Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 36 rectifié, présenté par M. Pellevat, Mme Belrhiti, MM. Karoutchi, Genet, Bascher, Panunzi, Cadec, Piednoir, Courtial et Joyandet, Mme Gruny, M. Klinger, Mme Goy-Chavent, M. Grand, Mmes Dumont et Imbert, MM. Lefèvre, Charon, Tabarot, Rietmann, Brisson et D. Laurent, Mmes Borchio Fontimp et Joseph et M. Bouchet, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Lorsque les traitements mentionnés au présent article sont utilisés uniquement dans le cas mentionné au 6° du I du présent article, ils peuvent être mis en œuvre immédiatement après information préalable du représentant de l’État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, qui peut y mettre fin à tout moment. Au-delà d’une durée de vingt-quatre heures, la poursuite de la mise en œuvre du traitement est subordonnée à son autorisation expresse et ne peut excéder une durée de soixante-douze heures.
L’amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Pellevat, Mme Belrhiti, MM. Karoutchi, Genet, Bascher, Panunzi, Cadec, Piednoir, Courtial et Joyandet, Mme Gruny, M. Klinger, Mme Goy-Chavent, M. Grand, Mmes Dumont et Imbert, MM. Lefèvre, Charon, Tabarot, Rietmann, Brisson, D. Laurent et Bouchet et Mme Joseph, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque les traitements mentionnés au présent article sont utilisés uniquement dans le cas mentionné au 6° du I du présent article, ils peuvent être mis en œuvre immédiatement après information préalable du représentant de l’État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, qui peut y mettre fin à tout moment sans que la poursuite de la mise en œuvre du traitement soit subordonnée à son autorisation expresse et sans limite de durée.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter ces deux amendements.
Mme Pascale Gruny. Ces deux amendements ont été déposés par mon collègue Cyril Pellevat, l’amendement n° 36 rectifié constituant un amendement de repli.
Il s’agit de prévoir une égalité de traitement ou d’amoindrir la différence de traitement entre les forces de sécurité civile et les forces de sécurité intérieure quant à l’usage d’aéronefs pour assurer la prévention des risques naturels et technologiques, le secours aux personnes et la lutte contre les incendies.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. M. Pellevat propose, dans ses amendements nos 36 rectifié et 35 rectifié, un régime plus souple pour l’usage des caméras aéroportées lorsqu’elles sont utilisées à des fins de secours aux personnes. Il souligne qu’il existe une différence de traitement, sur ce sujet, entre les forces de l’ordre et les forces de sécurité civile.
Tel n’est cependant pas le cas : l’article L. 242-6 du code de la sécurité intérieure, qui définit le régime d’usage des caméras aéroportées pour des missions de prévention, de protection et de lutte contre les risques de sécurité civile, de protection des personnes et des biens et de secours d’urgence, s’applique tant aux sapeurs-pompiers qu’aux unités de la police et de la gendarmerie « investis à titre permanent de missions de sécurité civile ». Cela comprend notamment les pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM), auxquels notre collègue Cyril Pellevat s’intéresse tout particulièrement.
L’objectif de M. Pellevat nous semblant satisfait, nous sollicitons le retrait de ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre délégué. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été évoqués par M. le rapporteur, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements.
Mme la présidente. Madame Gruny, les amendements nos 36 rectifié et 35 rectifié sont-ils maintenus ?
Mme Pascale Gruny. Je vais faire confiance à la commission et au Gouvernement : je retire ces amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 36 rectifié et 35 rectifié sont retirés.
Je suis saisie de trois amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 52, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 43 à 66
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement de repli s’inscrit dans la logique de notre amendement de suppression de l’article 8 : il vise à supprimer l’expérimentation aux termes de laquelle les services de police municipale pourraient procéder, au moyen de caméras installées sur les aéronefs, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images. En bref, il s’agit de l’utilisation des drones par les polices municipales.
Bien qu’ayant été entourée de plusieurs garde-fous par la commission des lois du Sénat – nous avons apprécié cette démarche –, cette expérimentation de l’usage des drones par les polices municipales nous semble assez inquiétante.
