M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord quelques remarques générales sur la philosophie même de cette proposition de loi.
Nous soutenons, bien évidemment, les objectifs de revitalisation des territoires ruraux peu denses, car il est primordial d’engager le désengorgement de nos métropoles et de réinvestir nos petites villes, ainsi que nos campagnes.
Nous nous retrouvons moins sur le raisonnement qui induit que la revitalisation d’un territoire passe nécessairement par la construction de bâtiments neufs.
Nous pensons que la revitalisation passe davantage par le déploiement de services publics, de commerces de proximité et, bien sûr, par la réhabilitation du bâti.
Chaque année, 100 000 logements deviennent vacants – c’est là un patrimoine qu’il faut réinvestir en priorité –, sans parler des très nombreux corps de ferme qui sont à l’abandon.
De plus, le dynamisme des territoires repose bien sûr sur la création d’emplois. La dévitalisation rurale résulte, en effet, de l’affaiblissement ou de la disparition des activités agricoles et de son corollaire, la mort de tout un tissu commercial et artisanal.
C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a défendu une politique agricole commune (PAC) favorisant l’installation et l’emploi agricole plutôt que l’agrandissement des fermes. Il faut soutenir les oubliés de la PAC, qui œuvrent de manière intensive sur de petites surfaces.
De manière générale, les dispositions du texte vont à l’encontre des enjeux de préservation des espaces naturels, agricoles ou forestiers et de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui consacre l’objectif de diminution de moitié de l’artificialisation des sols à l’horizon de 2030.
C’est en ce sens que nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 2. L’assouplissement des règles de constructibilité sur l’ensemble des terrains agricoles en continuité d’un espace urbanisé, comme le prévoit ce texte, risque de favoriser le mitage, si coûteux pour les communes et les terres agricoles.
La problématique vaut également pour l’assouplissement, qui est étendu à toute l’exploitation et plus seulement au périmètre regroupant les bâtiments de la ferme.
De telles dispositions n’ont pas lieu d’être au regard des mesures adoptées dans la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, qui est déjà venue assouplir significativement la dérogation sur le principe de l’extension de l’urbanisation en continuité des zones urbanisées, pour les activités agricoles ou forestières. Il nous paraît imprudent de contrarier l’équilibre existant.
Par ailleurs, nous souhaitons, a minima, réintroduire l’avis conforme des CDPENAF dans les différents cas où il est mentionné. Cette commission est un outil utile dans la lutte contre l’artificialisation des terres et subit de nombreux affaiblissements alors qu’elle devrait être renforcée. Le travail au sein de ces commissions permet d’améliorer les projets et donc d’éviter des refus précoces ou des contentieux chronophages et coûteux pour les communes.
Quant aux changements de destination des bâtiments agricoles prévus également à cet article, ils doivent être encadrés strictement.
Si le développement de l’habitat des agriculteurs est déjà possible dans le cadre législatif actuel, nous sommes bien conscients que certains verrous juridiques peuvent perdurer, notamment au moment de l’installation.
Des solutions sont possibles pour améliorer l’accès au logement pour les agriculteurs sans ouvrir la porte à une artificialisation trop peu maîtrisée des sols. Un rapport du Gouvernement sur les initiatives actuelles permettrait d’identifier les pratiques mises en œuvre sur le terrain et les politiques publiques efficaces pour les soutenir. C’est ce que nous proposerons à l’article 5.
Enfin, l’article 6 nous paraît largement inutile, le droit existant, via la reconnaissance de la « pré-occupation », étant déjà protecteur en la matière, comme le souligne le Conseil d’État. Il semble donc nécessaire de ne pas modifier les équilibres existants pour ne pas heurter le principe du droit d’agir en responsabilité et, plus généralement, du droit au recours effectif. C’est pourquoi nous proposerons la suppression de cet article.
En conclusion, cette proposition de loi ne nous paraît pas pertinente pour répondre aux enjeux de revitalisation des territoires ruraux, la priorité étant, pour notre groupe, la réhabilitation des logements vacants, la présence des services publics, le maintien de l’emploi agricole et paysan.
