M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. C’est une réponse que j’aurais pu écrire, madame la ministre… Il ne s’agit pas de refaire le débat sur la LPR. Malheureusement, la réalité des faits ne correspond pas du tout à vos déclarations.
Aujourd’hui, les universités sont face à une crise comme jamais elles n’en ont connu. Elles sont au bord de la banqueroute. Je pense notamment à l’université de Nanterre, dans mon département, qui a le taux d’encadrement le plus faible de France.
J’aurais espéré que vous me répondissiez avec les mots de la ministre chargée de la recherche. Selon elle, « l’excellence ne peut pas se décliner sur un moule unique ; on ne peut pas piloter la diversité de l’enseignement supérieur avec le classement de Shanghai. » En cela, je suis tout à fait d’accord avec elle. Toutefois, avec les 800 millions d’euros apportés…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Ouzoulias. Désolé d’être trop long, monsieur le président. J’ai terminé !
protection de l’enfant face à un parent violent
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, auteur de la question n° 1946, transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-François Rapin. Madame la ministre, la convention internationale des droits de l’enfant précise : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, […] l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »
Depuis 2009, de nombreuses évolutions législatives et réglementaires ont permis de renforcer la sécurité des femmes victimes de violences conjugales. Toutefois, un vide juridique demeure concernant les enfants. Ces derniers sont pourtant au cœur du foyer et subissent quotidiennement les répercussions de ces agressions domestiques, avec un risque traumatique non négligeable.
En 2019, le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Grevio) constatait que la France n’appliquait que trop rarement les dispositifs législatifs existants permettant de faire primer l’intérêt et la sécurité de l’enfant dans les décisions de justice, notamment concernant les droits de visite et de garde.
Les auteurs du rapport soulignaient également la nécessité urgente de fonder les politiques et les pratiques, en reconnaissant que, dans un contexte de violences conjugales, l’exercice conjoint de la parentalité, ainsi que le maintien des droits de visite, était un moyen pour l’agresseur de continuer à maintenir l’emprise et la domination sur la femme et sur ses enfants.
Cette année, l’Espagne a adopté deux lois apportant une réponse concrète aux constats soulevés par le Grevio. Aujourd’hui, il est indispensable que le Gouvernement puisse agir en ce sens, afin de protéger l’intérêt supérieur des enfants vivant des agressions domestiques.
Une proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants avait été déposée par les députés du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale. Elle fut examinée en octobre 2019, mais le Gouvernement se montra frileux, craignant notamment une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) si l’autorité parentale du parent violent était automatiquement suspendue. Pourtant, à ce jour, l’Espagne ne fait l’objet d’aucune poursuite malgré ses évolutions législatives.
L’heure du bilan n’a pas encore sonné ; il est encore temps d’agir ! Madame la ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il de renforcer l’arsenal juridique visant à protéger les enfants et le parent, covictimes de violences conjugales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Jean-François Rapin, je veux tout d’abord rappeler l’engagement du Gouvernement contre les violences conjugales.
Dès 2017, le Président de la République en a fait la grande cause de son quinquennat. En 2019, avec le Premier ministre Édouard Philippe, nous avons porté un Grenelle des violences conjugales, qui a permis l’adoption de deux lois par les parlementaires, dont celle que vous venez de mentionner. Au total, ce Grenelle a donné lieu à des centaines de mesures, dont plusieurs dizaines au sein de ces deux lois.
Ces textes sont venus compléter les dispositions de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, dite « loi Schiappa », dans laquelle, sur l’initiative de Mme la députée Alexandra Louis et grâce au concours de Mme la sénatrice Marie Mercier, figurent des dispositions visant à mieux protéger les enfants ; le fait de commettre des violences conjugales en présence d’enfants est notamment devenu une circonstance aggravante desdites violences.
Les lois du 28 décembre 2019 et du 30 juillet 2020 ont tiré les conséquences de cette approche, en prévoyant notamment une suspension de plein droit de l’autorité parentale en cas de poursuites pour homicide volontaire sur l’autre parent. Je tiens à le rappeler, car je ne veux pas que l’on puisse laisser entendre que ce ne serait pas le cas aujourd’hui !
