Sommaire
Présidence de Mme pascale gruny
Secrétaires :
Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.
contrats de travail des médecins exerçant dans les centres municipaux de santé
Question n° 1832 de M. François Calvet. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
différence de situation entre les vaccinés cas contacts et les cas contacts non vaccinés
Question n° 1809 de M. Henri Cabanel. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Henri Cabanel.
suppression de la carte vitale pour de nombreux français de l’étranger
Question n° 1844 de M. Ronan Le Gleut. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Ronan Le Gleut.
hôpital public face à la maladie de l’intérim
Question n° 1845 de M. Rémy Pointereau. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
Question n° 1848 de M. Jean-Jacques Lozach. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
Question n° 1822 de M. Stéphane Sautarel. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Stéphane Sautarel.
difficultés des résidences autonomie à but non lucratif
Question n° 1839 de Mme Marie Mercier. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Marie Mercier.
statistiques relatives à l’évolution de la démographie médicale
Question n° 1835 de M. Christian Bilhac. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
permanence des soins et désertification médicale
Question n° 1857 de M. Jean-Pierre Moga. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
avenir du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante
Question n° 1484 de M. Gilbert Roger. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Gilbert Roger.
véritable fléau de santé publique représenté par les chenilles processionnaires en moselle
Question n° 1862 de M. Jean-Marie Mizzon. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Jean-Marie Mizzon.
Question n° 1865 de M. Didier Marie. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Didier Marie.
bilan de l’action du gouvernement en matière de lutte contre les déserts médicaux
Question n° 1859 de M. Hervé Maurey. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Hervé Maurey.
invasion des chenilles processionnaires
Question n° 1846 de Mme Catherine Belrhiti. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Catherine Belrhiti.
manque de places en foyer pour les adultes handicapés
Question n° 1863 de M. Michel Canévet. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Michel Canévet.
présence postale dans le calvados
Question n° 1843 de Mme Corinne Féret. – M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
approvisionnement de la filière des vélos
Question n° 1821 de M. Laurent Somon. – M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
politique européenne relative à la filière spatiale
Question n° 1823 de Mme Laurence Harribey. – M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques ; Mme Laurence Harribey.
Question n° 1354 de M. Didier Mandelli. – M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques ; M. Didier Mandelli.
classement en commune touristique
Question n° 1851 de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie ; M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
reprise de l’activité économique des stations de ski à la suite de la crise sanitaire
Question n° 1866 de M. Cyril Pellevat. – M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.
conséquences des marnières pour les collectivités ou les particuliers
Question n° 1579 de Mme Céline Brulin. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
déclinaison territoriale des engagements climatiques
Question n° 1847 de M. Hervé Gillé. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; M. Hervé Gillé.
situation sanitaire et environnementale de la carrière de tournai-sur-dive
Question n° 1790 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; Mme Nathalie Goulet.
Question n° 1805 de Mme Guylène Pantel. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; Mme Guylène Pantel.
projet de parc éolien de guiscard
Question n° 1858 de M. Olivier Paccaud. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; M. Olivier Paccaud.
impacts du projet hercule sur les structures d’exploitation hydro-électrique de la vallée d’ossau
Question n° 1491 de M. Max Brisson. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; M. Max Brisson.
développement de la guyane contre militantisme écologique
Question n° 1871 de M. Georges Patient. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; M. Georges Patient.
engagement pour renouveau du bassin minier
Question n° 1855 de M. Frédéric Marchand. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
difficultés pour les communes rurales de répondre aux besoins en matière de logement
Question n° 1869 de M. Patrice Joly. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; M. Patrice Joly.
installation de panneaux photovoltaïques en zone rurale
Question n° 1836 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; M. Christian Redon-Sarrazy.
lutte contre la prolifération des algues vertes
Question n° 1757 de Mme Laurence Garnier. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
délais trop longs entre l’inscription et le passage de l’épreuve pratique du permis de conduire
Question n° 1669 de Mme Nicole Duranton. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
rapport d’amnesty international sur la répression de la rave party de redon
Question n° 1820 de M. Thomas Dossus. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
ordre public et cortèges de mariage
Question n° 1852 de M. Édouard Courtial. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
règles procédurales sui generis en matière de diffamation
Question n° 1800 de M. Yves Détraigne. – Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
projet de label « bio » pour le sel et préoccupations des producteurs de sel marin de l’atlantique
Question n° 1824 de M. Daniel Laurent. – M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Daniel Laurent.
usage et taxation du bois des communes forestières
Question n° 1849 de Mme Patricia Demas. – M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
transfert de la gestion du canal de la hardt
Question n° 1732 de Mme Sabine Drexler. – M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
évolutions de la dotation globale de fonctionnement des communes et de ses composantes
Question n° 1195 de Mme Nadia Sollogoub. – M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; Mme Nadia Sollogoub.
gestion du périphérique parisien
Question n° 1825 de Mme Catherine Procaccia. – M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; Mme Catherine Procaccia.
Question n° 1860 de Mme Angèle Préville. – M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; Mme Angèle Préville.
retour des personnels communaux en autorisation spéciale d’absence
Question n° 1867 de Mme Christine Herzog. – M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; Mme Christine Herzog.
insuffisance du nombre de professeurs remplaçants
Question n° 1816 de M. Jean-Raymond Hugonet. – M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Jean-Raymond Hugonet.
carte des établissements du réseau d’éducation prioritaire
Question n° 1830 de M. Pierre-Jean Verzelen. – M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Pierre-Jean Verzelen.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
3. Responsabilité pénale et sécurité intérieure. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Article additionnel avant l’article 1er (précédemment réservé)
Amendement n° 7 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Article 1er (précédemment réservé)
Amendement n° 86 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 8 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 1er bis (précédemment réservé) – Adoption.
Article additionnel après l’article 1er bis (précédemment réservé)
Amendement n° 2 rectifié bis de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Article 2 (précédemment réservé)
Amendement n° 87 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 3 (précédemment réservé)
Adoption de l’article.
Article 3 bis A (nouveau) et 3 bis (précédemment réservés) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 3 bis (précédemment réservés)
Article 3 ter (précédemment réservé) – Adoption.
Article additionnel après l’article 3 ter (précédemment réservé)
Article 4 (précédemment réservé)
Amendement n° 75 rectifié bis de M. Olivier Paccaud. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 4 (précédemment réservé)
Amendement n° 34 de M. Patrick Kanner. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Articles 5 à 7, 8 A (nouveau), 8, 9, 9 bis, 10, 10 bis à 10 quinquies et 11 (précédemment examinés)
Article 12 (précédemment réservé)
Amendement n° 30 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles 13 et 14 (précédemment réservés)
Article 15 (précédemment réservé)
Amendement n° 32 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 15 bis (précédemment réservé) – Adoption.
Article 16 (précédemment réservé)
Amendement n° 58 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 33 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 16 (précédemment réservé)
Amendement n° 59 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Articles 17 et 18 (précédemment examinés)
Amendement n° 94 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption, par scrutin public n° 11, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
compte rendu intégral
Présidence de Mme pascale gruny
vice-président
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
Mme le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
contrats de travail des médecins exerçant dans les centres municipaux de santé
Mme le président. La parole est à M. François Calvet, auteur de la question n° 1832, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. François Calvet. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur le problème que pose l’article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale pour le recrutement de médecins contractuels dans les centres municipaux de santé. En effet, cet article ne permet de leur proposer un contrat à durée indéterminée qu’à l’issue de deux contrats à durée déterminée de trois ans, soit six longues années.
Cette condition préliminaire est extrêmement préjudiciable à la stabilité des services municipaux de santé, car elle précarise le statut de ces médecins, qui ne peuvent envisager de s’installer durablement. Le risque est, évidemment, de voir ces praticiens s’en aller, faute de garanties quant à leur contrat de travail.
Pourtant, les centres municipaux de santé s’inscrivent dans la volonté du Gouvernement de lutter contre les déserts médicaux, à travers notamment le dispositif « 400 médecins », et rencontrent un grand succès. C’est le cas du centre de la ville d’Elne, dans les Pyrénées-Orientales, qui enregistrait déjà 1 531 patients fin juin, alors qu’il a ouvert début avril, 510 d’entre eux ayant d’ailleurs choisi un des médecins du centre comme médecin traitant.
Monsieur le secrétaire d’État, pour être en cohérence avec la volonté du Gouvernement de lutter contre les déserts médicaux, ne pensez-vous pas qu’il serait opportun de modifier la règle en faveur de ces médecins contractuels, en permettant leur recrutement en contrat à durée indéterminée au bout d’un seul contrat à durée déterminée de trois ans ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur François Calvet, tout d’abord, je veux vous rappeler l’engagement total, et ce depuis 2017, du Gouvernement pour lutter contre la désertification médicale, en tout lieu du territoire, c’est-à-dire dans les zones rurales, évidemment, mais pas uniquement.
Ensuite, je tiens à souligner notre attachement à renforcer la base légale qui permet aux communes, aux EPCI et aux départements d’assurer le recrutement du personnel nécessaire à l’exercice des missions des centres de santé dont ils sont gestionnaires. Ainsi, cette règle est réaffirmée à l’article 33 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation et la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dont vous avez eu à débattre.
L’article L. 6323-1 du code de la santé publique précise que, pour exercer les missions dévolues aux centres de santé, qui consistent principalement à dispenser des soins de premier recours et à mener des actions de prévention et d’éducation pour la santé, des agents contractuels peuvent être engagés par contrat à durée déterminée d’une durée maximale de trois ans, renouvelable par reconduction expresse, et ce dans la limite d’une durée maximale de six ans. Si, à l’issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l’être que par décision expresse et pour une durée indéterminée, conformément à l’article 3-3, que vous citiez, de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
En outre, aux termes de l’article 3-4 de cette même loi de 1984, « tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l’article 3-3 avec un agent qui justifie d’une durée de services publics de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée ».
Les dispositions relatives au recours aux agents contractuels dans la fonction publique territoriale ont été récemment modifiées par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Dans le cadre des débats parlementaires qui ont présidé à l’adoption de cette loi, le primorecrutement d’agents contractuels en CDI, ou à l’issue d’un premier contrat de trois ans, n’a pas été retenu pour le versant territorial. Une évolution générale de ces dispositions législatives n’est, à ce stade, pas envisagée. Toutefois, pour assurer ces missions, il peut aussi être envisagé de recourir à des mises à disposition de praticiens hospitaliers.
différence de situation entre les vaccinés cas contacts et les cas contacts non vaccinés
Mme le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 1809, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Henri Cabanel. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur la différence de situation entre les vaccinés cas contacts et les cas contacts non vaccinés ou présentant un schéma vaccinal incomplet.
Comme le rappelle Ameli sur la dernière mise à jour de son site internet, si le schéma vaccinal est complet et si la personne n’est pas immunodéprimée, il n’y a pas d’obligation d’isolement. Il est cependant précisé qu’il lui faudra alors non seulement veiller à toujours respecter certaines règles sanitaires – tests PCR, gestes barrières, etc. –, pour briser les chaînes de transmission de la covid-19, mais aussi qu’il lui faut « limiter les interactions sociales ».
Cela pose un fort problème d’interprétation aux chefs d’entreprise qui ne peuvent pas mettre en place le télétravail, par exemple dans les chaînes de production, les commerces. La consigne de limitation des interactions sociales est, pour eux, difficile à faire respecter.
Les chefs d’entreprise sont dans le flou et attendent une consigne claire. Seraient-ils responsables en cas de cluster ? Dans l’affirmative, les arrêts maladie seront-ils autorisés pour les cas contacts vaccinés ?
Par ailleurs, j’ai été interpellé ce week-end par des médecins sur la question de la troisième dose de vaccin, qui est d’actualité. La Haute Autorité de santé a suspendu le vaccin Moderna temporairement, ce dont ils ont été avertis vendredi soir, alors que certains d’entre eux avaient déjà des stocks. Quand allez-vous être fixé sur l’utilisation ou non de ce vaccin, ce qui pourrait les conduire à devoir éliminer lesdits stocks ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur Henri Cabanel, je vais essayer d’être bref, synthétique et clair pour tenter de répondre à l’ensemble de vos questions.
Effectivement, la France a adapté sa doctrine de tracing à la nouvelle donne sanitaire que constitue l’augmentation de la couverture vaccinale de la population, et nous nous en réjouissons. Cette adaptation repose sur la distinction entre personnes contacts à risque élevé, c’est-à-dire des personnes contacts non vaccinées ou immunodéprimées, et les personnes contacts à risque modéré, c’est-à-dire les personnes contacts qui présentent un schéma complet de primovaccination et une absence d’immunodépression grave.
La mise en place de cette distinction n’est pas franco-française ; elle est constatée aussi chez nos voisins européens : Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Danemark. Elle a pour objectif d’identifier prioritairement les cas contacts présentant un risque accru.
Vous le savez, la dernière étude française d’EPI-PHARE du 11 octobre 2020 précise que les personnes vaccinées de 50 ans et plus ont neuf fois moins de risques d’être hospitalisées ou de mourir du covid-19. Les personnes contacts à risque modéré sont ainsi dispensées de septaine. Ne faisant pas l’objet d’un isolement, elles ne se voient donc pas délivrer d’arrêts maladie si, bien entendu, elles ne sont pas testées positives. En revanche, dans un contexte de circulation accrue du variant delta, il leur est demandé de respecter les autres mesures destinées à briser les chaînes de transmission en raison du risque résiduel d’infection auquel elles sont exposées. Il s’agit notamment de mettre en œuvre, autant que possible, une limitation des interactions sociales afin de circonscrire le risque potentiel de transmission à leur entourage.
Par ailleurs, une adaptation des conditions de travail, notamment le recours au télétravail, devra être privilégiée, quand cela est possible. À ce sujet, Santé publique France a établi, le 22 juillet 2021, un document qui définit les principes généraux de la conduite à tenir vis-à-vis des personnes contacts à risque, recommandations qui diffèrent de celles qui concernent les personnes contacts à risque élevé, afin de prendre en compte la diminution du risque de transmission du covid.
Monsieur le sénateur, je vous renvoie à ces préconisations, que je tiens à votre disposition et qui détaillent les conduites à risque et les adaptations, très pratiques, très opérationnelles, que doivent mettre en place, notamment, les chefs d’entreprise ou les responsables d’établissement recevant du public qui ne peuvent pas mettre en place le télétravail. Je reste à votre disposition pour de plus amples informations.
Mme le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Concernant la troisième dose de Moderna, je vous adresserai une question écrite pour obtenir des précisions.
Je reviens sur le problème des interactions sociales. Les chefs d’entreprise ont vraiment des difficultés d’interprétation, et les ARS (agences régionales de santé) ne sont pas en mesure de leur donner des réponses sur les cas contacts vaccinés. C’est un vrai problème.
suppression de la carte vitale pour de nombreux français de l’étranger
Mme le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, auteur de la question n° 1844, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Ronan Le Gleut. Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi le Gouvernement a-t-il décidé de demander à des retraités français qui vivent à l’étranger de rendre leur carte Vitale ?
Je tiens ici à votre disposition un courrier de l’assurance maladie, plus précisément du Cnarefe, le Centre national des retraités de France à l’étranger, daté du 27 août 2021, voilà donc moins de deux mois, et adressé à une Française retraitée, qui vit aux États-Unis et qui a cotisé pendant quatorze ans en France. À ce titre, elle disposait de la carte Vitale. Or la conclusion de ce courrier est la suivante : « Nous sommes contraints de clôturer vos droits et d’invalider votre carte Vitale à compter du 1er octobre 2021. »
C’est en application de votre politique – plus précisément de l’article 52 de la loi 2018-1203 du 22 décembre 2018, entré en vigueur le 1er juillet 2019, et qui est codifié à l’article L. 160-3 du code de la sécurité sociale –, qu’il est demandé à cette personne de rendre sa carte Vitale pour les séjours temporaires qu’elle passe en France. Elle avait par exemple prévu de venir fêter Noël en France avec ses enfants et petits-enfants, mais elle n’est plus assurée, puisqu’elle dépend du système américain Medicare, qui ne la couvre pas à l’étranger. Par ailleurs, les dispositions transitoires qui avaient été envisagées ont été rejetées par un arrêt du Conseil d’État du 2 avril 2021.
Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi le Gouvernement a-t-il pris cette mesure, profondément injuste à l’égard des Français qui ne sont pas établis dans l’Union européenne, l’Espace économique européen ou en Suisse ? Combien de nos compatriotes sont-ils concernés ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, à qui je demande de ne pas dépasser son temps de parole, même d’une quinzaine de secondes, car nous avons déjà pris du retard.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Je vais faire au mieux, madame la présidente.
Monsieur le sénateur Le Gleut, commençons par un exercice de transparence et d’honnêteté. Cette disposition n’est pas nouvelle et ne concerne pas que les retraités. Par ailleurs, l’exemple des quatorze ans de cotisation n’est pas totalement dû au hasard, puisque la loi impose quinze années de cotisation pour pouvoir continuer à bénéficier de la prise en charge des frais de santé lors des séjours temporaires en France.
Je le répète, cette exigence n’est pas nouvelle, puisqu’elle date de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, dont vous avez bien sûr débattu. Cette mesure avait, à l’époque, reçu un avis favorable du président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), ainsi que du président de la Caisse des Français de l’étranger (CFE).
Par ailleurs, dans un rapport sur la mobilité internationale des Français publié en septembre 2018, Mme la députée Genetet préconisait un pacte de protection sociale pour le rééquilibrage de la cotisation d’assurance maladie, dite Cotam. Elle proposait ainsi, dans sa recommandation n° 93, de modifier cet article L. 160-3 du code de la sécurité sociale que vous évoquez pour limiter le droit à la prise en charge des frais de soins lors d’un séjour temporaire aux pensionnés du régime français pouvant justifier d’au moins quinze années de cotisation, sans condition de nationalité.
Ce délai de quinze ans a été considéré comme un point d’équilibre et a été en quelque sorte validé par le Conseil d’État, qui a considéré qu’il n’était pas manifestement disproportionné au regard des conciliations entre les exigences constitutionnelles de préservation de la santé et de bon usage des deniers publics, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit.
Vous avez raison, les mesures transitoires ont, en revanche, été annulées par le Conseil d’État en avril 2021. Cette décision a eu pour effet d’entraîner la clôture des droits d’un certain nombre d’assurés. Pour autant, conscients des difficultés occasionnées pour les intéressés, les services, notamment la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), ont mis en place un traitement attentionné de ces dossiers, un délai supplémentaire de six mois étant venu s’ajouter au délai de trois ans entre l’adoption de la mesure et sa mise en œuvre.
Enfin, et j’en termine, madame la présidente, pour les pensionnés ne pouvant rester affiliés à la protection universelle maladie au motif d’une durée de cotisation inférieure à quinze ans, l’adhésion à la CFE constitue une solution de substitution, qui leur permet de continuer à bénéficier d’une couverture des frais de santé en cas de séjour temporaire en France.
Mme le président. Vous avez dépassé de quinze secondes, monsieur le secrétaire d’État. (Sourires.)
La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour la réplique.
M. Ronan Le Gleut. Monsieur le secrétaire d’État, ce qui nous choque profondément, c’est la dimension rétroactive de votre loi. Cette retraitée française dont je parle ne peut plus prendre la dernière option que vous préconisez. Quand on est un actif, on peut faire des choix. Dans son cas, ce n’est plus possible, malheureusement.
hôpital public face à la maladie de l’intérim
Mme le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 1845, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur la situation des hôpitaux publics face à ce que l’on appelle le « lobby des intérimaires ».
Vous connaissez le problème, qui ne date pas d’aujourd’hui. Plus du quart des postes de médecins sont vacants, ce qui oblige les hôpitaux publics à faire appel à des intérimaires. Ces derniers profitent de la pénurie de praticiens pour exiger des rémunérations supérieures au plafond réglementaire – 1 170 euros brut pour 24 heures –, une situation qui affecte très négativement les budgets des hôpitaux et qui a des conséquences non négligeables sur l’organisation du travail. Surtout, cela incite les praticiens titulaires à plein temps à démissionner ou à se mettre en disponibilité pour se consacrer à l’intérim.
Les hôpitaux publics sont donc confrontés à ce que l’on appelle le « dilemme du prisonnier », c’est-à-dire que les intérêts des intérimaires s’opposent à l’intérêt collectif. Le département du Cher est très représentatif à cet égard. Ainsi, à Bourges, une carence de médecins urgentistes a conduit à une suspension du service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) à trois reprises.
Des mesures législatives et réglementaires ont été prises pour lutter contre les dérives de l’intérim médical. Je pense au décret du 24 novembre 2017 et à la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist.
Dans le contexte sanitaire qui est le nôtre, aucune rupture de la continuité du service de santé ne peut être tolérée.
Alors, monsieur le secrétaire d’État, ma question est triple.
Comment s’assurer du respect des mesures de la loi Rist, dont l’entrée en vigueur est prévue le 27 octobre prochain, tout en garantissant l’accès aux soins ?
Comment s’assurer que les intérimaires, conscients de leur nécessité, ne vont pas demander aux hôpitaux publics de contourner les dispositions législatives susmentionnées ?
Le Gouvernement a-t-il prévu d’accompagner les établissements publics pour sortir de la dépendance au mercenariat médical, en leur permettant, par exemple, d’accéder dès à présent au dispositif de la prime de solidarité territoriale ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, nous avons fait de la lutte contre les dérives de l’intérim médical l’une de nos priorités d’action. C’est à ce titre que la loi n° 2021-205 du 26 avril 2021 contient un article pour renforcer les contrôles sur les prestations d’intérim médical.
La loi de modernisation du système de santé de 2016 avait déjà introduit le principe d’un encadrement des tarifs qu’une entreprise de travail temporaire était susceptible de facturer à un établissement public de santé au titre du salaire brut versé au praticien intérimaire, avec un plafond de la rémunération fixé à 1 170 euros brut pour une mission de 24 heures.
Toutefois, vous l’avez rappelé, la réglementation est encore insuffisamment appliquée. C’est pourquoi le pacte de refondation des urgences puis les conclusions du Ségur de la santé ont posé de nouveaux jalons pour définir des modalités de contrôle plus efficaces.
Les nouvelles dispositions de la loi du 26 avril 2021, dite loi Rist, permettront, d’une part, au comptable public de renforcer le contrôle qu’il opère sur les établissements publics de santé, et, d’autre part, au directeur général de l’agence régionale de santé d’engager de manière systématique une action juridictionnelle auprès du tribunal administratif compétent en cas de manquements.
Par ailleurs, le contrôle plus strict des pratiques de l’intérim médical s’accompagnera du déploiement d’un nouveau dispositif de solidarité territoriale, qui va permettre de développer, à compter du mois de novembre, les logiques de coopération entre établissements publics de santé d’une même région ou de régions limitrophes. Cela s’appuiera sur des expériences menées en région depuis plusieurs années pour essayer de trouver des solutions collectives afin d’assurer, en toutes circonstances, la continuité des soins sans avoir forcément besoin de recourir à l’intérim.
Pour s’assurer que les dispositions et l’esprit des mesures votés dans cet hémicycle, notamment pour renforcer les contrôles, sont respectés, vous pouvez compter, monsieur le sénateur, sur l’engagement du Gouvernement.
conditions de fermeture et de cession d’officines en zones rurales et déploiement de solutions compensatoires
Mme le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, auteur de la question n° 1848, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les modalités de fermeture et de cession de pharmacies, ainsi que sur les répercussions qu’elles engendrent dans l’offre et l’accès aux services pharmaceutiques dans nos territoires ruraux.
Je prendrai pour point de départ le cas d’une officine implantée dans la commune de Mainsat, en Creuse, dont le fonds fut brutalement cédé par son propriétaire à une autre officine située dans la commune d’Auzances, chef-lieu de canton. Il s’agit là d’une absorption sèche, opérée en l’absence de toute réflexion concertée et coordonnée avec les élus locaux et les professionnels de santé du territoire concerné : elle conduit à la disparition de ce lien essentiel desservant les quelque 550 habitants de la commune de Mainsat et ceux des communes environnantes.
Il n’est pas question de vouloir attenter aux libertés des pharmaciens libéraux titulaires d’officine dans la gestion de leur activité, pas plus que de prétendre interférer dans leur décision de fermer l’entreprise ou dans l’acte de la céder. Pour autant, ces situations profondément injustes accentuent la fracture territoriale déjà béante. Ces inégalités doivent être combattues.
Pour rappel, l’Ordre national des pharmaciens, dans sa carte actualisée le 1er juin dernier, dénombrait 59 officines dans le département, l’une des représentations les plus faibles et déficitaires du pays.
L’article 95 de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP, issu d’un amendement sénatorial, s’attaque à la problématique de l’accès aux médicaments dans les communes isolées ou très peu peuplées, en permettant à l’agence régionale de santé (ARS), dans le cas où l’unique officine d’un village cesserait son activité sans avoir trouvé de repreneur, d’autoriser la mise en place d’une antenne de pharmacie qui serait rattachée à l’officine la plus proche, après avis du Conseil de l’ordre et des syndicats représentatifs.
Où en sommes-nous dans l’effectivité et la mise en place de ces succursales pharmaceutiques ?
Parallèlement, ce même article 95 prévoit d’étendre aux zones caractérisées par des difficultés dans l’accès aux médicaments le champ des expérimentations relatives à la présence de professionnels de santé pour une durée maximale de cinq ans. Néanmoins, les projets d’expérimentation semblent suspendus à la publication d’un décret d’application définissant les territoires au sein desquels ce service à la population n’est pas assuré de manière satisfaisante.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous renseigner sur l’échéance à laquelle ce texte pourrait être pris ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur Jean-Jacques Lozach, j’ai bien conscience que la particularité de certains territoires pourrait amener leur population à connaître des difficultés d’approvisionnement en médicaments si ceux-ci venaient à perdre leur officine.
Je tiens tout d’abord à rappeler que toute cessation définitive d’activité d’une officine doit être déclarée par son titulaire à l’agence régionale de santé lorsqu’elle fait l’objet d’une indemnisation par une autre pharmacie. Un avis préalable du directeur général est requis afin d’anticiper au mieux les conséquences sur l’offre pharmaceutique, notamment dans les territoires ruraux.
C’est précisément pour apporter une réponse à ces territoires qu’un assouplissement de la réglementation a été prévu par certaines dispositions de l’ordonnance de 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur, un projet de décret existe, qui vise à déterminer des territoires au sein desquels l’accès aux médicaments pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante. Sa publication pourrait intervenir au cours du premier semestre 2022 ; elle permettra ainsi aux agences régionales de santé d’identifier, selon une méthodologie qui se doit d’être précise, les territoires pour lesquels de sérieuses difficultés d’accès à une offre pharmaceutique se posent pour la population.
Au sein de ces territoires, des leviers sont prévus pour faciliter le maintien ou l’installation d’une officine. Le Gouvernement est évidemment très attentif à ce que la population de notre territoire puisse conserver une offre de soins de proximité, notamment lors des fermetures d’officines dans les territoires ruraux.
La réglementation actuelle permet déjà au directeur général de l’ARS, lorsque l’officine qui a fermé desservait jusqu’alors une population au moins égale à 2 500 habitants, de délivrer une nouvelle autorisation d’ouverture d’officine dans cette commune.
Par ailleurs, comme vous l’avez évoqué, monsieur le sénateur, la loi ASAP du 7 décembre 2020 contient une mesure autorisant les agences régionales de santé à expérimenter une nouvelle modalité de dispensation des médicaments dans des communes isolées dont la dernière officine aurait définitivement cessé son activité si l’approvisionnement de la population en est compromis au sens du code de la santé publique.
L’objectif de ce dispositif, qui vient compléter l’ensemble des autres mesures, est d’apporter une réponse aux spécificités de chaque territoire.
demande de remboursement des aides du dispositif d’indemnisation de perte d’activité versées par l’assurance maladie
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, auteur de la question n° 1822, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le secrétaire d’État, la demande de remboursement des aides accordées au titre du dispositif d’indemnisation de perte d’activité (DIPA) versées par l’assurance maladie à la suite de la fermeture des cabinets dentaires ou autres établissements de santé libéraux dans le cadre de la crise sanitaire pose une véritable question de confiance dans la parole publique.
Contre toute attente, les modalités de calcul des pertes subies négociées avec la Caisse nationale de l’assurance maladie ont été revues, notamment la période de référence. Initialement prévue mensuellement, celle-ci s’est vue portée, par décret, sur une période plus longue, du 16 mars 2020 au 30 juin 2020.
Voilà qui a très largement pénalisé les professionnels qui, après avoir subi une période de fermeture, ont repris à un rythme soutenu dès la sortie de crise au mois de mai 2020.
Aussi, ce sont plusieurs dizaines de milliers de professionnels de santé qui se voient réclamer le remboursement de tout ou partie de cette aide, en totale contradiction avec les engagements initialement pris. À cette situation injuste et choquante s’ajoute le fait que les charges de ces professionnels ont considérablement augmenté pendant cette période au regard des coûts de fonctionnement, en raison de la mise en place des mesures sanitaires au sein de leur établissement.
On pourrait d’ailleurs transposer cette question à bien d’autres dossiers, notamment à la situation des collectivités territoriales, qui ont perdu des recettes d’exploitation de service public et qui ne sont toujours pas indemnisées, le décret promis tardant à être publié.
À l’heure où l’établissement du projet de loi de finances pour 2022 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ne marque aucun repli de la dépense publique – bien au contraire ! – et doit faire face à des conséquences de la crise non encore financées, monsieur le secrétaire d’État, pensez-vous que le Gouvernement tiendra les engagements pris ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur Stéphane Sautarel, votre question me permet de dissiper un certain nombre d’incompréhensions et d’ambiguïtés qui ont pu surgir en cette période compliquée de crise sanitaire, notamment sur les modalités de calcul du dispositif d’indemnisation de perte d’activité (DIPA) des professionnels de santé libéraux.
Comme vous l’avez rappelé, ce dispositif a pour objectif d’aider les professionnels de santé à faire face à leurs charges fixes professionnelles. Je me permets de souligner tant la rapidité de mise en œuvre de cette mesure que son ampleur. Alors que la crise sanitaire battait son plein aux mois de mars et d’avril 2020, souvenez-vous, le téléservice de demande d’aide a été ouvert et mis à la disposition des professionnels de santé dès le 30 avril 2020. Ces derniers ont pu percevoir des acomptes dès le 12 mai 2020, pour un montant total de 1,1 milliard d’euros au cours des semaines qui ont suivi.
In fine, ce sont 203 000 professionnels de santé qui ont bénéficié d’une aide pour un montant total de 1,3 milliard d’euros au titre de la période du 16 mars 2020 au 30 juin 2020. En moyenne, les professionnels concernés auront reçu une aide de 6 213 euros grâce à ce dispositif. Pour vous donner quelques chiffres précis, cela représente en moyenne 7 631 euros pour les médecins, 6 638 euros pour les chirurgiens-dentistes, 7 785 euros pour les pharmaciens d’officine.
Les conditions de cette mise en œuvre dans l’urgence et dans le but d’éviter toute difficulté de trésorerie pour les professionnels peuvent expliquer un certain nombre d’incompréhensions quant aux modalités de calcul appliquées, dont la globalisation du calcul portant sur l’ensemble de la période allant du 16 mars 2020 au 30 juin 2020, date à laquelle la situation sanitaire s’est normalisée.
Ainsi, pour certains professionnels de santé, il y a eu une ambiguïté entre la possibilité de demander une avance de trésorerie mensuelle pour préserver la viabilité économique immédiate de l’activité et les modalités de calcul de l’aide définitive couvrant l’ensemble de la période critique.
J’en viens à l’augmentation des charges au cours de cette période au regard des coûts induits par la mise en place de mesures sanitaires. Je précise que les taux de charges fixes déterminés en fonction du niveau d’activité prennent bien en compte les dépenses liées aux équipements de protection individuelle supplémentaires.
Les engagements du Gouvernement de soutien économique des professionnels de santé ont donc largement été tenus pour cette période du 16 mars 2020 au 30 juin 2020 et ont continué à l’être lors des vagues successives.
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de ces réponses.
Je ne mettais pas en cause le soutien de l’État aux professionnels de santé. Ma question portait sur les modalités et la période de référence, lesquelles semblent aujourd’hui poser un certain nombre de difficultés, pas seulement d’incompréhension, mais de retour sur un engagement pris.
Par conséquent, au-delà de la réponse que vous venez de m’apporter, je vous prie de bien vouloir examiner cette question de la période de référence pour rassurer les professionnels.
difficultés des résidences autonomie à but non lucratif
Mme le président. La parole est à Mme Marie Mercier, auteur de la question n° 1839, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Marie Mercier. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à évoquer les grandes difficultés que rencontrent les résidences autonomie à but non lucratif.
En effet, le Ségur de la santé a demandé une revalorisation, qui était juste et nécessaire, de la grille des salaires des personnels, qu’ils soient soignants, médico-techniques ou de rééducation, ce qui a bien évidemment augmenté les charges de fonctionnement. Or cette dépense ne peut pas être répercutée sur les loyers, puisqu’ils sont modérés.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, que font ces établissements ? Ils puisent sur leurs fonds propres, ce qui ne peut être une solution pérenne. Même si le département est lui aussi un acteur, avez-vous véritablement conscience de leurs difficultés ?
Comment mettre en cohérence la considération des soignants et une prise en charge digne de nos personnes âgées ? Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer les grandes lignes de la politique du grand âge ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice Marie Mercier, les résidences autonomie proposent une offre d’habitat intermédiaire, qui permet aux personnes âgées de vivre dans de bonnes conditions, dans un environnement non médicalisé. Elles offrent aussi aux personnes en risque de perte d’autonomie des formes de logement qui facilitent leur accès à des services d’aide et de soins à domicile. De ce fait, vous l’avez rappelé, elles relèvent d’abord de la compétence des départements, auxquels il appartient d’apprécier leurs besoins de financement dans le cadre de leur dialogue de gestion.
Néanmoins, le Gouvernement déploie une politique volontariste de soutien à l’offre des résidences autonomie en particulier, car elles constituent l’un des maillons essentiels de la politique de prévention de la perte d’autonomie.
De plus, les résidences autonomie ont une vocation sociale, que le Gouvernement entend préserver. En effet, le coût d’hébergement au sein d’une résidence autonomie est deux fois moins élevé qu’en Ehpad, établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Vous le savez, le coût médian d’un appartement en résidence autonomie s’établit entre 700 euros et 800 euros par mois, permettant ainsi à des personnes âgées plus modestes de bénéficier d’une offre de logement avec des services de qualité. À cet égard, nous partageons votre préoccupation sur la situation des résidences autonomie au regard des revalorisations issues du Ségur de la santé pour améliorer l’attractivité des métiers de l’autonomie, objectif que nous visons tous.
Sur ce point, des échanges pourront avoir lieu entre l’administration et les acteurs du secteur pour objectiver la situation financière des résidences autonomie à la suite du Ségur de la santé et envisager des mesures d’accompagnement.
Plus largement, le Gouvernement a entamé une réflexion pour soutenir les résidences autonomie. Dans le cadre du soutien à l’investissement prévu par le Ségur de la santé, il a décidé d’augmenter le parc de résidences autonomie et d’en rénover environ 15 %, soit quelque 15 000 logements.
Par ailleurs, le Gouvernement entend développer les leviers de développement des résidences autonomie avec des réflexions qui sont encore en cours pour simplifier la procédure d’appel à projets et pour permettre leur création en outre-mer, où l’on note un déficit.
Enfin, une réflexion sur le financement des résidences autonomie sera engagée, par un prêt plus avantageux que l’actuel prêt locatif social, le PLS. Elle portera également sur le forfait autonomie.
Mme le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.
Mme Marie Mercier. Monsieur le secrétaire d’État, je ferai part de vos réponses aux maires de Montmelard, Trambly, Matour, communes de ce merveilleux département de Saône-et-Loire, qui m’ont alertée.
Les maires de nos territoires ruraux ont véritablement à cœur d’accueillir leurs personnes âgées, elles qui ont travaillé dans leurs communes, qui y ont élevé leurs enfants : elles ont besoin d’être accueillies dans des structures à taille humaine et à tarif modéré. C’est pour nous un point très important.
Plus largement, je souligne que nos territoires ruraux souffrent d’un manque de lisibilité de nos politiques publiques et ils ne peuvent pas en permanence essayer de s’y ajuster. Cette vision globale nous manque. Il serait utile de l’acquérir.
Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur vous pour nous aider.
statistiques relatives à l’évolution de la démographie médicale
Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac, auteur de la question n° 1835, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Christian Bilhac. Monsieur secrétaire d’État, la démographie médicale ayant évolué ces dernières années, je m’inquiète de l’inadéquation entre les statistiques mesurant la présence de médecins généralistes sur le terrain et la réalité de l’accès à l’offre de soins pour les Français.
Les données sur la présence et la répartition des médecins sur le territoire, département par département, ne reflètent plus la réalité. Par ailleurs, l’accessibilité à la médecine se détériore.
Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), entre 2013 et 2019, les effectifs des médecins libéraux ont baissé de 1 700, alors que la population a augmenté de 1,4 million.
Les généralistes travaillent en moyenne entre 50 heures et 60 heures par semaine, consacrant 61 % de leur temps de travail aux activités de soins.
Toutefois, il s’agit d’une moyenne et une tendance se dessine ces dernières années : de plus en plus de médecins libéraux, par choix de vie, choisissent le temps partiel. Or leur poste est comptabilisé dans les effectifs, mais leur présence sur le terrain n’équivaut pas à un temps plein.
Il y a vingt ans, et c’est encore le cas pour certains aujourd’hui, un médecin de famille exerçait 80 heures par semaine. Aujourd’hui, il est remplacé par un temps partiel de 20 heures par semaine. Finalement, les trois praticiens qui composent un cabinet médical en zone rurale effectuent à eux trois un temps complet, pour une présence respective moyenne de deux jours par semaine.
Cette réalité fausse les statistiques et n’est pas sans conséquence en termes de perte de chance de vivre en bonne santé pour un nombre de plus en plus grand de patients.
Monsieur le secrétaire d’État, serait-il possible de faire réaliser rapidement une étude pour connaître le nombre de médecins libéraux, non plus en nombre, mais en équivalent temps plein, comme cela se pratique dans toutes les directions des ressources humaines ? Par ailleurs, pourrez-vous publier les données calculées sur cette base ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, le défi démographique que nous avons à relever ensemble aujourd’hui est immense : le nombre de médecins est en baisse régulière depuis 2010 et cette baisse est susceptible de se poursuivre jusqu’en 2025. Comme vous le mentionnez, ce défi est celui, primordial, de l’accessibilité de tous à la médecine et aux soins.
Mesurer l’accessibilité aux soins de santé demande en effet de tenir compte de nombreuses composantes : comptabiliser les effectifs à l’échelon départemental est nécessaire, mais n’est pas suffisant. Je partage votre opinion.
C’est pourquoi le ministère se mobilise. Il convoque, outre des données démographiques en effectifs, un indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL). Bien que très « techno » en apparence, cet indicateur est fort utile puisqu’il comptabilise l’offre de soins réelle fournie par chaque professionnel, en ETP ou, dans le cas des médecins généralistes, en nombre de consultations. Il est publié annuellement depuis 2015 pour quatre professions de premier recours : médecins généralistes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes.
Les situations au sein d’un même département pouvant être très inégales, l’analyse est conduite à l’échelon de chaque commune, en tenant compte de la situation des communes environnantes. Elle intègre également un autre facteur majeur : l’évolution de la demande de soins liée au vieillissement de la population.
L’ensemble des données, ainsi qu’une visualisation cartographique, est accessible sur le site de la Drees, de même que les études régulièrement publiées sur le sujet. J’ai à votre disposition les adresses internet de ces organismes, si vous le souhaitez.
L’analyse ainsi menée montre qu’entre 2015 et 2019 l’accessibilité aux médecins généralistes s’est dégradée sur le territoire : si 8 % de la population vivait dans un territoire dont l’offre de soins était insuffisante en 2015, cela concerne 15 % de la population en 2019.
C’est pourquoi, depuis 2017, le Gouvernement a fait de cette problématique l’une de ses priorités.
Dans le cadre du plan Ma santé 2022, nous avons aussi pris des dispositions avec, notamment, la création de 4 000 postes d’assistants médicaux, le déploiement de la pratique avancée ou des protocoles de coopération à l’échelon communal.
(M. Pierre Laurent remplace Mme Pascale Gruny au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
permanence des soins et désertification médicale
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, auteur de la question n° 1857, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le secrétaire d’État, mon département de Lot-et-Garonne est en grande fragilité en ce qui concerne l’accès aux soins et la démographie médicale.
Cet été, après la fermeture des urgences du centre hospitalier intercommunal (CHI) de Marmande-Tonneins, l’Ordre national des médecins a été amené à réagir en urgence et à réorganiser la permanence des soins, afin d’assurer l’égalité d’accès aux soins pour les habitants du secteur de Casteljaloux-Miramont-Duras, de permettre une meilleure qualité de la prise en charge des soins non programmés et d’éviter l’afflux des patients aux urgences d’Agen et de Villeneuve-sur-Lot.
