Mme le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
Article 1er
Mme le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 60, première phrase
Remplacer les mots :
la société d’aménagement foncier et d’établissement rural
par les mots :
l’autorité administrative compétente
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, madame la présidente, ma présentation vaudra pour les quatre amendements du Gouvernement : ce sont tous des amendements de clarification rédactionnelle ou de coordination juridique.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements déposés par le Gouvernement ?
M. Olivier Rietmann, rapporteur. La commission n’a pas eu temps de se réunir, mais j’émets, à titre personnel, un avis favorable sur tous les amendements.
Mme le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 63, dernière phrase
1° Remplacer la première occurrence du mot :
Le
par les mots :
L’exception prévue au
2° Remplacer le mot :
laissé
par le mot :
accordé
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis favorable de la commission.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 67
Remplacer le mot :
proposer
par les mots :
mettre en œuvre
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis favorable de la commission.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. Sur les articles 1er bis à 3, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
article 5
Mme le président. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Au début
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Le livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du IV de l’article L. 312-1, après la référence : « 3° », sont insérés les mots : « du I » ;
II. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° L’article L. 331-3-1 est ainsi modifié :
II. – Alinéa 2
Remplacer la mention :
1°
par la mention :
a)
IV. – Alinéa 3
Remplacer la mention :
2°
par la mention :
b)
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis favorable de la commission.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. Sur les articles 5 bis à 7, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer nos doutes et nos déceptions tout au long de l’examen de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers des structures sociétaires.
Aussi éviterai-je d’entrer trop dans les détails, pour ne rappeler que les faits les plus essentiels et finir par un peu de prospective.
Globalement aligné sur la version votée au Sénat, le texte adopté à l’issue du travail conjoint des députés et sénateurs en commission mixte paritaire a permis de faire évoluer certains points : déclenchement du contrôle à 1,5 fois le seuil au lieu de 2 fois – notre groupe souhaitait le déclenchement à 1 fois le seuil ; pas de pondération en fonction du nombre d’associés ; absence de traitement spécifique pour les indivisions ; pas d’exemption pour les salariés d’exploitation agricole en cours d’installation ; pas d’obligation de notification aux interprofessions ; rétablissement, dans une nouvelle écriture, de l’article 5.
Quelques-unes des mesures allant dans le sens d’un modèle de ferme que nous connaissons actuellement vers un modèle de type « firme » ont également été maintenues : exemptions pour les cessions intrafamiliales jusqu’au quatrième degré de parenté, ainsi que pour les personnes liées par un pacte civil de solidarité (Pacs), possibilité pour les parties de réaliser des compensations amiables sans avis des Safer.
Le texte résultant de nos travaux est donc encore plus libéral que celui que nous avons examiné à son arrivée au Sénat. La proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale ne nous convenait pas : elle nous convient encore moins après cette commission mixte paritaire. Nous voici encore une fois face à une occasion manquée !
Cette proposition de loi conserve de nombreux angles morts : le détournement du travail à façon et celui du droit des sociétés, deux sujets pourtant cruciaux qui n’ont pas du tout été abordés dans ce texte. Le statut de l’actif agricole, dont nous sommes nombreux à demander la clarification a été, lui aussi, consciencieusement oublié.
Deux piliers nous semblent pourtant fondamentaux pour rétablir de l’équité dans la répartition des terres agricoles : le maintien d’une agriculture diverse et familiale au détriment des monopoles et la supériorité du facteur humain face au jeu des capitaux. Sans ces deux conditions, aucune politique des structures responsable ne verra le jour. Et ce n’est certainement pas cette proposition de loi qui nous en donnera l’occasion !
Non, la terre n’est pas une valeur marchande comme les autres. Je rappellerai, sur ce point, la mise en garde d’Edgar Pisani : « Le maintien des biens de la nature parmi les biens marchands nous conduira à l’accélération des phénomènes menaçants dont nous sommes déjà les témoins. »
L’accaparement des terres est un phénomène que l’on observe à travers le monde, et bien entendu dans notre pays. Il est le fait non pas seulement de l’avidité d’investisseurs étrangers, aussi de nos propres agriculteurs. C’est une problématique très ancienne, contre laquelle le législateur a toujours lutté.
