Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Permettez-moi de vous lire un extrait du témoignage de Sandrine Bouglione, qui appartient à la grande famille du cirque Bouglione, mais qui est aussi présidente de l’association Objectif 100 % humain et fondatrice de l’écocirque Joseph Bouglione.
« Le cirque animalier, dit-elle, peut paraître un sujet mineur, comparé à tout ce que subissent par ailleurs les animaux. Néanmoins nous exerçons une certaine influence sur les mentalités et sur le regard que la société porte sur les animaux, et ceci dès la plus tendre enfance de notre public, de génération en génération.
« Heureusement, les temps changent et la société évolue. Aujourd’hui, l’idée de maintenir en captivité des animaux sauvages appartenant à des espèces en voie d’extinction dans leur milieu naturel, dans l’unique but de les exhiber dans des spectacles à destination des familles, et plus particulièrement des enfants, est devenue insupportable pour la grande majorité de la population.
« Ils sont merveilleusement beaux et charismatiques, et comme tout le monde veut les voir en vrai, nous nous permettions de les emprisonner à vie, eux et leur descendance. Ils sont donc victimes de leur beauté et de leur charisme, que l’on donnait à “consommer” le dimanche, en famille.
« Ce fut donc pour nous mettre en accord avec nous-mêmes, et aussi pour tenir enfin compte de l’évolution positive de la société sur la question animale, que nous avons finalement décidé de ne plus jamais exploiter d’animaux dans nos futurs spectacles.
« Dans le monde de l’exploitation animale, le cirque animalier occupe une place importante. Il convient de l’arrêter en premier, car [cette exploitation] est non seulement la plus futile et la plus inutile, elle est aussi celle qui a le plus de conséquences néfastes sur notre perception erronée du statut des animaux dans notre société. »
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure. Nous vous accueillons avec plaisir, madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, à cet instant de notre débat où nous abordons le sujet des cirques et des delphinariums.
Avant d’entamer l’examen des amendements, permettez-moi de vous présenter la teneur des travaux que j’ai menés au nom de la commission sur ce sujet. Ce fut un long cheminement, avec des déplacements et des auditions, ayant conduit la commission à proposer une solution de compromis.
Pour les spectacles itinérants, il s’agit d’une liste mentionnant l’ensemble des animaux non domestiques dont la détention est interdite pour ces spectacles, liste établie après une concertation générale avec l’ensemble des parties prenantes, professionnels et experts. Le rythme d’interdiction est adapté selon le degré d’adéquation des besoins physiologiques de l’animal avec le mode de vie itinérant.
Cette solution n’est pas originale. Elle recoupe en grande partie, en l’enrichissant, la version initiale de la proposition de loi.
Je rejoins donc les rapporteurs de l’Assemblée nationale dans leurs travaux initiaux et ceux qui prétendent que le Sénat dénature le texte se trompent. Nous revenons à son essence, en débattant de modalités d’application de l’article respectueuses des professionnels, ce qui, à terme, mes chers collègues, vous aidera à prendre une décision fondée.
Pour les parcs aquatiques marins, il s’agit d’une possibilité donnée au Gouvernement de prendre des mesures d’interdiction, en tenant compte du respect d’un certain nombre de critères, notamment la capacité d’accueillir les animaux dans des conditions satisfaisantes et exemplaires.
Dans les deux cas, la solution proposée, qui s’appuie sur le dialogue et l’intelligence collective, bâtie sur des décisions de l’ensemble des parties prenantes, me paraît la plus adaptée.
Le risque lié à une interdiction sans concertation et sans consensus est de créer des effets de bord. Les professionnels des parcs aquatiques sont, par exemple, à l’origine d’avancées en matière de recherche sur l’éthologie des dauphins, permettant de mieux comprendre, aussi, les comportements de ces animaux en mer. On dénombre 67 articles scientifiques, en huit ans, publiés dans des revues internationales. Une interdiction pure et simple pourrait desservir in fine la connaissance des dauphins et le sauvetage de milliers d’entre eux qui se retrouvent, chaque année, piégés en mer.
C’est pourquoi la solution que nous proposons n’est en rien un recul massif. C’est juste, je tiens à le rappeler, un encadrement et une meilleure association de toutes les parties prenantes à l’élaboration de solutions solides.