Les personnels de terrain ont accepté d’avancer les horaires de garde de dix-huit heures à vingt-deux heures, au lieu de vingt heures à minuit, permettant aux régulateurs de répondre aux appels de l’après-midi et aux patients d’avoir une prise en charge plus rapide avec accès simplifié à la pharmacie.
En tant que département pilote, ce nouveau protocole ne peut malheureusement être suivi, car il doit dorénavant être fixé par décret national et aucune dérogation ne semble possible.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que ces établissements et personnels sont en très grande difficulté, faut-il attendre que survienne une catastrophe en Lot-et-Garonne pour bouger les lignes ? La permanence des soins ne peut se gérer de la même façon dans notre département rural que dans une métropole largement dotée en acteurs de soins.
L’État a, me semble-t-il, le devoir de donner aux hôpitaux les moyens d’assurer aux habitants de tous les territoires un accès aux soins. Aujourd’hui ce n’est plus le cas en Lot-et-Garonne, dans le Marmandais et le Néracais, depuis la fermeture des urgences de l’hôpital de Nérac et du CHI Marmande-Tonneins.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur Moga, nous partageons le constat sur le défi que constitue la démographie médicale.
Toutefois, ce constat doit être appréhendé non pas sous l’angle de la fatalité, mais bien plutôt sous celui du volontarisme et de l’organisation à l’échelle du territoire, en mobilisant l’ensemble des acteurs du secteur hospitalier et du secteur ambulatoire.
J’en viens à la situation particulière du service des urgences du centre hospitalier intercommunal de Marmande. Cet établissement a été contraint d’adapter temporairement l’organisation du service en raison d’un effectif médical trop restreint durant une période de trois semaines au cours de l’été dernier.
Cette organisation s’est appuyée sur une modification des modalités d’accès au service et sur un lien renforcé avec le centre de régulation pour mieux orienter en amont l’ensemble des demandes qui peuvent être traitées en médecine de ville, sans nécessiter un passage aux urgences, problématique dont nous avons débattu à de nombreuses reprises dans cet hémicycle. Elle a été préparée en concertation avec les autres acteurs hospitaliers et s’inscrit dans l’esprit du dispositif SAS, service d’accès aux soins, issu du pacte de refondation des urgences.
Cette organisation spécifique a permis d’éviter la fermeture du service des urgences de cet établissement durant la période estivale et a ainsi évité un transfert de l’activité vers les autres établissements du département. Cependant, elle doit rester une mesure d’exception pour pallier des difficultés conjoncturelles, car elle s’écarte des prescriptions réglementaires dans lesquelles ce type de service doit fonctionner.
Par ailleurs, trois leviers déjà engagés devraient produire des effets à court et moyen termes pour ce bassin de vie et apporter ainsi une réponse aux enjeux du territoire.
Le premier levier est le recrutement de trois jeunes praticiens urgentistes à horizon de début 2022, pour assurer une plus grande stabilité à l’équipe médicale de l’établissement.
Le deuxième levier est l’installation d’une maison médicale de garde dans les locaux du centre hospitalier intercommunal de Marmande. Elle constituera un lien étroit entre le service d’urgences et la médecine de ville en permettant la réalisation de consultations de soins non programmés sur site. Des locaux sont déjà identifiés et les acteurs concernés se rencontrent demain en présence de l’agence régionale de santé (ARS) pour préciser les modalités de fonctionnement.
Enfin, parce qu’il faut préparer l’avenir en modernisant l’outil de travail, le troisième levier est la mise en œuvre d’un projet de rénovation complète du service des urgences. Dès le mois de décembre 2020, l’ARS a réservé un million d’euros pour amorcer le projet. Ce dossier a fait l’objet d’un avis favorable pour un accompagnement financier au titre du Ségur de la santé.
avenir du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 1484, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Gilbert Roger. Attention, monsieur le secrétaire d’État, au danger que représenterait la fusion entre le FIVA, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, et l’Oniam, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Les représentants de l’Andeva, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, et de la Fnath, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, qui siègent au conseil du FIVA, ont fait part de leur opposition résolue à ce projet, lequel aurait pour conséquence une dégradation des conditions d’indemnisation sans pour autant qu’il soit apporté de solutions efficaces aux difficultés structurelles de l’Oniam.
Ces deux établissements n’ont ni le même financement, ni le même mode de traitement des dossiers, ni les mêmes critères d’indemnisation. Par conséquent, cette fusion peut apparaître comme inopportune et cacher des économies d’échelle.
Par ailleurs, je le rappelle, si le FIVA amiante a été créé, c’est d’abord parce que la société a une dette vis-à-vis des dizaines de milliers de victimes actuelles et à venir, qu’elle n’a pas su protéger. La responsabilité des pouvoirs publics à l’égard des victimes de l’amiante est donc engagée.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande de renoncer à ce projet de fusion.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, le ministre des solidarités et de la santé et le ministre chargé des comptes publics ont confié à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l’Inspection générale des finances (IGF) une mission devant examiner l’opportunité et les modalités d’un potentiel rapprochement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) et de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam).
Cette mission devait permettre d’évaluer les possibilités de mutualisations des fonctions supports, voire la pertinence d’un rapprochement plus étroit entre les deux établissements, tout en garantissant dans leur gouvernance le maintien d’une attention particulière portée à la réparation des victimes de l’amiante.
La mission répondait à l’objectif de garantir, voire d’améliorer encore la qualité du traitement de l’indemnisation des victimes, de l’amiante comme des accidents médicaux, et de définir la meilleure organisation possible pour assurer sa pleine réalisation. Les travaux se sont déroulés des mois d’octobre 2020 à février 2021 et ont permis la consultation d’un large nombre d’acteurs.
La mission a pu étudier précisément les évolutions et le fonctionnement des deux établissements pour en dégager les faiblesses et les atouts. Elle a constaté des similitudes fortes entre les deux établissements.
Ainsi, les deux établissements partagent la même mission de réparation intégrale du dommage corporel. Le statut de leurs agents contractuels est le même ; ils partagent d’ailleurs des locaux communs et sont régis par des règles juridiques et budgétaires proches. Ils ont des structures de financement similaires, avec un financement assuré, pour l’essentiel, par les branches maladie et accidents du travail-maladies professionnelles.
L’objectif exclusif de ce rapprochement serait l’amélioration du fonctionnement des établissements, pour une meilleure indemnisation des victimes.
Dans ce contexte, parmi les différents scénarios envisagés, du statu quo à un rapprochement plus poussé, la mission a identifié la fusion comme le scénario le plus efficient : elle permettrait d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers en termes de dématérialisation, de réduction des délais d’instruction ou de recours aux droits, sujet essentiel pour le FIVA.
Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je suis en mesure de vous apporter dans le temps qui m’est imparti.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour la réplique.
M. Gilbert Roger. Monsieur le secrétaire d’État, cette situation me désole.
Que des organismes comme l’IGAS fassent des propositions, c’est normal, mais qu’un gouvernement chargé de l’exécutif et de la politique ne prenne pas position en faveur de l’intérêt supérieur des usagers, c’est regrettable !
Le pouvoir, pour quoi faire ? À cette question, vous répondez : pour consulter les organismes.
véritable fléau de santé publique représenté par les chenilles processionnaires en moselle
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 1862, transmise à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Jean-Marie Mizzon. La prolifération des chenilles processionnaires, chaque année plus importante, est un véritable fléau pour de nombreux territoires et devient un sujet de santé publique, tout particulièrement en Moselle. Catherine Belrhiti, qui vous posera une question similaire tout à l’heure, vous le confirmera, monsieur le secrétaire d’État.
Ces insectes, qui attaquent les arbres jusqu’à les détruire, sont hautement nocifs pour l’homme, car les troubles cutanés, oculaires et respiratoires qu’ils provoquent sont parfois très graves. Ils sont également particulièrement dangereux, voire mortels pour les animaux.
À ce jour, les différents procédés de lutte mis en œuvre sont d’une efficacité relative. Surtout, ils nécessitent des moyens financiers que seul l’État peut mobiliser tant ils sont disproportionnés d’avec ceux des collectivités locales et de leurs regroupements.
Aussi, parce que ce problème sanitaire ne peut que s’aggraver, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement envisage-t-il de soutenir concrètement les collectivités pour y faire face d’un point de vue tant technique que financier ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur Jean-Marie Mizzon, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a créé un nouveau chapitre dans le code de la santé publique relatif à la lutte contre les espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine, afin de pouvoir organiser à l’échelle du territoire national la lutte contre de telles espèces.
Le décret du 26 avril 2017 relatif à la lutte contre trois espèces d’ambroisie – ambroisie à feuilles d’armoise, ambroisie trifide et ambroisie à épis lisses – a été pris en application de cette loi et pourrait être modifié par la suite afin de viser d’autres espèces végétales ou des espèces animales, telles que les chenilles processionnaires, dont la prolifération est nuisible à la santé humaine.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Anses, a été saisie au mois de janvier 2020 afin de mener une expertise sur l’analyse des données des centres antipoison relatives aux expositions à ces chenilles sur la période allant de 2012 à 2019 et sur les modalités de mise en œuvre des options de gestion et de lutte contre ces espèces.
Ainsi, l’Anses nous signale que le nombre de dossiers annuels d’intoxication à ces chenilles processionnaires a été multiplié par quatre entre 2012 et 2018. La majorité des 1 338 cas symptomatiques enregistrés par les centres antipoison étaient de gravité faible. Néanmoins, 36 cas de gravité moyenne et 2 cas de gravité forte ont été recensés. Aucun décès n’a été observé.
Ces données, qui restent non exhaustives car elles ne prennent pas en compte les données de consultations chez un médecin, un pharmacien ou encore aux urgences, nous ont conduits à entamer le processus d’ajout des chenilles processionnaires du chêne et du pin à la liste des espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine, ainsi que cela est prévu à l’article D. 1338-1 du code de la santé publique.
Cette inclusion, qui devrait intervenir en 2022, permettra à terme l’élaboration d’arrêtés préfectoraux, ainsi que la création de mesures de lutte cohérentes entre les territoires, mais adaptées en fonction du taux d’infestation de chacun d’entre eux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Sur le terrain, monsieur le secrétaire d’État, la population est irritée, agacée. Quant aux maires, qui doivent trouver des solutions, ils sont désemparés et ne savent plus comment agir.
Vous me parlez de réglementation, vous me dites que des arrêtés préfectoraux vont être pris, mais c’est de moyens financiers que les maires ont besoin ! Il existe des traitements contre ces insectes, mais ils coûtent beaucoup trop cher, compte tenu des capacités financières des communes.
Ma question était la suivante : l’État envisage-t-il, oui ou non, d’accompagner les maires et d’apporter une aide financière substantielle à leurs communes ?
Ce problème est sérieux et a des effets sur la santé. Il pourrit véritablement la vie d’un nombre de plus en plus élevé d’habitants.
Je réitère ma question : le Gouvernement est-il disposé à accompagner financièrement les communes, et ce dans de bonnes conditions ?
situation des sages-femmes
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 1865, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur la situation des sages-femmes exerçant dans les hôpitaux publics de la Seine-Maritime.
Depuis le début de l’année 2021, elles se sont mobilisées à six reprises pour dénoncer les sous-effectifs, leur faible rémunération et le manque de reconnaissance de leur profession. Elles se mobiliseront de nouveau du 22 au 25 octobre.
Ce qu’elles demandent, ce sont de meilleures conditions de travail, qui leur permettent d’offrir le meilleur accompagnement possible aux femmes qu’elles aident à accoucher. Elles expliquent en effet qu’elles sont aujourd’hui dans l’impossibilité d’être aussi présentes qu’il le faudrait auprès de chaque patiente, faute d’effectifs suffisants. La qualité des soins est ainsi directement altérée par la détérioration de leurs conditions de travail. Les témoignages de sages-femmes en souffrance, craignant parfois d’être maltraitantes envers les patientes, faute de temps à leur accorder, se multiplient.
Face à ce manque de reconnaissance, aux contrats précaires, aux salaires insuffisants et aux sous-effectifs, les départs vers le privé sont en augmentation constante, même s’ils sont loin de tout régler, comme le montre la situation des sages-femmes de la clinique Mathilde, à Rouen : selon une enquête effectuée par l’Ordre des sages-femmes, 55 % d’entre elles ont déjà envisagé de changer de métier.
Après plusieurs années de gel des salaires, le Gouvernement a annoncé le 16 septembre une augmentation de 100 euros brut par mois : cela ne suffit pas. À la suite de la mission d’évaluation de la profession que vous lui avez confiée, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a émis de nombreuses recommandations, afin notamment de recentrer la place des sages-femmes sur leur cœur de métier et de modifier substantiellement leur cadre statutaire d’exercice à l’hôpital. Les sages-femmes demandent notamment que leur métier soit considéré comme une profession médicale.
Monsieur le secrétaire d’État, la maigre revalorisation salariale annoncée sera-t-elle la seule réponse apportée aux revendications de ces personnels ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Eh bien non, monsieur le sénateur ! Je commencerai néanmoins par évoquer les questions salariales, car elles sont loin d’être insignifiantes, puis j’irai ensuite plus loin que votre question.
Je rappelle que plusieurs mesures ont été prises ces derniers mois en faveur des sages-femmes, dont le versement du complément de traitement indiciaire, conformément aux accords du Ségur de la santé. Applicable depuis décembre 2020, il se traduit par une augmentation de 183 euros net mensuels pour les professionnels de la fonction publique hospitalière exerçant dans les établissements publics, de 160 euros net mensuels pour les personnels exerçant dans les établissements privés et par un taux de promotion doublé, fixé à 22 % pour 2020 et 2021. Cette mesure a permis d’accélérer la carrière des sages-femmes hospitalières.
Par ailleurs, les revalorisations salariales récemment annoncées par le ministre consistent en une augmentation indiciaire de 100 euros brut par mois et en une prime de 100 euros net par mois, soit une enveloppe d’environ 40 millions d’euros en année pleine.
Cette revalorisation significative participe de la reconnaissance du niveau de responsabilité, d’expertise et d’autonomie de ces professionnels. Elle permet de proposer sur un an une revalorisation de la rémunération des sages-femmes hospitalières de plus de 360 euros net par mois.
D’autres mesures sont encore en cours de discussion, notamment la refonte de la formation initiale des sages-femmes, laquelle s’étale actuellement sur cinq années, vous l’avez rappelé, ou encore les modalités de la reconnaissance du caractère médical de la profession au sein des hôpitaux.
Le dialogue avec les sages-femmes se poursuit donc. M. le ministre des solidarités et de la santé est évidemment particulièrement sensible à cette question, sur laquelle il est engagé, tout comme moi en tant que secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
Lorsque l’État investit en trois ans 100 millions d’euros dans les centres de protection maternelle et infantile (PMI), qui relèvent de la responsabilité des départements, soit le montant qu’ils ont perdu au cours des dix dernières années, c’est bénéfique pour les sages-femmes. De même, la promotion de l’entretien prénatal précoce (EPP) dans le cadre du parcours des 1 000 premiers jours et la mise en place, sur le modèle de l’EPP, de l’entretien post-natal pour lutter contre la dépression post-partum sont bénéfiques, pour les mères évidemment, mais également pour les sages-femmes.
Tels sont les éléments, monsieur le sénateur, que je tenais à porter à votre connaissance.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. Au cours des deux dernières années, monsieur le secrétaire d’État, on a constaté une baisse de 20 % des inscriptions dans le cursus universitaire menant à la profession de sage-femme. C’est une alerte très significative, qui nécessite que des solutions soient trouvées. Manifestement, celles que le Gouvernement a proposées ne suffisent pas à la profession, puisqu’elle continue de se mobiliser.
bilan de l’action du gouvernement en matière de lutte contre les déserts médicaux
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 1859, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Hervé Maurey. Monsieur le secrétaire d’État, lors de sa prise de fonctions, le gouvernement d’Édouard Philippe a annoncé faire de la lutte contre les déserts médicaux une priorité.
Malheureusement, les espoirs suscités par ces déclarations ont laissé place à la déception. Le Gouvernement a en effet fait le choix de poursuivre la politique menée depuis trente ans, qui ne repose que sur des incitations, alors qu’elle a malheureusement démontré son inefficacité.
Je regrette d’ailleurs que l’évaluation de cette politique, de ses effets et de son coût, n’ait jamais été réalisée, alors que je le demande régulièrement depuis des années. Alors que la fin du quinquennat approche, il serait opportun de faire le bilan des mesures prises par le Gouvernement en la matière.
Les chiffres, hélas ! ne trompent pas. Le nombre de médecins a diminué dans les territoires les plus touchés par les déserts médicaux.
Ainsi, dans l’Eure, le nombre de médecins est passé de 174 à 160 pour 100 000 habitants entre 2017 et 2021. Un hebdomadaire a récemment publié une étude qui montre que, à l’échelon national, les délais d’attente ne font que s’allonger et sont alarmants. Dans l’Eure, il faut attendre 313 jours aux Andelys pour consulter un généraliste, tandis qu’il est tout simplement impossible d’avoir un rendez-vous avec un pédiatre à Évreux. Ces chiffres concernent des villes. Je vous laisse imaginer ce qu’il en est dans les communes rurales !
Aussi, j’aimerais savoir quel bilan le Gouvernement tire des politiques qu’il a mises en œuvre en matière de lutte contre les déserts médicaux. Estimez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que la situation est satisfaisante ?
Allez-vous continuer sur la même voie ou entendez-vous, enfin, mettre en place des mesures plus ambitieuses, telles que la régulation de l’installation des médecins, comme je le préconise depuis de trop nombreuses années ?
Mme Nathalie Goulet. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, on ne peut pas se satisfaire des conséquences aujourd’hui du fait que, pendant trente ans, les décisions qui auraient dû être prises ne l’ont pas été, par des gouvernements auxquels vous avez peut-être appartenus.
M. Hervé Maurey. Je n’ai fait partie d’aucun gouvernement !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Peut-être le groupe politique auquel vous appartenez a-t-il présidé aux destinées de ce pays et n’a-t-il pas pris les décisions qui s’imposaient en termes d’organisation de notre système de soins et d’accessibilité aux soins de nos compatriotes dans un certain nombre de territoires ?
Oui, depuis sa prise de fonctions, le Gouvernement a fait de la question de l’accès aux soins une priorité. C’était une priorité d’Agnès Buzyn, c’est aujourd’hui celle d’Olivier Véran. Un certain nombre de décisions ont été prises, dont certaines mettront un peu de temps à produire leurs effets.
Ce n’est pas nous qui avons instauré et maintenu le numerus clausus, qui explique que le nombre de médecins généralistes et spécialistes est celui que nous connaissons aujourd’hui. En revanche, c’est nous qui avons décidé de le réformer. Vous comprenez bien que les effets mettront quelques années à se faire sentir.
Nous avons également mis en place un certain nombre de dispositions afin de favoriser la pratique avancée et le recrutement d’assistants médicaux pour libérer du temps médical. Nous avons mis en place les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui fonctionnent, vous le savez. Elles permettent, en fonction de l’offre existante sur le territoire, de créer des dynamiques locales, afin que les professionnels de santé, quel que soit leur statut, puissent proposer une offre coordonnée en soins aux habitants de leur territoire. Ces dynamiques commencent véritablement à produire leurs effets.
Oui, monsieur le sénateur, l’accès aux soins reste donc une priorité du Gouvernement, comme c’est le cas depuis 2017. Les effets commencent à se faire sentir.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Monsieur le secrétaire d’État, je vous rappelle tout d’abord que je n’ai jamais été membre d’un gouvernement !
Je constate, mais je n’en suis pas très surpris, que vous êtes très satisfait des mesures qui ont été prises.
M. Hervé Maurey. Malheureusement, les faits sont là : au cours de ce quinquennat, monsieur le secrétaire d’État, la situation n’a fait que s’aggraver. Je suis donc très étonné que vous vous en satisfassiez !
J’avoue que je ne m’attendais pas à ce que vous soyez frappé par la grâce… Je constate simplement que, au cours du quinquennat, la situation s’est aggravée, que vous n’en mesurez pas la réalité et que vous ne prenez pas les mesures qui s’imposent.
Il me reste à espérer que le prochain quinquennat soit plus profitable à la démographie médicale !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, auteure de la question n° 1846, transmise à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le secrétaire d’État, au printemps dernier, de nombreuses régions de France, dont le Grand Est, ont connu le retour des chenilles urticantes, dites « processionnaires ».
Dans le département de la Moselle, plus de la moitié des communes ont été touchées par ce phénomène. Ces insectes sortent de leurs cocons au printemps pour se transformer en papillons éphémères. Ils s’installent sur les pins, les chênes et les résineux et provoquent de multiples dommages dans la forêt, sur les animaux et les humains. Avec le réchauffement climatique, on les retrouve de plus en plus dans le nord de la France. Ce véritable fléau touche de nombreux habitants dans de multiples villages.
Les dégâts causés sont divers : démangeaisons, rougeurs, œdème de Quincke, choc anaphylactique, allergies et ulcération pour les humains et les animaux ; destruction des arbres et de leurs feuilles pour les végétaux. Lorsque les arbres se trouvent à proximité des habitations, le problème devient très difficile à traiter.
Les agences régionales de santé (ARS) recommandent de se couvrir au maximum, de ne pas profiter des terrasses, de ne pas faire sécher son linge à l’extérieur et de ne pas aérer les maisons. Ces recommandations paraissent bien extrêmes alors que des traitements efficaces existent. Ils sont cependant contraints par la réglementation et très onéreux.
Les municipalités, comme les particuliers, ne peuvent les assumer financièrement alors qu’elles sont en première ligne face à cette invasion. Des initiatives locales visant à traiter ce problème ont déjà été prises, mais il faut une réponse coordonnée des services de l’État afin d’agir avec plus d’efficacité.
En l’absence de réglementation et d’un dispositif de signalement à l’échelon national, les maires se retrouvent désarmés face aux plaintes légitimes de leurs concitoyens.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut prendre en compte cette situation. Quel plan de prévention et d’action l’État peut-il mettre en place pour lutter contre cette invasion lors de la prochaine saison ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, j’ai déjà eu l’occasion de répondre à votre collègue Jean-Marie Mizzon, élu, comme vous, de la Moselle, département particulièrement concerné par l’invasion de chenilles processionnaires.
Je le répète, la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé a créé un nouveau chapitre au sein du code de la santé publique, relatif à la lutte contre les espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine, afin de pouvoir organiser à l’échelle nationale la lutte contre de telles espèces.
Un décret d’avril 2017 a été pris relatif à la lutte contre trois espèces d’ambroisie : les ambroisies à feuilles d’armoise, l’ambroisie trifide et l’ambroisie à épis lisses. Il pourra être modifié afin de viser d’autres espèces végétales ou animales, telles que les chenilles processionnaires, dont la prolifération est nuisible à la santé humaine.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a été saisie en janvier 2020 afin d’analyser les données des centres antipoison relatives aux expositions à ces chenilles entre 2012 et 2019, et de proposer des modalités de mise en œuvre des options de gestion et de lutte contre ces espèces. C’est le plan de prévention que vous appelez de vos vœux.
Je vous ai fait part des chiffres précédemment : le nombre de dossiers annuels d’intoxication à ces chenilles processionnaires a été multiplié par quatre entre 2012 et 2018. Au total, 1 338 cas symptomatiques sans gravité, 36 cas de gravité moyenne et 2 cas de gravité forte ont été dénombrés, mais aucun décès. Cela étant, ces données ne sont pas exhaustives, car elles ne tiennent pas compte des consultations chez un médecin, un pharmacien ou encore aux urgences. Elles doivent donc être complétées.
Nous avons entamé le processus d’ajout des chenilles processionnaires du chêne et du pin à la liste des espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine, conformément aux dispositions de l’article D. 1338-1 du code de la santé publique. Cette inclusion interviendra en 2022 et constituera une base légale pour agir.
On m’interrogeait tout à l’heure sur les moyens financiers – j’entends bien –, mais il faut aussi une base légale pour que les maires puissent agir. Ce décret permettra aux préfets de prendre des arrêtés, sur la base desquels les maires pourront prendre un certain nombre de décisions afin de lutter contre ces chenilles processionnaires.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le secrétaire d’État, si mon collègue et moi sommes tous deux intervenus sur ce problème, c’est qu’il est grave. Il faut absolument qu’on ait une solution pour l’année prochaine. On ne peut pas passer une autre année comme celle qui vient de s’écouler.
manque de places en foyer pour les adultes handicapés
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 1863, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
M. Michel Canévet. J’attire l’attention du Gouvernement sur la situation des personnes en situation de handicap et sur leur prise en charge, singulièrement dans le département du Finistère.
Un certain nombre de jeunes adultes sont maintenus en institut médico-éducatif ou en maison d’éducation spécialisée et prennent de ce fait la place d’autres jeunes qui pourraient y être pris en charge, tout simplement parce qu’ils n’ont pas de places dans des établissements adaptés à leur handicap. Cette situation est particulièrement préjudiciable.
Les départements mettent en œuvre une politique de création de places. En revanche, la situation des foyers d’accueil médicalisés (FAM) ou des maisons d’accueil spécialisées (MAS) est un peu plus compliquée, l’accord de l’État étant nécessaire. Dans le Finistère, on manque de places.
Le Gouvernement a-t-il l’intention de répondre à la demande des familles dans le Finistère ?
Par ailleurs, l’enveloppe de 90 millions d’euros qui a été annoncée pourra-t-elle être utilisée pour prendre en charge correctement un certain nombre de situations ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur Michel Canévet, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Sophie Cluzel, qui m’a chargé de vous répondre.
Entre le tout-établissement et le tout-domicile, il y a l’habitat inclusif. Le Gouvernement et la secrétaire d’État ont l’ambition depuis 2017 de développer ce type d’habitat de qualité, qui respecte le choix de vie des personnes. À cette fin, nous travaillons à la mise en œuvre du plan d’action interministériel pour l’habitat inclusif, afin de conforter la dynamique qui est déjà à l’œuvre, notamment via la création d’une aide à la vie partagée dans les départements volontaires pour développer cette offre d’habitat. D’ores et déjà, 388 aides à la vie partagée ont été accordées. À terme, on estime que cette aide devrait bénéficier à 4 200 personnes.
Quant à l’enveloppe de 90 millions d’euros que vous avez évoquée à la fin de votre question, elle est allouée à la création de nouvelles places adaptées aux besoins des personnes en situation de handicap dans le cadre du moratoire des places en Belgique afin de faire cesser les départs non souhaités vers ce pays. Ces crédits sont ainsi investis dans les trois régions les plus concernées par les départs d’adultes dans les établissements médico-sociaux wallons, à savoir l’Île-de-France, les Hauts-de-France et la région Grand Est. D’ici à 2023, plus de 1 000 solutions nouvelles seront mises en œuvre.
S’agissant de votre territoire, le département du Finistère, il dispose d’une offre de prise en charge médicalisée pour adultes en situation de handicap de 766 places, dont 544 places en foyers d’accueil médicalisés et 232 places en maisons d’accueil spécialisées. Il existe bien une tension sur l’offre en places d’hébergement médicalisé pour les adultes handicapés dans votre département : on dénombre en effet 1,79 place pour 1 000 habitants dans le département, contre 1,93 place en moyenne dans la région.
L’État, mais également le conseil départemental, qui est cofinanceur, vous le savez, des places en FAM, est très attentif à cette situation, car cette tension réduit la fluidité du dispositif d’accueil des enfants handicapés et prolonge le maintien des adultes en situation de handicap au domicile de leurs parents.
À terme, 31 places en FAM et 45 places en MAS pour les adultes en situation de handicap devraient être créées en Bretagne. Parmi ces dernières, 20 places en MAS seront créées dans le Finistère et seront disponibles d’ici à 2022.
Telles sont les informations, monsieur le sénateur, que je souhaitais porter à votre connaissance.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour votre réponse.
La tension est réelle dans le département et la pandémie n’a pas amélioré la situation. C’est pourquoi il convient de réfléchir à la mise en œuvre de moyens. Je suis heureux que des places supplémentaires en maisons d’accueil spécialisées soient créées dans le Finistère, mais elles ne permettront pas de satisfaire toutes les demandes.
L’inclusion des personnes en situation de handicap dans la vie de tous les jours est une très bonne chose, mais elle reste parfois difficile à mettre en œuvre. Il faut donc des établissements et une prise en charge adaptés.
présence postale dans le calvados
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, auteure de la question n° 1843, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Mme Corinne Féret. Monsieur le secrétaire d’État, la crise sanitaire a confirmé, s’il en était besoin, le caractère essentiel des services postaux pour nos concitoyens.
Pourtant, dans le Calvados, bien que la direction de La Poste affirme tout mettre en œuvre pour assurer ses missions de service public, force est de constater que la population subit déjà – et ce sera pire demain – les conséquences directes des mesures de restructuration engagées.
En milieu rural, de trop nombreux bureaux de poste ont déjà fermé. Tout récemment, le groupe a annoncé s’attaquer aux zones urbaines et fermer trois bureaux à Caen, dans les quartiers de la Demi-Lune, de Vaucelles et du Calvaire Saint-Pierre. Ils seront remplacés par des points de contact La Poste Relais, au sein desquels les opérations financières seront extrêmement limitées. Les habitants les plus fragiles seront les premiers pénalisés.
Dans le même temps, et comme si cela ne suffisait pas, on assiste à une réorganisation de la distribution du courrier, à la chronique d’une mort annoncée, en somme…
Considérant que la plateforme industrielle courrier de Caen-Mondeville ne répond plus aux besoins actuels, La Poste a décidé de son arrêt et du transfert de certaines de ses activités vers la plateforme de Rennes, en Ille-et-Vilaine. Ce faisant, la question de l’avenir des 268 agents qui y travaillent aujourd’hui est posée. Le pire est certainement aussi à craindre pour les plateformes courrier de Verson, de Giberville ou Hérouville-Saint-Clair. Et ce n’est pas l’ouverture d’une plateforme multiflux à Colombelles, en 2023, qui changera quoi que ce soit.
En résumé : fermetures de plateformes courrier, délocalisation de certaines activités, diminution des horaires d’ouverture des bureaux de poste entraînant, à terme, la fermeture de ces derniers pour cause de baisse de fréquentation, réduction massive du personnel. Les problèmes sont connus, ont été maintes fois dénoncés, mais rien n’y fait.
Partout, on déplore que la présence globalement maintenue de La Poste dans les territoires occulte la différence de service rendu aux usagers, les questions d’emploi ou de financement des agences postales par les communes.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre, monsieur le secrétaire d’État, pour stopper le désengagement de La Poste dans le Calvados ?
Mme Nathalie Goulet. Et partout ailleurs !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice, la crise sanitaire a confirmé, s’il en était besoin, le caractère essentiel des services postaux pour nos concitoyens, tout particulièrement pour les plus fragiles et les plus isolés d’entre eux.
Le 22 juillet dernier, à l’occasion du comité de suivi de haut niveau du contrat d’entreprise entre l’État et La Poste, le Premier ministre a réaffirmé l’importance des missions de service public de La Poste pour le renforcement de la cohésion nationale et le développement des territoires, et annoncé l’engagement de renforcer le soutien financier de l’État à ces missions.
En matière de présence postale, le maintien d’un maillage fin de tous les territoires par les points de contact postaux et des horaires d’ouverture adaptés est essentiel pour garantir l’accès de tous aux services dans des conditions satisfaisantes.
Je rappelle que la loi fixe l’obligation à La Poste de maintenir au moins 17 000 points de contact sur le territoire, répartis de sorte que 90 % de la population d’un département se trouve à moins de 5 kilomètres ou 20 minutes en voiture des plus proches points de contact.
Cette obligation légale est aujourd’hui respectée dans le département du Calvados : 95,1 % des Calvadosiennes et Calvadosiens ont accès à un point de contact situé à moins de 5 kilomètres et à moins de 20 minutes de trajet automobile.
Au 1er janvier 2021, l’offre postale dans ce département s’appuie sur 186 points de contact, répartis en 89 bureaux de poste, qui représentent 48 % du réseau, et 97 points de service en partenariat.
La Poste doit, dans sa mise en œuvre, faire face à l’évolution des habitudes de nos concitoyens et à la baisse de fréquentation de ses bureaux. Elle doit par conséquent adapter les modalités de sa présence physique en fonction des spécificités des territoires desservis. Nous sommes très attentifs à ce que les adaptations menées par La Poste soient conçues et conduites de façon à garantir un haut niveau de qualité de service aux usagers.
Dans le Calvados, le dialogue avec les élus permettra d’intégrer l’offre postale dans trois futurs établissements France Services – Point Information 14 dans les communes de Moyaux, Merville-Franceville-Plage et Tilly-sur-Seulles. À Cambes-en-Plaine, la collectivité a choisi une mutualisation de services sous la forme d’agence postale communale et des projets de facteurs-guichetiers sont en cours d’élaboration dans les communes de Luc-sur-Mer et Cormelles-le-Royal.
Enfin, au sein de la ville de Caen, après un dialogue avec la mairie, l’offre de services évoluera de la manière suivante : deux nouveaux bureaux remplaceront les anciens sites dans les quartiers de Detolle et de La Guérinière ; sept points de services seront créés sous la forme de relais poste commerçant pour accompagner la transformation de trois bureaux.
approvisionnement de la filière des vélos
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, auteur de la question n° 1821, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Laurent Somon. Des entrepreneurs nous interrogent : « Mon entreprise a tout pour réussir : une demande qui explose, des salariés formés et pourtant je vais mettre la clé sous la porte » ; ou encore : « Où sont passés les stocks nécessaires à l’activité économique des territoires ? »
La situation des vendeurs et des réparateurs de vélos est ubuesque et illustre, hélas ! le quotidien de nos petites entreprises françaises, celles de nos territoires. D’un côté, les ventes explosent : celles de vélos à assistance électrique ont augmenté de plus de 117 % depuis juin 2020, ce qui est une bonne nouvelle pour la filière et l’écoresponsabilité. De l’autre – c’est le revers de la médaille –, la demande est désormais impossible à satisfaire dans des délais et à des prix raisonnables ; elle est même aujourd’hui impossible à satisfaire tout court : la demande a dépassé l’offre.
Force est de constater que 95 % des composants d’un vélo proviennent d’Asie. Contrairement aux Américains, qui ont senti venir la vague et ont rempli leurs carnets de commandes, la France n’a pas anticipé les besoins, amplifiés par l’instauration de la subvention « Coup de pouce vélo », qui a entraîné la réparation de plus de 1,5 million de cycles.
Les fabricants français ne trouvent plus de pièces détachées, les vendeurs ne peuvent honorer leurs commandes, les délais de livraison de certains composants peuvent désormais dépasser 500 jours. Cependant, nos fabricants ont cherché des solutions, ils les ont homologuées et ont passé des commandes jusqu’en 2024 pour sécuriser les approvisionnements.
Hélas ! en plus des délais ahurissants, on constate désormais les banqueroutes des petites entreprises, qui ne peuvent lutter contre les grandes marques. Les usines chinoises ne pouvant faire face à la demande, elles honorent en priorité les commandes en très grosses quantités. Conséquence logique de la pénurie : les prix flambent. La hausse varie de 40 % à 250 %, selon les matériaux.
Les exemples des vendeurs de vélos JP Cycle à Villedieu-les-Poêles et Gebleux à Doullens dans mon département, la Somme, ne sont pas des cas isolés. Les vingt mois de pandémie planétaire ont des effets sur tous les réseaux de production et de distribution, particulièrement les petits magasins de cycles indépendants.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour soutenir les commerces de nos territoires, victimes d’une économie rongée par la pénurie de pièces dans les chaînes de production mondialisées ? Plus largement, comment l’État français engage-t-il sa réindustrialisation ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Laurent Somon, la désindustrialisation survenue dans notre pays au cours des trente dernières années fait l’objet d’une attention et d’un engagement constants du Gouvernement depuis mai 2017.
Le Président de la République a fait de la réindustrialisation l’un des objectifs prioritaires de sa politique publique, qu’il a confiée à Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie.
Les réformes fiscales et du marché du travail, ainsi que les différentes mesures de soutien aux investissements, ont permis à la France de redevenir le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers, particulièrement dans le domaine industriel. Pour la première fois depuis dix ans, la France a recréé des emplois industriels en 2017, en 2018 et en 2019.
Nous poursuivons nos efforts, particulièrement dans cette période de tensions sur les approvisionnements, lesquelles touchent, comme vous l’avez souligné, la filière vélo, mais aussi beaucoup d’autres, comme l’automobile ou le bâtiment. Ces tensions sont dues à la reprise de l’activité industrielle, l’arrêt brutal des lignes de production empêchant une reprise normale dans des pays producteurs en raison de la crise sanitaire et d’une circulation toujours élevée du virus.
Face à cette situation, les ministres ont mobilisé fortement leurs services sur des actions de court terme afin de pallier dès à présent les tensions de long terme et rebâtir notre indépendance sur des biens stratégiques. Ils ont d’abord demandé à France Industrie de coordonner une task force en lien avec les services du ministère, qui examine de manière hebdomadaire le tableau de bord des tensions et toutes les pistes pour réduire à court terme les conséquences immédiates. Des instructions ministérielles ont en outre été adressées à tous les responsables des achats publics de l’État.
Ces tensions démontrent la pertinence de l’action que nous menons à moyen et long termes. Le plan France Relance soutient à ce jour 550 projets de relocalisation dans nos territoires. Le plan France 2030 doit nous permettre de poursuivre la réindustrialisation à long terme de notre pays.
politique européenne relative à la filière spatiale
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 1823, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie.
Mme Laurence Harribey. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur une thématique proche, mais pas sur le même secteur.
La filière spatiale est une industrie de pointe, vitrine européenne d’une coopération réussie. ArianeGroup en est un exemple, qui démontre la faisabilité d’une mise en commun de laboratoires, de bureaux d’études, de moyens de production, du savoir et des compétences.
Le domaine spatial, on le sait tous, a fortement évolué depuis quelques années. De nouveaux acteurs sont apparus ; je pense au programme SpaceX, mais également aux programmes de la Chine et de l’Inde.
Des échéances majeures pour la filière spatiale sont programmées, notamment les premiers lancements d’Ariane 6, à partir de la fin de l’année 2022.
Dans ce contexte, la direction d’ArianeGroup avait annoncé en 2018 vouloir supprimer 2 300 emplois directs, soit plus d’un quart des effectifs actuels d’ici à la fin de l’année 2024. Le 23 septembre dernier, le groupe a annoncé la suppression de 600 postes en Gironde, touchant ainsi 3 500 emplois directs, ce qui aura des répercussions évidentes sur l’ensemble du territoire girondin et au-delà.
Plus globalement, c’est l’ensemble de la filière spatiale qui risque d’être fragilisée. Elle mérite pourtant une politique européenne solide, de long terme, la priorité devant être donnée à l’utilisation des lanceurs.
Monsieur le secrétaire d’État, comment se positionne le Gouvernement face à l’annonce de ce plan ? Pouvez-vous nous dresser l’état des lieux de la stratégie française en matière de politique spatiale ? Comment articuler le maintien et le développement des sites industriels français et la dimension européenne indispensable dans ce secteur ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice, je veux rappeler ici l’engagement de long terme du Président de la République, du Premier ministre, de Bruno Le Maire mais également de Frédérique Vidal, pour la filière française du spatial.
Le plan France 2030, annoncé la semaine dernière, a fait de la maîtrise spatiale, que ce soit dans le domaine des satellites ou dans celui des lanceurs, y compris réutilisables, un élément essentiel de la politique industrielle des années à venir, avec deux priorités. D’abord, l’action se conçoit au niveau européen, comme vous l’avez dit, car c’est un secteur qui est très largement tiré par l’Europe. Le cadre financier pluriannuel 2021-2027 consacre près de 15 milliards d’euros au budget spatial, dans le cadre d’un règlement récemment adopté par le Conseil et le Parlement de l’Union européenne, à l’issue de négociations ayant duré plus de deux ans et qui ont vu la France impliquée très fortement. Le règlement s’inscrit dans la droite ligne de la stratégie spatiale pour l’Europe, adoptée en 2017.
Le programme Galileo, dont la première génération doit être prochainement achevée, sera ainsi financé à hauteur de 8 milliards d’euros. Il vise à offrir des services de navigation, positionnement et timing plus précis que l’état de l’art. Copernicus, programme d’observation de la Terre, sera pour sa part financé à hauteur de 4,8 milliards d’euros. Le solde correspond à de nouvelles initiatives envisagées au sein du futur règlement sur l’espace, portant sur la surveillance de l’espace et les communications sécurisées.
Un accord franco-allemand a enfin été obtenu le 21 juillet 2021, après plus de six mois de négociations. Il consacre la préférence européenne en matière de lanceurs et ouvre la voie au succès commercial d’Ariane 6. C’est un pas historique pour la filière française et européenne des lanceurs.
