Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Mandelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est difficile de passer en fin de discussion : les orateurs précédents ont d’ores et déjà brossé le tableau de cette proposition de loi. (Sourires.)

Il ne se passe pas une semaine sans que nous évoquions le sujet des catastrophes naturelles dans cet hémicycle. Les inondations ont frappé le nord de la France il y a peu. Ces derniers jours, M. le ministre l’a rappelé, ce sont les Pyrénées-Atlantiques et les Landes qui ont été meurtries par des inondations.

À l’horizon de 2050, le coût des catastrophes naturelles pourrait croître de 50 % du fait de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements, de l’élévation du niveau de la mer et de la concentration des populations dans les zones à risques.

Créé en 1982, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles est un système aujourd’hui dépassé, qui manque de fluidité et de transparence face à une crise climatique qui ne cesse de s’intensifier.

C’est un sujet que nous connaissons particulièrement bien au Sénat, et pour cause : le 15 janvier 2020, nous avons adopté à l’unanimité une proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles.

Je profite de cette explication de vote pour remercier une fois de plus de leur engagement nos collègues Michel Vaspart et Nicole Bonnefoy, qui ont fourni un travail remarquable et pointé du doigt les difficultés auxquelles est confronté le régime actuel. Il aura donc fallu attendre deux ans de plus pour étudier à nouveau ce sujet, un temps précieux perdu pour les sinistrés et les élus.

Je me réjouis néanmoins que nous nous retrouvions aujourd’hui pour voter les conclusions de la commission mixte paritaire et cet accord avec l’Assemblée nationale. Je remercie à ce titre nos collègues Christine Lavarde et Pascal Martin de leur travail important et essentiel, qui a permis au texte final de conserver de nombreux apports du Sénat.

Comme vous le savez, les élus sont en première ligne face aux catastrophes naturelles et à leurs conséquences. Ils n’ont eu de cesse de nous alerter sur la nécessité de mieux les informer, les accompagner et les soutenir – cela s’est vérifié dans la vallée de la Roya, comme l’a mentionné Pascal Martin.

Je ne puis que saluer la création d’un référent départemental à la gestion des conséquences des catastrophes naturelles et à leur indemnisation, qui constitue une réponse concrète à ces demandes et permettra un véritable soutien de proximité pour les communes concernées.

D’autres apports du Sénat ont été conservés. Je pense entre autres à la possibilité d’étendre à cinq ans le délai de prescription au cours duquel l’assuré peut exiger de l’assureur le règlement de l’indemnité qui lui est due en cas de sécheresse-réhydratation des sols et de fixer à vingt et un jours le délai dont dispose l’assureur pour verser l’indemnisation due à compter de la réception de l’accord de l’assuré sur le montant.

D’une manière générale, cette proposition de loi permet de simplifier les démarches, tout en améliorant la transparence de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et en ouvrant plus de droits aux sinistrés.

Pourtant, cette proposition de loi comporte des insuffisances, qui ont d’ores et déjà été évoquées.

Je pense au financement du régime des catastrophes naturelles. Ainsi, si le ratio moyen entre sinistralité et primes est de 72 % sur les quinze dernières années, il s’est élevé à 119 % en 2016, 202 % en 2017 et 137 % en 2018, d’après la direction générale du Trésor. Depuis 2016, la sinistralité avoisine 2 milliards d’euros par an, contre une moyenne annuelle de 1,1 milliard d’euros entre 2006 et 2020, soit près du double. À l’échelle mondiale, la sinistralité représenterait 228 milliards d’euros.

Cette situation ne peut malheureusement perdurer, et une réflexion sur une nouvelle manière de financer le régime doit être rapidement engagée.

Par ailleurs, les mesures relatives au traitement et à l’indemnisation des dommages résultant des mouvements de terrain consécutifs à des phénomènes de sécheresse-réhydratation des sols argileux ne sont pas à la hauteur des défis. Là encore, le travail doit continuer pour une meilleure prise en compte de ces phénomènes.

Bien évidemment, le groupe Les Républicains votera ce texte de compromis qui, malgré ses insuffisances, comporte des avancées significatives pour les sinistrés et les élus.