Le cirque, madame la secrétaire d’État, est un patrimoine et un mode de vie. Qu’il y ait aujourd’hui des difficultés, nous l’entendons tous, qu’il y ait des décisions à prendre, nous y sommes parfaitement décidés. En revanche, le faire dans le respect de cette profession, que nous estimons, me paraît nécessaire pour l’avenir.
Sur la question des dauphins, vous le savez comme moi, le Sénat s’est fixé une ligne rouge : la reproduction. Cette reproduction et la contraception non cancérogène ne trouvent pas de solution et de réponse dans l’immédiat. Il me paraît donc extrêmement difficile de vous donner gain de cause sur ce sujet.
Voilà ! Le décor est planté ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 19, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre II du code rural et de la pêche maritime est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Dispositions relatives aux animaux sauvages détenus en captivité à des fins de divertissement
« Art. L. 211-33. – I. – Il est interdit de détenir, de commercialiser ou de transporter, en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants, des animaux des espèces n’appartenant pas aux espèces, races ou variétés d’animaux domestiques définies par voie réglementaire.
« II. – Il est interdit d’acquérir, de commercialiser ou de transporter, en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants, des spécimens d’animaux des espèces mentionnées au I.
« III. – Il est interdit de faire se reproduire les animaux des espèces mentionnées au I lorsqu’ils sont détenus en vue d’être présentés au public dans des établissements itinérants.
« IV. – Les certificats de capacité et les autorisations d’ouverture prévus aux articles L. 413-2 et L. 413-3 du code de l’environnement ne peuvent être délivrés aux personnes ou établissements souhaitant détenir, en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants, des animaux des espèces non domestiques dont la liste est mentionnée au I du présent article.
« Les autorisations d’ouverture délivrées aux établissements réalisant une des activités interdites par le présent article sont abrogées dès le départ des animaux détenus.
« Art. L. 211-34. – I. – Il est interdit de détenir en captivité des spécimens de cétacés, sauf au sein d’établissements ayant pour finalité de prodiguer des soins aux animaux de la faune sauvage trouvés blessés ou affaiblis dans la nature ou dont les propriétaires ont souhaité se dessaisir ou y ont été contraints.
« II. – La participation de spécimens de cétacés à des spectacles est interdite dans les établissements ayant pour finalité de prodiguer des soins aux animaux de la faune sauvage trouvés blessés ou affaiblis dans la nature ou dont les propriétaires ont souhaité se dessaisir ou y ont été contraints.
« III. – La reproduction des cétacés détenus en captivité est interdite.
« IV. – Toute nouvelle acquisition de cétacés par des établissements est interdite, sauf pour les établissements ayant pour finalité de prodiguer des soins aux animaux de la faune sauvage trouvés blessés ou affaiblis dans la nature ou dont les propriétaires ont souhaité se dessaisir ou y ont été contraints.
« V. – Les certificats de capacité et les autorisations d’ouverture prévus aux articles L. 413-2 et L. 413-3 du code de l’environnement ne peuvent être délivrés aux personnes souhaitant détenir des cétacés, sauf au sein d’établissements ayant pour finalité de prodiguer des soins aux animaux de la faune sauvage trouvés blessés ou affaiblis dans la nature ou dont les propriétaires ont souhaité se dessaisir ou y ont été contraints.
« VI. – Les autorisations d’ouverture délivrées aux établissements réalisant une des activités interdites par le présent article sont abrogées dès le départ des animaux détenus.
« VII. – Les conditions de mise en œuvre des dispositions du présent article sont précisées par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature. »
II. – Le I de l’article L. 211-33 du code rural et de la pêche maritime entre en vigueur cinq ans après la promulgation de la présente loi.
III. – Le I de l’article L. 211-34 du même code entre en vigueur dans un délai de sept ans à compter de la promulgation de la présente loi, excepté pour la détention d’orques Orcinus orca, pour laquelle le même I entre en vigueur deux ans après la promulgation de la présente loi. À défaut d’établissement ayant pour finalité de prodiguer des soins aux animaux de la faune sauvage trouvés blessés ou affaiblis dans la nature ou dont les propriétaires ont souhaité se dessaisir ou y ont été contraints, l’interdiction de détention d’orques, en dehors de ces établissements, entre en vigueur dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la présente loi.
