M. Michel Savin, rapporteur. Si j’ai souhaité verser de nouveau cet amendement au débat, c’est pour témoigner de la difficulté que nous avons à travailler avec ce gouvernement – je ne vise pas spécialement Mme la ministre, mais, plus globalement, un certain nombre de ses collègues.
Je rappelle l’origine de ce texte : dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, nous avions proposé ici même, au Sénat, un dispositif relatif au droit à l’image.
Le ministre chargé des comptes publics, qui était au banc à votre place, madame la ministre, s’était engagé, devant les sénateurs, à mettre en place un groupe de travail sur ce sujet et à engager une réflexion de fond qui était censée aboutir quelques mois plus tard.
Le Président de la République lui-même avait pris le même engagement lors de son échange avec le monde du sport, le 17 novembre 2020. Il avait soutenu le projet de mise en œuvre d’une redevance d’image rénovée et applicable au sport professionnel.
Tels sont, je le répète, les engagements qu’a pris le Président de la République lui-même. Ne s’agissait-il donc, sur le moment, que de complaire au monde sportif en un pur exercice de communication ? Et doit-on s’attendre à ce que ces engagements, comme souvent, ne soient pas suivis d’effets ?
Le ministre des comptes publics et le Président de la République s’étant ainsi engagés, le groupe de travail s’est mis en place. Il s’est réuni à plusieurs reprises et s’est mis d’accord sur une proposition soutenue par l’intégralité des intéressés.
À l’issue de ces échanges, en mars dernier, les acteurs concernés se sont déclarés favorables à l’instauration d’une redevance d’image modernisée applicable aux sportifs et entraîneurs professionnels, qui entérine la reconnaissance d’une structure duale de rémunération comprenant, d’une part, la contrepartie d’une activité salariée et, d’autre part, les revenus liés à l’exploitation de l’image individuelle du sportif ou de l’entraîneur associée à l’activité de la structure sportive.
Cet amendement a pour objet de traduire les conclusions de ce groupe de travail, dont la création fut annoncée conjointement, je le répète, par le ministre des comptes publics et par le Président de la République.
Ce groupe a travaillé ; ses conclusions ont été validées. Il s’agit simplement de permettre au dispositif existant d’être enfin efficace, donc utilisé.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Je m’étonne, monsieur le rapporteur, que vos propos puissent dévier à ce point de ce qui a été annoncé par le Président de la République. J’étais présente à cette réunion où étaient rassemblés les acteurs du monde professionnel. Le seul engagement qui fut pris à cette occasion, c’est celui de créer un groupe de travail, conformément aux habitudes du chef de l’État, qui aime travailler ses sujets…
Nous avons donc instauré un groupe de travail auquel participaient les personnes qui vous ont proposé, sans doute, de déposer cet amendement de nouveau. On comprend bien, en effet, que les clubs professionnels aient intérêt à être exemptés de charges, afin de pouvoir rémunérer leurs joueurs encore davantage…
Au terme de ce travail, néanmoins, nous n’avons pas changé de position : nous sommes favorables à un système que nous jugeons plus juste et plus adapté que le droit à l’image collective (DIC), qui fut en vogue voilà longtemps. Le DIC a existé et s’est appliqué durant près de cinq années ; c’est du passé.
L’ensemble du Gouvernement, le ministère des sports, le ministère des finances et le Président de la République pensent qu’il n’y a pas lieu de revenir à un dispositif de ce type. En effet, le manque à gagner pour les finances publiques d’une telle exonération des charges dues sur les salaires serait considérable.
Je suis assez surprise : hier, vous vous disiez inquiets pour les deniers publics, soucieux de ne pas trop affecter le budget de la sécurité sociale, lorsque je prenais parti pour l’ouverture de l’activité physique adaptée aux personnes en perte d’autonomie ; aujourd’hui, vous défendez un dispositif qui est clairement une niche fiscale : 5 000 sportifs exerçant en France en bénéficieraient tout au plus. Les revenus de ces sportifs sont déjà considérables, et vous suggérez qu’il faudrait de surcroît les exonérer d’une partie des charges dont l’employeur doit s’acquitter !
