M. le président. Monsieur le garde des sceaux…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Permettez-moi de finir sur ce point, monsieur le président, et convenez que ce n’est pas moi qui ai entamé cette discussion ; il faut tout de même bien que je réponde…
Beccaria estime que la certitude de la peine est plus intéressante que la lourdeur de celle-ci. Réfléchissons-y un peu : la matière pénale, ce n’est pas rien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9.
L’amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bas, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mmes Boulay-Espéronnier et Bourrat, M. J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mme de Cidrac, M. de Legge, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deroche, Deseyne et Drexler, M. Duplomb, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mme Gosselin, MM. Grand, Gremillet et Grosperrin, Mmes Imbert et Joseph, MM. Joyandet, Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Le Rudulier et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Longuet, Mme M. Mercier, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mme Noël, MM. Nougein et Pellevat, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Regnard, Rietmann, Saury, Sautarel, Sido, Sol et Tabarot, Mme Thomas et MM. C. Vial et J.P. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 132-25 du code pénal est abrogé.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement, lui aussi signé par de nombreux membres de notre groupe, porte sur la question des courtes peines d’emprisonnement ; il nous tient particulièrement à cœur.
Plus précisément, nous entendons par cet amendement revenir sur la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice de Mme Belloubet, aux termes de laquelle les peines d’emprisonnement comprises entre un et six mois doivent être exécutées, par principe, en dehors de la prison.
Dans une logique similaire, cette loi permet au juge de décider que la personne condamnée à une peine supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an, si sa personnalité et la situation le permettent, exécutera cette peine sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté, ou encore du placement à l’extérieur, c’est-à-dire en dehors d’un établissement pénitentiaire.
Une idéologie se cache derrière la réforme de 2019, selon laquelle la prison ne devrait intervenir qu’en dernier recours. Or ces courtes peines d’emprisonnement, qui doivent constituer des électrochocs, sont à notre sens les seules sanctions réellement dissuasives.
J’ajoute que M. Retailleau m’informe à l’instant que le Conseil d’État vient d’annuler la circulaire du 20 mai 2020 de Mme Belloubet qui interdisait les courtes peines, notamment celles de moins d’un mois. (M. le garde des sceaux le conteste.)
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai !
Mme Valérie Boyer. La prison, nous le répétons, ne peut pas être un dernier recours si l’on souhaite effectivement décourager tant la commission d’infractions que la récidive. Nos concitoyens nous le disent.
Tel est l’objet de cet amendement, que je vous propose d’adopter pour transformer un logiciel destructeur, qui sabote chaque jour la confiance des Français dans leur justice.
M. le président. Je vous appelle tous au calme et à la sérénité ! Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cet avis n’est pas favorable, mais nous invitons le Sénat à la sagesse. Nous souhaitons aussi entendre l’avis du Gouvernement, ce qui vous montre, monsieur le garde des sceaux, que nous sommes attentifs à vos analyses !
Pour les uns, la possibilité d’exécuter une courte peine de prison pourrait servir d’électrochoc : une personne qui serait amenée à connaître, pendant huit ou quinze jours, les affres de l’emprisonnement et sa violence serait conduite à ne pas récidiver. Tel est l’argument qui a inspiré la rédaction de cet amendement.
Pour les autres, ce bref emprisonnement serait le meilleur stage d’apprentissage de tout ce qu’il ne faut pas savoir dans la société. Celle-ci prendrait un risque supplémentaire en faisant exécuter une courte peine dans un centre de détention plutôt que par le biais d’un bracelet électronique.
Ayant présenté les deux éléments du débat, nous souhaitons entendre votre appréciation, monsieur le garde des sceaux. J’espère que vous y verrez une marque d’attention puisque nous tiendrons compte du point de vue que vous aurez exprimé au moment de voter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis troublé par cette marque de sollicitude, monsieur le rapporteur ! À vrai dire, je ne me suis toujours pas remis de l’amendement précédent…
Quant à la circulaire du 20 mai 2020, ce que vous affirmez, madame la sénatrice, est faux : ce n’est pas toute la circulaire qui a été annulée, et vous ne pouvez pas tirer de la partie qui l’a été un argument en faveur de cet amendement. Vous pourrez le dire à M. Retailleau de ma part !