Cette disposition nous avait été inspirée par une triste affaire : l’assassinat de Julie Douib par son ex-compagnon. Celui-ci avait, depuis sa prison, conservé l’autorité parentale sur ses enfants, élevés par leurs grands-parents. Aujourd’hui, cette suspension de plein droit de l’autorité parentale figure dans la loi.
Vous savez, monsieur le sénateur, que le droit français ne prévoit pas de peines automatiques, quel que soit le crime ou le délit. Nous avons eu de tels débats dans cet hémicycle, et les sénateurs se sont toujours opposés au principe même des peines automatiques.
Rappelons en revanche que le juge des libertés et de la détention a l’obligation de se prononcer, dans le cadre d’un contrôle judiciaire pour violences conjugales, sur la suspension du droit de visite. En outre, le juge pénal peut retirer l’exercice de l’autorité parentale en cas de commission d’un crime ou d’un délit, ou encore en cas de mise en danger de la vie de l’enfant ou de désintérêt.
Cela dit, monsieur le sénateur, je veux aller dans votre sens en affirmant que nous devons, en France, travailler à sortir de la culture de la médiation familiale en la matière, afin d’assurer, comme vous le souhaitez, une meilleure protection des enfants face à un parent qui serait dangereux.
Les juridictions se sont d’ores et déjà saisies des dispositions législatives que j’ai évoquées : le nombre de décisions de retrait de l’autorité parentale a considérablement augmenté, passant de 9 décisions en 2017 à 389 depuis le début de l’année 2021 ; on voit donc bien que le travail conjoint des associations, des parlementaires et du Gouvernement a porté ses fruits.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Enfin, un décret a été publié cette année, afin de compléter et de renforcer ces dispositions et de toujours mieux protéger les enfants contre les violences intrafamiliales.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.
M. Jean-François Rapin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je suis heureux que vous reconnaissiez que nous n’allons pas assez loin en la matière et que vous conveniez que les mesures de médiation ne sont pas forcément la panacée. Je vous remercie de permettre à la législation d’évoluer.
réseaux d’éducation prioritaire en zones rurales fragiles
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, auteur de la question n° 1904, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Olivier Rietmann. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur le zonage de l’éducation prioritaire en territoire rural.
Dans l’académie de Besançon, la Haute-Saône compte quatre réseaux d’éducation prioritaire (REP), dans les secteurs de Gray, Lure, Saint-Loup-sur-Semouse et Vesoul. Aucun établissement du département n’est inscrit dans un réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+).
De manière générale, sont inscrits en REP+ les établissements des quartiers ou secteurs isolés connaissant les plus fortes concentrations de difficultés sociales, celles-ci ayant, comme vous le savez, des incidences fortes sur la réussite scolaire.
De fait, le secteur rural de Jussey pourrait facilement entrer dans le champ de l’éducation prioritaire, au regard des indicateurs utilisés d’ordinaire que sont le revenu médian, l’indice d’éloignement, ou encore l’indice de position sociale, mais il s’en trouve exclu du fait de la classification liée à la politique de la ville, qui écarte les zones à faible densité de population. Pourtant, les indicateurs sont parfois plus dégradés à Jussey que dans les zones classées REP+ de l’académie de Besançon.
Malheureusement, l’engagement des collectivités locales et des enseignants, qui mettent tout en œuvre, avec leurs moyens, pour la réussite de ces élèves, ne suffit pas !
Pouvons-nous, dans ces conditions, parler d’égalité des chances ? L’État assume-t-il ses responsabilités envers les enfants de ces secteurs ruraux ? Je ne puis résister à parodier Jean de La Fontaine : selon que vous serez urbain ou rural, l’éducation nationale vous sauve ou vous condamne !
Aussi, madame la secrétaire d’État, ma question est simple : comptez-vous inclure, pour le classement en REP ou REP+, un indice d’isolement et d’éloignement géographique qui permettrait de remédier à la flagrante différence de traitement subie par les enfants des secteurs ruraux défavorisés ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le sénateur Olivier Rietmann, vous nous interrogez sur la nécessité de réviser les critères qui déterminent l’entrée ou la sortie d’établissements en REP et REP+, afin de mieux tenir compte des spécificités des territoires ruraux.
