Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur Ouzoulias, je salue très sincèrement votre détermination. (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Elle est absolue !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. Je vais me répéter, même s’il me semble avoir été assez claire sur le sujet. J’ai bien indiqué que le ministère de la culture avait engagé une démarche de dérogation et que, par conséquent, une réflexion était en cours.
Compte tenu de vos nombreuses questions, je m’engage cependant à me rapprocher de la rue de Valois afin de vous apporter une réponse bien plus précise. Comme vous le savez sans doute, la question des archives est en effet gérée par ce ministère.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je voudrais d’abord faire une remarque à votre attention, madame la rapporteure : vous citez en permanence le livre de Jean-Paul Brunet, vous l’avez fait aussi en commission ; cet ouvrage est un vieux livre, ne reposant pas sur des archives, et l’un des rares qui parlent de policiers tués.
Je voudrais également vous rappeler qu’en France, pays démocratique, les archives, dès lors qu’elles sont ouvertes, le sont pour tous les citoyens. On ne demande pas à l’un ou à l’autre sa carte d’historien. On est étudiant ou enseignant.
Il faut ouvrir ces archives. Vous dites, madame la secrétaire d’État, que vous allez parler au ministère de la culture. En attendant, on ne comprend pas pourquoi une partie des documents conservés aux Archives nationales n’est pas ouverte, alors même qu’il n’y a plus de risque lié au secret-défense.
Il faudrait peut-être que la réponse que vous nous apporterez comprenne un délai… Comme l’a indiqué mon collègue Ouzoulias, des travaux sont en cours. Il faudrait donc savoir à quelle date ces archives pourraient être ouvertes, non pas uniquement, d’ailleurs, s’agissant du 17 octobre 1961, mais pour toute la guerre d’Algérie.
Je remercie Pierre Ouzoulias d’avoir insisté sur ce sujet, qui est très important.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. À mon tour, je veux intervenir succinctement, mais clairement.
Il y a eu une grande loi sur les archives en 2008. Nous l’avons votée, ici, avec le soutien appuyé de Robert Badinter. Cette loi était une loi de liberté, qui permettait en outre aux historiens de travailler dans des conditions claires, avec l’établissement du délai de cinquante ans.
C’est pourquoi je m’inscris tout à fait dans les propos de Pierre Ouzoulias. Ensemble, nous avons bataillé lors de l’examen de la loi du 30 juillet 2021, au cours duquel les membres du Gouvernement persistaient à ne pas nous répondre quand il était proposé de revenir en arrière sur la loi de 2008, alors en application depuis douze ans sans que cela ne pose de problème.
À nouveau, madame la secrétaire d’État, votre position n’est pas claire. Vous vous inscrivez dans cette continuité : lorsque vous nous dites que vous allez demander à votre collègue de la culture de nous répondre, ce n’est pas du tout clair, c’est un faux-fuyant.
Je regrette que le Gouvernement ait une attitude aussi néfaste pour les historiens de ce pays ! (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je n’ai qu’une simple question à formuler, madame la secrétaire d’État. Elle tient en dix secondes et vous pouvez y répondre très précisément. L’annonce importante que vous venez de faire, à savoir que le ministère de la culture a décidé d’ouvrir la totalité des archives concernant la guerre d’Algérie, découle-t-elle d’une dérogation ou, comme le demande M. Ouzoulias, d’une disposition contenue dans la nouvelle loi, telle qu’elle a été votée ?
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Pour revenir à l’amendement, il est question dans son exposé des motifs de « blessure mémorielle » et de douleur. Ce registre compassionnel a toute sa place, je le comprends, mais nous essayons ici de nous situer du point de vue de l’histoire.
C’est cette confusion entre mémoire et histoire que vous entretenez, madame Benbassa. Bien sûr, il existe plusieurs mémoires, mais vous savez très bien que cela entraîne forcément une part de concurrence, de surenchère, de sélectivité. L’histoire, c’est autre chose.
