M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l’article.
Mme Émilienne Poumirol. Je souhaite insister sur le versant mémoriel de ce projet de loi, qui est à mes yeux essentiel. Il s’agit en effet de prévoir, avec ce texte, un travail de mémoire et de transmission de l’histoire des harkis.
Le présent article donne à la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices, qu’il crée, la mission de contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire de l’engagement de l’ensemble des harkis.
Je veux saluer, tout d’abord, le travail qui a déjà été effectué par l’ONACVG sur cette question. Ainsi, en 2014, le plan harkis prévoyait le lancement d’une campagne de recueil de témoignages oraux de harkis, afin de collecter et de garder la trace des expériences vécues. Ces témoignages sont mis à disposition du public, mais aussi des chercheurs, dans le cadre de leurs travaux sur la mémoire des harkis.
Néanmoins, une difficulté subsiste quant au recueil de ces témoignages : la barrière de la langue. Il faudra donc veiller à ce que des traducteurs soient présents.
Le deuxième problème est la valorisation de ces mémoires et de ces archives. Il faut soutenir toutes les actions qui y participent. Pour cela, l’ONACVG a conclu des partenariats avec certains services départementaux d’archives, afin d’organiser des journées d’études sur l’histoire et la mémoire des harkis.
J’insiste également sur l’importance de la transmission de cette histoire des harkis. Il est essentiel qu’elle puisse être enseignée, en particulier dans les établissements scolaires.
Le ministère de l’éducation nationale doit s’impliquer pour assurer une diffusion large et pérenne de la connaissance sur ce sujet. À titre d’exemple, des interventions réunissant « quatre voix » – un ancien supplétif, un ancien partisan du FLN, un ancien appelé et un rapatrié d’origine européenne – ont été organisées dans certains établissements.
Ces expériences sont à mon sens très importantes pour permettre la transmission des différentes mémoires de la guerre d’Algérie, ainsi que leur apaisement. Il faut que l’histoire de France, même la plus douloureuse, soit connue et reconnue par l’ensemble de nos concitoyens. C’est une condition du vivre-ensemble.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, sur l’article.
M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même s’il ne s’agit pas d’une loi mémorielle, la dimension mémorielle de ce texte est bien présente dans cet article 3.
Je me permets d’insister fortement sur le travail qui doit être engagé. Dans l’une de mes interventions précédentes, j’ai indiqué combien la mémoire des harkis était peu connue dans notre pays. Il convient de lui faire toute sa place.
Je viens d’une région qui a eu la malchance d’avoir sur son sol le centre de transit de Rivesaltes, mais qui a la chance aujourd’hui d’accueillir un musée, le Mémorial du camp de Rivesaltes. Dans cet endroit, on permet aux jeunes et aux moins jeunes, aux scolaires comme aux harkis et à leurs enfants, de venir à la rencontre de leur histoire et de leur mémoire.
J’ai évoqué la pudeur éprouvée par certains harkis lorsqu’il s’agit de raconter les exactions et les humiliations qu’ils ont subies. Ils ont cette pudeur, ou bien ils n’ont pas envie de raconter cette histoire à leurs enfants et petits-enfants. Il me semble donc nécessaire que des structures recueillent ces témoignages tant que les harkis sont encore parmi nous, afin que cette mémoire puisse être restituée de la manière la plus objective qui soit à leurs descendants.
Il me paraît également utile de faire toute leur place dans les manuels scolaires aux harkis et à leur histoire tragique et dramatique. Je m’adresse donc à vous, madame la ministre, afin que soient conférés à cette instance les moyens qui lui permettront d’effectuer ce travail de collecte qui, on le sait, est difficile et coûteux. Nous avons besoin de moyens pour que ce travail se fasse dans les meilleures conditions.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Je suis d’accord avec M. Bourgi, mais j’ajouterai, en tant qu’historienne, qu’il faut graver la mémoire dans l’histoire.
La mémoire est passagère, puisqu’elle s’en va avec les êtres humains qui meurent, et elle est fragile. Il faudrait donc, parallèlement à la mémoire, qu’une place plus grande soit accordée dans les livres d’histoire aux recherches faites sur ce sujet, plutôt qu’à une vague idéologie.