C’est un fait, chers collègues, l’inégalité du partage de la terre et les processus d’accaparement sont des facteurs d’instabilité politique, économique et sociale. L’enrichissement de quelques-uns se traduit par une fragilisation économique collective, et les spécialisations excessives qui en découlent ont des effets négatifs sur le plan agronomique.
Dès lors, encourager les dérives du libéralisme en ce qui concerne un bien commun si précieux ne fera qu’accentuer cette instabilité. Est-ce vraiment ce que nous voulons ?
Les Safer ont régulièrement alerté les pouvoirs publics sur les conséquences d’une dérégulation exponentielle, alors que près de la moitié des agriculteurs seront partis à la retraite d’ici à dix ans. Cela ne permettra pas de créer les conditions favorables au développement de l’agroécologie, donc d’obtenir une nourriture de qualité pour tous, tout en protégeant la biodiversité et en luttant contre le changement climatique.
Il n’y aura pas d’agroécologie sans relève, et cette dernière sera impossible sans une politique foncière juste. Il faut donc permettre un accès à la terre à la nouvelle génération grâce au partage, au portage et au financement du foncier agricole.
Un texte digne de répondre aux enjeux fonciers, ce que nous n’avons pu obtenir, aurait tenu en très peu de points.
Tout d’abord, il aurait permis de réguler l’ensemble des marchés fonciers, en assurant leur transparence, leur contrôle et leur orientation sur l’usage et la propriété.
Ensuite, il aurait précisé le statut de l’actif agricole et celui du fermage dans sa dimension sociale et environnementale. Par ailleurs, il aurait tendu vers l’objectif de zéro artificialisation nette, avec des règles d’urbanisme cohérentes et une fiscalité limitant la spéculation. De plus, il aurait permis de moderniser et de démocratiser les instruments de prospective et de mise en œuvre des politiques foncières.
Enfin, parce que nous ne vivons pas sur un continent isolé et que le phénomène d’accaparement des terres, comme je l’ai souligné, se constate dans de nombreux pays, parfois à des degrés encore plus inquiétants qu’en France, un tel texte aurait mis l’accent sur le traitement international de la question, qui devient urgent.
Cette idée rejoint un principe simple qui devrait d’ailleurs figurer dans la loi : le sol, comme les autres ressources naturelles, est un bien qui ne saurait profiter à quelques-uns au détriment de tous.
Tel est le vœu de nombreuses organisations professionnelles, des représentants des collectivités territoriales et des ONG, mais aussi d’une part de plus en plus grande de nos concitoyens. C’est aussi le nôtre.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain persistera donc à désavouer ce texte qui ne correspond en rien aux principes je viens d’énoncer, lesquels nous paraissent pourtant fondamentaux pour répondre aux enjeux de notre agriculture et préserver nos terres agricoles. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le masque se porte sur le nez, sinon il ne sert à rien !
M. Laurent Duplomb. On le sait…
Mme le président. Aujourd’hui, personne ne peut plus dire que ces consignes sont inutiles. (M. Laurent Duplomb s’exclame.) Je vous remercie donc de les respecter.
La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’agissant de cette commission mixte paritaire, je dirais : et une plus !
Après l’accord sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, après l’accord sur la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Égalim 2, après l’accord sur la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale, nous nous accordons une fois de plus, mais cette fois pour la régulation du foncier agricole.
Que de succès, mes chers collègues ! Saluons l’esprit constructif et de compromis qui anime notre commission des affaires économiques, en particulier sa présidente, qui sait dialoguer, débattre et avancer avec ses interlocuteurs, à savoir les parlementaires de tous bords, mais aussi le Gouvernement. J’en profite également pour saluer notre ministre, qui n’a jamais compté ses heures pour échanger avec nous et dont nous connaissons tous la force de persuasion.
Comme vous le savez sans doute, il n’aura fallu que deux heures pour que la fumée blanche sorte de notre commission mixte paritaire, ce mercredi 1er décembre, à dix-huit heures quarante-cinq. Il faut dire que, en amont, les échanges ont été quotidiens.
