M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, auteur de la question n° 2030, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Christian Bilhac. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la question de la responsabilité pénale des maires, des présidents d’intercommunalités et des présidents de conseils départementaux qui salarient des médecins.
Face à la pénurie de médecins en milieu rural ou hyper-rural, de nombreuses collectivités choisissent en effet de recruter des médecins salariés pour pallier l’absence de médecins libéraux. Ainsi, en Occitanie, le conseil régional a décidé de lancer un plan de soutien aux collectivités pour lutter contre les déserts médicaux.
Bien que ces médecins soient employés par une collectivité territoriale, leurs salaires sont généralement indexés sur ceux de la fonction publique hospitalière – c’est le cas par exemple en Saône-et-Loire dans le centre médical départemental. Ils disposent ainsi d’un régime de rémunération différent de tous les autres employés territoriaux.
Il semble par ailleurs déraisonnable que les médecins salariés des centres de santé territoriaux soient assujettis aux mêmes contraintes et aux mêmes lois que ceux exerçant dans des hôpitaux publics, eu égard à la différence de moyens, de matériel et d’encadrement existant entre les deux systèmes.
Ces médecins ont dès lors un statut ambigu, car ils répondent aux contraintes et devoirs spécifiques relatifs à la profession médicale, notamment à la prise en charge des patients, mais ils sont également soumis aux mêmes règles que n’importe quel agent territorial.
Bien que responsable des actes de tous ses agents, comme le prévoit l’article L. 121-3 du code pénal, l’employeur public se trouve face à un agent qui possède des caractéristiques spécifiques et des compétences que lui-même ne maîtrise pas. Tous les maires ne sont pas médecins !
Nombre d’entre eux s’interrogent : leur responsabilité pénale pourrait-elle être engagée en cas de problème lié à cette activité ? Un délai trop long d’intervention, une erreur de diagnostic ou encore un manque de moyens du cabinet médical pourraient-ils être invoqués ? Madame la ministre, pouvez-vous rassurer les maires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Christian Bilhac, comme vous le soulignez, l’accès aux soins pour tous et sur tout le territoire, notamment en milieu rural, est au cœur des préoccupations des Français. Dans le cadre de la stratégie Ma santé 2022, le Gouvernement a engagé une réforme des soins de proximité visant à y répondre.
Pour faire face à des besoins spécifiques sur leur territoire, les collectivités et leurs groupements peuvent recruter, au sein notamment des centres de santé dont elles sont gestionnaires, des médecins généralistes salariés. Les conditions de recrutement et d’emploi seront précisées notamment par les articles 33 et 34 du projet de loi 3DS.
En principe, la responsabilité pénale peut être recherchée à l’égard des professionnels de santé, des établissements et des services et organismes de santé.
La responsabilité pénale d’un professionnel de santé peut en effet être recherchée dans le cas où il est l’auteur direct d’une infraction par commission d’une faute ou d’un manquement qui se trouve directement à l’origine du dommage, ou dans le cas où il est l’auteur indirect d’une infraction par commission d’une faute ou d’un manquement qui a contribué à la situation ayant permis la réalisation du dommage.
Par ailleurs, certains délits susceptibles d’engager la responsabilité pénale d’un professionnel de santé sont totalement indépendants de toute notion de dommage, comme la mise en danger d’autrui.
Toutefois, dans le cas que vous évoquez, il semblerait qu’aucune jurisprudence n’ait, à ce jour, admis la responsabilité pénale d’un maire ou d’un président d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) du fait d’une faute commise par un professionnel de santé salarié de la commune ou de l’EPCI.
En effet, la responsabilité pénale est personnelle, comme le prévoit l’article L. 121-1 du code pénal aux termes duquel « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». C’est donc bien la responsabilité pénale du professionnel de santé qui sera recherchée en premier lieu.
éligibilité des dépenses de déneigement au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, auteur de la question n° 2039, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Éric Gold. Madame la ministre, nous voici en plein cœur de l’hiver et, dans certaines régions, la neige a fait son apparition depuis déjà plusieurs semaines, parfois de manière très abondante.