IV. – La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre IV du code de l’environnement est complétée par un article L. 413-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 413-5-1. – Les établissements de spectacles fixes présentant au public des animaux vivants d’espèces non domestiques sont soumis aux règles générales de fonctionnement et répondent aux caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère. Les modalités d’application du présent article sont précisées par voie réglementaire. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Dans sa version initiale, la proposition de loi avait le mérite d’instaurer une interdiction, pour les établissements itinérants détenant des animaux non domestiques et pour les établissements détenant des cétacés.
Malheureusement, le Sénat, en décidant d’une nouvelle rédaction de l’article 12, est revenu sur l’interdiction générale pour les cirques détenant des animaux non domestiques, ainsi que pour les montreurs d’ours et de loups, de commercialisation, transport, acquisition, reproduction des animaux et ouverture de nouveaux établissements. Cette nouvelle rédaction prévoit également de nombreuses dérogations.
Mes chers collègues, de plus en plus de communes refusent d’accueillir des cirques détenant des animaux ; de plus en plus de nos concitoyens se détournent du spectacle d’animaux sauvages, trop souvent malheureux. Quel animal sauvage passant sa vie enfermé dans une cage, transporté, privé d’espace et de liberté et exposé sur une piste ou ailleurs, à réaliser des numéros devant une foule bruyante, peut en effet se sentir bien ?
Nous pouvons entendre la nostalgie, celle des spectateurs et des circassiens qui voient leur mode de vie et de représentation changer, mais il est temps que ces pratiques s’éteignent et que nous proposions à nos enfants une autre vision que celle de malheureuses bêtes exposées sous les lumières et enfermées dans l’ombre.
Les arts magnifiques du cirque se diversifient et continuent de nous faire rêver, nous et nos enfants. Ils peuvent le faire sans maltraiter d’animaux.
Au spectacle sordide de l’enfermement, nous préférons le respect du vivant, ainsi que la diversité et la créativité que le cirque est capable d’offrir. C’est pourquoi nous proposons de rétablir l’article 12 dans sa version initiale, telle qu’elle a été proposée et votée par l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. L’amendement n° 69, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 413-5 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 413-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 413-5-…. – I. – Est interdit tout spectacle ayant recours à des animaux d’espèces non domestiques dans le délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale.
« Durant ce délai, les spectacles ayant recours à des animaux d’espèces non domestiques doivent être adaptés aux possibilités physiologiques et aux comportements naturels des animaux. L’emploi de musique trop forte ainsi que l’usage de feux d’artifice sont prohibés. Les modalités d’application du présent alinéa sont déterminées par décret.
« Durant ce délai, les animaux peuvent être confiés à des fondations ou associations de protection animale reconnues d’utilité publique ou déclarées, qui peuvent librement en disposer.
« Tout propriétaire d’un animal d’espèce non domestique utilisé pour le spectacle est tenu de procéder à son enregistrement dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° du visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale, dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l’environnement.
« Les dispositions du présent I ne s’appliquent pas aux parcs zoologiques constituant des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent, présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère et ayant des missions de conservation de la biodiversité, d’éducation du public et de recherche. Ces établissements sont tenus d’offrir aux animaux qu’ils détiennent des conditions de détention compatibles avec leurs impératifs biologiques.
« II. – À compter de la date mentionnée au premier alinéa du I, la violation de l’interdiction mentionnée au même I est punie d’une amende de 50 000 euros par animal.
« En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l’animal, qu’il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal prononce la confiscation de l’animal. Ce dernier est remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, qui peut librement en disposer.
« Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d’interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d’exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale en lien avec la détention d’animaux dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales.
« Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, encourent les peines suivantes :
« – une amende en application de l’article 131-38 du même code ;
« – les peines prévues aux 2° , 4° , 8° et 9° de l’article 131-39 dudit code.
« III. – Les dispositions relatives à la mise en œuvre de l’interdiction prévue au I du présent article et les modalités de prise en charge des animaux par le milieu associatif de la protection animale sont fixées par décret en Conseil d’État.