Prévention et résilience : le Sénat restera mobilisé pour nourrir les réflexions sur ces sujets. Je suis convaincu que nous aurons l’occasion de nous retrouver dans cet hémicycle pour continuer d’adapter notre pays à ces phénomènes naturels de plus en plus fréquents et de plus en plus violents. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, entre inondations, sécheresses et tempêtes, le nombre des catastrophes naturelles a doublé en vingt ans sous l’effet du changement climatique. Leurs conséquences sont réelles pour beaucoup de nos concitoyens, avec des situations de détresse et de grandes difficultés financières.

Ces catastrophes renforcent aussi, il faut le souligner, les responsabilités et sollicitations des élus locaux, qui sont en première ligne pour y faire face. Les difficultés et les défis sont donc nombreux. Nous devons avancer sur les critères de reconnaissance des communes en catastrophe naturelle et sur les rôles respectifs de l’assurance et de l’indemnisation solidaire CatNat, ainsi que préciser mieux les causalités entre les désordres et leurs origines.

Des questions très techniques se posent aussi, notamment liées au bâti, à la limite de la garantie décennale de construction, à la comparaison entre les coûts de réparation ou de démolition, au financement des interventions de prévention. La liste est très longue !

Les conclusions de la commission mixte paritaire sur les dispositions de la proposition de loi ne répondent évidemment pas à toutes ces questions, pas plus qu’à la nécessaire réforme globale de cette indemnisation, mais elles ont le mérite de permettre un certain nombre d’avancées en faveur des sinistrés.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires prend donc acte de l’accord trouvé en commission mixte paritaire, qui est heureux ; personne n’imaginait d’ailleurs que le traitement de cette question soit soumis à l’attente d’un nouveau Parlement.

Le bilan de cet accord montre que les améliorations et derniers aménagements apportés par le Sénat, qui a beaucoup travaillé sur le sujet, ont été partiellement conservés. À mon tour, je rends hommage à Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart.

Monsieur le ministre, je rappelle tout de même l’inélégance qu’il y a eu à déposer cette proposition de loi, alors que nous aurions pu gagner du temps en nous appuyant davantage sur le travail du Sénat. Je crois que nous sommes unanimes à le regretter sur ces travées.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. Oui !

M. Ronan Dantec. En première lecture, pour éviter que ce texte ne suscite des attentes qui auraient été déçues, j’avais proposé d’en changer l’intitulé, pour signifier que ce texte se situait en amont d’une réforme en profondeur de l’indemnisation des catastrophes naturelles.

Le compromis de la commission mixte paritaire vient par définition quelque peu modifier ce texte. Je crois que c’est ainsi plus clair – cela doit correspondre au « point-virgule » dont vous nous avez parlé tout à l’heure, monsieur ministre… (Sourires.)

Je l’ai dit, certaines mesures proposées dans ce texte sont bienvenues, comme la sécurisation de la prise en charge des frais de relogement des personnes sinistrées, ainsi que l’accélération et la simplification des procédures. L’indemnisation des sinistrés sera améliorée, notamment en réparant l’injustice faite à ceux qui résident dans des collectivités territoriales n’ayant pas adopté de plan de prévention des risques naturels. Les délais sont également clarifiés. Tout cela va dans le bon sens.

Les élus demandent à être accompagnés face aux événements climatiques provoquant ces dommages importants, même lorsqu’ils ne donnent pas lieu à la constatation de l’état de catastrophe naturelle. Nous soulignons sur ce point l’accord trouvé sur le périmètre des missions du référent départemental, qui apportera ce soutien aux communes ayant reçu une décision défavorable.

Je mentionnerai cependant un certain nombre de regrets.

Nous pouvons noter certains reculs de la commission mixte paritaire par rapport au texte voté par le Sénat. Je pense à la suppression de la publicité des débats de la commission interministérielle : cette mesure aurait pourtant contribué à la transparence des décisions.

Nous regrettons également la suppression de l’extension du régime de la garantie obligatoire pour cause de tempêtes et catastrophes naturelles pour ce qui concerne les orages de grêle, tout comme la suppression du crédit d’impôt pour la prévention des aléas climatiques.

L’article 7 prévoit la remise d’un rapport sur l’opportunité et les moyens d’un renforcement des constructions existantes afin de prévenir les dommages causés par le retrait-gonflement des argiles ; ce point a beaucoup occupé nos débats.