Notre rapporteur, Olivier Rietmann, a été lui aussi maître dans l’art de la négociation. Il a su convaincre le rapporteur de l’Assemblée nationale des apports du Sénat, qui ont souvent été compris par la majorité au Palais-Bourbon. Jean-Bernard Sempastous et Nicolas Turquois, constructifs et pragmatiques dans leur approche, n’ont pas démérité et ont su avancer sur toutes les lignes qui paraissaient encore difficilement franchissables la veille de la commission mixte paritaire.
Sans dévoiler le contenu des conciliabules qui se sont tenus pendant cette réunion, je puis vous assurer que seul a compté l’intérêt de nos agriculteurs. C’est donc uniquement la cohérence de la régulation proposée qui a prévalu.
Chacun a su faire un pas vers l’autre, ce qui nous a permis, finalement, de parvenir à un texte une nouvelle fois salué par les organisations interprofessionnelles concernées.
Parmi les principaux compromis à souligner, je reviendrai sur le seuil de déclenchement grâce auquel le préfet actera le contrôle des cessions de parts sociétaires. Il est finalement situé entre 1,5 et 3 fois la surface agricole utile régionale moyenne, ce qui nous convient parfaitement dans la mesure où les opérations significatives ne pourront pas échapper au dispositif de contrôle.
Concernant les exemptions, c’est le Sénat qui a été écouté. Elles s’étendent jusqu’au quatrième degré, pour y inclure les cessions aux cousins germains. De même, nous accordons ce bénéfice aux couples mariés et pacsés, ainsi qu’aux associés dès lors que ceux-ci sont exploitants à titre principal.
Pour ce qui est du dispositif des mesures compensatoires, la compensation pourra naturellement passer par la Safer, mais elle pourra aussi avoir lieu par voie amiable avec le préfet, si le demandeur souhaite la réaliser seul en proposant un candidat. Les députés ont souhaité qu’une attestation de réalisation des engagements soit apportée par le pétitionnaire pour que la cession de part soit bien valide.
Par ailleurs, nous avons abouti à un compromis sur le point le plus ardu des discussions, à savoir la non-intervention commerciale des Safer sur les dossiers qu’elles ont instruits. Là encore, chaque partie a su faire preuve d’une grande sagesse. L’impossibilité faite aux Safer d’intervenir sur les dossiers sera limitée à un an, au lieu des neuf années initialement prévues ; un certain nombre de dérogations à cette règle laissent penser que le sujet est suffisamment encadré.
Enfin, à la demande de la majorité de l’Assemblée nationale, l’article 5 a bien été rétabli, mais remanié. Le dispositif vise à renforcer l’efficacité du contrôle des structures, en permettant au préfet de renforcer ses prérogatives. En effet, en cas d’absence de concurrents et si le projet d’agrandissement est jugé excessif, le préfet aura la possibilité, après avis de la commission départementale d’orientation agricole (CDOA), de suspendre durant un an le délai d’instruction. Ce délai allongé permettra de laisser plus de temps à d’autres candidats pour se positionner.
Ces compromis nous semblent justes, pertinents et équilibrés. En définitive, le texte de Jean-Bernard Sempastous, qui porte cette réforme depuis de longues années, est une étape décisive pour l’accès au foncier agricole, en direction de nos jeunes agriculteurs.
Ne boudons pas ce plaisir et félicitons-nous de ce travail transpartisan ! Continuons sur ce chemin vertueux en vue du projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.
Bien évidemment, notre groupe votera le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires est attaché au dossier du foncier agricole, particulièrement à cette proposition de loi que nous avons travaillée en amont avec mon collègue Franck Menonville et mon ami le député Sempastous.
Le foncier agricole est un sujet urgent sur l’ensemble de notre territoire. Il l’est à plusieurs niveaux. Face à l’artificialisation grandissante des sols dans notre pays et à l’évolution des formes d’exploitation, nous devons préserver ce foncier agricole pour notre souveraineté alimentaire actuelle, mais surtout pour celles des générations futures.