L’entretien des routes communales faisant partie des attributions des mairies, les services municipaux ont pour obligation d’assurer le déneigement des voies. Or cette mission est considérée comme une dépense de fonctionnement, et non d’investissement, ce qui ne la rend pas éligible au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
Comme le balayage, le déneigement est assimilé à une dépense visant à assurer des conditions normales de circulation, et non comme un travail d’entretien et de réparation de la voirie. Les communes ne peuvent donc pas l’imputer sur le compte « entretien et réparation – voirie » créé en 2016, qui permet d’identifier les dépenses d’entretien de la voirie éligibles au FCTVA.
Certes, ces opérations bénéficient du taux réduit de TVA à 10 %, mais leur coût, qui demeure élevé, pèse sur le budget des communes.
J’ai ainsi été interpellé par plusieurs maires de mon département, pour qui les dépenses de déneigement constituent une lourde charge chaque hiver. De plus, dans ces territoires ruraux, l’offre de prestataires est limitée, ce qui empêche toute négociation des tarifs à la baisse.
Les gouvernements successifs ont jusqu’à présent refusé de procéder à une réforme visant à rendre le déneigement éligible au FCTVA. La situation a toutefois évolué. Aujourd’hui, nos collectivités font face, comme le reste de la population, à une forte inflation, notamment à une envolée des prix de l’énergie, qui entraînent pour certaines communes des dérapages de budget difficiles à assumer, dans un contexte de crise déjà tendu.
Aussi, nous sommes nombreux à considérer qu’un geste de l’État serait particulièrement bienvenu dans cette période compliquée. L’entretien de la voirie pourrait aisément être considéré comme une dépense d’investissement, puisqu’elle permet d’éviter d’autres dépenses à moyen et à long terme.
Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement quant à l’éligibilité des dépenses de déneigement au FCTVA ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Éric Gold, le FCTVA vise par principe à soutenir l’investissement local en compensant la TVA payée par les collectivités sur leurs dépenses d’investissement. À titre dérogatoire, le FCTVA a été ouvert à certaines dépenses de fonctionnement, telles que les dépenses d’entretien des bâtiments publics, de la voirie et des réseaux.
Or les coûts liés aux opérations de déneigement constituent des dépenses de fonctionnement qui ne sont pas rattachables aux dépenses d’entretien de la voirie, qui permettent de maintenir la voirie dans des conditions normales de circulation. Par conséquent, du fait de leur nature, au même titre que les dépenses de nettoyage des locaux, les dépenses de déneigement n’entrent pas dans le champ des dépenses éligibles au FCTVA.
En outre, les dépenses de déneigement sont souvent des contrats de prestations de services, réalisées par une entreprise extérieure : elles ne sont donc pas davantage éligibles que les contrats de maintenance, prévus par exemple pour l’entretien des installations de sécurité des bâtiments publics.
Les dépenses de déneigement bénéficient toutefois d’un taux de TVA réduit à 10 %, notamment sur les remboursements et les rémunérations versés aux exploitants assurant les prestations de déneigement des voies publiques. De cette manière, l’État soutient indirectement les collectivités dans les dépenses qu’elles engagent à ce titre, le coût de cette réduction de TVA étant de l’ordre de 8 millions d’euros pour l’État.
Si le législateur a souhaité ouvrir à titre dérogatoire le bénéfice du FCTVA à certaines catégories de dépenses d’entretien, il n’est pas prévu, à ce stade, d’ouvrir l’éligibilité du fonds à des dépenses d’une autre nature.
Ce nouvel élargissement de l’assiette interviendrait dans le contexte de la mise en œuvre progressive de la réforme de l’automatisation du FCTVA, amorcée le 1er janvier 2021 et qui se poursuivra jusqu’en 2023. Dans ce contexte, il paraît préférable de privilégier une stabilité de l’assiette, conformément à l’objectif de neutralité budgétaire de la réforme.
communes privées de dotation
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, auteur de la question n° 1838, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Marie Mercier. Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur la situation financière des communes rurales qui sont privées de dotations d’État. Leurs difficultés sont considérables et les maires se sentent asphyxiés, mais surtout abandonnés.