Il serait formidable que les générations à venir puissent disposer de cette mémoire, devenue histoire à jamais.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié quater, présenté par M. Burgoa, Mmes Bonfanti-Dossat et Estrosi Sassone, MM. Milon, Cardoux et Sol, Mmes Puissat, Belrhiti et V. Boyer, MM. Le Rudulier, Bacci, Bonnus, Regnard et Pellevat, Mmes Lopez et Guidez, M. Grosperrin, Mmes Lassarade et Demas, MM. Bouchet, Anglars et Lefèvre, Mme Devésa, MM. Sido, Grand et Bansard, Mmes Renaud-Garabedian et Gosselin, MM. Hingray, Belin et Genet, Mme Ventalon et MM. Somon et Brisson, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre
par les mots :
du Premier ministre
II. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
, après instruction par les services de l’office
III. – Alinéa 4
1° Première phrase
Remplacer le mot :
office
par les mots :
Office national des anciens combattants et victimes de guerre
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
national des anciens combattants et victimes de guerre
IV. – Alinéas 6 et 7
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
La commission publie un rapport annuel d’activité, qui rend notamment compte des témoignages recueillis dans le cadre de l’exécution de la mission mentionnée au 2° .
…. – L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre assiste la commission mentionnée au I dans la mise en œuvre de ses missions.
À ce titre, il assure le fonctionnement de la commission, participe à l’instruction des demandes qui lui sont adressées et exécute les décisions qu’elle prend sur le fondement du 1° du même I. Il peut également, à la demande de celle-ci, solliciter de tout service de l’État, de toute collectivité publique ou de tout organisme gestionnaire de prestations sociales communication de tous renseignements utiles à l’exercice de ses missions.
V. – Alinéa 12
Remplacer les mots :
arrêté du ministre chargé de la mémoire et des anciens combattants
par les mots :
le Premier ministre
VI. – Alinéa 15, au début
Ajouter la mention :
III. –
La parole est à M. Laurent Burgoa.
M. Laurent Burgoa. Le présent amendement, cosigné par ma collègue Christine Bonfanti-Dossat et rédigé avec elle, vise à clarifier l’organisation et les modalités de fonctionnement de la commission instituée à l’article 3 du projet de loi. À cette fin, il prévoit de renforcer les garanties d’indépendance de cette nouvelle instance en la plaçant auprès du Premier ministre, et non plus auprès de l’ONACVG.
Conformément à ce changement de rattachement administratif, il tend également à modifier le II de l’article 3, afin de préciser que les représentants de l’État siégeant au sein de cette commission seront désignés par le Premier ministre, et non plus par le ministre chargé des anciens combattants.
De plus, en complément de ce nouveau positionnement de la commission, le présent amendement tend à conforter l’ONACVG dans sa mission d’instruction des demandes de réparation présentées sur le fondement de l’article 2 du projet de loi et à prévoir que l’établissement public assurera des missions de soutien nécessaires au bon fonctionnement de la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. En prévoyant de rattacher la commission au Premier ministre, cette disposition porte au plus haut niveau de la hiérarchie administrative cette commission de reconnaissance. Elle permet aussi de bien cadrer le rôle de l’ONACVG, qui assurera non pas la tutelle de la commission, mais bien un appui et une aide à la décision.
Une telle mesure permet ainsi de compléter les modifications apportées par la commission des affaires sociales, qui a souhaité renforcer l’indépendance de cette commission.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je partage la nécessité de clarifier les prérogatives respectives de la commission nationale indépendante et de l’ONACVG, lequel instruira simplement les dossiers de demandes de réparation.
Placer la commission auprès du Premier ministre est une bonne solution pour garantir son indépendance et sa capacité à travailler dans de bonnes conditions.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.) – (M. Philippe Tabarot et Mme Valérie Boyer applaudissent.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 64 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 66 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli, Patriat, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Grand, Chasseing, Cadic et Daubresse, Mmes Vermeillet et N. Delattre, MM. Verzelen, Guérini et Hingray et Mme Mélot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° D’entendre à leur demande les combattants mentionnés au premier alinéa de l’article 1er, d’examiner leur situation et de leur proposer toute mesure de reconnaissance appropriée ;
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 64.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Cet amendement vise à garantir à l’ensemble des harkis combattants un accès à la commission, afin que celle-ci examine leur situation et propose toute mesure de reconnaissance appropriée.
L’objectif est de s’assurer que tous les harkis ayant combattu pour la France puissent se faire connaître et être entendus de droit par la commission s’ils le souhaitent, qu’ils aient ou non vécu dans des camps.