C’est pourquoi nous voterons contre ce texte, après avoir soupesé ses avantages et les risques qu’il présente, même si nous partageons certains constats de ses auteurs.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi de nos collègues du groupe Union Centriste, qui vise à favoriser l’habitat en zone rurale tout en protégeant l’activité agricole et l’environnement. Nous partageons clairement ses considérants et son objectif : permettre aux communes de revitaliser leur territoire.
Il est vrai que le code de l’urbanisme a évolué ces dernières années afin de réduire l’artificialisation des sols et de limiter l’étalement urbain.
Pourtant, cet objectif, juste et légitime, a malheureusement conduit à une quasi-interdiction des constructions en zone rurale.
En effet, le code de l’urbanisme impose aux collectivités de fixer des objectifs en fonction de l’évolution démographique d’un territoire au cours des années précédentes. Il en résulte que les petites communes rurales, dont la population évolue peu, ne peuvent plus délivrer de permis de construire.
C’est une forme de double peine puisqu’à la déprise démographique s’ajoute l’impossibilité d’accueillir de nouveaux habitants. Cette situation est inacceptable alors que la crise sanitaire a suscité un réel engouement pour la ruralité.
Cette proposition de loi est donc intéressante, d’autant que son passage en commission en a pleinement amélioré le dispositif initial.
Ainsi, elle ne vise plus uniquement les zones de revitalisation rurale, dont l’avenir reste incertain. Elle vise désormais l’ensemble des petites communes, plus particulièrement celles qui ne disposent pas de plan local d’urbanisme et qui sont donc soumises au règlement national d’urbanisme (RNU).
La proposition de loi permet la construction en continuité urbaine des bourgs et hameaux, ainsi qu’un changement de destination de certains bâtiments, notamment au sein des exploitations agricoles. Ces facultés ont été recentrées sur la seule nécessité de produire des logements ou des hébergements, et ce uniquement dans la continuité de l’espace déjà urbanisé à la date de la présente proposition de loi. Cet équilibre nous semble pertinent pour éviter un mitage trop important des terres agricoles. Il nous paraît surtout particulièrement opportun de solliciter l’avis de la CDPENAF.
Par ailleurs, la proposition de loi vise désormais non plus le dispositif Pinel, mais le dispositif Denormandie dans l’ancien, plus adapté aux zones rurales pour favoriser la rénovation de bâtiments dégradés et souvent vacants. On déplore, en effet, en zone rurale 10 % de logements vacants. Ce taux, il importe de le souligner, s’élève même à 24 % dans certains endroits.
Au-delà de ces évolutions du code de l’urbanisme, il faut reconnaître que le gel des terres est également la conséquence d’une perte majeure d’ingénierie au sein des collectivités en zone rurale.
La suppression de l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (Atésat) et la redéfinition de l’application du régime des autorisations du droit des sols (ADS) ont conduit à de grandes disparités territoriales.
Les documents d’urbanisme sont pourtant d’une importance majeure comme support des projets des collectivités. L’État devrait mieux accompagner ces dernières, y compris pour basculer en PLU, car cela offre des possibilités plus importantes en matière d’urbanisation.
Par ailleurs, les situations de blocage peuvent également être liées à la création d’intercommunalités forcées, les plus petites communes se trouvant dans un rapport de force ne leur permettant pas de partager leurs projets urbains et une vision dynamique de leur territoire.
Les différentes lois qui se sont succédé, telles que la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, et la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam, ont contribué à obérer la réelle maîtrise de leur sol autant que le libre choix intercommunal.
Une autre question, pourtant très liée à cette évolution du code de l’urbanisme, n’est pas soulevée, à savoir celle des moyens financiers nécessaires pour permettre aux collectivités d’éviter la déprise de leur territoire. Rien ne sert en effet de favoriser la construction si l’on ne permet pas le retour des services publics nationaux et locaux et si les équipements indispensables à l’attractivité de nos territoires ruraux ne suivent pas.