Ce rapport se veut donc très précis. Je rappelle néanmoins, monsieur le ministre, que vous êtes déjà en possession d’un rapport, qui n’a jamais été diffusé. Si nous l’avions eu en amont de nos discussions, nous aurions gagné du temps. D’ailleurs, de nombreux acteurs de la société civile en demandent aujourd’hui la publication, en attendant celui que nous avons voté dans ce texte.

Néanmoins, ce texte apportera des éclairages utiles à la préparation de la grande loi de programmation relative à l’énergie et au climat, qui s’ouvrira prochainement et nous mènera jusqu’en 2023. Il faut le souligner, car c’est positif : ce texte contiendra un grand volet adaptation. Cela fait écho au rapport d’information sur l’adaptation de la France aux dérèglements climatiques à l’horizon 2050, que j’ai rédigé avec Jean-Yves Roux et qui soulignait qu’il fallait une vraie loi sur ce sujet.

Ce texte est donc aujourd’hui la première pierre d’une réforme plus globale. Dans cette perspective, monsieur le ministre, je tiens à insister pour conclure sur le renforcement des moyens humains et des compétences dans les services de l’État, les établissements publics, l’ensemble de l’ingénierie en la matière.

Nous savons, nous le disons à chaque discussion d’un projet de loi de finances, que nous avons encore perdu des équivalents temps plein dans le domaine de l’accompagnement des collectivités. C’est totalement contradictoire avec cette nécessaire mobilisation de notre société face aux défis de l’adaptation et du changement climatique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, dont la commission mixte paritaire a rédigé ainsi l’intitulé : « proposition de loi relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles ».

(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements.)

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles
 

9

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure
Discussion générale (suite)

Responsabilité pénale et sécurité intérieure

Discussion des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (texte de la commission n° 176, rapport n° 175).

La parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Loïc Hervé, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous connaissons tous la genèse de ce texte qui conduit à traiter conjointement des sujets extrêmement divers.

Malgré la construction quelque peu baroque de ce texte et d’importantes divergences de fond en matière de responsabilité pénale, la commission mixte paritaire, réunie le 18 novembre dernier à l’Assemblée nationale, a pu aboutir à un accord sur l’ensemble de ces sujets.

D’emblée, sur les articles dont s’est particulièrement occupée notre collègue Muriel Jourda, nous avions de nombreux points d’accord. S’agissant des règles relatives à la responsabilité pénale, le Sénat a adopté l’article 2 du projet de loi et considéré que le fait de s’être intoxiqué et d’avoir, dans un état d’abolition du discernement, commis une atteinte aux personnes devait être sanctionné.

Cette évolution de notre droit ne va pas de soi, dans la mesure où elle touche à la règle selon laquelle l’état mental de l’auteur d’un acte doit être jugé au moment des faits. Il nous est toutefois apparu que cette disposition, qui trouve des parallèles dans d’autres pays européens, venait combler une lacune de notre droit. Malheureusement, l’actualité de ces dernières années a montré que c’était nécessaire.

Sans surprise, nous avons également adopté l’article 1er bis, issu des travaux de l’Assemblée nationale, tendant à prévoir que la consommation de drogue ou d’alcool constitue une circonstance aggravante pour les infractions de meurtre, de tortures et actes de barbaries et de violences ayant entraîné la mort ou une mutilation.

Cette disposition rejoint la volonté que le Sénat a exprimée, s’appuyant sur le rapport de Nathalie Goulet, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi tendant à revoir les conditions d’application de l’article 122-1 du code pénal sur la responsabilité pénale des auteurs de crimes et délits, qu’il a adoptée au mois de mai dernier.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous avons par ailleurs adopté les dispositions procédurales et celles qui sont relatives aux mineurs délinquants dispositions qui nous ont paru nécessaires et proportionnées.

Les mesures tendant à réprimer spécifiquement les violences commises contre les membres des forces de l’ordre, à étendre le champ de l’amende forfaitaire délictuelle ou à mieux lutter contre les rodéos urbains ne nous ont pas non plus posé de difficultés.

À la suite d’un important travail conduit par nos présidents de commission, nous avons finalement trouvé un accord sur l’article 1er et le champ de l’irresponsabilité pénale.