J’insiste sur cette mission très importante de la commission. En effet, à côté de la réparation des préjudices spécifiques du fait des manquements de l’État, elle joue un rôle mémoriel majeur – cela a été dit précédemment –, qui ne doit pas être limité aux seuls harkis ayant séjourné dans les camps mais étendu à tous les harkis, afin que la Nation puisse les reconnaître.
Au travers de la reconnaissance de l’ensemble des harkis combattants, c’est leur histoire et leur parcours au service de la France qui sont pris en compte. Nous assurons ainsi de meilleures connaissances et transmissions de la mémoire. Et la commission, j’y insiste, pourra prendre en leur faveur toute mesure de reconnaissance appropriée.
Donner davantage de prérogatives à la commission permet de ne pas enfermer le projet de loi et d’ouvrir des évolutions positives.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 66 rectifié bis.
M. Bernard Buis. L’article 3 du projet de loi fixe les missions principales de la commission nationale indépendante. Celle-ci aura vocation à statuer sur les demandes de réparation, à contribuer au recueil des témoignages et aux actions de transmission de la mémoire, mais aussi à appuyer l’ONACVG dans la conduite de ses missions d’assistance en faveur des rapatriés. Enfin, elle aura la faculté de proposer des évolutions de la liste des lieux dans lesquels il est nécessaire d’avoir séjourné pour bénéficier du mécanisme de réparation.
Cet amendement vise à compléter ces missions, en prévoyant spécifiquement un accès prioritaire à la commission pour les anciens combattants harkis et moghaznis et pour le personnel de diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilé, et cela peu importe leurs conditions de rapatriement et d’accueil sur le territoire national.
En l’état actuel du texte, une telle compétence n’est pas encore prévue. Cet amendement vise à combler ce manque. Je suis certain, mes chers collègues, que vous serez tous naturellement sensibles à cette écoute accordée aux harkis combattants.
Ainsi la commission sera-t-elle compétente pour entendre, à leur demande, ces anciens combattants. Elle pourra leur proposer, au regard de la situation individuelle des personnes entendues, toute mesure de reconnaissance appropriée compte tenu des services qu’ils ont rendus à la Nation.
Je remercie mes collègues des nombreux groupes qui ont cosigné cet amendement et qui le soutiennent, parce qu’ils sont convaincus de sa portée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. En consacrant la mission consistant à entendre les harkis combattants à leur demande, les amendements identiques nos 64 et 66 rectifié bis visent à donner à ces personnes une priorité en termes de recueil de leur témoignage. Ce sera très précieux, et même essentiel, pour le travail mémoriel.
Il conviendra, pour la mise en œuvre effective de cette disposition, de bien articuler cette prérogative avec les missions de l’ONACVG, dont les compétences et le maillage territorial permettent d’accompagner les anciens combattants dans leurs démarches.
J’émets donc un avis de sagesse favorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.
M. Philippe Tabarot. Ces amendements identiques sont de façade ! Celui du Gouvernement a été rédigé à la hâte, car vous savez, madame la ministre, que les harkis sont mécontents du mécanisme d’indemnisation prévu dans ce projet de loi. Cette disposition constitue votre aveu d’échec : vous essayez, en vain, de trouver une échappatoire au dispositif d’indemnisation partielle que vous mettez en place.
Vous pensez en effet que nous nous contenterons de ce mandat, donné à la commission instituée au présent article 3, d’examiner la situation des harkis qui n’entrent pas dans le champ du dispositif d’indemnisation prévu par le texte.
Contrairement à nous, le Gouvernement n’est aucunement tenu par la recevabilité financière de ses amendements. Vous pouvez donc décider d’inclure dans l’indemnisation prévue les 50 000 harkis qui en sont exclus actuellement. Il vous est possible de le faire en modifiant ce mécanisme froid et objectif, qui ne tient pas compte de tous les préjudices.
De plus, ces amendements identiques semblent être un copier-coller de celui du président Retailleau, qui sera présenté par la suite et qui a le mérite d’exister malgré les difficultés de recevabilité financière qu’il pose. Or, même en faisant un tel copier-coller, le Gouvernement continue à être restrictif !
Comme vous l’annoncez dans l’objet de votre amendement, madame la ministre, ceux qui ne seront pas indemnisés dans le cadre du présent projet de loi pourront être entendus par la commission, laquelle devra leur proposer un accompagnement social et administratif adapté. Vous ne prévoyez donc pas une véritable ouverture à l’indemnisation.