Cette proposition de loi vise également à faciliter l’exercice des activités agricoles. Il s’agit notamment de reconnaître le droit pour chaque agriculteur de vivre sur son exploitation. C’est une idée que nous partageons.
Aujourd’hui, de plus en plus de bâtiments agricoles sont en ruine sur nos territoires. C’est, de mon point de vue, une bonne chose que de permettre leur réhabilitation en favorisant les transmissions d’exploitations.
Tels sont les quelques éléments que je tenais à préciser avant d’indiquer que nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, grâce à la démarche de Pierre Louault et aux apports de Valérie Létard, que je tiens à saluer et à remercier pour leur engagement sur ce texte, la présente proposition de loi tend à donner à la ruralité les moyens de ses ambitions et de relever ses difficultés.
Il n’échappe à personne que les campagnes se vident depuis plus d’un siècle, que les « places du marché » et les « rues du commerce » sont moins fréquentées, et que les bras manquent dans les fermes, quand celles-ci ne disparaissent pas.
Ce tableau n’est pas nouveau, il est celui d’une France qui a passé le pas de la modernité il y a maintenant plus d’un demi-siècle.
Nul besoin, toutefois, de ressasser les images du passé : j’ai l’intime conviction que la ruralité regorge de ressources qui lui permettront de sortir de l’ornière. Parmi ces ressources, il y a l’habitat.
Loin des prix faramineux de l’immobilier dans les métropoles, les territoires ruraux sont à la portée de tous, tant ils regorgent d’habitations et de terrains disponibles et tant le prix d’entrée dans le logement y est bas. Par ailleurs, le cadre de vie des territoires ruraux est plébiscité par nos concitoyens, comme on le voit depuis bientôt deux ans dans notre pays du fait de la crise sanitaire.
Si l’exode rural se poursuit, l’exode urbain est une réalité de plus en plus tangible. Paris a ainsi perdu près de 54 000 habitants entre 2013 et 2018.
Il est aujourd’hui nécessaire de donner aux territoires ruraux les moyens de leurs ambitions en matière de logement et de valorisation du patrimoine, qu’il s’agisse de réhabiliter le bâti ancien ou d’autoriser des constructions nouvelles, dans le respect de leurs engagements contre l’artificialisation des sols.
Il ne s’agit pas de discuter ces objectifs, car freiner la consommation du foncier agricole est aujourd’hui un enjeu stratégique national. Il s’agit plutôt de montrer que les territoires ruraux sont pénalisés et disposent de peu de zones constructibles alors même qu’ils en ont de plus en plus besoin pour briser le cercle vicieux de la dévitalisation.
La seconde ressource essentielle de nos territoires ruraux, qui les fait vivre, c’est l’activité agricole.
La chute continue du nombre d’agriculteurs n’est pas terminée : la moitié des 400 000 agriculteurs qui sont aujourd’hui en activité dans notre pays sera en âge de partir à la retraite d’ici à dix ans. Or nous savons aujourd’hui que le taux de remplacement de ces futurs retraités sera bien faible. Certains estiment qu’il s’élèvera à un tiers.
Nous nous faisons tous, mes chers collègues, les relais des difficultés que rencontrent les agriculteurs de nos départements respectifs. C’est une profession tout entière qui rencontre les mêmes difficultés économiques, administratives, climatiques ; celles-ci ont même pour effet de dissuader les plus chevronnés de poursuivre leur activité et les jeunes les plus motivés de s’installer.
Notre responsabilité, en tant que législateurs, est de lever ces freins à l’installation. Je me réjouis donc que cette proposition de loi contienne des dispositions ambitieuses à ce sujet.
L’ambition de cette proposition de loi en faveur du développement de l’habitat dans les zones rurales et du maintien de l’activité agricole est donc salutaire et porte sur deux socles essentiels de la revitalisation des territoires ruraux. Cette ambition a été réaffirmée par la commission des affaires économiques, qui a su enrichir ce texte avec justesse et bon sens, par exemple en remplaçant le ciblage spécifique des zones de revitalisation rurale par des mesures d’assouplissement ouvertes à l’ensemble des communes de petite taille et des mesures plus larges au bénéfice des communes peu denses en déprise démographique.
