Mme la présidente. Madame Cohen, l’amendement n° 48 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Devant les explications de M. le ministre, nous retirons l’amendement. Nous resterons vigilants, mais nous entendons les arguments exposés.
Mme la présidente. L’amendement n° 48 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 77 rectifié, présenté par Mme M. Carrère et MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À peine de nullité de la garde à vue, la décision de placement sous vidéosurveillance ou de son renouvellement est également notifiée à l’avocat de la personne faisant l’objet de la mesure dès le début de son intervention en garde à vue.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, déposé par ma collègue Maryse Carrère, a pour objet de prévoir une communication obligatoire de la décision de placement sous vidéosurveillance ou de son renouvellement à l’avocat intervenant en garde à vue, et ce dès le début de son intervention. Comme pour de nombreux actes de procédure, un manquement à cette obligation entraînerait la nullité de la garde à vue.
Si cette proposition était adoptée, cela permettrait d’assurer un meilleur respect des droits des personnes gardées à vue, en garantissant la connaissance par l’avocat des mesures prises à l’encontre de son client et, ce faisant, sa capacité à conseiller au mieux ce dernier. Un tel ajustement ne viendrait cependant pas bouleverser en profondeur le dispositif proposé.
Mme la présidente. L’amendement n° 17, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si la personne concernée est assistée d’un avocat, ce dernier est également informé de cette décision dès le début de son intervention en garde à vue.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à l’heure, en commission, nos chers rapporteurs m’ont expliqué qu’il était tout à fait superfétatoire de prévenir l’avocat d’une personne gardée à vue du placement sous vidéosurveillance de celle-ci. Je leur en ai demandé la raison : pourquoi – monsieur le ministre, vous allez comprendre mon argument – est-il si dommageable de prévenir l’avocat ? En quoi est-ce préjudiciable ?
Depuis tout à l’heure, j’essaie de comprendre comment nos rapporteurs ont pu penser qu’une telle communication serait préjudiciable… Je ne vois pas le début du commencement d’un argument !
Cette information de l’avocat permet d’abord d’élargir le régime réservé aux majeurs protégés et aux mineurs à l’ensemble des gardés à vue.
Elle permet ensuite de calquer le régime d’information du placement sous vidéosurveillance sur celui du procès-verbal de notification des droits du gardé à vue, en garantissant à celui-ci le rappel de ses droits en matière de données personnelles. Dans la mesure où le placement sous vidéosurveillance n’est pas un acte anodin, il nous semble nécessaire d’assurer un certain degré de transparence au bénéfice de l’avocat.
Enfin – je pressens, monsieur le ministre, que cet argument achèvera de vous convaincre –, l’adoption d’une telle disposition vous mettra en meilleure situation au regard du risque d’inconstitutionnalité du dispositif. Celle-ci a déjà frappé une fois le Gouvernement ; l’être une seconde fois ferait désordre !
Je compte donc sur vous, monsieur le ministre. Quant à nos rapporteurs, peut-être auront-ils eux-mêmes changé d’avis en descendant l’escalier pour venir de la salle de commission jusqu’à cet hémicycle… Du moins, j’en forme le vœu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il n’y a eu ni miracle ni foudroiement dans l’escalier, monsieur Sueur : je crains que la commission et ses rapporteurs n’en soient restés à un avis défavorable, et je vais tenter d’expliquer pourquoi.
Il est proposé, par ces amendements, que l’avocat de la personne placée en garde à vue soit informé de son placement sous vidéosurveillance.
Cette information nous a semblé s’imposer pour les personnes mineures ou sous protection juridique, notamment les majeurs protégés, au titre de leur vulnérabilité. En revanche, prévoir une information systématique de l’avocat conduirait, selon nous, à alourdir le formalisme d’une procédure déjà bien encadrée. Durant la garde à vue, la personne retenue bénéficie effectivement d’un droit de communiquer avec son avocat ; charge à elle de l’informer, si elle le souhaite, de son placement sous vidéosurveillance.
