Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’amendement n° 27 rectifié bis vise à opérer un prélèvement sur la rémunération des détenus pour financer leurs frais d’entretien en établissement pénitentiaire. Or les détenus ont déjà l’obligation de « cantiner », car de nombreux services sont payants, comme la télévision ou le téléphone.
Je rappelle en outre que les détenus perçoivent des rémunérations extrêmement faibles, comprises entre 250 et 500 euros au plus par mois, et que cette rémunération sert également à indemniser d’éventuelles victimes.
En conséquence, nous émettons un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’ai dit que les amendements nos 85 et 84 risquaient de faire fuir les patrons. Avec les amendements nos 27 rectifié bis et 26 rectifié bis, vous allez dissuader les détenus de travailler !
Vous voulez opposer ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, et rendre le statut des premiers moins favorable encore. On marche sur la tête ! Le but du travail en prison est de lutter contre la récidive et de favoriser la réinsertion, pas de démolir les gens.
Enfin, vous devriez savoir que la loi ne s’arrête pas aux portes des prisons, monsieur le sénateur. Les détenus payent l’impôt sur le revenu !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. J’entends la demande de notre rapporteur.
Monsieur le garde des sceaux, la vraie vie, elle vaut pour tout le monde, y compris pour les détenus. L’un des problèmes de notre société aujourd’hui, c’est que des personnes qui travaillent ont un revenu plus faible que celles qui bénéficient du soutien de la société.
M. Daniel Gremillet. Comme vous, je souhaite la réinsertion des détenus,…
M. Daniel Gremillet. … mais je pense qu’il faut pour cela les préparer à la vraie vie après leur sortie de prison.
Cela étant, je retire ces deux amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 27 rectifié bis et 26 rectifié bis sont retirés.
L’amendement n° 171 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 53
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La rémunération à la pièce est interdite dans le cadre d’un contrat d’emploi pénitentiaire.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Pour nous, le contrat d’emploi pénitentiaire est une avancée de ce projet de loi. Cet amendement vise toutefois à interdire formellement la rémunération à la pièce, fréquemment utilisée dans les ateliers de travail en détention.
La rémunération à la pièce oblige les détenus à adopter une certaine cadence, pour une rémunération bien plus faible que le minimum prétendument garanti par la loi pénitentiaire de 2009, en raison de son mode de calcul. Les contrôleurs des lieux de privation de liberté ont maintes fois dénoncé cette pratique.
Les entreprises concessionnaires y trouvent certes un intérêt économique. Pour autant, l’interdiction de la rémunération à la pièce n’empêcherait pas nécessairement les entreprises de proposer du travail aux détenus. Rien ne le prouve en tout cas pour l’instant.
Nous pensons pour notre part que ce mode de rémunération, s’il n’est pas assez encadré, cache une faible protection du travailleur, dans ses droits comme dans le niveau de revenus qu’il est en droit d’attendre de son travail. Pour cette raison, nous ne souhaitons pas autoriser ce mode de rémunération.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement d’appel prévoit d’interdire la rémunération à la pièce. Déjà inscrite dans les textes, cette interdiction est imparfaitement appliquée sur le terrain.
L’article 12 du projet de loi prévoit que la rémunération des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le SMIC.
Nous souhaiterions néanmoins, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez si, à l’occasion de la mise en œuvre de ce contrat d’emploi pénitentiaire, l’administration pénitentiaire entend effectivement faire respecter les textes et interdire cette rémunération à la pièce.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je vous confirme que l’administration pénitentiaire respectera les textes, madame la rapporteure !
Nous sommes défavorables au paiement à la pièce, mais nous comptons y mettre fin avec l’obligation de rémunération horaire inscrite dans la loi. Seul le taux horaire sera retenu.
Je sollicite donc le retrait de votre amendement, monsieur Benarroche.
Rappelons tout de même qu’un détenu est rémunéré 3 euros de l’heure. C’est intéressant pour le patron, pour le détenu, qui reste ainsi en contact avec les codes de la société, et pour nous tous, en favorisant la réinsertion.
Mme la présidente. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 171 rectifié est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 82, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 54 à 62
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, nous souhaitons supprimer les alinéas de cet article qui renvoient à un décret en Conseil d’État la définition de nombreuses conditions salariales pour les détenus ayant accès au travail.
J’entends, monsieur le garde des sceaux, votre volonté de faire revenir, si ce n’est les patrons, en tout cas le monde de l’entreprise au sein des établissements pénitentiaires. Il me semble néanmoins que nous devrions pouvoir en débattre au Parlement, et tenir un discours de franchise.
Il faudrait, selon nous, inscrire dans la loi les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail, la durée du travail effectif à temps complet ainsi que les différents régimes d’heures supplémentaires et complémentaires, plutôt que de renvoyer ces différents points à un décret en Conseil d’État.