« IV. – La reproduction des spécimens de l’espèce Orcinus orca et de l’espèce Tursiops truncatus régulièrement détenus en France est interdite à compter de la promulgation de la loi n° du visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale.
« La reproduction de spécimens d’espèces non domestiques détenus au sein d’établissements de spectacles itinérants est interdite à compter de la promulgation de la loi n° du visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale.
« Dans un délai de cinq années à compter de la promulgation de la loi n° du visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale, la détention en captivité de spécimens de cétacés est interdite à l’exception des spécimens de l’espèce Orcinus orca et de l’espèce Tursiops truncatus hébergés dans des établissements installés en mer à des fins de réhabilitation.
« La violation des interdictions figurant aux trois alinéas précédents est punie d’une amende de 50 000 euros par animal.
« Un arrêté du ministre chargé de l’environnement fixe les modalités de mise en œuvre des dispositions du présent IV. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à prévoir la fin des spectacles d’animaux sauvages pour l’ensemble des établissements de spectacle, qu’ils soient fixes ou itinérants, excepté les établissements zoologiques, et pour l’ensemble des animaux d’espèces non domestiques dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.
L’itinérance est un facteur aggravant, mais les problèmes majeurs sont bien le dressage et la captivité, sans parler du risque lié à la sédentarisation des cirques itinérants ou du cas des montreurs d’ours.
Nous déplorons, madame la rapporteure, le recul de la commission par rapport au texte initial. La rédaction de la commission prévoit de nombreuses dérogations et ne répond donc aucunement à la volonté des Françaises et des Français, dans leur immense majorité, d’en terminer avec la détention et l’exploitation des animaux sauvages dans les cirques, les delphinariums et autres établissements de spectacle.
Selon un sondage de l’Institut français d’opinion publique, l’IFOP, et de la fondation 30 millions d’amis datant de janvier 2020, 72 % des Français souhaitent une interdiction des animaux sauvages dans les cirques – cette interdiction est déjà en vigueur dans 23 des 27 pays de l’Union européenne – et 69 % se déclarent favorables à l’interdiction des delphinariums.
Mais le plus important, c’est que le bien-être des animaux détenus et utilisés par les établissements de présentation publique ne peut pas être assuré en raison de multiples déplacements, de la limitation et de l’inadéquation de l’espace disponible, ainsi que de la contrainte exercée pour réaliser des mouvements et des prestations inadéquates.
En juin 2018, la Fédération des vétérinaires d’Europe a ainsi recommandé à toutes les autorités compétentes, européennes et nationales, d’interdire l’utilisation de mammifères sauvages dans les cirques itinérants dans toute l’Europe, compte tenu de l’impossibilité absolue de répondre de façon adéquate à leurs besoins physiologiques, mentaux et sociaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure. Mes chers collègues, vous le savez, l’intention de la commission n’était absolument pas de supprimer ces articles. Elle a souhaité les réécrire, de telle sorte que l’intention soit respectée, mais dans le cadre d’une application concertée, et que l’on tienne bien compte des effets de bord des décisions prises – c’est très important, notamment lorsque l’on veut lutter contre la maltraitance animale.
Par conséquent, j’émettrai un avis défavorable sur l’amendement n° 19 tendant à revenir au texte initial de la proposition de loi, et ce bien que les positions ne soient pas si éloignées s’agissant des cirques, ainsi que sur l’amendement n° 69 visant à interdire tout spectacle d’animaux non domestiques, ainsi que la reproduction et la détention de cétacés.
J’en profite pour ajouter un élément essentiel.
Vouloir revenir à la position initiale maintient un véritable angle mort. Aujourd’hui, il n’existe pas de possibilités suffisantes et satisfaisantes pour garantir l’avenir des animaux visés, une fois que leur détention sera déclarée illégale. Amenés à légiférer ce soir, nous ne pouvons pas dire : après nous, le déluge ! Si nous décidons d’une interdiction totale et brutale, que fera-t-on de ces animaux ? On portera en fait préjudice à leur bien-être. Ils n’y survivront pas, ou bien ils seront envoyés dans des pays où la détention est autorisée, dans des conditions qui ne sont pas du tout encadrées comme en France.