Je confirme donc l’avis défavorable de la commission sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre délégué. Je voudrais d’abord remercier M. Sueur de sa sollicitude, et de l’inquiétude qu’il exprime pour les rapporteurs et le Gouvernement s’agissant du sort constitutionnel de ce texte.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est de la bienveillance !
M. Marc Fesneau, ministre délégué. Je vous en sais gré, monsieur le sénateur, et je voudrais pour ma part essayer de vous apporter des réponses complémentaires, allant dans le sens des propos de votre rapporteur.
D’abord, la disposition proposée n’est pas nécessaire, dans la mesure où rien n’interdit à la personne gardée à vue de prévenir elle-même son avocat de son placement sous vidéosurveillance ou du renouvellement de cette mesure.
En outre, l’avocat assistant une personne majeure pourra être informé de cette décision lors de la consultation du procès-verbal constatant la notification du placement en garde à vue et des droits qui y sont attachés.
Enfin, comme l’a souligné à l’instant M. le rapporteur, des garanties supplémentaires sont prescrites pour les personnes mineures ou protégées, à savoir l’information sans délai de leurs représentants légaux, ainsi que de l’avocat qui les assiste, et le recueil de l’avis du médecin quant à la compatibilité de la mesure de surveillance avec leur état de santé.
Je terminerai en rappelant que, lors de l’examen du présent texte, le Conseil d’État s’est expressément prononcé sur ce point et n’a considéré l’information de l’avocat comme nécessaire que pour ces seuls publics vulnérables.
Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 81, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 18
1° Première phrase
Supprimer les mots :
hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire,
2° Première et deuxième phrases
Remplacer les mots :
sept jours
par les mots :
quarante-huit heures
3° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
un mois
par les mots :
sept jours
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Marc Fesneau, ministre délégué. L’amendement n° 81 vise à rétablir les durées initialement envisagées pour la conservation des images. Le Conseil d’État avait considéré que celles-ci devaient être extrêmement limitées.
Mme la présidente. L’amendement n° 66, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 18, première et deuxième phrases
Remplacer le mot :
sept
par le mot :
trente
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. L’objet du présent amendement est parfaitement opposé à celui de l’amendement du Gouvernement. Celui-ci à vise raccourcir les durées de conservation des images ; pour notre part, nous proposons de les allonger.
Dans son rapport annuel de 2019, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a effectivement jugé nécessaire que les images de vidéosurveillance soient sauvegardées de manière centralisée, dans des conditions ne permettant pas de les modifier et pendant un délai suffisant pour que les signalements soient effectués.
Les délais actuellement prévus de 7 jours et 48 heures – délais qui ont déjà été rallongés – nous apparaissent trop courts pour que ce droit d’accès soit réellement effectif.
Le présent amendement tend donc à étendre à 30 jours le délai de conservation des images de vidéosurveillance, afin d’assurer un droit d’accès effectif à la personne concernée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ces deux amendements expriment des objectifs contradictoires.
Celui du Gouvernement tend à rétablir le texte initial sur deux points : la durée de conservation des images issues de la vidéosurveillance en garde à vue, d’une part, et l’impossibilité de les conserver pour une procédure judiciaire administrative ou disciplinaire, d’autre part.
Les modifications que nous avons apportées en commission me semblent toutefois nécessaires. En particulier, la durée de conservation des images proposée par le Gouvernement est bien trop courte pour permettre à la personne placée sous vidéosurveillance de faire appel à un conseil et d’engager, si elle le souhaite, une procédure judiciaire. C’est bien dans l’intérêt des personnes gardées à vue que la commission est allée dans le sens d’un allongement des délais !
L’avis de la commission sur l’amendement n° 81 est, en conséquence, défavorable.
L’amendement n° 66 vise pour sa part à porter la durée de conservation des images issues de la vidéosurveillance de cellules de garde à vue à 30 jours dans tous les cas, ses auteurs estimant que les délais de 48 heures et de 7 jours sont trop courts pour que le droit d’accès des personnes gardées à vue soit réellement effectif. Nous sommes d’accord sur ce point ; c’est pourquoi la commission a porté ces délais, respectivement, à 7 jours et un mois.
