur pays.
Face à cette attente, nous devons répondre présents. Nous devons augmenter notre offre scolaire française afin de nous positionner comme une alternative crédible aux modèles anglo-saxon, chinois, turc, qui se développent de manière exponentielle.
C’est une belle et noble ambition que de vouloir que toujours plus d’enfants français et étrangers aient accès, à travers le monde, à un enseignement francophone, plurilingue et ouvert sur les cultures des pays d’accueil. Parce qu’il a fait de cette ambition la sienne, le Président de la République s’est engagé, dans son discours sur la francophonie du 20 mars 2018, à doubler les effectifs de ce réseau.
Ce réseau est une chance pour la France et pour son influence. Vous seriez d’ailleurs surpris du nombre de personnalités du monde de la culture, des arts, des sciences, de l’entreprise ou de la politique qui ont reçu une éducation au sein de nos écoles françaises à l’étranger. Leurs anciens élèves sont des milliers, de toutes nationalités, établis partout dans le monde. Grâce à cette éducation, et à leur attachement à la France, ils créent des relations économiques, artistiques, diplomatiques, politiques avec la France et leur pays d’origine.
Monsieur le ministre, je vous sais totalement convaincu par cette ambition du Président de la République, vous qui la portez au quotidien, sur le terrain, depuis déjà cinq ans. Si vous me le permettez, j’ajouterai qu’en tant qu’ancien élève de ce réseau, vous le connaissez mieux que quiconque.
Mme Samantha Cazebonne. Nous devons donc nous fixer des objectifs ambitieux afin de gagner en compétitivité et en puissance. C’est pour cela que la présente proposition de loi se met au service de ce réseau et de son développement.
Tous les gouvernements en place ont assumé, ces quinze dernières années, de mener une politique qui permettait aux établissements ayant le statut de partenaires de se développer. Dire que ce gouvernement tendrait à privatiser ce réseau n’est pas seulement lui faire un faux procès : ce serait mentir, ou grandement méconnaître ses intentions.
Les rapports d’anciens sénateurs représentant les Français établis hors de France, comme André Ferrand, qui a beaucoup œuvré pour ce réseau, ou Claudine Lepage, ceux de la Cour des comptes, de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche nationale ou de l’inspection générale des affaires étrangères, celui, enfin, des sénateurs Rémi Féraud et Vincent Delahaye en 2018 l’attestent : depuis près de quinze ans, ce sont ces établissements partenaires, homologués par l’éducation nationale et encadrés par le ministère des affaires étrangères, qui ont fait croître les effectifs des élèves et des personnels titulaires de l’éducation nationale en détachement comme des enseignants en contrat local.
Le but, à l’époque, n’a jamais été de soutenir le développement pour répondre à la demande croissante des familles. Il s’agissant de maintenir l’existant, tout en augmentant de 60 % les frais de scolarité pour les familles entre 2008 et 2016 – ce sont les chiffres de la Cour des comptes. Le rapport de Mme Lepage et de M. Cordery, en 2014, soulignait d’ailleurs que les frais de scolarité n’avaient jamais autant augmenté.
Le Gouvernement actuel a procédé lui aussi à une hausse, mais cette fois de la subvention publique, puisque celle-ci a augmenté de 150 millions d’euros, ce qui est inédit. Cette hausse a fait passer de 500 à 650 millions d’euros l’aide accordée aux élèves, aux familles, aux personnels, tous statuts confondus, et aux établissements. Cela a permis d’éviter les départs d’enfants scolarisés depuis des années dans nos établissements, des licenciements et des fermetures.
Oui, soyons fiers que, pour la première fois, sous cette majorité, l’ensemble – et je dis bien l’ensemble – des familles qui en ont fait la demande et, donc, des élèves de ce réseau aient pu être aidés : les familles françaises ont été soutenues avec plus de 50 millions d’euros supplémentaires, tout comme les familles étrangères, aidées elles aussi à hauteur de 50 millions d’euros.
Au-delà du soutien financier accordé dans le cadre du développement souhaité par le Président de la République, il nous faut désormais prendre à bras-le-corps la dimension qualitative de ce réseau : développer, oui, mais développer bien, avec des compétences professionnelles certifiées, grâce à des formations qualifiantes ou diplômantes.