Je veux également citer les annonces du plan France 2030. Si nous regardons, madame la sénatrice, les entreprises qui ont eu les meilleures performances, et notamment SpaceX, on constate qu’elles sont très souvent le fait de nouveaux venus. Ce que nous voulons, c’est à la fois accompagner Ariane et faire en sorte qu’émergent, dans les années à venir, notamment grâce à d’abondants financements publics, les futurs champions européens du spatial, qui doivent nous permettre de reconquérir le terrain perdu.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.
Mme Laurence Harribey. Merci de cette réponse, monsieur le secrétaire d’État. Mon analyse est quelque peu différente : la réponse européenne ne suffit pas à régler les problèmes territoriaux, et il y a un décalage entre la politique européenne et les réalités territoriales. Vous répondez par le long terme. D’accord, mais n’oubliez pas ce que disait Keynes : à long terme, nous serons tous morts ! Il faut donc aussi des politiques de transition, des politiques de court terme.
déploiement des antennes 5g
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 1354, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
M. Didier Mandelli. Monsieur le secrétaire d’État, je vais vous poser une question sur un sujet d’actualité, et que vous connaissez parfaitement bien, puisqu’il s’agit de l’implantation des infrastructures passives pour la téléphonie mobile, 4G et 5G.
Malgré le « New Deal mobile », signé en 2018 par les opérateurs et vous-même, nous assistons à une poussée des opérateurs pour implanter en nombre des infrastructures. En Vendée, à Saint-Hilaire-de-Riez, pas moins de onze projets étaient en cours avec trois opérateurs : il a fallu de longues négociations pour mutualiser.
La mutualisation a été prévue dans le cadre du New Deal pour la 5G. En même temps, aux 10 500 antennes prévues dans ce cadre s’ajoutent les milliers d’autres prévues pour la 4G.
J’ai donc déposé une proposition de loi, dont l’essentiel a été repris, après discussion avec l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), dans la proposition de loi de Patrick Chaize visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, qui a été adoptée par le Sénat et l’Assemblée nationale. Cette proposition de loi revient en deuxième lecture au Sénat et, même si ses dispositions vont dans le bon sens, j’aimerais savoir quelles solutions vous pouvez mettre en œuvre à votre niveau.
Mon texte était plus coercitif sur la mutualisation. Comment accélérer celle-ci, pour éviter des situations anachroniques qu’on nous signale dans de nombreuses communes ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Mandelli, vous abordez un sujet de préoccupation importante pour le Gouvernement, en particulier dans le cadre du déploiement du New Deal mobile.
Je veux rappeler un certain nombre de principes. D’abord, notre priorité est la couverture du territoire, le plus rapidement possible, car il n’est pas normal que nous ayons pris autant de retard et que nous ayons encore autant de zones blanches. C’est pour cela que nous avons signé le New Deal mobile et significativement accéléré le financement par l’État de l’installation de pylônes en zone blanche. Entre 2003 et 2018, 600 pylônes ont été financés par l’État. Depuis 2018, près de 1 200 l’ont été, et 12 000 le seront d’ici à 2026.
Un certain nombre de ces pylônes sont implantés de manière quelque peu anarchique, je vous le concède. Nous avons regardé quelle était, d’un point de vue juridique, notre capacité à contraindre à la mutualisation des pylônes. Il ne semble pas, monsieur le sénateur – et j’en suis désolé – que nous ayons la capacité juridique de forcer le partage des pylônes, notamment si nous ne voulons pas prendre de risques en termes de rapidité de déploiement.
Toutefois, nous sommes extrêmement attentifs à chaque situation particulière et nous avons, dans le cadre du New Deal mobile, favorisé le partage des pylônes, notamment à travers l’accord Crozon entre SFR et Bouygues Telecom, ou à travers l’accord d’itinérance 2G entre Orange et Free Mobile, qui permet à ce dernier d’offrir ses services sur 97 % alors que son réseau n’en couvre que 80 %, ou encore et surtout dans le cadre du New Deal, qui prévoit que 2 000 des 5 000 sites devant être déployés en zone rurale par chacun des quatre opérateurs devront être en partage d’accès radio (Radio Access Network Sharing, ou RAN-Sharing).
Sommes-nous au bout des efforts en matière de mutualisation ? Non !
Devons-nous combattre la spéculation immobilière, qui, parfois, renchérit le prix des terrains en zones rurales ? Oui !
Nous allons continuer à poursuivre les efforts, notamment dans le dialogue, pour faire en sorte que ce déploiement se passe de la manière la plus organisée possible.
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Merci, monsieur le secrétaire d’État. Je partage ces objectifs et je m’inscris dans cette logique de dialogue avec l’ensemble des acteurs et des parties prenantes. Je souhaiterais que les maires et les élus locaux soient associés à ces réflexions : c’est indispensable pour améliorer l’acceptabilité et la soutenabilité de ces projets.
classement en commune touristique
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la question n° 1851, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les difficultés rencontrées par certaines communes pour obtenir le statut de commune touristique. Les critères permettant d’accéder à ce classement sont au nombre de trois. Il faut détenir un office de tourisme classé, organiser des animations touristiques et disposer d’une capacité d’hébergement destinée à une population non permanente.
Or, nombre de communes, sur tout le territoire national, à l’instar du Lude, dans la Sarthe, sont rattachées à un office dit de pôle – en l’espèce, l’office de tourisme de la Vallée du Loir –, dans une approche pragmatique de mutualisation. Cette approche intelligente des territoires fait souvent obstacle à l’obtention de la dénomination de commune touristique puisque, de fait, le périmètre de l’office de tourisme référent classé a évolué.
Comment entendez-vous résoudre cette problématique ? Que comptez-vous faire pour assouplir cette condition ? Il faudrait notamment permettre à une commune dépendant d’un office de pôle de prétendre elle aussi à la dénomination de commune touristique – lorsque les deux autres conditions, bien évidemment, sont réunies.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie. Monsieur le sénateur, cette question permet de préciser les choses, si besoin était, puisque les réponses ministérielles font jurisprudence – et les choses sont très claires.
Dès lors qu’une commune remplit les deux autres critères et que, par ailleurs, elle est couverte par un office de tourisme classé, fût-ce à un niveau intercommunal ou supracommunal, elle peut obtenir le statut de commune touristique. C’est le principe qui est affirmé à l’article R. 133-32 du code du tourisme, dont je vous concède que le a) pourrait être plus précis.
Vous avez évoqué un cas particulier. Je connais votre attachement au Lude, et je salue le dynamisme avec lequel la famille contribue à la vie de ce magnifique lieu et du château, avec la fête des jardiniers, qui est devenue un grand moment de l’année. Cette Vallée du Loir, pour reprendre le slogan, est un secret bien gardé, et l’on n’y vient pas par hasard !
Désormais, l’office de tourisme de la Vallée du Loir, qui porte une destination touristique cohérente, avec Baugé, La Flèche, Château-du-Loir – vous connaissez mieux que moi encore ce magnifique territoire –, peut enclencher les travaux pour être classé. En effet, pour obtenir le classement en commune touristique, l’office de tourisme doit lui-même être classé, soit en catégorie 1, soit en catégorie 2. Les critères de classement sont fixés par un arrêté du 25 avril 2019. Je pense que l’office de tourisme de la Vallée du Loir remplit un certain nombre de conditions. Une fois ce classement fait, Le Lude pourra effectuer les démarches nécessaires pour obtenir ce classement.
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la réplique.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je remercie M. le ministre de ces précisions. J’indiquerai à l’office de tourisme de la Vallée du Loir qu’il doit d’abord obtenir son propre classement pour permettre aux communes qui le peuvent d’en bénéficier à leur tour.
reprise de l’activité économique des stations de ski à la suite de la crise sanitaire
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 1866, transmise à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.
M. Cyril Pellevat. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur la reprise de l’activité économique des stations de ski à la suite de la crise sanitaire.
Alors que celles-ci n’ont pas pu ouvrir leurs portes lors de la saison précédente et que leurs finances ont été durement affectées, il est absolument nécessaire qu’elles aient de la visibilité sur la saison 2021-2022.
L’activité économique de montagne représente près de 20 milliards d’euros. Si des mécanismes d’indemnisation ont été mis en place – et je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que Joël Giraud, pour votre engagement –, ils ne couvraient que les charges fixes des domaines skiables.
De surcroît, alors qu’une dotation à destination des collectivités territoriales visant à compenser les pertes domaniales est prévue par la loi de finances rectificative, le décret précisant son mode de calcul n’a toujours pas été publié. La situation devient urgente pour les collectivités concernées, qui n’ont pas les capacités financières pour supporter un tel retard et qui seront bientôt en difficulté pour rémunérer leurs employés.
L’organisation d’une saison prend du temps et les acteurs de la montagne ont besoin de certitudes pour s’organiser au mieux après une année catastrophique. Vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d’État, que les stations n’auront pas à demander le passe sanitaire à leurs clients, ce qui est bienvenu.
Cependant, plusieurs points restent en suspens. Si le passe ne sera pas demandé, les stations ne savent toujours pas si elles devront appliquer un protocole sanitaire spécifique. Si des contrôles devaient être effectués par les employés des stations, il est essentiel que ces dernières le sachent à l’avance pour s’organiser. En outre, il est nécessaire de rechercher une coordination européenne, même si nous ne sommes pas dupes sur les mesures applicables aux stations.
Lors d’une table ronde avec les professionnels de la montagne, ceux-ci se sont dits soulagés de ne pas avoir à demander le passe sanitaire. Mais que se passera-t-il avec les pays qui demandent ou mettent en place un protocole sanitaire plus strict que celui de la France ? Et si l’afflux de touristes entraînait une flambée épidémiologique, comment pouvons-nous garantir que les remontées resteraient ouvertes dans le respect de la santé de nos concitoyens ?
Je souhaite donc vous poser deux séries de questions, monsieur le secrétaire d’État. Quand le décret relatif aux pertes domaniales sera-t-il publié ? Quand cette dotation sera-t-elle versée ? Où en sommes-nous dans l’élaboration du protocole sanitaire pour les stations ? Une coordination européenne est-elle recherchée sur ce sujet ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie. Monsieur le sénateur Cyril Pellevat, pour en venir directement aux pertes de fiscalité, une compensation sera mise en place en 2021, comme en 2020, pour garantir que les recettes fiscales totales en 2021 ne sont pas inférieures à la moyenne de ces recettes entre 2017 et 2019. La taxe de séjour et la taxe sur les remontées mécaniques sont d’ailleurs intégrées dans le panier de calcul, et le décret d’application, pour répondre très directement à votre question, sera présenté au Comité des finances locales fin octobre. Il prévoira que l’acompte de 2021 sera égal à 30 % de la dotation de 2020, et que le calcul définitif sera effectué au printemps 2022 pour tenir compte des résultats réels.
Vous m’interrogez aussi sur la préparation de la saison d’hiver. Celle-ci est attendue de tous, professionnels de la montagne, mais aussi Français et Européens, qui vouent aux domaines skiables français une certaine admiration. Après la saison blanche que nous avons connue, le message est simple : nous devons réussir cette saison. Cet hiver, c’est ouvert ! Je veux à cet égard témoigner de la préparation très méticuleuse des professionnels, des élus, des domaines.
Le protocole sanitaire des stations est en cours de révision par les autorités sanitaires du ministère de la santé. Il devrait être finalisé et évoqué de nouveau avec les professionnels à la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine.
Je me suis exprimé régulièrement sur le passe sanitaire. Pardonnez-moi, monsieur le président, si je déborde quelque peu de mon temps de parole, mais il s’agit d’une information importante. À ce stade, la saison a commencé, à Tignes le week-end dernier, aux Deux-Alpes le week-end prochain, sans passe sanitaire, dans le droit commun du territoire national.
Pour autant, il ne faut pas se priver de regarder cette option si c’est celle qui permet de rester ouvert. Un certain nombre de pays en Europe ont déjà annoncé la mise en place du passe sanitaire en stations. C’est le cas de l’Autriche, par exemple. La clientèle venant de Grande-Bretagne, par exemple, connaît une petite flambée, il faut s’en prémunir.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nous aurons l’occasion de revenir vers les professionnels très prochainement sur ce sujet.
M. le président. Nous sommes très rigoureux sur le temps de parole, car nous avons 45 questions orales ce matin !
conséquences des marnières pour les collectivités ou les particuliers
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 1579, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, le département de la Seine-Maritime est celui qui compte le plus grand nombre de cavités souterraines. Faute de méthode totalement fiable pour détecter ces marnières, la prévention s’appuie sur le signalement ou la connaissance populaire. Un inventaire national a bien été engagé en 2001 mais, faute d’être exhaustif, il ne peut pas être utilisé en urbanisme. C’est un premier problème pour les communes, qui doivent donc établir, par leurs propres moyens, les zones susceptibles d’effondrement.
Par ailleurs, pour tendre vers l’objectif de zéro artificialisation des sols, les services de l’État exigent des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) chargés des plans locaux d’urbanisme, comme la communauté de communes Campagne de Caux, qu’ils affectent à l’habitat des zones en dents creuses ou comprises dans l’enveloppe urbaine, y compris lorsque celles-ci comptent des cavités pourtant clairement identifiées. Compte tenu du coût d’un comblement permettant de rendre constructibles les parcelles en question, serait-il envisageable de créer un dispositif similaire au fonds pour le recyclage des friches – le fonds Friches –, qui s’applique aux friches industrielles ou urbaines ?
Que ce soit pour une commune ou un foyer, les coûts de recherche et de comblement sont particulièrement élevés : 80 000 euros, par exemple, pour une famille de Saint-Jouin-Bruneval qui doit faire face à une cavité de plus de 800 mètres cubes sous sa maison. Des dispositifs d’aides existent, mais ils sont insuffisants. Le fonds Barnier, par exemple, n’intervient qu’à hauteur de 30 %, tandis que les assurances ne couvrent pas l’ensemble des autres frais. Le fonds Barnier se fait d’ailleurs régulièrement faire les poches, si vous me permettez l’expression, quand on l’intègre au budget général ou qu’on abaisse son plafond, ce qui n’arrange évidemment pas les choses !
Pour accompagner financièrement communes et ménages, ne serait-il pas possible de prévoir une exonération de la TVA, ou encore un prêt spécifique à taux zéro ? Voilà quelques mesures simples, madame la ministre : elles permettraient d’apporter de premières réponses au problème des marnières, qui empoisonne l’existence de beaucoup d’habitants de mon département.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Céline Brulin, les anciennes marnières constituent en effet un enjeu important de prévention des risques en Normandie, en raison des risques d’effondrement brutal qu’elles peuvent causer.
Afin d’améliorer la gestion des risques engendrés par les marnières abandonnées, le Gouvernement a mandaté le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) pour faire des propositions. Ce dernier a rendu public son rapport en octobre 2019 et le Gouvernement s’est engagé sur trois points : l’amélioration des méthodes de détection des marnières ; l’amélioration des bases de données faisant l’inventaire de ces marnières, en particulier en Normandie ; surtout, l’augmentation de 30 % à 80 % du taux de la subvention du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, pour les opérations de reconnaissance de la présence éventuelle de ces cavités souterraines et les travaux visant à leur comblement.
Depuis la loi de finances pour 2021, cette dernière mesure relève de la voie réglementaire. Le décret qui la met en œuvre a été publié le 30 avril dernier. Ce texte entérine la hausse du taux de subvention à 80 % de la dépense, dans la limite d’un plafond de 36 000 euros, sans pouvoir excéder 50 % de la valeur vénale du bien affecté.
Cette évolution très significative traduit la volonté de l’État d’améliorer la prévention des risques liés aux marnières. Un retour d’expérience sera organisé afin d’étudier l’efficience de cette mesure réglementaire.
Je précise également que le fonds Barnier peut financer certains dédommagements immobiliers pour des dépenses liées à l’acquisition de biens exposés ou des dépenses connexes, notamment le relogement des personnes exposées. Le fonds Friches peut également être mobilisé.
déclinaison territoriale des engagements climatiques
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, auteur de la question n° 1847, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Hervé Gillé. Madame la ministre, le Conseil d’État vient de condamner la France pour non-respect de ses objectifs climatiques portant sur la qualité de l’air. De l’avis de nombreuses parties prenantes, la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, ne permettra pas d’atteindre nos engagements européens et internationaux en 2030.
Ces constats et ces perspectives interrogent sur la méthode et sur l’absence d’une réelle planification et d’une territorialisation des enjeux. Sans vouloir paraphraser Pierre Rabhi, je dirai que chacun doit prendre sa part ; encore faut-il qu’elle soit définie et évaluée. Ainsi, les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) valident un programme d’action sans réellement afficher une stratégie globale sur le plan énergétique et climatique, s’appuyant sur des engagements partagés, des indicateurs et une méthodologie commune d’évaluation.
Les financements accordés ne sont pas conditionnés à l’atteinte de résultats de performances énergétiques et climatiques, ce qui pose question quant à l’efficacité finale de la démarche. Enfin, les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) ne sont pas fléchés et reconnus en soi pour faciliter leurs déclinaisons locales et renforcer leurs intérêts. Souvent portés par des syndicats mixtes, ils pourraient participer à l’agrément des projets au fil de l’eau, dans une logique d’opportunité et d’impulsion.
La déclinaison d’objectifs et d’engagements territoriaux dans une démarche de subsidiarité doit donner de la lisibilité pour les citoyens, que ce soit sur le plan individuel ou collectif. Elle contribue à donner du sens à l’action publique. La démobilisation électorale nous rappelle cet enjeu. Comment le Gouvernement le prend-il en compte ? Il ne suffit pas de construire des stratégies ambitieuses à tous les niveaux – national, local, territorial. Encore faut-il les décliner en objectifs et résultats opérationnels.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Hervé Gillé, compte tenu de l’urgence climatique, l’engagement des collectivités dans la transition écologique est essentiel.
L’article 88 de loi Climat et résilience instaure des comités régionaux de l’énergie, qui joueront un rôle clé dans la planification énergétique. Ces comités seront consultés lors de l’élaboration des objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables, lesquels seront fixés par décret, à compter de la prochaine révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
La ministre Barbara Pompili a lancé le 11 octobre dernier la concertation préalable, qui aboutira à cette révision. La territorialisation de la loi de programmation Énergie-climat (loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat), qui devra vous être présentée avant le 1er juillet 2023, fait partie des enjeux identifiés pour cette concertation.
Les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) définissent les objectifs stratégiques et opérationnels dans la lutte contre le changement climatique. Ils doivent être élaborés en cohérence avec les objectifs nationaux. Aujourd’hui, seuls 29 % des PCAET obligatoires ont été approuvés. Il est donc essentiel d’accélérer le déploiement de ces plans. Je tiens cependant à souligner que la dynamique est bonne, puisque, en août 2021, l’élaboration de 92 % des PCAET obligatoires était engagée.
Comme le prévoit l’article 68 de la loi Énergie-climat, la contribution des PCAET et des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) aux politiques de transition écologique fera l’objet d’un rapport du Gouvernement au Parlement.
Vous m’interrogez enfin sur le développement possible d’écoconditionnalités des dotations aux collectivités. Le Gouvernement ne souhaite pas s’engager dans cette voie. Il privilégie la contractualisation, avec le contrat de relance et de transition écologique (CRTE), qui intègre tous les dispositifs d’accompagnement de l’État à destination des collectivités et permet une contractualisation fructueuse.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Madame la ministre, vous percevez bien que votre réponse esquive, d’une certaine manière, cette déclinaison d’indicateurs et d’objectifs de performance à chaque niveau. Vous mettez de côté l’écoconditionnalité des moyens qui peuvent être accordés dans le cadre de l’aménagement du territoire. Ce ne sont pas forcément des conditions qui nous permettront d’accélérer la mise en place d’actions concrètes pour atteindre les résultats attendus.
situation sanitaire et environnementale de la carrière de tournai-sur-dive
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 1790, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, je ne suis pas une spécialiste du sujet mais je voulais attirer votre attention sur la situation sanitaire et écologique de la carrière de grès armoricain de Tournai-sur-Dive, dans l’Orne.
Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a découvert dans la région de Bailleul du grès armoricain à zircon, rutile et monazite. D’autres organismes ont découvert un certain nombre de produits toxiques. Le grès armoricain comporte fréquemment de fortes concentrations en rutile et en zircon. On y trouve aussi de l’oxyde de titane, ou anatase. Le pourcentage de minéraux lourds atteint 15 % dans des couches les plus minéralisées, le concentré étant constitué principalement d’anatase, de rutile et de zircon.
La situation est la suivante : les associations de protection de l’environnement s’alertent, alors que la carrière a reçu des accords pour son agrandissement. À chaque percée, des poussières toxiques remontent. La population est extrêmement inquiète. Il y a plusieurs procédures en cours. Surtout, il y a une interrogation sur la toxicité de l’exploitation de cette carrière.
Je souhaiterais donc que le Gouvernement s’implique en raison du principe de précaution. Les critères de la dangerosité ont changé, et la population est de plus en plus sensible à ces problèmes de pollution, surtout qu’il s’agit d’une pollution lourde, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, la société Orbello exploite à Tournai-sur-Dive, en vertu de l’arrêté du 4 avril 2018, une carrière où elle est autorisée à extraire 500 000 tonnes par an de calcaire et de grès armoricain.
Cet arrêté a fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif de Caen, qui l’a annulé le 21 novembre 2019. Mais la cour administrative d’appel de Nantes a invalidé cette position par jugement du 5 mai 2020.
La Cour a simplement demandé de compléter le dossier sur l’état initial de pollution des sols et sur une étude patrimoniale concernant trois bâtiments construits par l’Ordre des Templiers. Le dossier a été complété et a fait l’objet d’une consultation du public. Il a été validé par l’arrêté préfectoral du 30 juin 2021, qui a été transmis à la Cour, laquelle n’a pas émis de remarques.
L’association de protection de l’environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive a déposé une nouvelle requête devant le Conseil d’État.
La radioactivité naturelle présente sur le site est issue du thallium, qui peut être contenu dans le gisement de la carrière et dans les potentielles poussières. C’est un sujet bien identifié et il a été pris en compte dans l’étude d’impact établie lors de la demande d’extension. Le juge d’appel n’a pas retenu ce moyen.
L’agence régionale de santé, consultée sur le dossier, n’a formulé aucune recommandation. De plus, une étude du BRGM du 4 juin 2014 dans un précédent dossier confirme également l’absence d’impact radiologique de la carrière.
Néanmoins, la préfète de l’Orne a imposé un contrôle périodique sur les eaux d’exhaure de cette carrière, qui sont les plus susceptibles d’être contaminées par le thallium. Les résultats sont très inférieurs aux normes prescrites et confirment les études.
Je tiens à souligner que, dans le cadre de la démarche de transparence, ces analyses, réalisées par un laboratoire indépendant, à la demande de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), ont été présentées lors de la réunion de suivi de ce site qui s’est tenue le 8 octobre dernier.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, les précautions et les procédures montrent que l’inquiétude est toujours extrêmement lourde au sein de la population. Comme souvent, il y a conflit entre les nécessités de l’activité économique et celles de la protection de l’environnement. Il faut faire le bilan des coûts et des avantages…
Dans l’Orne, nous avons eu le même type de problème avec l’entreprise GDE, qui a finalement été fermée grâce à l’intervention de Ségolène Royal, ministre à l’époque. Il y a des problèmes, et je voudrais vraiment que vous demandiez à Mme la préfète d’organiser un tour de table.
attaques des loups en lozère
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, auteure de la question n° 1805, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Guylène Pantel. Ma question porte sur la grande détresse des éleveurs lozériens face à la recrudescence des attaques de loups et sur l’urgence de la mise en œuvre de tirs de défense.
Depuis trop longtemps, les éleveurs lozériens subissent des attaques de loups. Les mesures de protection des troupeaux mises en place jusqu’à présent se révèlent inefficaces et inadaptées à la configuration paysagère et topographique de la Lozère. Comme vous le savez, du fait du classement au niveau national, communautaire et international du loup comme une espèce strictement protégée, sa destruction est interdite, sauf de manière dérogatoire et sous certaines conditions.
Deux arrêtés nationaux interministériels encadrent le « protocole technique d’intervention » pour le prélèvement de loups, qui prévoit une gradation des tirs.
En Lozère, une soixantaine d’éleveurs bénéficient d’une autorisation de tir de défense simple, avec un seul tir. Le monde agricole s’accorde à dire qu’au regard de la géographie de notre territoire de montagne et des expériences passées, ce moyen de défense est inefficace.
Il existe une autre possibilité d’intervention face à la menace du loup : le tir de prélèvement. Celui-ci peut être autorisé dans le cas de dommages exceptionnels constatés malgré la mise en place de moyens de protection et malgré la mise en œuvre d’opérations de tirs de défense simple et d’au moins deux tirs de défense renforcée. Autant le dire très directement : cela arrive très rarement !
Aussi, madame la ministre, je souhaiterais savoir dans quelle mesure des tirs de prélèvement pourraient être autorisés en première intention sur les territoires faisant l’objet d’actes de prédation durables et récurrents. Il y va de la préservation de notre agriculture locale et de la vitalité économique de nos territoires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice, pour soutenir l’élevage et lutter contre la prédation par le loup, le plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage permet, entre autres, le financement de moyens de protection des troupeaux et l’indemnisation des éleveurs.
Conformément à la législation communautaire et nationale – vous l’avez indiqué –, des dérogations à la protection stricte du loup sont utilisées. Elles permettent d’autoriser des tirs de loups dans la limite d’un plafond fixé chaque année de manière à respecter la viabilité de la population.
Deux arrêtés du 23 octobre 2020 fixent le nombre de loups pour lesquels la destruction est autorisée à 118 pour 2021, ainsi que les conditions dans lesquelles les autorisations de tirs peuvent être accordées. Le tir de défense simple peut être mis en œuvre sur les troupeaux protégés ou reconnus comme ne pouvant l’être après autorisation du préfet du département. Le tir de défense renforcée peut être autorisé sur ces mêmes troupeaux, notamment lorsque, après le recours aux tirs de défense simple, un troupeau a subi au moins trois attaques en douze mois.
Les tirs de prélèvement, que vous mentionnez, peuvent être autorisés en cas de dommages exceptionnels sur des troupeaux protégés ou ne pouvant l’être lorsque au moins deux tirs de défense renforcée ont été pratiqués sur douze mois.
La politique de tirs vise à centrer l’action sur les foyers de prédation. Elle veille à ce que le plafond de destruction de loups autorisé chaque année ne soit pas atteint avant la fin de l’année pour que les éleveurs puissent défendre leurs troupeaux tout au long de l’année.
Les tirs de défense renforcée sont les plus efficaces pour la protection des troupeaux, davantage que les tirs de prélèvement, finalement peu utilisés. Cette année, le préfet coordonnateur n’a pas eu de demande de mise en œuvre de tirs de prélèvement.
Enfin, la mise en place de mesures de protection efficace reste la première réponse au problème de la prédation. Une action ciblée sur les élevages qui concentrent le plus d’attaques est menée, afin d’analyser et d’améliorer l’efficacité de ces mesures.
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour la réplique.
Mme Guylène Pantel. Madame la ministre, j’entends votre réponse. Mais la détresse des éleveurs est immense. Ce sont leur exploitation et même leur vie de famille qui sont en jeu, car ils surveillent en permanence leurs troupeaux. Il faut vraiment traiter cette question et trouver une solution.
projet de parc éolien de guiscard
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 1858, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Olivier Paccaud. Ces dernières années, de nombreux élus locaux se mobilisent face à l’implantation à marche forcée d’éoliennes sur leurs territoires. Parmi eux, six maires de mon département de l’Oise sont vent debout contre un projet de ferme éolienne situé autour de Guiscard. Les communes concernées sont Guiscard, Maucourt, Berlancourt, Beaugies-sous-Bois, Quesmy et Le Plessis-Patte-d’Oie.
J’avais d’ailleurs alerté Mme le ministre sur le sujet au printemps 2021 en lui adressant deux courriers, qui sont malheureusement restés lettre morte. Le Président de la République lui-même, saisi par mes soins, a transmis le dossier à la ministre. Mais peut-être ledit dossier s’est-il perdu entre l’Élysée et le bureau de cette dernière…
Depuis 2007, les élus concernés manifestent par des délibérations leur opposition résolue à ces nouvelles implantations. La population a aussi pétitionné. Tout le nord de l’Oise ayant amplement contribué au développement de l’éolien, le taux de saturation y est aujourd’hui atteint.
Outre les nuisances provoquées par ces grands mâts bruyants et envahissants, le projet en question concerne un site qui mérite d’être protégé : le bois de Beaugies. Or ces installations défigurent nos paysages et bétonnent nos espaces naturels et agricoles. Je sais que vous êtes sensible aux problématiques de béton, madame Wargon ! (Sourires.)
Par sa pollution visuelle, l’éolien porte atteinte à notre environnement dans une France dont l’énergie est pourtant largement décarbonée.
Une telle levée de boucliers interroge aussi sur la volonté du Gouvernement de tenir compte de l’opposition de la population et des élus locaux.
Madame le ministre, les communes constituent le socle de la démocratie locale et de la souveraineté populaire. Aussi, les maires doivent être pleinement entendus par le Gouvernement. La cohésion territoriale tant prônée par le chef de l’État ne saurait faire l’économie d’une telle écoute.
Ma question est donc simple : le Gouvernement compte-t-il faire respecter la voix des élus locaux et l’avis des populations sur les questions éoliennes en général et sur ce dossier environnemental en particulier ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur, malgré notre mix électrique largement décarboné, les deux tiers de notre consommation d’énergie finale reposent toujours sur les énergies fossiles.
Pour atteindre la neutralité carbone, en complément de nos efforts d’efficacité énergétique et de sobriété, une électrification massive de notre économie sera nécessaire dans les transports, les bâtiments et l’industrie.
Pour continuer à nous chauffer et à nous déplacer tout en réduisant nos importations de combustibles fossiles et nos émissions de CO2, il est donc indispensable de développer massivement les énergies renouvelables, y compris l’éolien.
Le Gouvernement est attentif à ce qu’un tel développement soit compatible avec la protection de la biodiversité et des paysages et prenne pleinement en compte les préoccupations des élus et des riverains.
La ministre Barbara Pompili a annoncé dix mesures en ce sens le 5 octobre dernier. Elle a en particulier donné instruction aux préfets de réaliser une cartographie des zones propices au développement de l’éolien, en concertation avec les collectivités locales, afin que l’échelon territorial se réapproprie une démarche de planification.
La concertation sera renforcée, avec la création d’un médiateur national de l’éolien et le renforcement prévu par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, des obligations de consultation du maire en amont du projet.
D’autres mesures ont pour vocation de minimiser les nuisances pour les riverains, en renforçant les exigences sur le bruit et en déployant des solutions pour limiter, voire éteindre le balisage lumineux des mâts. De plus, il est désormais obligatoire d’excaver complètement les fondations des parcs en fin de vie ; c’est autant de béton en moins !
Il est également prévu que les parcs éoliens financent un fonds de sauvegarde du patrimoine naturel et culturel communal via un prélèvement de 1 % sur les ventes d’électricité d’origine éolienne.
De telles dispositions viennent compléter une réglementation exigeante, à laquelle les éoliennes sont déjà soumises. Le préfet analyse ainsi l’ensemble de tous ces éléments pour décider d’autoriser ou de refuser le projet d’un parc éolien et peut, le cas échéant, prescrire des mesures pour limiter les impacts.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Je n’ai pas été convaincu, et les élus concernés ne le seront pas non plus. Je n’ai qu’une chose à dire : dans une démocratie, il faut tenir compte de ce que veut la population.
impacts du projet hercule sur les structures d’exploitation hydroélectrique de la vallée d’ossau
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, auteur de la question n° 1491, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Max Brisson. Les barrages hydroélectriques créent une énergie renouvelable décarbonée à la demande. Ils sont une ressource stratégique pour l’autonomie de la France.
Si la plupart des États ont recours à un régime d’autorisation, qui leur permet de protéger leurs barrages de toute ouverture à la concurrence, trois pays européens, dont la France, ont recours à la concession, mais l’Italie et le Portugal ont tous deux repoussé une telle ouverture.
Il semblerait donc que la Commission ait souhaité faire de la France un modèle d’application des exigences européennes. En 2015 et 2019, notre pays a ainsi fait l’objet de deux mises en demeure. Et si le projet Hercule a été renvoyé aux calendes grecques, le flou demeure sur la volonté du Gouvernement de se plier ou non à ces exigences, mettant les actuels concessionnaires dans l’incertitude.
Parmi eux, la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) devrait être soumise au renouvellement de ses concessions sur trois vallées pyrénéennes. Or l’ouverture à la concurrence risque de mettre en danger la pérennité des emplois liés aux activités hydroélectriques. Ainsi, celle-ci pourrait provoquer la fermeture de l’atelier de maintenance de Laruns, employant cinquante personnes, avec de lourdes conséquences sur l’économie de la commune et de l’ensemble de la vallée d’Ossau.
Mon interrogation est donc simple. Quelles modalités de mise en concurrence pourraient être fixées pour éviter de mettre en péril l’emploi dans les vallées pyrénéennes ? Et en cas de changement de concessionnaire, quels engagements est prêt à prendre le Gouvernement pour garantir la protection des emplois liés aux activités hydroélectriques sur le territoire de la vallée d’Ossau ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Max Brisson, tout d’abord, il convient de rappeler que la Commission européenne a engagé un contentieux vis-à-vis de la France, portant notamment sur l’absence de renouvellement par mise en concurrence des concessions hydroélectriques échues.
Une telle situation nuit aux investissements dans le secteur, et elle est source d’incertitude pour les entreprises, les salariés et les collectivités.
C’est dans ce contexte de contentieux européen que le Gouvernement explore plusieurs scénarios pour le renouvellement des concessions hydroélectriques. Aucune décision n’a encore été prise.
En lien avec les réflexions autour de la réorganisation du groupe EDF, le Gouvernement explore, entre autres solutions, la voie, permise par le droit des concessions, consistant à attribuer sans mise en concurrence les concessions à une structure publique dédiée contrôlée par l’État : c’est le régime de la quasi-régie.
Les échanges avec la Commission européenne sur les différents scénarios se poursuivent. Aucun accord n’a été trouvé à ce stade.
Le Gouvernement sera particulièrement attentif à ce que la solution retenue permette la pérennisation et le développement du parc hydraulique français et des emplois liés à ce secteur d’activité. L’hydroélectricité est en effet cruciale pour notre transition énergétique, mais également pour la gestion de la ressource en eau.
Une telle activité est essentielle dans le contexte du changement climatique. Comme vous le rappelez, elle contribue également à l’économie locale, au travers des emplois créés. Le Gouvernement apportera bien entendu une attention particulière au personnel des sociétés exploitantes et à leurs sous-traitants.
Vous pouvez en être certain, quelle que soit la solution retenue in fine pour la gestion des concessions hydroélectriques françaises, le Gouvernement sera très attentif au potentiel énergétique, technique et humain de la SHEM et des concessions exploitées par elle. Le ministère de la transition écologique est en contact régulier avec elle et avec son actionnaire, Engie, sur le sujet.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je partage votre constat sur le contexte actuel. Je me réjouis que votre réflexion avance. Il faudra veiller à retenir une solution qui ne fasse pas du critère financier l’unique déterminant des règles et des conditions d’attribution. Il y va de l’emploi dans nos vallées et, en cas d’arrivée de prestataires étrangers, de notre souveraineté énergétique.
développement de la guyane contre militantisme écologique
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 1871, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Georges Patient. Madame la ministre, j’irai droit au but. Ma question porte sur la nécessaire continuité de l’exploitation de la mine d’or de la société Auplata à Saint-Élie en Guyane.
En effet, en raison d’une décision de justice, à la suite d’un recours déposé par une association environnementale, de surcroît « hors sol », l’entreprise devra fermer prochainement, sauf en cas de publication d’un arrêté préfectoral temporaire lui permettant d’assurer la continuité ou de reprendre au plus vite ses activités. Ce serait tout à fait normal, et dans l’ordre du possible, sachant que la décision du tribunal administratif est fondée sur un argument de forme et non de fond.
Surtout, Auplata c’est 89 emplois locaux, 5 millions d’euros de salaires, auxquels s’ajoutent 6 millions injectés dans l’économie guyanaise. Ce n’est pas rien pour un territoire comme le mien, en panne de développement !
Enfin, Auplata est en train de réussir le pari de la mine responsable, vantée par le Président de la République, avec une exploitation respectant des normes strictes en matière de protection de l’environnement tant au niveau des rejets dans le milieu naturel que du reboisement des zones déforestées.
Madame la ministre, pour toutes ces raisons, l’État ne peut pas garder le silence. Bien au contraire, il doit afficher son soutien à cet opérateur minier local, légal – j’insiste sur ce point : oui, c’est un opérateur légal ! – et engagé dans une démarche qui préfigure l’avenir de l’extraction aurifère en Guyane.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le président Patient, vous avez interrogé Mme Pompili, ministre de la transition écologique, qui, ne pouvant pas être présente, m’a chargée de vous répondre.
Concernant l’usine de cyanuration de Saint-Élie, le préfet de Guyane a bien autorisé, par arrêté du 18 novembre 2015, la société Auplata à exploiter une installation de séparation gravitaire d’or primaire et une unité modulaire de traitement du minerai aurifère.
À la suite d’un contentieux, le tribunal administratif a jugé qu’une telle autorisation était caduque, car il s’était écoulé plus de trois ans entre l’autorisation et la mise en service effective de l’installation.
Les installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation, comme c’était le cas pour Auplata, sont susceptibles de comporter des dangers ou des inconvénients pour les populations alentour ou l’environnement et, plus généralement, les intérêts protégés visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement.
C’est pourquoi une procédure d’autorisation environnementale doit permettre d’édicter les prescriptions de nature à protéger ces intérêts, procédure qui inclut la participation du public. Le délai de trois ans constaté dans le cas d’Auplata est une condition connue de la caducité de l’autorisation. La décision du tribunal est donc la simple application d’une clause très courante du droit des installations classées.
L’article du code de l’environnement est connu. Son application ne peut pas être une cause d’insécurité pour les porteurs de projets. Ce délai permet notamment de s’assurer que la conception des installations projetées n’est pas datée et, surtout, que l’état de l’environnement sur lequel s’est fondée la décision est suffisamment récent.
Si la décision est donc parfaitement fondée, le Gouvernement reste de manière générale vigilant à ce que le cadre législatif et réglementaire permette le développement économique de nos territoires.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour la réplique.
M. Georges Patient. Madame la ministre, j’ai entendu votre réponse, qui ne me satisfait guère. Ce que je demandais, c’était que l’État prenne dès à présent un arrêté permettant de poursuivre l’exploitation, en attendant l’appel. Je tiens simplement à rappeler que cette entreprise est légale. Elle doit continuer à fonctionner. Ce sont les entreprises illégales, celles qui pillent et polluent le territoire guyanais, qui doivent fermer !
engagement pour renouveau du bassin minier
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 1855, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
M. Frédéric Marchand. Madame la ministre, trente ans après la fermeture des derniers puits d’extraction du charbon, et après avoir affronté crise sur crise, le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais concentre aujourd’hui les indicateurs les plus préoccupants de la France métropolitaine, appliqués à une population importante, sur un territoire étendu.
C’est dans ce contexte que la communauté de communes Cœur d’Ostrevent a annoncé en 2017 son intention de signer l’engagement pour le renouveau du bassin minier (ERBM). Couvrant l’ensemble des politiques publiques, celui-ci est un programme d’actions unique en France, aussi bien par son ambition, par sa durée, que par la densité et l’étendue du territoire auquel il s’applique.
L’ambition est d’accompagner le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais dans une résilience exemplaire. Elle est aussi de redonner de l’énergie et du mouvement à ce territoire, de la fierté à ses habitants. La communauté de communes Cœur d’Ostrevent s’est dès le démarrage de l’ERBM pleinement investie pour favoriser la mise en convergence des politiques publiques, afin que celles-ci s’inscrivent de manière cohérente, concrète et opérationnelle pour apporter des solutions aux difficultés sociales, économiques et culturelles des habitants de son territoire. Car il y avait urgence ! La collectivité s’est fortement engagée dans la mise en œuvre d’un programme de réhabilitation énergétique des cités minières – cela ne vous laissera sans doute pas indifférente –, soit 1 200 logements, en dégageant une enveloppe financière de 9 millions d’euros et en développant son intervention en matière d’insertion par l’économique avec plus de 30 000 heures « clausées » et près de trente personnes en situation de retour à l’emploi à ce jour.
Néanmoins, pour la communauté de communes Cœur d’Ostrevent, il faut aller plus loin avec un déploiement plus large des ambitions de l’ERBM. Cela concerne tout particulièrement le financement du volet urbain et paysager des cités minières, un soutien financier fort à la définition et à la mise en œuvre de projets structurants, dans les domaines du développement économique, touristique et environnemental, et, enfin, un rattrapage en matière de santé et de pratique sportive en apportant sa contribution financière à la construction de la future piscine communautaire.