Ces mesures faciliteront la transformation d’anciens corps de ferme ou de granges inoccupés en logements dans tous les territoires ruraux, sans limiter l’application d’une telle disposition à un zonage administratif spécifique.
La commission a également amendé le texte initial afin de sécuriser le droit au logement des agriculteurs sur leur exploitation. Elle a confirmé son soutien aux agriculteurs en considérant que les troubles inhérents à l’activité agricole causés sur le voisinage ne sont pas considérés comme des dommages si l’activité agricole préexiste aux habitations concernées. Les coqs pourront ainsi continuer de chanter !
C’est donc en soutien à nos territoires ruraux et eu égard à la qualité de la présente proposition de loi que le groupe Union Centriste votera naturellement ce texte, dans l’espoir que la navette se poursuivra dans les plus brefs délais. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tous les observateurs s’accordent à souligner que la crise que nous traversons a eu pour conséquence un regain d’intérêt pour les territoires ruraux. Les qualités de nos territoires sont enfin connues et reconnues. Nous ne pouvons que nous en réjouir !
Comme le rappelait Alain Bertrand dans son rapport Hyper-Ruralité, nous disposons d’un potentiel de développement économique, social et écologique qu’il faut pouvoir accompagner, mais comment y arriver si nous n’avons pas la capacité d’accueillir de nouvelles populations ?
C’est ce retour à la campagne que les auteurs de la présente proposition de loi entendent accompagner. L’objectif est non pas de tout déréglementer, mais de lever les verrous qui sont autant d’obstacles au développement.
Assouplir, autoriser l’urbanisation et permettre les changements de destination de certains biens à des fins d’habitation dans nos zones hyper-rurales constitue une réponse adéquate. Cependant, appliquer à tous les territoires la même règle, c’est la double peine !
Les territoires ruraux ont subi pendant des années l’absence de véritable politique d’aménagement du territoire et un recul constant des services publics. Est-il juste aujourd’hui de leur refuser de construire au motif qu’ailleurs nous avons consommé trop d’espace ?
La loi ne peut pas nous priver du droit à l’accueil dont ont bénéficié pendant longtemps les métropoles et les agglomérations. Notre législation doit être adaptée. Tel est l’objectif de ce texte, d’autant que les garde-fous qu’il instaure apportent des garanties quant à la préservation des paysages, des espaces naturels et agricoles.
En ce qui concerne l’extension du dispositif Denormandie dans l’ancien, je m’interroge sur son recentrage sur les communes rurales qui disposent d’un fort taux de vacance. À mon avis, cette disposition rate sa cible. Nous proposerons donc un amendement visant à l’étendre aux autres communes peu denses ayant un besoin de logement avéré.
Pour autant, je partage l’idée que nous devons nous interroger sur ces 100 000 logements qui deviennent vacants tous les ans. C’est en traitant cette question que nous préserverons nos terres de l’artificialisation et non en mettant sous cloche les territoires peu peuplés.
Certes, les dispositions du projet de loi 3DS faciliteront quelque peu l’acquisition des biens sans maître ou des biens abandonnés. Mais pour être efficace, il faut des mesures fiscales en faveur de la rénovation de l’existant. Nous savons que l’inadaptation des logements anciens aux besoins actuels et le coût de leur rénovation sont des freins à l’acquisition.
Enfin, je précise que nous sommes également favorables à l’article 6 relatif aux troubles inhérents aux activités agricoles.
Pour conclure, je remercie les auteurs de la proposition de loi. Le texte répond à une préoccupation constante des élus qui se démènent pour maintenir la vie dans leurs villages. Ayons toutefois toujours à l’esprit que nos difficultés ne se limitent pas à l’habitat.