Pour mémoire, Ariane Azéma et Pierre Mathiot se sont vus confier en 2018 et 2019 une mission intitulée « Territoires et réussite », visant à réinterroger les critères de l’éducation prioritaire, ceux-là mêmes que vous venez d’évoquer, de manière bien sûr à mieux tenir compte des spécificités de chaque territoire.
Ils devaient proposer des mesures allant dans le sens d’une plus grande différenciation territoriale dans l’action éducative. Il a ainsi été proposé de prendre en considération l’indice d’éloignement auquel vous faites référence et qui est aujourd’hui utilisé par les autorités académiques et nationales, parmi les différents indicateurs d’analyse territoriale.
Le rapport de cette mission invite à conforter l’éducation prioritaire tout en développant des mesures adaptées à la diversité des besoins territoriaux.
Il a été décidé de ne pas réviser à ce stade la carte de l’éducation prioritaire, mais d’expérimenter deux nouveaux outils, qui devraient permettre d’introduire une plus grande souplesse et une plus grande progressivité dans l’allocation des moyens que celles qui résultent de l’approche binaire du zonage actuel, tout en offrant plus de marges de manœuvre aux autorités locales dans l’identification des territoires cibles.
Les contrats locaux d’accompagnement sont le premier de ces outils ; ils s’adressent aux écoles, aux collèges et aux lycées défavorisés. Cette mesure sera éventuellement élargie à la rentrée scolaire de 2022, en fonction des résultats observés ; quelque 3,2 millions d’euros seront mobilisés dès la présente année scolaire.
Le second outil expérimenté, à savoir les territoires éducatifs ruraux, doit permettre de veiller à la complémentarité des prises en charge pédagogiques des élèves résidant dans des territoires ruraux et éloignés. Cette expérimentation a été lancée en janvier 2021 dans trois académies ; elle concerne aujourd’hui près de 40 000 élèves. Un bilan d’étape a été réalisé.
Notons que ce programme s’inscrit dans le prolongement des conventions ruralité, qui ont permis d’affecter 353 emplois au maintien de l’offre scolaire dans les territoires ruraux.
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Rappelons en conclusion l’engagement présidentiel de ne fermer aucune école sans l’accord préalable des maires. Nous trouverons un juste équilibre en nous appuyant sur ces derniers.
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour la réplique.
M. Olivier Rietmann. Madame la secrétaire d’État, je vous parle d’éducation prioritaire, je vous parle de moyens considérables à mettre en œuvre, je vous parle de la nécessité absolue, pour les enfants des territoires ruraux, de bénéficier des mêmes droits que ceux des territoires urbains, et vous me parlez dans votre réponse des territoires éducatifs ruraux !
Dans le secteur de Jussé, ce programme n’offre que 30 000 euros, sur quatre mois, pour 1 200 élèves. Quel décalage, quelle déconnexion !
M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole, mon cher collègue !
M. Olivier Rietmann. Il faudra aller leur expliquer, madame la secrétaire d’État, le décalage qu’ils subissent en matière de considération ! Je crains qu’ils ne soient pas d’accord avec vous…
M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je demande à chacun d’entre vous de bien vouloir respecter les temps de parole impartis. En effet, nous avons déjà pris du retard sur notre programme.
encadrement des stages de survie
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 1883, transmise à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Yannick Vaugrenard. En août 2020, madame la secrétaire d’État, Ulysse, un jeune homme de 25 ans, décédait lors d’un stage de survie présenté comme une initiation ouverte à tout type de public et encadrée par son organisateur. Or ce véritable phénomène de société – chaque année, entre 100 000 et 150 000 Français s’y inscrivent – ne dispose d’aucun encadrement législatif ou réglementaire.
C’est pourquoi je suis intervenu le 9 mars dernier, dans cet hémicycle, pour demander la mise en place très rapide d’une fédération nationale agréée et de contrôles réguliers des encadrants. En réponse, madame la secrétaire d’État, vous déclariez que le Gouvernement travaillait sur le sujet.