La communauté de communes Cœur d’Ostrevent, au sein du bassin minier, mérite le soutien plein et entier de l’État.
Vous le voyez, madame la ministre, il y a urgence. Je vous remercie de m’indiquer quelles mesures peuvent être prises pour déployer plus largement l’ERBM en matière de financement du volet urbain et paysager des cités minières, de projets structurants, ainsi que d’équipements sportifs en vue d’assurer un rattrapage en matière de santé.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, vous avez raison : l’engagement pour le renouveau du bassin minier est un contrat territorial unique, qui vise à répondre précisément aux nombreux enjeux auxquels sont confrontés les territoires de l’ancien bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais.
L’État s’est pleinement engagé dans la réalisation concrète de ce contrat, en déclinant les objectifs et intentions de l’ERBM en programmes d’actions avec l’ensemble des parties prenantes.
Nous avons ainsi engagé le financement de la réhabilitation massive des logements miniers. Ce sont 100 millions d’euros, à raison de 10 millions d’euros par an, qui sont dédiés à cette action.
L’État déploie également depuis 2018 une enveloppe annuelle complémentaire de 2 millions d’euros du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) pour soutenir les investissements structurants des collectivités territoriales du bassin minier. Cela concerne notamment le financement de certains équipements sportifs. Par ailleurs, 9 millions d’euros supplémentaires seront fléchés en 2022 sur l’ERBM dans le cadre du pacte Sambre-Avesnois-Thiérache.
Dans tous ses domaines d’actions, l’État porte par ailleurs une attention particulière au bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais. C’est pour cette raison que ce territoire a été désigné territoire démonstrateur en matière de lutte contre la pauvreté.
Des travaux sont également conduits – et je sais que Mme la ministre Jacqueline Gourault y est très attentive – pour chiffrer et financer des travaux d’aménagement urbain.
L’État continuera notamment à soutenir les investissements prioritaires pour le renouveau de ce territoire à travers les contrats de relance de la transition écologique.
difficultés pour les communes rurales de répondre aux besoins en matière de logement
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 1869, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
M. Patrice Joly. Aujourd’hui, madame la ministre, la lutte contre l’artificialisation des sols, objectif que l’on ne peut qu’approuver, ne prend pas suffisamment en compte la disparité des situations sur le territoire national.
Appliquée de manière uniforme, cette lutte conduit à ne pas tenir compte de la surartificialisation constatée depuis des décennies sur un certain nombre de secteurs urbains et métropolitains, que l’on fait, d’une certaine manière, payer aujourd’hui aux territoires ruraux par une application très rigoureuse des règles de constructibilité.
Ainsi, les collectivités n’ayant pas établi de document d’urbanisme se trouvent régies par le règlement national d’urbanisme (RNU), dont une application trop stricte conduit à refuser des certificats d’urbanisme, ainsi que des autorisations de construire, alors même que le terrain concerné est dans une zone où existent déjà des habitations et qu’il est desservi par les principaux réseaux de viabilité, c’est-à-dire la voirie, l’eau, l’assainissement, l’électricité.
Cette situation n’a pas été prise en compte dans le cadre de la loi Climat et résilience. Cela conduit à restreindre la capacité de logements sur les territoires ruraux pour les habitants déjà installés et pour les nouvelles populations, dont on constate une augmentation sensible liée à la crise et aux confinements successifs.
Il devient urgent, si l’on veut pouvoir répondre aux désirs de campagne des Français et permettre l’accompagnement des dynamiques nouvellement constatées sur ces territoires, de revoir les règles d’urbanisme et leurs modalités d’application, sous peine de renforcer la hausse de l’immobilier aujourd’hui constatée, avec ses conséquences sur le pouvoir d’achat des résidents permanents, en particulier des jeunes et des jeunes ménages vivant dans les territoires ruraux.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Patrice Joly, le Gouvernement est très attentif au développement d’une offre de logements adaptée aux besoins locaux, et ce sur l’ensemble de nos territoires. Cela doit se faire en trouvant un équilibre entre construction neuve et préservation des espaces naturels. C’est le sens de la trajectoire de lutte contre l’artificialisation des sols que nous avons fixée dans la loi Climat et résilience. Réduire le rythme de l’artificialisation signifie non pas que nous ne pourrons plus construire, mais simplement que nous allons construire mieux.
Je le précise, avec la loi Climat et résilience, nous pourrons encore construire sur 140 000 hectares de surfaces nouvelles dans les dix prochaines années. Ce n’est pas rien.
Vous évoquez notamment l’application du règlement national d’urbanisme, que vous jugez trop contraignante pour les petites communes. Je voudrais vous rappeler que le RNU est un outil par défaut pour les communes n’ayant pas adopté de document de planification urbaine. Il s’agit d’une règle nationale qui limite les constructions aux parties déjà urbanisées de la commune. Nous encourageons l’ensemble des territoires, y compris les petites communes rurales, à se doter d’un document d’urbanisme, afin que les ouvertures à l’urbanisation s’inscrivent dans une stratégie formalisée. Plusieurs outils existent. Je pense à la carte communale, au plan local d’urbanisme communal ou évidemment intercommunal.
Au-delà des documents d’urbanisme, vous m’interrogez sur les politiques que nous déployons afin d’aider les jeunes à accéder à la propriété là où ils le souhaitent. Nous proposons ainsi de prolonger le prêt à taux zéro dans le projet de loi de finances pour 2022 jusqu’à fin 2023. Nous développons avec Action Logement une aide à l’accession à hauteur de 10 000 euros qui profitera à 20 000 ménages salariés. Elle est opérationnelle depuis le mois de septembre 2021. Enfin, nous avons renforcé les leviers d’accession à la propriété, à travers le bail réel solidaire, que nous avons amélioré tout au long du quinquennat. Il permet l’accès à la propriété sans avoir à acheter le foncier.
Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé en faveur de l’accès de tous, notamment des jeunes, à un logement adapté et abordable sur l’ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Madame la ministre, je vous entends. Toutefois, dans l’attente des instruments de planification que vous évoquez, il devient, me semble-t-il, urgent de revoir l’application du RNU, qui est aujourd’hui trop stricte et réductrice, sous peine de renforcer le sentiment d’incompréhension par les pouvoirs publics de la réalité que vivent les élus locaux et les habitants des territoires concernés.
installation de panneaux photovoltaïques en zone rurale
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, auteur de la question n° 1836, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la ministre, je voulais vous alerter le sur les difficultés liées à des projets d’installation de panneaux photovoltaïques que nous connaissons en zone rurale.
Elles sont de deux ordres.
D’abord, nous manquons de postes sources disponibles. Dans le nord de la Haute-Vienne, les communes constatent que les nouveaux projets ne peuvent pas être intégrés au poste source actuel, déjà saturé. Cela s’effectue au détriment des projets portés notamment par des agriculteurs, la plupart du temps sur des bâtiments agricoles, qui sont négligés face à des dossiers de taille plus importante. Or, compte tenu des délais, l’installation d’un nouveau poste source prend des années.
Ensuite, les Bâtiments de France peuvent parfois faire de l’obstruction aux projets d’installation si, d’aventure, les exploitations agricoles se trouvent à proximité de bâtiments classés. Les agriculteurs peuvent obtenir l’autorisation de construire un nouveau bâtiment sur leur exploitation, mais sans panneau photovoltaïque, alors même qu’ils font des efforts d’intégration paysagère et environnementale.
Madame la ministre, le Gouvernement ne pourrait-il pas définir des critères d’évaluation des projets, selon leur taille, la nature du porteur, qu’il soit public ou privé, et le type d’activité, afin à rendre éligibles, voire prioritaires les projets, notamment agricoles, qui sont de moindre dimension, mais qui restent vitaux pour la consolidation des exploitations ou l’installation dans nos territoires de jeunes agriculteurs ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Christian Redon-Sarrazy, le Gouvernement partage évidemment l’importance de développer des projets photovoltaïques, qui participent à l’atteinte de nos objectifs de lutte contre l’effet de serre.
C’est pourquoi la ministre Barbara Pompili a annoncé voilà quelques jours la publication d’un arrêté facilitant le développement du photovoltaïque sur bâtiment.
Avec cet arrêté, tous les projets de moins de 500 kilowatts, soit environ 5 000 mètres carrés de toiture, auront directement droit à un tarif d’achat sans avoir besoin de passer par un appel d’offres, alors que le seuil était initialement fixé à 100 kilowatts. Cet arrêté bénéficiera notamment aux bâtiments agricoles.
Vous m’interrogez également sur le raccordement des petits projets photovoltaïques à des postes sources. L’importance du sujet est bien identifiée par le Gouvernement. Afin de limiter les coûts de raccordement pour les petits projets, la loi Climat et résilience prévoit la possibilité de porter à 60 % la part de ces coûts prise en charge par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, pour les projets de moins de 500 kilowatts.
Un arrêté, pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie, précisera prochainement les dispositions pratiques pour mettre en place une telle mesure, notamment le taux de prise en charge qui sera effectivement retenu.
Au-delà, vous souhaiteriez qu’une priorité puisse être accordée à certains usagers pour le raccordement au réseau public d’électricité. De mon point de vue, cela constituerait une discrimination des demandeurs et une rupture d’égalité de traitement pour l’accès au réseau. Or ce principe est inscrit dans la loi.
Cependant, dans certains cas, des délais de raccordement trop importants peuvent peser sur les projets d’énergie renouvelable.
Des réflexions techniques sont en cours avec les acteurs concernés sur les solutions permettant d’optimiser les délais de raccordement, dans le respect du principe d’égalité de traitement de l’ensemble des demandeurs.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Mais je me permets d’insister : les contraintes que j’ai évoquées menacent parfois l’avenir et la santé financière de projets agricoles, mais également l’installation de jeunes agriculteurs en fragilisant leur modèle économique, notamment lorsque le photovoltaïque, par exemple, peut être source d’équilibre.
L’équipement en panneaux photovoltaïques des exploitations agricoles demeure un enjeu crucial pour le maintien d’une activité agricole sur nos territoires, en particulier dans la polyculture élevage, qui nécessite d’importants équipements en bâtiments. Il est de même pour les collectivités souhaitant équiper des bâtiments publics, ainsi que pour des particuliers également désireux d’équiper leurs bâtiments de la sorte. Cette problématique ne peut pas être négligée par les pouvoirs publics, sous peine d’encourager un peu plus la désertification rurale.
lutte contre la prolifération des algues vertes
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, auteure de la question n° 1757, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Laurence Garnier. Madame la ministre, année après année, les algues vertes envahissent les côtes bretonnes et atlantiques, avec les conséquences que vous connaissez en matière d’environnement et de tourisme.
Depuis 2010, les plans se sont succédé, sans atteindre les résultats escomptés. Le récent rapport du sénateur Bernard Delcros ainsi qu’un rapport de la Cour des comptes ont souligné que les objectifs étaient mal définis et les résultats très partiellement atteints.
Ce plan de lutte contre les algues vertes pose un certain nombre de difficultés, notamment en termes de calendrier, puisqu’il a pour échéance la fin de cette année 2021. Le Gouvernement entend, paraît-il, le prolonger et bâtir un nouveau plan à l’automne. Il envisagerait également d’inclure ce plan dans le schéma d’aménagement et de gestion des eaux… Bref, tout cela est assez confus. Pourriez-vous, madame la ministre, nous préciser les intentions du Gouvernement, ainsi que les mesures qu’il envisage pour remédier à ce manque d’efficacité constaté ?
Par ailleurs, vous savez que ces plans n’incluent aujourd’hui que huit baies bretonnes. La Loire-Atlantique n’en fait pas partie et, pourtant, vous vous en doutez, les algues vertes ne s’arrêtent pas aux frontières administratives ! Elles sont bien présentes en Loire-Atlantique, dans des communes comme Assérac, Le Croisic, Le Pouliguen et d’autres communes du territoire. Le ramassage et l’évacuation des algues vertes représentent un coût extrêmement important pour ces communes, qui sont contraintes d’y faire face seules.
Pourriez-vous également nous garantir que le nouveau plan de lutte contre les algues vertes inclura bien l’ensemble des territoires concernés par ce phénomène, sans attendre que nous soyons dans une situation aussi dégradée que ne l’est celle du Finistère ou des Côtes-d’Armor ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Laurence Garnier, le premier plan gouvernemental de lutte contre les algues vertes a été lancé en 2010 en direction des huit baies principalement concernées par les échouages.
Ce plan fixe des objectifs à la fois préventifs et curatifs : sur le plan préventif, il s’agit de limiter le développement des algues en réduisant les flux d’azote issus des territoires, via la mise en œuvre de chartes de territoire pilotées par les collectivités ; sur le plan curatif, il s’agit d’assurer la sécurité des personnes par le ramassage systématique des algues échouées sur les plages.
L’évaluation du premier plan de lutte contre les algues vertes (PLAV) a mis en évidence une bonne mobilisation des acteurs locaux, ainsi qu’une baisse des concentrations en nitrates dans les eaux. Compte tenu de la nécessité d’une action de long terme, un deuxième plan algues vertes (PLAV 2) a été adopté en 2017 pour cinq ans. Comme pour le premier plan, l’État participe au financement du deuxième plan, principalement via le programme des interventions territoriales de l’État (PITE), dans le cadre de l’action Eau et agriculture en Bretagne, pour un montant de 25 millions d’euros sur cinq ans.
Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation assure la majeure partie du financement de cette action. Les autres financeurs sont l’agence de l’eau Loire-Bretagne, l’Agence de la transition écologique (Ademe) et les collectivités territoriales.
Ces contributions se maintiennent dans le cadre de la prolongation du plan de lutte contre la prolifération des algues vertes, qui a été actée au début de l’année 2020 pour une durée de deux à trois ans.
Enfin, les services de l’État en Bretagne ont travaillé à l’élaboration d’une stratégie, validée par les quatre préfets de département, qui vise à accentuer le volet réglementaire du programme d’actions régional (PAR) et à renforcer le plan de lutte contre les algues vertes. Ces actions sont en cours d’élaboration et devraient s’étaler de la fin d’année 2021 jusqu’à l’été 2022, avec la mise en œuvre du futur programme d’actions régional.
délais trop longs entre l’inscription et le passage de l’épreuve pratique du permis de conduire
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, auteur de la question n° 1669, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Mme Nicole Duranton. Madame la ministre, j’ai été saisie par plusieurs élus de mon département de l’Eure au sujet des délais d’attribution des places d’examen pour le permis de conduire.
En effet, l’arrêté du 21 juillet 2016 modifiant l’arrêté du 22 octobre 2014 fixant la méthode nationale d’attribution des places d’examen du permis de conduire fixe à deux mois le délai d’attribution des places d’examen pour les candidats libres en première présentation. En revanche, pour les candidats passant par une auto-école et ceux en seconde présentation, aucune règle n’est prévue.
Le délai médian d’attente d’une place d’examen est passé, au cours de l’année 2020, de 42 à 49 jours. Dans l’Eure, les délais peuvent s’étirer jusqu’à sept mois ! Au moment où j’ai envoyé cette question, 350 000 candidats en France attendaient une présentation à l’examen du permis.
Cette situation n’est pas tenable, pour deux raisons principales : d’une part, parce qu’avoir son permis aujourd’hui est un vecteur d’emploi, en particulier pour les jeunes habitant dans les territoires ruraux – de nombreuses mairies ont d’ailleurs mis en place des dispositifs de bourses pour aider les jeunes citoyens à passer le permis, et cela fonctionne très bien – ; d’autre part, parce que les jeunes découragés par ces délais sont évidemment tentés d’aller passer leur permis à l’étranger, par exemple en Tunisie ou au Maroc. Ils le passent très rapidement, à un coût modique, mais dans des conditions éloignées de celles qu’ils connaîtront en France.
Pour passer le concours d’entrée d’inspecteur du permis de conduire, les candidats doivent être titulaires d’un baccalauréat ou d’un diplôme spécialisé. La profession est mal rémunérée, et donc peu attractive. Pour toute la France, on dénombre seulement 1 000 inspecteurs pour 2 millions de candidats : l’équation est, en effet, insoluble.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour augmenter le nombre d’inspecteurs ? La création d’une norme en matière de délais pour les candidats présentés par les auto-écoles serait-elle envisageable ? Le ministère de l’intérieur a d’ores et déjà travaillé avec la délégation à la sécurité routière pour mettre en place 70 000 places d’examen supplémentaires d’ici à la fin de l’année. Quel bilan peut-on en dresser aujourd’hui ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Nicole Duranton, en raison du confinement, l’ensemble des examens du permis de conduire prévus entre le 16 mars 2020 et le 8 juin 2020 ont dû être reportés, ce qui a occasionné l’annulation de plus de 350 000 épreuves de la catégorie B. Le délai médian pour passer l’examen pratique s’est en conséquence beaucoup allongé en 2020, passant à 62 jours au niveau national et à 63 jours dans le département de l’Eure.
Plusieurs solutions ont été déployées par les services du ministère de l’intérieur.
Depuis le 1er juillet 2020, la programmation habituelle de 13 unités quotidiennes par inspecteur a été rétablie par le raccourcissement du temps de chaque examen de permis.
Par ailleurs, le ministère de l’intérieur a choisi d’allouer à cette question une enveloppe de 70 000 examens supplémentaires, au-delà de la dotation initiale de 20 000 examens supplémentaires, cette enveloppe ayant été reconduite en 2021.
Ensuite, il a été décidé de recourir au dispositif des examinateurs, prévu par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Il s’agit d’agents du groupe La Poste qui reçoivent une formation leur permettant de faire passer l’épreuve pratique du permis B. En juillet 2021, 29 examinateurs ont ainsi été déployés dans les départements les plus en tension et 30 examinateurs supplémentaires entreront prochainement en formation pour être opérationnels dès le début du mois de février 2022. Votre département dispose d’un effectif cible de 12 inspecteurs, qui ont réalisé 582 examens supplémentaires entre août 2020 et avril 2021.
Enfin, le ministère de l’intérieur a décidé la généralisation progressive à l’ensemble du territoire de RDV Permis, la nouvelle méthode d’attribution des places d’examen de l’épreuve pratique. Ce dispositif, expérimenté avec succès entre mars 2020 et mai 2021 dans cinq départements d’Occitanie, permet de fluidifier l’attribution des créneaux disponibles.
Toutes ces mesures ont eu pour effet de faire baisser significativement les délais de passage du permis. Le délai médian est désormais redescendu à environ 50 jours.
rapport d’amnesty international sur la répression de la rave party de redon
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, auteur de la question n° 1820, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Thomas Dossus. Madame la ministre, le 15 septembre dernier, Amnesty International a publié un rapport accablant sur les méthodes de maintien de l’ordre lors de la rave party de Redon les 18 et 19 juin 2021. Pour l’organisation non gouvernementale indépendante, « l’usage de la force n’était ni nécessaire ni proportionné ». En effet, « l’intervention a eu lieu […] sans tentative de médiation préalable » ; « les forces de l’ordre ont lancé pendant plus de sept heures, sur une foule, de nuit, des grenades […] susceptibles de mutiler les personnes », conduisant ainsi à « des dizaines de blessures : plaies, fractures, brûlures, mais aussi des crises de panique et détresse respiratoire. Un journaliste a reçu un tir de LBD 40 dans le bras, alors qu’il tentait de venir parler à des gendarmes. Un jeune homme a eu la main arrachée après une explosion ».
Ces faits sont extrêmement préoccupants quant à nos méthodes de maintien de l’ordre. Mais à cela s’ajoute encore le fait que « l’opération de maintien de l’ordre de Redon s’est déroulée sans que les secours viennent chercher les blessés pour les évacuer. Le jeune homme dont la main a été arrachée a dû être accompagné à l’hôpital par des participants ».
Face à ces situations, Amnesty International émet plusieurs recommandations : l’ouverture d’une information judiciaire, l’interdiction de l’usage des grenades de désencerclement dans le cadre du maintien de l’ordre, la mise en place de formations et d’instructions sur le dialogue, la désescalade et la lutte contre l’usage illégal de la force ou encore la création d’un organe indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre les agents de la force publique.
Madame la ministre, considérez-vous comme une pratique normale de maintien de l’ordre l’usage de grenades dans une foule compacte, de nuit ? Sur quelle base légale s’est appuyée la destruction du matériel musical à la hache par les gendarmes dépêchés sur place ? N’est-il pas temps de travailler à des méthodes de désescalade plutôt qu’à des méthodes qui conduisent à des drames ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Thomas Dossus, vous avez souhaité interroger M. le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, qui, ne pouvant être présent, m’a chargée de vous répondre.
Dans la soirée du 18 juin 2021, plus de 1 500 individus se sont rassemblés dans le cadre du Teknival organisé sur le territoire de la commune de Redon, et ce en dépit des restrictions sanitaires et de l’interdiction de rassemblement édictée par le préfet d’Ille-et-Vilaine.
Dans ce contexte, l’autorité administrative a légitimement décidé l’intervention des forces de l’ordre, afin de faire cesser ce trouble à l’ordre public.
Dès leur arrivée, et pendant de nombreuses heures, les forces de l’ordre mobilisées ont été confrontées à une forte hostilité. Plusieurs individus ont été blessés, y compris au sein des forces de l’ordre, rendant de fait toute intervention difficile.
C’est pourquoi il a été décidé de conduire une opération d’évacuation de jour, afin de réunir toutes les conditions de sécurité. La gravité des faits survenus à Redon, ainsi que les images qui ont pu être diffusées, a amené le procureur de la République de Rennes à diligenter plusieurs enquêtes judiciaires. Vous comprendrez donc aisément que le Gouvernement ne souhaite pas, à ce stade, interférer dans le processus judiciaire en cours.
Je rappellerai toutefois que les unités de maintien de l’ordre s’appuient sur des règles d’éthique et de déontologie. Elles privilégient, dans toutes les situations, la dissuasion et la manœuvre, pour limiter l’emploi de la force au plus bas niveau possible, dans le strict respect du cadre légal. Le développement des dispositifs de communication avec les manifestants est en ce sens une avancée significative.
Enfin, conformément aux annonces du Président de la République en clôture du Beauvau de la sécurité le 14 septembre 2021, les inspections générales de la police et de la gendarmerie nationales (IGPN, IGGN) travaillent à toujours plus de transparence en matière de déontologie et à davantage d’ouverture à des magistrats et aux autorités administratives indépendantes.
ordre public et cortèges de mariage
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 1852, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Édouard Courtial. Madame la ministre, non, nous n’avons pas le même sens de la fête que les individus qui, au sein de certains cortèges de mariage, ayant l’impression que la voie publique leur appartient, procèdent à des blocages de routes, voire d’autoroutes, occasionnent des nuisances de toutes sortes ou ont une conduite dangereuse.
Ces troubles à l’ordre public, de plus en plus de Français les subissent ou en sont les témoins désabusés, ce qui provoque chez eux une exaspération bien légitime. Ils sont un véritable fléau qu’il nous faut endiguer, car ils remettent en cause l’autorité de l’État et notre vivre-ensemble. Bien plus que de simples faits divers, ils révèlent un mal profond d’une partie de notre jeunesse, celui de l’individualisme forcené et du mépris de l’État de droit.
Or il nous faut faire preuve de transparence et d’un minimum d’honnêteté. Il s’agit, bien souvent, de mariages communautaires et les individus concernés sont, dans une majorité des cas, déjà connus des services de police.
Face à ce phénomène intolérable, les forces de l’ordre et les élus locaux tentent de durcir le ton. Mais lorsque, parfois, ces dernières interviennent, elles sont prises à partie comme il y a quelques jours à Méry-sur-Oise, à quelques encablures de mon département de l’Oise, qui n’est, bien entendu, pas épargné par ce phénomène intolérable.
Le 19 septembre dernier, le maire de Laigneville, Christophe Dietrich, que je tiens à saluer ici et à qui je souhaite d’ailleurs un bon anniversaire – il a 50 ans aujourd’hui –, a utilisé la vidéoprotection pour constater et verbaliser des comportements dangereux, alors qu’une brocante avait lieu au même moment dans sa commune. Bilan : 71 infractions au code la route relevées, 100 points retirés et 10 000 euros d’amendes.
Certains maires exigent de la part des mariés de signer, parfois très en amont, un engagement de convivialité. Je suis convaincu, cependant, que seule une réponse pénale, ferme et dissuasive, assortie de poursuites pénales systématiques, permettra de faire face durablement et efficacement à ces incidents. Une piste est à explorer, celle qui tient les mariés pour responsables, comme c’est déjà le cas pour les organisateurs de manifestations. Y êtes-vous favorable, madame la ministre ? Sur ce sujet comme sur d’autres, il vous faut épauler les élus qui sont en première ligne !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Édouard Courtial, vous avez souhaité interroger M. le ministre de l’intérieur, qui, ne pouvant être présent, m’a chargée de vous répondre.
Les troubles à l’ordre public et les infractions commises par certaines personnes participant à des cortèges à l’issue de mariages peuvent être prévenus par certaines mesures de police administrative et, le cas échéant, sanctionnés pénalement.
Ainsi, en premier lieu, s’agissant des désordres causés par des véhicules, les dispositions du code de la route répriment le fait d’entraver la circulation routière, ou encore de faire usage de l’avertisseur sonore en l’absence de danger.
Par ailleurs, le maire est compétent pour réglementer la circulation et le stationnement sur les voies de communication à l’intérieur de l’agglomération dans les conditions fixées par les articles L. 2213-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. Cela lui permet de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les troubles à la circulation publique pouvant être causés à l’occasion des mariages.
Enfin, le code pénal punit de l’amende prévue pour les contraventions de troisième classe « les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d’autrui ».
Le déploiement de caméras de vidéosurveillance dans les communes facilite la constatation des infractions en la matière. L’intervention des forces de l’ordre est systématique, afin de faire cesser les troubles à l’ordre public, mais également de verbaliser et, pour les infractions les plus graves, d’interpeller leurs auteurs.
Par exemple, en juin 2017, un cortège ayant bloqué l’A15 en direction de Paris a conduit à l’intervention des forces de sécurité intérieure. Les auteurs ont été interpellés, placés en garde à vue et condamnés à six mois de prison avec sursis et à plusieurs heures de travail d’intérêt général pour entrave à la circulation et mise en danger de la vie d’autrui.
règles procédurales sui generis en matière de diffamation
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 1800, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Yves Détraigne. Madame la ministre, je souhaite appeler l’attention de la Chancellerie sur la procédure applicable à la citation directe en matière de diffamation.
L’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoit que, si la citation est à la requête du plaignant, elle doit contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et être notifiée au ministère public pour que la poursuite ne soit pas frappée de nullité.
La jurisprudence montre que de nombreuses procédures sont annulées pour non-respect de ces deux exigences.
Pourtant, si certaines formalités exigées par la loi peuvent parfaitement se justifier au regard des droits de la défense, il semble en être différemment, en revanche, de l’élection de domicile et de la notification au parquet, qui paraissent conditionner l’accès au juge à des règles de recevabilité d’un formalisme excessif et porter ainsi une atteinte disproportionnée au droit au recours effectif.
C’est la raison pour laquelle la règle de l’élection de domicile a été assouplie par la Cour de cassation, afin de tenir compte des règles de multipostulation en région parisienne. Or certaines cours d’appel semblent résister à cette jurisprudence, ce qui oblige, par exemple, un particulier sans avocat à faire appel à un huissier situé dans la ville où siège la juridiction saisie.
Par conséquent, je vous demande, madame la ministre, s’il est envisagé une simplification, qui serait utile, des articles 53 et 55 de la loi du 29 juillet 1881.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Détraigne, à titre liminaire, je vous rappelle, s’agissant des jurisprudences judiciaires que vous évoquez, qu’il n’appartient pas au Gouvernement de commenter les décisions de justice.
Les dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, auxquelles vous faites référence, prévoient des règles strictes, qui ont été édictées d’abord dans l’intérêt de la défense. Le formalisme, certes rigoureux, qu’elles imposent, constitue une garantie de la liberté d’expression, comme l’a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 17 mai 2013, dont vous faites état.
En effet, le Conseil constitutionnel semble avoir considéré dans cette décision que l’ensemble des exigences formelles de l’article 53 ne constituaient pas une atteinte substantielle au droit d’agir devant les juridictions. Ces dispositions permettent que le défendeur puisse préparer utilement sa défense dès la réception de la citation et, notamment, s’il est poursuivi pour diffamation, exercer le droit de formuler en défense une offre de preuve dans un délai de dix jours à compter de la citation.
Par ailleurs, il convient de relever que la Cour de cassation a apporté des assouplissements dans l’application de ces dispositions, en considérant notamment que le plaignant peut élire domicile, de manière expresse et non implicite, au cabinet de son avocat, à condition que ce dernier ait sa résidence professionnelle dans la ville où siège la juridiction saisie.
De même, il peut élire domicile chez toute personne physique ou morale répondant aux exigences de l’article 53 précité, y compris à la mairie du siège de la juridiction.
Au vu de ces éléments, qui relativisent sensiblement le constat de formalisme excessif que vous dressez, il n’est pas envisagé de modifier les articles 53 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, dont l’équilibre apparaît satisfaisant.
projet de label « bio » pour le sel et préoccupations des producteurs de sel marin de l’atlantique
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1824, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Daniel Laurent. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les préoccupations des producteurs de sel marin de l’Atlantique – Ré, Oléron, Guérande, Noirmoutier, etc. – quant aux travaux de la Commission européenne visant à élaborer le cahier des charges qui pourrait conduire à rendre éligibles au label Agriculture biologique (AB) toutes les méthodes de production existantes.
Or il n’y a rien de comparable entre les sels de mine aux techniques de production artificielles, ayant recours à des intrants chimiques, et la méthode solaire, dont la récolte est manuelle. Si ce projet était validé en l’état, cela reviendrait à labelliser des dizaines de millions de tonnes de sel en Europe. Les conséquences seraient grandes sur la pérennité de l’activité des producteurs de l’Atlantique, qui sont environ au nombre de 600, représentent 800 emplois et participent pourtant à la dynamique de nos territoires, à l’attractivité touristique et à la protection des milieux humides.
Face à un marché dominé par des groupes industriels, les petits producteurs ont trouvé un marché et des débouchés, de par la spécificité du produit et du mode de production qu’il convient de protéger. Indépendants ou regroupés en coopératives, ils sont engagés depuis de nombreuses années dans une valorisation de leur production traditionnelle, écoresponsable, et dans une démarche de qualité envers les consommateurs. Il convient donc de veiller à ne pas créer de confusion auprès du consommateur, voire à ne pas remettre en cause la crédibilité même du label AB.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les actions envisagées par le Gouvernement auprès de la Commission européenne pour que l’adoption de l’acte délégué sur les règles relatives à la labellisation AB soit bien conforme aux objectifs de la politique biologique de l’Union européenne ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Daniel Laurent, le nouveau règlement (UE) n° 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018, relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, prévoit la possibilité d’inclure dans le champ d’application des produits certifiables, à l’instar d’autres produits également visés par ce règlement, le « sel marin et autres sels destinés à l’alimentation humaine ou animale ».
En conséquence, des règles de production vont être définies au niveau européen, qui feront l’objet d’un règlement délégué spécifique. La Commission européenne a commencé à travailler sur le sujet dès l’automne 2018, et un projet de règlement délégué avait même déjà été présenté aux États membres. Au vu des réactions très divergentes qu’il a suscitées parmi ceux-ci, les services de la Commission européenne, conscients de la complexité du sujet que vous soulignez, avaient alors décidé de confier à un groupe d’experts, EGTOP, le soin de formuler des recommandations et un avis technique sur la production de sel biologique, et de recenser les techniques et les méthodes existantes, afin de faire des propositions pour définir des règles de production biologique.
Le rapport remis par EGTOP n’est donc pas une proposition de la Commission. Il fera l’objet d’un débat lors d’un comité sur la production biologique organisé par la Commission européenne le 28 octobre 2021.
J’ai bien noté que les orientations de ce rapport soulevaient de nombreuses interrogations parmi les professionnels de la filière biologique française, mais aussi dans la filière sel, et notamment le sel sous indication géographique (IG). En effet, le rapport remis par ces experts ne propose que très peu de critères de différenciation entre le sel biologique et les sels conventionnels, notamment en permettant l’usage d’additifs non autorisés pour les sels sous indication géographique protégée (IGP) et sous appellation d’origine protégée (AOP). La possibilité de mixité sur un même site d’exploitation, alors que les produits sont identiques, inquiète également les professionnels de la filière biologique.
Je vous confirme que les autorités françaises demandent que des critères de différenciation plus exigeants soient établis. Les membres du Comité national de l’agriculture biologique de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) ont également émis un avis dans ce sens. La Commission européenne sera amenée à proposer un acte délégué au début du mois de janvier 2022 et les autorités françaises seront extrêmement mobilisées pour s’assurer que ces demandes soient bien prises en compte.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour la réplique.
M. Daniel Laurent. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Vous avez compris qu’un label AB pour l’ensemble des sels, sans distinction de leur mode de production, viendrait perturber l’équilibre actuel, en mettant en équivalence des sels issus d’une production industrielle et les filières traditionnelles de terroir. Nous comptons sur vous, le 28 octobre, pour agir en faveur de ces filières.
usage et taxation du bois des communes forestières
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas, auteure de la question n° 1849, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Patricia Demas. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur l’usage et la taxation du bois des communes forestières. Des communes forestières de mon département des Alpes-Maritimes m’ont sensibilisée aux difficultés qu’elles rencontrent pour faire un usage économe et écologique du bois issu de leurs forêts communales.
Je rappelle qu’aux termes de l’article L. 211-1 du code forestier, tous les bois ou forêts appartenant notamment aux collectivités territoriales relèvent du régime forestier, dès lors qu’ils sont « susceptibles d’aménagement, d’exploitation régulière, ou de reconstitution » et auxquels ce régime a été rendu applicable. L’application de ce régime permet d’assurer la gestion durable de ces forêts par l’Office national des forêts (ONF) et de prendre en compte l’intérêt économique, environnemental et social des forêts publiques concernées.
Or la réalité des faits paraît parfois contredire les intérêts louables affichés, comme c’est le cas pour la petite commune forestière de Lucéram, qui m’a particulièrement alertée. En effet, cette collectivité, qui dispose d’une forêt communale de 2 400 hectares, se voit interdire l’exploitation du bois de sa forêt pendant quinze années, sans alternative, et ce malgré sa proposition de procéder à des coupes à blanc mesurées, compensées par des plantations de mélèzes, comme cela s’est fait avec succès, en d’autres lieux du département.
Est-il bien logique, économique et écologique, monsieur le secrétaire d’État, d’interdire à cette commune d’utiliser une partie de son bois, par exemple pour ses besoins en chauffage, bois qu’elle pourrait, par ailleurs, dans ce cas précis et sous réserve d’une autorisation qu’elle n’a pas obtenue, réduire elle-même en plaquettes, et de l’obliger à en passer par un appel d’offres coûteux, nécessitant un moyen de transport peu écologique, alors même qu’elle dispose de la ressource « à portée de bras » ?
Qui plus est, lorsque la commune est soumise à un régime d’interdiction de coupe pendant une si longue durée, doit-on, sans compensation, lui appliquer la taxe annuelle de 2 euros par hectare ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Patricia Demas, l’article 92 de la loi de finances pour 1979 prévoit que les contributions des collectivités territoriales aux frais de garderie et d’administration de leurs forêts relevant du régime forestier sont fixées à 12 % du montant des produits de ces forêts. Toutefois, dans les communes classées en zone de montagne, ce taux est fixé à 10 %. Ces collectivités acquittent en outre, au bénéfice de l’Office national des forêts, vous l’avez rappelé, une contribution annuelle de 2 euros par hectare de terrains relevant du régime forestier.
Si cette contribution annuelle de 2 euros par hectare est forfaitaire, les frais de garderie sont en revanche assis sur le chiffre d’affaires. Ainsi, en l’absence de coupes dans l’année, et donc de revenus, la commune concernée ne versera aucuns frais de garderie à l’ONF. Pour autant, le régime forestier repose sur un principe de solidarité nationale, qui permet d’appliquer dans les mêmes conditions un niveau élevé de gestion durable forestière dans l’ensemble du pays, dans les forêts les plus productives comme dans les forêts les moins productives.
C’est cette solidarité nationale que traduit la contribution forfaitaire de 2 euros par hectare.
J’ajoute que cette solidarité nationale ne pèse pas sur les seules communes forestières, bien au contraire. En effet, les frais de garderie et la contribution forfaitaire contribuent seulement à hauteur de 17 % au coût de l’application du régime forestier dans les forêts des collectivités. La plus grande part de ce coût est en réalité assurée par l’État, au travers du « versement compensateur », versé annuellement par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation à l’ONF. Ce versement, comme son nom l’indique, vient compenser les 83 % des coûts d’application du régime forestier dans les forêts des collectivités non couvertes par les contributions de ces dernières.
Je souhaite enfin souligner que le travail réalisé par les agents de l’ONF pour le compte des communes se fait tout au long de la vie du peuplement forestier, y compris pendant les périodes où aucune coupe n’est réalisée. Comme vous le savez, la gestion forestière s’inscrit dans le temps long, raison pour laquelle l’application du régime forestier dans l’ensemble de notre pays relève de l’intérêt général.
transfert de la gestion du canal de la hardt
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, auteur de la question n° 1732, transmise à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Sabine Drexler. Monsieur le secrétaire d’État, le 18 mai dernier, des organisations agricoles, des organismes chargés de la gestion de l’eau et la Collectivité européenne d’Alsace ont signé un projet de charte sur la gestion de la ressource en eau. Leur demande, qui n’est pas nouvelle, est la cession par l’État du canal d’irrigation de la Hardt.
Depuis le réaménagement du Rhin au XIXe siècle, la nappe phréatique rhénane n’est plus irriguée naturellement. À cela s’ajoute, avec le même effet, la création du canal d’Alsace, puis des centrales hydroélectriques sur le Rhin. Composé de multiples canaux, le réseau d’irrigation de la Hardt permet en principe l’irrigation des cultures et le maintien, à un niveau décent, de la nappe phréatique, des zones humides et des cours d’eau.
Mais depuis des décennies, leur propriétaire, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, n’entretient ces installations qu’a minima, les services se limitant à la gestion courante. Aujourd’hui, ces dernières sont usées, certaines sont inachevées et de nombreuses vannes sont inutilisables. Or ces canaux sont essentiels pour éviter que la nappe ne baisse jusqu’à un point de non-retour. Leur gestion actuelle est source d’inquiétudes pour l’agriculture, mais aussi pour le tourisme et la biodiversité.
Le canal de la Hardt nécessite, dans l’intérêt de tous, de gros travaux d’entretien et le perfectionnement des canaux d’irrigation est aujourd’hui plus qu’urgent. La question de la rétrocession du canal à un organisme local fait aujourd’hui consensus. Un adjoint de la direction départementale des territoires (DDT), qui le gère pour le compte du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, l’a récemment reconnu.
Mes questions seront factuelles. Quand et comment allez-vous rétrocéder la gestion du canal de la Hardt à un organisme local ? Dans quelle mesure comptez-vous rattraper les investissements nécessaires pour le réparer et le renaturer ? Comment comptez-vous participer à la réparation des canaux d’irrigation, directement ou via EDF, gestionnaire des ouvrages sur le Rhin, qui tire des profits importants de cette ressource sans respecter ses obligations financières qui permettraient d’entretenir les ouvrages ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Sabine Drexler, votre question porte sur le transfert de la gestion du canal de la Hardt.
Ce canal est la propriété du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Comme vous l’avez souligné, il est géré par la direction départementale des territoires du Haut-Rhin. Je partage avec vous l’idée qu’il est nécessaire de trouver une solution pérenne pour la gestion de ces ouvrages, qui jouent un rôle important dans la plaine d’Alsace, tant pour les agriculteurs que pour le maintien d’un niveau d’eau convenable dans la nappe phréatique.
Une solution de transfert des ouvrages du patrimoine de l’État vers celui d’un organisme local est en cours d’analyse. Le préalable à un tel transfert est d’expertiser, dans le détail, le statut de la propriété de l’État des parcelles, des ouvrages et de tous les autres biens qui y sont attachés. Il s’agit d’un travail d’assez grande ampleur.
En effet, les modalités de transfert et les mesures d’accompagnement possibles pour l’entretien des ouvrages sont différentes selon qu’ils relèvent du domaine public ou privé de l’État.
Ce travail de qualification du statut de la propriété de l’État est en cours de réalisation, conjointement par les services de la direction départementale des finances publiques et ceux de la direction départementale des territoires du Haut-Rhin – avec lesquels vous êtes en permanence en contact.
À l’issue de cette analyse, l’État proposera aux collectivités alsaciennes la solution juridique de transfert la mieux adaptée.
évolutions de la dotation globale de fonctionnement des communes et de ses composantes
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 1195, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), notamment sur ses modalités de calcul et de notification aux communes.
Il arrive chaque année que des maires découvrent à la veille du vote du budget, et parfois même le lendemain, des baisses globales de leurs dotations pouvant aller jusqu’à 20 %.