Après ces quelques points de contexte, j’en viens à la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui. Celle-ci vise à faire évoluer la gouvernance et les missions de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et à prévoir une base juridique pour la création des instituts régionaux de formation (IRF).
L’article 1er prévoit la participation au conseil d’administration de l’AEFE, en qualité d’experts, d’un représentant des associations d’anciens élèves de l’enseignement français à l’étranger et d’un représentant des associations « français langue maternelle » (FLAM).
L’Union-ALFM, qui est l’association des anciens élèves des lycées français du monde, compte 148 associations locales. Son représentant, siégeant en qualité d’expert, pourra apporter son éclairage, donner son avis et faire des propositions pour le réseau. Il me semblait indispensable que l’expérience de tels représentants, riche d’enseignements à travers le monde, puisse être partagée de manière régulière.
La fédération FLAM a également vocation à faire son entrée au conseil d’administration de l’AEFE, tutelle de ces associations, que l’Agence a d’ailleurs soutenues par une subvention d’un montant inédit de 1 million d’euros cette année, contre 250 000 euros ces dernières années.
Aux côtés des alliances françaises et des instituts français, les associations FLAM sont les fleurons de l’enseignement français et des valeurs françaises : elles doivent trouver un nouveau canal d’expression pour faire entendre leurs attentes, leurs besoins et partager leur savoir-faire exceptionnel, qui réunit aujourd’hui près de 14 000 élèves au sein de 173 associations implantées dans 39 pays.
L’article 2 vise à modifier la proportion des représentants de chaque catégorie, afin de rehausser la représentation des parents d’élèves, et prévoit expressément une représentation des parents gestionnaires.
Alors que notre réseau ne serait rien sans ces acteurs, il en est qui, aujourd’hui, ne sont pas reconnus à la hauteur de leur engagement. Il me paraissait indispensable que, par ce texte, nous remettions un peu d’équité dans la représentation des acteurs essentiels, sans ôter de légitimité à ceux sans qui le réseau ne pourrait fonctionner, c’est-à-dire les enseignants et leurs représentations syndicales.
Je proposerai d’ailleurs un sous-amendement tendant à renforcer les droits et pouvoirs d’expression des parents d’élèves les plus représentatifs.
Les articles 3 et 4 étendent les compétences de l’AEFE et modifient le code de l’éducation pour prévoir la gestion des IRF par l’opérateur public. Les 16 IRF qu’il s’agit de créer existent déjà : nous n’avons plus qu’à leur permettre de prendre enfin leur élan pour faire en sorte que, dans un proche avenir, des formations initiales et continues identiques à celles dispensées en France puissent y être proposées.
Les enseignants, qui sont nombreux chaque année à rejoindre ce réseau, sont des acteurs essentiels, tout comme leurs collègues que sont les personnels d’encadrement, d’éducation et administratifs. Je tiens à les saluer et à les remercier de leur travail, particulièrement en cette période de crise sanitaire.
Parce que les familles, de plus en plus exigeantes, comparent les modèles d’éducation afin de choisir le meilleur pour leur enfant, il nous faut permettre à nos enseignants de gagner en compétences et en expérience tout en se formant aux méthodes innovantes.
L’AEFE aura pour mission de faire vivre et prospérer ces IRF. Elle devra coordonner sa propre ingénierie de formation avec celles proposées par d’autres opérateurs, comme la Mission laïque française, l’Association franco-libanaise pour l’éducation et la culture ou des établissements conventionnés, comme à Mexico, ou partenaires, comme à Tunis.
Ces instituts devront, à terme, je l’espère et je le souhaite, permettre aux personnels de l’éducation nationale, qu’ils soient titulaires ou stagiaires, de valider leurs acquis d’expérience, de réaliser leurs stages de titularisation et de faire reconnaître des qualifications sans avoir à rentrer en France, ce qui jusqu’alors leur faisait courir le risque de perdre leur poste à l’étranger. En la matière, les attentes sont fortes, et les enjeux, majeurs.
Chers collègues, l’enseignement français à l’étranger attend, les familles attendent, les personnels attendent, mais, surtout et avant tout, les élèves nous attendent.