En Haute-Garonne, notre activité agricole est un moteur de vie et d’entretien des espaces naturels. Plus de la moitié de la surface de mon département est cultivée ou en herbage pour l’élevage. Cela concourt à maintenir notre souveraineté alimentaire, notre culture gastronomique incomparable et nos emplois sur un territoire fragilisé.
Nous sommes fiers de nos agriculteurs et de leur savoir-faire. Nous sommes également fiers des évolutions positives qu’ils font vivre aux systèmes agricoles.
Très tôt, l’enjeu du foncier a été posé en France. Nous avons construit des outils de régulation, cités en exemple par nombre d’autres pays. Force est de constater que ces outils, bien qu’ils soient efficaces, doivent être adaptés aux évolutions actuelles.
Notre groupe demeure favorable à une solution d’équilibre entre la nécessaire liberté d’entreprendre et la sécurité issue d’une régulation ajustée.
En première lecture, deux points s’imposaient clairement à nous.
Premièrement, si nous partagions tous le constat qu’il était urgent d’agir pour préserver le foncier agricole, nous n’étions pas tous d’accord sur le sens à donner à cette action.
Deuxièmement, il était essentiel de voter une loi plus large. Depuis le début de l’année, le Parlement a évoqué de nombreux sujets agricoles. Récemment, nous nous sommes attaqués de nouveau aux revenus des agriculteurs. Nous trouvons aujourd’hui des solutions pour le foncier agricole, mais quid demain des dossiers tels que le statut de l’exploitant ?
Nous appelons donc encore de nos vœux une grande loi agricole et nous resterons attentifs à la suite qui sera donnée à ces dossiers.
Quoi qu’il en soit, je salue l’accord trouvé en commission mixte paritaire. De nombreux ajouts adoptés par le Sénat ont été préservés, et le texte demeure équilibré.
Je pense, notamment, à l’article 5 bis, qui tend à prévoir un rapport relatif à l’évaluation du dispositif de contrôle des cessions de titres sociaux. Il est particulièrement nécessaire en ce qu’il permettra une véritable évaluation des dispositions mises en place. Il comportera également de potentielles recommandations sur les évolutions à mettre en œuvre.
Les enjeux liés à l’installation des jeunes et à la transmission familiale des exploitations connaissent également des avancées intéressantes.
Je salue la préservation du quatrième degré concernant l’exonération au dispositif de contrôle des cessions de parts sociétaires que met en place cette proposition de loi. Les exploitations familiales sont nombreuses : il est essentiel qu’il puisse continuer à en être ainsi.
Ce texte laisse également une place centrale aux Safer, qui constituent depuis des décennies un acteur incontournable lorsqu’il s’agit de foncier agricole. Leur rôle est renforcé et prend une importance toute particulière en matière de transparence des mécanismes.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte issu de la commission mixte paritaire. Les réalités du monde agricole n’ont jamais été aussi visibles : la place cruciale qu’il occupe a été particulièrement mise en lumière par la crise que nous vivons.
La protection de notre foncier agricole participe à la préservation de notre souveraineté alimentaire et de notre tradition agricole française. Cela ne doit pas nous empêcher d’adapter notre agriculture en prenant en compte les problématiques rencontrées sur le terrain.
Comme vous l’aviez souligné, monsieur le ministre, ce texte n’est pas suffisant, mais il est nécessaire. Gardons en tête qu’il ne représente que l’une des premières étapes d’un long travail à poursuivre. Soyez certains que nous serons au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aurais pu lire mon discours écrit, mais, au vu de ce qui vient d’être dit, je veux rappeler quelques évidences et quelques faits historiques.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. On l’a énervé ! (Sourires.)
M. Laurent Duplomb. Oui, je suis un peu énervé !
J’ai l’impression que l’on voudrait faire croire que, dans notre pays, le foncier agricole appartient depuis des décennies, voire des siècles, aux agriculteurs. Mais cela revient à oublier que, pendant des siècles, seule une minorité de personnes en étaient propriétaires : les nobles !
Je vous rappelle que la France a été une monarchie pendant des siècles et que, jusqu’à preuve du contraire, les agriculteurs, qui à l’époque étaient des serfs, n’ont jamais eu la possibilité d’être propriétaires. La propriété du foncier n’est devenue réelle pour eux qu’à la fin du XIXe siècle, lorsqu’une personnalité qui sortait de vos rangs, chers collègues de l’opposition, a dit qu’il fallait « faire chausser aux paysans les sabots de la République » : Léon Gambetta.