En combinant les rédactions de l’Assemblée et du Sénat, nous aboutissons à un système dans lequel une abolition temporaire du discernement, à la suite d’une intoxication volontaire pour commettre une infraction, entraîne la responsabilité de l’auteur, ce qui nous paraît tout à fait adapté.

Dans les cas où l’altération du discernement de l’auteur de l’acte résulte de son propre fait, le juge du fond se prononcera à huis clos, ce qui correspond à la volonté du Sénat de ne pas créer de « justice spectacle ». Il me semble que cette position d’équilibre répond à la volonté d’avoir un procès qui détermine clairement les responsabilités, sans toucher aux fondements de notre droit pénal.

J’en arrive aux dispositions dont j’étais plus particulièrement chargé, celles qui sont relatives au contrôle des armes ou qui font suite à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, dite « Sécurité globale ». Vous savez que le Conseil constitutionnel avait censuré une grande partie de ce texte.

Les articles relatifs au contrôle des armes à l’échelon national contiennent des évolutions de bon sens, permettant une meilleure effectivité des interdictions d’acquisition et de détention et un plus grand contrôle de l’accès aux métiers de l’armurerie et de l’armement. Nous leur avons apporté quelques précisions, que les rapporteurs pour l’Assemblée nationale ont acceptées.

Plusieurs articles reprenaient ensuite des dispositions de la loi Sécurité globale ayant fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel.

Il s’agissait tout d’abord de l’article 6, qui vise à accompagner la montée en puissance de la réserve civile de la police nationale. Reprise d’un amendement sénatorial inséré dans la proposition de loi relative à la sécurité globale, l’article ne soulevait pas de difficulté entre nos deux assemblées.

J’en viens à la captation d’images par les forces de sécurité. Plusieurs articles du projet de loi proposent de donner aux policiers et aux gendarmes les moyens de mieux tirer parti des nouvelles technologies de captation d’images.

Le Sénat s’est attaché à trouver un équilibre entre opérationnalité de l’usage des caméras et protection du droit au respect de la vie privée. Nous avons également choisi d’ouvrir l’usage des drones aux polices municipales, comme nous l’avions fait au mois de mars dernier, et de donner à l’usage des drones en matière judiciaire un cadre législatif, suivant en cela l’avis rendu au cours du mois d’octobre dernier par le Conseil d’État.

Deux points que nous avons ajoutés posaient plus particulièrement problème aux rapporteurs pour l’Assemblée nationale. Il s’agissait notamment de la durée de conservation des enregistrements issus de la surveillance des cellules de garde à vue, que nous avions allongée pour permettre l’exercice des droits de la défense, et des modalités de consultation des images captées par des caméras aéroportées.

Nous avons entendu les arguments des rapporteurs pour l’Assemblée nationale, qui ont par ailleurs accepté l’ensemble des autres modifications que nous avons défendues, qu’il s’agisse de la conservation des images pour des procédures administratives et disciplinaires, d’une meilleure information des personnes dont l’image est captée ou de la consultation des images issues des caméras embarquées par les agents eux-mêmes.

Mes chers collègues, il me semble donc que l’accord que nous vous proposons d’adopter aujourd’hui constitue une position d’équilibre entre nos deux assemblées. Nous nous en réjouissons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

M. Jean-Pierre Sueur. Secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement, mais aussi de la justice et de sécurité ? (Sourires.)

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de lengagement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de vous retrouver à la suite de l’accord trouvé sur ce texte important par la commission mixte paritaire réunie le mois dernier et de représenter le Gouvernement devant la Haute-Assemblée.

Comme l’a rappelé Éric Dupond-Moretti, le 14 avril dernier, la Cour de cassation confirmait la déclaration d’irresponsabilité pénale du meurtrier de Mme Halimi, reconnaissant que l’auteur avait agi sous le coup de l’abolition de son discernement, tout en consacrant le caractère antisémite de ce meurtre.

Cette décision a provoqué un profond et très légitime émoi et un sentiment d’incompréhension. Elle a pourtant respecté l’état actuel de notre droit : même lorsqu’une personne mise en cause a provoqué elle-même la perte de son discernement, elle ne peut répondre devant la justice des actes qu’elle a alors commis.