C’est pourquoi, si tous les citoyens peuvent à bon droit avoir accès aux archives, nous comptons, encore une fois, sur le travail d’historiens minutieux, rigoureux et précautionneux pour déterminer ce qu’est l’histoire. Entretenir cette confusion ne fait pas avancer les choses.
J’aurais également souhaité que, dans l’exposé des motifs, on reconnaisse tout de même le travail déjà réalisé par les historiens – et donc, quelque part, par la France – depuis ces événements.
Personnellement, cela me pousse à une certaine modestie. Nous traitons ici d’un épisode extrêmement douloureux et de plaies qui, plus de soixante ans après, ne sont pas encore complètement refermées.
À cet égard, les événements dont nous parlons ne font pas exception : on a l’habitude de dire que l’histoire est une vallée de larmes et, effectivement, elle comprend une part de tragique. Mais, à nouveau, la seule compassion ne suffit pas. Le politique doit, me semble-t-il, se tenir à bonne distance de l’objet historique qui, sans cela, est soumis à ce type de dérives.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 63 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 91 |
Contre | 238 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 2
Chaque année, le 17 octobre, est organisée une commémoration officielle rendant hommage aux victimes de la répression de manifestants algériens réclamant pacifiquement l’indépendance de leur pays.
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article 2.
Je rappelle que, si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les deux articles qui la composent auraient été rejetés. Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur l’ensemble.
Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.
La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote sur l’article.
M. Rachid Temal. Je voudrais d’abord remercier mon groupe d’avoir inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour. C’est, je crois, un texte important au regard de notre histoire et de notre travail de mémoire.
Ensuite, j’ai bien noté que chacun était d’accord pour admettre les faits. Chacun reconnaît qu’il y a eu une terrible répression, avec des centaines de blessés et des morts parmi les personnes arrêtées par les forces de police. C’est un bon pas de fait !
Mais cela me rend d’autant plus choquante l’explication entendue dans la bouche de Mme la rapporteure, et d’autres intervenants aussi. Il y avait un contexte, nous dit-elle…
M. François Bonhomme. C’est l’évidence !
M. Rachid Temal. Cela signifierait donc que l’on peut tuer dès lors qu’il y a une raison de le faire. Je regrette, mes chers collègues, mais dans un pays comme le nôtre le respect commence là : rien ne permet, rien ne justifie que des manifestants arrêtés soient tués ou blessés !
Par ailleurs, je ne reviendrai pas sur les propos du représentant de l’extrême droite, dignes de l’OAS. Mais je voudrais tout de même faire observer que nous ne sommes pas, pour ce qui nous concerne, dans la violence.
Nous avons évoqué les mémoires diverses et complémentaires qui sont liées à cette histoire et c’est pourquoi, je l’ai dit, nous voterons en faveur du texte sur les harkis.
Notons que, lorsqu’une proposition de loi est déposée en décembre 2019 par Mme la rapporteure, alors députée, afin de reconnaître les événements de la rue d’Isly et d’Oran, cela ne pose pas de problème. Lorsque le Sénat propose la même chose pour les harkis, cela ne pose pas non plus de problème. Le souci, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, c’est que tout le monde reconnaît les faits, mais que vous faites manifestement le choix d’une mémoire sélective, à l’opposé de notre propre choix !
Nous ne pouvons que regretter le vote à venir. Nous considérons qu’il faut continuer ce travail de l’histoire. Nous le devons à toutes les mémoires et à tous les Français ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote sur l’article.
M. François Bonhomme. M. Temal prétend que nous serions victimes du contexte… Mais tout travail historique appelle une contextualisation. C’est vraiment la base du travail d’historien. (M. Franck Menonville approuve.) Il n’y a rien en cela permettant de dire que nous serions en train de justifier, ignorer ou occulter des faits. Cela n’a absolument rien à voir !
Moi, monsieur Temal, je vous invite simplement à lire des historiens, des vrais, des historiens reconnus !