Pourquoi cette phrase ? Pas pour faire plaisir aux paysans ! Gambetta avait compris que, si la bataille de Sedan avait été un désastre pour la France, c’est parce qu’elle avait été menée, et perdue, par une armée de métier et non par une armée de mobilisés. Aussi, quand il dit qu’il faut faire chausser aux paysans les sabots de la République, c’est bien sûr pour leur permettre d’avoir la propriété d’un lopin de terre, mais c’est aussi et surtout pour leur donner la possibilité de travailler avec passion ce lopin de terre, de sorte qu’ils le défendent en vertu de leurs propres convictions, et non seulement par patriotisme.
Que ceux qui doutent de ce que je dis aillent regarder les monuments aux morts de la guerre de 14-18 et qu’ils lisent les noms qui y sont inscrits : les morts étaient à 90 % des paysans, qui se battaient pour défendre leur lopin de terre, et pas autre chose.
Aujourd’hui, on se demande comment répartir de façon harmonieuse la terre agricole. Je ne nie pas les réalités de certaines problématiques relatives au foncier, mais je me refuse à en faire des généralités. Monsieur Médevielle, je me refuse à penser que l’on a besoin de faire une grande loi foncière si c’est pour revenir sur le statut du fermage, car, comme je l’ai dit au début de la discussion de ce texte, je ne suis pas d’accord avec cette idée.
Le statut du fermage a été le seul moyen qui permettait aux agriculteurs d’être assurés d’une certaine durée, de ne pas être soumis aux diktats des propriétaires et de ne pas voir leur travail accompli pendant des années réduit à néant un 31 mars, parce qu’ils étaient fichus dehors.
Je ne veux pas non plus d’une loi foncière qui ferait du foncier agricole chèrement acquis par les agriculteurs au moment de la guerre de 14-18 un bien commun, sur l’utilisation duquel tout le monde pourrait donner son avis. Je me refuse à cela !
Au contraire, je me réjouis, monsieur le ministre, que l’on ait fait une réforme a minima, parce que, quand on touche à la problématique du foncier, on ne sait jamais où le débat va mener, particulièrement en ce moment où soufflent tant de vents mauvais, tant de vents contraires.
Alors que l’on veut soi-disant faire le bonheur des paysans, on finirait par en faire encore un peu plus le malheur. Je salue Olivier Rietmann et le remercie du travail qu’il a réalisé sur cette loi, laquelle a permis de rééquilibrer les choses. Finalement, l’accord qui a été trouvé – non sans peine, monsieur le ministre, surtout la dernière journée ! –…
M. Laurent Duplomb. … permet de rapprocher la décision du territoire, de garantir la fluidité des transactions tout en les contrôlant pour garantir un meilleur fonctionnement du marché foncier agricole et, comme l’a rappelé la présidente Sophie Primas, de réaffirmer notre attachement au modèle agricole familial.
Que tous ceux qui pensent que l’agriculture française est industrielle et trop productiviste aillent sur les territoires voir à quel point les agriculteurs se battent passionnément, se serrent fortement la ceinture et ne partent volontairement pas en vacances pour économiser et acheter du foncier. Voilà ce qu’il faut respecter et accepter !
Le groupe Les Républicains votera pour cette loi. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Françoise Férat et M. Bernard Buis applaudissent également.)
M. Daniel Gueret. Bravo !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Excellent !
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme en première lecture, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne peut que faire part de sa déception sur la proposition de loi, qui ne parviendra pas à mettre en place une régulation efficace et équitable de l’accès au foncier, pourtant nécessaire à la transition de notre système agricole.
Un accès partagé aux terres agricoles est en effet un enjeu majeur à l’heure du renouvellement des générations et du développement d’une financiarisation du foncier qui menace l’installation et la consolidation de fermes familiales, à taille humaine.