Nous avons tenu nos engagements…
M. Michel Savin, rapporteur. Non !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Si ! Le groupe de travail a bel et bien été réuni ; j’y ai participé.
Mes conseillers ont pris part à quatre réunions avec les acteurs du secteur. Que ceux-ci continuent de pousser en faveur de cette demande, qui était la leur lorsque le groupe de travail s’est réuni pour la première fois, c’est leur droit. Libre à vous de faire du clientélisme en la relayant, mais cette proposition de loi n’est pas le véhicule adapté pour débattre de dispositifs financiers.
De telles discussions doivent avoir lieu dans un autre cadre, et le ministre du budget vous a donné sa réponse. Le même amendement avait d’ailleurs recueilli un avis défavorable de la part de l’un de vos collègues, le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, M. Jean-François Husson – il est pourtant de votre bord politique ! –, qui avait considéré que ce dispositif n’était pas viable.
Les fédérations et les ligues qui font l’effort de se plier au dispositif actuellement en vigueur bénéficient d’ores et déjà, dans le cadre de l’exploitation de l’image individuelle des sportifs, d’une exemption de charges proportionnelle et adaptée aux conditions exactes d’utilisation de l’image de chaque joueur. Lorsque les employeurs concernés demandent l’avis des services des impôts pour savoir s’ils respectent bien le droit fiscal, ils reçoivent la plupart du temps une réponse positive.
Quant à instaurer une exemption forfaitaire de charges sur le salaire des joueurs, cela me paraît absolument injustifié, pour ne pas dire abusif, compte tenu en particulier de la situation financière du pays.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. L’objet de cet amendement est la possibilité pour les clubs d’exploiter l’image de leurs sportifs, moyennant redevance.
S’agissant d’une disposition dont les effets sont loin d’être négligeables, je suis tout de même très étonné que cet amendement nous soit soumis au dernier moment, d’autant qu’il est très complexe sur les plans technique, financier, fiscal, administratif, etc. Il n’a pas été examiné en commission ; or nous abordons ce sujet du DIC presque tous les ans au moment du débat budgétaire.
Comme c’était le cas avec la possibilité de créer des sociétés sportives relevant du régime des SCIC, il s’agit bien sûr de rechercher de nouvelles sources de financement pour le sport professionnel, en évitant, en l’occurrence, le couperet de l’article 40 de la Constitution, c’est-à-dire l’irrecevabilité financière.
Je me souviens moi aussi des propos tenus ici même par le ministre chargé des comptes publics, qui s’était engagé à mettre en place un groupe de travail.
J’ai cru comprendre que des conclusions avaient été rendues au mois de mars dernier ; nous aurions bien aimé être destinataires d’un rapport rendant compte de ces échanges. Nombre d’instances nous disent qu’elles y ont participé, mais qu’elles attendent toujours, en particulier, les réponses de Bercy – il est vrai que Mme la ministre a dit un mot de la position du ministère de l’économie et des finances.
L’ancienne version du droit à l’image, j’avais eu l’occasion de le dire, était une usine à gaz : il fallait certes trouver autre chose.
Les conditions dans lesquelles il a été déposé nous conduisent néanmoins à voter contre cet amendement, et j’en suis désolé. En effet, nous manquons de documentation pour exprimer un avis éclairé sur ce texte.
Mme le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Depuis que je siège dans cette assemblée, nous avons toujours débattu du droit à l’image. Je me souviens des discussions que nous avions eues au moment du vote de la fameuse proposition de loi Bailly, devenue la loi Bailly-Braillard.