L’amendement n° 66 semblant pleinement satisfait par le texte de la commission, je ne peux que vous inviter à le retirer, mon cher collègue. À défaut, je serais condamné à émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre délégué. L’amendement n° 66 est effectivement orthogonal à celui que le Gouvernement a présenté. Comme l’a très bien dit le rapporteur, la CNIL et le Conseil d’État exigent désormais que les durées de conservation des images captées soient les plus courtes possible, afin de limiter les risques d’atteinte à la vie privée ; ces durées doivent être strictement proportionnées aux finalités pour lesquelles la captation est autorisée. C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable sur cet amendement qui vise, contrairement au nôtre, à allonger la durée de conservation de ces images.
Mme la présidente. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 66 est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Non, je le retire, monsieur le président.
Mme la présidente. L’amendement n° 66 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 81.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 18, deuxième phrase
Après le mot :
demande
insérer les mots :
après avoir été informée sans délai de ce droit et
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est toujours question ici des droits de la personne gardée à vue. Nous demandons par cet amendement qu’il soit précisé, à l’alinéa 18 de l’article 7, que la possibilité de demander une conservation plus longue des enregistrements est portée à la connaissance du gardé à vue. C’est d’ailleurs une demande que le Conseil d’État avait formulée dans son avis sur ce texte – précisément en son point 29 ; pourtant, de manière assez curieuse, cette demande n’a pas été suivie d’effet. Nous souhaitons que la personne gardée à vue soit informée sans délai de cette possibilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je vais demander à Mme Marie-Pierre de La Gontrie de bien vouloir retirer son amendement, qui me semble parfaitement satisfait par la rédaction de l’alinéa 13 de l’article 7. J’en donne lecture : « La personne concernée, son avocat ainsi que ses représentants légaux lorsqu’elle est mineure et son avocat et, le cas échéant, son curateur ou son tuteur lorsqu’elle est sous protection juridique sont informés du droit prévu de demander la conservation des enregistrements ainsi que de la durée de cette conservation. » La précision que vous demandez figure expressément à cet alinéa !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je retire mon amendement avec élégance, comme me le suggère mon collègue Jean-Pierre Sueur ! (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 18 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 49 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 76 rectifié est présenté par Mme M. Carrère et MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Guiol, Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 18, après la deuxième phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
Dès la demande de conservation des enregistrements, une copie de ceux-ci sont mis à disposition de la personne ayant fait l’objet de la mesure et de son avocat. La copie de ces enregistrements est versée au dossier quelle que soit l’issue de la garde à vue.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 49.
Mme Laurence Cohen. Avec ce dernier amendement de repli sur l’article 7, nous souhaitons permettre à la personne faisant l’objet de la mesure de surveillance et à son avocat de disposer d’une copie des enregistrements dès lors que ceux-ci sont conservés, comme le prévoit le dispositif. Nous souhaitons également que cette copie soit versée au dossier.
En effet, il apparaît indispensable pour assurer les droits de la défense que la personne faisant l’objet de la mesure, contestant les conditions de la garde à vue et souhaitant conserver les enregistrements, puisse avec son avocat avoir accès à une copie de ces derniers. Celle-ci doit leur permettre de justifier, le cas échéant, de possibles manquements durant la garde à vue. De plus, cette copie étant susceptible de constituer un élément de preuve, elle doit être versée au dossier pénal.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° 76 rectifié.
M. Christian Bilhac. Cet amendement de ma collègue Maryse Carrère vise, lui aussi, à permettre à la personne faisant l’objet de la mesure de surveillance, dès la demande de conservation des enregistrements, de disposer d’une copie de ceux-ci et à prévoir le versement de cette copie au dossier.
Ce mécanisme ne semble pas poser de difficultés particulières. Il reviendrait à assurer davantage les droits de la défense, sans provoquer un quelconque déséquilibre dans le mécanisme projeté. La personne faisant l’objet de la mesure, contestant les conditions de sa garde à vue et souhaitant conserver les enregistrements pourrait simplement avoir accès à une copie de ces derniers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Les auteurs de ces amendements jugent indispensable que, en cas de manquements commis pendant la garde à vue, une copie des enregistrements soit versée au dossier pénal. Je les rassure sur ce point : c’est exactement ce qui est prévu dans l’article en cas de saisine de la justice pour ce motif ; les enregistrements ne sont alors évidemment pas détruits, mais versés au dossier.
