Mme le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … une plainte adressée, en octobre 2018, à l’inspecteur du travail de l’ASN et dénonçant une politique de dissimulation d’incident de sûreté a été levée à la suite de l’enquête de l’inspection du travail, qui a conclu à l’absence de harcèlement caractérisé…
Mme le président. Il faut conclure !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … et cette enquête n’a pas démontré de volonté de dissimulation.
Mme le président. Il faut vraiment que vous respectiez votre temps de parole, madame la secrétaire d’État, car nous devons lever la séance à treize heures quarante-cinq.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.
Mme Sophie Taillé-Polian. Le système fondé sur l’autocontrôle, en vigueur aujourd’hui, et sur les déclarations d’EDF à l’ASN ne fonctionne pas, on le voit très bien au Tricastin. Pourtant, vous voulez continuer de construire des centrales… C’est irresponsable ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. En décembre dernier, EDF arrêtait les deux réacteurs de la centrale nucléaire de Chooz, dans les Ardennes, pour une vérification de potentiels défauts sur le circuit de refroidissement de sauvegarde, ainsi que les réacteurs de Civaux, dans la Vienne. Ces arrêts ont entraîné un défaut de production de l’ordre de 1 térawattheure, mais ils étaient nécessaires pour assurer le refroidissement du cœur du réacteur en cas d’accident. Nous saluons donc ces décisions.
L’énergie nucléaire est nécessaire dans la lutte contre le réchauffement climatique, dans le cadre d’un mix énergétique, mais cela soulève des questions à résoudre dans le cadre d’un débat citoyen, notamment sur l’utilisation de l’atome dans l’armement, sur les catastrophes de Tchernobyl et Fukushima ou sur la gestion des déchets nucléaires.
En effet, le nucléaire exige des installations sécurisées et sûres pour éviter ce type d’incidents ou d’accidents et il faut fournir à la population une information claire et transparente.
Surtout, il exige des installations entretenues au fil du temps et un effort de maintenance préventive et non uniquement curative, c’est-à-dire des investissements massifs. Ce grand carénage nécessite des compétences et des savoir-faire que les gouvernements successifs ont laissés disparaître, en mettant à mal le modèle d’entreprise intégrée qu’était EDF, par la privatisation progressive de ce groupe et par le recours à la sous-traitance. Cela entraîne une dilution des compétences ainsi qu’un éparpillement de la responsabilité.
J’aurai donc deux questions précises, madame la secrétaire d’État.
D’une part, nous devons être à la hauteur du besoin de sécurité de nos concitoyens et des défis auxquels doit faire face la production d’énergie. Quels sont donc les investissements prévus pour la maintenance de nos centrales et comment envisagez-vous l’avenir d’EDF, que vous souhaitez démanteler ?
D’autre part, quel retour d’expérience tirez-vous du recours à la sous-traitance dans le parc nucléaire en exploitation, au moment où vous relancez la construction de nouveaux réacteurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Pour ce qui concerne l’évolution d’EDF et le cadre régulatoire du nucléaire et de l’hydroélectricité, qui demeure nécessaire – nous sommes d’accord là-dessus –, le Gouvernement a demandé au président-directeur général d’EDF de formuler des propositions relatives à l’organisation du groupe afin de dégager les ressources nécessaires pour répondre aux défis qui s’annoncent, dans le cadre d’une entreprise intégrée et publique et de l’engagement de travailler sur une nouvelle régulation du parc nucléaire existant, tant pour protéger le consommateur des hausses de prix du marché – malheureusement, l’actualité nous y invite – que pour garantir le financement du parc nucléaire existant.
Sans régulation adéquate, le consommateur français et le producteur nucléaire seront exposés directement aux prix de marché européen, essentiellement déterminés par le prix des matières premières fossiles et du carbone, ce qui ne reflète pas la spécificité de l’approvisionnement électrique français. Or le consommateur doit pouvoir compter sur des prix stables et maîtrisés, que le parc nucléaire permet de garantir, et EDF doit avoir les moyens d’exploiter son parc de manière performante et lisible, et en toute sûreté.
Les responsabilités relatives à la sûreté et au contrôle sont assurées par l’ASN, autorité indépendante. En tout état de cause, le projet de réorganisation, qui prévoit une exploitation des centrales nucléaires par une entité publique, donne lieu à des échanges avec la Commission européenne en vue d’un accord global. Des progrès substantiels ont été réalisés, mais les discussions se poursuivent.
Dans le cadre de cette réforme de la régulation du parc nucléaire et du parc hydroélectrique, nous devons garder à l’esprit les deux piliers essentiels que sont la protection des consommateurs et le respect du maintien de notre outil industriel.