Le calcul de ces dotations intègre des critères tellement nombreux et complexes qu’il échappe à la maîtrise des élus : population, potentiel financier par habitant, effort fiscal, situation dans la strate démographique, etc.
Les mécanismes dits « de garantie » qui tentent d’atténuer les effets de seuil montrent leurs limites, car ils n’empêchent pas les baisses brutales de recettes des collectivités.
Les élus n’ont aucune possibilité d’anticiper ces fluctuations qui sont notifiées de façon extrêmement tardive.
Dans ces conditions, la gestion d’une petite commune rurale est un véritable défi. La conduite de projets d’investissements relève de l’équilibrisme et impose une prise de risques qui n’est ni souhaitable ni souhaitée.
Pouvez-vous m’indiquer, monsieur le secrétaire d’État, quelles dispositions sont prévues pour donner de la visibilité sur les dotations, et rendre effectivement possibles les simulations et les lissages ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Sollogoub, la stabilité des dotations a constitué un axe majeur de la politique que nous avons menée à l’égard des collectivités territoriales depuis 2017.
Il s’agissait d’abord d’assurer une stabilité au niveau national, en stabilisant l’enveloppe de la DGF pendant cinq ans. Je rappelle qu’au cours du quinquennat précédent les moyens consacrés à la DGF avaient été rabotés de dix milliards d’euros.
Dans votre département de la Nièvre, madame la sénatrice, plus des quatre cinquièmes des communes avaient perdu une partie de la DGF tandis qu’environ la moitié d’entre elles en ont gagné depuis 2017.
Bien entendu, des mouvements se produisent chaque année. C’est bien normal, dans la mesure où la DGF est ajustée en fonction de critères objectifs – que vous venez d’ailleurs de citer – comme l’évolution de la population, la richesse fiscale, ou parfois d’autres éléments plus techniques.
Il existe cependant de nombreuses règles de plafonnement, de garantie, d’écrêtement, d’abattement ou de lissage dans la DGF, dont presque tout le monde s’accorde à dire qu’elles rigidifient considérablement le dispositif et lui font peu à peu perdre le contact avec la réalité de la situation des communes.
Ces mécanismes ont néanmoins pour effet de limiter fortement les variations.
Cette année, plus de 80 % des communes voient leur DGF varier dans une proportion variant de -1 % à +1 % de leurs recettes de fonctionnement. Ce ratio était encore de 72 % en 2020, ce qui signifie que la DGF est de plus en plus stable.
En outre, les baisses sont souvent de plus faible ampleur que les hausses. Quand la DGF diminue, dans 85 % des cas cette baisse représente moins de 1 % des recettes de fonctionnement.
Dans la Nièvre, cinq communes ont perdu plus de 20 % de DGF cette année. Dans tous les cas, la dotation représente une part mineure de leurs ressources, si bien que les baisses en question ne représentent, en fait, que 0,5 % à 1,2 % de leurs budgets de fonctionnement.
Inversement, six communes ont gagné plus de 20 % de DGF en 2021. Ces villages étant presque dépourvus de bases fiscales, la dotation pèse lourdement dans leurs recettes et la moindre hausse de DGF peut représenter un gain de 5 %, voire de 10 % ou de 15 % de leurs recettes de fonctionnement.
S’agissant du département de la Nièvre, sachez que nous travaillons avec Jacqueline Gourault à améliorer effectivement la visibilité des communes sur leurs dotations, afin qu’elles puissent mieux anticiper les choses dans ce domaine.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le secrétaire d’État, pour vous connaître un peu, je sais très bien que vous travaillez sur ces questions. (M. le secrétaire d’État sourit.)
Vous parlez de stabilité globale. Cependant, vous savez très bien, comme moi, que nous recevons régulièrement des SOS de communes qui se retrouvent dans une situation totalement catastrophique du jour au lendemain.
Je n’arrive pas à comprendre pourquoi aucun système de simulation n’est possible. Les contribuables peuvent tous simuler le montant de leurs impôts ! Or, s’agissant des dotations, aucune visibilité n’est possible.
J’ai l’impression que ce système est maîtrisé par une espèce d’ordinateur. Or j’imagine qu’en cas de panne, personne, absolument personne, ne sera en état de calculer le montant de ces dotations ! (M. le secrétaire d’État hoche la tête et sourit.) Cet état de fait doit nous alerter.
Même si vos intentions sont tout à fait louables, il faut, d’une manière ou d’une autre, que les communes aient les moyens d’anticiper les fluctuations des dotations et d’amortir les chocs. Perdre 20 % de son budget, cela devrait être interdit !
gestion du périphérique parisien
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1825, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d’État, ma question s’inscrit dans la continuité de celle qui a été posée par ma collègue Catherine Dumas il y a quinze jours. Elle interrogeait le Gouvernement sur la nécessité de faire évoluer la gouvernance du périphérique parisien, qui est exclusivement assurée par la Ville de Paris alors même que la majorité de ses utilisateurs réguliers sont des Franciliens.
À cette question, votre collègue a répondu en dressant un état des lieux de la gestion actuelle, mais absolument pas sur le fond. Pourquoi ne pas faire évoluer la gouvernance du périphérique, qui relève, actuellement, du délire ?
La vitesse a d’abord été abaissée de dix kilomètres par heure, et la Ville de Paris veut l’abaisser de vingt kilomètres par heure supplémentaires. Selon les lubies du moment, un péage, des feux, des passages piétons sont évoqués, sans que jamais l’avis des usagers – et encore moins celui des maires franciliens, pourtant les premiers concernés – soit demandé.
Plusieurs études et sondages montrent l’exaspération grandissante de tous.
Le préfet de région doit, selon votre collègue, organiser une conférence de concertation sur ces sujets. Cependant, le Gouvernement sait bien, comme nous, qu’aucune discussion sereine n’est possible avec la maire de Paris. Nous l’avons bien vu pour la fermeture des voies sur berges.
Alors que, je le répète, une majorité des véhicules vient de banlieue, seule la région serait en mesure d’assurer une réelle coordination de l’ensemble des mobilités. Pourquoi ne pas lui donner ce pouvoir ?
Un peu de respect pour les élus et les habitants de la couronne ne tuerait personne.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Procaccia, vous m’interrogez sur la gestion du périphérique parisien et, plus particulièrement, sur la répartition entre les autorités publiques concernées des pouvoirs de police de la circulation sur ce boulevard.
Les dispositions législatives relatives aux attributions de la Ville de Paris en matière de police administrative précisent que le maire de Paris exerce les pouvoirs de police de la circulation de droit commun, sous réserve des attributions spéciales du préfet de police de Paris.
En effet, sur certaines routes parisiennes, définies par arrêté préfectoral, le préfet de police exerce la police de la circulation. Il y réglemente ainsi de manière permanente les conditions de circulation, de stationnement ou en réserve l’accès à certaines catégories d’usagers ou de véhicules pour des motifs liés à la sécurité des personnes et des biens, ou pour assurer la protection du siège des institutions de la République et des représentations diplomatiques.
Par ailleurs, s’agissant des axes essentiels à la sécurité de Paris et au bon fonctionnement des pouvoirs publics, le préfet de police peut prendre des « prescriptions pour les aménagements de voirie projetés par la commune de Paris » visant à « garantir la fluidité de la circulation des véhicules de sécurité et de secours ».
Le boulevard périphérique étant qualifié d’axe essentiel par un décret du 18 juillet 2017, il relève du pouvoir de police exclusif du maire de Paris, sous réserve des prescriptions du préfet de police de Paris.
La région, sans être elle-même autorité organisatrice de la mobilité en Île-de-France – cette compétence étant dévolue à l’établissement public Île-de-France Mobilités –, est compétente en matière de mobilité, notamment par la définition et la contribution au financement des axes routiers qui, par leurs caractéristiques, constituent des itinéraires d’intérêt régional, ce qui est à l’évidence le cas du boulevard périphérique.
Ainsi, si la loi confère à la région d’Île-de-France un rôle en matière de mobilité, il ne s’agit pas d’une compétence matérielle en matière de voirie urbaine ou de police de la circulation.
Le législateur a organisé à Paris une répartition équilibrée des compétences entre les différentes collectivités territoriales et l’État.
À ce jour, le préfet de police n’a été destinataire d’aucun dossier d’aménagement spécifique, sauf pour ce qui relève de la voie olympique, qui devrait être effective pour vingt kilomètres du périphérique.
Afin de favoriser la concertation nécessaire entre l’ensemble des acteurs, le préfet de la région d’Île-de-France a mis en place une conférence stratégique sur les mobilités routières rassemblant État et collectivités, qui peut constituer un lieu naturel d’échanges sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir essayé de me répondre, d’autant que le boulevard périphérique ne figure pas au cœur de votre fonction !
Mme Catherine Procaccia. Nous aimerions que le préfet de police soit plus actif par rapport aux décisions de la maire de Paris. L’ensemble de la banlieue – est, ouest, nord et sud – est actuellement paralysée et risque de l’être encore davantage.
Il me semble que l’État est également concerné par ce problème. Tant que le Président de la République et les ministres n’arriveront pas à entrer sur le boulevard périphérique malgré tous les cortèges qui les accompagnent, ce problème perdurera. Il faudra bien trouver une solution. Cette solution serait peut-être de revoir les textes de loi.
éligibilité des services départementaux d’incendie et de secours aux instruments financiers de soutien à l’investissement de l’état
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, auteure de la question n° 1860, transmise à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Angèle Préville. Monsieur le secrétaire d’État, chacun sait combien les pompiers sont indispensables à la sécurité de notre territoire. La densité des moyens humains et des équipements dédiés est une condition indispensable pour garantir la qualité des secours, tout particulièrement en milieu rural. Ce maillage étroit est à préserver et à consolider.
Or, depuis plusieurs années, nous assistons à la raréfaction des services publics en milieu rural. C’est le cas dans le département du Lot.
Ces services publics, notamment les secours assurés par les pompiers, sont pourtant indispensables à la vie quotidienne de nos concitoyens et d’une importance vitale.
Par leur dévouement exemplaire, les sapeurs-pompiers professionnels et majoritairement volontaires sont aux avant-postes du secours dans notre pays.
Dans le Lot, le service départemental d’incendie et de secours s’est engagé dans le projet de construction d’un nouveau centre d’incendie et de secours principal à Cahors pour remplacer les locaux actuels sous-dimensionnés, vétustes et inadaptés à l’activité des sapeurs-pompiers.
En application de la loi du 3 mai 1996, la compétence en matière d’incendie et de secours ainsi que celle en matière de construction appartiennent au SDIS.
C’est pourquoi le SDIS du Lot est maître d’ouvrage du projet. Il n’est pourtant éligible à aucun des principaux instruments financiers de soutien à l’investissement des collectivités tels que la dotation de soutien à l’investissement local, ou DSIL, la dotation d’équipement des territoires ruraux, ou DETR, la dotation de soutien à l’investissement des départements, ou DSID, ou encore le fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT.
Or le financement des SDIS relève des collectivités territoriales – conseil départemental et bloc communal.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous expliquer pourquoi les services publics de secours sont ainsi exclus des instruments financiers de soutien à l’investissement de l’État alors qu’ils sont essentiels à la vie de chacun, notamment de ceux qui vivent dans nos campagnes ?
Pouvez-vous nous dire ce que vous comptez mettre en place pour soutenir l’investissement des collectivités dans les services publics dont elles ont la charge ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Angèle Préville, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du budget de l’État comporte environ 2 milliards d’euros destinés à subventionner des opérations d’investissement portées en maîtrise d’ouvrage par des collectivités territoriales, principalement des communes et des intercommunalités – notamment rurales –, mais aussi par des départements.
Comme vous le savez, les SDIS sont des établissements publics administratifs locaux, dotés d’une personnalité morale. Ils sont bien autonomes par rapport aux collectivités qui les dirigent et ne peuvent pas, à ce titre, bénéficier des subventions que le législateur a entendu réserver aux collectivités stricto sensu.
La loi a cependant aménagé depuis quelques années une faculté, pour que des entités distinctes des collectivités puissent recevoir des subventions – par exemple au titre de la DETR ou de la DSIL. En effet, la loi prévoit que « lorsque la subvention s’inscrit dans le cadre d’un contrat signé avec le représentant de l’État, les maîtres d’ouvrage désignés par le contrat peuvent être bénéficiaires de la subvention ».
Ce système concilie deux impératifs. Le premier est celui de la souplesse. En effet, il permet de conclure des conventions de financement pour tout type d’acteur que la collectivité voudrait intégrer dans son opération : un SDIS, un syndicat d’électricité, une association ou même une autre collectivité.
Le second impératif est celui de l’exclusivité de la relation entre le préfet et les dirigeants élus des collectivités auxquelles les subventions sont, d’abord et avant tout, destinées. Cela signifie, par exemple, qu’il revient au conseil départemental de solliciter une subvention allouée directement au SDIS, et non au SDIS de solliciter lui-même des aides en parallèle de ce que pourrait faire le conseil départemental.
Cette souplesse est d’ailleurs utilisée. Ainsi, quelques subventions de DSIL ou de DSID ont bien été dévolues directement à des SDIS en 2020.
Nous laissons évidemment aux préfets le soin de juger de l’opportunité d’attribuer les crédits à des entités autonomes et non à des collectivités, en fonction des priorités locales.
Je suis prêt à étudier le cas que vous me signalez dans le Lot pour voir comment et dans quelles conditions l’État pourrait le soutenir.
Enfin, en ce qui concerne, plus généralement, les investissements locaux, vous savez que l’État mettra 337 millions d’euros de DSIL supplémentaires sur la table l’année prochaine. Je crois que cela répond parfaitement aux enjeux que vous avez soulevés.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Merci, monsieur le secrétaire d’État. Je ferai part de votre réponse aux élus de mon département.
retour des personnels communaux en autorisation spéciale d’absence
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 1867, transmise à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Mme Christine Herzog. Monsieur le secrétaire d’État, la reprise du travail des personnels communaux bénéficiant d’une autorisation spéciale d’absence, dite ASA, est toujours soumise au bon vouloir des intéressés.
Depuis dix-huit mois, ces personnels dits « vulnérables », chez eux et ne pouvant effectuer des tâches par télétravail, perçoivent des traitements incluant l’intégralité de leur salaire et tous les avantages liés à leur activité, sans que leur remplacement puisse être organisé puisque leur reprise est soumise à leur bon vouloir.
S’il est normal que les salariés ayant des maladies connues de longue date puissent continuer à bénéficier de ce système, il apparaît douteux que ceux qui se sont portés vulnérables à leur bon vouloir continuent de reporter leur retour, sans que leur vaccination ait été rendue obligatoire et leur pathologie clairement définie.
En moyenne, ces personnels représentent entre 8 % et 10 % des effectifs. C’est énorme !
La clause du « bon vouloir » a précipité les communes dans l’endettement, à des niveaux susceptibles de justifier une mise sous tutelle. Nous parlons de 240 000 euros par an, non remboursés ! Cette situation concerne de nombreuses communes du département de la Moselle.
Par ailleurs, et depuis le 15 août dernier, les communes ne bénéficient plus des prorogations des contrats uniques d’insertion pour les travailleurs de plus de vingt-six ans, qui auraient pu compenser l’absence des travailleurs en autorisation d’absence.
Au nom des maires de la Moselle, confrontés à ces deux problèmes, je souhaiterais savoir si vous envisagez, premièrement, de mettre fin au système du « bon vouloir » des personnels absents en exigeant un contrôle médical et une vaccination pour fixer la date de leur retour, et, secondement, de rétablir les prorogations des contrats uniques d’insertion pour tous les publics – et non seulement pour les moins de vingt-six ans. Ainsi, vous aiderez les communes.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Christine Herzog, je voudrais tout d’abord rappeler qu’aucun régime d’autorisation spéciale d’absence ne se fait au « bon vouloir » d’un agent. Ce régime dit des « ASA vulnérables » a toujours été lié à un certificat médical et à l’impossibilité de télétravailler.
Ce régime est le même, qu’il s’agisse des agents publics ou des salariés du secteur privé, et il implique bien la médecine du travail.
De plus, l’amélioration de la situation sanitaire a conduit le Gouvernement à faire évoluer récemment le dispositif de prise en charge des agents et salariés considérés comme vulnérables susceptibles de développer des formes graves d’infection au covid-19, à l’aune d’un avis du Haut conseil de la santé publique.
Il convient de distinguer la situation des agents vulnérables sévèrement immunodéprimés de celle des agents vulnérables non sévèrement immunodéprimés.
Il appartient à l’employeur, sur présentation d’un certificat médical par les intéressés, de placer les agents vulnérables sévèrement immunodéprimés en autorisation spéciale d’absence lorsque leurs missions ne peuvent être exercées en télétravail.
Les agents vulnérables non sévèrement immunodéprimés sont quant à eux placés en ASA sur présentation d’un certificat médical lorsqu’ils sont affectés à un poste susceptible d’exposition à de fortes densités virales et que le télétravail est impossible, et lorsqu’ils justifient d’une contre-indication à la vaccination.
Dans l’ensemble de ce dispositif, la prise en charge spécifique des agents vulnérables est effectuée à leur demande, sur présentation à l’employeur territorial d’un certificat qui est toujours établi par un médecin.
Lorsque l’employeur estime que la demande de placement en autorisation spéciale d’absence n’est pas fondée, au motif que le poste sur lequel l’agent est affecté n’est pas susceptible d’exposition à de fortes densités virales, il saisit le médecin du travail qui se prononce sur le niveau d’exposition du poste et vérifie la mise en œuvre des mesures de protection qui ont été prises.
S’agissant du contrôle du statut vaccinal, à l’exception des agents territoriaux soumis à l’obligation vaccinale en application de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, les employeurs territoriaux ne sont pas habilités à contrôler le statut vaccinal de leurs agents.
S’agissant des congés annuels des agents vulnérables placés en ASA, ils sont posés dans les conditions de droit commun. Pour ce qui concerne les congés non pris, l’employeur peut, le cas échéant, reporter leur date limite de consommation. Les agents territoriaux conservent, en cas de nécessité, la possibilité d’alimenter leur compte épargne temps dans les conditions de droit commun.
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réplique.
Mme Christine Herzog. Je ne suis pas sûre d’avoir tout compris, car vous lisez très vite. J’en conclus que vous n’aidez pas les communes. Je ne remets pas en cause l’avis des médecins, mais je constate que vous n’aidez pas les communes.
J’ai envoyé une lettre à Jacqueline Gourault, qui n’a jamais obtenu de réponse.
insuffisance du nombre de professeurs remplaçants
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 1816, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur l’insuffisance du nombre de professeurs remplaçants dans certains établissements de l’académie de Versailles.
À la rentrée 2021, au collège Le Parc de Villeroy, à Mennecy, les parents d’élèves ont fait part de l’absence d’un certain nombre de professeurs non remplacés, privant ainsi de cours les élèves des classes concernées.
Ce manque de continuité pédagogique est tout à fait dommageable et nuit clairement aux apprentissages. Le niveau scolaire ainsi que la motivation des élèves s’en trouvent largement affectés. Il est difficilement concevable que des enseignants puissent être absents sans qu’aucune solution soit trouvée.
La politique d’éducation nationale est le reflet d’une promesse républicaine d’égalité. Toute rupture renvoie le message contraire, celui du délaissement des élèves.
Certes, le maire de Mennecy, Jean-Philippe Dugoin-Clément, m’a indiqué récemment que les professeurs absents avaient enfin été remplacés.
Cependant, aucune réponse n’a été apportée sur le fond, alors même que ce problème concerne un très grand nombre d’établissements.
Il en est de même d’ailleurs pour d’autres catégories de personnels puisque, dans cette même commune de Mennecy, une infirmière scolaire exerçant au lycée de la ville et placée en télétravail depuis le début de l’année 2020 – puisque considérée comme fragile et à risque face au covid-19 – n’a pas été remplacée.
Aussi, je souhaite savoir quels moyens sont mis en œuvre pour garantir la continuité pédagogique et un enseignement de qualité pour tous.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Hugonet, la question du remplacement des professeurs absents constitue une préoccupation majeure du ministère de l’éducation nationale.
Dans ce contexte, plusieurs dispositifs sont mobilisés.
Les absences de longue durée – supérieures ou égales à quinze jours – sont couvertes par des enseignants titulaires sur zone de remplacement, ou TZR. En cas de tension sur le remplacement dans une discipline, les académies recourent à des contractuels dès la rentrée scolaire et tout au long de l’année.
La mise en œuvre d’une gestion des ressources humaines de proximité contribue à améliorer l’identification des viviers potentiels de professeurs contractuels recrutés pour assurer les remplacements en fonction des spécificités de chaque territoire.
Le remplacement de courte durée est organisé au sein des établissements dans le cadre de protocoles annuels qui concernent les absences de toute nature. Dans ce cadre, le chef d’établissement recherche en priorité l’accord des enseignants pour participer à ce dispositif.
Sur ce sujet, le ministère vise deux objectifs. En amont, il s’agit de réduire le besoin de remplacement. C’est par exemple le sens du dispositif d’indemnisation des formations effectuées pendant les périodes de vacance des classes, créé en 2019.
En aval, il s’agit d’améliorer la prise en charge du remplacement des professeurs absents grâce à une meilleure objectivation des données, une meilleure identification des situations sensibles et à l’accompagnement des acteurs de terrain.
Monsieur le sénateur, l’académie de Versailles mobilise l’ensemble de ces leviers pour répondre aux besoins de remplacement et assurer la continuité du service public d’enseignement – dont vous soulignez à juste titre le caractère d’urgence absolue et le lien qu’elle crée dans la société – dans les établissements du second degré.
Elle suit en outre avec beaucoup d’attention la situation du collège Le Parc de Villeroy qui scolarise plus de 1 000 élèves, dont 14 en unités localisées pour l’inclusion scolaire, et 63 autres en sections d’enseignement général et professionnel adapté.
De manière plus large, un engagement a été pris dans le cadre du Grenelle de l’éducation pour réduire le nombre d’heures de classe sans solution de remplacement afin que tout élève bénéficie d’une prise en charge pédagogique dans l’établissement pour la poursuite ou la révision des apprentissages.
Si quelques tensions peuvent apparaître dans certaines zones géographiques, comme l’Essonne, et dans certaines disciplines, croyez que le ministère de l’éducation nationale met tout en œuvre afin de suppléer les enseignants absents dans les meilleurs délais et veille à ce que les heures de cours soient rattrapées le cas échéant.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je ne doute pas qu’il existe des procédures administratives et que le ministère de l’éducation nationale s’efforce de faire le maximum.
Il reste que, dans des départements à forte croissance démographique et à la suite des épisodes de la crise de covid-19 que nous avons connus, un peu plus d’huile dans les engrenages serait bienvenue. Il y a certainement plus d’effectifs à mobiliser que ceux qui le sont actuellement.
carte des établissements du réseau d’éducation prioritaire
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la question n° 1830, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire.
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le secrétaire d’État, plusieurs territoires sont classés en réseaux d’éducation prioritaire – REP et REP+ – selon des données socioéconomiques, le taux d’élèves boursiers ou le nombre de redoublements.
Ce classement permet un doublement des classes primaires et le déploiement de moyens humains à vocation pédagogique supplémentaires dans les collèges – pour le soutien aux devoirs, par exemple. En tant qu’élus locaux, nous voyons bien les services que cela rend.
Or la carte des REP date de 2015. Depuis cette date, certains territoires ont vécu plus de difficultés que d’autres, quand certains autres se portent parfois mieux qu’il y a six ans.
Il en résulte des situations paradoxales pour certains territoires – j’en connais dans l’Aisne, comme Marle ou Ribemont, mais on en trouve partout en France – qui ne sont pas classés en REP alors qu’ils devraient l’être en vertu des facteurs de classement de 2015.
Des expérimentations ont été menées afin de remettre à niveau les cartes des REP.
Monsieur le secrétaire d’État, quand le classement REP sera-t-il revu ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Verzelen, adapter le système éducatif à la diversité des territoires est une des préoccupations principales du Gouvernement.
C’est la raison pour laquelle le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Jean-Michel Blanquer, a confié dès octobre 2018 à Ariane Azéma et à Pierre Mathiot la mission d’apporter une vision globale sur l’évolution de la politique d’éducation prioritaire et de se pencher sur la diversité des territoires en prenant en compte le cas particulier des écoles et établissements en milieu rural.
Ce rapport intitulé Mission Territoires et réussite a été remis le 5 novembre 2019 au ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Plusieurs pistes y sont proposées pour conforter l’éducation prioritaire tout en développant des politiques territoriales adaptées à la diversité des besoins régionaux et locaux.
Dans le prolongement de ces recommandations, il a été décidé à ce stade de ne pas engager de révision de la carte de l’éducation prioritaire avant d’avoir expérimenté de nouvelles formes de différenciation territoriale. C’est l’objectif des contrats locaux d’accompagnement, les CLA, expérimentés dans trois académies – Lille, Nantes et Aix-Marseille – en cette rentrée 2021.
Ces contrats établis par les autorités académiques permettront d’atténuer les effets de seuil induits par la carte de l’éducation prioritaire, d’introduire plus de progressivité dans l’allocation des moyens pour répondre à des problématiques ciblées, de mieux tenir compte des contextes locaux et d’apporter une réponse aux difficultés des territoires ruraux et périphériques, de donner plus de marge de manœuvre aux autorités académiques en développant une analyse fine des territoires et de répondre aux problématiques de certaines unités d’enseignement qui n’entrent pas dans la carte de l’éducation prioritaire, tels que les écoles orphelines et les lycées.
Il sera ainsi possible d’observer les problèmes rencontrés par les établissements, territoire par territoire, au niveau académique. Ces contrats visent à intensifier les prises en charge éducatives des élèves en répondant au mieux à leurs besoins.
L’expérimentation concerne actuellement 99 écoles, 33 collèges et 40 lycées. Au total, 3,2 millions d’euros sont mobilisés en accompagnement des trois académies qui en font l’objet.
Au titre de cette année 2021-2022, deux bilans d’étape seront menés et, en fonction des résultats observés, la mesure pourra être élargie aux autres académies dès la rentrée 2022.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour la réplique.
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends que des travaux sont en cours, mais je vous demande d’aller vite – et je ne suis certainement pas le seul à le faire.
Les fermetures de classes dans les collèges et les écoles primaires se produisent généralement dans les territoires qui connaissent une décroissance démographique. Essayez donc d’aller le plus vite possible.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Responsabilité pénale et sécurité intérieure
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (projet n° 849 [2020-2021], texte de la commission n° 47, rapport n° 46).
Dans la suite de l’examen du texte de la commission, nous en sommes parvenus aux articles précédemment réservés.
projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure
TITRE Ier (précédemment réservé)
DISPOSITIONS LIMITANT L’IRRESPONSABILITÉ PÉNALE EN CAS DE TROUBLE MENTAL RÉSULTANT D’UNE INTOXICATION VOLONTAIRE AUX SUBSTANCES PSYCHOACTIVES
Article additionnel avant l’article 1er (précédemment réservé)
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 122-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le discernement est la conscience de l’acte commis, de ses conséquences et la capacité à en apprécier la nature et la portée. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout d’abord, nous sommes heureux de saluer M. le garde des sceaux, ainsi que M. le président de la commission des lois, de retour de leur périple vers Poitiers. Nous avons regretté hier que vous fussiez absents durant la discussion générale portant sur ce grave sujet de l’irresponsabilité pénale.
Je rappelle à M. le garde des sceaux qu’il s’agit d’une semaine gouvernementale et que le Gouvernement était donc maître de l’ordre du jour. Le Sénat n’aurait pas pu s’opposer à ce que les choses eussent été organisées de telle manière qu’il n’y ait pas concomitance entre ce débat important et l’annonce d’États généraux dont vous voyez bien, monsieur le président, qu’ils prennent place dans une période particulière. Je ne suis pas certain qu’il soit très logique de les tenir en fin de mandat, en période électorale, alors que tant de choses ont déjà été décidées et votées, tant de lois présentées, discutées et promulguées.
Cela, vous l’avez souvent entendu dire longuement, monsieur le garde des sceaux, et je ne doute pas qu’en votre for intérieur, vous y pensez constamment.
Il me reste peu de temps, en raison du funeste nouveau règlement ; il s’agit ici de la reprise d’un amendement définissant le discernement que nous avions présenté lors de l’examen d’une proposition de loi de Mme Goulet en mai dernier. Il a donc déjà été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Comme ce fut le cas lors de son précédent examen, mon cher collègue, l’avis de la commission est défavorable. La question du discernement est, certes, importante, mais ne pose pas de difficulté particulière. Il n’est donc pas utile d’insérer dans la loi la définition d’une notion que tout le monde connaît et maîtrise parfaitement.
L’avis reste donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a pire !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … je vais d’abord présenter au Sénat, que j’avais prévenu, toutes mes excuses.
Il n’est pas anormal que le garde des sceaux ait été aux côtés du Président de la République pour l’annonce des États généraux de la justice. Avec moi se trouvait d’ailleurs Mme Guigou ; l’une d’entre vous a évoqué hier une « campagne électorale », mais il ne me semble pas que celle-ci fasse campagne pour le Président de la République, qui, au demeurant, n’est pas candidat.
M. le président de la commission des lois du Sénat ainsi que Mme Dominique Vérien étaient également présents, et j’ai la faiblesse de penser qu’eux non plus ne sont pas venus pour cette raison. Il y avait, enfin, un certain nombre d’autres parlementaires.
Nous nous trouvons dans un étau, monsieur le sénateur : si le Président de la République ne travaille plus, on dit qu’il est en campagne ; mais s’il travaille jusqu’au dernier quart d’heure, on le dit aussi. Il est compliqué d’en sortir !
Ces États généraux de la justice sont extrêmement importants. Dans un premier temps, nous avons souhaité restaurer la justice, avec un budget exceptionnel, et mettre en œuvre un certain nombre de mesures que vous connaissez, car celles-ci ont notamment été débattues ici ; dans un deuxième temps, il nous faut moderniser la justice, c’est pourquoi nous avons choisi le Futuroscope et non les grottes de Lascaux.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous êtes un vrai comique !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, hier, vous avez cru devoir affirmer que j’étais en campagne aux côtés du Président de la République.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous n’allez tout de même pas vous justifier deux fois !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il y a quelques jours, je vous ai vue aux côtés de Mme Hidalgo, ceintes toutes les deux de votre écharpe tricolore, et il me semble que vous annonciez la création de la police municipale.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas du tout cela !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Laissez-moi terminer ! Il ne m’est pas venu une seconde à l’esprit que vous étiez en campagne. J’ai estimé que vous défendiez votre territoire. D’ailleurs, si vous aviez été en campagne à ses côtés, Mme Hidalgo ne serait plus à 4 % !
Ce sont là des polémiques stériles.
M. Jean-Pierre Sueur. Que vous alimentez !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pas du tout ! Je vous ai expliqué qu’il était bien normal que le garde des sceaux soit aux côtés du Président de la République pour les États généraux de la justice.
Je suis ravi de constater que je vous ai manqué, et je souhaite indiquer à la représentation nationale, mais elle le sait déjà, que nous allons seulement commencer à évoquer les articles que je porte.
Monsieur le sénateur Sueur, vous avez, en effet, déjà présenté cet amendement, lequel a déjà été rejeté par votre assemblée le 25 mai dernier. À mon sens, il est totalement inopérant et le Gouvernement, représenté ici par ma personne, y est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, je n’entends pas polémiquer sur une éventuelle campagne électorale, mais simplement rappeler ce que j’ai dit hier. Les États généraux de la justice n’ont pas été inscrits ce week-end à votre agenda et à celui du Président de la République. Il aurait donc fallu prévoir un autre moment pour l’examen de ce texte.
De plus, votre absence hier s’est doublée de celle de M. le ministre de l’intérieur. Sans revenir sur les qualités de M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne, qui ne sont pas en cause ici, la conjonction de ces deux absences, qui ont des raisons différentes, posait problème. J’ai la naïveté de croire que les initiatives qui les ont justifiées ne se sont pas imposées sur les agendas la veille pour le lendemain.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je rassure mes collègues, je n’ai pas l’intention de polémiquer avec le garde des sceaux.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je ne souhaite évoquer que l’amendement en discussion.
M. Alain Richard. Tant mieux !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je remercie mon collègue Alain Richard de saluer ainsi mon propos.
La définition du discernement est très importante, au point que nous l’avons inscrite dans la loi lorsque nous avons débattu du code de la justice pénale des mineurs.
Cette notion est en effet définie par la jurisprudence, mais elle n’est pas inscrite dans le code. Notre rapporteure Muriel Jourda a balayé cet argument d’un revers de main, mais il me semble que c’est à tort. En droit pénal, il est important que nous sachions de quoi nous parlons, c’est l’objet de cette définition : « Le discernement est la conscience de l’acte commis, de ses conséquences et la capacité à en apprécier la nature et la portée. »
Une telle définition évite les interprétations jurisprudentielles excessives, elle est donc très utile. Tel est le sens de cet amendement que nous serions heureux de vous voir voter, comme ce fut le cas dans le code pénal des mineurs.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er (précédemment réservé)
Après le premier alinéa de l’article 706-120 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le juge d’instruction au moment du règlement de son information estime que l’abolition temporaire du discernement de la personne mise en examen résulte au moins partiellement de son fait, il renvoie devant la juridiction de jugement compétente qui statuera, avant l’examen au fond, sur l’application du même article 122-1 et, le cas échéant, sur la culpabilité. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 37 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 71 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 37.
Mme Éliane Assassi. Vouloir responsabiliser les malades mentaux, c’est faire peu de cas de ce qu’est un malade mental : lorsque son discernement est aboli, il n’en a pas conscience, comme il n’en a pas conscience quand il consomme de la drogue ou de l’alcool.
En cas d’abolition, on est en présence d’un individu qui a perdu ses facultés, peu importe pourquoi, car quand il agit, il n’est pas apte à comprendre ce qui se passe. Que cela soit temporaire ne change rien au problème.
Si l’article 122-1 du code pénal est resté intact, comme le recommandait le rapport Raimbourg-Houillon, il n’en reste pas moins que le dispositif proposé aujourd’hui vient soutenir, de manière peut-être plus présentable, l’idée selon laquelle un individu dont le discernement a été aboli n’est pas forcément irresponsable pénalement.
Par l’intermédiaire d’un mécanisme de « fait fautif », il s’agit de créer un nouvel état entre altération et abolition du discernement appelé « abolition temporaire » du discernement. On en vient à fragmenter l’état de conscience ou d’inconscience, ce qui n’a pas de sens.
Légiférer ainsi serait oublier que les comportements de prise de drogues ou d’alcool ne sont pas nécessairement fautifs, mais qu’ils peuvent être non la cause de l’abolition du discernement, mais sa conséquence. Aussi, la notion d’abolition temporaire choisie pour prendre en compte ces situations n’est pas satisfaisante à nos yeux.
En outre, ce dispositif a un second objectif tout aussi critiquable : l’instauration d’un véritable procès dans les cas précités. Quelle est, pourtant, la pertinence d’un procès de l’aliéné ? Quel est le sens d’une audience pensée pour un délinquant rationnel, lorsque c’est un fou qui est jugé ? Cela est symptomatique de la mise en œuvre d’une politique pénale compassionnelle à l’égard des victimes et de la promotion de lois de circonstance visant à satisfaire l’opinion publique.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 71.
M. Guy Benarroche. J’ai développé très largement notre avis sur ce sujet en présentant la motion, hier, et c’est le même que celui que vient de défendre Mme Assassi.
Il est vrai que la rédaction du Gouvernement nous semblait excessivement dangereuse, car elle conduisait incontestablement à fragiliser l’élément intentionnel de l’infraction, qui est un principe fondamental du droit pénal, tout en ne répondant pas à l’objectif visé.
Nous nous demandons encore sur quelles études ou sur quelle concertation le Gouvernement s’est appuyé pour écarter l’irresponsabilité dans le cas où l’abolition du discernement était due à une prise volontaire de substances psychoactives.
Je partage donc la démonstration qui vient d’être développée et nous saluons le fait que la rédaction de la commission ait écarté cette possibilité, conformément aux travaux que nous avons déjà menés au printemps dernier.
Le texte qui nous est présenté aujourd’hui nous semble préférable à celui du Gouvernement ; toutefois, cette réécriture ne correspond pas non plus à la position de notre groupe.
Pour nous, le renvoi possible devant le juge de fond ne répond qu’à la demande de procès des victimes ; nous la comprenons bien et nous entendons que le besoin d’un procès doit être pris en considération. L’audience en chambre d’instruction, collégiale, publique et contradictoire, qui se concentre sur la question de la responsabilité pénale du mis en cause en permettant la présence des victimes et des avocats des parties civiles, nous semble être aujourd’hui une bonne piste, qui reste à améliorer.
Nous demandons donc la suppression de cet article 1er.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Madame Assassi, je partage votre opinion : le droit pénal ne doit pas être compassionnel ; avec ses instances, il est le droit de la société et de l’ordre public. C’est bien ainsi qu’il faut le considérer.
Pour autant, afin que la société s’en saisisse, encore faut-il qu’elle le comprenne. La solution choisie par la commission, qui n’est pas celle du Gouvernement – nous y reviendrons –, est de permettre la tenue d’un procès public, qui n’aura d’ailleurs pas nécessairement pour objet de prononcer la responsabilité pénale de la personne dont on a des raisons de croire qu’elle était en état d’abolition du discernement.
Il paraît de bonne justice que ce procès public puisse avoir effectivement lieu ; cette solution à l’avantage de ne pas modifier les cas d’irresponsabilité pénale et de ne pas toucher à ce droit, dont on sait qu’il est extrêmement délicat. Nous avons eu l’occasion de nous en expliquer hier, durant la discussion générale.
La solution adoptée par la commission l’avait déjà été par le Sénat au mois de mai dernier, sur le rapport de notre collègue Nathalie Goulet. Vous comprendrez donc que notre avis soit défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement a déposé un amendement pour rétablir l’article 1er dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale ; dans ces conditions, je suis évidemment opposé à ces amendements de suppression.
Madame Assassi, vous avez évoqué hier un « mépris » du Gouvernement. Vous avez le droit de dire cela, mais cela ne correspond pas à la réalité. Il me semble que mon attitude au Sénat, l’ouverture dont je fais preuve depuis que je suis ministre de la justice, la passion avec laquelle je me consacre aux débats devrait vous interdire de juger que je ferais preuve de mépris – ce mot est bien excessif –, mais vous êtes naturellement libre de le faire.
J’ai expliqué pour quelle raison j’étais absent hier, j’ai présenté mes excuses, qui étaient évidemment sincères. À l’impossible, nul n’est tenu et je n’ai pas le don d’ubiquité. Pour le reste, madame, il n’y a aucun mépris de ma part et il ne me semble pas que vous ayez pu en ressentir lors de mes interventions, même si nos échanges sont parfois vifs, comme c’est le cas dans un pays de liberté, où la vivacité est indispensable au débat démocratique.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je ne souhaite pas entrer dans une polémique avec vous à ce sujet, monsieur le garde des sceaux, car je ne m’adressais pas à vous, hier. Si nous devions recenser tous les comportements sinon méprisants, au moins anachroniques du Gouvernement à l’endroit du Sénat, la liste serait longue. Mon sentiment à cet égard semble être partagé sur toutes les travées de notre assemblée, mais mon propos n’était pas dirigé contre vous.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 37 et 71.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 86, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 122-1 du code pénal, sont insérés des articles 122-1-1 et 122-1-2 ainsi rédigés :
« Art. 122-1-1. – Le premier alinéa de l’article 122-1 n’est pas applicable si l’abolition du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit résulte de ce que, dans un temps très voisin de l’action, la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre l’infraction ou une infraction de même nature ou d’en faciliter la commission.
« Art. 122-1-2. – La diminution de peine prévue au second alinéa de l’article 122-1 n’est pas applicable en cas d’altération temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit lorsque cette altération résulte d’une consommation volontaire, de façon illicite ou manifestement excessive, de substances psychoactives. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je pourrais appeler cet amendement « l’amendement Captagon ».
Un homme responsable consomme des produits stupéfiants exclusivement dans le but de commettre ultérieurement un crime. Après la commission de ce crime, des experts disent de lui qu’il n’est pas responsable, qu’il n’a pas de discernement.
Nous estimons, quant à nous, que la prise volontaire de produits stupéfiants dans le but de se donner du courage est un acte qui s’assimile au crime lui-même. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons qu’il soit pénalisé. Naturellement, il faut pour cela que l’intéressé ait recouvré ensuite son discernement, parce que l’on ne juge pas les fous.
Qu’il me soit permis de dire que je conteste, avec la plus farouche énergie, les reproches qui nous sont faits quant à ce texte, d’abord parce que des États étrangers, comme l’Espagne, connaissent cette disposition, ensuite parce que celle-ci est conforme aux principes fondamentaux de notre droit et respecte l’exigence d’un élément moral. À ce titre, je vous rappelle qu’elle a été validée par le Conseil d’État.