Je suis totalement défavorable à ce nouvel amendement, qui relève uniquement – je tiens à dire les choses clairement, monsieur le rapporteur – de l’affichage sécuritaire.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est dans l’air du temps : allons-y ! Que voulez-vous que je vous dise ?…
La loi du 23 mars 2019 a créé un dispositif nouveau en matière d’aménagement des peines d’emprisonnement de moins d’un an. D’ailleurs, votre famille politique a voté en faveur d’un tel aménagement jusqu’à deux ans ; pour notre part, nous l’avons réduit à un an : je tenais à vous le rappeler au passage. Cette réforme est le résultat de travaux pluridisciplinaires et de concertation qui ont mis en évidence le caractère contre-productif des courtes incarcérations en matière de prévention de la récidive.
Bien sûr, la prison est indispensable pour punir, parfois lourdement, mais si son but est la désocialisation, c’est une catastrophe. On sait cela depuis Victor Hugo !
Le but poursuivi par la justice est la punition des faits les plus graves par les peines les plus graves, et celle des faits qui ne sont pas les plus graves par des peines qui ne conduisent pas forcément en prison, puisque l’on sait que celle-ci est criminogène. Voilà ce qui est remis en cause au travers d’un amendement dont on discute à la volée ! Pardonnez-moi de vous dire que ce n’est pas tout à fait l’objet du texte…
Là encore, l’adoption de cet amendement renverserait complètement des équilibres que nous avons mis beaucoup de temps à élaborer, à l’instar du TIG qui remonte – je l’ai dit – à 1983.
Enfin, de guerre lasse, je me rassois : si vous souhaitez tout perturber ainsi d’un revers de manche sans développer davantage votre pensée, sans aucun argumentaire, en prétendant qu’une circulaire a été supprimée quand elle ne l’a pas été, allons-y, mais n’y allons pas gaiement !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement procède effectivement de la même logique que le précédent. À vrai dire, nous aurions pu en examiner d’autres encore, car il existe d’autres alternatives à l’emprisonnement ferme dont la suppression n’a pas été proposée par ses auteurs… Si l’on suit jusqu’au bout leur logique, il ne restera finalement comme seule possibilité de peine que la prison.
À la lecture de l’objet de cet amendement, je m’interroge.
J’ai entendu vos propos, madame Boyer, sur la nécessaire lutte contre la récidive. Nous avons tous ici procédé à des visites de centres pénitentiaires. Très sincèrement, je ne suis pas certaine qu’un mois en prison fasse du bien à quiconque et l’empêche de recommencer à la sortie !
Je ne voudrais pas que mes propos sonnent comme une discussion de comptoir, mais c’est tout le contraire qui se passe : malheureusement, quand on sort d’un mois de prison, on subit souvent deux ou trois autres difficultés sociales et psychologiques. Et ces difficultés concernent tant l’individu qui sort de prison que la société.
Pour lutter contre la récidive – démarche que nous pourrions partager –, la proposition avancée n’est pas la bonne. Certes, tout va bien, les méchants vont en prison et la société est sous contrôle… Mais pour construire une société où l’on peut bien vivre et dormir tranquille, il ne suffit pas de décider que les méchants vont en prison. C’est un peu plus complexe !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Face à des amendements aussi politiques et à vocation fortement électoraliste, nous ne pouvons pas ne pas intervenir.
Je le redis, à la suite de M. le garde des sceaux et de mes collègues, une peine, ce n’est pas qu’une punition. Elle représente avant tout la mise à l’écart de la société pendant un certain temps, mais aussi la réinsertion et la resocialisation. Les travaux d’intérêt général ont permis depuis des années de bâtir un équilibre en faveur de la réinsertion, équilibre que vous venez de détruire par l’amendement que vous avez voté voilà quelques minutes, mes chers collègues.
L’amendement sur lequel nous nous apprêtons à voter est très clair. Il signifie : la prison, faute de mieux. Parions que, si le bannissement existait, vous le proposeriez !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Monsieur le garde des sceaux, nous avons tous ici à cœur de défendre au mieux ce en quoi nous croyons. Nous ne faisons pas de surenchère, nous essayons simplement de faire valoir à la fois nos convictions et notre expérience.
Et puisque vous parlez de surenchère, permettez-moi, en tant que Marseillaise, de vous rappeler que le Président de la République, à Marseille, a lui aussi fait de la surenchère sécuritaire ! Ce genre d’anathème n’a donc pas lieu d’être dans cet hémicycle.
Mme Éliane Assassi. Ne mélangeons pas tout !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. S’il est adopté, cet amendement fera des délinquants, pas autre chose.