Mme la présidente. L’amendement n° 143, présenté par MM. Sueur et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 55
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° La durée minimale hebdomadaire et/ou mensuelle de travail effectif de la personne détenue ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Au même titre que le projet de loi prévoit la définition par décret en Conseil d’État des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail effectif de la personne détenue, il devrait selon nous également prévoir la définition par décret d’une durée hebdomadaire ou mensuelle minimale de travail effectif de la personne détenue.
La majorité des personnes détenues ayant accès à un emploi travailleront à temps partiel, sans qu’aucune garantie ne soit énoncée sur ce type de contrat.
Si la définition de durées maximales de travail permet de prévenir le risque de surexploitation de la personne détenue et de veiller à sa santé et sa sécurité, celle d’une durée minimale permettrait d’assurer une garantie de rémunération minimale – même si nous avons bien compris, monsieur le garde des sceaux, que le travail en prison n’était pas très cher payé.
Dans le contrat de travail, une règle fondamentale s’impose hors de la prison : celle de la prévisibilité de la durée de travail convenue, de sorte à offrir au travailleur une garantie et une prévisibilité sur son salaire. Dans le droit commun, la durée minimale légale de travail du salarié à temps partiel est ainsi fixée à vingt-quatre heures par semaine.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 191 rectifié est présenté par MM. Wattebled, Decool, A. Marc, Guerriau et Chasseing, Mme Mélot, M. Lagourgue, Mme Paoli-Gagin et MM. Cadec, Lefèvre, Panunzi et Chatillon.
L’amendement n° 213 rectifié bis est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Haye, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 56
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° La durée minimale de travail en cas de recours au temps partiel ;
L’amendement n° 191 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 213 rectifié bis.
M. Thani Mohamed Soilihi. L’article 12, nous le savons, s’inscrit dans l’objectif porté par ce projet de loi de redonner du sens à la peine, en favorisant la réinsertion des personnes détenues par la création d’un contrat d’emploi pénitentiaire. L’article renvoie à un décret en Conseil d’État la définition de plusieurs modalités de mise en œuvre de ce nouveau contrat.
Seront notamment définies par ce décret les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail effectif de la personne détenue, ainsi que les conditions dans lesquelles un dispositif d’aménagement du temps de travail, sur une durée supérieure à la semaine, pourrait être mis en place.
Lors de l’examen du projet de loi en commission, nos rapporteurs ont apporté une précision pour intégrer le régime des heures complémentaires dans le dispositif. Notre amendement s’inscrit en cohérence avec cette démarche. Nous proposons de compléter le texte par une définition de la durée minimale de travail pour couvrir les situations de recours au temps partiel. Tous les efforts en faveur d’une réinsertion la plus réussie possible doivent être accompagnés et encouragés.
Mme la présidente. L’amendement n° 86, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 58
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 719-15-…. – Les agents de contrôle de l’inspection du travail peuvent visiter les établissements pénitentiaires afin de veiller à l’application des dispositions régissant le travail en détention à tout moment. Des visites de l’inspection du travail sur l’ensemble des lieux de travail d’un établissement pénitentiaire sont réalisées périodiquement au minimum trois fois par an.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Nous proposons de permettre aux agents de contrôle de l’inspection du travail de visiter à tout moment les établissements pénitentiaires pour veiller à l’application des dispositions régissant le travail en détention. Nous souhaitons aussi préciser dans le texte que les visites doivent avoir lieu au minimum trois fois par an. À nos yeux, il s’agirait là d’une amélioration considérable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 82. Il est nécessaire de renvoyer dans la loi à un décret pour fixer des règles en matière de temps de travail. L’adoption d’un tel amendement aurait pour effet de supprimer le renvoi au décret sans prévoir de nouvelles dispositions dans la loi. En outre, nous ne sommes pas favorables à la suppression de la possibilité d’autoriser un détenu à effectuer une mise en situation professionnelle.
La commission sollicite le retrait de l’amendement n° 143 au profit de l’amendement 213 rectifié bis, sur lequel elle émet un avis favorable. Il est en effet nécessaire d’encadrer la durée du travail.
Enfin, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 86. La mesure proposée ne nous paraît pas indispensable. L’inspection du travail est déjà très active, et de nombreux contrôles sont aujourd’hui effectués dans les prisons, notamment par la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l’amendement n° 143 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 238, présenté par Mme Canayer et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 64
Remplacer les mots :
la référence : « 713-3 » est remplacée par la référence : « 719-14 »
par les mots :
les mots : « le dernier alinéa de l’article 713-3 » sont remplacés par les mots : « l’article 719-14 »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote sur l’article.