D’une part, nous connaissons, de manière générale, l’issue des expérimentations : soit elles sont généralisées en fin de parcours – c’est le mieux-disant ! –, soit elles le sont avant même la fin du processus. À cet égard, permettez-moi de rappeler que notre groupe continue à penser que l’expérimentation des cours criminelles départementales est une très mauvaise idée !
D’autre part, si la police municipale peut avoir une légitimité dans ce pays, celle-ci devrait uniquement être fondée sur son rôle particulier de proximité. Or les caméras fixées sur les drones nous éloignent de cette mission : en équipant les agents de la police municipale de ce genre d’engins, nous les éloignerons un peu plus encore de nos concitoyens et de leur mission première, qui consiste à porter secours dans la proximité et à rester en alerte pour ce qui concerne les incivilités. Ils ne peuvent pas tout faire ! Pourront-ils toujours assurer leur mission par le biais de technologies interposées ? Nous n’en sommes pas convaincus !
Mme la présidente. L’amendement n° 92, présenté par M. L. Hervé et Mme M. Jourda, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 45
Remplacer les mots :
ou celle des périmètres de protection institués en application de l’article L. 226-1 du présent code
par les mots :
, dans la limite des missions relevant de l’autorité de police du maire
II. – Alinéa 46
Compléter cet alinéa par les mots :
aux seules fins d’assurer la sécurité publique
III. – Alinéa 47
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Les mesures d’assistance et de secours aux personnes nécessaires en cas de survenue d’accidents ou de fléaux calamiteux, lorsque la direction des opérations de secours relève de l’autorité de police du maire.
IV. – Alinéa 65, dernière phrase
Remplacer le mot :
décret
par les mots :
arrêté du ministre de l’intérieur
La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les finalités pour lesquelles les services de police municipale pourront recourir à des caméras aéroportées.
Il tend aussi à spécifier qu’un arrêté du ministre de l’intérieur, et non un décret, sera chargé de fixer les critères d’évaluation de l’expérimentation communs à toutes les communes concernées.
Mme la présidente. L’amendement n° 88, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 58
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 9° Les éléments permettant d’attester de la capacité de la commune à assurer ces opérations dans le respect des règles juridique et opérationnelles de sécurité qui l’encadrent.
II. – Alinéa 60
Compléter cet alinéa par les mots :
, y compris aux services de l’État
III. – Alinéa 64
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Marc Fesneau, ministre délégué. Par le présent amendement, nous entendons renforcer l’encadrement de l’autorisation consentie par le préfet en matière d’usage de drones par la police municipale. Cet amendement vise en outre à mieux préciser les finalités au titre desquelles les policiers municipaux peuvent être autorisés à utiliser les drones.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 90, présenté par M. L. Hervé et Mme M. Jourda, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 88, alinéas 1 à 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission émettra un avis favorable sur l’amendement n° 88 sous réserve de l’adoption du présent sous-amendement.
Nous souhaitons ne conserver de l’amendement du Gouvernement que les alinéas prévoyant que les caméras aéroportées des polices municipales sont incluses dans le contingentement global par département des caméras aéroportées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 52 ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. L’amendement n° 52 est contraire à la position de la commission. Permettre aux policiers municipaux d’avoir recours aux drones correspond à une demande forte des élus et répond à des nécessités opérationnelles. Le principe de ce recours, dans le cadre d’une expérimentation, a été adopté par le Sénat au sein de la loi Sécurité globale ; nous souhaitons nous en tenir à ce principe.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 52. En effet, nous ne sommes pas opposés, sur le principe, à une extension du recours aux caméras aéroportées pour les polices municipales. Il s’agit de développer une expérimentation, puis d’en tirer les conclusions, comme cela a été fait dans d’autres cas.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 92 de M. le rapporteur. L’adoption de cet amendement peut être utile, dans le cadre du travail parlementaire qui se poursuivra, puisqu’il tend à apporter un certain nombre de précisions concernant les conditions d’emploi des caméras aéroportées par les polices municipales et les finalités pour lesquelles elles pourront être utilisées.
Toutefois, bien que ces dispositions aillent dans le sens des recommandations formulées par le Gouvernement, il semble nécessaire de les préciser encore dans la suite de la navette parlementaire. En particulier, elles ne prennent pas en compte les compétences des communes à police d’État.