Ils se sentent asphyxiés pour une raison simple : ils n’ont pas de moyens. Ils ont beau voter des budgets avec des charges de fonctionnement toujours plus réduites, ils ne peuvent plus rien faire !
Mais, avant tout, ces maires se sentent abandonnés.
Ayant été saisie par le maire d’une commune de Saône-et-Loire, Massilly, qui compte 361 habitants, j’ai écrit à votre ministère le 5 juillet dernier. Je n’ai reçu de réponse ni à ce courrier, ni à la question écrite que je vous ai adressée le 7 octobre.
Madame la ministre, j’ose espérer que ce matin vous pourrez m’apporter une réponse pour ces maires. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour éviter que la situation ne se reproduise ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice Marie Mercier, les communes rurales bénéficient tout particulièrement des choix opérés depuis 2017 : les concours financiers de l’État ont été stabilisés, le soutien à l’investissement local a été renforcé et l’effort de solidarité a progressé.
Je souligne que seul un nombre anecdotique de communes rurales n’ont plus reçu de dotation globale de fonctionnement (DGF) en 2021 : à peine 1 % des communes de moins de 3 500 habitants – 436 sur 31 578 – est concerné. Cette situation résulte du fait que leur dotation forfaitaire est nulle et que leurs indicateurs de richesse, notamment leur potentiel financier par habitant, sont meilleurs que ceux de leurs homologues, ce qui les exclut de la péréquation.
Les communes rurales sont, dans leur immense majorité, bien dotées par l’État.
J’en veux pour preuve que la dotation de solidarité rurale (DSR) atteindra près de 1,88 milliard d’euros en 2022, contre 421 millions d’euros en 2004. La loi de finances pour 2022 prévoit une augmentation de 95 millions d’euros de cette dotation par rapport à 2021, soit un effort encore supérieur à celui réalisé l’an passé.
De 2017 à 2021, la « DSR cible », dont bénéficient les 10 000 communes rurales les plus fragiles, a par ailleurs augmenté de 57 %, tandis que la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), qui a permis de soutenir plus de 20 000 projets en 2020, s’élève à 1,046 milliard d’euros en 2022.
Les communes rurales bénéficient également de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), qui atteindra le montant historique de 873 millions d’euros en 2022.
Enfin, comme toutes les communes, les communes rurales ont largement bénéficié des dotations d’investissement instituées dans le cadre du plan de relance, comme en témoignent l’abondement exceptionnel de la DSIL pour les années 2020 et 2021 à hauteur de 950 millions d’euros ainsi que la dotation de soutien à la rénovation thermique des bâtiments communaux d’un montant de 650 millions d’euros. Ces deux dotations ont aujourd’hui été intégralement engagées au profit du bloc communal.
Ces quelques exemples illustrent la politique volontariste de soutien aux communes rurales menée par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.
Mme Marie Mercier. Madame la ministre, vous semblez estimer que la situation des communes dont je me fais l’écho serait « anecdotique », mais elle ne l’est certainement pas pour les maires et les administrés de ces communes !
Vous évoquez – entre autres – la DSR et la DGF. Madame la ministre, personne ne comprend plus rien au mode de calcul, qui est devenu illisible et manque de transparence ! Nous essayons de nous rapprocher des trésoreries et des directions départementales des finances publiques (DDFiP). Malgré tout, les règles ne sont pas claires.
Les maires sont des gens pratiques et des gens du terrain. Ils savent compter, or il y a du manquant, comme on dit chez moi !
Vous soutenez que la DGF a augmenté, mais c’est faux ! La Saône-et-Loire subit une baisse globale de 0,8 %. Certes, vous pourrez toujours prétendre que celle-ci est anecdotique. Mais quel est le sens de ce mot lorsqu’on gère une commune et que la démocratie de proximité s’appuie, jour et nuit et 365 jours par an, sur les maires ? Le sacerdoce que les maires vouent à leur commune n’est pas anecdotique !