Nous avons également des besoins urgents en termes d’infrastructures, de services publics, de commerces de proximité, d’emplois. Toutefois, nous allons dans la bonne direction. Le groupe RDSE votera donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
13
Souhaits de bienvenue d’une délégation parlementaire turque
M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur, une délégation de la Grande Assemblée nationale turque conduite par M. Mehmet Kasım Gülpinar, président du groupe d’amitié Turquie – France. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la secrétaire d’État, se lèvent.)
Elle est accompagnée par M. Jean-Claude Requier, président du groupe d’amitié du Sénat.
Après des entretiens à l’Assemblée nationale, la délégation a assisté au Sénat au colloque co-organisé par le groupe d’amitié et le comité France – Turquie sur les cent ans du traité d’Ankara.
Cet accord signé, le 20 octobre 1921 par le ministre des affaires étrangères du Gouvernement de la Grande Assemblée nationale de Turquie, Yusuf Kemal, et l’envoyé spécial du Gouvernement français, Henri Franklin-Bouillon, mit fin immédiatement à l’état de guerre entre la France et le Gouvernement de la Grande Assemblée nationale de Turquie.
La France ouvrait ainsi la voie à la reconnaissance internationale de la Turquie nouvelle du Gouvernement de M. Mustafa Kemal.
La délégation turque vient d’avoir des entretiens avec le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, M. Christian Cambon, et avec le vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat, M. André Reichardt.
Cette visite renoue avec une relation essentielle pour la stabilité, la sécurité et la prospérité de nos deux pays.
Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à M. Mehmet Kasım Gülpinar et à sa délégation la plus cordiale bienvenue au Sénat français. (Applaudissements.)
14
Favorisation de l’habitat en zones de revitalisation rurale
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi tendant à favoriser l’habitat en zones de revitalisation rurale tout en protégeant l’activité agricole et l’environnement.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui traite d’un réel problème pour nos territoires : la déprise démographique des zones rurales. Les contraintes en matière d’urbanisme peuvent freiner le développement de ces territoires. Tel est le constat des auteurs de ce texte, auquel nous ne pouvons que souscrire.
Il faut en effet trouver un équilibre entre le développement de l’habitat, des activités et des services à la population, tout en protégeant l’activité agricole et l’environnement.
Je tiens d’abord à saluer le travail de la rapporteure qui, par ses propositions, a fait évoluer le texte sur deux points sur lesquels nous avions une position défavorable.
Le premier point concerne le périmètre retenu, celui des ZRR, pour faciliter l’accès à l’habitat dans les territoires en déprise démographique.
Ce périmètre ne nous paraissait pas pertinent pour trois raisons. Tout d’abord, parce qu’une réflexion doit être prochainement engagée pour réviser les dispositifs zonés. Ensuite, parce qu’il n’inclut pas l’ensemble des territoires ruraux. Enfin, parce que les ZRR comprennent des communes très diverses, qui ne rencontrent pas les mêmes difficultés.
Nous sommes donc favorables au fait de viser les communes rurales peu denses en déprise démographique, plutôt que les ZRR.
Malgré une réécriture resserrée de l’article 2, la possibilité prévue dans la proposition de loi d’autoriser les constructions sur les terrains comprenant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole nous inquiète. Nous craignons que le mitage et l’habitat diffus ne s’en trouvent favorisés.
Le deuxième point de blocage portait sur l’article 4, qui prévoyait d’appliquer le dispositif Pinel aux ZRR. Nous n’y étions pas favorables, car nous estimons, comme la rapporteure, que le dispositif Denormandie dans l’ancien, qui est un avantage fiscal en faveur de la rénovation du bâti, est plus adapté aux spécificités des territoires ruraux.
Depuis le début de la pandémie, nos concitoyens ont redécouvert le potentiel offert par l’habitat en zone rurale.
Afin de parvenir à un équilibre, il est donc indispensable de ne pas accentuer les inégalités territoriales. Il faut, au contraire, préserver nos communes rurales tout en leur permettant de se développer pour conserver leur population ou en accueillir de nouvelles.
Cela passe certes par le développement de l’habitat, mais pas seulement. La déprise démographique ne résulte pas uniquement d’un manque de logements ou de contraintes trop importantes en matière d’urbanisme. Permettre l’arrivée d’une nouvelle population nécessite aussi l’implantation d’activités, de services et d’infrastructures.