Pour toutes ces raisons, je suis contre ces amendements identiques, dont le défaut est d’être plus restrictifs que l’amendement Retailleau que nous allons examiner.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 et 66 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 28, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° De chiffrer le montant global des réparations en fonction de l’évaluation des préjudices effectifs et sociaux subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par les membres de leurs familles ;
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet d’intégrer aux missions de la commission nationale indépendante la tâche de chiffrer le montant global des réparations, en fonction de l’évaluation des préjudices effectifs et sociaux subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par les membres de leurs familles, qu’il s’agisse des atteintes à leur dignité, des conditions de dénuement dans lesquelles ils ont été contraints de vivre, ou encore des préjudices sociaux tels que la privation d’activité professionnelle.
L’objectif est également de ne pas fonder cette réparation uniquement sur le nombre de mois passés dans les lieux ciblés par la loi, mais de permettre à la commission de poursuivre une évaluation plus précise des préjudices et de travailler à une meilleure réparation en fonction des résultats de ses travaux.
Le montant global des réparations doit en effet, non pas se fonder mathématiquement sur le nombre de mois passés dans des camps ou des hameaux de forestage, mais être déterminé sur le fondement de l’évaluation des préjudices subis par les harkis.
Est aussi visée ici l’équité de traitement dans la réparation individuelle des préjudices subis, sans pour autant remettre en cause le dispositif actuel, mais davantage son chiffrage global, fixé a priori de manière prédéterminée.
Cette proposition est conforme et fidèle à une approche visant à la réalisation d’un véritable travail d’évaluation des préjudices subis par les harkis, seul à même de rendre justice de manière incontestable et incontestée, et ainsi de clore de manière apaisée cette partie de notre histoire commune.
Je veux aussi vous rappeler, madame la ministre, comme l’a fait M. Tabarot – en effet, vous n’avez pas répondu jusqu’à présent de manière claire à cette interpellation commune, formulée à plusieurs reprises –, que vous avez toute latitude pour répondre aux différentes questions qui vous sont posées ici sur l’extension du périmètre de la réparation ou sur la façon de calculer l’indemnisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Le système prévu par le projet de loi permet d’indemniser les intéressés, à la seule condition qu’ils apportent la preuve d’un séjour dans une structure fermée, établissant ainsi une présomption de préjudice.
Le chiffrage proposé n’aurait donc pas de conséquence sur le mécanisme forfaitaire à l’article 2. Il est préférable, comme le prévoit un amendement que nous examinerons par la suite, que la commission soit plus largement force de proposition, pour faire évoluer les dispositifs existants de reconnaissance et de réparation.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, nous avons choisi ce cadre de la durée du séjour et du montant forfaitaire parce que nous voulions un dispositif qui soit simple, accessible et rapide à mettre en œuvre.
Il n’y a pas de durée minimale prévue, et la réparation sera proportionnelle au temps passé dans les camps : elle ne sera pas la même selon que l’on y aura vécu durant une semaine, un mois, dix ans ou quinze ans.
Je puis vous assurer que nombre de dispositifs complexes sont très difficiles à mettre en œuvre. Si nous complexifions les choses, le risque est que dans dix, quinze ou vingt ans, les harkis et leurs familles n’aient pas encore bénéficié de la réparation ! Ce n’est pas du tout ce que nous souhaitons.
Le système que nous mettons en place peut paraître assez basique, mais il est tout à fait équitable, dans la mesure où le calcul du préjudice, donc de la réparation, se fait en tenant compte du temps passé dans les camps.
Je le redis, la réparation est individuelle : elle est perçue par chaque membre de la famille ayant vécu dans ces conditions.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Bascher, Belin, J.-B. Blanc et Bouchet, Mme V. Boyer, M. Daubresse, Mmes Dumont et Joseph et MM. Karoutchi, Laménie, Le Gleut, Longuet, Paccaud et Sido, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
D’apporter son appui à
par les mots :
De solliciter autant que nécessaire
La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Ce projet de loi est loin de satisfaire les familles des harkis et les associations. Celles de mon territoire des Alpes-Maritimes ont notamment fait part de leur incompréhension face au rôle attribué à la commission instituée par cet article. À leurs yeux, cette dernière n’a pas vocation à être au service de l’ONACVG. Au contraire, il revient à cet office de solliciter la commission, en requérant son expertise.
L’amendement vise donc à rétablir la logique et à « inverser la vapeur », en remettant la commission au centre du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Je vous remercie, ma chère collègue, de présenter cette disposition qui permet de rassurer les associations.