M. Guy Benarroche. Nous considérons l’article 12 comme une véritable avancée, même si nous regrettons que l’amendement relatif au travail à la pièce n’ait pas été adopté.
Nous déplorons également que l’irrecevabilité financière ait été prononcée à l’encontre d’un amendement du groupe CRCE et de trois des nôtres. Ces amendements allaient tout à fait, me semble-t-il, dans le sens souhaité par le Gouvernement. Celui-ci pourrait d’ailleurs les reprendre à son compte, puisque les mesures envisagées ne nécessitent pas de gros moyens financiers et permettraient d’améliorer encore la capacité de réinsertion par le travail en prison. Nos propositions concernent la procédure d’accès au travail, l’information sur l’offre de travail en détention, ainsi que l’information relative au positionnement sur les listes d’attente et la motivation des refus d’affectation.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L’article 12 est adopté.)
Article 13
(Non modifié)
I. – L’article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est abrogé.
II. – À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 12 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, la référence : « au premier alinéa de l’article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire » est remplacée par la référence : « à l’article 719-3 du code de procédure pénale ». – (Adopté.)
Article 14
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de dix mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi aux fins :
1° D’ouvrir ou de faciliter l’ouverture des droits sociaux aux personnes détenues afin de favoriser leur réinsertion :
a à c) (Supprimés)
d) En permettant l’ouverture des droits aux prestations en espèces, en prenant en compte les périodes travaillées sous le régime du contrat d’emploi pénitentiaire et les périodes d’activité antérieures à la détention pour le respect des conditions d’ouverture de droits ainsi que pour l’application des règles de maintien des droits et de coordination entre régimes et de calcul des prestations, pour les prestations :
– de l’assurance maternité prévues aux articles L. 331-3 à L. 331-6 du code de la sécurité sociale, en déterminant les modalités de versement des indemnités journalières en cas de difficulté médicale liée à la grossesse ;
– de l’assurance invalidité et de l’assurance décès, notamment en adaptant la procédure d’attribution de la pension d’invalidité ;
– de l’assurance maladie, à l’issue de la détention ;
e) En permettant l’ouverture d’un droit au versement d’indemnités journalières pendant la détention au titre du régime d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle survenus soit dans le cadre du contrat d’emploi pénitentiaire, soit lors de périodes d’activité antérieures à la détention, en définissant les règles de coordination entre régimes et les règles de calcul des prestations ;
2° De favoriser l’accès des femmes détenues aux activités en détention, en généralisant la mixité de ces activités, sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité ;
3° De lutter contre les discriminations et le harcèlement au travail en milieu carcéral, en permettant :
a) De prévenir, poursuivre et condamner, à l’occasion du travail en détention, les différences de traitement qui ne seraient pas justifiées par des objectifs légitimes et ne répondraient pas à des exigences proportionnées ;
b) De prévenir, poursuivre et condamner des mesures et des comportements de harcèlement moral ou sexuel à l’occasion du travail en détention ;
4° De favoriser l’accès à la formation professionnelle à la sortie de détention et de valoriser les activités bénévoles auxquelles les personnes détenues participent en détention, en permettant :
a) D’ouvrir en détention un compte personnel d’activité prévu à l’article L. 5151-1 du code du travail pour les personnes détenues susceptibles de bénéficier de l’un des comptes qu’il comprend, à l’exception du compte professionnel de prévention prévu à l’article L. 4163-4 du même code ;
b) D’ouvrir et d’alimenter le compte personnel de formation prévu à l’article L. 6323-1 dudit code pour les personnes travaillant sous le régime du contrat d’emploi pénitentiaire, y compris en prévoyant un dispositif spécifique de financement et d’alimentation de ce compte et en permettant de mobiliser des droits acquis sur ce compte à la sortie de détention ;
c) D’organiser l’ouverture du compte d’engagement citoyen prévu à l’article L. 5151-7 du même code pour les personnes détenues et d’en fixer les modalités d’abondement ;
d) De créer une réserve civique thématique prévue à l’article 1er de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté, selon les modalités prévues au même article 1er ;
5° De déterminer les personnes et services ayant pour mission de prévenir toute altération de la santé des détenus du fait de leur travail en détention ainsi que les règles relatives à l’intervention de ces personnes et services, y compris celles relatives à l’évaluation de l’aptitude des personnes détenues et au suivi de leur état de santé ;
6° De confier aux agents de contrôle de l’inspection du travail des prérogatives et des moyens d’intervention au sein des établissements pénitentiaires afin de veiller à l’application des dispositions régissant le travail en détention ;
7° De permettre l’implantation dans les locaux de l’administration pénitentiaire d’établissements et services d’aide par le travail en détention, selon des modalités adaptées aux spécificités de la détention ;
8° De prévoir des modalités de réservation de marchés ou de concessions relevant du code de la commande publique au bénéfice des opérateurs économiques employant des personnes sous le régime d’un contrat d’emploi pénitentiaire, au titre des activités qu’ils réalisent dans ce cadre ;
9° Le cas échéant, d’étendre et d’adapter aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution les mesures prises sur le fondement des 1° à 8° du présent I.