Cette impossibilité de distinguer l’origine de la perte de discernement n’est plus acceptable. Tel a été le sens des propos du Président de la République au mois d’avril dernier.

Avec l’accord trouvé en commission mixte paritaire, la loi permettra, comme nous nous y étions engagés, la distinction entre un individu atteint d’une pathologie psychiatrique qui le prive de tout libre arbitre et celui qui doit sa folie à la consommation volontaire de produits psychotropes.

Il était impératif de ne pas laisser ces situations perdurer, mais aussi, je me dois de le rappeler, de respecter toutes les précautions, notamment constitutionnelles, que requiert la délicate évolution du régime de la responsabilité pénale. Le texte issu de la commission mixte paritaire a permis précisément cela : modifier le régime de l’irresponsabilité pénale dans le respect le plus absolu de nos exigences constitutionnelles.

Le nouvel article 122-1-1 du code pénal prévoit ainsi que celui qui s’est volontairement intoxiqué dans le but de commettre une infraction ne pourra plus bénéficier du régime de l’irresponsabilité pénale si l’abolition de son discernement résulte directement de cette consommation.

La loi a également été modifiée, afin que la déclaration d’irresponsabilité pénale, dans le cas exclusif d’avis divergents des expertises psychiatriques, relève désormais de l’appréciation des juges du fond, et non plus uniquement de celle du magistrat instructeur.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. C’est le tribunal correctionnel ou la cour d’assises qui statuera, lors d’une audience à part et se déroulant à huis clos, sur la question de la responsabilité pénale du mis en cause et de sa capacité à répondre de ses actes devant les juges.

L’ensemble de ces dispositions respectent la ligne rouge que nous avions tracée : on ne juge pas et on ne jugera jamais les fous.

Cette loi permettra de poursuivre et de juger des actes qui n’étaient auparavant pas sanctionnables. En effet, avec la création d’infractions autonomes spécifiques, ce texte vient combler une lacune juridique majeure, comme l’avait indiqué l’avocate générale de la Cour de cassation dans ses conclusions. Ces nouveaux délits puniront, non pas l’acte commis en état d’abolition temporaire du discernement, mais bien la consommation fautive et volontaire de psychotropes qui l’a précédé.

La commission mixte paritaire a dressé la liste limitative des infractions susceptibles de donner lieu à des poursuites sur ce fondement, retenant les homicides volontaires, les viols, les actes de toitures et de barbarie, les violences ayant entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité permanente ou une incapacité temporaire de travail (ITT) supérieure à huit jours.

Enfin, sur un autre volet, l’accord trouvé en commission mixte paritaire a validé des mesures importantes, comme la création d’incriminations spécifiques aggravant la répression des actes de violence commis à l’encontre de toutes les professions qui, dans l’espace public, assurent notre sécurité au quotidien.

La protection des policiers, gendarmes, militaires de l’opération Sentinelle, douaniers, agents pénitentiaires, policiers municipaux, gardes champêtres et pompiers sera renforcée, car il n’est plus tolérable que leur engagement au service de la collectivité les érige en cible. Le message est simple : nous protégeons ceux qui nous protègent.

Ce projet de loi comporte par ailleurs des avancées procédurales souhaitées par les acteurs judiciaires, lorsqu’ils sont confrontés à des délinquants refusant toute identification.

L’effectivité de la loi pénale nécessite d’établir efficacement une identité judiciaire. Nous avions la responsabilité de renforcer le cadre procédural de cette identification.

Désormais, les enquêteurs pourront recourir à la prise d’empreinte sous contrainte dans le cadre d’un dispositif équilibré intégrant des garanties renforcées à l’égard des mineurs.

Désormais, la juridiction improprement saisie sur le fondement de l’âge de l’auteur pourra placer en détention le majeur ou le mineur, afin de le présenter devant la juridiction compétente dans des délais très courts. La procédure pénale actuelle permettait de remettre en liberté des prévenus à la suite de la déclaration d’incompétence de la juridiction ; cela ne sera plus le cas.

Il s’agit là de garantir l’effectivité de la loi pénale. Nous le devons bien sûr aux victimes, nous le devons aussi aux vrais mineurs, qui pourront ainsi bénéficier des dispositifs éducatifs adaptés à leur âge.