Le 31 mars, lors d’une rencontre à votre secrétariat d’État, vous m’indiquiez que ce dernier était désormais chargé de ce dossier.
Après plusieurs relances, j’apprenais pourtant le 30 août que, contrairement à ce qui m’avait été indiqué, vos services n’étaient pas chargés de cette question. On m’a alors invité à me rapprocher de Mme la ministre déléguée chargée des sports. Le 17 septembre, son cabinet m’orientait vers le ministre de l’intérieur ! Peine perdue : les conseillers de M. Darmanin m’ont suggéré de revenir vers Mme Maracineanu…
Madame la secrétaire d’État, cette tribulation dans les arcanes des services ministériels est pour le moins surprenante ! En conséquence, je vous demande si, conformément à ce qui m’a été finalement déclaré le 14 octobre, une réunion interministérielle sur le sujet est bien prévue dans les plus brefs délais, ou si elle s’est déjà tenue.
Les tergiversations ne sont plus de mise : combler ce vide juridique, par voie législative ou réglementaire, est une nécessité absolue. Il est urgent d’agir, car nous ne pouvons accepter d’autres drames ; nous ne pouvons accepter la mort d’autres Ulysse !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le sénateur Yannick Vaugrenard, on observe bien aujourd’hui le développement du survivalisme ; cette activité, que vous qualifiez de phénomène de société, prend des formes très variées : on ne peut donc aujourd’hui ni lui donner une définition précise ni lui appliquer un cadre réglementaire spécifique.
Monsieur le sénateur, vous connaissez ma mobilisation sur ce sujet. L’absence de définition n’a pas permis de vous apporter une réponse immédiate : il ne s’agissait ni d’une activité sportive ni d’une activité associative. C’est pourquoi, comme je l’ai indiqué, ces pratiques commerciales ne disposent pas actuellement d’un cadre clair.
Par ailleurs, l’usage de l’appellation « stage de survie » peut paraître abusif dans certains cas ; il convient donc d’examiner attentivement le contenu réel de ces stages.
Ces pratiques ne peuvent continuer sans un cadre respectueux des personnes et de l’environnement, sans une maîtrise parfaite. On y relève parfois des excès, voire la mise en danger de personnes.
Ces difficultés, qui conduisent parfois à des drames, relèvent de problématiques très diverses, comme l’utilisation dangereuse d’objets ou d’armes, ou encore le dépassement de limites physiques ou mentales. Je sais, monsieur le sénateur, combien vous y êtes sensible.
Le plus important était de définir le périmètre réglementaire de ces pratiques. Les mesures prises visent principalement les mineurs, ce qui ne permet pas de couvrir l’ensemble de ces activités, qui s’adressent plutôt aux adultes. C’est pourquoi j’ai demandé qu’un travail soit mené, en lien avec les différents ministères concernés, au travers d’une mission d’inspection générale, pour apporter les réponses nécessaires à votre légitime interrogation.
Cette mission devra ainsi s’attacher à réaliser une définition plus précise du survivalisme, au regard de la variété des activités concernées, dont une liste devra être établie ; elle devra également identifier les cadres réglementaires existants permettant d’ores et déjà d’apporter des réponses rapides à ce phénomène.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour la réplique.
M. Yannick Vaugrenard. Il aura fallu presque neuf mois, madame la secrétaire d’État, avant d’obtenir la réponse un peu plus précise que vous me faites aujourd’hui !
Je souhaite véritablement que les choses progressent désormais dans un délai beaucoup plus raisonnable. Je vous remercie de m’informer à l’avenir de l’avancée de ce dossier : il n’est pas urgent d’attendre.
salmonelles et éleveurs de volailles
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, auteur de la question n° 1900, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la secrétaire d’État, je souhaitais attirer l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur l’évolution de la filière avicole.
Les consommateurs plébiscitent la production d’œufs de poules élevées en plein air et en agriculture biologique ; le ministère lui-même en fait le constat. La profession a largement évolué, et les élevages à taille humaine répondent à cette demande de proximité.
