Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Ainsi que Fabien Gay l’a souligné, nous nous attaquons à un quasi-monopole, et ce n’est pas simple !
Le texte contient des avancées, notamment grâce au débat qui vient d’avoir lieu. Toutefois, contrairement à ce que M. le rapporteur a pu indiquer à plusieurs reprises, la part du marché des banques est bien prépondérante ; il était donc nécessaire d’y remédier.
Nous regrettons vivement la modification apportée à l’article 1er. Il nous semblait vraiment important de rétablir la possibilité pour l’assuré de résilier son contrat à tout moment. J’ai d’ailleurs une incompréhension. D’aucuns n’ont de cesse d’invoquer la concurrence. Or, pour qu’il puisse y avoir concurrence, il faut permettre la résiliation ; l’information est utile, mais nous savons bien qu’elle ne suffit pas dans ce cas de figure.
Parmi les aspects intéressants du texte, je retiens la suppression, à l’article 7, du questionnaire médical, ainsi que l’accès à tous à l’assurance. Évidemment, nous nous en félicitons.
Néanmoins, l’ensemble reste peu satisfaisant, compte tenu du retour en arrière à l’article 1er. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.
Mme le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je souhaite d’abord rendre hommage à tous ceux qui ont permis des avancées législatives dans l’intérêt des emprunteurs et des assurés. Je pense en particulier à notre ami Martial Bourquin.
Nous avons eu un débat sur l’article 1er. Nous prônions pour notre part le maintien dans le texte de la possibilité pour chacun de résilier à tout moment son contrat.
Certes, je reconnais que la proposition de loi contient des progrès et je salue le travail qui a été mené au profit des emprunteurs et des assurés. Toutefois, au regard de l’importance que revêt à nos yeux le dispositif supprimé à l’article 1er, notre groupe s’abstiendra.
Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 93 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 277 |
Pour l’adoption | 277 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
9
Réforme de l’adoption
Adoption en nouvelle lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer l’adoption (proposition n° 363, texte de la commission n° 372, rapport n° 371).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver ce soir pour cette nouvelle étape de la navette parlementaire de la proposition de loi visant à réformer l’adoption.
Le temps des regrets quant à l’échec de la commission mixte paritaire à un article près est passé. Il importe maintenant par-dessus tout de poursuivre le débat dans les meilleures conditions possible, de continuer à discuter des enjeux du texte, si possible de l’enrichir encore, et de nous projeter vers son adoption définitive et sa mise en œuvre, tant elle est attendue par de nombreuses familles, de nombreux professionnels et tant elle profitera à de nombreux enfants.
Les enfants à qui le texte profitera sont, bien entendu, ceux qui, malgré les améliorations successives de notre système d’adoption, sont encore trop nombreux à ne pas bénéficier du projet de vie qui, pourtant, pourrait répondre à leurs besoins et à leurs attentes.
Ce n’est en effet pas faire insulte à notre politique d’adoption, faite de nombreux contrôles et de vérifications nécessaires, que de dire qu’elle suscite des espoirs parfois déçus. C’est un système avec ses forces, ses succès, mais qui ne remplit pas encore entièrement les quatre objectifs fondamentaux sur lesquels nous devrions tous nous rejoindre. Je les rappelle.
Le premier objectif est de rendre davantage d’enfants adoptables dans notre pays.
On constate en effet aujourd’hui un manque de dispositions claires permettant de donner une famille à chaque enfant qui n’en aurait pas ou dont la famille ne serait plus en mesure de s’occuper de lui. Ce manque constitue une terrible rupture d’égalité, dont les conséquences peuvent être lourdes sur le développement personnel, affectif, psychologique de l’enfant.
C’est la force de ce texte que de rendre possible l’adoption de davantage d’enfants pour lesquels celle-ci représente un horizon souhaitable. C’est bien l’objet de l’article 4 : permettre à des enfants qui étaient privés jusqu’à présent d’une telle possibilité d’être adoptés de manière plénière après 15 ans par leurs beaux-parents, lorsqu’ils sont pupilles de l’État ou lorsqu’ils ont été judiciairement déclarés délaissés et sont donc dans des parcours de fragilité qui n’étaient pas suffisamment pris en compte.