M. Rachid Temal. Mais oui, bien sûr…
M. David Assouline. Benjamin Stora parle d’un crime d’État !
M. François Bonhomme. Allez voir ce qu’a dit Marc Ferro sur l’instrumentalisation de l’histoire et la mémoire, déformée par nature du fait des passions humaines ! Allez voir ce qu’a dit Jacques Julliard sur les lois mémorielles ! Et, je l’espère, vous serez au moins pris de quelques doutes, plutôt que d’avancer des affirmations aussi définitives. (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Belin, pour explication de vote sur l’article.
M. Bruno Belin. Vous n’en serez pas surpris, mes chers collègues, notre groupe ne votera pas cet article.
Oui, bien sûr, il y a un contexte, et nous ne sommes pas là pour nous donner des leçons les uns aux autres. Je n’ai pas de doute sur le fait que nous connaissons seulement le dixième du quart de la moitié de ce qui s’est passé. Face à l’histoire, il faut beaucoup d’humilité !
Moi, j’ai une pensée pour les femmes et les hommes du contingent qui étaient envoyés sur place dans ces moments…
M. Rachid Temal. On parle de Paris !
M. Bruno Belin. Il y a un contexte, et cette période a là aussi laissé des traces. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Madame la présidente, peut-on laisser un sénateur s’exprimer lorsqu’il a la parole ?…
Il faut être humble face à cela. L’histoire est un tout ; ce n’est pas en la saucissonnant qu’on l’écrit. En tout cas, ce n’est pas la position que le Sénat a choisie, face au jugement de l’histoire, depuis des décennies.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Monsieur Bonhomme, franchement, vous lisez des petits extraits de Wikipédia ! (M. Rachid Temal s’esclaffe.)
M. François Bonhomme. Félicitations pour l’argument !
M. Stéphane Ravier. Quel mépris ! Elle détient la vérité !
Mme Esther Benbassa. C’est Pierre Nora qui a parlé de la concurrence des mémoires, et non Marc Ferro. Ce n’est pas grave, on ne va pas en discuter maintenant…
Nous faisons évidemment la distinction. Je suis l’auteur d’un livre intitulé La Souffrance comme identité et je suis contre les lois mémorielles. Mais il s’agit ici de reconnaître un événement. C’est différent !
M. François Bonhomme. Bien sûr !…
Mme Esther Benbassa. On ne peut pas réparer les mémoires si on ne grave pas certains événements dans l’histoire. Encore faudrait-il pour cela qu’ils soient reconnus…
J’ai déposé en 2012, peu de temps après mon arrivée au Sénat, une proposition de résolution sur la reconnaissance des événements du 17 octobre 1961, avec le groupe écologiste de l’époque. Les communistes ont fait de même. Aujourd’hui, il y a une petite lueur d’espoir, et l’on peut envisager de mettre fin à l’omerta et d’inscrire ces événements dans les livres scolaires.
Mes chers collègues, l’histoire est faite d’événements sombres et d’événements brillants et grandioses. Si vous adoptez la présente proposition de loi, on pourra graver ces événements dans l’histoire. La réparation des mémoires viendra plus tard. Ne ratons pas cette occasion ! C’est très important pour l’intégration et pour la cohésion sociale à l’échelle de la Nation.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote sur l’article.
M. Olivier Paccaud. L’histoire de France compte des chapitres glorieux mais aussi, malheureusement, des pages beaucoup plus sombres et quelques heures très troubles, comme celles du 17 octobre 1961. Tout le monde le reconnaît. Les plus hauts personnages de l’État – notamment les deux derniers présidents de la République – l’ont reconnu et personne ne le nie sur ces travées.
Doit-on aller plus loin, en gravant cette reconnaissance au travers d’une loi dite « mémorielle » ? Je ne le pense pas, en tant que législateur, mais aussi – je ne dirai pas historien – en tant que professeur agrégé d’histoire.