Les peines courtes exécutées sont le meilleur moyen de transformer les gens délinquants, de leur faire rencontrer leurs futurs parrains, de leur donner de mauvaises habitudes, d’autant que l’on n’a absolument pas les moyens de les encadrer pendant cette période. Par conséquent, cela ne sert absolument à rien, sinon à désocialiser encore un peu plus !
Je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je ne suis pas sûre que nous puissions aujourd’hui engager une réflexion d’envergure – philosophique, mais aussi sociologique – sur les effets de la prison ou sa capacité à limiter ou non la récidive. Peut-être aurons-nous un jour ce débat…
Je vais proposer une solution de sortie aux auteurs de cet amendement.
L’article 132-25 du code pénal qu’il est proposé de supprimer – je rappelle qu’à l’époque, pour notre part, nous ne souhaitions pas qu’il concerne uniquement les peines inférieures ou égales à un an d’emprisonnement – inverse le principe en prévoyant que la peine sera exécutée sous le régime soit de la détention à domicile sous surveillance électronique, ce qui n’est tout de même pas très plaisant, soit de la semi-liberté, soit du placement à l’extérieur. Il n’empêche donc pas l’emprisonnement, puisqu’il est bien précisé : « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné ». Le juge donc peut considérer que la situation de celui qu’il est en train de condamner ne permet pas d’organiser l’exécution de sa peine de cette manière.
Voilà qui devrait vous rassurer, mes chers collègues, et vous inciter à retirer cet amendement, dont l’adoption serait totalement contraire à l’objectif que vous visez. Exécuter une très courte peine en détention, cela signifie quitter son travail, quitter sa famille : les effets sont très lourds !
Madame Boyer, vous ne m’écoutez pas, c’est dommage. C’est vous que j’essaie de convaincre et je ne suis pas sûre d’y arriver…
M. Jean-François Husson. Madame, laissez-la libre !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’essaie simplement de la convaincre, mais elle ne m’écoute pas et j’en suis fort triste.
Toujours est-il qu’il faut mesurer l’impact d’une courte peine. Et quand bien même on considère que la prison est la sanction la plus efficace, il faut voir l’effet pervers de la très courte peine au regard des objectifs que l’on se fixe.
Je le répète, cet article n’empêche pas l’emprisonnement ; le juge peut le décider. J’espérais pouvoir vous convaincre de retirer cet amendement, que nous ne voterons pas.
M. le président. L’amendement n° 166 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° de l’article 41-1 du code de procédure pénale, après le mot : « parentale », sont insérés les mots : « , d’un stage de sensibilisation à la protection de l’environnement ».
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Alors que tous affichent une conscience nouvelle des problématiques liées au dérèglement climatique, la création de stages spécifiques de sensibilisation à la protection de l’environnement nous paraît souhaitable.
Les élus locaux sont de plus en plus impliqués dans ces démarches – lutte contre les dépôts d’ordures sauvages, etc. – et notre arsenal pénal s’étoffe, année après année, afin de sanctionner ces atteintes à notre environnement. Il convient donc de permettre une mesure pédagogique spécifique sur le sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cet amendement est satisfait : il est extrêmement fréquent que soient ordonnés des stages en matière environnementale dans le cadre des mesures alternatives.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 166 rectifié est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Je soutiens cet amendement. Quand bien même le recours à ces stages est de plus en plus fréquemment ordonné par les tribunaux, nous préférons que ce soit clairement mentionné dans la loi.
C’était d’ailleurs le sens de l’amendement que j’avais déposé lors de l’examen de la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale et qui n’avait, hélas, pas été adopté. M. Guy Benarroche nous donne l’occasion de le faire maintenant. C’est pourquoi nous voterons son amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 166 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 9 bis
(Non modifié)
À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 221-4 du code pénal, les mots : « en bande organisée » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 9 ter
(Non modifié)
Le troisième alinéa du I de l’article 728-1 du code de procédure pénale est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« En cas d’évasion du détenu, la part disponible de son compte nominatif est affectée d’office à l’indemnisation des parties civiles. Le reliquat est versé au Trésor, sauf décision de l’administration pénitentiaire qu’il soit rétabli en tout ou partie au profit du détenu lorsque ce dernier a été repris.
« À l’expiration d’un délai d’un an à compter de l’évasion du détenu et si sa reprise n’a pas été signalée, les objets laissés sont remis à l’administration chargée des domaines et les valeurs pécuniaires sont versées au Trésor.