Mme le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Mme Denise Saint-Pé. Madame la secrétaire d’État, voilà encore peu, la filière nucléaire était exsangue après des années de tergiversations.
L’exécutif a fini par surmonter ces atermoiements devant l’urgence climatique. Les crédits des plans France Relance et France 2030 commencent enfin à abonder un secteur qui en avait bien besoin. Je m’en réjouis, mais c’est insuffisant : de nombreux travaux en cours nécessitent des investissements colossaux en continu, pour assurer la sécurité autour de cette filière.
Je pense, par exemple, aux ateliers Nouvelle unité de concentration des produits de fission (NCPF) en construction dans l’usine de traitement de combustible nucléaire usé, à La Hague ; au projet Cigéo de stockage en couche géologique profonde des déchets hautement radioactifs à Bure ; ou au grand carénage, ce chantier titanesque visant à renforcer et moderniser les centrales existantes pour prolonger leur fonctionnement au-delà des quarante ans initialement prévus.
Au regard des investissements requis pour ces projets, la récente proposition de labellisation verte de la Commission européenne tombe à point nommé, puisque sa taxonomie inclurait le nucléaire dans les activités économiques durables, ce qui constituerait un signal fort pour les investisseurs. (M. Guy Benarroche s’exclame.)
En contrepartie, la Commission exige des garanties en matière de traitement des déchets et de démantèlement des installations nucléaires en fin de vie. Cette démarche peut se comprendre, compte tenu des inquiétudes que peut susciter cette énergie.
Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous en dire davantage sur ces exigences ? Vous paraissent-elles proportionnées ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Saint-Pé, nous accueillons tout à fait favorablement le principe de l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie par la Commission sur la base d’une analyse scientifique détaillée et indépendante. (M. Guy Benarroche proteste.)
Cet acte complémentaire permettra de reconnaître le rôle clé du nucléaire dans la décarbonation de nos économies pour, à la fois, tenir nos objectifs climatiques et garantir une sécurité d’approvisionnement et une indépendance énergétique à l’échelle européenne. Il s’agit de l’une des conditions de la réussite de notre transition écologique, avec les énergies renouvelables, auxquelles le nucléaire – je le redis – ne s’oppose pas.
Nous transmettrons des commentaires techniques dans le cadre de la procédure de consultation prévue par la Commission. Le projet d’acte délégué fixe des conditions à la fois génériques et propres à chacun des projets souhaitant être inclus dans la taxonomie. Certaines de ces conditions concernent la gestion des déchets et le démantèlement, ce qui est normal au regard des enjeux induits.
Nous étudions ces exigences en détail. L’analyse en cours, que je ne pourrai détailler ici, nécessite de rappeler que ce cadre est très exigeant et contrôlé, notamment en ce qui concerne la responsabilité du producteur des déchets, qui est aussi en charge du financement et de la sécurisation sur le long terme des ressources dédiées. Une mission globale a été confiée à l’Andra, en tant qu’opérateur de l’État, sur la planification opérationnelle et stratégique et sur la revue régulière dans le cadre du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, de même que sur les nombreuses installations en fonctionnement pour diverses catégories de déchets. Certains projets de stockage profond sont bien avancés, notamment celui de Cigéo, que vous avez évoqué.
Il faut désormais finaliser ce texte avec l’obtention d’une métrique commune des activités reconnues comme vertes au niveau européen, ce qui apportera enfin la visibilité nécessaire aux acteurs pour mettre en œuvre cette taxonomie.
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Madame la secrétaire d’État, cinquante ans de fonctionnement d’une centrale nucléaire, c’est de l’électricité pour deux générations, mais des déchets sur les épaules de quarante mille générations !
Puisque nous ne disons pas avec force que la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas, nous devons faire face à une demande croissante d’électricité, noyée au milieu d’un océan de gadgets numériques gourmands en énergie et tournés vers une mobilité totalement électrique, sans aucune remise en cause de nos usages.
Notre système électrique est en tension. En effet, le dérèglement climatique entraîne de nouveaux risques pour les centrales : l’été, l’étiage des fleuves, de plus en plus bas, et la température de l’eau et de l’air, trop élevée, remettent en question le refroidissement des réacteurs et entraînent des arrêts.
D’autre part, nos centrales vieillissent. L’acier des cuves des réacteurs, notamment, conçu pour une durée de vie de quarante ans, soumis à un flux neutronique intense, va voir ses caractéristiques mécaniques s’affaiblir. Rien ne nous dit que la durée de vie des centrales de 900 mégawatts, actuellement en réexamen de sûreté, sera prolongée à soixante ans.