Or la réglementation actuelle en matière de dépistage des foyers de salmonelles n’est pas satisfaisante. Obéissant à un juste souci de protéger les consommateurs et de répondre aux nouveaux enjeux de santé publique, elle met en grande difficulté les petites exploitations. J’ai pu mesurer dans le département du Rhône l’ampleur de cette détresse.
Comment encourager une consommation de proximité plus saine sans mettre en péril les éleveurs qui répondent à cette demande ?
Dans une réunion organisée en octobre dernier au ministère de l’agriculture et de l’alimentation, la création d’un groupe de réflexion avec l’ensemble de la profession avicole a été annoncée. Les petites exploitations en font-elles partie ?
Plus largement, que compte faire le Gouvernement pour encourager la prévention dans les exploitations de moins de 250 poules, qui ne sont soumises à aucune surveillance ?
La législation doit impérativement évoluer, d’autant qu’elle demande à être précisée quant aux méthodes de prélèvement. Sans indication sur les endroits précis où ces prélèvements doivent être effectués dans l’environnement, on laisse le champ libre à tout type de pratiques.
Madame la secrétaire d’État, il y a urgence ! Que compte faire le gouvernement auquel vous appartenez ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le sénateur Gilbert-Luc Devinaz, permettez-moi tout d’abord d’excuser M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation : en déplacement ce matin à Montpellier pour l’inauguration du salon Sitevi, le salon international des équipements et savoir-faire pour les productions vigne-vin, il m’a chargé de vous délivrer sa réponse.
Vous appelez notre attention sur les difficultés rencontrées par les éleveurs de volailles en plein air ou d’agriculture biologique en lien avec le dépistage et la gestion des foyers de salmonelles.
La lutte contre les salmonelles dans les élevages de volailles de ponte a été motivée, dès 1998 en France, par des raisons de santé publique. C’est à cette fin que la réglementation communautaire a interdit le recours systématique aux prélèvements de confirmation ; la réglementation nationale a été mise en conformité en 2018. Cette règle de dépistage permet de conserver un niveau élevé de protection des consommateurs.
Les troupeaux infectés de futures pondeuses sont abattus, ainsi que les troupeaux de poules pondeuses dont les œufs ne partent pas en casserie, afin d’y subir un traitement thermique assainissant vis-à-vis des salmonelles. Les propriétaires des élevages de futures pondeuses et de pondeuses d’œufs de consommation peuvent bénéficier d’une indemnisation pour l’élimination de leurs animaux et pour les frais de nettoyage et de désinfection de leur élevage s’ils respectent les dispositions de la charte sanitaire en la matière.
À cet égard, 70 % des bâtiments de pondeuses adhérents à la charte sanitaire en 2021 correspondent aux modes de production en plein air ou biologique.
Concernant les élevages de poules pondeuses non adhérents à la charte sanitaire, le respect des règles de biosécurité est essentiel. Les petits élevages que vous évoquez souffrent parfois d’un manque d’information et d’appui technique.
Bien conscient des difficultés rencontrées par les éleveurs vis-à-vis de cette problématique et soucieux de leur apporter des réponses appropriées pour faire face aux situations difficiles que certains vivent sur le terrain, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a engagé une réflexion avec les acteurs nationaux de la filière pour adapter les mesures en question, tout en maîtrisant le risque de santé publique associé à cette maladie animale.
Une réunion nationale est prévue très prochainement pour donner de la visibilité sur le calendrier des travaux à mener. Ceux-ci permettront d’aborder tous les volets de la problématique et d’identifier les améliorations possibles.
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Les éleveurs ont investi dans des équipements ; ils sont conscients des risques qu’il convient de maîtriser. En 2018, une réglementation européenne a été transposée dans la législation française. D’autres pays, comme l’Espagne, ont fait de même, mais les petits éleveurs de ces pays ne sont pas confrontés aux difficultés que subissent les éleveurs français.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Il me semble qu’il y a urgence à revoir cette législation : il y a déjà suffisamment de drames dans le monde agricole !
application du nutri-score aux fromages
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, auteur de la question n° 1895, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Alain Marc. Madame la secrétaire d’État, ma question, que j’avais adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, concerne le Nutri-score.