Je souhaite vraiment que le Gouvernement prenne la mesure de ces difficultés financières et ne plus jamais entendre ce mot : « anecdotique » ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
soutien de l’état dans la gestion communale des eaux
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, auteure de la question n° 2067, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés de gestion de l’eau rencontrées par les municipalités qui ont choisi d’en conserver la compétence jusqu’en 2026, comme le prévoit la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.
Ce choix a été fait par certaines communes rurales pour lesquelles le transfert de cette compétence à l’EPCI n’était pas opportun au regard de leur organisation.
Toutefois, dans le cadre de l’exercice de cette faculté, nombre d’entre elles se sentent aujourd’hui abandonnées par l’État et complètement dépassées aussi bien dans l’adoption d’un mode de gestion que pour faire face aux coûts qu’implique le maintien des compétences eau et assainissement.
Or la gestion de l’eau est capitale.
À titre d’exemple, le maire de la commune de Chapois, dans le département du Jura, hésite à lancer d’importants travaux sur le réseau, lesquels seraient pourtant plus que nécessaires pour la pérennité de l’approvisionnement en eau.
De tels travaux ont un coût élevé, or la quasi-totalité des agences de l’eau excluent du mécanisme d’aide les communes qui ont décidé de ne pas transférer leur compétence.
Les élus attendent un véritable soutien de l’État. Ils veulent d’abord être accompagnés dans la conduite technique et financière de ces travaux. Compte tenu des enjeux liés aux sécheresses, ils espèrent également une aide prospective à la décision en termes de gestion de l’eau.
Avant d’engager des travaux, les petites communes ont besoin de conseils techniques fiables. Or aucun document-cadre n’a à ce jour été édité par les services déconcentrés, ce qui laisse les communes livrées à elles-mêmes, dans l’incertitude. Tout juste les renvoie-t-on à la réalisation d’études prospectives qu’elles n’ont pas les moyens de mener ou pour lesquelles elles ne trouvent pas de spécialistes.
Madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour mettre fin aux inquiétudes des communes rurales et faire en sorte qu’elles ne se trouvent pas démunies face aux investissements durables qu’elles doivent réaliser ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice Sylvie Vermeillet, nous partageons le constat qu’il est nécessaire d’investir massivement dans les réseaux d’eau et d’assainissement pour garantir leur fiabilité et assurer ainsi un meilleur service aux usagers.
Dans cette perspective, plusieurs outils sont à la disposition des acteurs locaux.
Les communes rurales sont ainsi éligibles aux aides des agences de l’eau. Des critères de priorisation des dossiers ont été instaurés pour accompagner le transfert des compétences eau et assainissement aux EPCI. Mais les communes qui ont fait le choix de conserver ces compétences peuvent également être financièrement accompagnées pour l’entretien de leurs réseaux.
Vous évoquez la commune de Chapois. Cette ville de 219 habitants peut également bénéficier de l’aide conventionnelle proposée par le département du Jura qui, depuis 2019, a renforcé son action en la matière via l’agence Territoires Ingénierie Jura.
Dans ce cadre, la commune peut obtenir une assistance technique en matière d’assainissement, qu’il s’agisse de la gestion patrimoniale de son système d’assainissement collectif ou de l’organisation du contrôle des installations autonomes.
Les compétences eau et assainissement sont des compétences historiques, non pas de l’État, mais des communes. La situation que vous décrivez confirme cependant le bien-fondé de la démarche d’intercommunalisation que promeut le Gouvernement.
La loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes que vous avez citée ouvre une possibilité de report, afin de bien préparer le transfert de ces compétences. Dans cette perspective, le Gouvernement se tient à l’écoute des communes rurales qui sollicitent un temps de préparation.
Toutefois, seule la mutualisation des moyens des communes permet d’améliorer le service rendu aux usagers et de faire face aux besoins en termes d’ingénierie et d’investissement indispensables sur les réseaux.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique.