Aujourd’hui, quatre de nos réacteurs les plus puissants sont à l’arrêt, à Chooz et à Civaux. En cause, des problèmes de corrosion dans le circuit de sauvegarde. En tout, 17 réacteurs ne fonctionnent pas, en plein cœur de l’hiver. Il est à craindre, face à cette situation, que la sûreté ne devienne une variable d’ajustement de la production électrique.
La spécificité française du contrôle exercé par l’Autorité de sûreté nucléaire est le fruit d’une volonté d’accorder la priorité absolue à la sûreté de nos installations. La mission de l’ASN est non seulement de maintenir, mais aussi de rehausser le niveau de sûreté nucléaire de tous nos réacteurs, au fil des visites décennales et à la lumière du retour d’expérience des catastrophes nucléaires – Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima… De fait, nous ne sommes à l’abri de rien.
Allez-vous poursuivre cette dynamique de vigilance forte et d’amélioration de la sûreté nucléaire en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Préville, comme vous l’avez dit, notre parc évolue, de même que notre mix énergétique. Il nous faut sans cesse reconsidérer et remettre au centre de notre réflexion les questions de sûreté et de sécurité.
Cela a beau être une évidence, ce débat doit avoir lieu constamment. À nous de créer des espaces de réflexion et de partage avec nos concitoyens pour apaiser ces débats et tracer le meilleur chemin pour notre mix énergétique.
Ces questions de sécurité se posent à la fois pour le parc nucléaire existant et pour les nouveaux projets. Une réflexion est en cours sur la question de la gestion des déchets. Faute de solution « miracle », nous devons définir des options et des enjeux technologiques pour améliorer cette gestion.
Le Gouvernement prend sa part et ses responsabilités dans ce travail pour faire en sorte que le cadre et les normes soient exigeants. Nous apportons notre soutien par des investissements sans précédent : 1 milliard d’euros sera dédié à l’amélioration de ce nouveau parc aussi bien en termes technologiques qu’en termes de compétences. Nous planifions aujourd’hui, parce qu’il nous faut faire face à la fois au vieillissement du parc actuel et à l’évolution à venir de notre mix énergétique.
Tout cela doit se faire dans la plus grande transparence, c’est-à-dire dans le cadre d’un débat public apaisé, donc éclairé scientifiquement et objectivé. Nous devons à tout prix sortir de ces oppositions stériles entre pro et antinucléaires pour parler sereinement et en responsabilité de ce qu’est le point d’équilibre entre urgence climatique et décarbonation, et trouver les solutions en matière de gestion des déchets.
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Je forme de nouveau le vœu que la sûreté nucléaire ne soit pas sacrifiée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER – M. Daniel Salmon applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Ma question rejoint celle de Mme Evrard. Nous constatons tous que nos capacités nucléaires sont, en ce mois de janvier, à leur plus faible niveau historique à la suite de la fermeture anticipée de trois réacteurs pour des raisons de sûreté.
Quelle leçon tirez-vous de cet événement dit « aléatoire » en termes de production d’électricité ? Allons-nous devoir un jour arbitrer entre sûreté du parc et sécurité d’approvisionnement ?
Dans votre réponse à Mme Evrard, vous avez mis en avant le futur éolien en mer. Mais c’est de moyens pilotables dont nous avons besoin !
En outre, vous avez passé sous silence le projet de décret, en consultation depuis ce matin, qui vise à augmenter temporairement les capacités des centrales à charbon : ce recul ne me semble pas constituer une solution durable.
Vous n’avez pas évoqué le système européen. Or le système électrique se conçoit aujourd’hui à l’échelle de la plaque européenne. De réelles difficultés sont sur le point d’advenir : plusieurs de nos voisins européens – Royaume-Uni, Allemagne, Belgique – s’apprêtent en effet à fermer des capacités pilotables dans les prochaines années Quelles réponses à long terme proposez-vous ?
M. Daniel Salmon. Le 100 % renouvelable ! C’est possible !
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Lavarde, je n’ai pas abordé ces points parce que le présent débat porte sur la sûreté nucléaire.
Vous avez abordé à peu près tous les autres sujets du mix énergétique, et dans le cadre national et dans le cadre européen, voire international. Ces questions sont pertinentes et ces débats, qui existent déjà, vont se poursuivre en 2022 et au-delà dans le cadre de la réflexion nationale sur notre mix énergétique, à laquelle le Parlement sera bien évidemment associé. Je ne peux pas préempter ces réflexions ou ces décisions qui appartiennent aux Français. Les parlementaires auront sans doute encore de longs débats à conduire sur ces questions.