Tous les représentants des professionnels de la filière du roquefort, mais aussi ceux de la fourme de Laguiole, en Aveyron – mon collègue Jean-Claude Anglars peut en témoigner –, éprouvent de vives inquiétudes quant au décalage qui existe entre l’étiquetage nutritionnel et la qualité même des produits laitiers : l’algorithme du Nutri-score aurait pour effet de classer près de 80 % des fromages dans la catégorie D ; près de 10 % d’entre eux, dont les fromages à appellation d’origine protégée (AOP) que sont le roquefort et le laguiole, seraient classés dans la catégorie E.
Par ailleurs, Santé publique France préconise d’interdire la publicité pour les aliments notés D et E.
Or nous sommes face à un véritable paradoxe : le roquefort et le laguiole, ainsi que les autres fromages au lait cru bénéficiant d’une AOP, sont des aliments peu transformés, sans additifs, et respectant des recettes traditionnelles transcrites dans des cahiers des charges très stricts et non modifiables.
Aussi, à l’heure où il est envisagé de rendre le Nutri-score obligatoire à partir de 2022, c’est un véritable sentiment d’injustice qui se fait jour. Nous ne comprenons pas que le roquefort ou le laguiole puissent recevoir une note de D ou E, alors que des produits industriels ultratransformés, composés de nombreux additifs et conservateurs, affichent une note de A ou B.
Les professionnels de ces filières souhaitent donc, à juste titre, que ces fromages sous label de qualité et AOP soient exemptés du logo Nutri-score, qu’ils estiment simpliste et réducteur.
S’il est parfaitement louable d’informer le consommateur, le devoir de transparence doit se faire à bon escient : Santé publique France ne devrait pas pénaliser le roquefort et le laguiole, ainsi que les autres fromages à la qualité reconnue par une AOP, qui font la fierté de la France et de sa gastronomie.
En conséquence, le Gouvernement envisage-t-il une exemption pour nos célèbres fromages ? Entend-il respecter et défendre le patrimoine gastronomique français ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le sénateur Alain Marc, vous avez souhaité interroger le Gouvernement sur le Nutri-score et, plus particulièrement, sur son application aux produits bénéficiant d’une AOP, comme le roquefort, qui font la fierté de nos territoires et de notre gastronomie.
Je voudrais tout d’abord rappeler les objectifs du Nutri-score : il s’agit d’un logo nutritionnel, adopté sur des fondements scientifiques. Il apporte au consommateur une information différente, mais complémentaire de celle que fournit une AOP.
Je voudrais également lutter contre quelques idées fausses.
Tout d’abord, le Nutri-score est volontaire et ne sera jamais rendu obligatoire en France s’il ne l’est pas dans toute l’Europe, afin d’éviter toute concurrence déloyale. Il est donc hors de question de le rendre obligatoire au 1er janvier 2022.
À l’échelle européenne, une étude d’impact est certes menée actuellement par la Commission européenne, étude qui pourrait déboucher vers un système d’étiquetage obligatoire, mais celui-ci n’est pas encore connu et fera l’objet de discussions approfondies. Cela n’aura pas lieu, de toute façon, avant la fin de 2022, et la France aura son mot à dire sur les éventuelles évolutions proposées par la Commission.
La France ne soutiendra jamais un système susceptible de nuire à la réputation gastronomique de ses fromages, en particulier de ses fromages AOP. Il y va de la réputation patrimoniale de notre pays.
Par ailleurs, vos remarques portent sur la méthode utilisée pour définir les lettres du Nutri-score. Elles sont justes. C’est pourquoi nous devons en premier lieu poursuivre les travaux d’évolution de l’algorithme du Nutri-score. Un comité scientifique constitué d’experts indépendants a été mis en place au mois de février 2021, afin d’évaluer ces potentielles évolutions.
Les autorités françaises, monsieur le sénateur, je vous le garantis, continueront de plaider pour un traitement adapté de certains produits dans le cadre de la démarche Nutri-score auprès des pays engagés dans la gouvernance européenne. Elles saisiront le comité scientifique européen, afin d’évaluer le potentiel d’évolution nécessaire.
mise en œuvre de la contractualisation dans le secteur de l’élevage pour les marchés de bétail vif