« Les modalités d’application de ces dispositions sont précisées par décret. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 9 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 9 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 137-4, il est inséré un article 137-… ainsi rédigé :
« Art. 137-…. – La personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire français ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français ne peut bénéficier des mesures prévues aux sous-sections 1 et 2 de la présente section. » ;
2° Le second alinéa de l’article 729-2 est supprimé.
II. – Après l’article 132-1 du code pénal, il est inséré un article 132-1-… ainsi rédigé :
« Art. 132-1-…. – Une personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire français ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français ne peut être condamnée à une peine nécessitant pour son exécution sa présence sur le territoire national, à l’exception de l’emprisonnement, la détention criminelle ou la réclusion criminelle effectifs au sein d’un établissement pénitentiaire.
« Aucun aménagement de peine nécessitant pour sa bonne exécution la présence du condamné sur le territoire français ne peut être accordé à une personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire national ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français.
« Les peines d’emprisonnement, de détention criminelle ou de réclusion criminelle des personnes visées à l’alinéa précédent ne peuvent être aménagées que selon les modalités prévues à l’article 729-2 du code de procédure pénale. »
III. – Après l’article L. 264-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 264-… ainsi rédigé :
« Art. L. 264-…. – Les décisions d’éloignement d’un étranger faisant l’objet d’une décision de l’autorité judiciaire dont l’exécution nécessite sa présence sur le territoire français ne peuvent être mises à exécution en l’attente de la fin des obligations mises à sa charge. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement technique et pas du tout émotionnel.
Le drame du meurtre du père Olivier Maire, en Vendée, qui a ému l’opinion publique, a mis en lumière des incohérences entre une décision administrative et une décision judiciaire. Cet amendement a donc pour objet une réforme rapide et simple à mettre en œuvre, celle de rendre impossible le prononcé par un juge judiciaire de mesures pré-sentencielles et post-sentencielles à l’encontre d’un individu n’ayant pas de titre de séjour régulier, ces mesures impliquant sa présence sur le territoire national.
Toute personne frappée d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui se voit condamnée à une peine d’intérêt général restera sur le territoire. Il y a là une contradiction entre la position de la juridiction administrative et celle de la juridiction judiciaire. La décision judiciaire servira à la personne concernée en quelque sorte à rester sur le territoire national, ce qui est complètement incohérent.
J’ai déposé une proposition de loi en ce sens, que j’ai transformée en amendement pour insérer cette mesure dans le texte que nous examinons aujourd’hui, de façon à résoudre ce problème.
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par Mme Borchio Fontimp, M. Babary, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Bonne et Bouchet, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Burgoa, Cadec et Charon, Mme Chauvin, M. B. Fournier, Mme Garnier et MM. Grosperrin, Lefèvre, H. Leroy, Panunzi, Saury, C. Vial et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article 729-2 du code de procédure pénale est supprimé.
La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Cet amendement a pour objet d’interdire la libération conditionnelle d’un étranger définitivement condamné et incarcéré quand il fait l’objet d’une mesure d’interdiction du territoire français, d’interdiction administrative du territoire français, d’obligation de quitter le territoire français, d’interdiction de retour sur le territoire français, d’interdiction de circulation sur le territoire français, d’expulsion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Sur ces amendements, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement. Je m’en explique.
Le meurtre du père Olivier Maire, qui s’est déroulé en Vendée, est un drame qui a bouleversé les Français et qui reste très présent dans notre vie publique. Je constate qu’il y est souvent fait référence dans le débat politique pour soutenir telle ou telle position. Aucun d’entre nous ne sous-estime donc le poids émotionnel de cette question, ce qui ne veut pas dire que ces amendements relèvent du domaine de l’émotion.
Ce sujet comporte deux parties, l’une que nous connaissons et l’autre non.
Nous connaissons la situation d’un étranger en situation irrégulière lorsqu’il fait l’objet d’une condamnation. Sur ce point, monsieur le garde des sceaux, le Sénat s’échine à essayer de faire valoir l’idée qu’une condamnation pénale – on peut éventuellement discuter de son niveau – vaudrait OQTF. Cette revendication n’a jamais abouti, les gouvernements successifs ayant considéré que la partie administrative devait être individualisée par rapport à la partie pénale et qu’il fallait reconstituer, si je puis dire, le cycle administratif pour obtenir une décision d’expulsion. Pour notre part, nous ne le pensons pas.