L’objectif de la proposition de loi telle qu’elle ressort des travaux de la commission est bien d’accompagner nos territoires pour qu’ils disposent des outils nécessaires au renouvellement de leur patrimoine existant et au développement de leur attractivité.
Nous sommes donc favorables à ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, qui ne connaît pas le maire d’une petite commune désabusé parce que les services de l’État lui ont refusé un permis de construire ? Pour ma part, j’en connais un certain nombre, si bien que je ne peux que porter un regard bienveillant sur cette proposition de loi.
M. Laurent Duplomb. Bien !
M. Bernard Buis. Ce texte cible en effet un blocage que je rencontre trop souvent, d’autant que depuis la crise sanitaire les spéculations vont bon train sur une « dé-métropolisation » de la France.
Avec l’émergence du télétravail et des tiers lieux, les grandes villes pourraient être boudées au profit de nos campagnes. La vacance de nombreux logements résultant de la déprise démographie constatée dans certains de ces territoires offre en effet une opportunité aux néoruraux.
Comment répondre à cette nouvelle demande ? C’est peut-être sur ce point que nous divergeons.
La proposition de loi prévoit de permettre à n’importe quelle commune en déprise démographique, disposant ou non de documents d’urbanisme, de déroger au droit de l’urbanisme. Elle offre ainsi des assouplissements en matière de construction nouvelle, d’adaptation du bâti et de changement de destination, en particulier dans les zones naturelles, agricoles et forestières.
Le texte prévoit également l’extension à ces zones en déprise du dispositif Denormandie dans l’ancien, qui est aujourd’hui réservé aux communes bénéficiant du programme Action cœur de ville, afin d’inciter à la remise en état du bâti ancien dégradé. Nous pourrions nous accorder sur ce point.
Permettez-moi néanmoins de vous faire part de mes interrogations.
À mon sens, ce texte avantage en premier lieu les communes régies par le règlement national d’urbanisme. Elles sont environ 10 000, mais que va-t-on dire aux 25 000 autres, soit 70 % des communes, qui, elles, ont fait l’effort financier de réaliser un document d’urbanisme ? Contrairement aux idées reçues, toutes ne sont pas des collectivités urbaines richement dotées, loin de là !
Aussi, un tel texte est contraire aux dispositions que nous avons prises pour lutter contre l’artificialisation des sols, qui figurent tout de même dans une cinquantaine d’articles de la loi Climat et résilience. Rappelons que la loi a fixé un objectif national d’absence d’artificialisation nette d’ici à 2050.
Dit autrement, déroger au droit de l’urbanisme, c’est favoriser le mitage par l’installation de bâtiments ou de logements dans le paysage rural, sans lien avec le schéma de cohérence territoriale et en totale contradiction avec la loi Littoral ou la loi Montagne.
Enfin, dans les communes régies par le RNU, si on ne peut pas construire en dehors des espaces attribués, on peut tout à fait bâtir en fonction des besoins de la commune. Il est par exemple possible de changer la destination des bâtiments agricoles pour en faire du logement ou de construire de nouveaux bâtiments à usage d’habitation dans le périmètre de bâtiments agricoles existants. Et surtout, pour éviter la perte démographique, il est possible de construire en dehors des espaces urbanisés sur délibération motivée de la commune.
Mes chers collègues, je veux que l’on puisse trouver des solutions pour nos maires qui connaissent ces difficultés, mais les dispositifs ici proposés sont disproportionnés et inéquitables pour l’ensemble de nos collectivités. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Vous aviez bien commencé, mais ça termine mal !
M. Bernard Buis. Il est nécessaire de travailler avec le Gouvernement pour trouver des solutions pertinentes. Ainsi, pourquoi ne pas prévoir un dispositif d’incitation en direction des maires souhaitant réaliser un document d’urbanisme ?