Pourquoi ? La guerre d’Algérie – car il s’agit bien d’une guerre, et non d’« événements », comme on l’avait pudiquement et maladroitement appelée – fut une succession de drames et d’ignominies, un chapelet de dates tragiques partiellement rappelées par certains orateurs lors de la discussion générale, notamment Arnaud de Belenet, qui a été particulièrement brillant sur le sujet.
Si l’on veut être « cohérent » – je mets le terme entre guillemets –, il faudrait une loi par ignominie. Faut-il une loi pour la Toussaint rouge, par exemple ? La question pourrait se poser.
Il faut regarder notre passé le plus dramatique en face. Jacques Chirac l’avait très bien fait, notamment dans son discours du Vél d’Hiv. Si le devoir de mémoire, auquel nous sommes tous attachés, doit aboutir au devoir de sagesse, ces commémorations ne peuvent pas être hémiplégiques.
Nous souhaitons tous normaliser les rapports avec l’Algérie. Mais l’apaisement et la réconciliation ne peuvent prendre corps que sur le socle de la réciprocité. C’est pourquoi je ne voterai pas cette loi.
M. Philippe Tabarot. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote sur l’article.
M. Pierre Laurent. Certaines interventions que nous entendons du côté de la majorité sénatoriale me semblent noyer le poisson, pour ne pas affronter la question politique posée au travers de ce texte.
Cette proposition de loi n’a pas pour objet d’établir la vérité historique. Le travail des historiens va se poursuivre et doit se poursuivre. Nous avons posé une question précise sur le sujet, notamment par la voix de Pierre Ouzoulias, et, en l’absence de réponse en séance, nous allons devoir attendre. Mais il est nécessaire que ce travail des historiens puisse continuer.
La question qui nous est posée à cette heure est de savoir si nous installons clairement dans notre vie nationale la nécessité de marquer cette date, qui n’est pas une date ordinaire. Elle a donné lieu à un drame absolument épouvantable dans les rues de Paris – et si nous ne savons pas tout, au moins connaissons-nous l’ampleur de l’horreur de cet événement.
Voilà ce qu’il s’agit de renforcer ! Le but n’est absolument pas de figer le travail des historiens sur la question. Ce travail doit continuer. De ce point de vue, l’expression « loi mémorielle » ne me semble pas appropriée ; il est question d’acte politique.
Vous ne voulez pas faire cet acte politique, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, tandis que nous souhaitons le voter, et vous argumentez pour cela. Soit ! Mais ne jetez pas la confusion sur les raisons pour lesquelles vous ne voulez pas l’établir.
Ce serait l’honneur de la France que de poser, ce soir, cet acte politique !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote sur l’article.
M. Philippe Tabarot. Sur le fond, je pense m’être exprimé très clairement sur le sujet. Je voudrais donc soulever un petit problème de forme.
Comme vous le savez, mes chers collègues, je suis un peu novice au Sénat. Je ne sais donc pas si mon intervention est de l’ordre de l’explication de vote ou du rappel au règlement : j’aimerais savoir, madame Rossignol, si vous êtes, au moment de présider la séance, une sorte de présidente du groupe socialiste ou si vous présidez réellement ? (Vives protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Nos deux collègues socialistes ont eu droit à une minute entière de temps de parole supplémentaire sans que vous n’interveniez. Or, ce matin, notre collègue Valérie Boyer ayant dépassé de trente secondes son temps de parole, vous avez décompté ces trente secondes de l’intervention de Bruno Belin. Je ne sais pas trop ce qu’il en est… Mais peut-être pourrez-vous nous éclairer ?
M. David Assouline. Des excuses !
M. Rachid Temal. Du jamais vu ! Scandaleux !
M. Philippe Tabarot. Accordez-vous du temps supplémentaire selon l’intérêt de ce qui se dit au regard de vos convictions,…
M. Pierre Ouzoulias. Un peu de respect !
M. Philippe Tabarot. … et en restez-vous strictement au temps imparti lorsque les paroles vous plaisent un peu moins ? C’est une simple question !
M. Éric Kerrouche. Comment peut-il dire cela ? Scandaleux !
Mme Éliane Assassi. Est-ce normal ?