J’insiste sur cette troisième possibilité, car elle vient évidemment compléter la loi de 2016 relative à la protection de l’enfant, qui a institué la procédure de délaissement. Celle-ci s’installe dans la pratique – je vous ai fait part des chiffres en première lecture – et permet de plus en plus de mettre fin au bon moment aux relations toxiques qui existent parfois – nous le savons – entre un enfant et ses parents. Il sera donc possible demain pour ces enfants, y compris au-delà de 15 ans, de s’inscrire dans des parcours beaucoup plus adaptés à leurs attentes et à leurs besoins. C’est là une grande avancée.
Je souligne également la force de l’article 8, qui permet au tribunal de prononcer l’adoption, si elle est conforme à l’intérêt de l’adopté, d’un mineur âgé de plus de 13 ans ou d’un majeur protégé hors d’état d’y consentir personnellement, après avoir recueilli l’avis d’un administrateur ad hoc ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. C’est une mesure juste, simple, claire, sécurisante.
Le deuxième objectif sur lequel nous devrions nous rejoindre est de corriger un certain nombre d’incohérences ou de défaillances en matière d’adoption et, ce faisant, de sécuriser encore et toujours les parcours des enfants.
Cela passe avant tout par des règles claires, du type de celles que l’on retrouvera demain, grâce à ce texte. Celles-ci concernent d’abord les agréments, avec des conditions de candidature, de formation et d’accompagnement des futurs adoptants plus étoffées. Elles concernent ensuite la prohibition de l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs, afin d’éviter le brouillage des lignes générationnelles. Elles concernent enfin le consentement des uns et des autres ; nous aurons, je le crois, l’occasion d’en débattre tout à l’heure.
Je pense tout d’abord au consentement des enfants, avec une prise en compte accrue de leur parole, par exemple en ce qui concerne le changement de nom. Je songe évidemment aussi au consentement des parents biologiques. J’ai bien noté que des inquiétudes s’exprimaient ici et à l’Assemblée nationale sur l’article 13 ; il convient évidemment de les dissiper pour ne pas laisser s’installer de malentendus ou prospérer de fausses informations.
C’est à cet effet que, par cohérence, le Gouvernement a déposé un amendement à l’article 13. Cela me donnera l’occasion d’entrer une nouvelle fois dans le détail de la mesure envisagée, qui doit être perçue non pas comme une quelconque remise en question des uns ou des autres, notamment des parents biologiques, mais bien plutôt comme une sécurisation des parcours.
Le troisième objectif est de faire évoluer les pratiques – la loi peut y contribuer –, pour garantir à la fois la sécurité et l’égal traitement des enfants.
Cela implique de faire la lumière sur un certain nombre de pratiques ne répondant pas aux standards de sécurité et de qualité élevés qui doivent être ceux d’un pays comme le nôtre en matière de protection de l’enfance.
Il en est ainsi de l’activité des organismes autorisés pour l’adoption (OAA). Je me permets de récuser une nouvelle fois le jugement peut-être un peu hâtif selon lequel l’encadrement de cette activité serait une condamnation ou une critique.
La grande majorité des OAA mènent un travail sérieux, salué par les acteurs du secteur de l’adoption. La majorité présidentielle a d’ailleurs tenu à le pérenniser en l’inscrivant dans la loi. C’est vrai à l’échelon national, via l’accompagnement que les OAA proposent aux départements – ce sera renforcé par ce texte, mais à sa juste place –, comme à l’international, en matière d’intermédiation des adoptions.
La France a développé un système, celui de l’aide sociale à l’enfance, dont l’existence même signale la préoccupation collective de garantir une intervention, un regard, une garantie publique de la sécurité des enfants. Ce système répond à un nombre de réglementations suffisant pour garantir la sécurité des enfants, même s’il faut toujours l’améliorer. Encore une fois, c’est ce que propose ce texte.
Il faut que toutes les démarches d’adoption, donc tous les enfants, puissent bénéficier des mêmes conditions de sécurité. Aucune situation ne peut justifier que certains enfants bénéficient du statut de pupille de l’État quand d’autres en seraient privés, quelles qu’en soient les raisons. Le statut de pupille de l’État est le plus protecteur pour les enfants.
L’autre part d’ombre sur laquelle j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer ici a trait aux adoptions internationales illégales. Je connais la préoccupation d’un certain nombre d’entre vous sur cette question.
J’ai annoncé que le Gouvernement lancerait des travaux afin de faire œuvre de transparence, de clarté et d’objectivité sur ces histoires, qui concernent un nombre important de nos concitoyens. Certains d’entre eux ont récemment pris la parole dans les médias ou sont venus me voir.