II. – (Non modifié) Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances prévue au I.
Mme la présidente. L’amendement n° 87, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le présent article prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances. Nous déplorons cette nouvelle mise à l’écart de la représentation nationale. L’ouverture de droits sociaux mérite, nous semble-t-il, une attention toute particulière. Nous pensons par exemple aux cotisations retraite. Aujourd’hui, les détenus travaillant en prison sont obligatoirement affiliés à l’assurance vieillesse et peuvent donc acquérir des droits à la retraite. Dans les faits, cela se révèle plus compliqué, puisque le rythme des ateliers limite souvent l’activité à dix-sept heures par semaine. C’est insuffisant pour valider des trimestres ouvrant des droits à la retraite. Comment le Gouvernement entend-il régler ce problème ?
La question de l’assurance chômage est, elle aussi, posée. Or le moins que l’on puisse dire est que les derniers agissements du Gouvernement en la matière ne nous inspirent pas confiance.
Nous demandons donc la suppression de l’article, afin de permettre à la représentation nationale d’établir et de définir collégialement les nouveaux droits sociaux qui pourront être octroyés aux détenus.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Les auteurs de cet amendement souhaitent la suppression de l’article pour des raisons non pas de fond – l’article concerne les droits sociaux afférents aux contrats d’emplois pénitentiaires –, mais de procédure, en l’occurrence le recours aux ordonnances. Il est vrai que nous n’avons pas une appétence naturelle pour les ordonnances. Lors des travaux en commission, nous avions choisi de réduire le champ d’application de l’habilitation, car il nous semblait risqué d’alourdir le coût du travail, notamment vis-à-vis des concessionnaires et entreprises extérieures, qui seraient moins enclines à venir offrir du travail aux détenus.
Nous attendons de savoir si le Gouvernement prendra des engagements visant à alléger le coût du travail, pour que les entreprises aient davantage la volonté de s’impliquer dans le travail en détention.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Je le rappelle, je me suis engagé devant vous sur la prise en charge des droits sociaux concernés. Il s’agit de ne pas décourager les entreprises souhaitant s’impliquer dans nos prisons. C’est le principe de ce travail que je vous demande d’autoriser aujourd’hui. Le contenu des ordonnances sera évidemment soumis au Parlement dans le cadre du projet de loi de ratification. Il ne s’agit donc pas d’un blanc-seing donné au Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement me semble très judicieux. L’article 14 contient 23 alinéas, qui donneront lieu à autant d’ordonnances ou presque. Savez-vous que, pour l’année 2020, 125 ordonnances n’ont pas été ratifiées ? Pour l’année 2021, nous en dénombrons à ce jour encore 125. Cela fait 250 ordonnances non ratifiées ! À chaque fois, on nous sert le même discours : « Le Parlement sera très largement consulté » !
Sur les six amendements relatifs aux conditions de travail que nous avons déposés, aucun n’a été accepté par le Gouvernement ! Comprenez-vous le problème ? On ne peut dessaisir à ce point le Parlement, en lui soumettant des wagons d’ordonnances.
Monsieur le garde des sceaux, vous vous engagez donc à déposer une loi de ratification sur chacune des dispositions de l’article ? Cela sera inscrit au Journal officiel. Nous verrons ce qu’il en sera.
Mme la présidente. L’amendement n° 207, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rétablir les a, b et c dans la rédaction suivante :
a) En prévoyant l’application d’une assiette minimale de cotisations pour l’acquisition de droits à l’assurance vieillesse pour les personnes travaillant sous le régime du contrat d’emploi pénitentiaire ;
b) En prévoyant l’affiliation des personnes travaillant sous le régime du contrat d’emploi pénitentiaire au régime de retraite complémentaire mentionné à l’article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale ;
c) En permettant aux personnes travaillant sous le régime du contrat d’emploi pénitentiaire de bénéficier, à l’issue de leur détention, de droits à l’assurance chômage au titre du travail effectué en détention :
- en adaptant le régime de l’assurance chômage aux spécificités de la situation de ces personnes ;
- en prévoyant les modalités de financement de l’allocation d’assurance chômage ;
- en adaptant la période de déchéance des droits à l’assurance chômage afin de prolonger les droits constitués au titre d’un travail effectué avant la détention ;
La parole est à M. le garde des sceaux.