À l’époque, on nous avait répondu qu’un décret relatif au droit à l’image allait être publié ; nous attendons toujours ! Par la suite, à l’occasion de différents débats budgétaires, on nous a proposé d’être associés au groupe de travail qui devait être constitué ; nous n’avons jamais été contactés…
Aussi, mes chers collègues, il faut voter cet amendement pour faire bouger les choses.
Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Ce débat est extrêmement ancien et ne concerne pas seulement le football professionnel. La puissance publique est confrontée aux dérives financières du sport professionnel depuis bientôt cinquante ans. Les dispositions des amendements qui nous sont proposées vont toutes dans le sens du maintien d’un système dont on est en train de se rendre compte, dans la crise actuelle, qu’il n’est pas viable, parce qu’il repose sur des salaires totalement délirants.
L’amendement n° 226 a en réalité pour objet de pallier la fin d’un système, comme beaucoup d’autres amendements d’urgence censés remédier aux problèmes que doit affronter le football professionnel, crise du covid-19 et crise des droits télévisés. Il s’agit à chaque fois de permettre aux clubs de diminuer un peu leur masse salariale en transférant une partie de leurs charges, afin qu’un système qui, à terme, n’est pas viable continue de tenir.
Notre responsabilité est au contraire, me semble-t-il, de permettre à un football professionnel qui est dans l’impasse, dont le modèle économique est devenu une aberration, d’atterrir en douceur. On nous propose à l’inverse, avec ces amendements, de faire perdurer le système actuel jusqu’au krach final…
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Mon amendement n’est en aucun cas une provocation, madame la ministre. La preuve en est que c’est le Président de la République lui-même qui a déclaré soutenir la mise en place du groupe de travail dont j’ai parlé, ainsi que le projet d’une redevance d’image rénovée et applicable au sport professionnel.
Cela étant, si les conclusions de ce groupe de travail n’étaient pas satisfaisantes, vous pouviez faire d’autres propositions !
Je le répète, c’est le Président de la République qui a annoncé qu’un groupe de travail devait se constituer pour faire avancer le sujet. Notre amendement n’est en fait que le reflet de la proposition qui a été formulée par ce groupe de travail et validée par l’ensemble des acteurs du sport.
Si ce dispositif ne convenait pas, je le redis, vous pouviez en proposer un autre, voire faire une contre-proposition. Si, en revanche, vous y étiez opposés par principe, comme l’est par exemple notre collègue Dantec, qui considère qu’il faut mettre fin à un tel système, il fallait le dire tout de suite ! L’exécutif ne peut pas annoncer la mise en place d’un groupe travail chargé de trouver une solution et, dans le même temps, tout faire pour que les choses n’avancent pas…
J’ai déposé cet amendement pour faire le point sur l’avancement de ce dossier, qui, comme Claude Kern vient de le rappeler, est déjà très ancien. Il est quelque peu rageant de constater l’absence d’avancée notable malgré tout le travail qui a été réalisé.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je souhaiterais venir, s’il en est besoin, en soutien de notre rapporteur, car je considère que son amendement est frappé au coin du bon sens.
Je m’inscris d’ailleurs totalement en faux avec les propos de notre collègue Dantec, qui envisage cette affaire, comme souvent, par le petit bout de la lorgnette.
Il est en effet très facile de taper sur le modèle du football professionnel. Mais, ne vous en déplaise, mon cher collègue, pour qu’un spectacle ou un produit ait une valeur, il faut qu’il soit de qualité ! Trouvez-vous normal que les joueurs que nous formons partent dans des championnats étrangers pour y trouver une rémunération plus acceptable durant une carrière qui, je vous le rappelle, est très courte ? On ne se pose jamais cette question pour les acteurs de cinéma : dans ce cas de figure, cela ne choque personne !
Je puis vous garantir que, aujourd’hui, pour attirer des joueurs, il faut élaborer des stratégies comme celle qui nous est proposée. (Marques de dénégation sur les travées du groupe GEST.) Avec ce dispositif, nous ne versons pas dans le libéralisme à tous crins : c’est simplement une option qui est discutée.