Elle ne remet absolument pas en cause la répartition des rôles entre la commission et l’ONACVG, lequel sera bien chargé d’assister la commission et d’exécuter ses décisions, comme le prévoit l’article 3.
Les conditions d’indépendance de cette commission ont été renforcées dans le texte et son rattachement au Premier ministre, via l’adoption d’un précédent amendement, apporte des garanties utiles et suffisantes.
L’inquiétude exprimée au travers du présent amendement est donc levée par la claire répartition des rôles prévue à l’article 3. J’en demande donc le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Pour compléter mon propos précédent sur la simplification, je veux ajouter un point sur le rôle de l’ONACVG dans le processus d’indemnisation.
Il suffira à un harki ou à un enfant de harki, ayant vécu dans un camp, de signer un papier pour demander réparation. C’est alors l’ONACVG qui recherchera dans les archives combien de temps cette personne est restée dans ce lieu. Ces démarches de recherche étant toujours très longues et difficiles, l’Office aura un rôle de facilitateur.
Ce travail technique de facilitation permettra une réparation la plus équitable et la plus rapide possible.
En ce qui concerne l’amendement, qui est satisfait, je partage le point de vue de Mme la rapporteure : j’en demande le retrait, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Madame Borchio Fontimp, l’amendement n° 63 rectifié est-il maintenu ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 8 rectifié est présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido, Le Rudulier et Laménie.
L’amendement n° 48 est présenté par M. Stanzione, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Temal, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Remplacer le mot :
mentionnée
par les mots :
et de la date du 31 décembre 1975 mentionnées
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à élargir la période de prise en compte de la commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis, afin que chacun puisse prétendre aux réparations sans que de dramatiques effets de seuil soient créés.
Nous appelons au bon sens, à la souplesse et à la bienveillance.
Selon plusieurs experts, la fermeture des camps et de certaines structures d’accueil n’a pas réglé la situation des familles de harkis. En 1981, quelque 22 hameaux de forestage sur les 75 répertoriés n’étaient pas encore fermés, tout comme certains foyers de transit de la Société nationale de construction de logement de travailleurs (Sonacotra).
Si les privations de liberté n’étaient pas les mêmes, il n’en demeure pas moins que les harkis y subissaient une sorte de tutelle sociale. C’est pourquoi j’insiste sur la souplesse et la bienveillance dans l’examen des situations, ainsi que sur l’élargissement de la période.
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour présenter l’amendement n° 48.
M. Lucien Stanzione. Madame la ministre, si la décision de fermer les camps et les hameaux de forestage a été prise lors du conseil des ministres du 6 août 1975, toutes les familles de harkis n’ont pas quitté ces lieux d’accueil et ces structures ont subsisté après 1975.
En plus de leurs difficultés de relogement, et à cause de leur long isolement, les familles ont dû s’adapter à un environnement économique et social qui leur était étranger.
Cet amendement tend donc à permettre à la commission nationale de proroger le délai de prise en compte des préjudices subis par l’ensemble des personnes concernées et de déterminer une autre date butoir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Ces deux amendements identiques ont été examinés en commission. C’est un fait, la date du 31 décembre 1975 correspond à la fermeture administrative des camps et des hameaux, c’est-à-dire à la fin de leur gestion par l’État.
Toutefois, l’amendement déposé par M. Retailleau, que nous étudierons ensuite, vise à permettre à la commission nationale d’ouvrir un champ plus large pour examiner jusqu’où peut aller l’indemnisation, notamment en ce qui concerne les « zones grises » parmi les lieux où les harkis ont été accueillis.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, la loi a édicté la fermeture des structures à la date du 31 décembre 1975, qui marque officiellement la fin de la tutelle administrative sur les populations concernées.
Je sais bien qu’un certain nombre de harkis a continué à vivre, parfois pendant plusieurs années, dans les hameaux de forestage. Ils ont bien souvent été aidés par les maires des communes où ces hameaux étaient situés – je veux d’ailleurs leur rendre hommage –, à s’équiper et à s’installer avec plus de facilité – je n’ose dire de confort –, mais aussi à réaliser toutes leurs démarches.
Cette date marque cependant la normalisation de la situation. Au-delà, les conditions d’engagement de la responsabilité pour faute de l’État ne sont plus réunies.
Compte tenu de la nature particulière du préjudice subi, que le projet de loi entend réparer, la réévaluation de la limite temporelle au-delà du 31 décembre 1975 ne paraît pas justifiée.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.