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la ministre, à l’évidence, les agences de l’eau se penchent sur les difficultés des métropoles et pas sur celles des petites communes. Ce que vous venez de me dire reste donc à démontrer.
sanctuarisation de la dotation globale de fonctionnement
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, auteur de la question n° 2025, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Philippe Tabarot. Madame la ministre, le 18 novembre 2021, à l’occasion du Congrès des maires, le Président de la République affirmait que « conformément aux engagements pris, la dotation globale de fonctionnement [avait] été sanctuarisée ».
Après les 700 millions d’euros de baisse de cette importante aide de l’État aux communes, la plus importante même sous le quinquennat Hollande-Macron – M. Macron était alors ministre des finances –, cette sanctuarisation de façade annoncée par Emmanuel Macron-président cache en fait une réalité bien différente, en trompe-l’œil.
En effet, plus de la moitié des communes, 53 % d’entre elles exactement, subissent encore une diminution de leur dotation globale de fonctionnement. Cette baisse concerne 55 % des communes de moins de 1 000 habitants, même si l’on part du niveau le plus bas atteint depuis 2017.
Vous hiérarchisez les communes en opposant les quelques rares gagnantes aux nombreuses perdantes. Le « quoi qu’il en coûte » s’est visiblement arrêté au perron des mairies.
Pourtant, cela fait deux ans que les communes, eu égard aux moyens dont elles disposent, sont absolument exemplaires dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, palliant ainsi la longue inertie de l’État.
Aujourd’hui, les maires doivent gérer de plus en plus de champs d’action, notamment pour le compte de l’État, et ce, malgré une pression financière croissante. À la différence de l’État, ils ont en outre l’obligation de voter leur budget en équilibre.
Après de longues années de pertes financières, on aurait pu s’attendre à une forme de reconnaissance budgétaire. Cet espoir a été douché par un État ingrat, qui demande toujours beaucoup, aide toujours moins, et étouffe progressivement les collectivités.
Madame la ministre, quand le Gouvernement sanctuarisera-t-il réellement, voire augmentera-t-il la DGF, après cette longue période de détérioration, de sorte qu’aucun maire ne voit sa dotation baisser de nouveau ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Tabarot, le Gouvernement a fait le choix de mettre un terme à la baisse unilatérale des dotations de l’État aux collectivités territoriales, particulièrement à celle de la DGF.
Depuis 2018, la DGF versée aux communes est stable au niveau national. C’est un engagement que nous avons tenu : le Président de la République a donc raison de le rappeler.
Bien entendu, et vous le savez très bien, monsieur le sénateur, les règles de répartition peuvent conduire à des variations dans les attributions individuelles aux communes, à la hausse comme à la baisse.
La DGF doit rester une dotation « vivante », calculée chaque année pour tenir compte de la réalité de la situation de chaque collectivité à partir de critères objectifs de ressources et de charges. Je crois que ce fonctionnement correspond à la demande des élus.
Si nous figions la DGF de chaque commune, cela signifierait que certaines communes gagnantes, par exemple des communes rurales pauvres ou des villes dont la population augmente fortement, ne verraient pas leurs dotations suivre, ce qui serait profondément injuste.
J’ajoute que la sanctuarisation de l’enveloppe de la DGF s’accompagne d’un effort assumé en faveur de la péréquation et, donc, d’une forme de solidarité en direction des communes les moins dotées.
De 2017 à 2021, environ 740 millions d’euros ont ainsi été redéployés des composantes historiques ou figées de la DGF vers les dispositifs de la péréquation communale.
Par ailleurs, considérer les variations individuelles du montant brut de la DGF n’a que peu de sens. Si cette dotation représente en moyenne 15 % des recettes de fonctionnement des communes, cette proportion varie très fortement d’une commune à l’autre. Il faut en réalité la rapporter au budget de chacune pour en avoir une perception fidèle. Depuis 2017, dans près de 3 700 communes, la hausse de la DGF a ainsi été supérieure à 5 % des recettes de fonctionnement.