Nous parlons de ce droit à l’image depuis un certain temps : c’est la preuve par neuf qu’il s’agit d’une infinie nécessité aujourd’hui. Feindre de croire le contraire, c’est faire l’autruche !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. On peut tout aussi bien considérer que, depuis le temps que l’on en parle, et si, par deux fois au cours de l’examen du projet de loi de finances, ce dispositif a été rejeté, c’est peut-être parce qu’il ne s’agit pas d’une bonne idée !
M. Michel Savin, rapporteur. Il fallait le dire avant !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur : un groupe de travail s’est en effet réuni pour réfléchir sur le sujet. M. Lozach vous demande d’ailleurs des comptes, puisqu’il vient d’indiquer qu’il aurait aimé savoir ce qu’il s’y est dit. Monsieur le sénateur, je vous invite à interroger directement M. Savin, puisqu’il en était membre.
M. Michel Savin, rapporteur. Tout à fait !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Je pense qu’il y avait mieux à faire que de déposer de nouveau un amendement pour défendre cette idée de redevance, laquelle est inspirée – on l’a très bien compris – par le lobby des clubs,…
M. Michel Savin, rapporteur. Absolument pas, les clubs n’ont rien à voir dans cette affaire !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. … comme M. Dantec vient de l’expliquer.
Tout à l’heure, monsieur le rapporteur, vous avez fait voter un dispositif qui prévoit d’interdire, parce qu’il serait dangereux de ne pas le faire, la cession de plus de 15 % de la part du capital et des droits d’une société commerciale, qui a vocation à financer les clubs, donc le football, grâce à un investisseur privé.
Pour inciter vos collègues à voter l’amendement de la commission, vous avez expliqué qu’il convenait d’être vigilant quant à l’argent qui était investi, parce que les clubs en avaient besoin, mais qu’il ne fallait pas pour autant qu’il soit redistribué immédiatement.
En revanche, cela ne vous pose aucun problème de demander à l’État de financer une mesure d’urgence, car, finalement, c’est bien de cela qu’il s’agit : vous demandez à l’État de renflouer en urgence les caisses des clubs, parce qu’elles seraient vides.
D’une certaine façon, vous considérez que ces caisses ne sont pas suffisamment vides pour que l’on sollicite des fonds privés, mais que l’État, lui, devrait investir.
M. Michel Savin, rapporteur. Vous comparez la mesure que je propose, qui coûterait environ 40 millions d’euros, à un dispositif dont le montant est évalué à 1,5 milliard d’euros : cela n’a rien à voir !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. J’ai entendu une élue de votre bord politique dire que ce n’était pas le moment de « cramer la caisse » : pardonnez-moi, mais c’est exactement ce que vous êtes en train de faire ! (M. le rapporteur proteste. – M. Ronan Dantec applaudit.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 226.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 84 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 201 |
Contre | 130 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 11.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 332-1 du code du sport est complété par quatre phrases ainsi rédigées : « Ce refus de délivrance d’un titre d’accès ne peut excéder une durée de neuf mois à la suite de la constatation des faits. Ce refus de délivrance ne peut pas être décidé plus de deux mois après la constatation des faits par les organisateurs de ces manifestations. Les organisateurs de ces manifestations mettent en place une procédure contradictoire préalable avant de prendre la décision prévue au présent alinéa. Les organisateurs informent, dès qu’ils forment un projet de refus de délivrance, des voies de recours qu’ils ont mis en place. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. En 2016, outre les interdictions administratives et judiciaires de stade, le législateur a doté les clubs et organisateurs d’événements sportifs d’un pouvoir d’interdiction commerciale de stade. Autrement dit, on a une nouvelle fois externalisé un pouvoir de sanction, sans en définir strictement les contours.
Ainsi, et en théorie, au seul motif qu’il cherche à préserver sa sécurité, un club peut refuser de vendre un billet à un supporter sans que ce refus puisse faire l’objet d’un dialogue ou offrir à ce supporter une voie de recours.