Voilà pour ce qu’il en est de cet article 1er, dont je souhaite naturellement qu’il soit rétabli et adopté tel qu’il l’a été par l’Assemblée nationale.
Encore une fois, quelqu’un de responsable prend des produits stupéfiants pour commettre un attentat terroriste – on connaît cet exemple en Europe –, il perd la raison à cause de cette consommation de produits stupéfiants, mais son intention n’était pas de se faire plaisir, d’accompagner un moment festif, mais bien de commettre un crime.
Nous estimons que s’il était dans un état de conscience lorsqu’il a consommé, car il faut naturellement qu’il soit considéré comme responsable de cette infraction de consommation de produits stupéfiants, alors il doit être condamné comme l’auteur du crime.
Le Sénat a proposé en remplacement une disposition qui me paraît fort contestable. Vous souhaitez en effet imposer à un juge d’instruction, qui estime que le discernement d’une personne était aboli, de la renvoyer tout de même devant la juridiction de jugement, dans le cas où l’abolition résulterait du fait même de la personne.
Quelqu’un prend des produits stupéfiants, commet un crime et est jugé irresponsable. Nous proposons – c’est notre article 2 – qu’il soit jugé pour la consommation de produits stupéfiants quand celle-ci a les conséquences délétères que nous avons vues dans un certain nombre de dossiers ; la commission souhaite, quant à elle, que si la perte de discernement résulte de la consommation de produits psychotropes, l’affaire soit renvoyée devant la cour d’assises, sans laisser le soin au juge ou à la chambre de l’instruction d’examiner cette question.
Ce qui me semble contestable, dans cette proposition, c’est qu’elle conduit à priver le juge d’une certaine liberté, alors que, selon un grand principe, le juge, en toute matière, civile comme pénale, n’est pas tenu par les conclusions d’un expert et peut ne pas se ranger à ses conclusions. Nous entendons lui laisser cette liberté.
Ensuite, j’ai assisté, dans ma carrière d’avocat, à une audience de la chambre de l’instruction telle qu’elle existe. Laissez-moi vous dire que si vous placez dans le box quelqu’un qui a la lippe pendante et qui est incapable de comprendre ce qui se passe, vous ne donnez pas de la justice une image extraordinaire, tant s’en faut. Mettre un tel homme dans une situation où il peut être vu par tout le monde, avec une espèce de curiosité parfois malsaine, ne serait pas à l’honneur de notre justice.
Cette audience de la chambre de l’instruction ne répond certes pas à toutes les exigences, en particulier aux yeux des victimes, mais peut-on pour autant exposer dans un box un homme dont on sait qu’il a perdu son discernement ? Madame la rapporteure, alors que nous sommes à peu près d’accord sur le reste de ce texte, il me semble que vous franchissez ici une ligne rouge que nous n’avons pas voulu franchir.
Nous proposons que cet homme soit jugé sur le volet consommation de produits stupéfiants ; c’est bien normal : on ne peut pas s’exonérer totalement d’une responsabilité quand on a commis une infraction, en l’espèce, la consommation de produits stupéfiants.
J’ajoute, madame la rapporteure, que, en l’état de notre législation, on ne peut pas envisager qu’un procureur de la République renvoie l’intéressé devant la juridiction correctionnelle pour une consommation de stupéfiants, alors que la peine maximale encourue est de un an de prison. Ce serait indécent. Dans cette hypothèse, les procureurs laissent tomber. C’est bien cela qu’il nous fallait rectifier.
On ne saurait toutefois le faire en prenant le risque de renvoyer un fou en audience de jugement au motif que sa folie aurait des causes exogènes. On peut, en revanche, le juger pour cette extranéité qu’est la consommation de produits stupéfiants et pas pour le reste, car c’est évidemment impossible. Cela n’est, en outre, envisageable qu’à la condition que l’intéressé soit en mesure de comprendre un certain nombre de choses.
Pour avoir assisté à une audience de cette nature, il n’y a aucune raison, à mon sens, de se livrer à plus d’exhibition ; nous ne franchissons pas cette ligne, nous ne jugeons pas les fous, mais l’on peut les juger pour la période où ils ne l’étaient pas et où, en toute connaissance de cause – ce sont les éléments constitutifs de l’infraction –, ils ont consommé des produits stupéfiants.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre II du titre II du livre Ier du code pénal est complété par un article 122-… ainsi rédigé :
« Art. 122-…. – Est pénalement responsable la personne qui a volontairement provoqué une perte de discernement aux fins de commettre l’infraction, notamment par la consommation de boissons alcooliques, de drogues toxiques, de stupéfiants, de substances psychotropes ou de substances ayant des effets similaires. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement se justifie par son dispositif même.
Nous l’avons déjà présenté en mai dernier, lors de l’examen de la proposition de loi de Mme Goulet et de M. Sol. Quelle fut alors votre réaction, monsieur le garde des sceaux ? Vous m’avez demandé de le retirer, je n’ai jamais compris pourquoi. J’avais dans l’idée que, comme cet amendement est très proche du vôtre, vous vouliez en quelque sorte attendre votre texte pour qu’il y fût inséré par vous-même. Remarquez qu’il aurait pu tout à fait être adopté au mois de mai.
Nous considérons que cet amendement répond à la nécessité de prendre en compte cette situation dans laquelle une personne décide de provoquer en elle-même une perte de discernement dans le dessein d’accomplir un acte criminel.
Nous le présentons pour mémoire, nous le voterons, mais s’il n’était pas adopté, nous voterions le vôtre.
Voyez : le Parlement peut avoir des idées justes, parfois même un peu avant que celles-ci ne surgissent sur l’initiative du Gouvernement.
Mes propos ne valent toutefois que pour le premier alinéa de votre amendement, nous ne sommes pas sûrs de la pertinence du second.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Vous pouvez être parfois d’accord avec M. le garde des sceaux, mon cher collègue, mais la commission ne l’est pas.
J’avoue éprouver quelques difficultés à suivre le raisonnement qui nous est présenté. De quoi parlons-nous ? Il s’agit d’une situation dans laquelle un individu absorbe, à dessein, des substances psychoactives et va ensuite commettre l’infraction qu’il avait prévu de commettre et en préparation de laquelle il avait absorbé ces substances.
La proposition qui vous est faite par le Gouvernement consiste à considérer que, dans ce cas, il n’est pas irresponsable pénalement, même s’il était en état d’abolition du discernement. Je vois mal, d’ailleurs, quelle est la liberté du juge, puisque le texte du Gouvernement nous dit que l’intéressé n’est pas irresponsable pénalement.
Le Sénat propose que, si le juge d’instruction pense que cette personne était en état d’abolition ou d’atténuation du discernement, il ne prenne pas lui-même la décision, mais renvoie le dossier devant le juge du fond afin que celui-ci apprécie la réalité de ce discernement.
Aujourd’hui, dans l’état actuel du droit, il n’est pas impossible d’être condamné dans la situation qui a été décrite par M. le garde des sceaux.
Loin d’enlever de la liberté au juge, il me semble à l’inverse que la rédaction de la commission, qui correspond à ce qui a été voté par le Sénat au mois de mai dernier, permet au juge du fond de trancher la réalité de cette abolition ou atténuation de discernement.
Si, comme nous le dit M. le garde des sceaux, à l’audience, cette personne était encore en état d’abolition du discernement, « la lippe pendante », selon ses propos, elle ne serait pas jugée, parce que l’on n’a jamais jugé des gens dans cet état.
Il me semble donc que la solution préconisée par la commission est celle qui préserve à la fois la liberté du juge de trancher et la possibilité de condamner une personne qui, à dessein, a pris des substances psychoactives pour commettre une infraction.
L’avis est donc évidemment défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 8 ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Sueur, je suis ravi que nous soyons d’accord, mais ce n’est pas la première fois.
M. Jean-Pierre Sueur. Et ce ne sera pas la dernière, j’espère !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous avez anticipé mon propos : je l’espère aussi.
Je vous rappelle que j’ai pris à bras-le-corps la proposition de loi de Mme Billon, que nous avons adhéré à la loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, portée par M. le président de la commission des lois du Sénat. Je vous ai même reçu à la Chancellerie et j’ai pris en compte un certain nombre de vos amendements.
Loin de moi l’idée de prétendre avoir été à l’origine de l’amendement que vous présentez ! Je vous en concède bien volontiers la paternité. Cependant, depuis les premiers débats qui se sont tenus dans cette assemblée sur le sujet, je ne suis pas resté « les deux pieds dans le même sabot », si vous me permettez l’expression.
J’ai consulté des experts psychiatres, des représentants des cultes, des magistrats, des universitaires et des avocats. À l’issue de ces consultations, il m’est apparu que cet amendement était justifié et que l’on pouvait envisager de modifier la rédaction du texte en ce sens. Je me suis également inspiré des travaux de la mission d’information menée par Naïma Moutchou et Antoine Savignat.
Nos positions convergent. Je vous propose donc de retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement.
Enfin, nous restons très attachés au principe de la liberté du juge. Je ne veux pas que nous ouvrions la voie, quand bien même l’ouverture serait étroite, à ce que l’avis des experts devienne le guide absolu du juge, qui perdrait alors sa liberté juridictionnelle. Au-delà des enjeux de ce texte, la question est de principe. Il ne suffit pas que le psychiatre dise pour que le juge suive. Je tiens à la disposition du Sénat un certain nombre d’exemples, attestant que les experts ont pu se tromper par le passé, mais vous les connaissez parfaitement.
Veillons donc à ce que le juge conserve sa liberté par rapport aux travaux des experts, tous infiniment respectables, mais qui restent susceptibles de diverger dans leurs conclusions. Il faut laisser au juge la plus grande ouverture possible dans les possibilités qui s’offrent à lui, sans rien imposer.
Quant à la lippe pendante, même si vous me dites qu’elle n’existe plus, je vous affirme que je l’ai déjà vue et que nous risquons de la voir encore.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis totalement opposé à cet amendement. L’impératif m’est interdit lorsque je m’adresse à vous au sujet d’un vote ; cependant, je vous supplie de bien peser l’enjeu qu’il y aurait à imposer au juge un travail d’expertise, quelle qu’elle soit. Dans ce champ, les petits abandons en entraînent parfois de gros.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis (précédemment réservé)
(Non modifié)
Le titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :
1° Avant le dernier alinéa de l’article 221-4, il est inséré un 11° ainsi rédigé :
« 11° Par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;
2° Après le 10° de l’article 222-3, il est inséré un 11° ainsi rédigé :
« 11° Par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;
3° Après le 10° de l’article 222-8, il est inséré un 11° ainsi rédigé :
« 11° Par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;
4° Après le 10° de l’article 222-10, il est inséré un 11° ainsi rédigé :
« 11° Par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 1er bis (précédemment réservé)
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer et Billon, MM. Genet, Belin et Grand, Mme Borchio Fontimp, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Garnier, Imbert et Lassarade, MM. Reichardt, Savary, Regnard et Pellevat, Mme Belrhiti, M. Calvet, Mmes Demas et Chauvin, M. Daubresse, Mmes Noël et L. Darcos, MM. Charon, Sido et Tabarot, Mme F. Gerbaud et M. B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’avant-dernier alinéa de l’article 222-14 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’impact de ces violences sur la victime est pris en compte pour l’application des articles 122-1, 122-2 et 122-5 lorsque sa responsabilité pénale est engagée. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement, très attendu par des professionnels du droit et par des associations, a été voté en mai dernier, par le Sénat, lors de l’examen de la proposition de loi relative aux causes de l’irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l’expertise en matière pénale. J’avais accepté – bien volontiers – de le retravailler, à l’époque, pour satisfaire la commission et il avait reçu un avis favorable, avant d’être voté avec le soutien de sénateurs issus de toutes les travées, dont la présidente de la délégation aux droits des femmes, qui en est la première cosignataire.
L’actualité judiciaire nous a donné raison, puisque Valérie Bacot, qui avait été condamnée à quatre ans de prison dont un an ferme, est sortie libre le vendredi 25 juin 2021. Le premier expert psychiatre du procès a expliqué que cette affaire résultait d’une « faille de la société » : « Notre rôle de société, c’est d’empêcher cela. Le libre arbitre de Valérie Bacot est réduit à néant. Dans sa pensée, elle n’est pas seule, son mari est toujours présent. L’emprise est permanente, l’injonction persiste. »
La victime ne peut plus prendre de décision raisonnable, car seules les personnes qui n’ont pas connu la violence conjugale répétitive sur plusieurs années peuvent le faire. Que ce soit sous la forme d’insultes, de critiques incessantes, de remarques désobligeantes, de comportements de mépris, d’avilissement ou d’asservissement de l’autre, de violences physiques et sexuelles, toutes ces attaques touchent à l’intégrité psychique de la victime, qui devient alors prisonnière de la situation qu’elle subit. Il s’agit en réalité d’actes de torture mentale.
De par ses agissements, le conjoint violent porte atteinte au principe du respect de la dignité de la personne humaine. Rares sont les cas dans lesquels la victime de violences conjugales arrive à se défaire de l’emprise que son bourreau exerce sur elle. En effet, ces victimes ne portent que trop rarement plainte.
Cet état de soumission et de danger de mort permanent, vécu pendant des années, peut entraîner un comportement extrême. La plupart du temps, cet enfer conjugal trouve une issue dans le suicide de la victime. Dans des cas très rares, la victime se retourne contre le conjoint, car elle n’a pas d’autre solution que de le tuer pour ne pas mourir, selon le principe du « c’est elle ou moi ».
Le Sénat avait fait preuve de courage et je sais que ceux qui soutiennent les victimes de violences conjugales n’en attendaient pas moins de nous. En effet, tant de victimes sont dans cette situation !
Le Sénat, dans sa grande sagesse, ne peut pas se dédire sur une telle question,…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Valérie Boyer. Mes chers collègues, je vous demande de faire preuve de discernement en votant cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Elle a estimé que la prise en compte de ces éléments était normale et découlait de la procédure devant la cour d’assises, même s’il est vrai que nous avions adopté cet amendement lors de l’examen d’un texte précédent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
En réalité, dans une telle logique, une femme battue qui tue l’auteur des violences qu’elle subit serait pénalement irresponsable, même lorsque les conditions du trouble mental, de la contrainte ou de la légitime défense ne seraient pas remplies.
Je ne peux pas cautionner un tel message et nous devons tout faire pour que ces victimes déposent plainte et pour qu’elles soient protégées comme il se doit. Nous ne devons pas pour autant les inciter à faire justice elles-mêmes.
Ce sont là, brièvement exposés, des principes qui demeurent intangibles.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Il y a cinq mois, nous avions voté ce texte, à l’issue de son examen. Quel message adresserons-nous aux victimes si nous rejetons aujourd’hui ce que nous avons voté hier, alors même que l’actualité juridique nous a donné raison ?
Le tribunal a reconnu pour la première fois le syndrome de la femme battue ou de la personne battue, à l’occasion de l’affaire que j’ai citée. Si l’auteure du meurtre a été condamnée, sa peine a été atténuée. Or les avocates se sont appuyées sur nos débats dans leurs plaidoiries et de nombreux Français ont salué la prise de position du Sénat.
Même si je respecte les convictions de chacun d’entre vous, nous devons faire preuve de cohérence. En reconnaissant le syndrome de la femme battue, les psychiatres confirment l’altération du jugement.
Certains d’entre vous considèrent la mesure que nous proposons comme un permis de tuer. Ce n’est absolument pas le cas. À suivre un tel raisonnement, nous pourrions envisager toutes les irresponsabilités pénales comme des permis de tuer.
Mes chers collègues, le code pénal prévoit que n’est pas pénalement responsable la personne qui est atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. La notion de permis de tuer est donc tout à fait inadéquate.
En réalité, certaines personnes, femmes ou hommes, voient leur jugement altéré à la suite de violences inqualifiables et répétées. Cela relève d’un phénomène d’emprise.
Je vous propose donc de préciser dans la loi que l’impact des violences conjugales devra être pris en compte. Certains d’entre vous me répondront, à tort, que c’est déjà le cas. Inscrivons donc ce principe, noir sur blanc, symboliquement, dans la loi. Il y va de notre responsabilité au nom des victimes, car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez dit qu’on ne jugeait pas les fous. Doit-on juger, sans rien prévoir dans la loi, des personnes dont le jugement est altéré en raison des coups qu’elles ont reçus de manière répétée ? Même si elles ne sont pas irresponsables, ces personnes restent des victimes. Le droit doit tenir compte du syndrome de la femme battue.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il est absolument faux de dire que les juridictions ne prennent pas en compte la situation des femmes, auteures de violences sur leur conjoint, lorsqu’elles ont été elles-mêmes victimes de violences. Je ne sais pas à quelle affaire vous pouvez faire référence, car rien de tel ne se passe dans les tribunaux. Même si vous avez cité une affaire récente.
Quel juge et quels jurés pourraient rester insensibles à la situation d’une femme qui tuerait son conjoint parce que, pendant vingt ans, elle a été elle-même victime de violences au quotidien ? Ce que vous dites est faux et le message que vous véhiculez ne recouvre pas la réalité.
Les juridictions sont évidemment sensibles à ce genre de circonstances. J’en veux pour preuve que les juges doivent mettre en évidence la personnalité de l’auteur, dans un processus de décision qui prend en compte un principe de « personnalisation ».
La différence apparaît clairement, dans un curriculum vitae, entre une femme qui serait l’auteure d’un crime crapuleux et celle qui aurait commis un meurtre parce qu’elle n’en peut plus, qu’elle est à bout, qu’on la frappe et qu’on l’injurie régulièrement.
Non, on ne peut pas se référer à tel ou tel procès pour dire que la situation a changé. C’est tout à fait faux. Prévoir qu’une femme battue pourra bénéficier de la mesure que vous proposez au motif qu’elle est battue, ce serait envoyer un bien mauvais message. Les juges ont parfaitement conscience de ce que peut être la vie des êtres et ils la prennent en considération, ce qui est tout à leur honneur.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 (précédemment réservé)
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« De l’atteinte à la vie résultant d’une intoxication volontaire
« Art. 221-5-6. – Est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait pour une personne d’avoir consommé volontairement, de façon illicite ou manifestement excessive, des substances psychoactives en ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à mettre délibérément autrui en danger, lorsque cette consommation a entraîné un trouble psychique ou neuropsychique temporaire sous l’empire duquel elle a commis un homicide volontaire dont elle est déclarée pénalement irresponsable en application du premier alinéa de l’article 122-1.
« Si l’infraction prévue au premier alinéa du présent article a été commise par une personne qui a été précédemment déclarée pénalement irresponsable d’un homicide volontaire en application du premier alinéa de l’article 122-1 en raison d’une abolition de son discernement ou du contrôle de ses actes résultant d’un trouble psychique ou neuropsychique temporaire provoqué par la même consommation volontaire de substances psychoactives, la peine est portée à quinze ans de réclusion criminelle. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 221-9 et à l’article 221-9-1, la référence : « par la section 1 » est remplacée par les références : « aux sections 1 et 1 bis » ;
3° À l’article 221-11, la référence : « à la section 1 » est remplacée par les références : « aux sections 1 et 1 bis » ;
4° Après la section 1 du chapitre II du titre II du livre II, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« De l’atteinte à l’intégrité de la personne résultant d’une intoxication volontaire
« Art. 222-18-4. – Est puni des peines suivantes le fait pour une personne d’avoir consommé volontairement, de façon illicite ou manifestement excessive, des substances psychoactives en ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à mettre délibérément autrui en danger, lorsque cette consommation a entraîné un trouble psychique ou neuropsychique temporaire sous l’empire duquel elle a commis des tortures, actes de barbarie ou violences dont elle est déclarée pénalement irresponsable en application du premier alinéa de l’article 122-1 :
« 1° Sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende, si les tortures, actes de barbarie ou violences ont entraîné la mort ;
« 2° Cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, si les tortures, actes de barbarie ou violences ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;
« 3° Deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, si les tortures, actes de barbarie ou violences ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.
« Si l’infraction prévue au premier alinéa du présent article a été commise par une personne qui a été précédemment déclarée pénalement irresponsable d’un homicide volontaire en application du premier alinéa de l’article 122-1 en raison d’une abolition de son discernement ou du contrôle de ses actes résultant d’un trouble psychique ou neuropsychique temporaire provoqué par la même consommation volontaire de substances psychoactives, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende dans le cas prévu au 1° du présent article, à sept ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende dans le cas prévu au 2° et à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende dans le cas prévu au 3°. » ;
5° Au premier alinéa de l’article 222-45, après la référence : « 1, », est insérée la référence : « 1 bis, » ;
5° bis (nouveau) Au premier alinéa de l’article 222-48-1, les références : « aux articles 222-23 » sont remplacées par les références : « aux articles 222-18-4 et 222-23 » ;
6° Le paragraphe 1 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II est complété par un article 222-26-2 ainsi rédigé :
« Art. 222-26-2. – Est puni des peines suivantes le fait pour une personne d’avoir consommé volontairement, de façon illicite ou manifestement excessive, des substances psychoactives en ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à mettre délibérément autrui en danger, lorsque cette consommation a entraîné un trouble psychique ou neuropsychique temporaire sous l’empire duquel elle a commis un viol dont elle est déclarée pénalement irresponsable en application du premier alinéa de l’article 122-1 :
« 1° Dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, si le viol a été commis avec des tortures ou des actes de barbarie ou s’il a entraîné la mort ;
« 2° Sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende dans les autres cas.
« Si l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent article a été commise par une personne qui a été précédemment déclarée pénalement irresponsable d’un homicide volontaire en application du premier alinéa de l’article 122-1 en raison d’une abolition de son discernement ou du contrôle de ses actes résultant d’un trouble psychique ou neuropsychique provoqué par la même consommation volontaire de substances psychoactives, la peine prévue au 1° du présent article est portée à quinze ans de réclusion criminelle et celle prévue au 2° est portée à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende. » ;
7° (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 9 est présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 38 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 72 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 9.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes très clairs : il fallait modifier l’article 1er et adopter une nouvelle rédaction. Dans la mesure où ni la nôtre – qui avait bien sûr notre préférence – ni celle du Gouvernement n’ont été adoptées, nous nous rallions à celle de la commission.
En revanche, nous nous opposons fermement à l’article 2, car nous considérons que l’article 1er suffit à changer la législation comme il le faut. L’article 2 ne fait qu’introduire de la confusion et de l’ambiguïté tout en présentant des difficultés d’adaptation.
En effet, il substitue à la notion de substances consommées dans l’intention de commettre un délit celle d’une consommation qui conduit à commettre un délit ou un crime. Une distinction est donc établie entre la consommation de substances psychoactives et les actes que l’individu accomplit sous leur emprise, tout en souffrant d’une pathologie ou de troubles psychiatriques qui peuvent éventuellement préexister.
Dans cette logique, l’article 122-1 du code pénal continue de s’appliquer, c’est-à-dire que l’on déclare l’irresponsabilité pénale en raison d’une abolition du discernement, mais il reste à établir que l’auteur des faits ne s’est pas volontairement placé dans cette situation, avant de les commettre.
Tout d’abord, ce dispositif risque d’être difficile à appliquer, car les victimes et les parties civiles auront du mal à faire valoir qu’un tel délit a été commis.
Ensuite, cet article porte sur des cas très marginaux, selon l’étude d’impact et l’avis du Conseil d’État. Il s’appliquerait donc très rarement.
Son adoption conduirait néanmoins à pénaliser et à condamner des personnes dont on considère aujourd’hui qu’elles souffraient d’une abolition totale de leur discernement au moment des faits.
On modifierait ainsi la structure du droit en matière d’abolition du discernement, sans toutefois l’assumer pleinement.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 38.
Mme Éliane Assassi. Cet article introduit dans le code pénal deux nouvelles infractions intentionnelles : l’atteinte à la vie, résultant d’une intoxication volontaire, et l’atteinte à l’intégrité de la personne, résultant d’une intoxication volontaire.
De nombreuses questions se posent, lorsque l’on considère les effets et les réactions multiples que provoque la prise de substances toxiques. La perte d’ancrage avec le réel constitue l’une des caractéristiques constantes des différents états que traversent ceux qui ingèrent de tels produits. Or cette conséquence entre en contradiction avec la notion de responsabilisation.
De leur propre aveu, les magistrats et les experts judiciaires redoutent que la caractérisation des nouvelles infractions ne soit une véritable usine à gaz.
Dans cet amendement, nous réaffirmons notre attachement au principe selon lequel l’abolition du discernement au moment de l’acte est exclusive de l’intention, au sens du droit pénal. Toute exception à ce principe remet en cause l’édifice pénal.
Nous partageons à cet égard les conclusions des travaux de la mission sur la responsabilité pénale, présidée par Dominique Raimbourg et Philippe Houillon, que l’ancienne garde des sceaux avait mise en place. Dans le rapport commandé en février 2020, elle établit en effet l’inopportunité d’une réforme dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 72.
M. Guy Benarroche. M. Sueur et Mme Assassi ont parfaitement bien développé leurs arguments. Selon nous, l’article 2 fragilise également le système du droit pénal, tout comme l’article 1er qui a été voté, alors que nous nous y opposions.
En réalité, il présuppose que la personne mise en cause a connaissance des effets biologiques de certains produits, alors que cela n’est possible que pour les seuls experts. L’application d’une telle mesure serait rendue aléatoire par des obstacles pratiques. Comment caractériser la prise « manifestement excessive » de substances psychoactives ? Comment établir qu’une personne qui consomme de tels produits est consciente qu’ils peuvent la conduire à attenter à la vie ou à l’intégrité d’autrui ? Il faut pour cela considérer que celui qui est mis en cause connaît parfaitement les effets biologiques des produits qu’il ingère.
Pour prendre un exemple, un individu qui boit deux verres d’alcool n’en sentira pas forcément les effets. En revanche, s’il a été privé de sommeil ou s’il est dans un certain état de fatigue, les conséquences pourront être plus graves, même avec un seul verre. Pour juger si la consommation est « manifestement excessive », il faut une connaissance fine des réactions de l’individu à l’alcool.
La suppression de l’article est conforme aux recommandations de la mission sur la responsabilité pénale, présidée par Dominique Raimbourg et Philippe Houillon, dans le rapport qui a été remis au garde des sceaux, le 23 avril 2021. Elle s’inscrit également dans la lignée des travaux que nous avons menés au printemps dernier et qui préconisaient de laisser en l’état l’article 122-1 du code pénal. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Dans la mesure où l’article 2 a été introduit par le Gouvernement, je laisserai M. le garde des sceaux développer plus avant les arguments qui le justifient.
Sur quel cas porte cet article ? Il vise un individu qui prend des substances dites psychoactives, dont il ne peut ignorer les effets, notamment le risque de mettre en danger la vie d’autrui, et qui commet des violences sous l’effet de ces substances, pouvant aller jusqu’à l’homicide. Imaginez par exemple quelqu’un qui boit deux bouteilles de whisky, il prend sa voiture et il écrase un passant.
Dans ces conditions, il est possible que l’irresponsabilité pénale soit constatée, car l’alcool, en l’occurrence, a pour effet d’abolir totalement le discernement de la personne qui l’a consommé. Sous réserve que l’on puisse prouver l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction – je souscris à ce qu’ont dit les auteurs des amendements –, c’est-à-dire qu’il soit établi que l’individu qui a consommé des substances psychoactives avait connaissance qu’elles risquaient de lui faire mettre en danger la vie d’autrui, l’acte lui-même ne sera pas jugé, car l’irresponsabilité pénale sera constatée.
En revanche, la prise des substances sera incriminée et pourra donner lieu à condamnation.
Tel est le sens, brièvement résumé, de cet article que la commission a adopté. Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur les amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mme le rapporteur vient de défendre excellemment cet article 2, qui distingue, d’un côté, celui dont le discernement est aboli en raison, par exemple, d’une pathologie mentale, de l’autre, celui qui se retrouve incapable de discernement, en raison d’un comportement positif qu’il a lui-même généré.
Dans le premier cas, il n’y a rien à dire, car on ne juge pas les fous dans notre pays, comme on le faisait au Moyen Âge. Ce serait une régression sociétale considérable que d’envisager un autre principe et personne ne souhaite franchir cette ligne rouge. Le second cas est exceptionnellement rare, puisqu’il n’y a eu que deux occurrences depuis quarante ans.
Cependant, l’émotion que l’affaire Halimi a suscitée justifiait que nous intervenions, non pas pour légiférer sans méthode, mais dans le cadre des règles du droit, car c’est la société qui fait évoluer le droit et pas l’inverse.
Il fallait aussi répondre à l’appel lancé par l’avocate générale près la Cour de cassation, lorsqu’elle dit en substance que la Cour ne peut pas aller là où le législateur ne lui permet pas d’aller. Il s’agissait de combler un « trou dans la raquette » – pardonnez-moi cette expression, que je déteste.
Telles sont les raisons qui ont présidé à l’élaboration de ce texte. J’ai procédé à une très large consultation, pour m’assurer que nous ne franchissions pas de lignes interdites en proposant ce dispositif.
Je remercie la commission des lois du Sénat de son soutien. Il serait inéquitable d’appliquer les mêmes critères pour examiner la situation d’une personne malade mentale, responsable de rien, et celle d’un individu qui se met de lui-même dans une situation où sa raison peut chanceler et son discernement le quitter. Dans ce dernier cas, l’individu exerce véritablement sa responsabilité.
La prise de stupéfiants est punie d’un an d’emprisonnement. En l’état actuel de la législation, aucun procureur n’oserait organiser un procès. Imaginez que l’on convoque les victimes d’un homicide à une audience correctionnelle qui se conclurait par une peine d’un an de prison ! Le condamné pourrait se tourner vers elles en disant : « Même pas mal ! » C’est totalement inconcevable.
Voilà pourquoi nous avons voulu créer une infraction claire, nette et précise, pour établir une responsabilité dans ce type de cas.
En outre, l’article 2 permet la constitution de partie civile des victimes du crime, même si celui-ci ne pourra pas être jugé du fait du constat de l’irresponsabilité.
Ce texte équilibré comble un vide juridique. Monsieur le sénateur Sueur, même si un seul cas se présente tous les quarante ans – vous avez raison de le préciser – nous ne pouvions pas rester les bras ballants face au constat jurisprudentiel.
Il en est de même pour le texte sur la procréation médicalement assistée (PMA) qui peut ne concerner qu’un seul cas par an. Il fallait pourtant légiférer. Je reconnais que la comparaison est forcée.
Nous sommes au rendez-vous de nos obligations. C’est la raison pour laquelle je suis totalement opposé aux amendements que vous avez présentés. (Mme Éliane Assassi exprime son doute.)
Madame Assassi, vous manifestez votre scepticisme, mais vous savez bien que je ne pouvais pas être d’accord avec vous, car il y va de l’architecture même du texte. Un individu qui tue quelqu’un sous l’effet de produits stupéfiants ne peut pas s’en sortir au motif qu’il a consommé ces substances. Ce ne serait ni équitable ni juste. Voilà ce à quoi nous avons voulu remédier.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9, 38 et 72.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 87, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Rétablir le 7° dans la rédaction suivante :
7° La section 2 du chapitre II du titre II du livre III est complétée par un article 322-11-2 ainsi rédigé :
« Art. 322-11-2. – Est puni des peines suivantes le fait pour une personne d’avoir consommé volontairement, de façon illicite ou manifestement excessive, des substances psychoactives en ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à mettre délibérément autrui en danger, lorsque cette consommation a entraîné un trouble psychique ou neuropsychique temporaire sous l’empire duquel elle a commis un crime de destruction par l’effet d’une substance explosive ou d’un incendie ayant entraîné des atteintes aux personnes, dont elle est déclarée pénalement irresponsable en application du premier alinéa de l’article 122-1 :
« 1° Dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, si ces faits ont entraîné la mort de la victime ou une mutilation ou une infirmité permanente ;
« 2° Sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende, si ces faits ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.
« Si l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent article a été commise par une personne qui a été précédemment déclarée pénalement irresponsable d’un homicide volontaire en application du premier alinéa de l’article 122-1 en raison d’une abolition de son discernement ou du contrôle de ses actes résultant d’un trouble psychique ou neuropsychique provoqué par la même consommation volontaire de substances psychoactives, la peine prévue au 1° du présent article est portée à quinze ans de réclusion criminelle et celle prévue au 2° est portée à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La commission des lois était d’accord avec le Gouvernement. Pourquoi donc s’est-elle arrêtée en si bon chemin en refusant que l’incendie volontaire portant atteinte aux personnes figure dans les infractions que vise l’article 2 ?
Certes, l’incendie volontaire est considéré, dans la classification, comme une atteinte aux biens, mais dès lors qu’il a des conséquences sur les personnes, il est jugé comme un crime, car il devient en réalité une atteinte aux personnes, en raison de sa gravité et des pénalités qu’il induit.
En outre, il n’est pas exceptionnel, tant s’en faut, que les incendies soient l’œuvre d’individus souffrant de problèmes d’ordre psychiatrique. Les expertises montrent qu’un certain nombre d’incendiaires connaissent de véritables difficultés en la matière. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité inscrire cette infraction grave à l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission n’a pas souhaité inscrire cette infraction à l’article 2. Elle a préféré s’en tenir aux atteintes volontaires à la personne ou aux atteintes involontaires à la personne. Quand un incendie fait des victimes, l’acte principal est dans le fait d’incendier et les victimes ne sont que la conséquence possible de cet incendie.
Nous avons donc préféré, dans cet article quelque peu dérogatoire, nous en tenir aux atteintes à la personne, et éviter les atteintes aux biens, même si une atteinte aux victimes peut en découler. L’avis est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3 (précédemment réservé)
(Non modifié)
Le titre XXVIII du livre IV du code de procédure pénale est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Dispositions applicables aux infractions d’atteintes à la personne résultant d’une intoxication volontaire
« Art. 706-140-1. – Lorsque le juge d’instruction est saisi d’une information sur le fondement des articles 221-5-6, 222-18-4, 222-26-2 ou 322-11-2 du code pénal, il est tenu dans son ordonnance de règlement, s’il décide du renvoi de la personne mise en examen devant la juridiction de jugement du chef de ces incriminations, de préalablement déclarer, en application du premier alinéa de l’article 122-1 du même code, que celle-ci est pénalement irresponsable des faits commis à la suite de sa consommation volontaire de substances psychoactives.
« Art. 706-140-2. – Lorsque, en application de l’article 351, est posée devant la cour d’assises la question de l’application du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal à l’égard d’un accusé mis en accusation pour meurtre, assassinat, tortures ou actes de barbarie, violences, viol ou crimes prévus aux articles 322-8, 322-9 ou 322-10 du même code, le président pose la question subsidiaire portant sur les qualifications prévues aux articles 221-5-6, 222-18-4, 222-26-2 ou 322-11-2 dudit code s’il apparaît que l’abolition du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes est susceptible de résulter d’une consommation volontaire de substances psychoactives. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 10 est présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 73 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est de coordination avec l’amendement de suppression que nous avons présenté à l’article 2.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 73.
M. Guy Benarroche. Cet amendement tend à la suppression de l’article 3, par coordination avec notre souhait de supprimer également les articles 1er et 2, qui visent à rendre obligatoire la question subsidiaire dans le délibéré de la juridiction criminelle en cas d’irresponsabilité pénale de l’auteur.
Nous rappelons notre opposition à la fragilisation du principe de l’irresponsabilité pénale. Nous considérons qu’il est fondamental de repenser en priorité l’expertise psychiatrique, en la dotant de moyens humains et de capacités de formation et de rémunération suffisantes pour qu’elle fonctionne correctement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Dans la mesure où ces amendements visent à tirer les conséquences de la suppression de l’article 2, alors que celui-ci n’a pas été supprimé, l’avis est forcément défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 73.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 3 bis A (nouveau) (précédemment réservé)
L’article 706-55 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par les mots : « et les infractions prévues par les articles 222-26-2, 227-22-2 et 227-23-1 de ce même code » ;
2° Au 2°, la référence : « 227-21 » est remplacée par la référence : « 227-24 » et sont ajoutés les mots : « ainsi que les infractions prévues par les articles 221-5-6, 222-18-4 et 222-18-5 du même code » ;
3° Le 3° est complété par les mots : « ainsi que l’infraction prévue par l’article 322-11-2 du même code ». – (Adopté.)
Article 3 bis (précédemment réservé)
(Non modifié)
Le livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l’article 706-56-2, après le mot : « centralise », sont insérés les mots : « l’ensemble des » ;
2° Le cinquième alinéa de l’article 706-122 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle entend la partie civile si celle-ci le demande. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 3 bis (précédemment réservés)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 13 est présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 39 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article 706-122 du code de procédure pénale, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la chambre de l’instruction est saisie en application de l’article 706-120, le président, si l’instruction lui semble incomplète, si des éléments nouveaux ont été révélés depuis sa clôture, ou si un long délai s’est écoulé depuis l’évaluation précédent, peut ordonner l’actualisation ou le complément des expertises psychiatriques qu’il estime utiles. »
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 13.
M. Jérôme Durain. Le présent amendement est issu de la recommandation n° 2 du rapport de la mission sur la responsabilité pénale de Dominique Raimbourg et Philippe Houillon. Il vise à ce que le président de la chambre de l’instruction puisse ordonner, avant l’audience, tout complément d’expertise opportun.
Aux termes du premier alinéa de l’article 706-122 du code de procédure pénale, la comparution devant la chambre de l’instruction de la personne mise en examen doit être ordonnée par son président, si son état le permet.
Cependant, les pouvoirs donnés à ce magistrat dans la période précédant l’audience, qui résultent des dispositions réglementaires des articles D. 47-28 et D. 47-29, devraient être accrus compte tenu, d’une part, de la nécessité d’un constat objectif de la capacité à comparaître, d’autre part, de celle de disposer d’expertises actualisées et complètes. Celles-ci sont nécessaires pour que la chambre puisse se prononcer sur d’éventuelles mesures d’hospitalisation complète et sur les mesures de sûreté prévues à l’article 706-136 du code de procédure pénale.
L’interprétation stricte de l’article D. 47-29 en son alinéa 4 ne permet au président de la chambre que de requérir, le cas échéant, avant l’audience, l’expert ou un des experts désignés au cours de l’information, pour obtenir un complément d’expertise ou la délivrance d’un certificat médical décrivant l’état actuel de la personne, mais dans l’unique perspective de statuer à l’issue de l’audience sur l’éventuelle hospitalisation d’office.
Les chambres de l’instruction auditionnées par la mission regrettent que les textes ne leur accordent pas le pouvoir d’ordonner des investigations complémentaires, telles que l’actualisation ou le complément des expertises psychiatriques, dans l’esprit du pouvoir discrétionnaire conféré avant l’audience au président de la cour d’assises à l’article 283 du code de procédure pénale.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 39.
Mme Éliane Assassi. C’est exactement le même amendement que celui qui vient d’être défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Chacun aura compris qu’il s’agit de donner à la chambre de l’instruction la possibilité de désigner un expert et de procéder à des opérations d’expertise complémentaires.
La commission a émis un avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je demande le retrait de ces amendements, qui portent sur des dispositions relevant non pas de la loi, mais du règlement. Un projet de décret est soumis à consultation interministérielle, en particulier à celle du ministère de la santé. Il sera publié après la présente loi.
À ce stade, et même si nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler, je voudrais vous dire un mot du rapport Raimbourg-Houillon.
Il s’agit d’un très beau travail, d’un travail très intéressant, mais je tiens tout de même à signaler que, chronologiquement, ce rapport a été publié avant que la Cour de cassation ne rende son arrêt sur l’affaire Sarah Halimi et que, par conséquent, il ne prend pas en compte les implications de cette jurisprudence.
Je tiens à le rappeler, parce que certaines positions qui conduisent à nous opposer ou simplement les tentatives pour compléter un certain nombre de dispositifs par des recommandations de ce rapport me paraissent parfois un peu anachroniques : les dispositions dont nous parlons aujourd’hui tiennent compte, non seulement du rapport, mais également de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Il convenait de rectifier cette petite erreur.
Dans le cas d’espèce, la préconisation du rapport Raimbourg-Houillon sur le fondement de laquelle sont présentés ces amendements est parfaitement justifiée, mais, je le redis, elle relève du domaine réglementaire et non de la loi. Nous nous attachons à la traduire dans le droit puisque, je le répète, un décret est d’ores et déjà en cours d’élaboration.
M. le président. Monsieur Durain, l’amendement n° 13 est-il maintenu ?
M. Jérôme Durain. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Assassi, l’amendement n° 39 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Oui, je le maintiens.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 39.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 bis.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 12 est présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 62 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la deuxième phrase de l’article 706-135 du code de procédure pénale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle peut ordonner d’autres mesures de soins sans consentement, prévues à l’article L. 3211-2-1 dudit code. »
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 12.
M. Jérôme Durain. L’amendement découle cette fois-ci de la recommandation n° 8 de la mission sur l’irresponsabilité pénale de Dominique Raimbourg et Philippe Houillon. Il vise à permettre à la juridiction d’ordonner des soins psychiatriques sans consentement sans hospitalisation complète, en cas de décision d’irresponsabilité pénale pour cause d’abolition du discernement.