Certes, cette proposition de loi vient répondre à une véritable problématique : l’absence de contrôle sur les transferts de parts de sociétés agricoles, qui permettait de contourner les dispositifs de régulation que sont la Safer et le contrôle des structures, ouvrant ainsi la voie à une concentration foncière importante.
Néanmoins, pour corriger cet angle mort de la réglementation, la voie choisie dans ce texte est l’instauration d’un dispositif de contrôle faible, incomplet et trop facilement contournable, qui sera donc au mieux inefficace, au pire contre-productif.
En effet, notre diagnostic reste le même qu’en première lecture : via l’institutionnalisation d’un système de deux poids deux mesures entre le contrôle s’appliquant aux sociétés et celui des personnes physiques, c’est tout le système de régulation foncière qui est affaibli.
Selon nous, le seuil de déclenchement du contrôle devrait être identique à celui du contrôle des structures, à la fois pour garantir une égalité de traitement et pour proposer une véritable régulation. Le seuil proposé par la commission mixte paritaire reste trop élevé. La proposition de loi devrait avoir pour objectif non de lutter contre de très grands agrandissements, jugés excessifs, mais de donner une vraie priorité à l’installation.
De même, le texte de la commission mixte paritaire conserve de nombreuses exemptions permettant d’échapper au contrôle, dont une partie, ajoutée par le Sénat, autorisera des agrandissements, notamment au moment du départ à la retraite d’associés.
De plus, le système de mesures compensatoires qui est proposé reste pour nous inacceptable. Sur le principe, nous n’étions pas d’accord avec l’idée de donner un blanc-seing à de grands agrandissements, sous prétexte de laisser quelques hectares pour une installation. Nous contestons aussi sa mise en œuvre, qui nous apparaît insuffisamment encadrée dans la version issue de la commission mixte paritaire.
On le sait, dans le secteur foncier, des acteurs cherchent trop souvent à utiliser à leur profit les failles des systèmes de régulation. Avec ce texte, je crains que les garde-fous ne soient insuffisants pour éviter ces dérives.
Enfin, la rédaction de l’article 5 est pour nous un recul par rapport à sa version initiale : un délai supplémentaire pourrait ne pas suffire à débloquer des situations où ce sont des prix dissuasifs qui découragent les candidatures concurrentes. Cette mesure peut constituer une modeste amélioration, mais nous regrettons que la version de l’Assemblée nationale, seule véritable avancée du texte pour l’installation, n’ait pas été conservée.
Par ailleurs, comme nous l’avions souligné en première lecture, le fait que le texte ne comporte pas de dispositions sur le travail délégué ou sur les investissements étrangers contribue, là aussi, à lui faire rater sa cible.
Nous partageons le constat d’organisations agricoles et d’ONG, qui estiment que le texte ne permettra pas de renverser la tendance à l’agrandissement des fermes, tendance qui, malheureusement, continuera également d’être nourrie par la nouvelle PAC, avec les conséquences que l’on connaît pour l’emploi paysan et la vie des territoires.
Alors que les consommateurs réclament des productions locales diversifiées et de qualité, ainsi que des paysages préservés et riches en biodiversité, et alors que de plus en plus de porteurs de projet, souvent non issus du milieu agricole, souhaitent répondre à cette demande, nombre d’entre eux renonceront à leur projet faute de trouver des terres pour s’installer.
C’est toute une dynamique présente sur les territoires qui ne demande qu’à être encouragée, et que ce texte ne viendra pas accompagner.
Nous souhaitons une politique foncière transparente et équitable, qui permette le renouvellement des générations et la création d’emplois sur les territoires, une politique qui permette d’assurer, par la multiplication de fermes diversifiées et à taille humaine, notre souveraineté alimentaire et la transition agroécologique.
Ce texte constitue, à cet égard, pour reprendre les mots de notre collègue Christian Redon-Sarrazy, une occasion manquée, et c’est donc avec regret que nous nous y opposerons une nouvelle fois.
Pour revenir sur les propos de Laurent Duplomb, si la possession du foncier conduit à de grandes boucheries comme la guerre de 14-18, je pense que les communs ont de réels attraits et que nous devons accompagner l’évolution en ce sens. (M. Franck Montaugé applaudit. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)