Au cours des derniers mois, nous avons cherché à éclairer ce cadre au travers des scénarios de RTE, des différents audits en cours et des moyens tout à fait conséquents que nous avons redéployés : plus de 400 millions d’euros sur l’innovation et les compétences dans le cadre du plan France Relance et, très récemment, 1 milliard d’euros afin de financer l’évolution du mix énergétique.
Nous avons encore plusieurs mois de réflexion devant nous sur l’évolution de notre outil industriel de production électrique. Ces questions se posent également à l’échelle européenne, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler. Nous ne manquerons pas d’en discuter ici même.
Mme le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Je faisais simplement observer que vous n’aviez pas traité de certains sujets, peut-être plus difficiles, dans votre réponse à Mme Evrard.
Notre débat porte certes sur la sûreté nucléaire, mais cette question du difficile équilibre entre sûreté du parc et sécurité de l’approvisionnement est posée depuis de nombreuses années, notamment par d’anciens responsables de l’ASN.
Le Gouvernement a tardé à y répondre, en ne statuant pas sur la question du nucléaire. Voilà seulement quelques mois que nous avons un début de réponse, mais il faut maintenant prendre le temps de mettre en place de nouvelles capacités de production.
Mme le président. La parole est à M. Patrick Chauvet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Patrick Chauvet. Madame la secrétaire d’État, la place de l’énergie nucléaire dans notre production électrique est, pour le groupe Union Centriste et pour moi-même, très claire : c’est une source d’énergie essentielle, non carbonée et pilotable. Nous ne pouvons pas nous en passer. (On le conteste sur les travées du groupe GEST.)
Le nucléaire doit donc conserver un rôle central dans notre mix énergétique. La seule condition à son utilisation réside bien dans la sûreté des installations, comme le suggère le thème du présent débat.
Cette sûreté, tant pour les centrales existantes que pour celles à venir, doit être la clé de voûte de nos décisions. On ne peut transiger sur cette question : elle est la condition de l’acceptation citoyenne. Elle constitue aussi, sans doute, le cœur du développement économique de cette filière.
Ma question concerne les règles de sûreté à l’échelle européenne. Le cadre français est très protecteur. Nous avons une profonde expérience du secteur, notamment grâce à l’Autorité de sûreté nucléaire. Nous vous soutenons pour faire entrer le nucléaire dans la taxonomie européenne.
Pourriez-vous nous dire quelles démarches vous comptez lancer pour harmoniser les règles de sûreté dans les différents pays de l’Union ? Cela nous semble essentiel non seulement pour la mise en place d’une véritable politique énergétique européenne, mais aussi pour exporter plus facilement demain – je l’espère – de nouveaux types de centrales, plus petites et plus souples, comme les SMR, avec un niveau de sûreté toujours maximum.
Il faut tout à la fois développer les installations et converger vers une réglementation commune de la sûreté en Europe.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Chauvet, l’harmonisation à l’échelle européenne et à l’échelle internationale est nécessaire. La responsabilité de chaque État continue de s’exercer, mais elle doit être concertée, puisque nous sommes tous concernés en cas d’accident. Cette réflexion doit être mise en partage pour faire en sorte que nous soyons tous plus performants et mieux organisés.
Des actions sont conduites à ces deux échelles pour échanger sur ces enjeux. Il existe aujourd’hui un corpus réglementaire sur les niveaux de sûreté et de sécurité. L’ASN et l’IRSN participent à ces réflexions internationales.
Ces échanges ont lieu dans le cadre de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEN) et au sein de l’Union européenne. Un corpus générique de processus et d’exigences est inscrit dans la législation européenne. Il appartient bien évidemment à chaque pays d’en décliner localement les enjeux. Par ailleurs, la future taxonomie permettra également de renforcer ces exigences générales.
Les régulateurs de chaque pays échangent de manière structurée dans des groupes organisés au niveau international et européen, comme la Wenra et l’Ensreg. Ces échanges permettent un rapprochement des standards de chaque pays. Ce fut le cas pour les réacteurs de troisième génération de type EPR ; nous espérons que les échanges à venir sur les futurs SMR offriront le même niveau d’exigence et de partenariat. Nous avons déjà évoqué cette question avec la Commission.
Mme le président. La parole est à M. Patrick Chauvet, pour la réplique.
M. Patrick Chauvet. Prenons garde que la sûreté ne devienne pas un enjeu de compétitivité pour la filière nucléaire !
Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Madame la secrétaire d’État, le risque zéro n’existant pas, la sûreté des installations nucléaires nécessite de prévoir des dispositifs de protection des populations en cas d’accident avec rejets radioactifs.