Heureusement, face à la récurrence des erreurs relevées par des supporters très vigilants ou par les organisateurs eux-mêmes, une grande partie des clubs ont mis en place des procédures de concertation préalable ou des voies de recours.
Que ce soit du fait d’une homonymie ou d’erreurs d’identification relevées au cours de la procédure pénale, à la suite desquelles certains supporters ont été innocentés, on a vu des clubs devoir faire machine arrière.
Une telle procédure amiable est d’autant plus nécessaire pour les clubs qu’ils s’exposent, en l’occurrence, à une condamnation ultérieure au civil. C’est d’ailleurs pour cette raison, mais aussi parce qu’elle était animée par la volonté de créer un autre modèle de relation à ses supporters, que l’Allemagne a mis en place une commission composée de représentants des clubs, de supporters et de personnalités qualifiées, pour statuer sur toute interdiction potentielle de commercialisation de billets.
Se pose par ailleurs le problème du principe même d’une telle interdiction commerciale de stade, surtout en complément d’une mesure transitoire comme l’interdiction administrative de stade, l’IAS, ou d’une mesure de sanction, l’interdiction judiciaire de stade, l’IJS.
En effet, comme le relevait le rapport Buffet-Houlié, certains clubs estiment même que les interdictions commerciales de stade, les ICS, correspondent à une forme de désengagement de l’État, qui les oblige à endosser la responsabilité du maintien de l’ordre. Il convient donc de mieux borner les ICS, en les limitant dans le temps et en les formalisant davantage.
Mme le président. L’amendement n° 5 rectifié ter, présenté par MM. Grosperrin, Burgoa, Meurant, B. Fournier et Anglars, Mme Imbert, M. Karoutchi, Mme Chauvin, M. Panunzi, Mme M. Mercier, MM. Somon, Savary, Piednoir, Sautarel, Lefèvre, Darnaud, Belin et Charon et Mmes Raimond-Pavero et Di Folco, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 332-1 du code du sport est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce refus de délivrance d’un titre d’accès ne peut pas être décidé plus de deux mois après la constatation des faits par les organisateurs de ces manifestations. »
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Comme vous le savez, les juges et les préfets peuvent interdire de stade un supporter coupable d’un comportement portant atteinte à la sécurité des personnes et des biens.
Les organisateurs de manifestations sportives peuvent soit déposer plainte et se constituer partie civile devant un tribunal, soit écrire au préfet pour signaler le comportement de ce supporter.
En revanche, si ni le procureur ni le préfet considère qu’il faut y donner suite, il serait incompréhensible qu’une société commerciale puisse se substituer à l’appréciation souveraine de l’autorité judiciaire et à l’appréciation régalienne de l’autorité de police.
Il convient donc de fixer un délai maximal de deux mois entre la constatation des faits reprochés au supporter et sa notification potentielle d’interdiction commerciale de stade pour que le club puisse prendre sa décision.
Au-delà d’un tel délai, cette mesure pourrait être détournée de sa finalité première et brandie comme une menace d’éventuelles sanctions futures. Elle pourrait par ailleurs être utilisée pour contredire l’analyse de la justice ou de la préfecture.
Mme le président. L’amendement n° 80 rectifié bis, présenté par MM. Gold, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 332-1 du code du sport est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce refus de délivrance d’un titre d’accès ne peut excéder une durée de neuf mois à la suite de la constatation des faits. »
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Je ne reprendrai pas l’argumentaire de M. Piednoir. Mon amendement vise à limiter, non pas à deux mois, mais à neuf mois le délai durant lequel un club pourra déposer plainte ou informer le préfet du comportement d’un supporter, à charge ensuite pour les autorités de prendre des mesures plus contraignantes.