La question posée au travers de ces amendements est différente, et nouvelle pour nous : elle porte sur la situation d’un étranger en situation irrégulière qui commet une infraction importante, voire dramatique, comme celle à laquelle nous faisons référence et qui blesse intimement chacun d’entre nous. Que fait-on alors ? L’expulse-t-on purement et simplement, ce qui sous-entend que cette infraction ne recevra pas de sanction dans notre pays ? Le place-t-on en détention provisoire, auquel cas on ne l’expulse pas ? L’expulse-t-on, alors même qu’il est en détention provisoire, comme c’est suggéré ?
Je le répète, la situation est différente de celle que l’on a analysée jusqu’à présent, puisqu’elle concerne un étranger en situation irrégulière placé en détention provisoire ou sous un régime susceptible de le justifier. Sur cette question, nous n’avons pas de réponse évidente. Nous pensons savoir que le ministère de l’intérieur ou le vôtre, monsieur le garde des sceaux, a diligenté une inspection sur ce sujet.
C’est pourquoi nous souhaitons connaître les éléments nous permettant d’apprécier la pertinence de ces amendements ou la nécessité de les retravailler.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pour ce qui concerne l’amendement n° 5 rectifié, je suis totalement opposé à l’interdiction de prononcer un contrôle judiciaire, qui est parfois le seul moyen de s’assurer de la présence de l’intéressé sur le territoire national.
Madame la sénatrice, vous avez fait allusion au drame absolu que constitue le meurtre du père Olivier Maire, en Vendée. Je ne parlerai pas de la procédure qui est en cours. En revanche, je peux fournir quelques éléments procéduraux : pour l’incendie de la cathédrale, il y a des poursuites, une mise en examen et une détention provisoire qui ne peut durer qu’un an – la procédure pénale ne permet pas autre chose. Avant l’expiration de ce délai, le magistrat instructeur ordonne une mise en liberté assortie d’un contrôle judiciaire – c’est la seule façon de surveiller.
L’OQTF ne saurait être la seule décision administrative ne pouvant pas faire l’objet de recours et, en l’occurrence – nous le savons –, les OQTF ont été annulées. Que n’aurait-on dit si l’on avait expulsé un suspect mis en examen ? Je ne me prononce pas sur la culpabilité du prévenu dans ce drame ; à ce stade, je n’ai rien en dire. Certains auraient poussé des cris d’orfraie, considérant que l’on incite les étrangers en situation irrégulière à commettre des infractions sur notre sol. Ce volet-là n’aurait jamais été jugé.
Prenons l’exemple d’une infraction avec des violences. Comment les victimes obtiendront-elles directement réparation ?
Par conséquent, l’exemple que vous avez retenu pour illustrer votre hypothèse démontre à l’évidence que le contrôle judiciaire est utile. La situation de quelqu’un qui est sous main de justice, mais qui ne peut plus rester détenu, car ce serait sinon une détention arbitraire, fait l’objet d’un contrôle judiciaire strict. Cela permet, justement, de le tenir sous main de justice.
On ne peut pas regretter tout et son contraire. Bien sûr, le drame auquel vous avez fait référence est atroce, mais il est impossible de réécrire l’histoire.
Vous comprenez donc, j’en suis certain, ma réticence, sinon mon hostilité face à cet amendement. On ne peut pas se priver du contrôle judiciaire !
J’en viens à l’amendement n° 24 rectifié bis, qui tend à supprimer le second alinéa de l’article 729-2 du code de procédure pénale relatif à la libération conditionnelle, dite « libération conditionnelle-expulsion ». Là non plus, ce n’est pas une mesure de faveur. Ce n’est pas une libération conditionnelle classique et je souhaite que vous l’entendiez. Elle ne vise pas la réinsertion, elle vise à renforcer l’effectivité du renvoi de l’intéressé dans son pays.
Par conséquent, on ne peut pas supprimer ce texte, qui est très utile. Par ailleurs, vous savez à quel point il est parfois difficile de renvoyer des étrangers chez eux, dans la mesure où leur pays d’origine ne les veut plus.
Ne nous privons pas de cet outil supplémentaire, qui fonctionne bien quand les pays d’origine jouent le jeu, ce qui est souvent le cas. La libération conditionnelle-expulsion permet d’accélérer l’expulsion. Il serait donc contre-productif de la supprimer.
Avis défavorable.