Quant au sous-amendement n° 90, qui vise à restreindre à nouveau les conditions d’autorisation par le préfet de ce recours, l’avis défavorable du Gouvernement ne vous étonnera pas, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le rapporteur, sur quels éléments quantitatifs vous appuyez-vous concernant la demande des élus ? S’agit-il de demandes de collectivités, de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) ? Vous évoquez une forte demande des élus ; j’aimerais connaître la proportion d’élus l’ayant émise.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je souhaitais formuler une observation à la suite de l’intervention de notre collègue Pascal Savoldelli, qui a insisté sur la dimension de proximité qui revient à la police municipale. C’est absolument vrai, mais l’activité de proximité est très difficile sans certains outils.
Je pense notamment au problème des dépôts sauvages, qui est explicitement considéré dans cet article. Par définition, ces dépôts se font dans les parties les moins fréquentées et les moins surveillées du territoire communal. Ce n’est pas par hasard si nous avons été plusieurs à insister pour que les conditions d’utilisation des drones prennent en compte la lutte contre ces dépôts sauvages.
En effet, si l’on place une caméra dans les endroits concernés, celle-ci aura malheureusement une durée de vie assez limitée. Par conséquent, dans ce cas précis, les drones sont bien l’outil de la proximité.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je suis pour ma part favorable à la limitation du nombre de caméras. Il faut donc un outil de régulation pour éviter leur propagation trop importante et une multiplication des outils de surveillance.
Simplement, dans la mesure où il s’agit d’une compétence préfectorale, le préfet sera amené à modifier régulièrement son arrêté limitatif si un nombre croissant de communes demande à utiliser ces drones. Il serait fâcheux que le préfet leur dise : « J’ai prévu douze communes pour le département, et vous êtes la treizième ! » Il faudra donc forcément une régulation assez souple. Je suis persuadé que le ministère de l’intérieur a bien cela en vue.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Monsieur Savoldelli, sur ces dispositions, le débat a eu lieu en amont, lors de l’examen de la loi Sécurité globale.
Comme cela a été rappelé de manière liminaire, la deuxième partie de ce texte-ci, que nous examinons ce soir, fait suite à la censure constitutionnelle de deux dispositions importantes de la loi Sécurité globale.
Notre collègue Françoise Gatel, présidente de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a déposé en commission un amendement nous permettant de nous positionner sur la question de l’usage des drones par les communes. Cette demande avait été relayée par l’AMF. Dans l’amendement que je viens d’évoquer, aucune expérimentation n’était prévue. Il visait simplement à permettre aux communes d’utiliser des drones pour des motifs tenant à la sécurité. Pour notre part, nous avons rétabli le principe de l’expérimentation.
Ce sont plutôt des communes avec des polices municipales structurées qui sont demandeuses de ce genre d’équipements. L’attente est réelle, quand bien même j’aurais du mal à la quantifier. Seule l’expérimentation de l’usage des drones par les polices municipales, pour des finalités que nous avons d’ailleurs passablement réduites, permettra de répondre à votre question, mon cher collègue.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 8
Mme la présidente. L’amendement n° 83, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre IV du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« CHAPITRE VIII
« Des captations et fixations d’images dans les lieux publics au moyen de dispositifs aéroportés
« Art. 230-47. – Il peut être recouru à la mise en place d’un dispositif technique au moyen de caméras aéroportées ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de l’image d’une ou de plusieurs personnes, se trouvant dans un lieu public, si cette opération est exigée par les nécessités :
« 1° D’une enquête ou d’une instruction portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement ;
« 2° D’une procédure d’enquête ou d’instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition prévue aux articles 74, 74-1 et 80-4 ;
« 3° D’une procédure de recherche d’une personne en fuite prévue à l’article 74-2.