Le 23 juillet 2020, j’interrogeais le ministre de la santé, par une question écrite, sur l’existence et la mise à disposition des stocks d’iode stable nécessaires pour protéger le système thyroïdien des populations en cas d’accident nucléaire.
L’iode stable est prioritairement destiné aux riverains des centrales nucléaires dans des rayons de 10 ou 20 kilomètres. Mais on sait d’expérience que de vastes territoires, et leurs populations, peuvent être exposés rapidement en fonction de la quantité de radioactivité disséminée et des conditions météorologiques de vent.
Depuis plus de dix-huit mois, et malgré une relance écrite adressée au ministère, le 29 juillet 2021, aucune réponse n’a été apportée par le Gouvernement à ma question.
Afin d’éviter de retrouver la même situation de gestion problématique, sinon erratique, que le pays a connue avec les masques et l’oxygène lors de la crise sanitaire du printemps 2020, je vous demande quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour garantir l’efficacité de la distribution des pastilles d’iode stable en situation d’accident avec rejets radioactifs.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Montaugé, le préfet a la charge de mettre en œuvre un PPI pour chaque site présentant un risque, déclinaison du plan Orsec.
Dans le cas d’accident à cinétique rapide, une mise à l’abri est prévue en fonction d’une alerte directement déclenchée par l’exploitant, sous le contrôle de l’autorité préfectorale. En cas d’accident à cinétique plus lente, les mesures sont décidées par l’autorité préfectorale avec l’appui de l’autorité de sûreté.
Une cellule interministérielle de crise assure la conduite opérationnelle en cas d’accident radiologique majeur. Des exercices sont réalisés régulièrement au niveau local – tous les quatre ans – et gouvernemental, pour garantir la meilleure réactivité possible face à ce type d’accident ou d’incident.
Les 18 et 19 mai 2021, un exercice de grande ampleur a mobilisé tous les échelons – national, régional, départemental et local – pour assurer cette coordination tout à fait nécessaire entre ces différents niveaux d’intervention.
Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Au-delà du fait qu’il est très désagréable pour un parlementaire de ne pas obtenir de réponse à ses questions, vos propos, madame la secrétaire d’État, ne sont pas rassurants.
Ils le sont d’autant moins que, sur le terrain, les plans de gestion des risques et des crises industrielles ne font pas l’objet, contrairement à ce que vous vous venez de dire, dans des périmètres suffisamment étendus, de simulations opérationnelles impliquant les parties prenantes concernées, au premier rang desquelles la population à protéger.
Par des mesures immédiates d’anticipation, on peut éviter de se retrouver dans une crise sanitaire. Il faut que l’État prenne à bras-le-corps ce sujet, pour notre population et pour l’acceptabilité, actuelle et à venir, du mode de production nucléaire.
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Madame la secrétaire d’État, nous le déplorons régulièrement, les fausses informations sont monnaie courante et inondent les réseaux sociaux, qui ne se préoccupent guère de vérifications rigoureuses.
Mais il y a pire encore : les fausses théories douteuses qui dépassent la sphère d’internet et viennent s’ancrer dans l’imaginaire collectif. Ainsi de la théorie, qui vise à discréditer la filière nucléaire, selon laquelle les réacteurs auraient une durée de vie théorique.
À en croire certains des orateurs précédents, nos réacteurs sont prévus pour fonctionner seulement quarante ans, au terme desquels leur sûreté ne serait plus assurée – ce qui laisse d’ailleurs augurer une cessation brutale de la production d’électricité d’origine nucléaire.
L’Autorité de sûreté nucléaire précise pourtant que la durée de vie d’une installation nucléaire n’a pas de définition légale. Notre législation prévoit simplement des périodes d’autorisation d’exploitation d’une durée de dix ans, à la suite de grands carénages devant garantir le niveau de sécurité.
J’aimerais qu’on en finisse avec cette légende écolo-urbaine qui vise à faire croire que nos réacteurs ont une durée de vie de quarante ans. Elle se résume à l’utilisation détournée d’arguments d’ingénieurs de l’époque, qui tendaient à garantir et à construire une souveraineté énergétique sur le long terme.
J’aimerais que le Gouvernement amène une part de rigueur et de sincérité dans un débat qui en manque cruellement, pour rassurer les Français.
Madame la secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir confirmer mes propos et de lever définitivement un doute sur la sûreté de nos installations nucléaires en déclarant officiellement qu’il n’y a jamais eu d’obsolescence programmée des réacteurs nucléaires construits sur notre sol depuis plusieurs décennies.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.