M. Pierre Ouzoulias. Vous attaquez l’institution !
Mme la présidente. Je vais vous répondre, monsieur Tabarot.
Selon l’article 35 bis du règlement du Sénat, « il appartient au président de séance d’appliquer cette limitation du temps de parole en veillant au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ». L’expression « il appartient au président de séance » montre bien que celui-ci dispose d’une certaine marge de manœuvre.
Par ailleurs, dans la formation que vous souhaitez avoir sur les pratiques et les mœurs du Sénat, je vous suggère d’inclure une formation au sens de l’humour. J’ai effectivement indiqué à notre collègue Bruno Belin, qui intervenait ce matin en discussion générale après Valérie Boyer, ici présente en tant que rapporteure de la proposition de loi, que je ne lui défalquerais pas le temps de parole excédentaire de Mme Boyer. C’était un trait d’humour et je crois qu’il l’a très bien compris.
Sachez d’ailleurs que nous ne retirons jamais de temps de parole. C’est une pratique qui n’existe pas dans cette enceinte.
Cela étant, monsieur Tabarot, j’enregistre vos remarques, que je trouve assez…
M. Rachid Temal. Déplacées !
Mme la présidente. … iconoclastes, incongrues et partisanes. Jusqu’à présent, personne n’avait jamais mis en cause ni ma présidence ni celle de mes collègues vice-présidents. (Mme Esther Benbassa applaudit.)
M. Philippe Tabarot. C’est donc chose faite !
M. Patrick Kanner. Je tiens à réagir aux propos insultants que notre collègue Philippe Tabarot a tenus, non pas à votre égard, madame la présidente, mais à l’égard de l’institution du Sénat.
Je rappellerai également à nos collègues de la majorité sénatoriale, qui sont aujourd’hui en minorité, qu’ils usent et abusent de la procédure de scrutin public, ce qui pose un problème par rapport à la limitation dans le temps de la niche du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. J’invite donc M. Tabarot à être beaucoup plus humble dans ses remarques. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 2 (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote sur l’article.
M. Guy Benarroche. Le 17 octobre 1961 est effectivement une date politique. C’est un événement qui s’est produit, et ce – vous avez tout à fait raison, mes chers collègues de la majorité sénatoriale – dans un contexte donné, celui de la guerre d’Algérie.
Mais vous devez admettre que cet événement a tout de même une particularité : ce jour-là, le préfet nommé par l’État français, avec le concours de l’administration de l’État français, dans des lieux de l’État français, a décidé d’une répression avant, pendant et après la manifestation, répression sanglante ayant entraîné des dizaines de morts et des centaines de blessés. Tel est l’événement auquel, aujourd’hui, nous nous attachons.
Il ne s’agit pas de faire un concours entre différentes mémoires sur d’autres événements tragiques, que vous avez rappelées et que je partage.
Il ne s’agit pas non plus de faire un concours avec le gouvernement algérien pour savoir si c’est lui qui doit faire le premier pas, ou notre propre gouvernement. La grandeur de la France n’a jamais été de se comparer à d’autres, notamment à des pays dont le niveau démocratique n’est, aujourd’hui encore, pas le même que le nôtre. Il faut le dire et je le dis ; pour autant, les arguments que vous utilisez ne me semblent pas satisfaisants au regard de la proposition de loi qui nous est présentée.
Pour ces raisons, nous soutiendrons ce texte. Pour ces mêmes raisons, j’incite à mon tour la secrétaire d’État à faire en sorte que tous les historiens et tous les Français puissent disposer d’un accès libre à la totalité des archives concernant ces années de guerre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa et M. Rachid Temal applaudissent également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
M. Philippe Tabarot. C’est avec plaisir que nous avons fait cette demande !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 64 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Pour l’adoption | 96 |
Contre | 214 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire.
En conséquence, la proposition de loi relative à la commémoration de la répression d’Algériens le 17 octobre 1961 et les jours suivants à Paris n’est pas adoptée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.