Pour prendre l’exemple des dauphins, il n’y a à l’heure actuelle plus de place dans les parcs européens et il n’existe pas de sanctuaire, quoi qu’on en dise. Dès lors, interdire la détention en France, c’est condamner ces animaux à être transférés dans des pays asiatiques ou moyen-orientaux où les législations sur le bien-être animal sont inexistantes. Voulez-vous, mes chers collègues, retrouver des dauphins ou des orques dans des piscines d’hôtels de luxe ? C’est, en clair, là où nous mèneraient certaines décisions…
Si c’est avant tout le bien-être animal que l’on vise, alors, je l’affirme, plutôt que d’adopter une posture idéologique, notre priorité doit être d’assurer leur avenir. Nous assurer que l’avenir de ces animaux soit en France, dans des conditions encadrées, définies par la loi, me semble plus raisonnable que de les envoyer sur d’autres continents, dans des pays sans cadre législatif en matière de bien-être animal.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Je suis très heureuse de vous retrouver, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’occasion de ce débat, essentiel, qui accompagne des prises de conscience, des éclairages scientifiques nous appelant, aujourd’hui, à légiférer sur le bien-être et le respect des besoins physiologiques de certaines espèces sauvages, notamment au regard des modes de vie itinérants.
À l’amendement n° 19, qui vise à revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, je préfère l’amendement n° 174 que nous examinerons tout à l’heure, dont l’adoption permettrait de conserver l’alinéa 4 de l’article 12 dans sa version issue de la commission des affaires économiques du Sénat. Cet alinéa dispose que la liste des espèces animales interdites en établissements itinérants est fixée par voie réglementaire. De même, pour les cétacés, nous pourrons retenir les dispositions que tend à introduire l’amendement n° 176.
Pour ces raisons, je demande le retrait de l’amendement n° 19, au profit des amendements nos 174 et 176.
J’en viens à l’amendement n° 69. La présentation d’animaux d’espèces non domestiques, si elle est suffisamment encadrée et si les besoins de l’animal sont bien pris en compte, n’est pas forcément génératrice de mal-être. Nous avons réellement constaté, en fonction des espèces et de leurs besoins physiologiques, qu’il était possible de détenir de tels animaux en itinérance.
Permettez-moi d’indiquer, en réponse à Mme la rapporteure, que, pour avoir moi-même choisi le mode de vie du spectacle itinérant et pour l’avoir partagé avec de nombreux circassiens, j’en sais la richesse, je connais le respect, la passion et l’engagement de ces hommes et de ces femmes. Il faudra bien évidemment, et ce sera aussi un engagement très fort de notre part tout au long de l’examen du texte, que nous veillions à les accompagner lorsqu’ils seront concernés par les mesures.
Quoi qu’il en soit, il y a des impératifs biologiques. Certaines espèces, par exemple, sont inféodées à l’eau, comme les hippopotames ou les otaries ; les grands herbivores ou carnivores ont besoin d’espace pour se déplacer.
C’est pour ces raisons que nous avons choisi de cibler certaines espèces, en tenant compte de l’itinérance et de ses effets particuliers sur ces impératifs biologiques.
Tel sera le cadre auquel je me tiendrai durant toute la discussion des amendements portant sur cet article 12, avec évidemment quelques nuances. Et c’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 69 tendant à interdire tout spectacle présentant des espèces animales.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je ne pense pas, madame la rapporteure, que nous ayons adopté une posture idéologique. Comme vous pouvez le constater, la France, une fois de plus, est en retard dans ce domaine, puisque 23 pays européens sur 27 ont déjà évolué grandement sur le sujet.
Nous ne demandons pas que tout se fasse du jour au lendemain… Moi aussi je connais un peu les circassiens et je sais qu’ils prêtent beaucoup d’attention à leurs animaux et qu’ils les ont en grande affection. Mais, à un moment, il faut poser des actes et ce que nous proposons, c’est une interdiction à cinq ans. Cela nous laisse donc plusieurs années pour évoluer et faire en sorte que le nombre d’animaux restant dans les cirques soit limité. Notre pays a les moyens, je pense, de fournir des refuges adéquats à tous ces animaux.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 186 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 260 |
Pour l’adoption | 31 |
Contre | 229 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 69.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)