Quant au second point qu’ils soulèvent, si un manquement est commis pendant la garde à vue, celui-ci doit être signalé à la justice, qui conserve alors les enregistrements ; l’avocat peut ensuite y avoir accès. En revanche, prévoir une transmission systématique, alors même qu’aucune procédure n’est encore lancée, paraît pour le coup contraire à la protection des données personnelles.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que l’avis de la commission sur ces amendements est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre délégué. Les dispositions actuelles permettent déjà à la personne qui en fait la demande d’exercer son droit d’accès, conformément au cadre relatif à la protection des données personnelles.
Rendre cette communication systématique poserait deux problèmes majeurs : d’une part, la communication ne serait liée à aucune procédure, ce qui permettrait au gardé à vue d’obtenir la vidéo sans aucun contrôle par l’autorité judiciaire et sans que l’on sache ce qu’il entend en faire ; d’autre part – élément encore plus important –, elle méconnaîtrait le droit des tiers puisque, bien souvent, le gardé à vue ne sera pas le seul à apparaître sur l’enregistrement vidéo.
Pour l’ensemble de ces motifs, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 et 76 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il fixe les caractéristiques techniques des pare-vues destinés à garantir l’intimité de la personne tout en permettant la restitution d’images opacifiées.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Permettez-moi d’abord, mes chers collègues, de citer mes sources : cet amendement a été inspiré par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Nous avons noté que, sur la proposition des rapporteurs, la commission des lois a renforcé les garanties applicables au régime de vidéosurveillance des cellules de garde à vue ou de retenue douanière, en interdisant les rapprochements, interconnexions ou mises en relation automatisés des images captées avec d’autres traitements de données à caractère personnel. Très bien !
Nous vous proposons de parfaire l’encadrement législatif des gardes à vue vidéosurveillées en complétant le décret qui sera chargé de mettre en application ce dispositif. En effet, l’alinéa 20 de l’article 7 renvoie au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités d’utilisation des données collectées. Conformément aux recommandations de la CNIL, nous proposons donc que le décret définisse les caractéristiques techniques des pare-vues destinés à garantir l’intimité de la personne, tout en permettant la restitution d’images opacifiées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Si l’on peut évidemment considérer qu’il faille protéger l’intimité et la vie privée des personnes gardées à vue, notamment en cas de placement sous vidéosurveillance, je ne suis pas certain en revanche que cette garantie ait à être insérée dans la loi, avec un renvoi vers un décret en Conseil d’État. Le niveau de norme ici retenu ne me semble pas adéquat pour une telle décision ; ces garanties devront être explicitées dans les textes d’application du projet de loi.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Article additionnel après l’article 7
Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport détaillant les grands axes de la politique globale de réhabilitation des cellules de gardes à vue.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Au travers de cet amendement, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement, six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport détaillant les grands axes de la politique globale de réhabilitation des cellules de garde à vue.
En effet, cela semble plus qu’urgent. Nous connaissions l’état de délabrement de ce genre de lieux de rétention, mais la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté en fait également état dans un rapport récent. Ainsi, après avoir visité 17 commissariats, Dominique Simonnot juge « indigne » l’état de ces cellules et dénonce le non-respect des mesures sanitaires en période de pandémie, insistant sur la « saleté innommable » des lieux visités, « les plus médiocres des locaux administratifs ».
Alors que notre pays a été rappelé à l’ordre en janvier 2020 et invité à mettre en œuvre un dispositif contraignant d’appel pour les détenus entendant dénoncer des conditions de détention indignes, il serait peut-être temps de prendre en compte toutes ces alertes et d’engager un plan de réhabilitation de ces lieux de détention. Il y va du respect de la dignité de la personne humaine.