« Art. 230-48. – Le dispositif technique mentionné à l’article 230-47 est autorisé :
« 1° Dans le cadre d’une enquête de flagrance, d’une enquête préliminaire ou d’une procédure prévue aux articles 74 à 74-2, par le procureur de la République, pour une durée maximale d’un mois renouvelable une fois dans les mêmes conditions de durée ;
« 2° Dans le cadre d’une instruction ou d’une information pour recherche des causes de la mort ou des causes de la disparition mentionnées aux articles 74, 74-1 et 80-4, par le juge d’instruction, pour une durée maximale de quatre mois renouvelable dans les mêmes conditions de durée, sans que la durée totale des opérations ne puisse excéder deux ans.
« Art. 230-49. – La décision autorisant le recours au dispositif mentionné à l’article 230-47 comporte tous les éléments permettant d’identifier les lieux concernés ainsi que la durée de celle-ci.
« L’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Elle n’a pas de caractère juridictionnel et n’est susceptible d’aucun recours.
« Art. 230-50. – Les opérations prévues au présent chapitre se déroulent sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées. Ce magistrat peut ordonner à tout moment leur interruption.
« Les opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que celui pour lequel elles ont été autorisées. Le fait que ces opérations révèlent d’autres infractions ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
« Art. 230-51. – Le dispositif technique est mis en place par l’officier de police judiciaire commis par le juge d’instruction ou requis par le procureur de la République ou, sous sa responsabilité, par l’agent de police judiciaire.
« Art. 230-52. – Le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui ou requis par le procureur de la République, ou l’agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité, dresse procès-verbal des opérations de captation, de fixation et d’enregistrement. Ce procès-verbal mentionne la date et l’heure auxquelles l’opération a commencé et celles auxquelles elle s’est terminée.
« Les enregistrements sont placés sous scellés fermés.
« L’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité décrit, dans un procès-verbal qui est versé au dossier, les données enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité. Aucune séquence relative à la vie privée étrangère à l’objet pour lequel les opérations ont été autorisées ne peut être conservée dans le dossier de la procédure.
« Art. 230-53. – Les enregistrements et données recueillies lors des opérations effectuées en application du présent chapitre sont détruits, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l’expiration du délai de prescription de l’action publique.
« Il est dressé procès-verbal de l’opération de destruction. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Marc Fesneau, ministre délégué. Le présent amendement, que j’ai déjà évoqué dans la discussion générale, vise à prévoir un régime relatif à la captation et la fixation d’images à l’aide de drones dans les lieux publics lors des enquêtes pénales.
Actuellement, seules les captations et fixations d’images de personnes dans les lieux privés font l’objet d’un encadrement explicite par la loi, à la section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale. Elles ne peuvent être effectuées, après autorisation préalable d’un juge, que pour les enquêtes et instructions relatives à des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées.
Les captations et fixations d’images de personnes dans les lieux publics sont quant à elles mises en œuvre sur le fondement des pouvoirs généraux d’investigation que le procureur de la République et le juge d’instruction tiennent respectivement des articles 41 et 81 du code de procédure pénale. La Cour de cassation a toutefois encadré le recours à de telles techniques en exigeant qu’elles fassent l’objet d’une autorisation préalable d’un magistrat qui en fixe les modalités.
Toutefois, les possibilités récentes de recourir à des captations d’images par des dispositifs aéroportés – des drones –, dont les capacités de captation d’images sont considérables, justifient une reconnaissance et un encadrement par la loi.
Le présent amendement vise ainsi à créer un régime juridique explicite pour les captations d’images dans les lieux publics à l’aide de dispositifs aéroportés.
En premier lieu, il tend à prévoir que ces captations d’images dans les lieux publics ne peuvent être effectuées que pour les nécessités d’une enquête ou d’une instruction portant sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, ou les nécessités d’une procédure d’enquête en recherche des causes de la mort ou la disparition, ou encore les nécessités d’une procédure de recherche d’une personne en fuite.
En deuxième lieu, il tend à encadrer la durée maximale du recours aux captations d’images.
En troisième lieu, il tend à prévoir que ces captations doivent être préalablement autorisées par le procureur de la République ou le juge d’instruction, selon les cas. L’autorisation, qui peut être donnée par tout moyen, comporte également tous les éléments permettant d’identifier les lieux publics concernés ainsi que la durée de celle-ci.