Mme le président. L’amendement n° 151, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 332-1 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Préalablement à la mise en œuvre de ces sanctions, les organisateurs de ces manifestations mettent en place une procédure contradictoire, associant la personne visée par la mesure et l’association sportive ou la société visée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 qui participe à la manifestation. Par ailleurs, l’association sportive ou la société détermine une procédure interne aux termes de laquelle la personne visée par une telle mesure peut former un appel contre cette mesure. »
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Les ICS, qui ont été créées en 2016, permettent aux clubs de refuser l’accès au stade aux personnes qui contreviennent aux dispositions des conditions générales de vente ou du règlement intérieur relatives à la sécurité.
Nous ne sommes pas opposés par principe aux ICS, mais nous souhaitons, tout comme un certain nombre de groupes de supporters, une procédure contradictoire pour mieux les encadrer.
Les organisations de supporters nous ont alertés sur le fait que le recours aux ICS soulevait de nombreuses difficultés, principalement en raison d’erreurs d’identification des supporters.
Pour réduire au maximum l’arbitraire de cette décision, nous proposons la mise en place d’une procédure de concertation entre la personne visée et le club, ainsi que la possibilité d’un d’appel, afin de garantir le principe du contradictoire dans la procédure.
Mme le président. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par M. Rambaud, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 332-1 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les organisateurs de ces manifestations mettent en place une procédure contradictoire préalable avant de prendre la décision prévue au deuxième alinéa. Par ailleurs, les clubs déterminent une procédure interne aux termes de laquelle la personne visée par une telle mesure peut former un appel contre cette mesure. »
La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Mon amendement tend à imposer aux organisateurs de manifestations sportives à but lucratif la mise en place d’une procédure contradictoire préalable aux interdictions commerciales de stade, ainsi que la mise en œuvre d’une procédure interne permettant de faire appel de la décision.
Je rappelle qu’un tel mécanisme existe déjà en Allemagne et que nous souhaiterions simplement le transposer en France.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 18 rectifié. En effet, nous estimons que les organisateurs de manifestations sportives doivent rester maîtres de la décision d’autoriser ou non l’accès au stade. C’est de cette décision que découle la mise en cause de leur propre responsabilité.
Il n’apparaît pas opportun dans les circonstances présentes de relâcher les efforts en matière de lutte contre les violences, car ces dernières connaissent une recrudescence importante.
S’agissant de l’amendement n° 5 rectifié ter, j’ai déjà eu l’occasion de faire part de mes réticences envers d’éventuels assouplissements à la réglementation, qui pourraient profiter à des individus s’étant rendus coupables de violences.
L’objet de cet amendement est quelque peu différent : il s’agit de fixer un délai de deux mois pour signifier une interdiction commerciale de stade à un supporter. Je propose à Stéphane Piednoir d’en rectifier le dispositif et de porter ce délai, non pas à neuf mois – un tel délai me paraît un peu trop long –, mais à trois mois.
Si cet amendement est ainsi rectifié, j’émettrai un avis favorable. Il faut en effet tenir compte de certaines périodes de l’année, comme celle des vacances d’été, qui impliquent que l’on fixe des délais un peu plus longs.
Pour des raisons identiques, je suis défavorable à l’amendement n° 80 rectifié bis et suggère à son auteur de réduire le délai de neuf à trois mois, en le rendant identique à ce qui serait alors l’amendement n° 5 rectifié quater.
Je suis également défavorable à l’amendement n° 151. Ce n’est pas le rôle d’un club que d’organiser des procédures contradictoires, mais celui d’un juge ou d’un officier de police judiciaire. Il ne faut pas mélanger les rôles.
Enfin, j’ai déjà eu l’occasion d’indiquer qu’il n’entrait pas dans les missions d’un organisateur de compétitions sportives de mettre en œuvre des procédures fondées sur le principe du contradictoire. C’est là encore le rôle du juge, et chacun doit rester dans son rôle. Je suis donc défavorable à l’amendement n° 44 rectifié.