Cela ne passera pas par la construction de nouvelles places de prison, solution qui semble magique à ce gouvernement, mais par la prise en compte de l’existant et par une réflexion sur la nature de la peine d’emprisonnement et sur son sens.
Le Gouvernement dit se préoccuper, dans l’exposé des motifs du projet de loi, de l’état de détresse des détenus en garde à vue, dont il souhaite assurer la sécurité par un dispositif de vidéosurveillance ; pour notre part, nous pensons que leur sécurité physique et psychologique serait mieux assurée si les locaux dédiés étaient réhabilités. Un rapport en ce sens serait très instructif et permettrait au Gouvernement d’apporter une réponse rapide à la situation. Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Dans un rapport récent, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a en effet dénoncé l’état des cellules de garde à vue. Dans sa réponse, le ministère de l’intérieur a indiqué que des efforts étaient engagés depuis plusieurs années pour améliorer la situation matérielle, tout en reconnaissant que ce processus devait se poursuivre.
Néanmoins, vous connaissez la jurisprudence, si je puis dire, de la commission des lois sur les demandes de rapport, ma chère collègue. Je prends donc votre amendement comme un amendement d’appel et vous invite à le retirer, à raison des explications que ne manquera pas de vous donner M. le ministre, ou son collègue de l’intérieur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre délégué. Vous avez raison, madame la sénatrice, de soulever ce sujet, qui est récurrent, mais qui a encore été abordé récemment dans un rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté.
Le Gouvernement est tout à fait conscient de ces éléments. Le Premier ministre et le ministre de l’intérieur ont d’ailleurs conçu un certain nombre d’actions, que l’on voit se développer au fur et à mesure dans les territoires.
Cela dit, vous avez raison, toutes les situations ne sont pas résolues : il demeure un certain nombre de lieux requérant des investissements de modernisation afin que les personnes gardées à vue le soient dans des conditions acceptables au regard de nos principes démocratiques et républicains.
Je vois donc bien ce qui motive votre demande de rapport. Toutefois, il est vrai que le Gouvernement est assez peu enclin à favoriser ces demandes ; comme votre rapporteur, je considère votre amendement comme un amendement d’appel.
Sachez en tout cas que le Gouvernement est pleinement mobilisé sur la question ! Si l’on examine les investissements engagés dans les commissariats et les gendarmeries, on constate bien que la question des lieux de garde à vue est souvent traitée au travers de la modernisation globale de ces établissements. Nous sommes déjà engagés dans ce mouvement, qui relève d’ailleurs plus du domaine budgétaire que d’un rapport.
En tout état de cause, madame la sénatrice, vous avez raison d’exercer votre vigilance dans ce domaine comme dans d’autres !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’ai bien compris votre réponse, monsieur le ministre, et je connais par ailleurs la jurisprudence de notre maison en matière de rapport, mais peut-être pourrait-on organiser, dans le cadre des États généraux de la justice, un débat particulier sur l’état des prisons et des cellules de garde à vue, car ce sujet nous pose problème. À l’évidence, nous retrouverons cette question lors du débat budgétaire, mais il ne me semblerait pas superfétatoire de prévoir un chapitre complet sur le sujet lors de ces États généraux.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je connais et j’ai défendu x fois la jurisprudence de la commission des lois en matière de demande de rapport, mais il est des cas pour lesquels il faut faire des exceptions.
Or, à lire ce rapport de la Contrôleure générale des lieux de privations de liberté, Mme Dominique Simonnot, et notamment les descriptions précises qu’elle et son équipe ont faites après leurs visites sur place, on découvre que les conditions de détention sont, comme l’a indiqué Mme Cohen, innommables. Par conséquent, nous devrions faire, symboliquement, une exception à ce sujet.
J’ai indiqué ce que je pensais de ces fameux États généraux, qui permettront au Président de la République de faire, dans quelques mois, diverses déclarations ; il ne serait pas inopportun que paraisse en même temps un rapport sur ces tristes réalités. Cela pourrait inciter le Gouvernement – tout gouvernement a besoin d’être incité, monsieur le ministre, même le vôtre ! – à mener des actions concrètes dans ce domaine.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.