Je suis heureuse que le Parlement, après une expertise attentive, ait validé ces dispositions avant même la tenue de la commission mixte paritaire. En ce qui concerne ce texte, je tiens là encore, au nom de mes collègues Éric Dupond-Moretti, Gérald Darmanin et Marlène Schiappa, à saluer l’accord trouvé par la commission mixte paritaire, qui a travaillé assidûment.

Lorsqu’elles sont sur nos routes, nos forces de sécurité subissent de plus en plus le danger représenté par le refus d’obtempérer à une sommation de s’arrêter. À ce titre, le projet de loi renforce les mesures conservatoires et le régime des peines applicables.

La même fermeté doit être appliquée dans la lutte contre les rodéos motorisés. Vous connaissez bien la détermination du ministre de l’intérieur à lutter contre ces pratiques dangereuses et nuisibles pour nos concitoyens. L’article 18 du projet de loi vise ainsi à faciliter l’identification des auteurs de ces infractions et à empêcher la restitution de véhicules.

En matière d’infractions routières, l’article 17 étend la liste des infractions au code de la route qui peuvent être constatées par les gardes particuliers.

Le renforcement de la capacité opérationnelle de la police nationale constitue une autre avancée importante, soulignée par le Président de la République lors de son discours de clôture du Beauvau de la sécurité. Cela passe par la création d’une réserve opérationnelle, qui permettra à la police nationale de disposer de plus de réservistes issus de la société civile pour renforcer l’action des policiers.

Ce projet de loi permet également de compléter les moyens à disposition de nos forces de l’ordre.

La captation d’images est aujourd’hui au cœur de l’action des forces de sécurité, compte tenu de son utilité opérationnelle. Toute l’attention doit être portée à l’équilibre entre l’intérêt opérationnel des forces de sécurité et la préservation des droits et libertés fondamentaux.

Le Gouvernement a pris acte de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi pour une sécurité globale et préservant les libertés ; il en tire les conséquences dans ce projet de loi.

Ce texte permet ainsi la définition d’un cadre juridique solide, autorisant la captation d’images depuis des dispositifs vidéo installés sur des aéronefs, avec ou sans personne à bord. Il offre ainsi les garanties nécessaires, tout en permettant à nos forces de sécurité de disposer d’outils efficaces.

Le Sénat a également introduit dans ce projet de loi une expérimentation permettant aux polices municipales d’utiliser des drones, si l’ensemble des garanties nécessaires sont réunies et sous réserve que ces polices visent un champ clairement défini de finalités proportionnées à l’égard de l’usage d’une telle technologie.

En ce qui concerne l’usage des captations d’images par des engins aéroportés à des fins judiciaires, le Conseil d’État confirmé, dans un avis rendu le 12 octobre dernier, la nécessité de légiférer.

À dessein, le texte issu de la commission mixte paritaire prévoit que l’usage judiciaire de ces dispositifs de captation d’images dans l’espace public puisse être autorisé en cas de crime ou délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, en cas de procédure d’enquête ou d’instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition, ou encore en cas de recherche d’une personne en fuite. Ces captations devront être préalablement autorisées par le procureur de la République ou le juge d’instruction.

Le texte comporte également un dispositif pour les caméras embarquées dans les véhicules des services de l’État. Les services concernés pourront enregistrer leurs interventions lorsqu’un incident se produit ou est susceptible de se produire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est soumis au vote de votre assemblée. Il prévoit la possibilité de mettre en œuvre des dispositifs de vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue, avec pour objectif de diminuer les risques de suicide, d’automutilation, d’agression ou d’évasion.

Toutefois, la captation d’images dans les cellules de garde à vue ne saurait être systématique et de durée indéterminée. Sur ce point, le texte issu de la CMP est équilibré, du point de vue tant des garanties applicables au dispositif que des durées de conservation des enregistrements vidéo au regard de leur finalité.

Autre avancée de ce texte, le Gouvernement a voulu améliorer le contrôle de la détention d’armes en faisant évoluer les dispositions du fichier national des personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes (Finiada) qui sont relatives à la prévention des passages à l’acte criminels, en étendant notamment le périmètre des infractions aux mesures précédant la sentence et aux condamnations non définitives.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour toutes ces raisons, le Gouvernement est extrêmement favorable au texte issu de la CMP. Il vous encourage donc à l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure
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