En quatrième lieu, il tend à prévoir qu’aucune séquence relative à la vie privée étrangère à l’objet pour lequel les opérations ont été autorisées ne peut être conservée dans le dossier de la procédure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Le régime d’usage des caméras aéroportées prévu par l’article 8 se concentre sur les missions des forces de l’ordre en matière de police administrative, alors que – vous vous en souvenez – la loi Sécurité globale prévoyait un régime tant en matière administrative qu’en matière judiciaire.
Le Conseil d’État, que vous avez saisi d’une demande d’avis sur ce sujet, monsieur le ministre, aurait estimé qu’un fondement législatif était nécessaire pour permettre l’utilisation de drones dans les lieux publics en matière judiciaire.
Tel est l’objet de cet amendement. La procédure proposée est calquée sur celle qui existe en matière de techniques spéciales d’enquête, permettant notamment la captation d’images dans les lieux privés.
L’amendement vise à prévoir que l’usage des drones ne sera possible que pour trois formes d’enquête ou d’instruction : celles sur les crimes et délits punis de plus de trois ans de prison ; celles qui portent sur la recherche des causes de la mort ou la disparition de personnes ; enfin, celles qui portent sur la recherche d’une personne en fuite.
Ce cadre me paraît satisfaisant, tout comme les garanties proposées. C’est la raison pour laquelle la commission est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Notre groupe est quant à lui défavorable à cet amendement ; l’adopter serait ouvrir une nouvelle porte en matière de surveillance !
Comme vous l’avez très bien expliqué, monsieur le rapporteur, il s’agit d’un nouvel élargissement du régime d’autorisation des drones : on permettrait de les déployer pour les nécessités d’une enquête ou d’une instruction. Nous assistons à un véritable envol des drones ! « Big Brother is watching you », comme l’avait écrit George Orwell et comme l’a chanté Bernard Lavilliers.
Nous nous engouffrons dans une brèche ! Comment les autorités pourront-elles garantir le respect des libertés individuelles et le droit à la vie privée avec la généralisation de tels dispositifs ? C’est planter un coin et ouvrir la porte à un danger pour les libertés. Les drones pourront-ils filmer l’intérieur des bâtiments pour les nécessités d’une enquête ? Quel sera le périmètre fixé ? Quelles sont les réponses, monsieur le ministre, à ces interrogations, dans la mesure où les finalités retenues pour l’autorisation du déploiement d’un drone sont toujours aussi larges ?
Nous nous opposons avec force à l’adoption de cet amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je partage totalement l’avis de M. Benarroche. Très franchement, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, trouvez-vous normal, alors que le projet de loi porte sur l’utilisation des drones par la police et les forces de sécurité, que surgisse tout à coup au Sénat un amendement du Gouvernement n’ayant pas été examiné par l’Assemblée nationale ? Il ne sera donc examiné par les députés, du fait de la procédure accélérée engagée par le Gouvernement, que dans le cadre de la commission mixte paritaire.
En outre, nous ne disposons pas de l’avis, qui existe peut-être, du Conseil d’État sur les dispositions ainsi proposées. Nous ne disposons pas non plus d’une étude d’impact ou d’un avis de la CNIL. À ma connaissance, les rapporteurs n’ont pas auditionné les magistrats et tous ceux qui, au sein de la justice, s’occupent de ces sujets.
Une telle mesure apparaît vraiment au débotté ! On pourrait même dire qu’elle ne s’inscrit pas dans le champ de ce titre du texte. Pourtant, elle n’a pas été considérée comme un cavalier au titre de l’article 45 de la Constitution. Quoi qu’il en soit, je proteste contre cette manière de travailler.
Sur le fond, la question de la conciliation entre la préservation de la sécurité publique et le respect des libertés fondamentales se pose. Le principe du recours aux drones doit rester subsidiaire et non permanent. L’usage de ces engins devrait être réservé à la lutte contre les infractions ayant un degré élevé de gravité.
Dès lors, le seuil retenu – les crimes ou délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement – est-il suffisant ? Ne conviendrait-il pas de le relever ? De tout cela, nous ne parlerons pas !
Mme la présidente. Vous n’en parlerez pas, mon cher collègue, parce que votre temps de parole est épuisé…
M. Jean-Pierre Sueur. La loi des deux minutes s’impose inexorablement !