Enfin, en réponse à votre attaque contre un gouvernement, le nôtre, qui ne soutiendrait pas les collectivités en ces temps de crise, je rappelle que l’ensemble des dotations hors DGF – je pense notamment à la DETR, à la DSIL, à la dotation de solidarité urbaine (DSU) et à la DSR – ont augmenté ces deux dernières années.
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Je ne dois pas avoir de chance, madame la ministre, parce que les communes de mon département que je connais le mieux subissent toutes une diminution de leur dotation par rapport à 2020 : pour Grasse, la baisse est de 400 000 euros ; pour Vallauris, elle atteint 110 000 euros ; pour Le Cannet, enfin, elle s’élève à 100 000 euros.
La mise sous tutelle se poursuit, madame la ministre : en témoigne la réalité édifiante de mon département !
contrats d’assurance souscrits par les collectivités
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, auteur de la question n° 2018, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Vivette Lopez. Madame la ministre, ma question a trait aux souscriptions de contrats d’assurance, notamment pour les dommages aux biens des collectivités.
Plusieurs assureurs habituels semblent en effet mener une politique de plus en plus restrictive auprès des collectivités, tout spécialement à l’égard des communes situées dans des zones jugées à risque élevé. Nous le constatons en particulier dans le Gard.
Les élus se trouvent de plus en plus souvent confrontés à des appels d’offres infructueux, ce qui les inquiète vivement quant à l’assurabilité de leurs biens.
Aussi, et notamment du fait de la hausse de la sinistralité climatique, de nombreuses collectivités font désormais face à une situation particulièrement inconfortable, qui pourrait les pousser à contractualiser avec des assureurs situés hors de France, et ce, sans avoir la garantie que leurs contrats seront bien gérés.
Au vu de cette situation qui touche un nombre croissant de collectivités, pourriez-vous préciser les mesures que le Gouvernement entend prendre, madame la ministre, non seulement pour rassurer les maires, mais aussi pour assurer nos biens communs ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice Lopez, votre question soulève une difficulté qui nous a été remontée par quelques collectivités, même si elle reste très localisée au niveau de certains territoires dans lesquels les risques naturels sont très importants.
Rappelons quelques éléments de contexte pour bien comprendre la situation.
Dans un passé récent, un grand nombre d’assureurs se sont intéressés aux risques subis par les collectivités. Parfois, on a même observé qu’une dizaine d’entreprises répondaient aux appels d’offres. Il en a résulté une pression à la baisse sur les tarifs des polices d’assurance.
Depuis quelques années, cependant, les collectivités font face à une sinistralité croissante, du fait d’incendies ou d’événements climatiques graves, notamment dans les régions montagneuses du sud du pays.
L’augmentation du coût des risques assurables a donc conduit certains acteurs à se retirer du marché. Parallèlement, les assureurs restant sur le marché ont augmenté leurs tarifs, en relevant les franchises, par exemple.
À terme, cette situation pourrait présenter deux risques.
En premier lieu, certaines collectivités pourraient renoncer à souscrire une police d’assurance.
En second lieu, l’État pourrait être contraint d’aider les collectivités à négocier leurs contrats ou de contribuer à leur paiement, ce qui n’est pas son rôle, et ce qui ne serait pas conforme à l’esprit de la décentralisation. Surtout, une telle démarche serait inefficace, puisque le subventionnement des assurances ne conduirait sans doute qu’à une hausse de leur coût.
Le rôle de l’État est avant tout d’accompagner les collectivités dans la définition de projets d’aménagement de leur territoire permettant d’identifier les risques et d’anticiper le changement climatique afin d’améliorer leur résilience.
Il a également pour mission de les accompagner dans la mise en œuvre de travaux de protection contre les risques et d’aménagements urbains résilients – je pense aux mises aux normes incendie, à la prévention des inondations, à la renaturation des sols ou des friches.
Des financements existent : subventions d’investissement, comme la DSIL, crédits des agences de l’eau ou du fonds pour le recyclage des friches – le fonds Friches –, mobilisation de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi).
Ce soutien permet de prévenir les risques et les coûts potentiels qui y sont associés et partant, de réduire le coût de l’assurance.