Il s’agit d’une demande récurrente des experts psychiatres, des juges et des avocats. Une telle mesure est de nature à apporter une garantie de soins aux personnes souffrant de troubles mentaux et, par voie de conséquence, de rassurer les familles, très inquiètes de voir revenir en leur sein une personne souffrant d’une psychose sans qu’un cadre contraignant, celui du suivi médical, ait été fixé.
L’article 706-135 du code de procédure pénale prévoit l’admission d’une personne en soins psychiatriques uniquement sous la forme d’une hospitalisation complète. Il faudrait que les juges et les psychiatres puissent ordonner des soins sous d’autres formes : je pense notamment aux soins prévus à l’article L. 3211-2-1 du code de la santé publique. Selon le rapport précité, les praticiens, les magistrats et les médecins en confirment la nécessité.
En l’état, si la juridiction ne prononce pas l’hospitalisation d’office, elle ne dispose pas du pouvoir d’ordonner d’autres soins sans le consentement de la personne ni celui de faire surveiller judiciairement la régularité d’un suivi médical, l’intéressé échappant alors à toute obligation de prise en charge sanitaire.
Selon l’étude d’impact du présent projet de loi, 66 % des personnes pour lesquelles la chambre de l’instruction a rendu un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale n’ont pas besoin d’une hospitalisation complète. Pour autant, les soins devant leur être délivrés doivent revêtir un caractère obligatoire.
De tels manques engendrent une profonde incompréhension chez les victimes et renforcent l’impression que la justice ne se soucie pas suffisamment de la préservation de leurs intérêts comme de la prévention de la récidive.
Dès lors, il nous paraît utile d’actualiser le dispositif de l’article 706-135 du code de procédure pénale pour permettre à la juridiction d’ordonner des soins sans consentement sans hospitalisation complète.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 62.
M. Guy Benarroche. Je précise que nous avions présenté un amendement similaire au printemps dernier, lors de l’examen de la proposition de loi dont Mme Goulet était la rapporteure.
Le présent amendement vise à introduire dans la loi l’une des propositions du rapport commandé par Mme Belloubet et publié en février 2021. Souvent cité, ce rapport insistait sur la nécessité de prendre des mesures de nature réglementaire, par exemple pour revaloriser le travail des experts. Je réitère ici le souhait que le Gouvernement prenne ces mesures.
Cela étant, monsieur le garde des sceaux, l’injonction de soins comme peine complémentaire est une mesure qui peut relever de la loi.
Si notre amendement vient d’être très bien défendu par mon collègue Durain, rappelons tout de même que les personnes déclarées irresponsables sont des personnes admises à l’hôpital pour recevoir des soins psychiatriques. Nous souhaitons que les juges puissent s’assurer de l’effectivité du suivi médical, au-delà de ce qui est prévu aujourd’hui – c’est assez limité –, de façon à éviter une sortie sèche. Les personnes déclarées irresponsables font et doivent faire l’objet de soins : notre objectif est de garantir que le juge puisse empêcher l’arrêt brutal de leur suivi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour des raisons de principe.
Je pense que le juge n’est pas médecin et qu’il ne faut pas mélanger les choses. Au fond, vous suivez votre logique et je suis la mienne.
J’ai dit tout à l’heure que le juge n’était pas tenu par les expertises : je l’ai dit en vain et j’en prends acte. Eh bien, de la même façon, je pense que le juge n’a pas à ordonner un certain nombre de mesures qui relèvent du domaine de la médecine pure. Cette confusion me paraît dangereuse, même s’il est exact qu’un décret est en cours de préparation – j’ose à peine en reparler, puisque cet argument n’a pas porté ses fruits il y a de cela quelques secondes. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 62.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 bis.
Article 3 ter (précédemment réservé)
(Non modifié)
Au troisième alinéa de l’article 706-122 du code de procédure pénale, les mots : « à l’article » sont remplacés par les mots : « aux articles 406 et ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 3 ter (précédemment réservé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 41 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 61 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du premier alinéa de l’article 167 du code de procédure pénale, les mots : « alors remise, à leur demande, » sont remplacés par les mots : « obligatoirement remise ».
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 41.
Mme Éliane Assassi. Nous reprenons ici, non pas une préconisation du rapport Raimbourg-Houillon, mais une recommandation du Conseil national des barreaux, qui vise à assurer la transmission de l’intégralité des rapports des experts aux parties, sans que ces dernières aient besoin de le réclamer, comme la loi le prévoit aujourd’hui.
Dans ce genre d’affaires délicates, le fait que les parties disposent de l’information la plus complète et de l’intégralité des éléments permettant aux magistrats de prendre leur décision semble essentiel.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 61.
M. Guy Benarroche. Amendement identique au précédent. J’ajoute que, comme l’a expliqué la présidente Assassi, le fait de disposer de l’intégralité des rapports des experts permettra aux parties de formuler des demandes de complément d’expertise ou de contre-expertise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je n’ai pas le goût de l’effort inutile, mais je me lève tout de même pour vous dire que je considère ces amendements avec une certaine circonspection, et ce pour une raison simple : actuellement, le code de procédure pénale prévoit que le juge d’instruction adresse aux parties les conclusions des rapports d’expertise et qu’à leur demande il en communique l’intégralité.
Ces amendements me semblant pleinement – j’insiste sur ce terme – satisfaits, j’en sollicite le retrait.
M. le président. Madame Assassi, l’amendement n° 41 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 61 est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 et 61.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 ter.
TITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA RÉPRESSION DES ATTEINTES COMMISES CONTRE LES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET CRÉANT LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE DE LA POLICE NATIONALE
Article 4 (précédemment réservé)
I. – (Non modifié) Après l’article 222-14-4 du code pénal, il est inséré un article 222-14-5 ainsi rédigé :
« Art. 222-14-5. – I. – Lorsqu’elles sont commises sur un militaire de la gendarmerie nationale, un militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321-1 du code de la défense, un fonctionnaire de la police nationale, un agent de police municipale, un garde champêtre, un agent des douanes, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire ou un agent de l’administration pénitentiaire dans l’exercice ou du fait de ses fonctions et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur, les violences prévues à la présente section sont punies :
« 1° De sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende, si elles ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ;
« 2° De cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, si elles ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou si elles n’ont pas entraîné d’incapacité de travail.
« Lorsque les faits sont accompagnés d’une des circonstances aggravantes prévues aux 8° à 15° de l’article 222-12, les peines prévues au 1° du présent I sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende et celles prévues au 2° sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende.
« Lorsque les faits sont accompagnés d’au moins deux des circonstances aggravantes prévues aux 8° à 15° de l’article 222-12, les peines prévues au 2° du présent I sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende.
« II. – Sont également punies des peines prévues aux quatre derniers alinéas du I les violences commises :
« 1° En raison des fonctions exercées par les personnes mentionnées au premier alinéa du même I, sur leur conjoint, sur leurs ascendants ou leurs descendants en ligne directe ou sur toute autre personne vivant habituellement à leur domicile ;
« 2° Dans l’exercice ou du fait de ses fonctions sous l’autorité des personnes mentionnées au premier alinéa dudit I, sur une personne affectée dans les services de police nationale ou de gendarmerie nationale, de police municipale ou de l’administration pénitentiaire, et dont la qualité est apparente ou connue de l’auteur.
« III. – Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues au présent article lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à dix ans d’emprisonnement. »
II. – Au 4° des articles 222-12 et 222-13 du code pénal, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, les mots : « un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, un sapeur-pompier ou un marin-pompier » sont remplacés par les mots : « une personne dépositaire de l’autorité publique autre que celles mentionnées à l’article 222-14-5 ».
III. – (Non modifié) Au 1° du II de l’article 131-26-2 du code pénal, après la référence : « 222-14-4 », est insérée la référence : « , 222-14-5 ».
IV. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 721-1-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire, après la référence : « 222-14-1 » est insérée la référence : « , 222-14-5 ».
V. – (Non modifié) À la fin du deuxième alinéa du 1° de l’article 398-1 du code de procédure pénale, la référence : « et 222-13 » est remplacée par les références : « , 222-13 et 222-14-5 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 42 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 63 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 42.
Mme Éliane Assassi. Avec cet amendement, nous nous opposons à la création d’une nouvelle infraction sanctionnant les violences commises à l’encontre des forces de sécurité intérieure, des militaires de l’opération Sentinelle, des agents de police municipale et des agents de l’administration pénitentiaire.
En effet, le code pénal, au travers de ses articles 222-12, 222-13 et 222-14-1, réprime déjà les violences commises contre les personnes dépositaires de l’autorité publique. Notre arsenal pénal nous apparaît donc suffisant pour réprimer les faits visant les forces de sécurité intérieure.
La Défenseure des droits, comme le Conseil d’État dans son avis, considère que la création d’une nouvelle infraction spécifique ajouterait à la complexité et à la « parcellisation des infractions d’atteintes aux personnes suivant la qualité » de la victime. Elle considère que ces dispositions, destinées à améliorer les relations entre la police et la population, sont susceptibles de contribuer à leur dégradation. Nous partageons cet avis, et c’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 4.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 63.
M. Guy Benarroche. Pour compléter ce que vient de dire la présidente Assassi, je rappellerai que, pour nous, la création d’une infraction spécifique ne répond pas à un réel besoin. Il n’est pas nécessaire de créer une sanction aggravée du fait que la victime a la qualité de policier.
Comme on vient de le rappeler, la circonstance aggravante pour violences sur personne dépositaire de l’autorité publique existe déjà et permet de condamner plus lourdement les auteurs de violences contre les policiers, mais aussi les maires, par exemple.
Loin d’apporter une protection plus efficace aux policiers, cette nouvelle infraction viendrait complexifier la lecture du droit et contribuerait à rendre la loi pénale peu lisible, ce qui est contraire au principe de clarté de la loi pénale, dans la mesure où l’ensemble de ces dispositions figurent déjà dans notre arsenal répressif – sans parler des conséquences sur les populations et sur l’avis que nos concitoyens se font des décisions de justice.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mes chers collègues, on peut partager une partie des préoccupations que vous exprimez.
Est-il possible aujourd’hui de poursuivre les auteurs de violences à l’encontre des forces de sécurité intérieure ? Oui.
Ces personnes seront-elles plus sévèrement punies, parce que l’article 4, que nous propose le Gouvernement, aggrave les sanctions encourues ? Probablement pas puisque, quand on étudie la jurisprudence, on voit bien que les peines maximales prévues aujourd’hui ne sont d’ores et déjà jamais prononcées.
Cet article envoie-t-il un message de fermeté et de soutien aux forces de sécurité intérieure ? Oui, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission a souhaité le conserver dans le texte, quand bien même on peut effectivement nourrir quelques doutes sur l’impact réel qu’il aura sur les condamnations qui pourront être infligées.
La commission est donc défavorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous le savez, les jugements sont rendus en application d’un grand principe juridique, celui de la liberté juridictionnelle et de l’indépendance de la justice – ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre.
Notre objectif est de renforcer spécifiquement la protection des forces de sécurité intérieure les plus exposées aux violences, et ce compte tenu de la particularité de leurs missions et des lieux d’exercice de celles-ci.
Dans ces conditions, je suis évidemment défavorable à la suppression de l’article 4.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je ferai simplement une petite remarque, madame la rapporteure : les mots ont un sens. Quand vous nous expliquez que cet article permet de soutenir les forces de police, il se peut que vous sous-entendiez qu’il y a, d’un côté, ceux qui soutiennent les forces de police et, de l’autre, ceux qui ne les soutiennent pas. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Mais non !
Mme Éliane Assassi. Si ! Je vous invite à relire les propos de Mme la rapporteure : c’est exactement ce qu’elle a affirmé. Je tiens par conséquent à rappeler ici, au risque d’embêter certains, que nous soutenons, mon groupe comme d’autres d’ailleurs, les forces de police, et que notre amendement n’avait pas du tout pour objet de les mettre en cause.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Mme la rapporteure vient très précisément de dire que cet article permettait d’envoyer un message. Au-delà de ce que vient de mentionner Mme la présidente Assassi, permettez-moi une petite réflexion : je ne pense pas – en tout cas, ce n’est pas notre conception des choses –, même si je conçois que cela puisse être le cas de certains textes présentés par le Gouvernement ou la majorité du Sénat, que nous devions élaborer des lois pour envoyer des messages.
Mme Éliane Assassi. Il faut surtout des moyens pour la police !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 42 et 63.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 75 rectifié bis, présenté par M. Paccaud, Mme Canayer, M. Chasseing, Mme Chauvin, MM. Panunzi, Cadec et Levi, Mme Thomas, MM. Burgoa, Pointereau, A. Marc, Somon et Joyandet, Mme Dumont, MM. Cardoux, P. Martin, Charon, Tabarot, Babary et Détraigne, Mme F. Gerbaud, M. Sido, Mme Borchio Fontimp, MM. B. Fournier et Laménie, Mme Estrosi Sassone, M. Calvet, Mmes Joseph et Puissat et MM. Wattebled, Reichardt, Longeot, E. Blanc, Pellevat, Bacci, Chauvet, Sol, Brisson, Houpert et D. Laurent, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
volontaire
insérer les mots :
, une personne investie d’un mandat électif local
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. L’article 4, dont nous venons d’entamer l’examen, vise à renforcer la répression des actes commis contre les forces de sécurité intérieure.
Mon amendement, qui a été cosigné par de nombreux collègues, vise à étendre ce dispositif aux personnes investies d’un mandat électif local. Pourquoi ? Ce n’est pas seulement parce que le maire est officier de police judiciaire, mais aussi et surtout parce que, dans l’immense majorité des cas, l’expérience montre – beaucoup de nos collègues ici ont été élus locaux – que les premières personnes qui entrent en contact avec des individus susceptibles de commettre des délits, sous l’emprise de stupéfiants ou de l’alcool, sont les élus, surtout en zone rurale.
Cela s’explique facilement : la gendarmerie est souvent loin ; les patrouilles sont souvent à l’autre bout du canton et peuvent mettre près d’une heure à arriver. Qui appelle-t-on par conséquent quand il y a un problème ? C’est le maire ou son adjoint ! D’ailleurs, même quand on appelle la gendarmerie, c’est le plus souvent le maire qui intervient et prend les coups en premier.
Vous nous parlez du message de fermeté et de solidarité qu’enverrait ce texte : vous avez oublié les élus ! Il faut les inclure dans le dispositif (M. le garde des sceaux manifeste son désaccord.), car ce sont les premiers protecteurs de la population. Il est primordial de leur envoyer ce message de solidarité aujourd’hui. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je n’en disconviens pas, mon cher collègue. La commission a toutefois estimé que le texte qui nous est soumis concerne les forces de sécurité intérieure, et elles seules.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. C’est pourquoi elle n’a pas souhaité étendre cette mesure aux maires.
Je rappelle néanmoins que notre commission a interrogé de nombreux élus, après que le Sénat a organisé une large consultation, et a formulé plusieurs recommandations pour précisément assurer la sécurité des maires, à laquelle la commission des lois, et le Sénat dans son ensemble d’ailleurs, n’est pas indifférente – je ne voudrais pas laisser penser le contraire.
Je suis donc défavorable à cet amendement. (Marques de déception sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, mais je trouve votre posture un peu facile.
Nous présentons un texte spécifiquement destiné aux forces de sécurité intérieure, et ce dans un cadre très particulier, à raison du lieu et de l’intervention des forces de police. Cela vous autorise à dire – mais c’est une idée fausse ! – que ce serait une forme de mépris à l’égard des élus, ou un oubli. Mais pas du tout ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Je ne l’ai pas dit ainsi !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est pourtant ce que je viens d’entendre à l’instant – le compte rendu de nos débats en témoignera.
Ce n’est ni un oubli ni une forme de mépris de notre part. Le 15 décembre 2020, j’ai demandé, via une circulaire très précise, très claire, très nette, et un peu contraignante, que l’on prenne en considération ce que les élus locaux et leurs représentants, que j’ai rencontrés à Matignon – c’est le Premier ministre qui avait organisé cette rencontre –, m’avaient dit.
Depuis, un certain nombre de choses ont changé : ainsi, comme vous le savez, des magistrats du parquet ont été désignés pour devenir les interlocuteurs des élus. Chaque fois que l’on observe des dysfonctionnements, j’interviens justement pour garantir une meilleure coordination sur le terrain entre la justice, les élus et les forces de sécurité intérieure.
Je vous informe, monsieur le sénateur, qu’en 2020 le taux de prononcé de peines d’emprisonnement a atteint 62 % dans une matière qui vous intéresse – je devrais dire : qui « nous » intéresse tous –, à savoir les élus victimes d’agressions. Ce taux est d’ailleurs en hausse de près de dix points par rapport à l’année précédente.
Nous avons voulu – c’est un choix assumé – un texte dédié spécifiquement aux forces de sécurité intérieure, mais personne n’ignore que certains élus sont victimes d’agressions absolument insupportables. Le dramatique exemple qui vient de nous être donné en Angleterre nous fait évidemment appréhender davantage, s’il en était encore besoin, que les élus sont, hélas ! trop souvent, des victimes.
Ce texte a néanmoins un objet précis : les forces de sécurité intérieure. Cela ne signifie nullement que les élus ont été oubliés et que rien n’a été fait en leur direction.
J’ajoute que notre arsenal législatif comporte déjà des textes permettant de sanctionner plus particulièrement les personnes coupables d’atteintes aux élus. Voilà pourquoi ce texte est réservé aux gendarmes, aux policiers et aux gardes champêtres – on a eu cette discussion –, qui sont au contact – j’allais dire « direct » – avec un certain nombre de…
M. Olivier Paccaud. Les maires aussi !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, mais pas de la même façon ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Comment pouvez-vous dire cela ? C’est parce que vous n’avez jamais été maire !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le maire, je vous prie de bien vouloir m’excuser, mais ceux que nous avons voulu protéger, ce sont les policiers qui partent en intervention, c’est la brigade anti-criminalité (BAC) quand elle intervient à minuit dans un quartier.
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. D’une certaine façon, vous m’enfermez dans une espèce de syllogisme qui n’est pas correct. Ce texte ne signifie naturellement pas que le Gouvernement, ou que moi-même personnellement, en tant que ministre, en tant qu’individu, en tant que citoyen, ou encore que la commission des lois du Sénat ignore que les élus sont trop souvent victimes d’agressions.
Je le répète, nous avons simplement voulu légiférer pour ceux qui interviennent – j’allais dire : « casqués » – à minuit dans les quartiers difficiles. Je pense aux brigades anti-criminalité en particulier, mais également aux gendarmes, aux gardes champêtres dans certaines situations.
Alors, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit et ce que je ne pense pas un seul instant : je sais bien que les élus sont parfois victimes de violences. Je le sais bien, je le sais même très bien. Lorsque j’étais avocat, j’ai même défendu le maire d’une commune dont on avait beaucoup parlé, et je l’ai fait avec passion.
Je sais tout cela, mais nous avons fait un choix : nous n’avons pas du tout exclu les élus – je comprends que vous les défendiez, puisque je les défends moi-même –, mais avons choisi de légiférer pour les forces de sécurité intérieure, qui sont au contact direct de la population, dans un cadre très particulier. Je suis sûr que vous comprenez parfaitement ce que je veux dire.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. À travers son amendement, notre collègue évoque la situation particulière, et très exposée, des élus locaux.
Pour ma part, je suivrai l’avis de la commission. En effet, mon cher collègue Paccaud, si vous avez raison d’évoquer la forte exposition des maires à toutes sortes de dangers, je dois reconnaître – même si M. le garde des sceaux n’a pas besoin d’avocat – qu’un travail important a été réalisé.
Je pense en particulier à l’œuvre de la commission des lois. Je salue à cet égard le travail de nos collègues Marc-Philippe Daubresse et Loïc Hervé, corapporteurs de la proposition de loi Sécurité globale, ou à notre collègue Rémy Pointereau, auteur d’un rapport sur l’ancrage territorial de la sécurité intérieure. Il faut également souligner l’excellente coopération entre la délégation aux collectivités territoriales et la commission des lois pour renforcer la protection et, surtout, les sanctions contre les auteurs d’agressions envers les élus.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Très bien !
Mme Françoise Gatel. Vous avez raison, monsieur le garde des sceaux, au sujet de votre circulaire : je salue la signature de conventions entre la gendarmerie et les maires. Cela étant, comme nous avons déjà eu l’occasion de le rappeler, je serais très intéressée par le bilan annuel sur les agressions contre les élus et le suivi des sanctions prononcées, et souhaiterais que vous puissiez nous le communiquer.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Chauvin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Chauvin. Monsieur le garde des sceaux, nous ne cherchons pas à vous faire dire ce que vous n’avez pas dit. Nous voulons simplement parler de la réalité du terrain. Certaines petites communes n’ont pas de garde champêtre : quand il y a un souci, c’est donc le maire que l’on appelle.
Je vais vous faire partager l’expérience que j’ai vécue : à l’époque où j’étais encore maire, quelqu’un m’a appelé à dix heures du soir pour se plaindre qu’une moissonneuse-batteuse faisait du bruit, et pour me demander d’intervenir pour empêcher le gars de sortir son fusil ! Dans ces cas-là, et en attendant que la gendarmerie intervienne évidemment, c’est bien le maire qui se déplace et qui s’expose ! Il faut être au plus près de la réalité, proche du terrain : ce genre d’événements existe, et c’est pourquoi il est vraiment nécessaire de protéger les élus.
M. Vincent Segouin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Le débat qui a lieu aujourd’hui révèle un point qui m’apparaissait personnellement assez clair.
Le garde des sceaux a défendu sa position en expliquant que les sanctions à l’encontre des auteurs d’agressions contre des élus existaient déjà dans notre arsenal législatif. Je le comprends très bien et je prends acte, comme Françoise Gatel, du fait qu’un certain nombre de mesures ont déjà été prises pour protéger les élus, en particulier les maires. J’en suis d’ailleurs satisfait.
Cela étant, notre débat montre bien aussi à quel point l’article 4 sert essentiellement, comme le disait tout à l’heure Mme la rapporteure, à envoyer des messages, et à quel point il peut être dangereux de réunir dans un même texte des articles qui ont vocation à envoyer des messages et des articles qui ont véritablement vocation à changer notre droit pénal. C’est là que réside la difficulté et c’est la raison pour laquelle nous demandions la suppression de tous ces articles.
Oui, effectivement, les maires sont déjà protégés, d’une part, par l’arsenal pénal existant et, d’autre part, via les mesures qui ont été prises. Mais, de la même façon, monsieur le garde des sceaux, les forces de l’ordre et les policiers sont déjà protégés par notre arsenal législatif et diverses dispositions qui ont été prises.
Dès lors, quand notre collègue Paccaud établit un parallèle entre les élus et les forces de l’ordre, il n’en déduit pas que les maires ne sont pas protégés ; il en conclut tout simplement que, puisque le ministre juge que les forces de l’ordre doivent être davantage protégées que les autres – ce à quoi vous êtes d’ailleurs favorable, monsieur Paccaud – et qu’il estime qu’un nouvel article de loi est nécessaire pour y parvenir, il faudrait également étendre la mesure aux maires.
En ce qui nous concerne, nous pensons au contraire que ce type d’article est inutile, car – disons les choses clairement – il n’a d’autre but que d’envoyer un message politique. Par cohérence, ne créons aucune infraction nouvelle, ni pour les forces de l’ordre ni pour les maires ! (Mme Éliane Assassi rit.)
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Permettez-moi de préciser un ou deux points.
La réponse du ministre a duré plus de cinq minutes : c’est dire s’il avait besoin de se défendre… Monsieur le garde des sceaux, vous avez insisté sur le taux de prononcé qui aurait atteint 62 %… (M. le garde des sceaux frappe son pupitre d’exaspération.) Épargnez-nous vos gestes méprisants, monsieur le garde des sceaux ! Vous avez évoqué le taux de 62 % : moi, j’ai envie de rappeler une autre statistique, la multiplication par quatre – j’insiste sur ce chiffre – du nombre des agressions contre des élus entre 2019 et 2020 !
Mme Gatel a cité Rémy Pointereau. Mais, ma chère Françoise, notre collègue a cosigné mon amendement.
Mme Françoise Gatel. Je n’ai jamais dit le contraire !
M. Olivier Paccaud. Monsieur le garde des sceaux, vous avez parlé de « contact direct » au sujet des forces de l’ordre. Le compte rendu des débats en portera témoignage. Vous nous avez dit que les maires, eux, n’étaient pas en contact direct : c’est totalement faux ! Ce sont les premiers à être présents sur le terrain, quasiment en permanence dans les zones rurales, parce qu’il n’y a pas ni directeur, ni chef de cabinet, ni même de police municipale. Ce sont les maires qui y vont !
Vous avez également parlé de sécurité, mais le maire est justement là pour essayer de la faire régner. Or il n’a d’autre arme que son écharpe, sa bonne volonté, sa connaissance des hommes et des femmes de son village, qu’il parviendra peut-être à calmer.
Le Sénat est, comme le disait Gambetta, le « grand conseil des communes de France » : nous sommes en fait les premiers défenseurs des élus. Notre devoir est donc de leur donner toutes les armes juridiques dont ils ont besoin. L’arme prévue à l’article 4 peut en être une. Alors, sachons défendre nos élus, ils nous en sauront gré.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je vais dire un mot, en tâchant de ne pas être trop long, pour éviter que vous ne me le reprochiez ensuite, monsieur le sénateur. Vous venez de déclarer que j’étais sur la défensive, alors que je prenais simplement le temps de vous répondre…
M. Olivier Paccaud. Vous en avez le droit !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Par correction, parce que j’aime le débat, je le répète, j’ai pris le temps de vous répondre. Or, d’une certaine façon, vous me le reprochez, en indiquant que je suis sur la défensive.
Monsieur le sénateur, savez-vous pourquoi nous ne sommes pas favorables à votre amendement, ni moi ni la commission des lois du Sénat d’ailleurs ? C’est pour une raison simple, une simple question de cohérence du texte. Nous ne négligeons pas du tout ce que vous avez dit : nous sommes au contraire mille fois d’accord avec vos propos.
Un dernier mot : monsieur le sénateur Benarroche, je vous invite à la Chancellerie pour que vous m’expliquiez la raison pour laquelle, selon vous, la loi ne devrait pas adresser de message. La loi ne fait qu’adresser des messages !
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article additionnel après l’article 4 (précédemment réservé)
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par MM. Kanner et Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 706-58 du code de procédure pénale, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou portant sur une infraction commise sur un sapeur-pompier ou un marin-pompier ».
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement concerne un sujet bien connu de nos collègues, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, celui des agressions contre les sapeurs-pompiers. Une proposition de loi défendue de manière œcuménique avait permis de mettre cette question en avant il y a deux ans.
On sait que, désormais, les sapeurs-pompiers consacrent moins de 10 % de leurs interventions à combattre le feu. La plupart de leurs sorties – à peu près 84 % – sont centrées sur le secours aux personnes, ce qui les place en première ligne face aux multiples fractures sociales de notre société.
Autrefois limitées géographiquement, les agressions contre les sapeurs-pompiers ont tendance à se répandre et à se manifester sous différentes formes : des guets-apens, qui constituent le type d’attaque le plus médiatisé, aux nombreuses agressions et explosions de violence individualisée, qui sont le fait de personnes fragiles psychologiquement, alcoolisées ou sous l’emprise de stupéfiants. Le plus souvent, les agresseurs sont d’ailleurs les individus secourus ou des personnes de leur entourage.
Par cet amendement, nous proposons de favoriser l’anonymat des témoins d’agressions de sapeurs-pompiers.
L’anonymat n’est actuellement prévu par le code de procédure pénale que pour les témoins de crimes ou de délits punis de plus de trois ans d’emprisonnement. Le dispositif de notre amendement ouvrirait le recours à cette procédure au témoin de toute infraction commise à l’encontre d’un sapeur-pompier. Les infractions les moins graves, mais les plus fréquentes, telles que l’outrage, qui empoisonne quotidiennement la vie de nos sapeurs-pompiers, seraient ainsi concernées.
Ce dispositif n’est que l’extension d’une procédure existante, à laquelle le législateur a assorti toutes les garanties nécessaires à la protection des droits de la défense. Il s’inscrit pleinement dans le cadre institué par le titre II du projet de loi, qui vise à renforcer la protection des atteintes commises contre les forces de sécurité intérieure.
Un amendement similaire a déjà été adopté à deux reprises à l’unanimité par le Sénat : une première fois, en mars 2019, dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi déposée par notre groupe, qui n’a hélas ! jamais été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ; une seconde fois, dans le cadre de la très récente proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers.
Ce dernier amendement n’a finalement pas été retenu pour éviter l’échec de la commission mixte paritaire. Faisons en sorte, mes chers collègues, que la troisième fois soit la bonne !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Pour la troisième fois, la commission y est favorable. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je demande le retrait de cet amendement.
Le seuil d’emprisonnement permettant le recours à l’anonymisation du témoin a été évoqué : il a effectivement été abaissé de cinq à trois ans en 2002. Or il n’y a pas, ou peu, de cas de violences exercées contre des pompiers qui soient punis de moins de trois ans d’emprisonnement.
Par conséquent, cet amendement, dont je conçois parfaitement la légitimité, me semble déjà satisfait.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et il envoie un message !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
Articles 5 à 7, 8 A (nouveau), 8, 9, 9 bis, 10, 10 bis à 10 quinquies et 11 (précédemment examinés)
M. le président. Je rappelle que les articles 5 à 11, au sein des titres II, III et IV, ont été précédemment examinés.
TITRE V
AMÉLIORER LES PROCÉDURES DE JUGEMENT DES MINEURS ET AUTRES DISPOSITIONS PÉNALES
Article 12 (précédemment réservé)
(Non modifié)
I. – Après l’article 397-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 397-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 397-2-1. – S’il lui apparaît que la personne présentée devant lui est mineure, le tribunal renvoie le dossier au procureur de la République.
« S’il s’agit d’un mineur âgé d’au moins treize ans, le tribunal statue au préalable, après avoir entendu les réquisitions du procureur de la République et les observations du mineur et de son avocat, sur son placement ou son maintien en détention provisoire jusqu’à sa comparution soit devant le juge d’instruction spécialisé, soit devant le juge des enfants ou le juge des libertés et de la détention spécialisé, selon les modalités prévues aux articles L. 423-6 ou L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs. La décision est spécialement motivée au regard de la nécessité de garantir le maintien du mineur à la disposition de la justice. La comparution devant le juge compétent doit avoir lieu dans un délai de vingt-quatre heures, à défaut de quoi le mineur est remis en liberté d’office.
« Le présent article est également applicable devant le juge des libertés et de la détention statuant en application de l’article 396 du présent code. »
II. – La section 2 du chapitre III du titre II du livre IV du code de la justice pénale des mineurs est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4
« Du renvoi du dossier au procureur de la République lorsque la personne est majeure
« Art. L. 423-14. – S’il apparaît au juge des enfants ou au juge des libertés et de la détention saisi en application de l’article L. 423-9 que la personne présentée devant lui est majeure, il renvoie le dossier au procureur de la République.
« Le juge des enfants ou le juge des libertés et de la détention statue au préalable, après avoir entendu les réquisitions du procureur de la République et les observations de la personne et de son avocat, sur le placement ou le maintien de la personne en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant le tribunal correctionnel, devant le juge des libertés et de la détention saisi en application de l’article 396 du code de procédure pénale ou devant le juge d’instruction. Cette comparution doit avoir lieu dans un délai de vingt-quatre heures, à défaut de quoi la personne est remise en liberté d’office. Toutefois, si les faits relèvent de la compétence d’un pôle de l’instruction et qu’il n’existe pas de pôle au sein du tribunal judiciaire, cette comparution doit intervenir devant le juge d’instruction du pôle territorialement compétent dans un délai de quarante-huit heures au plus, à défaut de quoi la personne est remise en liberté d’office. »
III. – (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 29 est présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 56 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 69 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 29.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à supprimer l’article 12, qui tend à permettre de garder à la disposition de la justice des prévenus présentés devant une juridiction incompétente du fait d’une erreur sur leur majorité ou leur minorité.
Les auteurs de cet amendement estiment inacceptable qu’un tribunal déclaré incompétent et ayant vidé sa saisine puisse porter atteinte au principe de la liberté et placer en détention provisoire un mineur ou un majeur pendant vingt-quatre, voire quarante-huit heures, aux seules fins de sa mise à disposition d’un tribunal ou d’une autorité judiciaire compétente.
L’atteinte à une liberté aussi fondamentale que celle d’aller et venir ne peut être motivée par des problèmes d’organisation ou de moyens de la justice.
De plus, la rédaction de l’article ne respecte pas le droit au recours effectif et au procès équitable du mineur, en vertu duquel celui-ci devrait pouvoir contester par une voie de recours effective l’appréciation portée par la juridiction sur son âge.
Enfin, comme l’indique Mme la Défenseure des droits dans son avis du 20 septembre 2021 sur ce projet de loi, « ce texte ne respecte pas l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant qui impose […] que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge et qui induit que les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures ».
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 56.
Mme Éliane Assassi. Nous entamons la discussion des articles concernant le code de la justice pénale des mineurs, qui, je le rappelle, est à peine entré en vigueur et dont les modifications nous semblent pour le moins prématurées.
Cet article 12 permet le maintien à la disposition de la justice de prévenus présentés devant une juridiction incompétente du fait d’une erreur sur leur majorité ou minorité.
Selon l’étude d’impact, il s’agit surtout de répondre à une réclamation du parquet de Paris qui viserait la seule population des mineurs non accompagnés. Nous sommes opposés à ce dispositif : il fait apparaître une inégalité de traitement injustifiable, ici justifiée – de manière inacceptable – par un souhait d’économiser des moyens publics en portant une atteinte particulièrement grave à la liberté d’aller et venir.
En effet, même de courte durée, il s’agit bien d’une détention provisoire, donc d’une atteinte grave aux droits de la personne prévenue et à sa liberté d’aller et venir. Elle met en lumière l’incapacité de notre institution à se doter des moyens permettant de prendre en charge les mineurs non accompagnés de manière efficiente, et sans recourir à des mesures coercitives qui ne sont que rarement ordonnées, pour des faits identiques, à l’égard de mineurs français.
En outre, cette disposition contrevient au principe selon lequel, en cas de doute sur l’âge, celui-ci doit profiter à la personne intéressée.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 69.
M. Guy Benarroche. Pour compléter très brièvement les interventions de M. Sueur et Mme Assassi, j’observerai que nous donnons à un juge un pouvoir de prononcer une détention provisoire de vingt-quatre à quarante-huit heures envers une personne dont la contestation de minorité vient de l’amener à se déclarer incompétent sur le dossier. Cela me paraît tout de même un peu ubuesque !
Et c’est ainsi que nous en venons à penser – c’était déjà le cas lors de l’examen du projet de loi organique et du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire – qu’un certain nombre d’articles intégrés dans de tels textes, sous prétexte de faciliter ou d’accélérer la prise en charge judiciaire, court-circuitent en fait le droit et ses principes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Vous indiquez, madame Assassi, que cet article a été élaboré pour répondre aux difficultés que le parquet de Paris rencontre au sujet des mineurs non accompagnés… C’est bien probable ! Pour autant, il ne vise pas expressément cette population ; il s’agit d’un article général, portant à la fois sur les mineurs et les majeurs. Il permet en effet de retenir pendant vingt-quatre heures, pour les mineurs, ou exceptionnellement pendant quarante-huit heures, pour les majeurs, une personne présentée devant une juridiction qui se révèle incompétente du fait d’une erreur d’âge commise sur cette personne.
Certes, la mesure porte atteinte à la liberté individuelle, et il ne viendrait pas à l’idée des rapporteurs, ni même d’ailleurs de M. le garde des sceaux, de prétendre l’inverse. Pour autant, la commission a estimé que l’article prévoyait suffisamment de garanties pour pouvoir être acceptable et accepté.
C’est pourquoi l’avis est défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est une atteinte à la liberté individuelle. Elle est totalement assumée, et je vais vous dire pourquoi.
Aujourd’hui, si un tout jeune homme est présenté devant une juridiction et dit : « Je suis mineur », alors c’est fini et il est remis en liberté. S’il est MNA – mais l’article ne concerne pas cette seule population –, le soir même il est repris en main par une des organisations criminelles qui exploitent les jeunes, majeurs et mineurs. Le soir même, souvent, il reprend des produits stupéfiants. Le soir même, on le retrouve sur les Champs-Élysées, pour ce qui concerne Paris, en train de voler.
Telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés.
Je vais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs : j’assume ces dispositions. Je veux être pragmatique ; pas dogmatique. Jamais !
Si je demande que l’on prenne les empreintes des gamins, ce n’est pas pour leur faire du mal et leur tordre le poignet. C’est pour que l’on puisse les identifier, les juger, réparer chaque fois que cela est possible.
Je le dis une fois pour toutes, puisque nous évoquerons dans quelques instants la question des empreintes digitales, nous sommes face à des gamins qui se cachent derrière des prénoms chaque fois différents, derrière des patronymes chaque fois différents, derrière des âges chaque fois différents, derrière des nationalités chaque fois différentes, et nous peinons à régler cette question. Oui, pour ces raisons, nous avons beaucoup de mal à régler la question.
Moi, je veux bien que l’on me parle des MNA – et, encore une fois, cela ne concerne pas uniquement les MNA. On le répète de façon récurrente, comme une antienne. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, régler le problème, c’est aussi aller traiter ce sujet et j’assume d’autant cette privation de liberté individuelle qu’elle est demandée, d’abord par le parquet de Paris, comme Mme la rapporteure l’a rappelé, mais aussi par les juridictions de Bordeaux, de Lyon, de Montpellier, de Toulouse, de Marseille, de Rennes, de Perpignan et de Toulon, pour ne citer qu’elles. Toutes sont confrontées aux mêmes enjeux.
Je le répète, l’idée n’est pas de faire du mal à des gamins. Bien au contraire, c’est d’assurer l’effectivité de la réponse pénale, de penser aussi aux victimes, souvent agressées en pleine rue dans des actes violents, et d’améliorer la réponse apportée à la question récurrente, lancinante, de cette délinquance que nous peinons à maîtriser, les enfants ou les jeunes majeurs se cachant en permanence.
J’estime, monsieur le sénateur Benarroche, que nous avons des choix sociétaux à faire, des messages à envoyer au travers de la loi.
Soit il suffit de dire que l’on est mineur pour échapper à tout et rien n’est réglé – même les mesures qui peuvent être prises en faveur des jeunes majeurs seront vaines si l’on fait face à un jeune majeur mentant sur son âge – ; soit on laisse le jeune sous main de justice pendant quelques heures et on apporte une réponse judiciaire adaptée, étant rappelé que le juge de l’ordre judiciaire est le garant de la liberté individuelle dans notre pays.
Pour ma part, je suis favorable à cette deuxième solution, plutôt qu’à celle qui revient à se laver les mains et remettre immédiatement l’intéressé en liberté.
En effet, de quelle liberté parle-t-on ? Celle de se droguer, celle de retrouver ceux qui vous exploitent, celle de commettre des infractions pour vivre, et ce sans aucun contrôle de qui que ce soit ?
Moi, mon choix est fait, et le message que je souhaite adresser, c’est celui-là ! Je souhaite que les jeunes majeurs sachent – et cela se fera très vite, non pas par la lecture du Journal officiel, mais par la radio de la rue – que, désormais, il ne suffira plus de prétendre être mineur pour recouvrer la liberté.
Pardon de le dire, mais je pense que c’est un progrès.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Je souhaite appuyer les propos de M. le garde des sceaux et de Mme le rapporteur. Avec plusieurs collègues, nous venons de présenter, voilà quelques jours, un rapport d’information sur les mineurs non accompagnés. Vos propositions, monsieur le garde des sceaux, me semblent être pragmatiques et aller dans le bon sens. Il vaut tout de même mieux que le mineur, qu’il soit non accompagné ou pas, soit privé de liberté pendant vingt-quatre heures plutôt qu’il ne reste dans la rue à « faire des bêtises » – pardonnez-moi l’expression – ou autre chose et se mette lui-même en danger.
Chacun prendra ses responsabilités à travers ce vote, mes chers collègues.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Laurent Burgoa. Mais, à mes yeux, laisser un jeune sans encadrement est aussi criminel… (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.). Oui, madame Assassi, c’est aussi dangereux pour le jeune ! Faites donc attention à certaines prises de position politiciennes !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je le redis encore, monsieur Burgoa, les mots ont du sens ; faites attention à ceux que vous pouvez prononcer, surtout au sujet de mineurs. Je rappelle tout de même que les mineurs sont des enfants, certains ayant parfois tendance à l’oublier. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Oui, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, ce sont des enfants ! Les mineurs sont des enfants, pas des adultes ! Cela vous embête, mais c’est ainsi ! Voilà un principe de réalité qui devrait s’imposer à tous.