En attendant, certains sénateurs de mon groupe ont choisi de s’opposer à ce texte. D’autres, dont je fais partie, considérant que la proposition de loi pose de bonnes questions, préfèrent s’abstenir.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à Murat, en 2004, le président de la République Jacques Chirac évoquait « l’attachement de notre pays à une ruralité moderne ». Je pense que c’est toujours le cas – j’ajouterai, en le paraphrasant quelque peu, à une ruralité heureuse – quand je vois l’énergie que sont prêts à déployer nos territoires les plus ruraux pour relever le défi du dynamisme et de l’attractivité.
Cette proposition de loi est importante, car elle traduit une volonté de permettre à nos territoires les plus ruraux de faire face aux défis actuels en matière d’urbanisme. Je tiens à saluer notre collègue Pierre Louault pour son engagement, ainsi que la commission des affaires économiques, dont le travail a permis d’affiner ce texte.
Depuis quelques années, les territoires ruraux retrouvent une certaine vitalité et sont de plus en plus attractifs. La pandémie que nous traversons a accentué cette tendance.
À titre d’exemple, dans l’Aveyron, comme ailleurs, nous avons fait des efforts importants afin de gagner en attractivité. Ainsi, la fibre sera installée dans tout le département, un an et demi avant l’échéance du plan Macron. Nous assistons au retour volontaire de personnes pour lesquelles la qualité de vie redevient centrale. Ces dernières sont même prêtes à s’engager dans un métier leur offrant une rémunération inférieure pour profiter de la qualité de vie de nos départements ruraux. Les citoyens qui y habitent ont les ressources pour faire évoluer notre pays et ses territoires. Ils sont attachés au développement des bassins de vie et souhaitent y impulser un nouveau dynamisme.
Néanmoins, nous faisons face au problème majeur de l’artificialisation des sols. Notre pays a amorcé une transition nécessaire dans bien des domaines. Nous ne nions absolument pas l’importance de freiner la consommation de nos sols, mais force est de constater qu’une grande partie de celle-ci est le fait de départements très urbanisés.
Le constat, qui trouve sa traduction dans ce texte, est le suivant : certaines règles d’urbanisme sont trop strictes pour les territoires hyper-ruraux, alors que ces derniers ne représentent qu’une infime partie de la consommation nationale des sols. Nous en avons discuté lors de l’examen du projet de loi Climat et résilience sans parvenir à des mesures de freinage suffisamment différenciées. Un tel freinage est pourtant crucial.
Nous devons pouvoir accueillir de nouveaux arrivants et surtout permettre à ceux qui le souhaitent de s’installer et de travailler à l’endroit de leur choix. Autoriser de nouvelles constructions et faciliter la réhabilitation des bâtis existants en hyper-ruralité : voilà les clefs du problème.
Le travail qui a été effectué sur l’article 2 de la proposition de loi est très juste. En effet, le périmètre des ZRR n’était pas assez précis et l’avenir de ces zones, qui ont déjà été prolongées, était plutôt incertain au-delà de 2022.
Se concentrer sur les communes peu denses en déprise ou en stagnation démographique, ou encore en reprise démographique lente, c’est donner la possibilité à ces territoires de survivre. C’est apporter de l’équilibre et de la flexibilité au rythme de freinage. Enfin, ce n’est que justice pour des territoires qui sont confrontés à un paradoxe : un regain d’attractivité et une impossibilité d’accueil. Pour redonner du dynamisme à notre hyper-ruralité, il faut rompre ce cercle vicieux.
La rénovation et la réhabilitation étant parfois trop hors de prix, elles ne permettent pas à nos concitoyens de faire les investissements nécessaires. Aussi, je salue l’option qui a été retenue non seulement de prolonger le dispositif Denormandie dans l’ancien, mais surtout de l’étendre à d’autres bénéficiaires. Les centres de nos petites villes et de nos villages, ainsi que nos centres-bourgs, en ont grandement besoin.
Enfin, il nous apparaît primordial de laisser les acteurs locaux, les maires, cibler leurs besoins en matière de revitalisation rurale. C’est synonyme de réussite pour le développement de nos territoires ruraux.
Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc de la commission.)