Les enjeux sont nombreux et le dialogue se poursuit en la matière entre les administrations concernées, c’est-à-dire mes services, mais également le ministère des affaires étrangères et le ministère de la justice.
Je souhaite que la démarche retenue puisse être clarifiée dans les prochaines semaines et que les travaux débutent avant la fin de ce mandat. Tel sera le cas.
Le dernier objectif tient à l’importance du combat collectif que nous devons mener pour faire progresser les droits des familles, de toutes les familles, pour reconnaître leur diversité et pour répondre à leurs attentes.
En ouvrant enfin l’adoption aux couples non mariés, ce texte est cohérent avec l’évolution de la société. Il reconnaît les attentes de nouveaux modèles familiaux tout aussi légitimes, portant tout autant de promesses que les autres. Il était temps, même si cela gênera peut-être un certain nombre d’acteurs opposés à plus d’inclusion dans notre société.
En assurant la cohérence avec la loi relative à la bioéthique, le texte apporte une solution adaptée aux difficultés rencontrées par certaines femmes ayant eu recours, avec l’entrée en vigueur de cette loi, à l’assistance médicale à la procréation (AMP) à l’étranger. Il le faut : c’est dans l’intérêt de l’enfant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne puis que regretter le choix fait de nouveau par votre commission des lois de supprimer l’article 9 bis. En cohérence avec la position que nous avons défendue depuis le début, je vous proposerai de le rétablir.
Enfin, en renforçant la diversité des conseils de famille et en réaffirmant un certain nombre de principes déontologiques, le texte garantit une meilleure prise en compte de la spécificité des multiples modèles familiaux qui font la richesse de notre société. C’est indispensable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à de très nombreux titres, les mesures du texte permettent d’ancrer fermement et définitivement l’adoption dans la protection de l’enfance et dans une modernité soucieuse du bien-être de tous les membres de notre société, en particulier des plus jeunes et des plus fragiles. Toutes ces dispositions sont pensées pour le seul bénéfice d’enfants pour qui l’adoption est un horizon synonyme d’épanouissement et de familles, pour qui celle-ci représente un horizon lumineux. De nombreux enfants l’attendent encore. De nombreuses familles sont prêtes à le faire. À nous de leur en donner enfin la possibilité.
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir en nouvelle lecture est, je le rappelle, issue du rapport parlementaire remis par notre collègue Corinne Imbert et par la députée Monique Limon, rapport dont nous pouvions partager les ambitions et les constats.
La première ambition était de donner une famille à un enfant, et non l’inverse ; nous étions évidemment tous d’accord.
La seconde ambition était de faire face à la situation actuelle de l’adoption. Si l’on compte actuellement environ 10 000 agréments en cours de validité, il n’y a pas autant d’adoptions, notamment plénières : d’après les derniers chiffres en notre possession, celles-ci seraient de l’ordre de 3 000 par an.
Il reste encore des enfants qui ne trouvent pas de famille pour les adopter, alors qu’ils sont adoptables. Cela tient sans doute au fait que, nous le savons, environ un tiers des enfants sont à besoins spécifiques, parce qu’ils sont trop grands, ont des problèmes physiques ou psychologiques, sont en fratrie, voire cumulent ces différentes caractéristiques. Cela les rend vraisemblablement plus difficilement adoptables.
Le rapport parlementaire proposait des solutions. Certaines reprenaient les pratiques qui existent déjà dans les conseils départementaux. Je pense à la formation des membres du conseil de famille, qui prennent des décisions pour les enfants. Je pense également à l’information précise des parents potentiels qui vont solliciter un agrément sur les difficultés qu’ils pourront rencontrer, notamment avec les enfants à besoins spécifiques.
La volonté de faciliter l’adoption simple par rapport à l’adoption plénière, alors que les parents potentiels recherchent plutôt cette dernière, avait également été exprimée.
Cette proposition de loi découle de ce rapport. Si elle en reprend un certain nombre de propositions, elle prévoit également d’autres mesures qui n’étaient pas envisagées par Mmes Imbert et Limon, voire qui nous semblent aller à l’encontre de leur objectif : donner une famille à un enfant, et non l’inverse. De surcroît, aucun élément ne vient documenter le bien-fondé de telles dispositions.
C’est pourquoi la commission et le Sénat ont décidé en première lecture de ne valider que les propositions découlant logiquement du rapport et de rejeter ce qui n’était pas documenté et ne semblait pas aller dans le sens des travaux de Mmes Imbert et Limon.
A ainsi été retenue l’inscription dans la loi des bonnes pratiques, c’est-à-dire la formation et l’information des parties prenantes. A également été approuvée la possibilité d’élargir la base potentielle des adoptants en intégrant, outre les couples mariés, les personnes liées par un pacte civil de solidarité (PACS) ou vivant en concubinage. A été encore soutenue la possibilité offerte au juge de suppléer l’absence de consentement pour un mineur de plus de 13 ans, qui n’est pas en capacité d’exprimer le sien, ou un majeur protégé ; à l’époque, il n’existait aucune solution. Enfin ont été maintenus le bilan d’adaptabilité pour les pupilles et le suivi renforcé des jeunes enfants qui sont à l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Vous l’aurez compris, la commission mixte paritaire n’a pas pu aboutir sur le texte. J’y reviendrai dans quelques instants.
L’Assemblée nationale a donc examiné la proposition de loi en nouvelle lecture et elle a repris plusieurs dispositions introduites par le Sénat. Je n’en citerai que quelques-unes.
Certaines mesures relevaient tout simplement du bon sens. Vous vous en souvenez peut-être, les députés avaient proposé de pouvoir placer les enfants, comme cela se pratique pour l’adoption plénière, avant de procéder à une adoption simple. Or il se trouve que l’adoption simple concerne très majoritairement – à 90 % – l’enfant du conjoint et qu’il s’agit dans 80 % des cas de majeurs. Placer des enfants majeurs, et qui le sont parfois depuis longtemps, auprès d’un parent qui est l’époux de parent biologique n’avait donc aucun sens. L’Assemblée nationale a repris la modification apportée par le Sénat sur ce point.
Un autre renoncement peut, me semble-t-il, être salué. Dans un premier temps, l’Assemblée nationale avait totalement réécrit des pans entiers du code de l’action sociale et des familles, alors même que les changements introduits étaient minimes. Cela nous avait semblé contraire à l’objectif de lisibilité de la loi. Les textes sur lesquels les professionnels avaient l’habitude de travailler n’étaient pas tellement modifiés sur le fond, mais ils l’étaient totalement dans leur codification, rendant les choses beaucoup plus complexes. L’Assemblée nationale est revenue sur cette volonté de recodification intégrale des textes et s’est contentée d’introduire les modifications nécessaires.
Nous avons également décidé en commission de trouver des accords avec nos collègues députés. Nous avons ainsi renoncé à modifier un certain nombre de points que nous avions pourtant modifiés en première lecture.
Néanmoins, il nous a semblé nécessaire de revenir sur cinq sujets au cœur des positions que la commission et le Sénat avaient défendues en première lecture.
Premièrement, nous avons maintenu les conditions d’âge, 28 ans, et de durée de communauté de vie, deux ans, nécessaires pour adopter, alors que l’Assemblée nationale prévoyait de les réduire.
Deuxièmement, nous avons souhaité conserver la possibilité pour les familles de choisir si elles préfèrent remettre leur enfant aux services de l’ASE ou à un OAA. En l’état, aucun élément ne permet d’affirmer que la seconde option serait forcément mauvaise et que l’ASE serait la seule à pouvoir recueillir ces enfants. Dans la mesure où il n’y a pas de difficulté, nous n’avons pas compris pourquoi nous devrions priver les parents d’une telle possibilité. Au demeurant, il est ressorti des auditions que les parents optant pour l’OAA étaient souvent eux-mêmes passés par l’ASE et ne souhaitaient pas la même chose pour leurs enfants. C’est un choix qui me paraît extrêmement personnel.
Troisièmement, et c’est sur ce point que la commission mixte paritaire a achoppé, nous n’approuvons pas la possibilité de forcer – je le dis assez clairement – à l’adoption d’un enfant. Si deux femmes sont parties à l’étranger pour faire un enfant dans le cadre d’une procréation médicalement assistée (PMA) avant l’ouverture de cette possibilité en France, celle qui n’est pas la mère biologique a le choix entre l’adoption, depuis 2013, ou la reconnaissance de l’enfant, depuis la loi relative à la bioéthique.
Si aucune solution n’a été trouvée, cela signifie qu’un litige existe entre les deux femmes. Les députés ont choisi de le régler en forçant, en quelque sorte, la seconde femme à adopter. Je ne vois pas quel est l’intérêt de l’enfant de se retrouver au cœur d’un litige et de vivre une filiation forcée. Cette disposition a donc été supprimée.
Quatrièmement, et nous aurons l’occasion de nous exprimer sur ce point, le Gouvernement ayant déposé un amendement, les parents qui remettent leur enfant à un service social doivent être invités à s’exprimer sur leur consentement à l’adoption – c’est le cas jusqu’à présent. Nous avons considéré que cette nécessité n’apparaissait pas assez clairement dans le texte de l’Assemblée nationale. Nous avons donc opté pour une rédaction plus explicite, tout en précisant bien que c’est le conseil de famille, et non les parents, qui décide en dernier ressort de l’adoption.
Cinquièmement, et je pense que tout le monde ici comprendra bien nos motifs de désaccord, le Gouvernement sollicite un recours à la législation par ordonnances qui nous semble excessif. (M. Bruno Belin s’exclame.)
M. Jérôme Bascher. Encore !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cela porte sur des points extrêmement larges. Nous avons refusé, car il appartient au Parlement de légiférer sur la filiation.
Telles sont, mes chers collègues, les positions de la commission sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous revenons donc en cette fin de session parlementaire sur cette proposition de loi visant à réformer l’adoption, dont les conditions d’examen en nouvelle lecture, marquées par l’urgence et la précipitation, sont aussi peu satisfaisantes qu’en première lecture.
En outre, il nous manque toujours l’avis du Conseil d’État et une étude d’impact sur ce projet de loi déguisé. Au vu des divergences entre nos assemblées, ces documents auraient pu utilement éclairer nos travaux.
Pis, l’habilitation à légiférer par ordonnances, que nous avions supprimée en première lecture, a été rétablie par l’Assemblée nationale, ce qui nous semble particulièrement scandaleux alors que nous examinons une proposition de loi, et non un projet de loi.
M. Bruno Belin. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Le débat n’aura pas été sans heurts, comme en témoignent l’absence de compromis en commission mixte paritaire et les divergences qui demeurent entre nos deux assemblées sur des points essentiels.
Nous sommes bien loin de l’esprit consensuel qui devrait nous animer afin de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant, lequel est toujours d’avoir une famille, comme le rappelle le rapport Limon-Imbert.
Cette proposition de loi nous interroge également, car, loin de constituer une réforme globale de l’adoption, elle ressemble à un patchwork de mesures diverses aux enjeux aléatoires : diminution de l’âge des adoptants et de la durée de vie commune nécessaire, écart d’âge maximal entre l’adopté et l’adoptant, consentement pour l’adjonction du nom, sécurisation du statut des jeunes pupilles, etc.
La mesure la plus emblématique de ce texte demeure l’ouverture du droit à l’adoption aux couples non mariés, qu’ils soient en concubinage ou liés par un PACS. Nous sommes favorables à une telle mesure, qui va dans le sens des évolutions sociétales et libère l’adoption du carcan d’une vision réductrice de la famille. Cette mesure répond ainsi à une exigence légitime d’égalité de droits et de liberté de choix.
Pour autant, nous aurions souhaité que ce texte manie autant les symboles que les dispositifs opérationnels. Or il reste anecdotique face aux enjeux de l’adoption aujourd’hui.
Oui, trop d’enfants se retrouvent encore sans famille. Fin 2019, 10 263 agréments étaient en cours de validité. Il y avait parallèlement 3 248 pupilles de l’État, et seuls 706 ont pu été adoptés, soit un peu plus de 20 %. Je rappelle que 49 % des enfants pupilles, pour lesquels le projet de vie est un projet d’adoption, n’ont pas été adoptés, le conseil de famille n’ayant pas réussi à leur trouver une famille, notamment au regard de leurs difficultés.
Au regard de ces chiffres, ce n’est pas le changement de la composition du conseil de famille opéré par le texte qui résoudra le problème. On mesure ainsi les progrès à réaliser et le décalage entre ce texte et les véritables enjeux de modernisation de la procédure d’adoption, tant à l’intérieur de nos frontières qu’à l’international.
Alors que les départements jouent un rôle décisif dans ces procédures, cette proposition de loi n’aborde qu’à la marge ce sujet.
Nous estimons ainsi que la première urgence reste tout simplement d’appliquer le droit positif, notamment la loi du 14 mars 2016. Faute de moyens, on constate une grande iniquité territoriale.
Nous jugeons finalement maladroite la volonté de revenir, au détour de cette proposition de loi, sur les débats concernant la bioéthique. Ce sujet mérite mieux que des débats à la hussarde. Malheureusement, ce point relatif à l’adoption des enfants nés d’une PMA a constitué le principal point de blocage entre nos assemblées, loin de l’esprit du rapport Limon-Imbert.
Enfin, ce texte soulève de grandes incompréhensions et de grandes résistances, notamment chez les professionnels du droit ; ces obstacles ne sont pas totalement levés aujourd’hui.
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, regrettant qu’une réforme ambitieuse de l’adoption n’ait pu aboutir, s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte part d’un constat que nous partageons tous : le régime juridique de l’adoption a des lacunes qu’il faut combler. En ce sens, le rapport de nos collègues Monique Limon et Corinne Imbert, intitulé Vers une éthique de l’adoption : donner une famille à un enfant, est à saluer.
En outre, si le régime juridique de l’adoption n’est plus approprié, c’est que la réalité de l’adoption n’est plus du tout la même aujourd’hui qu’hier.
L’adoption ne concerne désormais que très peu de mineurs venant de l’étranger – 244 en 2020 –, la plupart ayant un parcours de vie très compliqué nécessitant un accompagnement adapté.
Dans le même temps, en France, de trop nombreuses familles veulent adopter sans trouver de solutions, et de trop nombreux enfants restent sans famille.
En outre, le principal sujet a changé.
Quand on parle d’adoption, c’est non plus la famille adoptante qui prime, mais bien l’enfant. C’est sur lui que doit se concentrer notre attention, c’est lui que nous devons placer au cœur de nos dispositifs.
Nous devons offrir à cet enfant une famille qui l’aidera à grandir et à se développer harmonieusement.
L’adoption change, pour devenir pleinement un outil de protection de l’enfance, et le cadre légal doit lui aussi évoluer.
Les objectifs sont simples : mieux préparer les familles à l’adoption, notamment au regard des profils des enfants adoptables, faciliter l’adoption des enfants qui peuvent l’être, au besoin sous une forme simple, mieux former les parties prenantes de l’adoption.
Ce texte, que l’on pourra juger inabouti, comporte néanmoins de bonnes mesures. Tout d’abord, l’élargissement de l’adoption au concubinage et au PACS permet d’ouvrir l’adoption à un public plus large.
Dans le même temps, afin de fluidifier les procédures, le tribunal pourra prononcer l’adoption de mineurs de plus de 13 ans ou de majeurs protégés lorsqu’ils sont hors d’état d’y consentir. Ces adoptions concernent des enfants et des adultes présentant des besoins spécifiques ; à cet égard, il est utile de saluer le travail des organismes autorisés pour l’adoption (OAA), qui préparent les futurs parents.
D’ailleurs, toujours en matière d’accompagnement, les adoptions internationales individuelles seront désormais interdites. Il faudra obligatoirement passer à l’avenir par un OAA ou par l’Agence française de l’adoption (AFA) pour adopter un mineur résidant habituellement à l’étranger.
Je sais que cette disposition a fait débat, mais je reste convaincue que cet accompagnement est nécessaire, tant pour protéger les adoptants contre divers risques que pour lutter contre des dérives que l’on a pu connaître dans certains pays, avec une véritable exploitation du corps de la femme. Il n’est qu’à se rappeler l’histoire des fermes à bébés, mes chers collègues…
Ce texte apporte également des dérogations à l’interdiction de l’adoption plénière des mineurs de plus de 15 ans pour les enfants du conjoint, les pupilles de l’État ou des enfants déclarés judiciairement délaissés. C’est, je le crois, une mesure pleine de bon sens, qui permet de s’adapter à la réalité des familles d’aujourd’hui.
Cette proposition de loi entend aussi faciliter l’adoption simple, majoritaire en France, qui concerne bien souvent un majeur et qui est majoritairement réalisée dans un contexte intrafamilial. Le Sénat a supprimé la période de placement obligatoire pour les majeurs dans ce cas. En effet, il s’agit souvent d’adultes qui connaissent leur adoptant et qui ont souvent déjà un toit. Nous l’avons en revanche conservée pour les mineurs, les seuls pour qui ce placement chez l’adoptant aurait un sens.
Comme à l’issue de la première lecture, le texte reste donc incomplet, même si l’on peut saluer certains compromis trouvés par nos deux chambres. Notre rapporteur a repris la proposition de loi sur des points où la majorité sénatoriale considérait qu’il fallait encore avancer, et un certain nombre d’amendements viendront encore l’enrichir.
Même s’il reste imparfait, ce texte est utile à la protection de l’enfance. Le groupe Union Centriste le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)