J’entends, monsieur le garde des sceaux, que vous assumiez le fait de porter atteinte à la liberté individuelle. Je ne partage absolument pas ce point de vue – et j’en ai le droit !
Mme Éliane Assassi. Sauf à ce qu’on m’oppose d’autres arguments que ceux que j’ai entendus jusqu’à présent, je me refuse à ce que la justice des mineurs soit progressivement alignée sur celle des majeurs. Depuis quelque temps, c’est bien l’évolution constatée.
À ce titre, monsieur le garde des sceaux, j’exprimerai un regret : vous parlez très bien des mesures répressives, mais à aucun moment vous n’avez évoqué les mesures éducatives qu’il faudrait mettre en œuvre pour que cessent ce genre d’agissements chez les mineurs.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice Assassi, je vous ai entendue à deux reprises parler de justice des mineurs. Sachez que l’on ne touche absolument pas au code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur le 30 septembre 2021, avec de premiers résultats – je me permets de le dire à la représentation nationale – qui ne sont pas encore stabilisés, mais sont plutôt très encourageants. Entre la première décision et la prise en charge par la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, le délai moyen est légèrement supérieur à trois jours – et cela va encore évoluer – alors que, sous l’empire de l’ancienne législation, il s’établissait à quatre mois. Autrement dit, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien fait de porter ce texte et vous avez bien fait de le voter !
Mais je veux aussi souligner un point important s’agissant de la question qui nous occupe : le tribunal n’est tenu par rien, il continue d’agir dans le cadre de la liberté juridictionnelle et peut ordonner la mise en liberté, si, par exemple, il dispose de garanties. C’est parfaitement possible.
Je comprends vos réticences, madame la sénatrice Assassi. Elles vous honorent par leur fondement humaniste. Mais quelle solution avons-nous ? Que faisons-nous ? Un jeune homme se présente. On sait qu’il n’est pas français, mais d’où vient-il ? Du Maghreb, mais de quel pays précisément ? Est-il tunisien, algérien, marocain ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas le sujet de l’article !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas la question !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il explique qu’il est mineur – vous avez aussi évoqué plusieurs fois les MNA – et on lui dit : « Rentrez chez vous ! » Mais où est-ce, chez lui ? Proposez-moi des solutions ; je suis preneur !
Mme Éliane Assassi. Je n’arrête pas ! Nous avons déposé des propositions de loi sur le sujet, mais vous n’étiez pas encore là !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Loin de moi l’idée de vous mettre en porte-à-faux, mais il faut être pragmatique : voilà un gamin, dont on ne sait pas trop quel âge il a, le test osseux a le mérite d’exister, mais n’est pas fiable à 100 % et ce gamin prétend qu’il est mineur. C’est fini ! Il sort !
C’est l’état actuel de notre législation. Est-ce satisfaisant ? Quelle autre solution propose-t-on ? Comment fait-on pour le prendre en charge ? Pour ma part, je préfère que ce jeune soit un moment sous main de justice et que l’on expertise les solutions permettant de l’aider, plutôt que de le renvoyer dans des quartiers où il sera immédiatement repris en main par des gens qui se servent de lui, camé dans la minute de son arrivée et poussé à la délinquance. Mais c’est un choix à faire.
Mme Éliane Assassi. Il n’y a pas que cela !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29, 56 et 69.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
sur
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
sa remise aux services de la protection judiciaire de la jeunesse qui sont chargés de garantir sa présentation devant la juridiction compétente.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement de repli vise à substituer la mesure de placement en détention par une remise à la protection judiciaire de la jeunesse, lorsque le juge s’avère incompétent en raison de la minorité de la personne visée. En ce cas, il apparaît préférable de confier le mineur aux services de la PJJ, charge à ces derniers de garantir sa présentation devant le juge compétent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Dans la mesure où nous avons adopté la garantie de représentation des mineurs devant la justice et que la remise à la PJJ ne permet pas cette garantie de représentation, par manque des moyens coercitifs nécessaires pour conserver le mineur, la difficulté demeurerait inchangée.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Savez-vous ce que dit la PJJ, monsieur le sénateur Sueur ? Que, lorsqu’elle prend en charge les gamins, ils n’ont qu’une seule envie : fuir ! Voilà la différence entre dogmatisme et pragmatisme. Si vous pensez que la représentation du gamin est assurée en faisant intervenir une personne de la PJJ… Comment fait-elle pour le garder ? Va-t-elle le menotter, l’emmener chez elle, le séquestrer ? Comment fait-on ? C’est insoluble !
Bien sûr, dans l’idéal, ce serait mieux que le gamin soit pris en charge par la PJJ en attendant sa comparution devant la bonne juridiction. Mais ce n’est pas envisageable ! Quand il y a des placements à l’hôtel, les gamins se sauvent à peine posés. Voilà la réalité !
Essayons d’avancer ensemble sur ces sujets, qui, d’après moi, doivent être traités de façon transpartisane. Nous avons tous à cœur de régler la question des jeunes majeurs et des mineurs non accompagnés. Nous devons trouver ensemble les bonnes solutions.
Quant à confier le gamin à la PJJ… C’est très humaniste, c’est très beau, mais cela ne sert à rien du tout ! (Exclamations.)
M. Jean-Pierre Sueur. Nous transmettrons au personnel et au syndicat de la PJJ !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Croyez-vous que les membres du syndicat de la PJJ vont prendre les gamins chez eux ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 12.
(L’article 12 est adopté.)
Article 13 (précédemment réservé)
(Non modifié)
I. – Le premier alinéa de l’article L. 423-13 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° Au début, les mots : « La mesure éducative judiciaire provisoire et les mesures de sûreté ordonnées » sont remplacés par les mots : « Les décisions relatives à la mesure éducative judiciaire provisoire et aux mesures de sûreté rendues » ;
2° Après le mot : « mineur », sont insérés les mots : « ou l’un de ses représentants légaux et par le ministère public » ;
3° Au deuxième alinéa, les mots : « l’ordonnance prescrivant » sont remplacés par les mots : « la décision relative à » ;
4° Au dernier alinéa, les mots : « l’ordonnance de » sont remplacés par les mots : « la décision relative au ».
II. – L’article L. 531-4 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi rédigé :
« Art. L. 531-4. – Le mineur ou l’un de ses représentants légaux et le ministère public peuvent faire appel des décisions rendues en matière de placement sous contrôle judiciaire, de placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique et de placement en détention provisoire prononcées à l’audience d’examen de la culpabilité ou au cours de la période de mise à l’épreuve éducative. L’appel est examiné par la chambre spéciale des mineurs dans les délais et selon les modalités prévus devant la chambre de l’instruction aux articles 194 et 199 du code de procédure pénale. »
III. – (Supprimé) – (Adopté.)
Article 14 (précédemment réservé)
(Non modifié)
Au deuxième alinéa de l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire, après le mot : « qui », sont insérés les mots : « a été chargé de l’instruction ou qui ». – (Adopté.)
Article 15 (précédemment réservé)
(Non modifié)
Après l’article 311-3 du code pénal, il est inséré un article 311-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 311-3-1. – Lorsque le vol prévu à l’article 311-3 porte sur une chose dont la valeur est inférieure ou égale à 300 euros et qu’il apparaît au moment de la constatation de l’infraction que cette chose a été restituée à la victime ou que celle-ci a été indemnisée de son préjudice, l’action publique peut être éteinte, y compris en cas de récidive, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 31 est présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 57 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 70 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 31.
M. Jean-Pierre Sueur. Une amende de 300 euros pour un vol à l’étalage…
Malheureusement, en raison de la loi des deux minutes, je ne pourrai pas citer ce que Victor Hugo écrivait dans Choses vues, en 1846. Alors pair de France, il remonte la rue de Tournon, qui est à quelques mètres d’ici. Il voit un personnage très mal en point, en situation de précarité, qui est vilipendé pour avoir volé une baguette. Les forces de l’ordre arrivent. À côté se trouve un carrosse et, dedans, une dame. L’homme est en train de regarder la dame, mais, elle, ne le voit pas. Victor Hugo écrit que cet homme, c’est le spectre de la misère, et il ajoute : « Du moment où cet homme s’aperçoit que cette femme existe, tandis que cette femme ne s’aperçoit pas que cet homme est là, la catastrophe est inévitable. »
C’est à partir de cet événement qu’il commence à écrire Les Misérables.
Mes chers collègues, il existe des cas où cette mesure est indécente et où l’on peut comprendre – je m’adresse à vous, madame la rapporteure, qui défendez les êtres humains – qu’une condition d’extrême précarité peut et doit être prise en compte.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 57.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement est identique au précédent, qui a été très bien défendu.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 70.
M. Guy Benarroche. J’ajouterai, mais M. Jean-Pierre Sueur l’a parfaitement exposé, que les dispositions contenues dans l’article s’appliqueraient aux délits de vol à la sauvette.
En fait, comme le souligne notamment le Syndicat de la magistrature, depuis quelques années, nous sommes face à une évolution qui dépasse largement cet article 15 du projet de loi. Celui-ci est juste symptomatique du sort que nous réservons au service public de la justice. Il répond effectivement à une volonté de soulager la charge de travail des juridictions et de contenir ainsi leur encombrement, d’une manière très pragmatique, comme le dirait notre ministre de la justice.
À un moment donné, il faut néanmoins veiller à ce que le « pragmatisme » de certaines dispositions que nous votons n’aille pas à l’encontre de ce qui constitue le socle de notre justice actuelle. En l’occurrence, un grand nombre des principes de notre justice peuvent être mis en cause par ce simple article, permettant de condamner à 300 euros d’amende une personne qui vient de voler une baguette.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’article 15 du projet de loi dispose que, lorsqu’un vol est commis sur une chose dont la valeur est inférieure ou égale à 300 euros, si cette chose a été restituée ou si la victime a été indemnisée, il est possible d’éteindre l’action publique – éviter la poursuite devant un tribunal – par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros.
Cette mesure, pour reprendre l’interrogation de notre collègue Guy Benarroche, sera-t-elle de nature à soulager le travail des tribunaux ? Probablement. Est-ce fait à dessein ? M. le garde des sceaux nous le dira. Cela permettra-t-il de rendre la justice de façon plus efficace, directe, rapide – et il me semble nécessaire que les infractions soient rapidement punies lorsqu’elles sont commises et non contestées ? Je pense effectivement que l’amende forfaitaire peut être une façon de régler rapidement ce type d’infractions, qui sont principalement, on le voit bien, des vols à l’étalage avec restitution immédiate de l’objet volé.
Il est donc apparu à la commission que cet article devait être conservé.
Pour autant, j’entends évidemment ce que dit notre collègue Jean-Pierre Sueur avec beaucoup d’émotion. Qui pourrait ne pas l’entendre ?
Il me semble toutefois que le texte permet de faire face à ce type de difficultés, que la justice a souvent à prendre en charge. Nous ne parlons effectivement pas du règlement d’une amende forfaitaire automatique, le projet de loi reconnaissant une possibilité de mettre en œuvre, ou pas, la procédure. C’est ce que l’on appelle l’« opportunité des poursuites » et c’est une question qui est analysée tous les jours, devant tous les parquets.
Dans la situation que vous décrivez, monsieur Sueur, effectivement digne d’intérêt, il est possible, tout simplement, que les forces de l’ordre transmettent au parquet et que celui-ci décide, ou pas, de poursuivre. À l’heure actuelle, on ne voit pas beaucoup d’auteurs de vol de pain, me semble-t-il, traduits devant les tribunaux.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le dernier exemple d’état de nécessité que j’ai vu juger concernait un groupe qui avait volé le portrait du Président de la République. La justice a estimé – en première instance, il est vrai – que ce vol était lié à un état de nécessité.
Vous évoquez Victor Hugo, monsieur le sénateur Sueur. Quand Jean Valjean a volé une pièce de 40 sous à Petit-Gervais le Savoyard, il aurait sans doute beaucoup aimé l’amende forfaitaire délictuelle, plutôt que la vindicte de Javert.
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne sais pas.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Effectivement, madame la rapporteure, cela soulage les tribunaux, en réduisant le volume des contentieux.
Mais j’ajouterai, monsieur le sénateur Sueur, puisque je sais votre humanisme exacerbé,…
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne suis pas exacerbé, monsieur le ministre, et vous aussi êtes humaniste !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … que si nous étions dans une hypothèse d’état de nécessité avéré, un recours serait possible.
Enfin, sachez que l’amende forfaire délictuelle fonctionne plutôt pas mal en matière de consommation de produits stupéfiants.
Ici, il s’agit de vols simples à l’étalage, pour des sommes qui ont été rappelées. Il n’y a aucune raison de se priver de cet outil, qui constitue une réponse pénale efficace et permet de désengorger les tribunaux.
C’est une bonne idée, et ce n’est pas parce que je la porte que je le dis !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31, 57 et 70.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 32, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le dispositif d’amende forfaitaire ne peut en aucun cas s’appliquer aux cas de vol de produits de première nécessité.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, il en va de l’humanisme comme de la laïcité. (Exclamations.) Aucun adjectif n’est nécessaire. Soit on est pour la laïcité, soit on ne l’est pas !
L’humanisme, c’est l’humanisme. Bien d’autres personnes que moi peuvent s’en prévaloir. Pourquoi pas vous-même, monsieur le garde des sceaux ? Mais je ne vous qualifierais pas d’humaniste « exacerbé »… Comme précédemment, soit on l’est, soit on ne l’est pas !
Ce mot « exacerbé », vous en conviendrez peut-être, a quelque chose d’excessif.
Toujours est-il qu’en vertu de l’humanisme, comme vous dites, je propose cet amendement de repli, visant à ce que l’amende forfaitaire ne s’applique pas aux vols de produits de première nécessité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La réponse sera sensiblement la même que pour l’amendement précédent. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même position exacerbée, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 15.
(L’article 15 est adopté.)
Article 15 bis (précédemment réservé)
(Non modifié)
Le second alinéa de l’article 495-17 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Les mots : « ou en état de récidive légale » sont supprimés ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Elle n’est pas non plus applicable en état de récidive légale, sauf lorsque la loi en dispose autrement. » – (Adopté.)
Article 16 (précédemment réservé)
(Non modifié)
I. – Le livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 55-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice de l’application du troisième alinéa, lorsque la prise d’empreintes digitales ou palmaires ou d’une photographie constitue l’unique moyen d’identifier une personne qui est entendue en application des articles 61-1 ou 62-2 pour un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement et qui refuse de justifier de son identité ou qui fournit des éléments d’identité manifestement inexacts, cette opération peut être effectuée sans le consentement de cette personne, sur autorisation écrite du procureur de la République saisi d’une demande motivée par l’officier de police judiciaire. L’officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, un agent de police judiciaire recourt à la contrainte dans la mesure strictement nécessaire et de manière proportionnée. Il tient compte, s’il y a lieu, de la vulnérabilité de la personne. Cette opération fait l’objet d’un procès-verbal, qui mentionne les raisons pour lesquelles elle constitue l’unique moyen d’identifier la personne ainsi que le jour et l’heure auxquels il y est procédé. Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à l’intéressé. » ;
2° Au second alinéa de l’article 76-2, les mots : « et troisième » sont remplacés par les mots : « , troisième et dernier » ;
3° Le second alinéa de l’article 154-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « et troisième » sont remplacés par les mots : « , troisième et dernier » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « L’autorisation prévue au dernier alinéa du même article 55-1 est alors donnée par le juge d’instruction. »
II. – Le livre IV du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° Le chapitre III du titre Ier est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Des relevés signalétiques
« Art. L. 413-16. – L’officier ou l’agent de police judiciaire qui envisage de procéder ou de faire procéder, en application du deuxième alinéa de l’article 55-1 du code de procédure pénale, à une opération de prise d’empreintes digitales ou palmaires ou de photographies d’un mineur entendu en application des articles L. 412-1 et L. 413-6 du présent code doit s’efforcer d’obtenir le consentement de ce mineur.
« Il informe le mineur, en présence de son avocat, des peines prévues au troisième alinéa de l’article 55-1 du code de procédure pénale s’il refuse de se soumettre à cette opération.
« Lorsque les conditions prévues à l’article L. 413-17 du présent code sont réunies, il l’informe également, en présence de son avocat, de la possibilité de procéder à cette opération sans son consentement, en application du même article L. 413-17.
« Art. L. 413-17. – L’opération de prise d’empreintes digitales ou palmaires ou de photographies peut être effectuée sans le consentement du mineur, sur autorisation écrite du procureur de la République saisi par une demande motivée de l’officier de police judiciaire, lorsque les conditions ci-après sont réunies :
« 1° Cette opération constitue l’unique moyen d’identifier le mineur qui refuse de justifier de son identité ou qui fournit des éléments d’identité manifestement inexacts ;
« 2° Le mineur apparaît manifestement âgé d’au moins treize ans ;
« 3° L’infraction dont il est soupçonné constitue un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
« L’officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, un agent de police judiciaire recourt à la contrainte de manière strictement nécessaire et proportionnée, compte tenu de la situation particulière du mineur.
« L’avocat du mineur ainsi que, sauf impossibilité, ses représentants légaux ou, à défaut, l’adulte approprié mentionné à l’article L. 311-1 sont préalablement informés de cette opération.
« Cette opération fait l’objet d’un procès-verbal, qui mentionne les raisons pour lesquelles elle constitue l’unique moyen d’identifier la personne ainsi que le jour et l’heure auxquels il y est procédé.
« Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à l’intéressé ainsi qu’aux représentants légaux ou à l’adulte approprié. » ;
2° À la première phrase du b du 2° de l’article L. 423-4, le mot : « dernier » est remplacé par le mot : « troisième ».
III. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, sur l’article.
M. Laurent Burgoa. L’article 16 que nous nous apprêtons à discuter va dans le sens d’une proposition formulée dans un rapport d’information rendu, voilà quelques semaines, sur le sujet des mineurs non accompagnés – je tiens à le préciser en tant que coauteur de ce rapport, aux côtés de mes collègues Henri Leroy, Hussein Bourgi et Xavier Iacovelli. Fruit d’un travail collégial, celui-ci a été adopté par nos commissions des lois et des affaires sociales.
La commission a estimé que ces mesures étaient nécessaires, car elles constituaient un moyen unique et proportionné. Je ne crois pas qu’il y ait de raison de revenir sur cette confiance accordée.
De plus, et à la suite de diverses rencontres que nous avons eues, je peux dire que ces mesures répondent à une forte attente des professionnels, policiers ou gendarmes.
Pour ces raisons, mes chers collègues, je soutiendrai cet article 16.
M. le président. L’amendement n° 58, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet article permet, sous réserve de l’autorisation du procureur de la République, la réalisation de relevés contraints de la signalétique lorsque de telles opérations constituent l’unique moyen d’identifier une personne suspectée d’avoir commis un crime ou un délit puni d’au moins trois ans de prison.
Une nouvelle fois, on constate la volonté de viser les mineurs non accompagnés. Dès lors, la question qui se pose, c’est celle de la contrainte physique pour des examens subis et imposés dans le cadre d’une enquête pénale, lequel empêche par principe le libre consentement de la personne privée de liberté.
J’y insiste, nous pensons en particulier aux mineurs et notamment aux mineurs non accompagnés – quoi que l’on en dise, ces derniers sont la cible réelle de ces dispositions. Les conditions fixées nous semblent fondamentalement attentatoires à la spécificité du droit des mineurs et à l’intérêt de l’enfant, principe fondateur des règles édictées en la matière.
L’étude d’impact insiste sur le fait que cette possibilité ne doit être employée qu’en dernier recours. Toutefois, les conditions retenues se révèlent beaucoup trop souples : elles permettent très facilement de passer outre cette exigence.
Sur le fond, les éléments avancés pour justifier une telle réforme nous interpellent vivement. L’étude d’impact se contente d’évoquer une expérimentation, menée à Paris en 2019, selon laquelle, sur 154 jeunes formellement identifiés, 141 auraient, en fait, été majeurs.
En résumé, la possibilité de contraindre un individu, même mineur, à donner ses empreintes ne nous semble aucunement pertinente. D’ailleurs, elle existe déjà : dans le cadre d’une interpellation pour une suspicion d’infraction, le refus de donner ses empreintes constitue, en soi, une nouvelle infraction.
J’ajoute qu’une réelle pression est exercée en ce sens sur les mineurs, notamment par les pratiques répandues de la réquisition et du placement en détention provisoire en cas de refus de prise d’empreintes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Certes, le relevé signalétique contraint représente une évolution substantielle de notre droit, mais cette réforme semble nécessaire et elle est assortie de garanties, que M. le garde des sceaux va certainement nous préciser.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, cette mesure est réclamée par nombre de juridictions. Une nouvelle fois, il ne s’agit en aucun cas de tordre le poignet aux gamins, mais de disposer d’un relevé d’empreintes permettant de les suivre dans leurs pérégrinations ultérieures.
Tel est bien l’enjeu. En effet, quand on collationne les comparutions de ces enfants sous leurs différents alias, qui supposent parfois autant de nationalités, d’âges, de noms et de prénoms, on est absolument stupéfait.
De tels relevés d’empreintes existent en Belgique, en Croatie, en Estonie, en Finlande, en Allemagne, en Grèce, aux Pays-Bas, en Pologne, en Slovaquie, au Royaume-Uni, en Norvège ou encore en Italie.
À toutes fins utiles, je rappelle que le recueil d’empreintes des étrangers en situation irrégulière est une obligation européenne, prévue par le règlement 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ainsi, une fois le présent article adopté, nous serons en conformité avec ce texte. J’y insiste, nous avons besoin de cet outil.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Pour ma part, je voterai contre cet amendement et contre le suivant.
M. Burgoa l’a déjà indiqué, les dispositions de cet article ne tombent pas du ciel : elles résultent d’un important travail mené en amont de ce débat. Surtout, comme l’a dit fort justement M. le garde des sceaux à propos de l’article 12, la loi peut parfois faire passer un message : en l’occurrence, c’est bien le cas.
J’en suis persuadé : dans la pratique, on n’aura presque jamais recours à la contrainte. (M. le garde des sceaux le confirme.) En effet, les intéressés sauront qu’ils risquent de devoir fournir leurs empreintes et, grâce à cette simple disposition légale, le problème se réglera de lui-même.
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’avocat est présent tout au long de l’opération lorsqu’il s’agit d’une personne mineure. » ;
II. – Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’avocat est présent tout au long de l’opération lorsqu’il s’agit d’une personne mineure.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à imposer la présence de l’avocat lors des relevés d’empreintes, lorsque le mineur n’a pas donné son consentement.
Compte tenu de la contrainte physique que peut entraîner une telle opération, il est essentiel que le mineur soit accompagné de son avocat.
Monsieur le garde des sceaux, vous le savez, certains de ces jeunes se trouvent dans des situations très difficiles. Il ne faut pas laisser une contrainte physique s’exercer sur eux sans assurer un accompagnement. Certes, il faudra attendre l’avocat ; mais, en prenant plus de temps, on peut éviter d’ajouter des traumatismes aux difficultés préalables, dans un contexte souvent marqué par la criminalité.
En procédant ainsi, on favorisera l’accès au droit, par l’accompagnement et la bienveillance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, je connais votre engagement sur ces questions.
Toutefois, vous m’accorderez que cette prise d’empreintes est déjà assortie d’un certain nombre de contrôles, à commencer par celui du procureur de la République. Ainsi, pour les prolongations de garde à vue, ce dernier se fait présenter le mineur ou se rend lui-même en cellule.
S’y ajoutent la présence du médecin – ce n’est pas rien ! – et celle de l’avocat. Pour ma part, je ne souhaite pas que l’avocat assiste au relevé d’empreintes, car sa présence complexifierait les opérations. Cela étant, l’intéressé verra forcément son avocat et pourra lui livrer son ressenti.
En outre, les gendarmes et les policiers chargés de ces opérations feront sans aucun doute preuve de l’humanité qui s’impose envers les jeunes qui leur seront présentés. (M. Ludovic Haye opine.)
Enfin, imaginons qu’il faille recueillir ces empreintes sur-le-champ : que faire si l’avocat n’est pas là ? Faut-il l’attendre ? Faut-il renoncer aux prises d’empreintes ?
Je comprends le sens des dispositions que vous proposez, mais elles me semblent superflues. Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 16.
(L’article 16 est adopté.)
Article additionnel après l’article 16 (précédemment réservé)
M. le président. L’amendement n° 59, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 388 du code civil est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « âge », il est inséré le mot : « ni » ;
b) Sont ajoutés les mots : «, ni à partir d’examens radiologiques de maturité osseuse ou dentaire ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Mes chers collègues, avec cet amendement, les membres de notre groupe reprennent l’une de leurs demandes récurrentes : l’interdiction des tests osseux dans notre pays.
Vous le savez, cette pratique inspire de lourdes contestations, tant éthiques que médicales. Vous connaissez déjà très bien les premières ; je me limiterai donc aujourd’hui aux secondes.
Comme l’indique la professeure Catherine Adamsbaum, cheffe du service de radiologie pédiatrique de l’hôpital Bicêtre, « ces tests n’ont pas été créés pour déterminer l’âge d’une personne, mais seulement pour suivre la croissance des enfants ».
S’il n’y a pas de différences entre les ethnies, des facteurs sociaux, économiques et nutritionnels peuvent, eux, infléchir la croissance osseuse. Comme le souligne la radiopédiatre, « un enfant qui ne mange pas à sa faim va avoir des carences, notamment en vitamines, et peut avoir un retard d’âge osseux par rapport à son âge civil ».
Elle l’assure : ces tests ne sont pas fiables et sont assortis de grandes marges d’erreur, de l’ordre d’un à deux ans pour les adolescents proches de la majorité. « Entre 16 et 18 ans, l’âge est difficile à déterminer : on voit peu de différences et c’est très subjectif », poursuit-elle. C’est pourtant la tranche d’âge pour laquelle ces tests sont le plus sollicités.
Peu fiable, imprécise et pourtant lourde de conséquences : cette méthode d’un autre âge doit, selon nous, être abandonnée une bonne fois pour toutes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ma chère collègue, le Sénat vient précisément de travailler sur cette question.
Le rapport dont il s’agit a été rédigé par deux membres de la commission des affaires sociales – Laurent Burgoa, qui est intervenu il y a un instant, et Xavier Iacovelli – et par deux membres de la commission des lois – Hussein Bourgi et Henri Leroy. Or nos collègues préconisent non pas d’abandonner les tests osseux, mais d’actualiser les méthodes d’interprétation de ces derniers.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Bien sûr, ces tests ne sont jamais suffisants pour déterminer la majorité d’une personne ; d’ailleurs, ils ont une valeur subsidiaire et sont utilisés en dernier recours, quand il n’y a pas d’autre possibilité de déterminer l’âge de l’intéressé.
De plus, si les conclusions des examens entrent en contradiction avec d’autres éléments, comme l’évaluation sociale ou les divers entretiens menés, le doute conduit naturellement à retenir la qualité de mineur de l’intéressé.
En outre, seule l’autorité judiciaire peut décider de recourir à ces tests.
Enfin, les tests ne peuvent être menés qu’après que le consentement éclairé de l’intéressé a été recueilli, au terme d’un dialogue mené dans une langue qu’il comprend. Évidemment, sa majorité ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à ce test.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Articles 17 et 18 (précédemment examinés)
M. le président. Je rappelle que les articles 17 et 18 ont été précédemment examinés.
TITRE VI
DISPOSITIONS DIVERSES ET DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER
Article 19
(Non modifié)
Le chapitre II du titre Ier de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :
1° A Au second alinéa de l’article 10, après la référence : « 25 », sont insérés les mots : « ou à établir un rapport en application du cinquième alinéa de l’article 22-1 » ;
1° Le II de l’article 20 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « peut », sont insérés les mots : « le rappeler à ses obligations légales ou » ;
b) Les septième et avant-dernier alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le président peut demander qu’il soit justifié de la mise en conformité dans un délai qu’il fixe. Ce délai peut être fixé à vingt-quatre heures en cas d’urgence. Le président prononce, le cas échéant, la clôture de la procédure de mise en demeure. » ;
1° bis Au premier alinéa du III du même article 20, les mots : « , le cas échéant en complément d’une mise en demeure prévue » sont remplacés par les mots : « après avoir prononcé à son encontre une ou plusieurs des mesures correctrices prévues » ;
2° Ledit article 20 est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. – Lorsque la formation restreinte a été saisie, le président de celle-ci peut enjoindre au mis en cause de produire les éléments demandés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, en cas d’absence de réponse à une précédente mise en demeure, et assortir cette injonction d’une astreinte, dont le montant ne peut excéder 100 € par jour de retard, à la liquidation de laquelle il procède, le cas échéant.
« Il peut également constater qu’il n’y a plus lieu de statuer. » ;
3° Après l’article 22, il est inséré un article 22-1 ainsi rédigé :
« Art. 22-1. – Le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut, lorsqu’il estime que les conditions mentionnées aux deuxième et troisième alinéas sont réunies, engager les poursuites selon une procédure simplifiée. Le président de la formation restreinte ou l’un de ses membres désigné à cet effet statue seul sur l’affaire.
« Le président de la commission peut engager les poursuites selon la procédure simplifiée lorsqu’il estime que les mesures correctrices prévues aux 1°, 2° et 7° du III de l’article 20 constituent la réponse appropriée à la gravité des manquements constatés, sous réserve que l’amende administrative encourue, mentionnée au 7° du même III, n’excède pas un montant de 20 000 € et que l’astreinte encourue, mentionnée au 2° dudit III, n’excède pas un montant de 100 € par jour de retard à compter de la date fixée par la décision.
« En outre, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ne peut engager les poursuites selon la procédure simplifiée que lorsque l’affaire ne présente pas de difficulté particulière, eu égard à l’existence d’une jurisprudence établie, des décisions précédemment rendues par la formation restreinte de la commission ou de la simplicité des questions de fait et de droit qu’elle présente à trancher.
« Le président de la formation restreinte ou le membre qu’il a désigné peut, pour tout motif, refuser de recourir à la procédure simplifiée ou l’interrompre. Dans ce cas, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés reprend la procédure conformément aux exigences et aux garanties prévues à l’article 22.
« Le président de la formation restreinte ou le membre qu’il a désigné statue sur la base d’un rapport établi par un agent des services de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, habilité dans les conditions définies au dernier alinéa de l’article 10 et placé, pour l’exercice de cette mission, sous l’autorité du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« Le rapport mentionné au cinquième alinéa du présent article est notifié au responsable de traitement ou au sous-traitant, qui est informé du fait qu’il peut se faire représenter ou assister, présenter des observations écrites et demander à être entendu. Le président de la formation restreinte ou le membre qu’il a désigné peut solliciter les observations de toute personne pouvant contribuer à son information. Il statue ensuite et ne peut rendre publiques les décisions qu’il prend.
« La formation restreinte est informée des décisions prises selon la procédure simplifiée par le président de la formation restreinte ou par le membre qu’il a désigné.
« Lorsque le président de la formation restreinte ou le membre qu’il a désigné a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les mêmes faits ou des faits connexes, celui-ci peut ordonner que l’amende administrative s’impute sur l’amende pénale qu’il prononce.
« L’astreinte est liquidée et le montant définitif en est fixé par le président de la formation restreinte ou le membre qu’il a désigné. Le dernier alinéa de l’article 22 est applicable aux décisions prises selon la procédure simplifiée.
« Les modalités de mise en œuvre de la procédure simplifiée ainsi que les garanties applicables en matière de prévention des conflits d’intérêts pour les agents désignés rapporteurs sont fixées par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)
Article 20
I. – (Non modifié) L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
II. – (Non modifié) Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
III. – (Non modifié) Le titre II du livre VII du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° L’article L. 721-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 721-1. – Les dispositions du présent code, à l’exception des articles L. 113-2 et L. 113-6, sont applicables en Nouvelle-Calédonie dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre. » ;
2° L’article L. 722-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 722-1. – Les dispositions du présent code, à l’exception des articles L. 113-2 et L. 113-6, sont applicables en Polynésie française dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre. » ;
3° L’article L. 723-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 723-1. – Les dispositions du présent code, à l’exception des articles L. 113-2 et L. 113-6, sont applicables dans les îles Wallis et Futuna dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre. »
IV. – (Non modifié) À la fin des articles L. 532-25, L. 552-19 et L. 562-35 du code de l’organisation judiciaire, la référence : « loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice » est remplacée par la référence : « loi n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure ».
IV bis (nouveau). – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1, la référence : « n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République » est remplacée par la référence : « n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 288-1, la référence : « n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement » est remplacée par la référence : « n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure » ;
3° Le titre IV du livre III est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa des articles L. 344-1, L. 345-1 et L. 346-1, la référence : « n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés » est remplacée par la référence : « n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure » ;
b) Après le mot : « résultant », la fin du premier alinéa de l’article L. 347-1 est ainsi rédigée : « de la loi n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. » ;
4° Le titre IV du livre IV est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa de l’article L. 445-1 est ainsi rédigé :
« Sont applicables en Polynésie française, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, les dispositions du présent livre, sous réserve des adaptations suivantes : » ;
b) Le premier alinéa de l’article L. 446-1 est ainsi rédigé :
« Sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, les dispositions du présent livre, sous réserve des adaptations suivantes : » ;
c) Le premier alinéa de l’article L. 447-1 est ainsi rédigé :
« Sont applicables à Wallis-et-Futuna, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, les dispositions du présent livre, sous réserve des adaptations suivantes : ».
V. – (Non modifié) L’article 125 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi rédigé :
« Art. 125. – La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. »
VI. – (Non modifié) Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à l’adaptation et à l’extension des dispositions de la présente loi dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.
Cette ordonnance est prise dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. L’amendement n° 94, présenté par M. L. Hervé et Mme M. Jourda, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2° Après le sixième alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis Le titre V bis ; »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 20, modifié.
(L’article 20 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, de l’aveu général, nous avons dû examiner ce projet de loi dans des conditions à tout le moins particulières.
J’ajoute que ce texte est un collage : pour les besoins de la cause, il est composé de deux parties qui n’ont aucun rapport entre elles.
En conséquence, il est difficile de prendre position sur l’ensemble de ce projet de loi.
Je n’en suis pas moins clair : pour ce qui concerne la première partie, relative à l’irresponsabilité pénale, les élus de notre groupe estiment que le statu quo n’était pas possible. Nous avions proposé notre propre rédaction de l’article 1er ; nous nous serions ralliés à celle de M. le garde des sceaux, mais nous nous rallions au texte présenté par Mme le rapporteur au nom de la commission.
Nous aurions préféré que l’article 2 soit supprimé, étant donné les ambiguïtés qu’il contient et la complexité inutile qu’il entraîne. De plus, nous aurions voulu introduire la définition du discernement.
Quoi qu’il en soit, si ce projet de loi s’était limité au titre Ier, nous l’aurions soutenu. En revanche, nous ne pouvons pas voter le titre II, relatif à la sécurité intérieure.
M. Loïc Hervé, rapporteur. C’est bien dommage !
M. Jean-Pierre Sueur. Certes, nous approuvons certaines de ses dispositions. (M. le rapporteur s’exclame.) Monsieur le rapporteur, permettez-moi d’exposer notre position…
M. Loïc Hervé, rapporteur. Bien sûr, monsieur le questeur !
M. Jean-Pierre Sueur. Pour ce qui concerne la répression des violences infligées aux forces de l’ordre et le contrôle des trafics d’armes, nous sommes d’accord avec la commission.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Tout de même !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons le droit de définir ainsi notre position.
M. Jean-Pierre Sueur. Toutefois, qu’il s’agisse de la vidéosurveillance en garde à vue ou des drones avec caméra embarquée, aucun de nos amendements, pourtant inspirés par la Cour de cassation, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et le Conseil national des barreaux (CNB), n’a été retenu.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Si ! Nous en avons voté un !
M. Jean-Pierre Sueur. En parallèle, nous avons exprimé nos réserves au sujet des vols à l’étalage et, plus largement, à propos du jugement des mineurs.
Pour ces raisons, nous nous abstiendrons. (M. le rapporteur s’exclame.) En l’état, nous ne pouvons pas voter l’ensemble de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour explication de vote.
Mme Catherine Di Folco. Les membres du groupe Les Républicains sont satisfaits des modifications apportées à ce projet de loi…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ça alors ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Catherine Di Folco. … sur l’initiative de notre commission des lois.
En ce qui concerne le volet relatif à la responsabilité pénale, la commission a introduit à l’article 1er le dispositif que le Sénat avait adopté une première fois en mai dernier, et nous nous en réjouissons : lors d’un procès, les juges apprécieront le lien entre le fait fautif et l’abolition du discernement. Il s’agira d’une avancée pour les victimes.
S’agissant du volet relatif à la sécurité intérieure, nombre de dispositions votées vont également dans le bon sens. Elles permettront sans doute d’accroître l’efficacité de la réponse pénale. Je pense notamment à l’aggravation des peines pour les auteurs de violences commises sur les forces de l’ordre, à la création de la réserve opérationnelle de la police nationale, à l’encadrement du recours à la vidéosurveillance dans les locaux de garde à vue, à la possibilité de procéder à des relevés signalétiques contraints, ou encore au renforcement de la lutte contre les rodéos urbains.
De même, les élus du groupe Les Républicains se félicitent des dispositions visant à renforcer le contrôle des armes à l’échelle nationale.
Nous remercions chaleureusement les rapporteurs de la qualité de leur travail et, pour l’ensemble des raisons que j’ai mentionnées, nous voterons ce projet de loi, tel qu’il a été modifié en première lecture par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Ouf ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je ne nie absolument pas l’intérêt de nos discussions : certains de nos échanges se sont même révélés particulièrement riches. Mais, à l’issue de nos travaux, je persiste à penser que nous sommes ici face à un pot-pourri de mesures, non face à un texte cohérent. Le travail accompli par la commission est indéniable, mais il n’y change rien.
Nous avons eu des débats passionnés, notamment sur le volet relatif à la responsabilité pénale, et je m’en félicite : chacune et chacun a pu dire le fond de sa pensée. C’est là une garantie du débat démocratique, qui suppose l’expression du pluralisme. Néanmoins, je retiens les désaccords très profonds qui se sont fait jour sur les deux volets de ce projet de loi.
Pour notre part, nous aspirons à un autre modèle de société : nous ne voulons certainement pas de celui que l’on nous propose au travers de ce texte.
C’est la raison pour laquelle le groupe CRCE votera contre.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Mes chers collègues, j’ai déjà pu le dire en défendant notre motion tendant à opposer la question préalable : pour les membres de notre groupe, non seulement le contenu de ce projet de loi est mauvais, mais l’agenda retenu pour son examen est inapproprié. Selon nous, ce texte trahit des intentions essentiellement électoralistes, à l’approche du scrutin présidentiel.
Nous avons eu des discussions de fond on ne peut plus intéressantes, à la fois au cours de ce débat et lors de l’examen du projet de loi pour une sécurité globale, dont Mme Goulet était la rapporteure.
À propos de la responsabilité pénale, nous n’approuvons ni les doctrines du Gouvernement ni celles de la commission.
M. Loïc Hervé, rapporteur. C’est dommage !
M. Guy Benarroche. Nous n’approuvons pas les mesures retenues pour la répression des atteintes contre les forces de sécurité, car elles alourdissent inutilement la législation. De plus, au lieu de créer une réserve opérationnelle de la police nationale, il faudrait saisir à bras-le-corps les problèmes de cette dernière.
Nous n’approuvons pas les dispositions relatives aux captations d’images. Je pense à la fois à l’installation de systèmes de vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue, à l’utilisation de caméras aéroportées dans des drones et à l’emploi de caméras embarquées dans les véhicules de police et de gendarmerie.
Nous n’approuvons pas non plus la rédaction retenue par la Haute Assemblée au sujet des procédures pénales pour les mineurs.
En définitive, les seules dispositions que nous aurions pu voter sont celles qui ont pour objet le contrôle de la détention d’armes.
Pour l’ensemble de ces raisons, que nous avons déjà longuement exposées au long de la discussion, le groupe écologiste votera contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Évidemment, les membres du groupe RDPI voteront avec satisfaction ce projet de loi, qui a été étudié en profondeur et débattu avec sincérité, de manière très argumentée.
À l’heure où le débat politique s’intensifie, nos discussions ont permis d’éclairer, devant les Français, les conceptions des uns et des autres…
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. Alain Richard. … quant à l’efficience de l’État de droit et quant aux moyens de protection des citoyens.
Mes chers collègues, il est d’usage de confronter l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité. Pour ma part, je vous le dis en toute honnêteté : aujourd’hui, au terme de ce débat, je me sens plus heureux d’être du côté où je me trouve ! (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)
M. Julien Bargeton. Bravo !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 11 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 263 |
Pour l’adoption | 235 |
Contre | 28 |
Le Sénat a adopté.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Bravo !
4
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 20 octobre 2021 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, créant la fonction de directrice ou de directeur d’école (texte de la commission n° 57, 2021-2022) ;
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer l’adoption (texte de la commission n° 51, 2021-2022).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures cinquante-cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER